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- Volume 20 : 2020
- Trente ans de dynamiques fédérales et régionales
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Identité et priorités nationalistes flamandes
Évolution des discours de leaders autonomistes (VU/1992 – N-VA/2019)
Table of content
1. Introduction
1En juillet 2020, soit quatorze mois après les dernières élections législatives et vingt depuis la chute du gouvernement Michel I, le président de l’Alliance Néo-flamande, Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) annonce que son parti ne prendra pas part à un hypothétique gouvernement qui soutiendrait une loi dépénalisant et élargissant les délais relatifs à l’interruption volontaire de grossesse12. Si la centralité de cette question a très rapidement été dépassée, elle témoigne de la capacité de glissement dans les priorités affichées des partis politiques, selon les périodes et rapports de force.
2Une série de travaux récents traite de l’évolution des programmes de la N-VA et, avant elle, de l’Union du peuple, Volksunie3, voire de la continuité entre ces deux partis4. Le présent article a pour ambition de se baser sur un autre type de documents au statut particulier, non-programmatique : des ouvrages de présidents de partis nationalistes. En effet, nous nous concentrerons ici sur De Vergeten Vernieuwing5, publié par Bert Anciaux (alors président de la Volksunie) en 1992 et Over Identiteit6, écrit par Bart De Wever (président de la N-VA) en 2019. Ceci permettra de comprendre comment deux leaders de partis, présentés comme démocrates et nationalistes, pensent devoir communiquer au sujet de l’identité.
3La publication de ces deux ouvrages coïncide presque avec celle du premier et du dernier numéro (à ce jour) de la Revue Fédéralisme/Régionalisme, les réflexions que nous proposerons sur le positionnement de ces (présidents de) partis accompagneront donc en quelque sorte l’histoire de cette revue.
2. Méthode d’analyse : paradigmes et syntagmes
4Pour étudier ces textes, nous nous proposons d’utiliser l’outil d’analyse paradigmatique et syntagmatique des discours développé par Claisse, Counet et Verjans7. Pour chacune des quatre questions fondamentales identifiées par Stein Rokkan8 (identité, légitimité, production et redistribution), nous identifierons et comparerons les positionnements qui transparaissent des textes étudiés en les replaçant dans le contexte politique de chacune des deux époques et les enjeux qui paraissent prioritaires aux deux leaders autonomistes flamands.
5Cette grille d’analyse a le mérite de systématiser l’analyse des positions d’une autrice ou d’un auteur, mais elle ne peut s’appliquer toujours de manière complète, attendu qu’elle est entièrement tributaire du contenu du texte étudié. Si nous avons décidé d’ici présenter les positions tant sur le plan des doctrines (soit les principes d’actions qui se dégagent des textes) que sur le plan des pratiques (touchant aux intérêts liés aux positions institutionnelles privilégiés), l’analyse développée infra mêlera les deux niveaux.
6L’identité collective (qui sommes-nous ?) peut renvoyer à des postures différentes sur les fonctions d’identification et de protection. Sur la première citée, l’on distingue les positions inclusivistes, basées sur une ouverture de la société et une idée selon laquelle l’identité est une (re)production collective continue et les postures exclusivistes, estimant que le « nous » est une donnée qu’il convient de protéger en en refusant – ou restreignant – l’accès. Au niveau des pratiques, la fonction de protection voit s’opposer les postures avantageant le centre qui s’est constitué à la naissance de l’État et celles préférant la périphérie, s’estimant souvent lésée par les décisions centrales.
7La question de la légitimité (pourquoi vivons-nous ensemble ?) ouvre quant à elle à des choix sur les fonctions de légitimation et d’initiation. La légitimité peut ainsi se trouver à l’intérieur même d’une société, de ses institutions et de ses débats pour les tenants de la logique autoréférentielle ; quand la logique hétéroréférentielle trouvera la motivation à vivre ensemble à l’extérieur (ou au-dessus), par exemple dans des conceptions passéistes voire déistes. Ceci se traduira au niveau des pratiques par des positions confiant les missions d’initiation préférentiellement à l’État fondé sur la représentation ou à l’Église basée sur la révélation.
8La question de la production (comment produisons-nous ?) soulève des enjeux en termes de (résistance à la) marchandisation et de rationalisation. Les logiques doctrinales qui s’opposent sont l’individualisme, mettant en avant l’individu et ses comportements isolés et le holisme, qui amène à considérer que l’ensemble des individus s’inscrivent dans une logique sociétale qui dépasse la somme de leurs actes. Les institutions centrales à cette question (et les pratiques y afférant) sont, d’un côté, le marché, l’échange, la marchandisation des biens et des pratiques sociales ; et de l’autre, le terroir, la limitation de la production à la soutenabilité, la production locale et les combats écologistes.
9La distribution des richesses fait l’objet d’une confrontation classique dans la littérature et les mouvements sociaux qui oppose le capital et le travail. Au niveau des doctrines, la fonction d’évaluation sépare les logiques partagistes, partant de l’idée que les sociétés humaines se doivent de rechercher l’égalité entre leurs membres et le discours méritiste, qui consiste à récompenser les individus jugés plus compétents ou ayant participé plus à l’amélioration du sort de la cité.
10On peut donc chercher, dans un discours politique, quelle position l’acteur adopte sur chacune des huit fonctions soit à gauche des positions doctrinales (inclusiviste, autoréférentielle, holiste ou partagiste) soit à droite (exclusiviste, hétéroréférentialiste, individualiste, méritiste) et, par rapport aux positions des intérêts, soit en position haute (Centre, Église, Marché, Capital) soit en position basse (Périphérie, État, Terroir, Travail). Les programmes des partis politiques sont souvent très complets sur ces huit fonctions mais les livres plus personnels sont bien plus lacunaires et ne passent pas en revue tous les débats politiques de l’époque, toutes les institutions qu’ils souhaitent modifier en fonction de leurs préférences. Il y a donc seize positions possibles pour chaque acteur politique et chaque acteur peut en adopter huit, une sur chacune des fonctions. Rappelons également, comme il est noté dans l’ouvrage que les oppositions ne sont pas absolues mais relatives : les positions sont adoptées par rapport au contexte de l’époque et du lieu, des adversaires proches ou lointains dont on se démarque9. Comme pour Ferdinand de Saussure, les oppositions les plus affirmées peuvent venir de positions objectivement proches mais, subjectivement, les nuances apparaissent fondamentales à l’acteur ou à l’observateur du moment.
11Les deux textes seront donc analysés en fonction de ces quatre questions, sans chercher à couvrir les huit fonctions et seize positions possibles. Le tri obtenu dans les positions nous donnera un agglomérat des paradigmes, qui seront brièvement comparés à chaque fin de section. Il nous faudra ensuite proposer l’ordre des priorités pour les auteurs des deux textes étudiés, soit leur syntagme.
3. Présentation des textes
3.1 Bert Anciaux, De vergeten vernieuwing, 199210
12
13L’ouvrage de Bert Anciaux est publié plusieurs mois après les élections législatives du 24 novembre 1991 et alors qu’il devient président de la Volksunie (VU). Le contexte mérite quelque développement. Il s’agit d’une période difficile pour le parti. Au terme de sa deuxième participation gouvernementale11, orientée vers les réformes institutionnelles, il quitte le gouvernement quelques mois avant le scrutin en raison d’un conflit autour de la conclusion de contrats d’armements au bénéfice de l’industrie wallonne12. Le parti passe de seize à six sièges et se voit dépassé par un Vlaams Blok progressant quant à lui de deux à douze sièges entre 1987 et 1991. Comme en 1979, le parti est menacé par le parti d’extrême-droite issu de ses rangs. En 1981, la remontée de la VU après son échec de 1978 avait été due à plusieurs facteurs dont un renouveau idéologique et la non-participation à la deuxième réforme de l’État de 1980. Le renouveau idéologique avait été entériné lors d’un congrès du 15 décembre 1979 et avait décrit le profil de la VU comme « nationaliste flamand, socialement progressiste, tolérant »13 et cette prise de distance d’avec les positions catholiques traditionnelles semblaient avoir été confortées ultérieurement quand, en 1987, le président Jaak Gabriëls, confirmé par un congrès en 1988, affirme la volonté de promouvoir une « nouvelle culture politique » dépassant les clivages politiques traditionnels et la pilarisation. La participation au gouvernement Martens VIII qui va adopter la troisième réforme de l’État est acceptée par la VU à une large majorité et aucun député ni sénateur ne refuse de voter la confiance au gouvernement, contrairement à la première participation.
