Fédéralisme Régionalisme

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Thierry Balzacq

La sécurité : définitions, secteurs et niveaux d’analyse

(Volume 4 : 2003-2004 - Régions et sécurité)
Article
Open Access

Introduction *

1Trois facteurs dont l’entrelacement esquisse les contours de leur complexité ont substantiellement transformé, d’un seul tenant, l’analyse et les pratiques de sécurité nationale ces dernières années, à savoir : i) le déclin de la souveraineté nationale, d’abord; ii) l’accroissement sans précédent de la densité interactionnelle1 au niveau transnational, ensuite; iii) l’éclatement conflictuel de la scène internationale sous-tendue par des dynamiques identitaires, enfin2. Ces constats donnent clairement à entendre que le renversement notoire des dynamiques politiques de la sécurité exige un réexamen analytique et conceptuel qui, en dernière instance, le cède à la manière dont la sécurité s’enseigne, se pense et se pratique. Toutefois, alors que les différentes métamorphoses affectant la configuration et la nature du système international sont assez étudiées, l’examen du groupe lexical – sécurité nationale – sur lequel ces différents travaux reposent est resté somme toute très parcimonieux. Cet article cherche à corriger cette négligence en situant notre réflexion à l’interface de l’analytique et du définitionnel. Autrement dit, bien qu’elle s’alimente de quelques points pratiques illustrant notre propos, la perspective adoptée est résolument plus conceptuelle et analytique qu’empirique et descriptive. Selon Carl Hempel, «l’explication [] est une tentative de spécifier la structure logique d’expressions données. En prenant ses distances des contenus habituels des termes, l’explication vise à réduire les limites, les ambiguïtés et les inconsistances de leur usage ordinaire en proposant une réinterprétation qui cherche à rehausser la clarté et la précision de leur signification…»3. Ainsi,  en partant d’une vision de la sécurité comme notion «essentiellement contestée», nous porterons notre attention sur les sens attribués à la «sécurité nationale» afin d’en apprécier la portée. Ceci est le versant conceptuel de notre démarche. Cette orientation est motivée par un élément, le plus important : malgré le fait que la méthode conceptuelle soit en réalité la manière idoine d’approcher le domaine des études de sécurité avant de passer aux différents niveaux d’analyse, peu d’auteurs se sont réellement essayés à l’exercice avant les années ’80, en grande partie à cause de la déconcertante plasticité sémantique du terme «sécurité». La partie analytique est une lecture de la sécurité nationale sous l’angle de la «sectorisation»4, c’est-à-dire la volonté d’étendre l’application du concept de sécurité à d’autres domaines que celui politico-militaire – l’économique, le sociétal et l’environnemental5. Elle peut être lue comme l’esquisse d’un cadre méthodologique utile à la compréhension de la sécurité nationale contemporaine. Ainsi, dans les sections subséquentes de cet article, allons-nous tenter de répondre à trois questions qui, dans une large mesure, structurent l’étude et la pratique de la sécurité, tant au niveau interne qu’externe, à savoir : i) qu’est-ce que la «sécurité», et, par ricochet, qu’est-ce que la «sécurité nationale» ? ii) Comment peut-elle être analysée aujourd’hui ? En rapport au thème de ce numéro, iii) quels en sont les principaux déterminants au niveau régional ?

1. À propos d’une incertitude conceptuelle

2Définir la «sécurité» est un péril. Non pas tant à cause de son insertion dans la plupart des domaines de la vie sociale, mais surtout parce que le concept est lui-même susceptible d’être connoté idéologiquement. Cette tonalité idéologique, qui empêche tout réel consensus à son sujet, l’élève au rang de «concept essentiellement contesté»6.

3Suivant Walter B. Gallie, il existe au moins deux présupposés à partir desquels on peut affirmer si un concept est ou non essentiellement contesté7. i) Le concept doit être «évaluable dans le sens où il signifie et accrédite une certaine réalisation»8. Comme on le perçoit, un tel exercice nécessite des critères quasi objectifs permettant de déterminer, parmi une série de propositions, quel terme est «champion»9, c’est-à-dire, lequel signifie le plus. La sécurité pourrait-elle être semblable ? Pour les tenants d’une approche néoréaliste des relations internationales, c’est un «oui» sans ambages, étant donné qu’au sein du système international, les États jouent à la roulette nommée «quête de la puissance» et le vainqueur est celui qui en a plus que les autres, en valeur absolue. La politique internationale est un jeu dont le prix ultime est la sécurité et les États en sont les principaux acteurs10. ii) Le deuxième élément requis pour arguer d’une contestabilité conceptuelle est que le terme doit être tellement ambivalent qu’il génère des discussions sans fin, non seulement sur sa nature, mais aussi sur son opérationalité11. À cet égard, la sécurité sera un concept essentiellement contesté si les débats à son propos n’ont donné aucune solution viable et ce, malgré la qualité et la quantité des idées et des preuves apportées à la construction de la discussion. De plus, la notion contestée est marquée par une essentielle «indécidabilité», qui se traduit dans l’attachement indéfectible de chacun des prétendants à la définition ou à la spécification exacte, toujours avec conviction, parfois avec virulence. En d’autres termes, un concept sera essentiellement contesté s’il est connoté axiologiquement à un point tel qu’aucun argument ou preuve ne peut conduire à un usage «communément accepté»12. Le résultat est une insolubilité discursive. Richard Little saisit assez bien l’idéologie qui enserre le débat concernant les questions essentiellement contestées. «Le débat ne peut être résolu, [dit-il], parce que les concepts usités contiennent un élément idéologique qui rend la preuve empirique comme moyen de résoudre la dispute, non pertinente»13.

4Le problème se corse lorsque l’on veut définir la «sécurité nationale». La contiguïté de deux concepts dont l’essence est proprement contestée resserre le corset généré par le caractère insoluble du débat. Une raison majeure justifie ce sentiment. Elle ressortit à la nature de l’État qui recouvre à la fois une idée, une institution et une base physique14. L’État est en même temps une structure organisationnelle complexe, une collectivité et un instrument de politique. En ce sens, l’État est donc d’abord un instrument de promotion de la sécurité avant d’être le sujet ou le référent de la sécurité. Il est l’organe qui assure la médiation entre l’intérêt national défini de façon unitaire et les intérêts des communautés en son sein. Par conséquent, l’intérêt national peut se retrouver (et se retrouve souvent) en compétition avec les besoins des membres de l’entité étatique. En définitive, le postulat réaliste et néo-utilitariste15 de l’État comme sujet de sécurité pose problème16. La solution partielle et provisoire serait alors d’accepter ce que McSweeney appelle la «dualité ontologique» interne qui se définit comme suit : «l’État est l’instrument de sécurité et les individus en sont les sujets»17. Ceci n’est que très peu satisfaisant. Par contre, ce qu’il est plus important de relever, c’est qu’en Relations Internationales18, il n’y a pas un tel débat conceptuel autour du concept de sécurité. Au contraire, la discipline est caractérisée par un ensemble de définitions qui n’entrent pas en réel dialogue «agonistique»19. Chaque auteur préfère son concept à celui des autres sans dire pourquoi le sien serait plus robuste. Le débat sur le concept de «sécurité» s’apparente à celui «des intérêts, des goûts et des attitudes»20, bref, tout ce que Gallie rejette.