14Au PS par contre, les débats autour de cette participation sont durs, un courant régionaliste soutenant José Happart, symbole de la lutte des habitants de Fourons14 s’opposa à l’accord gouvernemental qui ne satisfaisait pas les revendications des Fouronnais francophones15 ; le vote sur la participation au gouvernement ne remporta que 60 % des votes du parti tandis qu’à la VU, l’acceptation de la participation au gouvernement fut ratifiée à 87 %. Le « rendez-vous avec l’histoire » du meneur fouronnais lui permit d’attirer 234.996 voix de préférence lors des élections européennes de 1984 et 308.117 en 1989. La fin du parti régionaliste wallon se fit donc en deux temps : en 1977 avec l’absorption des équipes ministérielles de François Perin, Jean Gol et Etienne Knoops au parti libéral puis en 1984 avec l’absorption de l’essentiel des militants restants par le parti socialiste. José Happart représentait ce que les jeunes de la VU voulaient éviter : un discours régionaliste récupéré par un parti traditionnel, un noyautage d’une machine à voix dans une machine de pouvoir. Ce miroir de l’autre va provoquer une mimésis inverse chez des jeunes flamingants comme Bert Anciaux.
15La VU va être critiquée par une partie du mouvement flamand pour le compromis que la troisième réforme de l’État représente en acceptant la mise sur pied de la Région de Bruxelles-Capitale et le bétonnage des facilités pour les communes de la périphérie bruxelloise. Divisée également car, lors du vote de la proposition de loi Lallemand-Michielsen sur la dépénalisation partielle de l’interruption volontaire de grossesse, un des députés VU soutint cette proposition alors que huit autres s’y opposèrent et que les sept derniers s’abstinrent. Des sanctions furent demandées contre le député favorable qui n’avait pas suivi les recommandations du parti16, imprégné des consignes de l’Église catholique17.
16Le débat qui suit l’échec de 1991 sur la stratégie à adopter est résumé ainsi par Serge Govaert : « Pour les uns, la Volksunie doit en revenir à une position plus “dure”, abandonner le créneau centriste qu’elle occupe depuis plusieurs années et se redéfinir en tant que parti nationaliste : telle est notamment l’option défendue par Bert Anciaux, échevin à Bruxelles-ville et fils de l’ancien président du parti. Bert Anciaux peut compter sur l’appui de plusieurs sections du parti […]. Pour les autres, et c’est la position du président sortant Jaak Gabriëls, la Volksunie doit d’urgence se trouver une place sur l’échiquier politique flamand : dans une Flandre autonome en effet, le discours nationaliste “pur et dur” perd son impact, et la Volksunie doit se doter d’un profil pluraliste, dépassant les clivages traditionnels du système politique belge. Jaak Gabriëls considère que l’autonomie flamande n’est plus un thème susceptible de mobiliser l’électorat : les échecs successifs de la Volksunie en sont la preuve. Les succès du Vlaams Blok sont, dans cette optique, attribués à des facteurs étrangers au nationalisme proprement dit »18. Remarquons que la pertinence d’un discours uniquement identitaire semble également évaporée du côté francophone, puisque le Rassemblement Wallon s’est dissout dans deux partis traditionnels.
17Après cette défaite, Jaak Gabriëls, président de la VU, voulut renforcer le tournant idéologique libéral qu’il avait donné au parti au cours des précédentes années. Il ne fut pas suivi par une majorité de membres et finit par démissionner de son poste de président en juin 1992 puis par quitter le parti et rejoindre la nouvelle formation libérale VLD, issue du PVV. Nouvellement élu président, Bert Anciaux, âgé alors de 32 ans, est donc confronté au défi de redessiner une ligne idéologique capable de remobiliser ses membres en affirmant un nationalisme flamand à la fois ouvert et social et de (con)vaincre face au succès inattendu du parti d’extrême-droite mais aussi au départ de son ancien président et de plusieurs figures importantes du parti vers les rangs libéraux. Il affirme que le combat flamingant continue et qu’un rajeunissement des cadres devrait attirer de nouveau des électeurs. Il est élu président du parti le 13 juin 1992 et écrit son livre cinq semaines plus tard. Il doit régler ses comptes avec ceux qui veulent lier le sort de ce qui reste de la VU au VLD, il doit régler ses comptes avec ceux qui pensent que le nationalisme flamand est lié à une identité figée accaparée par l’extrême droite, il doit régler ses comptes avec ceux qui, de l’autre côté de la frontière linguistique, pensent que le régionalisme a atteint son objectif et qu’il s’agit désormais de faire de la politique suivant les clivages traditionnels. Il veut construire une position ouverte sur l’identité, ouverte aussi sur le plan éthique et social : partagiste, inclusiviste et ne suivant plus les consignes bioéthiques du Vatican.
18 Cet ouvrage, rédigé pendant l’été suivant son élection à la présidence, au ton très intime, parfois léger et anecdotique, s’adresse explicitement à la jeunesse et remet en cause les pratiques et conceptions des partis traditionnels. Il constitue une source intéressante pour reconstruire une représentation particulière et située dans le temps du nationalisme flamand porté par le nouveau leader d’une formation historique de ce mouvement. Nouveau leader qui servit de point de comparaison à Filip Rogiers quand il tenta, plusieurs années plus tard, d’expliquer la résilience de José Happart : c’est que, écrivait-il, celui-ci est en quelque sorte aussi populaire au sud de la frontière linguistique que Bert Anciaux ne l’est au nord, quoiqu’il fasse ou ne fasse pas19. La mimésis des deux vedettes électorales des décennies du tournant du siècle inversait leur posture dans des champs politiques en miroir20.
3.2 Bart De Wever, Over Identiteit, 201921
19Au moment d’aborder les élections législatives, régionales et européennes du 26 mai 2019, Bart De Wever est président de la N-VA depuis près de quinze ans. Sa désignation à la tête du parti suit de quelques mois son élection au Parlement flamand, en juin 2004. À cette époque, la N-VA obtient ses premiers sièges au Parlement flamand22 depuis sa fondation en 2001, suite à l’implosion de la VU et vient d’entamer un cartel (dit “cartel flamand”) avec les chrétiens-démocrates du CD&V, qui sortent de leurs premières législatures d’opposition (tant au niveau fédéral que communautaire) et accentuent significativement leurs revendications confédéralistes23. Cette alliance, devenue premier groupe à la chambre des représentants fédérale en 2007 fait très largement connaître Bart De Wever et son parti, qui réclame une réforme de l’État rapide et décide en septembre 2008 de rompre l’alliance – et, partant, de quitter le gouvernement flamand24 et de ne plus accorder sa confiance au gouvernement fédéral. La N-VA, dirigée depuis 2004 par un Bart De Wever de plus en plus populaire, notamment par sa participation à un jeu télévisé diffusé sur la première chaîne publique flamande, devient le plus grand parti de Belgique en 2010 (27 sièges sur 150) et sa domination confirmée en 2014 (33 sièges sur 15025), juste avant d’intégrer pour la première fois le gouvernement fédéral. Au moment de former un gouvernement avec le CD&V et les deux partis libéraux (Open-VLD et MR), la N-VA ne se concentre plus sur des questions institutionnelles26 et met en avant la politique socio-économique qu’elle désire mener. Aux élections provinciales du 14 octobre 2018, la N-VA perd 300.000 électeurs sur 1.350.000 et passe de 28 % des électeurs inscrits en Flandre à 21 %. À l’inverse, le Vlaams Belang regagne 300.000 voix et passe de 5 à 11 % des électeurs inscrits. On peut imaginer que, pour certains dirigeants de la N-VA, les compensations semblaient évidentes : les compromis passés par la N-VA avec un parti francophone sans évolution institutionnelle ont permis la résurgence d’un parti plus flamand. Par ailleurs, le Vlaams Belang a utilisé la crise migratoire issue notamment de la guerre civile syrienne comme repoussoir de la politique d’asile fédérale. Peu après les élections provinciales, Theo Francken, secrétaire d’État fédéral N-VA à la migration, participe à un débat à propos du pacte de Marrakech sur les migrations le jeudi 22 novembre, avec le président du Vlaams Belang à l’occasion de laquelle il affirme s’inspirer du Vlaams Belang sur la question migratoire27. Après plus de quatre ans de situation gouvernementale stable, la N-VA quitta le gouvernement Michel autour de la question du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières28. Si la signature de ce traité, non-contraignant et moins poussé que les législations européennes existantes ne semble pas avoir été remise en question pendant tout le processus diplomatique de négociation, la volte-face de la N-VA fait suite à une campagne du Vlaams Belang, parti d’extrême-droite flamand, dénonçant un « acte de soumission [qui] fait de l’immigration un droit universel et ouvre largement nos frontières » à travers une pétition lancée le 15 novembre 201829.