5Enfin, ce n’est pas parce qu’un concept est déclaré «essentiellement contesté» qu’il censure toute tentative d’éclaircissement. Nous pensons que c’est tout le contraire. En vertu de sa nature et des principes de Gallie, le concept essentiellement contesté doit être articulé, entrer en discussion sur le terrain de l’irrésolu et accepter le jeu de la contestation pour un prix qui en vaut la peine : une plus grande clarté conceptuelle pour tous et des politiques adaptées. Dire le contraire, c’est adopter une position rigide de la contestabilité proche d’un relativisme absolu, frôlant même le nihilisme, puisqu’aucune conception de la sécurité ne serait plus digne de discussion pour apprécier la valeur du rang qu’elle occupe21. C’est pourquoi, la posture adoptée dans ce texte est plutôt souple et flexible. Elle permet de distinguer, au travers d’une lecture critique des définitions émises, laquelle est la plus appropriée parmi celles qui existent à un moment  donné et celle qui est inacceptable ou très peu opérationnalisable. Néanmoins, elle reconnaît qu’un niveau de perfection analytique est difficilement, sinon jamais, réalisable.

2. La sécurité, brève histoire d’un oxymore

6L’étymologie latine de «sécurité» révèle une contradiction intrinsèque, presqu’un oxymore, un choc entre la particule sine (sans) et l’idée de cura (soin). Les deux éléments mis ensemble (sine + cura) donnent à la sécurité un sens déconcertant : l’absence de soin, c’est-à-dire le contraire de ce qu’elle veut dire aujourd’hui : un état dans lequel «on» a rien à craindre. La sécurité, pour reprendre Cicéron, ne désignait donc pas «l’absence d’anxiété dont dépend une vie heureuse»22, un état de quiétude intérieure, de sérénité et d’équilibre. Ce sens ne s’imposera que bien plus tard.

7Durant le XVIIe siècle, la sécurité qui avait atteint son apex usuel, se référait au sentiment d’excès de confiance23. Ce qui affleure ici, c’est une distinction nette entre la sécurité – le sentiment subjectif – et la sûreté – la réalité objective –, ce qui libère les deux concepts du mécanisme fusionnel – securitas – dans lequel ils étaient plongés, surtout depuis le XIIe siècle. Favre de Vaugelas reconstitue cette dissociation pratique dans les termes suivants : «la sécurité, c’est quelque chose de différent de seureté, d’assurance et de confiance, mais il me semble qu’il approche plus de confiance, et que sécurité veut dire comme une confiance seure ou asseurée, ou bien une confiance que l’on croit estre seure, encore qu’elle ne le soit pas»24. Le traité sur Les passions de l’âme de Réné Descartes abonde dans un sens similaire : «Lorsque l’espérance est si forte qu’elle chasse entièrement la crainte, elle change de nature et se nomme sécurité ou assurance»25. Par ailleurs, le Dictionnaire de synonymes de B. Lafaye, en partant du constat que cet état d’âme d’absolue quiétude est ruineux, note, de manière négative, à deux reprises : «Ils croiront pouvoir être tranquilles sur leur état, et vivre dans une pleine sécurité au milieu de tant de sujets de trembler (Bossuet)». – «Les carthaginois s’avancèrent avec le désordre que donne la confiance […]. Ils furent mis en déroute. Rentrés dans le camp, ils ne prévirent pas devoir être attaqués; et cette sécurité acheva de les perdre  (Condillac)»26. Ce qui fit dire à Quarles que la sécurité était une source de chute pour les individus. Il déclara, par conséquent, que la meilleure «voie menant à la sûreté, était de ne jamais être sécurisé»27. Ce sens devint hors d’usage vers la fin du XVIIIe siècle, malgré la persistance de quelques emplois sporadiques. Ce glissement était dû, en grande partie, au fait que dès la seconde moitié du XVIe siècle, la sécurité a commencé à renvoyer au moyen de protection, à un objet qui sécurise, qui rend fiable. Cependant, il existe très peu de traces de cet usage. En réalité, il faudra attendre le XVIIIe siècle pour rencontrer l’une de ses articulations les plus explicites par Webster pour lequel «une flotte constitue la sécurité de la Grande-Bretagne»28. Métaphoriquement, la sécurité devint un bien qui dénotait une entité visible et solide qui soustrayait la vie et les biens à la menace externe. La protection pouvait aussi être assurée par des biens immatériels tels que l’épargne assurant un certain sentiment de sécurité vis-à-vis des aléas de l’existence.

8Au niveau de la conceptualisation politique, l’on peut distinguer deux ruptures significatives. La première s’étend entre la seconde moitié du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. Elle est associée à l’idée de la sécurité comme «un objectif commun aux individus, groupes et États»29, matérialisé par le tissage des liens entre ces trois catégories. Pour Friedrich Leibniz, «la définition de l’État […] ce que le latin appelle la République, c’est : une […] société dont l’objectif commun est la sécurité»30. Dans cette tradition, l’État n’est ni le référent ni, pour le formuler autrement, le sujet ultime de la sécurité, encore moins une fin en soin. Il est plutôt conçu comme une entité qui cherche à réaliser la sécurité commune en préservant les valeurs humaines. Bill McSweeney le dit de manière forte et révélatrice : «l’État, dit-il, était un instrument de réalisation de ces valeurs. [Il] n’était pas leur sujet, le fondement de leur sens, le site de leur pertinence, ou le calcul à travers lequel elles devaient être comprises ou mesurées»31.

9La Révolution française marque la deuxième rupture en faisant de la sécurité un domaine réservé de l’État réalisé par la force des moyens militaires et/ou diplomatiques. Dans le sillage de Thomas Hobbes, Adam Smith est le principal auteur à avoir plaidé en faveur d’un tel décentrement de la sécurité de son axe libéral, en la réorientant dans deux sens : i) l’État devient l’acteur principal «chargé de protéger la société de la violence et de l’invasion des autres sociétés»32; ii) de manière plus radicale, la liberté des individus est soumise à la sécurité de l’État qui, pour cela, doit recruter une armée. En définitive, la sécurité, «l’idée maîtresse de la tradition libérale», est devenue une condition de l’État et les individus sont sécurisés si et seulement si l’État est sécurisé. Il devient donc possible de soutenir que la Révolution française n’a fait qu’amplifier et renforcer la tendance pour laquelle «la sécurité des individus devait être subsumée, en tant qu’épigramme politique, à la sécurité de la nation»33. Par la suite, l’État se verra investi, en vertu d’un contrat social, du monopole de l’action sécuritaire. Avec Rousseau, la sécurité deviendra «le problème fondamental auquel l’institution étatique doit apporter une solution»34.