20L’ouvrage étudié paraît donc durant la première campagne électorale législative suivant une période de participation fédérale30. Bart De Wever y mêle les discussions historiques et théoriques, d’une part ; et les préférences politiques d’un point de vue flamand et européen (ou occidental), d’autre part. L’ouvrage est moins personnel est nettement plus ciblé et doctrinal que celui proposé par Bert Anciaux. En effet, si l’autonomie flamande n’est pas mise en avant autrement que dans sa dimension identitaire (et qu’il n’est pas donc pas question de francophones ou d’autorité fédérale), le discours vis-à-vis de l’islam, l’islam politique et l’islam radical se fait plus prioritaire et donc plus précis – et semble donner suite à l’alignement sur le Vlaams Belang.
4. Analyse paradigmatique
4.1 Qui sommes-nous ?
21Bert Anciaux affirme une identité flamande fortement ancrée territorialement mais néanmoins ouverte et tolérante. Pour lui, le nationalisme n’est pas donné par le sang ou la descendance, comme l’entend le Vlaams Blok31. C’est au contraire « la territorialité qui est le cadre de référence du nationalisme »32 et le nationalisme flamand qu’il défend « constitue un appel pour une Flandre qui célèbre chaque individualité »33. La Volksunie souhaite en ce sens « prendre la responsabilité du bien-être et de la prospérité de la Flandre, c'est-à-dire de chaque individu vivant sur notre territoire, sans distinction d’origine, de race ou de langue »34. Il oppose cette vision à celle des francophones, qui « ont toujours été très opposés à cela : le droit du sol était détestable, pour eux le droit du sang s’appliquait »35.
22Bien qu’assez frontal vis-à-vis des francophones et « l’impérialisme » dont il dénonce assez longuement les effets sur la scène politique belge36, il estime qu’« [u]n nationalisme sain est universel [et] n’est pas opposé à un autre peuple mais, au contraire, il vise le meilleur pour chaque nation, partout dans le monde »37. Pour Bert Anciaux, une « société européenne ne peut être humaine que si elle repose sur des communautés naturelles, et non sur des États comme la Belgique qui, contre l’histoire, a été créée par des diplomates et des dictateurs »38. Dans la continuité des positions de son parti, il place ainsi l’avenir de la Flandre indépendante dans une Europe fédérale des Peuples39, pensée comme multiculturelle. Ce renvoi à l’Europe déplace la question du centre. Il cite ainsi Jaak Vandemeulebroucke : « L’Europe elle-même doit encourager les États membres à développer des formes d’autonomie adaptées aux régions. Non pas pour créer de nouveaux mini-États, mais pour réorganiser la “vie communautaire” en vue d’un modèle pluraliste de société avec une multitude de cultures, respectant la richesse de la diversité et reconnaissant l’engagement mutuel et la solidarité »40.
23Il rappelle que « l’indépendance flamande était l’objectif lointain du mouvement flamand »41 et y voit toujours un projet à la fois progressiste et pragmatique : « [l]’histoire et aujourd'hui nous apprennent que cet objectif n’est pas insensé ou basé uniquement sur une romance rétrograde. Au contraire, la poursuite de l’indépendance flamande dans l’Europe de demain est un objectif pur basé sur des considérations pragmatiques »42.
24Il plaide également pour la tolérance : « [e]n fin de compte, le Blok (…) a trouvé un bouc émissaire – les migrants – et blâme tout ce qui est mauvais sur leur dos »43. Il trouve la « violence raciste du Blok » et ses « techniques nazies révélatrices » répugnantes44.
25Si la N-VA peut être qualifiée de parti périphériste en ce qu’elle défend l’autonomie (contre le centre belge unitaire), la posture prise dans l’ouvrage de Bart De Wever est de défendre le centre occidental contre la déviation étrangère. « Nous devons accepter le processus de désoccidentalisation du monde ; mais cela ne veut pas dire que nous devons accepter la désoccidentalisation de l’Europe »45. Il ajoute que « [s]i l’Europe veut gagner une certaine crédibilité, nous devons nous approprier notre passé. Sans arrogance, mais aussi sans honte »46. Il y a lieu de bâtir une communauté cohérente sur le plan identitaire, sans quoi « [n]ous allons perdre le contrôle sur notre propre futur »47.
26S’agissant de la question flamande, Bart De Wever insiste sur la dimension contingente, c’est-à-dire la volonté de construction (nous y reviendrons sur la dimension autoréférentielle impliquée par ce projet de construction en commun), dans les identités. « La Belgique est composée de deux démocraties arrivées à maturité »48 parce que les élites politiques n’ont pas réussi à considérer assez tôt que Flamands et francophones étaient égaux – et les moyens artificiels comme la circonscription fédérale ne changeront rien à cela. Il n’y a aujourd’hui plus de langue nationale unificatrice, plus de médias nationaux, plus d’élite universitaire nationale, et le processus de fédéralisation en serait la conséquence, et non l’origine49. Les journaux et chaînes de télévision néerlandophones visent exclusivement la Flandre, non pas pour des raisons idéologiques, mais par l’évidence de leur groupe-cible50. Il en résulte que « [l]’identité belge est trop faible pour fonder une citoyenneté à part entière »51, et que la Flandre constitue la meilleure base pour créer une communauté dont les membres se sentent unis et solidaires entre eux52. Ceci s’explique par l’expérience de lutte qu’a accumulé le mouvement flamand53. Ainsi, « [l]’expérience banale [au sens de Michael Billig54] d’identité nationale pour les néerlandophones de Belgique est devenue presqu’exclusivement flamande »55.
27 Bart De Wever décrit cependant un « nous » moins construit, entendu comme un peuple héritier des lumières – et par là opposé à grand nombre de migrants, essentiellement musulmans. « [L]’Islam n’offre pas uniquement un cadre religieux et moral, il est aussi une collection de postulats juridiques, une incitation à un système économique, une vision de la politique étrangère et une position vis-à-vis de la forme de l’État. […] Le fait que l’Islam soit une idéologie n’est pas un reproche ou une critique. Le problème est quand l’accent est porté sur l’idéologie plus que sur la croyance »56. Le fondamentalisme serait ainsi un problème moderne contre les lumières, contre la déconstruction des rapports traditionnels, contre l’idée de progrès, contre la croyance dans la raison57. Si la piété ne constitue pas un problème en elle-même, De Wever insiste sur le fait que nombre de musulmans veulent par exemple rendre l’homosexualité illégale et estiment que les femmes doivent être obéissantes58 et interroge : « [l]e choix du salafisme est-il une expression de la liberté individuelle sacrée dont nous sommes fiers ? »59. Pour lui, les positions de l’Islam radical doivent trouver en réponse un choix clair pour les lumières dans notre expérience identitaire. En défendant une identité commune et en sélectionnant les migrants, on évitera la situation présente dans laquelle « nous avons dans les faits encouragé chacun à rester dans son propre groupe religieux ou culturel. Notre société évolue donc vers un entassement de communautés parallèles, chacune avec ses propres codes moraux et qui sont sans lien les unes avec les autres »60, ce qui amène à un « apartheid de fait »61. Cette identité commune d’après Bart De Wever aux pays anciennement catholiques ayant évolué après le choc des lumières (ou après le choc de Vatican II, il n’est pas clair là-dessus) n’est donc pas une composante ethnique de l’identité mais une composante du mode de légitimation, un élément autoréférentiel opposé à un hétéroréférentialisme attribué à l’Islam (considéré comme un tout figé et non comme des courants différents soumis à évolution permanente). Cette manière de réifier les modes de légitimation permet au lecteur de considérer que, pour Bart De Wever, une perméabilité existe entre une posture identitaire et une posture légitimatoire, comme on le verra plus bas.
28S’il est assez clair que les deux ouvrages s’inscrivent dans une logique identitaire – où il s’agit de construire ou solidifier une communauté, les angles pris pour en traiter sont assez radicalement divergents. Bert Anciaux et Bart De Wever se prononcent tous deux en faveur des principes de construction européenne et d’autonomisation flamande62. Tous deux imaginent une Flandre – indépendante ou, au moins, très autonome – évoluant dans un cadre européen ; se positionnant donc en faveur de la périphérie flamande (à l’échelle belge) et du centre européen (à l’échelle internationale). Pour le reste, leurs manières de définir le « nous » sont très différentes. Bert Anciaux entend réunir les forces d’origines, de religions et de cultures différentes dans une Flandre qui s’affranchirait des francophones et des flux monétaires qui leur sont destinés63. Bart De Wever ne semble pas quant à lui nourrir de doléances envers les francophones64, il estime simplement que la construction identitaire s’est ainsi faite, et qu’il y a lieu de solidifier et de donner les moyens aux entités fédérées de gouverner et d’affirmer une identité collective opposée à celles des migrants musulmans.
4.2 Pourquoi vivons-nous ensemble ?
29 Pour Bert Anciaux, « les valeurs traditionnelles ont été fortement mises en avant, avec une ubiquité de l’Église catholique » et « cela a probablement abouti à une “valeur” nationale flamande, telle que la résilience, combinée à la tolérance et au pacifisme »65. Il reconnaît les effets positifs de pratiques portées par des acteurs du monde catholique : « Il y avait aussi beaucoup de place pour un pluralisme actif, pour la prise en charge des plus faibles, bien que cela relève entièrement de la sphère caritative »66. Il critique néanmoins fortement les piliers, pas uniquement le pilier catholique, et affirme l’importance du rôle direct de l’État, « Les résultats des élections prouvent que le système n’est plus autoprotecteur : de moins en moins de “clients” votent pour leur propre pilier. Une masse toujours croissante se distancie de la politique. Les privilèges des piliers doivent être supprimés, les tâches essentielles à l’État doivent également être accomplies par l’État »67.
30Le « renouvellement oublié » qui donne son nom au livre touche en grande partie aux questions de gouvernance et de légitimité du pouvoir en Belgique et en Flandre. Bert Anciaux se refuse à envisager la VU, qu’il décrit comme alternative et indépendante68 comme un parti traditionnel69 et a pour ambition de sortir d’un système où « [l]es partis politiques et les “decision-makers”70 sont tellement rouillés qu’ils ne sont plus capables de la moindre remise en question »71. Son expérience politique l’amène à résumer le fonctionnement des institutions comme suit : « le gouvernement se repose sur une majorité parlementaire qui doit se taire »72. Il dénonce l’« État-CVP » et l’emprise de l’ensemble des partis traditionnels sur les nominations des fonctionnaires73, qui amène à une sorte d’État-dragon74. La pilarisation de la société belge, déjà évoquée plus haut, ralentit selon lui toute tentative de modernisation. Aussi Bert Anciaux reprend-t-il une célèbre expression relative aux piliers en écrivant « le CVP du berceau à la tombe ? Cela pourrait être le cas pour moi : je n’étais pas encore né lors de leur dernier passage sur les bancs de l’opposition »75. Ces propos très critiques vis-à-vis des partis ont pour intention de laisser le citoyen décider76, en s’inscrivant dans une logique résolument autoréférentielle selon laquelle « [l]e vivre-ensemble n’est pas l’addition des sommes des individus, mais une forme d’harmonie, de sécurité, de protection, de communication et d’échanges »77.
31Dans le plaidoyer qui clôt l’ouvrage, Bart De Wever revient sur le concept de « culture publique ». Le troisième principe qu’il met en avant est celui selon lequel « nous déclarons clairement que les valeurs des lumières sont le logiciel de notre culture publique : liberté, égalité, solidarité, séparation de l’Église et de l’État, État de droit, souveraineté populaire »78. Ceci s’ajoutant à la contingence des identités présentée plus haut, la dimension autoréférentielle du projet de Bart De Wever apparaît assez clairement. Cependant, la vision identitaire de De Wever fait référence tant au passé qu’au futur, et sort du projet immédiat de société. La phrase suivante illustre la dualité de ses propos : « La dénonciation de la formation de communautés sur base identitaire nous a empêchés d’oser poser les choix en premier pour notre culture publique »79. Pourrait-on dès lors parler « d’hétéroréférentialité de la tradition » ? D’un côté, De Wever plaide pour un volontarisme dans la construction immédiate du commun ; mais d’un autre, il estime qu’il faut se nourrir du passé flamand, arguant que « [n]ous suivons les traditions parce qu’elles fonctionnent, c’est aussi simple que ça »80. Écrire que la tradition fonctionne procède sans doute plus d’un imaginaire que d’une évaluation rigoureuse et systématique – mais ce qui est imaginé est tout sauf inopérant par nature : la croyance fait que nous les suivons et qu’elles fonctionnent81.
32Nous avons vu qu’un des principes de la culture publique issue des lumières est celui de la séparation entre l’Église et l’État. Si l’Église n’a pas à poser les décisions collectives, elle a – ou a eu – un rôle énorme dans la culture locale. De Wever demande à cet égard : « Être catholique est-il une caractéristique du bon flamand ? Il y a cent ans, sans doute ; mais plus aujourd’hui. Parler néerlandais est-il une condition incontournable ? Aujourd’hui, c’est sûr ; mais il y a cent ans, vous pouviez être francophone et un parfait flamand »82. Cette dernière réflexion illustre la perméabilité pour l’auteur entre les catégories rokkaniennes de résistance d’une identité périphérique et la défense des privilèges traditionnels de l’Église catholique, perméabilité que nous avons pointée précédemment. Ceci montre aussi l’importance des glissements syntagmatiques : l’identité telle que la définit Bart De Wever en 2019 se présente comme basée sur d’autres critères que l’identité des générations précédentes. Il explique également : « Essaie une fois de renommer un marché de Noël “festival d’hiver” et tu auras l’impression que Dieu a encore des partisans en Flandre »83. Les valeurs chrétiennes sont toujours présentes dans notre culture, mais « c’est une morale chrétienne sans Dieu »84. Au centre de la volonté de construction identitaire, De Wever place la notion de « code-source », sorte de socle valoriel à la communauté à venir. « Nous avons besoin d’un nouveau code-source pour réinventer notre communauté. (…) C’est l’horizon pour la légitimité de notre solidarité, nos institutions partagées, les objectifs à atteindre ensemble »85. Sans ce code, nous ne pouvons pas nous parler parce que nous ne partageons pas de cadre de référence. Il est intéressant de noter que ce « code-source » chrétien est valorisé par l’auteur : « Si nous ne considérons pas l’ancien code source de notre identité comme fondamentalement meilleur que ce que les ayatollahs en Iran imposent à la société, alors nous sommes très loin du chemin »86.
33 Bert Anciaux et Bart De Wever évoquent tous deux la tradition catholique qui a contribué à forger l’identité et les réflexes flamands mais s’efface progressivement. Les conclusions de De Wever se concentrent sur la nécessité de définir le commun autour de ce qu’il nomme « valeurs des lumières »87 ; quand Bert Anciaux compte surtout mener un chantier sur la gouvernance et le renouvellement des pratiques de décisions publiques.
4.3 Comment produisons-nous ?
34Bien qu’il dise « fermement croire à la libre entreprise »88, Bert Anciaux dénonce un certain productivisme, une perte de sens et les dégâts environnementaux qu’il engendre : « [c]e que la génération des anciens dirigeants nous a laissé, ce n’est pas seulement la prospérité des années soixante dorées. La faillite de la culture, un environnement délabré, un matérialisme galopant, une jungle asphaltée »89. Il critique à de nombreuses reprises les effets pervers de la logique de marché et de consommation : « [l]a calme certitude du modèle familier de valeurs a cédé la place à la peur effrénée de l’échec et à l’insécurité morale des parents. Dès son plus jeune âge, il faut apprendre à survivre dans ce monde de consommation »90. Sur la question écologique, il dénonce une collusion productiviste entre employeurs et syndicats au détriment de l’écologie et du terroir : « Il est tout à fait criminel de voir comment les syndicats traditionnels, comme des lièvres aveugles, se sont toujours concentrés exclusivement sur leurs propres intérêts et n’ont donc certainement pas servi les intérêts des travailleurs, encore moins ceux de la population. Il n’y a presque aucune trace dans les annales du mouvement ouvrier d’une lutte justifiée qui allait de pair avec des préoccupations environnementales nécessaires. Au lieu de faire respecter les demandes des employeurs et des groupes environnementaux pour des conditions de travail plus saines et meilleures pour les travailleurs et de meilleures conditions de vie pour les résidents locaux, les syndicats collent généralement aux grandes entreprises »91.
35Bien que très présente dans les programmes électoraux de la N-VA92, la question de la production n’est pas développée longuement dans cet ouvrage. Il apparaît cependant clairement, à la clôture du chapitre « Là où il y un “nous”, il y a un “eux” » que la dimension du travail et de la productivité est incontournable pour définir qui peut migrer en Flandre : « nous devons sélectionner les personnes qui pourraient venir chez nous en fonction des perspectives de travail et de nos besoins économiques »93. Ceci s’oppose aux principes libéraux de libre-circulation des personnes : « Même le plus optimiste des néolibéraux doit progressivement réaliser que les besoins de notre marché du travail toujours plus compliqué ne vont pas être rencontrés par un modèle de migration libre ouvert aux personnes sans perspectives de travail »94. De Wever estime qu’il y a lieu de « contrer le cashflow qui vient des migrants qui envoient des fonds à leurs familles restées au pays »95. De manière assez anecdotique, il glisse une rapide critique anticonsumériste quand il est question de Saint-Nicolas, « toujours saint pour notre croyance sans bornes dans la consommation »96.