10C’est dans cette histoire que s’enracine l’idée de sécurité nationale. Cependant, il n’y a pas de consensus sur la question de savoir quand est intervenu le tournant conceptuel menant à la notion telle qu’entendue aujourd’hui. Trois propositions se partagent le champ dissensuel : i) selon Helga Haftendorn, la sécurité nationale est le produit direct de l’institutionnalisation progressive de l’État souverain depuis le XVIIe siècle35; ii) quant à Ernest May, il décèle l’usage du concept «sécurité nationale» dans la doctrine politique réactive dévouée à la protection de la souveraineté étatique qui serait développée surtout après la Seconde Guerre mondiale36; iii) enfin, et liée à la deuxième proposition, l’idée de sécurité nationale aurait émergé aux États-Unis après 1945, comme une expression forte de la remise en cause du cadre restreint des études et des politiques de défense37. Le but de ce tournant sémantique était de resserrer les liens entre les activités défensives de l’État et celles du Département d’État afin d’établir la politique étrangère des États-Unis au sein d’un cadre politique plus large que celui dessiné symboliquement par la notion d’intérêt national38.

11Qu’est donc sécurité nationale ? Autant la clarification conceptuelle est absente, autant il existe plusieurs définitions de la sécurité nationale et internationale, sans une réelle interaction. Notons en quelques-unes :

  1. Penelope Hartland-Thunberg : «La sécurité nationale est la capacité d’une nation à poursuivre avec succès ses intérêts nationaux tels qu’elle les voie à n’importe quel endroit du monde»39.

  2. Giacomo Luciani : «La sécurité nationale, c’est la capacité de résister à toute agression étrangère»40.

  3. Franck N. Trager et F. N. Simonie : «La sécurité nationale est cette partie de la politique gouvernementale qui a comme objectif central la création de conditions nationales et internationales favorables à la protection et à l’extension de valeurs vitales nationales contre des adversaires existants ou potentiels»41.

  4. Arnold Wolfers : «Dans un sens objectif, la sécurité mesure l’absence de menaces pesant sur les valeurs acquises; dans un sens subjectif, elle désigne l’absence de peur que ces valeurs soient attaquées»42.

  5. Ole Wæver : «On peut considérer la ‘sécurité’ comme ce qui est appelé dans la théorie du langage un acte du discours [¼]. C’est l’articulation elle-même qui est l’acte [¼]. En disant ‘sécurité’, un représentant de l’État déplace le cas particulier dans un espace défini, exigeant des moyens spéciaux pour mettre un terme à ce développement»43.

  6. Barry Buzan : «Dans le cas de la sécurité, la discussion consiste à se soustraire à la menace. Dans le contexte du système international, la sécurité désigne la capacité des États et des sociétés à préserver l’autonomie de leur identité et leur intégrité fonctionnelle»44

12Ces définitions appréhendent toutes le concept à travers un ou plusieurs biais restrictifs45. Nous en relevons quelques-uns. Les trois premières tombent facilement dans la catégorie d’une vision réaliste de la politique internationale au sein de laquelle l’objectif de l’État est la quête de la puissance à travers l’intérêt national. Elles restreignent considérablement le champ d’application du concept de «sécurité nationale». Par ailleurs, la définition de Trager et Simonie recèle l’inconvénient d’être élitiste et bureaucratique. Trager et Simonie font de la sécurité nationale un pur instrument de promotion et d’extension des «valeurs nationales vitales». Cette idée peut être interprétée comme étant la manifestation d’une volonté de puissance impérialiste. Parmi les valeurs nationales il y a assurément l’idéologie organisatrice de l’État. Un État donné, à mesure que sa puissance croît, peut être amené à penser que sa culture et son mode de gouvernement sont les parangons à suivre pour un meilleur développement économique et social. L’anti-américanisme manifeste dans certaines régions d’Europe et du Sud est basé en très grande partie sur ce genre de (res)sentiment.

13La définition de Wæver qui a suscité tout un courant de recherches et a été au cœur du foisonnement littéraire de ce que l’on a appelé depuis lors «l’école de Copenhague», recèle aussi un piège46. Si le politique dit «sécurité», l’objet le devient et, en vertu de cette génération linguistique spontanée, il peut exiger des pouvoirs extraordinaires pour contrer la menace qu’il a plongée dans les eaux baptismales «sécuritaires». Ceci n’est que partiellement vrai et partialement utile. C’est partiellement vrai dans la mesure où il y a des questions de sécurité qui n’ont pas besoin d’être articulées avant que l’on sache qu’il y a problème. Le cas des menaces naturelles, par exemple, est assez typique. Un typhon, un tremblement de terre peuvent être traités comme des questions de sécurité sans articulation légitimatrice. Ce sont des facteurs de sécurité en soi. La définition de Wæver est partialement utile parce qu’elle s’arrête aux actes du discours qui font qu’une question devient sécurisée si une élite décide d’en parler dans ce sens. Toutefois, ce que ce concept suggère, surtout dans son insertion au sein de l’école de Copenhague, c’est de réconcilier État et société ou, pour le formuler autrement, les préoccupations de la souveraineté et de l’identité. L’identité est entendue ici comme une habilitation sémantico-pragmatique d’une communauté spécifique à dire «nous» et, en conséquence, à s’opposer aux «autres»47. Ce qui est au centre de l’analyse proposée par la «coterie de Copenhague»48, ce sont à la fois les origines, les structures et les dynamiques de formation des identités collectives et la connexion entre celles-ci, les intérêts et les menaces potentielles qui pourraient grever leur plein épanouissement49. Cette endogéneisation de l’identité et, partant, de l’intérêt, se double d’une interrogation sur la construction discursive de la menace, d’où le concept de «sécuritisation», c’est-à-dire la désignation d’un objet comme étant une menace par une autorité légitime, et acceptée comme telle par une audience significative (cf. supra)50. Les questions analytiques, qui ont aussi des répercussions politiques et éthiques qui en découlent peuvent être articulées de la façon suivante : Qui peut parler efficacement de sécurité, sur quelles questions, à quelles conditions, dans quels contextes, avec quels effets ?

14Il existe une différence notable entre la «sécurisation» et la «sécuritisation». Le premier terme – qui nous est d’ailleurs plus familier – renvoie au fait de rendre plus sûr un objet, un espace, un sujet donné. Quant au second concept, la sécuritisation, il est la construction pragmatico-linguistique qui transforme un sujet donné, a priori sans ou d’un enjeu limité, en question de sécurité. En d’autres termes, la sécuritisation actualise rhétoriquement une anxiété, une situation d’incertitude, alors que la sécurisation est l’art de sécuriser, c’est-à-dire l’art de mobiliser un ensemble de moyens financiers et humains afin de mettre en œuvre une gamme de pratiques permettant de fiabiliser un espace socio-politique spécifique. Dans la plupart des cas, la sécuritisation précède la sécurisation. En tant qu’objectivation rhétorique de la sécurité, la sécuritisation annonce la sécurisation ou la mobilisation de moyens extra-ordinaires pour une situation décrétée hors-limites51. Cependant, la notion de sécuritisation, quelle qu’en soit par ailleurs l’utilité analytique, est d’un apport négligeable sur ce qui fait que le «réceptacle» du discours interprétera la question comme étant une source d’insécurité. Ceci à la limite, nous pouvons nous en accommoder. En revanche, il faut bien comprendre que les actes du discours sont imparfaits. Ils sont rhétoriques et donc conceptuels. Le mécanisme de compréhension n’est pas simplement conceptuel, il est aussi, et en première instance, préconceptuel. C’est la préconceptualité, formée dans l’interaction avec notre environnement physique et social qui structure la manière dont des concepts, des lieux et des expériences font sens pour nous. Qu’est-ce qui nous dit que l’orateur «X» et l’auditeur «Y» ont la même base préconceptuelle pour interpréter «Z» comme une question de sécurité ? C’est présupposer d’un pouvoir immense de «X» sur «Y». Ceci nous conduit aux confins de la psychologie cognitive dont le but ultime est de dévoiler les structures intrinsèques du concept «sécurité»52.