36 Au centre d’une série de débats politiques tant au début des années 1990 qu’à la fin des années 2010, la production des richesses n’est abordée que de manière incidente chez Bart De Wever, et un peu plus largement par Bert Anciaux. Ce dernier consacre une section de son essai à l’environnement et au rapport au progrès, qu’il serait bon de remettre en cause ; alors que Bart De Wever érige la potentielle contribution en principe directeur dans la sélection des migrants vers le pays – donc probablement vers la Flandre.
4.4 À qui distribuons-nous les richesses ?
37Pour Bert Anciaux, « le seul objectif de l’État n’est pas de maximiser les profits et de se débarrasser le plus rapidement possible de tous les éléments déficitaires. L’État est le correcteur social dans le jeu de compétition libre à toute épreuve »97 et doit agir dans le sens d’une « redistribution équitable des richesses »98. Il insiste en ce sens sur le rôle social de l’État : « nous devons aider ces personnes à recommencer une vie autonome et indépendante. La réduction de la pauvreté est essentielle. Une société “riche et occidentale” ne peut pas dédaigner ceux qui ne peuvent pas suivre la grande bataille compétitive d’une vie infernale »99. Cette lutte en faveur du rôle social de l’État est à double-tranchant, en regard aux positions cinglantes de l’auteur sur les piliers : « [j]e suis très ennuyé par la critique libérale qui prêche la destruction de tout le système de sécurité sociale. Je suis tout aussi ennuyé par les socialistes et les chrétiens qui, sous prétexte de garantir la sécurité sociale, ne s’intéressent qu’à la sauvegarde des intérêts de leurs propres piliers »100.
38Bart De Wever considère que le grand problème posé par les migrations est celui de la pression énorme sur le tissu social, avec paupérisation et coloration des populations autochtones101. Une série de gros incidents ont eu lieu dans certains pays « et s’ils n’ont pas encore eu lieu, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils deviennent structurels »102. Dans cette optique, De Wever présente des chiffres indiquant que les nouveaux-venus non-européens deviennent des bénéficiaires nets de la sécurité sociale103. « Ce n’est pas un secret que notre sécurité sociale est un énorme facteur d’attractivité pour beaucoup de migrants »104, dit-il. « La conséquence est que la légitimité de notre sécurité sociale est systématiquement mise en danger. Notre système social est basé sur le principe selon lequel la partie active de la population transfère des fonds vers la partie non-active pour subvenir à ses besoins. C’est une sorte d’assurance : il peut arriver que dans sa vie, on ait à son tour besoin de l’aide de ses concitoyens. Mais ceci se base sur un principe d’identité : on contribue sans rechigner en se disant que cela fait du bien à des gens qui nous ressemblent »105. Dans cette logique, la N-VA demanda à la banque nationale de réaliser une étude sur le coût des migrations dont on parlera plus loin.
39Il semble que le travail identitaire entrepris par les deux présidents de partis amène leurs textes à se réclamer d’une communauté flamande unie et à ne pas se positionner de manière univoque sur l’opposition entre travailleurs et détenteurs de moyens de productions106. Bert Anciaux revendique explicitement un État social assumant les missions de redistribution ; Bart De Wever entend de son côté en faire profiter un nombre réduit de bénéficiaires semblables entr’eux – en excluant par-là une nouvelle fois les individus désirant entrer en Belgique.
5. Syntagmes conclusifs
40À plusieurs reprises, Bert Anciaux établit l’importance de la priorisation entre opinions et politiques publiques. Il emploie par exemple le vocable de « hiérarchie des valeurs »107, écrit que « le [Vlaams] Blok est en premier lieu d’extrême-droite, puis seulement après, flamand »108 et explique que les membres élus de son parti ont dû mettre de côté un certain nombre de leurs avis – en ce compris par rapport à l’avortement, thématique qui introduisait notre raisonnement – dans le but de faire passer la troisième réforme de l’État, qui constituait leur priorité109. Ce rapport aux priorités s’approche assez remarquablement de notre ambition de présenter les syntagmes des deux livres étudiés tout au long de cet article et nous permet donc une transition confortable.
41Pour le président de la VU, il paraît primordial de s’exprimer sur le renouvellement des structures de décisions publiques, en revenant systématiquement sur les questions de légitimité et de fonctionnement démocratique (première priorité). La manière de faire de la politique, le dépassement du cadre imposé par les partis traditionnels et leurs piliers sont omniprésents. La communauté politique qu’il appelle de ses vœux est fondée sur un destin commun territorialement dévolu à la Flandre, par opposition aux francophones (deuxième priorité). La Flandre autonome aura l’occasion de renforcer les mécanismes de redistribution des richesses110 (troisième priorité) et de sortir de la logique de progrès à tout prix, au détriment de l’environnement (quatrième priorité). Le syntagme de Bert Anciaux pourrait dès lors se présenter comme suit :
Figure 1. Syntagme VU-1992
42 L’ouvrage de Bert Anciaux semble en effet mettre à l’avant-plan l’idée du renouvellement des structures de décision : il est précieux de sortir d’un système jugé sclérosé et d’ainsi travailler sur la légitimité des gouvernants. Le renouvellement s’inscrira également dans une recherche identitaire, la VU désirant confirmer l’objectif autonomiste du mouvement flamand. Nous avons montré que Bert Anciaux évoque également le rôle redistributif de l’État et émet quelques remarques critiques sur la course à la production par laquelle les logiques de marché s’imposent en détruisant le terroir, largement en arrière-plan dans ses priorités.
43Le syntagme de Bart de Wever est plus compliqué à établir. Nous proposerons ainsi deux possibilités d’analyse : la première correspond aux accents tels qu’ils sont explicitement développés et présentés dans l’ouvrage ; la deuxième procède davantage d’une interprétation de notre part.
44Over Identiteit présente essentiellement cette priorisation :
Figure 2a. Syntagmes N-VA 2019
45Légitimité et identité sont très entremêlés. Bart De Wever consacre son ouvrage à l’identité, mais son propos touche peut-être encore un peu plus à la manière de la construire ensemble. Si sa Flandre idéale adopte une posture exclusiviste vis-à-vis de certains groupes d’individus, ça serait parce qu’ils ne rentrent pas dans le projet commun inspiré des lumières. Bart de Wever évoque la difficulté d’intégrer les migrants au tissu productif flamand et mentionne également la pression qu’ils imposent à la redistribution assurée par le système de sécurité sociale.
46Cette figure 4.a reprend la proposition de l’ouvrage. Un discours ne peut jamais être complètement isolé du contexte politique dans lequel il s’inscrit, des controverses en cours, des pratiques rhétoriques et des stratégies communicationnelles de ses auteurs. L’analyse syntagmatique montre ainsi ses limites, mais également sa grande richesse : son systématisme peut mettre à jour une série de débats, d’hypothèses et d’incertitudes, de telle sorte que nous ne pourrions affirmer que notre position est plus correcte que celle du lecteur, mais nous pouvons amener un doute dans sa manière de voir les choses.
47Bart de Wever ne manque pas une occasion d’évoquer les migrants et le mal qu’ils peuvent faire sur les plans culturels, économique, démocratique et éthique. S’il est question d’identité, il s’opposera aux valeurs jugées rétrogrades véhiculées par l’Islam ; s’il parle de politiques publiques, il le fera en dénonçant les abus de la part de migrants ; s’il évoque la sécurité, il s’empressera d’expliquer qu’elle est mise en danger par les flux migratoires, et ainsi de suite. Pour autant, la lecture laisse l’impression que ces enjeux d’identité collective (troisième priorité) et de légitimité (quatrième priorité), aussi répété soient-ils page après page, semblent incantatoires et, de fait, accessoires à l’enjeu fondamental pour le président de la N-VA : la productivité et la richesse de la Flandre (première priorité). Cette question n’est pas traitée en profondeur dans son ouvrage, mais il apparaît qu’à ses yeux, une arrivée en masse de migrants peu formés et dépendants de la sécurité sociale aurait pour conséquence une productivité moindre et une redistribution désavantageuse aux Flamands (deuxième priorité) – cette position amènera d’ailleurs Johan Van Overtveldt, alors ministre des finances issu de la N-VA, à commanditer une étude sur l’impact économique de l’immigration en Belgique à la Banque nationale111.
Figure 2b. Syntagmes N-VA 2019
48Les critères de sélection des migrants ne semblent pas tant dépendre des lumières, mais de leur capacité à produire pour la Flandre. Il est important de veiller à qui entre dans le système, de manière à redistribuer les richesses entre les Flamands méritants. Finalement, l’identité et la légitimité servaient essentiellement des leviers pour des considérations économiques et passeraient au troisième et quatrième plans. Dans cette représentation, l’utilitarisme de la position de la N-VA est souligné, par la mise en évidence du critère de productivité économique et non de légitimation du système qui est proposé pour sélectionner les candidats à l’installation en Flandre.
49Le président de la N-VA devait répéter l’incantation de l’identité collective, noyau de l’engagement de nombre de ses militants. Comme Georges Lavau à propos du parti communiste en France112, on est en droit de se demander ce que fait la N-VA de ce mandat de plus grand parti de Belgique, de ce mandat de plus grand parti nationaliste flamand. Il est imaginable que la volonté inscrite dans sa déclaration de principes et dans l’article premier des statuts du parti d’une « Flandre indépendante dans une Europe démocratique »113 soit devenue une hypothèse beaucoup moins probable après l’échec catalan de 2017, la division de la Belgique risquant d’entrainer un refus de reconnaissance probablement de l’État flamand mais sûrement de l’intégration de cet État dans l’Union européenne. Dès lors, la dynamique nationaliste pourrait être prise en étau entre la volonté de ses militants et les contraintes européennes. L’issue consisterait alors à réduire les compétences de l’État belge en communautarisant la sécurité sociale (pour ensuite diminuer ses dépenses et le rôle actuel des organisations sociales dans sa gestion) et en tentant de communautariser les compétences régaliennes telles que l’intérieur et la justice. Il n’est pas impossible que l’ouvrage de Bart De Wever fasse partie d’une stratégie de repositionnement de la N-VA comme parti opposé aux migrations perçues comme dangereuses pour l’identité et la prospérité flamande et européenne.
50En termes de volume, la question de l’identité collective est la plus présente, tant chez Bert Anciaux que chez Bart De Wever, mais un renversement paradigmatique a eu lieu dans l’histoire récente des partis autonomistes démocratiques flamands. Car ces deux textes, assez discordants dans leur style et leur contenu, semblent néanmoins réagir à un stimulus comparable : la montée du Vlaams Blok/Belang. Au début des années 1990, la stratégie retenue était de s’inscrire en faux par rapport aux thèses xénophobes de l’extrême-droite ; celle assumée à la fin des années 2010 revient au contraire à durcir son discours vis-à-vis des migrants, quitte à mettre à l’arrière-plan, pour un temps limité peut-être, le désir d’autonomie alimentant le mouvement flamand depuis les premières années de l’histoire belge. Précisons que ce délaissement pourrait s’expliquer par la relativité des positions au contexte politique institutionnel : l’autonomie des entités fédérées est considérablement plus avancée en 2019 et après six réformes de l’État qu’en 1992, après trois réformes. Bart De Wever n’a plus besoin de préciser qu’il s’oppose au fonctionnement de la Belgique telle qu’elle est. Ses actions et postures passées montrent assez qu’il parle de la Flandre et pour la Flandre, sans qu’il éprouve encore le besoin de le signaler. Le détour par la légitimité peut apparaître comme une nouvelle fixation de frontière comme le signalent Tilly et Tarrow114, qui élargit en quelque sorte le combat nationaliste flamand à une défense de la modernité. Bert Anciaux devait encore se battre contre les partis traditionnels qui tentaient d’attirer des élus de la VU et avait en conséquence à justifier fortement la lutte identitaire flamande.
51Les variations d’époques influent également sur la définition de l’adversaire principal de la Volksunie et de la N-VA. En intitulant une des section de son livre « Pas de Blok Brun », Bert Anciaux pouvait se définir comme un antifasciste115 et visait des propos et méthodes qui ont possiblement disparu du répertoire du parti avec lequel Bart De Wever entamait, dans les mois qui ont suivi les élections de mai 2019, une négociation pour la formation du gouvernement flamand de plusieurs semaines. Le contexte n’explique toutefois pas tout : la N-VA ne fait pas que répondre à des stimuli différents que ceux qu’a connu la VU ; elle opère des glissements de priorités et de positions qui changent le contenu des revendications nationalistes flamandes, comme ce texte aura su le mettre en évidence.
Notes
1 Les auteurs tiennent à remercier Kris Deschouwer, Bart Maddens et Jean Beaufays pour leurs précieuses suggestions ; ainsi qu’Arnaud Matagne pour la représentation des syntagmes.
2 https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_formation-federale-bart-de-wever-fait-aussi-de-la-question-de-l-avortement-un-point-de-rupture?id=10540953, page consultée le 18 septembre 2020.
3 Counet (M.), « État fédéral et demandes partisanes : Évolution des programmes de partis néerlandophones au sujet de la forme de l’État et de ses compétences (1991-2019) » in Xhardez et al. (dir.), « Cinquante ans de fédéralisme », Academia, Louvain-la-Neuve, 2020 ; Verjans (P.), « Les versions du populisme. Glissements sémantiques de l’Alliance néo-flamande », in Berberi (C.) (dir.), L’Union européenne face à la montée des nationalismes et des populismes, Le Manuscrit, Paris, 2019, pp. 137-187.
4 Beyens (S.), Deschouwer (K.), Van Haute (E.) et Verthe (T.), « Born again, or born anew: Assessing the newness of the Belgian New-Flemish Alliance (N-VA) », Party Politics, vol. 23, n°4, 2017, pp. 389-399
5 Anciaux (B.), De Vergeten Vernieuwing, Hadewijch Antwerpen, Baarn, 1992.
6 De Wever (B.), Over Identiteit, Borgerhoff & Lamberigts, Gand, 2019.
7 Claisse (F.), Counet (M.) et Verjans (P.), Introduction aux doctrines et aux idées politiques, De Boeck, Louvain-La-Neuve, 2017.
8 Rokkan (S.), « Un modèle géo-économique et géopolitique : de quelques sources de variations en Europe de l’Ouest », Communications, vol. 45, n°1, pp. 75-100.
9 Claisse (F.), Counet (M.), Verjans (P.), op.cit., pp. 12-13.
10 De Wever (B.), Over Identiteit, Borgerhoff & Lamberigts, Gand, 2019.
11 La première expérience gouvernementale de la VU remonte à la période 1977-1978, autour de la négociation du pacte d’Egmont.
12 Stroobants (J.-P.), Delfosse (L.) et Vaes (B.), Le Soir, 30 septembre 1991, https://plus.lesoir.be/art/%252Fla-vu-depose-les-armes-martens-viii-et-demi-en-piste-et_t-19910930-Z04G89.html, page consultée le 12 novembre 2020.
13 Govaert (S.), « La Volksunie », Courrier hebdomadaire n°1416-1417, Centre de Recherche et d’Information Socio-politiques, CRISP, 1993, Bruxelles, p. 31.
14 http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/happart-jose#.X6f67S_pNN0, page consultée le 8 novembre 2020.
15 Hermans (M.) et Verjans (P.), « Les origines de la querelle fouronnaise », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1019, n°34, 1983, pp. 1-33.
16 Govaert (S.), « La Volksunie », op.cit., p. 55.
17 Bert Anciaux explique évoque dans son ouvrage le fait que ce député, André De Beul, se taira un temps sur la question pour faciliter les négociations autour de la réforme de l’État. Anciaux (B.), op.cit., p. 46.
18 Govaert (S.), op.cit., pp. 58-59.
19 Rogiers (F.), « Hoe Jose Happart zijn afspraak met de geschiedenis verspeelde », De Morgen, 10 décembre 2005.
20 Verjans (P.), « Les Fouronnais imaginaires », in Ubac (P.), Génération Fourons, De Boeck Université, coll. « Politique & Histoire », 1993, p. 14.
21 Anciaux (B.), De Vergeten Vernieuwing, Hadewijch Antwerpen, Baarn, 1992.
22 Le parti ayant obtenu un siège dans la circonscription de Flandre occidentale à la Chambre des représentants, occupé par Geert Bourgeois, aux élections législatives du 18 mai 2003.
23 À ce sujet, voir Counet (M.), op.cit.
24 De Morgen, 22 septembre 2008, https://www.demorgen.be/nieuws/bourgeois-stapt-op-kartel-cd-v-n-va-stopt~b5047cd7/, consulté le 10 décembre 2020.
25 Bien que deux de ces député·e·s, Hendrik Vuye et Veerle Wouters, quitteront le groupe et le parti en septembre 2016.
26 Même si la deuxième partie de son programme détaille le modèle confédéral qu’elle appelle de ses vœux.
27 Brinckman (B.), « Het verschil tussen theorie en theopraktijk », De Standaard, 23 novembre 2018.
28 Bart De Wever, op.cit., dénonce par ailleurs explicitement l’enthousiasme pour ledit pacte à la page 87 de son ouvrage.