15La définition de Buzan n’est guère plus satisfaisante. La raison en est qu’il n’est pas facile de se «soustraire» à la menace de manière absolue. Il y a toujours un espace de doute qui s’ouvre comme une zone de recherche pour l’action efficace. Et, en général, chaque solution à une menace est le point de départ d’une autre. Les systèmes politiques et socio-économiques constituent un nœud indicible de menaces desquelles on ne peut se «soustraire» de façon absolue, mais que l’on gère au quotidien. L’autre élément foncièrement problématique chez Buzan, c’est l’absence de définition des termes «autonomie d’identité» et «intégration fonctionnelle».

16Enfin, examinons la définition d’Arnold Wolfers. Formulée en 1952, elle semble présenter moins de problèmes et donc plus de potentialités analytiques que les précédentes. En effet, cette délimitation du concept est intéressante pour deux raisons essentielles enveloppées dans un souci de «spécification». Qu’est-ce que cela veut dire ? Selon Wolfers, la sécurité est un «concept ambigu» si l’on ne répond pas à deux questions essentielles : i) la sécurité pour qui ? et ii) la sécurité pour quelles valeurs et par rapport à quelles menaces ? La première consiste à clarifier le référent ou le sujet de la sécurité (individu, État, région, système international, etc.). Quant à la seconde, elle nous pousse à spécifier le secteur concerné (économique, environnemental, politique, sociétal, etc.) et surtout, quelle valeur est menacée par l’ébranlement d’un des secteurs susdits53 ? C’est le problème de la sectorisation. La partie suivante discute de cette question et montre ses risques. Elle étudie en outre chacun des secteurs spécifiés afin de dévoiler leur logique interne et leurs points de vulnérabilité.

3. La «sectorisation» et ses limites

3.1. Le couple menaces-vulnérabilités

17Sans conteste, la sécurité nationale s’étudie en termes de menaces et de vulnérabilités. La stratégie de sécurité d’un État répond souvent à une évaluation de ce couple qui conditionne, en dernière instance, son effectivité. Le problème est que même s’il est relativement aisé d’évaluer la vulnérabilité, il est beaucoup plus complexe d’apprécier la menace. Deux raisons l’expliquent. La première est liée à ce que nous appelons «la volatilité de la perception» qui évolue entre le subjectif et l’objectif. Par «volatilité de la perception», nous entendons deux choses : i) l’impossibilité de savoir de manière absolue si une entité est une menace ou non; ii) l’inclination des acteurs politiques à surfer sur les menaces et à exagérer ou minimiser leur portée réelle, selon l’enjeu politique du moment. De plus, la perception de la menace, lorsqu’elle est voilée par la peur ou l’angoisse, sape les capacités rationnelles des différents acteurs socio-économiques et paralyse toute tentative de formuler des politiques adéquates. Le deuxième écueil dans l’évaluation de la menace se situe dans la détermination du degré suffisant de menace qui risque de porter atteinte à un point vital de l’État54. Comment peut-on dissocier les défis «normaux» qui surviennent en vertu de la structure anarchique du système international de ceux qui visent vraiment la substance de l’État ? Y a-t-il un instrument de mesure permettant aux décideurs de déterminer quand une menace est inhérente au cours de la vie internationale et quand elle devient sérieuse ? Qu’est devenu le champ de la sécurité nationale ?

3.2. Verticalité et horizontalité analytiques

18L’étendue de la sécurité nationale est tout simplement immense. Néanmoins, le référent-État de la sécurité nationale fait face à quatre secteurs distinguables dans l’abstrait, mais noués dans la réalité. Ce sont en fait des secteurs prioritaires qui semblent être des vecteurs de vulnérabilités accentuées : les secteurs économique, environnemental, politique et sociétal. La sécurité économique concerne la capacité de l’État à accéder aux ressources stratégiques et aux marchés nécessaires au maintien de sa puissance et de son bien-être. La sécurité environnementale ressortit à la qualité de la biosphère comme prérequis à la continuité d’une «vie authentiquement humaine sur terre»55. La sécurité politique porte sur la stabilité idéologique, institutionnelle et physique de l’État. Elle gère aussi le domaine militaire et en use lorsque c’est nécessaire. La sécurité sociétale couvre «le maintien, au sein de conditions acceptables de progrès, des modes linguistiques traditionnels, de la culture et de la religion, de l’identité nationale et des coutumes»56.

19La «sectorisation», ou l’analyse par secteurs, est une méthode dont les premiers développements sérieux remontent à la publication de The Logic of Anarchy par Buzan, Jones et Little en 199357. Elle est une façon d’analyser le système international par volet d’activité58. Chaque secteur apporte un éclairage particulier sur la sécurité nationale, et la nature de la menace varie à l’intérieur de chaque secteur et affecte la sécurité de l’acteur étatique d’une manière spécifique59. Les secteurs ne sont pas des sous-systèmes, mais des lentilles analytiques à travers lesquelles le chercheur enquête sur l’état de tout le système par rapport à un référent donné. De plus, la sectorisation permet d’avoir une image approfondie de tout le système à travers une lentille sélectionnée. La métaphore de la lentille est très utile60. En effet, «la fonction des secteurs est identique à celle des lentilles : chacune donne une vision de l’ensemble qui insiste sur certaines caractéristiques, néglige d’autres, et parfois même les occulte»61. Enfin, la sectorisation permet, dans une large mesure, de maîtriser la profusion des variables.