29 https://www.vlaamsbelang.org/stop-het-marrakesh-immigratiepact-teken-de-petitie/, du 15 novembre 2018, page consultée le 18 septembre 2020. D’autres observateurs pourraient également pointer l’alignement sur le retrait du gouvernement de Sebastian Kurz – alliant ÖVP (Parti populaire autrichien) et FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), annoncé début décembre 2018.
30 La N-VA faisait déjà partie des gouvernements flamands Leterme et Peeters entre 2004 et 2008 (à l’époque du cartel flamand avec le CD&V) et comme parti à part entière sous Peeters II entre 2009 et 2014 puis sous Bourgeois de 2014 à 2019.
31 Anciaux (B.), op.cit. p. 37.
32 « (…) voor de Volksunie is niet de afstamming, maar de territorialiteit het referentiekader voor het nationalisme (…) », Anciaux (B.), op.cit., p. 37.
33 « (…) het Vlaams-Nationalisme een oproep is voor een Vlaanderen waar iedere eigenheid wordt gewaardeerd », Anciaux (B.), op.cit., p. 26.
34 « (…) wij wensen verantwoordelijkheid op te nemen voor het welzijn en de welvaart van Vlaanderen, dat wil zeggen voor elk individu dat op ons grondgebied woont, zonder onderscheid van herkomst, ras of taal. », Anciaux (B.), op.cit., p. 37.
35 « De Franstaligen zijn daar altijd zeet tegen van leergetrokken: de ‘droit du sol’ was verfoeilijk, voor hen gold de ‘droit du sang’. », Anciaux (B.), op.cit., p. 37.
36 Anciaux (B.), op.cit., pp. 48-49.
37 « (…) een gezond nationalisme universeel is, dat het niet tegengesteld is aan een ander volk, maar integendeel, dat het het beste beoogt voor elk volk, waar ook ter wereld. », Anciaux (B.), op.cit., p. 38.
38 « (…) een Europese samenleving slechts menselijk kan zijn, wanneer ze stoelt op de natuurkijke gemeenschappen, en niet op de staten zoals België dat tegen de geschiedenis in, door diplomaten en diktators is tot stand gekomen. », Anciaux (B.), op.cit., p. 45.
39 Anciaux (B.), op.cit., p. 44.
40 « Europa zelf zou de lidstaten moeten aansporen om voor de regio’s aangepaste vormen van zelfbestuur uit te werken. Niet om nieuwe mini-staatjes tot stand te brengen, maar om het ‘Gemeenschapsleven’ te reorganiseren met het oog op een pluralistisch samenlevingsmodel met een veelheid van kulturen, in respekt voor de rijkdom aan verscheidenheid en in het besef van de onderlinge betrokkenheid en solidariteit », Anciaux (B.), op.cit., p. 43.
41 « De Vlaamse onafhankelijkheid was het verre doel van de Vlaamse Beweging », Anciaux (B.), op.cit., p. 79.
42 « De geschiedenis en de dag van vandaag leren ons dat die doelstelling niet dwaas is of louter steunde op retrograde romantiek. Integendeel, Vlaamse onafhankelijkheid betrachten in het Europa van morgen, is een zuiver streefdoel gebaseerd op nuchtere overwegingen. », Anciaux (B.), op.cit., p. 79.
43 « Het Blok doet uiteindelijk hetzelfde: het heeft een zondebok gevonden – de migranten – en schuift alwat slecht gaat af op hun rug. », Anciaux (B.), op.cit., p. 27.
44 « Hoewel het racistisch geweld van het Blok en de nazi-verklikkerstechnieken véél weerzinwekkender zijn (…) », Anciaux (B.), op.cit., pp. 26-27.
45 « De ontwestelijking van de wereld is een proces dat wij moeten aanvaarden maar dat wil niet zeggen dat wij de ontwestelijking van Europa moeten aanvarden. », De Wever (B.), op.cit., p. 75.
46 « Als Europa één wil worden en via die eenwording relevantie wil terugwinnen in een globaliserende wereld, dan moten we beginnen met ons ons eigen verleden opnieuw toe te eigenen. Zonder arrogantie, maar ook zonder schaamte. », De Wever (B.), op.cit., p. 75.
47 « Integendeel, we lijken de controle over onze eigen toekomst te verliezen. », De Wever (B.), op.cit., p. 83.
48 « België bestaat uit twee volledig to wasdom gekomen democratieën (…) », De Wever (B.), op.cit., p. 52.
49 De Wever (B.), op.cit., p. 52.
50 De Wever (B.), op.cit., p. 24.
51 « De Belgische identiteit is derhalve te zwak geworden om er nog een volwaardig burgerschap op te bouwen. », De Wever (B.), op.cit., p. 52.
52 De Wever (B.), op.cit., p. 53.
53 De Wever (B.), op.cit., p. 55.
54 Voyez Billig (M.], Banal Nationalism, Londres, Sage, 2014 [1995].
55 « De kring voor de banale beleving van nationale identiteit is voor de Nederlandstaligen in België immers bijna exclusief Vlaams geworden. », De Wever (B.), op.cit., p. 24.
56 « De islam geeft niet louter een moreel en religieus zingevingskader, de islam is ook een verzameling van juridische postulaten met een eigen jurisprudentie, een aanzet tot een economisch systeem, een visie op buitenlandse politiek, een poging tot het opzettenvan een staatsvorm (…) Dat de islam ook een ideologie is, is dus een verwijt noch een kritiek. Het probleem ontstaat echter wanneer de nadruk van het religieuze karakter van een godsdienst verschuift naar het ideologische gedeelte ervan. », De Wever (B.), op.cit., p. 101.
57 De Wever (B.), op.cit., p. 102.
58 De Wever (B.), op.cit., p. 104.
59 « Want is de keuze voor het salafisme dan geen uiting van de heilige individuele vrijheid waar we prat op gaan? », De Wever (B.), op.cit., p. 116.
60 « (…) hebben wij feitelijk iedereen aangemoedigd zich terug te trekken in de eigen culturele of religieuze groep. Onze gemeenschap evolueerde daardoor naar een verzameling van parallelle gemeenschappen, elk met hun eigen morele codes, die in een los verband met elkaar staan. », De Wever (B.), op.cit., p. 119.
61 « Dan groeit er feitelijke apartheid. », De Wever (B.), op.cit., p. 89.
62 Même si Bert Anciaux développe la manière avec laquelle il s’est surpris à devenir un « opposant à l’Europe, à tout le moins à l’Europe du pognon », op.cit., p.74.
63 Ibid., p. 49.
64 Dans cet ouvrage, s’entend.
65 « Inhoudelijk werden de traditionele waarden sterk benadrukt, met een alomtegenwoordigheid van de katholieke kerk. Allicht had dit voor gevolg dat een Vlaams-Nationale ‘waarde’ als weerbaarheid samen-ging met verdraagzaamheid en pacifisme. », Anciaux (B.), op.cit., p. 30.
66 « Er was ook voldoende ruimte voor een aktief pluralisme, voor de zorg voor de zwaksten, al zat dat helemaal in de karitatieve sfeer. », Anciaux (B.), op.cit., p. 30.
67 « Dat het systeem niet meer zelfberschermend werkt bewijzen de verkiezinguitslagen: steeds minder ‘kliënten’ stemmen voor de eigen zuil. Een steeds groter wordende massa distantiëert zich van de politiek. De voorrechten van de zuilen moeten worden weggenomen, de taken die essentiëel tot de staat behoren, moeten ook door de staat worden uitgevoerd. », Anciaux (B.), op.cit., p. 66.
68 Anciaux (B.), op.cit., p. 86.
69 Anciaux (B.), op.cit., p. 27.
70 Tels que les syndicats, qui auraient besoin de la structure unitaire de l’État belge pour garder leur pouvoir de décision, Anciaux (B.), op.cit., p. 34.
71 « De politieke partijen en de ‘decision-makers’ zijn zodanig vastgeroest dat ze niet meer de mogelijkheid bezitten zichzelf ook maar enigszins in vraag te stellen. », Anciaux (B.), op.cit., p. 16.
72 « Maar daar schort het systeem zelf : de regering steunt op een parlementaire meerderheid die moet zwijgen », Anciaux (B.), op.cit., p. 64.
73 Anciaux (B.), op.cit., p. 68.
74 Anciaux (B.), op.cit., p. 69.
75 « De CVP van in de wieg tot in het graf ? In mijn geval zou dat wel eens waar kunnen zijn: ik was nog niet geboren toen de CVP voor het laatst in de oppositie zat. », Anciaux (B.), op.cit., p. 70. Précisons que Bert Anciaux ne devra finalement attendre que sept ans (en 1999) pour voir les sociaux-chrétiens dans l’opposition.