20Mais il y a un piège auquel ni Kenneth Waltz, ni Alexander Wendt n’ont échappé, celui de prendre le secteur pour le système62. Il est assez étonnant de voir comment un ouvrage tel que Theory of International Politics, bien qu’ancré dans la microéconomie, ne parle pas vraiment de ce secteur, sauf quelque peu au niveau de la partie consacrée aux dangers liés à l’interdépendance63. Le biais néoréaliste et constructiviste, consiste donc dans la tentation d’inférer, de tirer des conclusions, et par conséquent, de réifier la lentille en la prenant pour le tout systémique. En d’autres termes, le système politique international n’est pas le seul angle d’analyse de la réalité internationale. Les autres secteurs ont un éclairage particulier à y apporter. Une approche qui occulterait la richesse potentielle de ces secteurs serait réductionniste64. Elle prend l’abstrait pour le concret, la partie pour le tout. Les secteurs forment un réseau d’intelligibilité de la scène internationale et, à ce titre, sont indissociables65. Les familiers du réalisme structurel auront perçu la faille : «comment la division verticale du système en secteurs, et la division horizontale des niveaux systémiques d’analyse interagissent-ils ? Les niveaux d’analyse sont-ils définis par rapport à l’ensemble du système, ou alors, en relation à un secteur particulier ?»66. Ces questions ne peuvent être résolues en quelques paragraphes. Il nous faut simplement noter que les secteurs et les niveaux d’analyse ne sont rien d’autre que des «synopses» analytiques. La discussion précédente peut être résumée dans le tableau conceptuel suivant :

21Le schéma s’organise en deux grands axes, vertical et horizontal. Le premier délimite les niveaux d’analyse et le second porte sur les secteurs saillants pour la sécurité nationale en général, et en rapport aux dynamiques sub et supra nationales en particulier (cf. le modèle du sablier de Wæver infra)67. Il reprend les termes d’«élargissement» pour les secteurs et d’«approfondissement» pour les niveaux, afin de montrer qu’il y a un écart par rapport au néoréalisme de type waltzien. En pratique, chaque niveau peut être analysé transversalement ou se focaliser sur un seul secteur, selon les exigences empirico-théoriques du moment et de l’objet d’étude. Pour rendre ceci plus perceptible, nous parcourons chaque secteur en dégageant les enjeux traditionnels qui s’y nichent. 

3. 3. Les secteurs et leurs enjeux

a. Le secteur politico-militaire

22Barry Buzan sépare le secteur militaire du secteur politique parce qu’ils sont, selon lui, sujets à des menaces différentes. Les menaces du secteur militaire toucheraient toutes les composantes de l’État, idéelle, institutionnelle et physique, alors que celles qui affectent le secteur politique ne frapperaient que les deux premières composantes de l’État. Ceci est extrêmement discutable. Nous croyons que la distinction émise à ce niveau n’est pas soutenable pour trois raisons. D’abord, la menace militaire ne peut s’effectuer que par le biais du secteur politique. Ensuite, le militaire est un secteur entièrement soumis au politique, du moins dans les États où il existe une relative clarté institutionnelle. Enfin, le secteur militaire est un moyen au service du politique. Et même si la menace est militaire pour un État X, elle est sous-tendue par le secteur politique de l’État Y. En conséquence, nous n’adoptons pas cette distinction. Nous préférons la continuité clausewitzienne entre politique et militaire à la différenciation buzanienne qui perd en justesse.

23Le secteur politique peut être décomposé en deux dimensions : une dimension supérieure et une dimension inférieure68. La première est celle du système international (unité+interaction+structure)69, alors que la seconde concerne le niveau interne, où l’État est formé par les individus afin de préserver et de rehausser leur sécurité et d’éviter le bellum omnium contra omnes  exemplifié par la vision de l’état de nature hobbesien. Néanmoins, même si elle est fondée sur le contrat interne entre individus, la première dimension semble plus riche parce que c’est elle qui nous permet de parler d’une sécurité inter-nationale. Les limites de la sécurité nationale sont déterminées par la structure anarchique du système international. Ce dernier est la condition de possibilité de toute discussion crédible sur la sécurité nationale. Les États évoluent dans ce milieu, et sont, en retour, structurés par ce système. C’est l’idée de la double structuration développée en sociologie par Anthony Giddens et transposée en Relations Internationales par Wendt70. L’anarchie ne veut pas dire le chaos. Elle signifie simplement l’absence d’une autorité mondiale, en réalité d’un gouvernement, qui subsume celle des États. L’anarchie trouve donc sa manifestation ultime dans l’existence d’unités souveraines au sein du système. Sans ces unités (acteurs du système), il est presque anachronique de parler d’anarchie, encore moins de débattre des présupposés, des implications, des convergences et des divergences de la sécurité nationale. L’anarchie établit le cadre des études de sécurité nationale. Les États interagissent au sein du système international et sont influencés par la compétition qui y règne : «l’idée de "sécurité nationale" [] est mieux usitée pour renvoyer aux conditions systémiques qui influencent la manière dont le comportement des États insuffle aux autres un sentiment de sécurité relative»71.

24L’anarchie internationale est soutenue par une diversité d’idées qui gouvernent les visions de l’État. Ces idées ont toutes une égale prétention à organiser adéquatement la vie politique. Le continuum va de la démocratie libérale à l’autoritarisme, en passant par les États religieux. Chacun des principes organisateurs conçoit l’autre comme une menace à sa propre survie. La diabolisation mutuelle de l’Iran et des États-Unis en est un exemple. Elle cristallise l’opposition et l’endiguement mutuel entre l’idée d’État comme démocratie libérale et celle d’un État vu comme incarnation métaphysique et théologique. La menace politique est d’abord intentionnelle même si ensuite, elle peut devenir structurelle et avoir alors une logique interne qui échappe aux dirigeants politiques : c’est la réification structurelle. Celle-ci peut être causée par la division idéologique ou par l’enlisement d’un conflit. Dans le premier cas, l’exemple évident est celui de la division entre la Corée du Nord et la Corée du Sud; le second cas peut être représenté par le conflit Est-Ouest durant la Guerre froide. D’autres cas sont mixtes, les guerres au Soudan et en Colombie par exemple72.

b. Le secteur sociétal

25Le problème de la sécurité sociétale réside en ce qu’elle est très fermement liée au volet politique. Elle est plus développée dans l’école constructiviste moderniste de type linguistique que dans l’idéalisme structurel73 et le réalisme doctrinaire à la Hans J. Morgenthau74. Ce qui y est accentué comme référent de sécurité, c’est la collectivité, qu’elle recouvre toute la nation ou seulement une minorité interne à un État, même si celui-ci a fini par prendre la forme d’un État-Nation. Les deux menaces classiques citées sont l’immigration et le nationalisme comme facteurs ou ferments de désintégration sociétale75. Par exemple, l’immigration est jugée comme pouvant, à terme, poser un grave problème aux sociétés européennes si elles ne s’attèlent pas à un double travail : développer le Sud et intégrer les immigrants qui sont déjà sur leur territoire76. Les flux migratoires, s’ils sont trop importants, risquent d’être déstabilisateurs pour le marché de l’emploi et pour l’identité des sociétés européennes77. Vaste débat polémique. Le second point concerne le nationalisme dont, à notre avis, les conséquences sociétales sont plus puissantes que la question de l’immigration, facteur facilement récupérable par des idéologues d’extrême-droite – ce qui peut entraîner des liaisons et inférences malheureuses et dommageables, comme celle entre immigration et sécurité, omettant par la même occasion comment certains États modernes ont été formés et continuent d’être (re)formés par l’immigration78. Les cas des États-Unis et du Canada, quels que soient les défis qu’ils soulèvent, restent assez remarquables. Dans la question du nationalisme, le lien entre les sécurités nationale et sociétale devient plus clair, surtout lorsqu’une demande de reconnaissance identitaire d’une collectivité se transmue en revendication d’indépendance. Enfin, la sécurité sociétale peut, par contamination, se transformer en question de sécurité régionale, comme l’a bien montré l’épineux problème des Kosovars. La position de la sécurité sociétale, en ce compris ses quelques points de «friction» sur le spectre sectoriel, peuvent être représentés comme suit :

Image3

c. Le secteur économique

26Il n’existe pas de consensus sur la question de savoir ce que recouvre la «sécurité économique»79. Le marché, comme on le sait, fonctionne selon le principe du risque. Nulle part ailleurs, la vie n’est aussi brutale, risquée, agressive et incertaine80. Autrement dit, pour fonctionner efficacement, les acteurs sont nourris par la pression de la compétition et la peur de perdre des parts de marché. La compétition et l’insécurité sont l’essence même du marché capitaliste81. Si l’insécurité fait donc partie du cours normal des choses, quelles menaces méritent d’être qualifiées d’«insécurité économique nationale» ? En effet, il faut bien comprendre que ce qui se joue ici permet de voir la complexité d’ériger des critères de sécurité économique. Aussi frustrant que cela puisse paraître, la pression sévère des firmes internationales sur les entreprises nationales ou encore la manipulation des taux financiers ne peuvent être comptées au rang d’enjeux de sécurité économique nationale82. Bien que ces facteurs puissent être extrêmement dommageables pour la santé de l’économie nationale en provoquant notamment un déséquilibre dans la balance des paiements, ou encore une augmentation du chômage, ils ne sont que des risques «normaux» du jeu qui se déroule sur la scène agressive du marché. Ceci ne veut pas dire que ce cours normal du déroulement économique ne soit pas contestable. Mais cela, à notre avis, relève plus du domaine de l’éthique économique et sociale, et même peut-être de la morale, que de l’essence de l’économie capitaliste83.

27Néanmoins, si l’économie représente l’une des composantes maîtresses de la puissance politique et militaire d’un État, son affaiblissement constitue, à n’en point douter, une menace pour les versants idéel et institutionnel de celui-ci. L’État est ainsi contraint d’opérer des coupes budgétaires dans certains domaines, tels que la défense et la sécurité intérieure ou d’autres programmes sociaux. Le résultat en est une baisse d’influence sur la scène internationale, causée par la chute de la puissance étatique minée par des performances économiques anémiques. De plus, le fait que l’on ne puisse prévoir le «comportement» du marché rend encore toute prédiction difficile. L’adoption des politiques appropriées ressemble à un poker dont le futur est l’autre partenaire, plus qu’à une science exacte, n’en déplaise aux ministres de l’Économie et/ou des Finances des différents États et aux experts économiques. Les prévisions économiques sont simplement des conjectures, rien de plus. La prétention de sécuriser le futur par les prévisions est louable, mais ce ne sont que des prévisions, sujettes à la mutabilité et à l’erreur.

d. Le secteur environnemental

28Il est souvent déconcertant de voir comment on classe les questions liées à la sécurité environnementale84. On confond, pêle-mêle, les menaces naturelles et les menaces sociales (cf. supra). Il convient, au contraire, de les distinguer afin de déterminer où se situe la menace principale. i) Les menaces naturelles, telles que les tremblements de terre, les inondations, sont des risques inhérents à la «biologie» de la planète. Les moyens pour les contrer sont limités. On peut, par exemple, adapter l’architecture, construire une digue, mais que peut-on contre un typhon ? Il est donc difficile de ranger ceci comme enjeu de sécurité nationale au sens premier c’est-à-dire comme menaçant l’idée, la structure institutionnelle et/ou la base physique du pays. Même si un tremblement de terre fait disparaître une ville entière, le territoire ou ce qui en reste est toujours la propriété de l’État. Par contre, si un tremblement de terre occasionne des dégâts qui se révèlent être le fruit d’une planification inappropriée des politiques, alors cela peut poser un problème de sécurité. Cela est tout aussi discutable. Bref, les menaces naturelles sont des questions de sécurité nationale au sens second : elles affectent la vie de quelques citoyens, mais pas l’existence de l’État. ii) En matière environnementale, les menaces sociales sont celles créées par l’activité des hommes. Les gaz à effet de serre, l’érosion de la couche d’ozone et la montée des eaux sont des conséquences visibles de l’activité intensive de l’espèce humaine, qui commence à avoir des effets sur le déroulement de la vie. Le cas du Chili par rapport à la couche d’ozone est assez remarquable. Toutefois, ce n’est pas un enjeu direct de sécurité nationale, mais une menace globale. Cependant, l’environnement peut devenir un enjeu de sécurité nationale au sens premier dans trois cas particuliers : i) si l’État a besoin d’une ressource telle que l’eau, cela peut entraîner l’adoption de mesures militaires pour acquérir ou garder l’exclusivité de son contrôle; ii) si les États développent les capacités technologiques nécessaires à la manipulation du climat, ceux qui en sont dépourvus se verront menacés; iii) s’il y a une guerre nucléaire, l’écosystème sera touché par un hiver du même nom85.

29En résumé, rien de ce que nous avons dit au niveau sectoriel n’autorise à soutenir que ces menaces sont fixes. En sens contraire, ce que nous avons essayé de faire, c’est de souligner la dynamique interne des secteurs sans intervention de la notion «d’interdépendance». Car si l’on ajoute cette variable – interdépendance –, alors les données ci-dessus connaissent quelques subtiles modifications. L’on verra, par exemple, une montée en puissance des menaces sociétales, économiques et environnementales, ainsi qu’une liaison plus forte entre économie et environnement créée par l’accroissement et la consolidation progressive de la densité interactionnelle. Ceci, à coup sûr, montre combien la sécurité nationale est devenue tributaires des politiques d’interdépendance. À la sécurité nationale, donc, s’ajoutent désormais, avec un surcroît de lutte pour la priorité sur les agendas politiques, les sécurité humaine, personnelle et globale, portant ainsi au nombre de quatre les «images de la sécurité»86.

4. Le rejet du positivisme ou les aléas d’une épistemologie repensée

30Lors de l’élucidation conceptuelle de la sécurité nationale à travers la «sectorisation», le réalisme structurel nous a servi de grille analytique. Mais il ne nous a pas dit pourquoi un élément du secteur est plus important qu’un autre. Qu’est-ce qui fait qu’il est un point vital ? Qu’est-ce qui discrédite les autres points vulnérables du secteur d’avoir ce même statut d’élément vital dont le basculement devient un enjeu de sécurité nationale ? Aucune réponse ne vient directement du réalisme structurel. Nous revenons alors à Wolfers et établissons le lien avec la construction sociale de la menace et du savoir portant sur celle-ci, deux des éléments qui placent les études contemporaines de sécurité dans une optique post-positiviste87.