76 Anciaux (B.), op.cit., p. 92.
77 « De samenleving is niet zomaar de potelsom van individuen, maar is een vorm van harmonie, van geborgenheid, van bescherming, van kommunikatie en uitwisseling. », Herman Van Veen, cité par Anciaux (B.), op.cit., p. 96.
78 « (…) we duidelijk aangeven dat de verlichtingswaarden de software zijn van onze publieke cultuur : vrijheid, gelijkheid, solidariteit, de scheiding van kerk en staat, de rechtsstaat, volkssoevereiniteit. », De Wever (B.), op.cit., p. 136.
79 « De verkettering van gemeenschapsvorming op basis van identitieit verleerde ons keuzes te durven vooropstellen in onze publieke cultuur. », De Wever (B.), op.cit., p. 106.
80 « Wij volgen tradities omdat ze werken, zo simpel is het. », De Wever (B.), op.cit., p. 125.
81 Voyez Anderson (B.), Imagined Communities, Londres, Verso, 1983.
82 « Is katholiek zijn een eigenschap van de goede Vlaming? Honderd jarr geleden misschien overwegend wel, vandaag niet meer. Is Nederlands spreken een absolute voorwaarde om Vlaming te zijn? Vandaag zeer zeker, maar honderd jaar geleden kon je perfect Vlaming én Franstalig zijn. », De Wever (B.), op.cit., p. 48.
83 « Probeer maar eens een kerstmarkt om te dopen tot een winterfestival en je krijgt de valse indruk dat God in Vlanderen toch nog aanhang heeft. », De Wever (B.), op.cit., p. 113. Les “Plaisirs d’hiver” à Bruxelles remplacent le marché en question depuis Noël 2000.
84 « Maar het is een christelijke moraal zonder God. », De Wever (B.), ibid.
85 « We hebben een nieuwe broncode nodig om ons als gemeenschap heruit te vinden. (…) Het is de horizon die zorgt voor de legitimatie van onderlinge solidariteit, van gedeelde instituties, van de gezamenlijk te verwezenlijken doelen. » De Wever (B.), op.cit., p. 115.
86 « Als we de vroegere broncade van onze identiteit in essentie niet meer beter achten dan wat de ayatollahs in Iran aan de samenleving opleggen, dan zijn we heel ver van het paadje af. », De Wever (B.), op.cit., p. 117.
87 Valeurs que Bart de Wever ne rapporte pas à des auteurs ou une histoire particuliers mais se traduisent par les principes de liberté, d’égalité, de solidarité, de séparation de l’Église et de l’État, d’État de droit et souveraineté populaire, comme vu supra. De Wever (B.), op.cit., p. 136
88 « Ik geloof sterk in het vrij ondernemerschap (…) », Anciaux (B.), op.cit., p. 69.
89 « Wat de generatie van oude machthebbers ons hebben achtergelaten is niet alleen de welvaart van de golden sixties. Het bankroet van de kultuur, een verloederd milieu, een op hol geslagen materialisme, een Asphalt Jungle. », Anciaux (B.), op.cit., p. 23.
90 « De rustige zekerheid van het vertrouwde waardenpatroon heeft plaatsgemaakt voor de jachtige faalangst en morele onzekerheid van de ouders. Van jongsaf moet men leren te overleven in deze konsumptiewereld. », Anciaux (B.), op.cit., p. 23.
91 « Het is ronduit misdadig hoe de klassieke vakbonden als blinde hazen steeds uitsluitend hun eigenbelang hebben centraal gesteld en hierdoor zeker niet het belang van de arbeiders hebben gebiend, laat staan dat van de bevolking. Er is in de annalen van de arbeidersbeweging bijna geen spoor terug te vinden van een gerechtvaardigde strijd die hand in hand ging met noodzakelijke milieuverzuchtingen. In plaats van samen met milieugroepen eisen af te dwingen van de werkgevers voor gezondere en betere werkomstandigheden voor de arbeiders én betere leefomstamdigheden voor de buurtbewoners, klitten de vakbonden meestal samen met het grootkapitaal. », Anciaux (B.), op.cit., p. 54.
92 Voir Verjans (P.), in Berberi (C.), op.cit. ; Counet (M.) in Xharder (C.) et al, op.cit.
93 « Ten slotte zullen we in dit land veel duidelijker en selectiever het arbeidsperspectief moeten vooropstellen in de keuze van wie naar hier mag komen, en dat gericht op de noden van onze economie op basis van concrete profielen. », De Wever (B.), op.cit., p. 89.
94 « Zelfs de meest optimistische neoliberaal moet toch stilaan beseffen dat de noden van onze steeds complexere arbeidsmarkt niet matchen met het werkpotentieel dat je kan puren uit een migratiemodel met vrije, illegale inloop en met grote kanalen van legale inwijking van mensen zonder arbeidsperspectief. », De Wever (B.), op.cit., p. 84.
95 « De cashflow die gegenereerd wordt door migranten die vanuit Europa financiële middelen terugsturen naar de achtergebleven familie, is voor veel van de herkomstlanden een onmisbare deviezenstroom geworden. », De Wever (B.), op.cit., p. 88.
96 « (…) ons leuke eindejaarsfeesten aanbiedt met een geseculariseerde Sinterklaas – alleen nog heilig voor ons grenzeloze geloof in consumptie (…) », De Wever (B.), op.cit., p. 112.
97 « De staat heeft niet als uitsluitend doel om zoveel mogelijk winst te verwezenlijken en alle verlieslatende posten zo snel mogelijk af te stoten. De staat is dé sociale korrektor in het bikkelharde vrije koncurrentiespel. », Anciaux (B.), op.cit., p. 69.
98 « (…) een billijke herverdeling van de opbrengsten. », Anciaux (B.), ibid.
99 « We moeten die mensen helpen opnieuw een zelfstandig en onafhankelijk leven te beginnen. Armoedebestrijding is essentiëel. Een ‘rijke, westerse’ samenleving kan niet minachtend neerkijken op wie niet meekan met de grote konkurrentieslag van het helse turbo-leven. », Anciaux (B.), op.cit., p. 73.
100 « Ik erger me blauw aan de liberale kritiek die heel ons sociaal zekerheidssysteem in de vernietiging predikt. Net zo goed erger ik me rood aan de salonsocialisten en dito-kristenen, die onder het mom van het veilig stellen van de sociale zekerheid slechts uit zijn op de belangenvrijwaring van hun eigen zuilen. », Anciaux (B.), op.cit., p. 80.
101 De Wever (B.), op.cit., p. 82.
102 « Als er niets gebeurt, is het een kwestie van tijd voor het karakter van die gebeurtenissen evolueert van incidenteel naar structureel », De Wever (B.), op.cit., p. 82.
103 De Wever (B.), op.cit., p. 85.
104 « Het is geen wereldschokkend geheim dat onze sociale zekerheid voor veel migranten een enorme pull-factor is geweest (…) », De Wever (B.), op.cit., p. 85.
105 « Als gevolg wordt de legitimiteit van de sociale zekerheid stelselmatif ondergravan. Ons sociaal systeem is gebaseerd op het principe dat het actieve deel van de bevolking afdraagt om het niet-actieve deel van de bevolking in haar levensonderhoud te voorzien. De werkenden aanvaarden dat omdat ze het zien als een soort verzekering: ook zij zullen ooit op rust gaan of kunnen op een bepaald moment in hun leven in de problement komen en moeten dan een beroep doen op de solidariteit van hun medeburgers. Maar die impliciete veronderstelling is wel gebaseerd op identiteitsbeleving: men draagt zonder veel morren af in de wetenschap dat het ten goede komt aan mensen met wie men zich identitair verbonden voelt. », De Wever (B.), op.cit., p. 86.
106 Quelques remarques de Bert Anciaux sur le mode de vie de certains adversaires politiques mises à part.
107 Anciaux (B.), op.cit., p.7.
108 Anciaux (B.), op.cit., p. 38.
109 Anciaux (B.), op.cit., p. 46.
110 L’accent social de l’ouvrage pourrait notamment s’expliquer par la menace que constitue le VLD qui, nous l’évoquions plus haut, vient à l’époque d’accueillir l’ancien président de la VU et d’autres militants ou élus.
111 Banque Nationale de Belgique, « The economic impact of immigration in Belgium », Economic Review, Novembre 2020, p.4. dont le contenu ne répond pas aux demandes implicites du ministre N-VA.
112 Lavau Georges, À quoi sert le parti communiste français ?, Paris, Fayard, 1981.
113 https://www.n-va.be/sites/default/files/documents/PDF/beginselverklaring0.1.pdf. Les caractères gras sont dans le texte d’origine.
114 Tilly (C.) et Tarrow (S)., Contentious Politics, Oxford, Oxford University Press, Second Edition, 2015
115 Anciaux (B.), op.cit., pp. 36-38.