31Reprenons cette définition : «dans un sens objectif, la sécurité mesure l’absence de menaces pesant sur les valeurs acquises; dans un sens subjectif, elle désigne l’absence de peur que ces valeurs soient attaquées»88. Ce qui nous semble cardinal dans cette définition, c’est l’idée de «valeurs acquises». Nous reformulons cette définition de Wolfers de la façon suivante : quelle que soit l’unité d’analyse (Individu, État, Région, Globe), la sécurité peut être abordée subjectivement et/ou objectivement. Du point de vue objectif, elle désigne l’absence de menace portant sur des valeurs socialement construites et réifiées. Du point de vue subjectif, elle est la minimisation d’un danger affectant ces valeurs. Ce qui ressort de cette formulation, c’est que la sécurité est d’abord ce que les acteurs en font89. C’est l’interaction avec le monde physique et avec les autres acteurs qui objective une situation comme question de sécurité. En d’autres termes, l’ontologie des relations internationales – de quoi sont faites les relations internationales – est d’abord un construit intersubjectif. De même, sans aucun doute, l’épistémologie de cette sphère de réflexion – comment étudie-t-on les relations internationales – est-elle faite de pratiques socialement construites. Ce qui, en fin de compte, réinscrit le politologue dans son objet d’étude sans toutefois le fusionner avec celui-là, en lui procurant néanmoins un surcroît de responsabilité qui avait déserté la candeur d’une science réaliste de la politique internationale détachée de ses objets d’étude (acteurs internationaux et leurs interactions), existant a priori et précédant tout savoir s’y référant. Il s’agit ici d’un tournant épistémologique en faveur du post-positivisme. Ce virage anti ou post-positiviste critique fondamentalement la notion d’objectivité de base comme étant très ruineuse pour la recherche scientifique, ceci pour deux raisons au moins : i) il n’existe pas de monde social objectif, réifié, qui demeure passif sous l’effet de l’activité théorique du chercheur; la rationalité n’est pas transcendantale, mais contextuelle. ii) La théorie est factuellement inscrite étant donné qu’elle participe à la construction de la réalité sociale selon le bel aphorisme de Cox, «une théorie est toujours pour quelqu’un et sert un but précis»90. La théorie, contrairement à ce qu’affirme le positivisme, définit la réalité sociale et, «toutes les formes de vie sociale sont partiellement constituées à travers la connaissance que les acteurs en ont»91. Le positivisme est donc remis en cause dans les études de sécurité parce que «les idées, les mots et le langage ne sont pas des miroirs de la réalité qui copient un monde ‘réel’ ou objectif […], mais des instruments qui permettent d’appréhender le monde. En conséquence, il y a un lien substantiel entre épistémologie et […] politique»92.

32Outre le revirement épistémologique pré-spécifié ci-dessus, l’essentiel de l’apport post-positiviste réside dans un certain rapprochement entre les mécanismes de perception et la réalité, dont le canon se trouve dans un rejet sans appel de la position de Buzan, Jones et Little où «la puissance perçue de l’État, et donc sa capacité à déterminer les résultats [de son action] peut être supérieure […] à ses capacités réelles»93. En effet, cette conception néoréaliste était fondée sur une dissociation entre la matière et les idées. En sens contraire, le post-positivisme soutient que le matériel et l’idéel, la perception et le fait perçu sont intrinsèquement unis, même si, in fine, le matériel n’a de sens qu’en vertu de la valeur idéelle qui y est attachée. Ainsi, un exemple souvent cité est le cas de l’arme nucléaire revêtue d’une signification particulière selon la nature de l’État qui l’acquiert. Dans ce sens, les stocks d’armes nucléaires dont sont propriétaires la France et la Grande-Bretagne sont moins alarmants (menaçants) pour les États-Unis qu’une seule tête nucléaire possédée par la Libye, la Corée du Sud, l’Irak ou l’Iran.

33Cependant, le post-positivisme n’est pas exempt de critiques, parfois très acerbes. Nous en retenons deux dont la portée nous semble plus pertinente parce que introduisant une certaine césure dans le prétendu chorus qui existerait au sein de l’ensemble post-positiviste. Le premier grief ressortit à la myriade d’écoles qui sont regroupées au sein de ce groupe épistémologique. En d’autres termes, le post-positivisme serait un concept fourre-tout, une famille théorique hétérogène à l’intérieur de laquelle on pourrait ranger à la fois le constructivisme, le postmodernisme, la théorie critique et même les études féministes de la sécurité. De fait, si les trois derniers courants théoriques sont post-positivistes au sens propre du terme, le constructivisme est beaucoup plus difficile à classer. Celui-ci intègre certes les deux axiomes centraux du post-positivisme – en l’espèce, i) l’ontologie de la construction sociale de la réalité et ii) l’épistémologie de la construction sociale de la connaissance mais reste significativement rationaliste94 en ce que le référent de la sécurité – ce qui doit être sécurisé – est donné ex ante, avec un stock d’intérêts arrêtés, l’habilitant à déterminer un ensemble de dangers pré-sociaux, c’est-à-dire existant avant toute interaction95. En réalité, et dans le prolongement de cette limite, le constructivisme néglige le déploiement de la connaissance par les acteurs qui l’ont socialement échafaudées96. La seconde critique peut être qualifiée de «nominaliste». Par exemple, le terme «théorie critique» désigne deux courants de recherche différents dont l’usage et l’affiliation dépendent du lieu géographique de rédaction. Aux États-Unis, la théorie critique est très éclectique et renvoie à des théories et approches qui sont plus ou moins post-positivistes ou qui pratiquent volontiers le post-positivisme à la carte. Elle inclut alors «la famille des théories telles que les postmodernistes (Ashley, Walker), les constructivistes (Adler, Kratochwil, Ruggie, et maintenant Katzenstein [Wendt]), les néo-marxistes (Cox, Gill), les féministes (Peterson, Sylvester) et bien d’autres»97. Par contre, en Europe, lorsque l’on parle de théorie critique, il s’agit de l’antithèse de la théorie traditionnelle (positiviste) telle que développée par l’école de Francfort (Horkheimer, Adorno), prolongée et déployée aujourd’hui par Habermas, Honneth, Linklater98. C’est ce second sens qui est, à notre avis, plus philosophiquement viable pour les Relations Internationales en tant que discipline en quête de cohérence théorique et conceptuelle, en ce qu’il lie la théorie critique à trois dimensions : la normativité, la praxéologie et la sociologie qui donne à celle-ci un rôle social plus marqué, libéré de ses chimères encastrées dans les vœux de neutralité épistémologique et ontologique.

5. Le niveau régional de la sécurité

5.1. Spécificités

34La question de savoir quelles sont les spécificités du niveau régional de la sécurité revient à sonder l’idée de «région» en Relations Internationales99. Pour cette discipline, en effet, la région se décline de manière duale : d’une part le volet sub-étatique; et d’autre part le versant supra-étatique. La première expression désigne les régions internes à l’unité de base des relations internationales, l’État. Ici donc, par essence, il n’y a région que parce l’État, généralement suite à une révision constitutionnelle, en a décidé ainsi. Le qualificatif «supra» indique, quant à lui, encore qu’il ne soit réellement approprié, précisément ceci : l’agrégation, formelle ou non, d’entités étatiques autour d’intérêts et d’identités. Or, le niveau «sub» ne s’internationalise que lorsqu’il prend corps au sein d’une institution supra-nationale tel que le Conseil des Régions au sein de l’Union européenne. C’est pourquoi, ce qui s’impose à notre examen se limite d’emblée au niveau «supra». Il y aura lieu d’abord de délibérer de la difficile tâche de définir la région; ensuite, l’analyse des complexes de sécurité, en tant que contribution centrale des travaux de Buzan dans le domaine de la Sécurité Internationale méritera une exégèse plus avancée; c’est au cœur de cette lecture (critique) qu’émergeront, enfin, les conditions déterminantes de la sécurité régionale.

35Si la définition de la région est conçue ici en tant que réceptacle conceptuel et analytique de ce qui va se déployer, c’est que s’y montre de la façon la plus aiguë, les caractéristiques charnières de ce qui rend possible la manifestation d’une région. Ceci ne consiste en rien de moins qu’en un énoncé définissant les contours de la sécurité régionale qui procède de ce qui lui est propre : l’interaction, la géographie et l’ontologie relationnelle, c’est-à-dire la nature sédimentée des rapports – ami, ennemi ou rival. Ce qui veut dire ceci : la logique de la sécurité régionale est logée dans un truisme décisif : le caractère essentiellement relationnel de la sécurité100. De là vient que seuls les rapports entre acteurs étatiques que nous n’abordons, pour des raisons d’économie analytique, qu’en termes de menaces et de vulnérabilités intersubjectives, nécessitent une imposition de «formes régulatrices», c’est-à-dire : une schématisation en vue de leur plus grande intelligibilité. Ceci peut ne sembler qu’une répétition de l’idée précédente. Mais nous voulons signifier davantage : les définitions de la région varient, mais les déterminants – interaction, proximité géographique et ontologie relationnelle – subsistent en filigrane.

36Nous pouvons à présent circonscrire l’enchaînement des définitions concurrentes mais complémentaires quant au contenu, et nous n’en sommes relativement capables qu’en vertu des prémisses susmentionnées, qui orientent notre démarche. Tout d’abord, un sous-système régional, dans le sens de Williams Thompson, se définit par trois éléments : (i) les attributs – la proximité géographique, la régularité et l’intensité des interactions, lesquelles expliquent que les variations à l’intérieur d’une unité entraînent des altérations en d’autres points du sous-système; (ii) la reconnaissance interne et externe d’un groupe d’États comme membres d’un espace délimité; et (iii) la taille de cet ensemble, fonction du nombre et de la puissance cumulée des unités impliquées101. Quel que soit  ici l’état des choses, il reste qu’à leur tour, Louis Cantori et Steven Spiegel proposent de définir la région en des termes quasi similaires. La région, affirment-ils, est délimitée «– du moins en partie – par rapport aux éléments géographiques, même si les facteurs socio-économiques, politiques et organisationnels sont tout autant pertinents. En conséquence, les membres [d’une entité régionale] sont proches, sans être nécessairement contigus»102. Ces variables sont réarticulées, avec plus d’ordre, par Raimo Vayrynen. Il dit expressément : «Un sous-système régional est caractérisé par une certaine singularité et une (réelle) proximité, non seulement au sens géographique, mais aussi en termes économiques et politiques. La proximité est institutionnalisée à travers les interactions mutuelles et les organisations communes»103.

37Ainsi se trouve posé le socle propre à déterminer les variables cruciales d’une région en Relations Internationales, en l’espèce : la proximité géographique et la densité interactionnelle dont les forces latentes conduisent, progressivement, à la production manifeste d’une ontologique sociale spécifique, véhicule de puissances intégratives ou désintégratives. Selon Emile Durkheim, à qui cette idée de «densité dynamique ou interactionnelle» est empruntée, «l’accroissement du volume et de la densité dynamique des sociétés modifie fondamentalement leur existence collective». En revanche, dès que l’on a posé cette définition, on s’aperçoit qu’elle soulève deux questions adjacentes : (i) Qu’est-ce que le volume ? Et, d’autre part, (ii) Qu’est-ce que la densité dynamique ? Par volume, Durkheim désigne le nombre d’unités sociales pertinentes – les États. La densité dynamique, quant à elle, c’est la quantité, la vitesse, et la diversité agrégée des transactions actives (économiques, politiques…) au sein d’une architecture sociale104. Il s’ensuit qu’au sein de la sécurité régionale, les notions de «volume» et de «densité dynamique» sont fonction l’une de l’autre, leur nœud déterminant étant l’état du sous-système.

38En redélimitant ainsi la problématique, la question de la sécurité régionale apparaît métamorphosée. Elle se trame à l’intersection d’au moins deux phénomènes distincts, dont on ne déduit pas machinalement la formation, mais qui y conduisent subtilement105 : (i) la jonction progressive de divers champs politiques, économiques et/ou sociaux; (ii) l’intensité des interactions externes. Que nous ayons donc déterminé ces éléments, voilà qui pourrait constituer une bonne base de travail. Mais elle ne saurait être que provisoire. Toujours est-il que ce «provisoire», qui sans doute cherche sa justification dans la formulation précédente, résolument imprécise, détermine désormais à l’avance la conception que l’on est amené à se faire de la sécurité régionale. Ce qui signifie dans le même temps : la ligne principale de la sécurité régionale, c’est l’interdépendance. Toutefois, la nature de celle-ci varie en fonction de l’ontologie relationnelle qui prévaut et de la distribution des capacités (militaires et/ou économiques surtout). Cette postulation théorique, assurément simpliste, conduit, pourtant, au district fondamental de la sécurité régionale qui inclut tant l’interdépendance positive que négative. Les deux pôles du continuum de la sécurité régionale, qui recouvrent par ailleurs la conflictualité et la coopération pures, sont indissociablement réintégrés dans le concept structurant de «complexe de sécurité»; en d’autres termes : «un groupe d’États dont les inquiétudes et les perceptions majeures de sécurité sont liées à un point tel que leurs problèmes de sécurité nationale ne peuvent raisonnablement être analysés ou résolus séparément»106. Cette définition conductrice, c’est-à-dire cette précision analytique, qui maîtrise à la fois les aspects formels et non-formels de la sécurité régionale, dénote dès le départ ce qui distingue le complexe de sécurité des autres formulations. La foncière reconnaissance des unités (Thompson), le statut subsidiaire des facteurs socio-économiques (Cantori et Spiegel) et l’institutionnalisation de la proximité géographique (Vayrynen) sont respectivement amendés, abandonnés et soumis à caution. Ce qui occupe désormais le point focal, c’est la proximité géographique couplée à l’objectivation d’une ontologie relationnelle au sein d’une institution formelle (OTAN, SADC – Southern African Development Community –) ou non.

39Le complexe de sécurité désigne, à cet égard, des «patterns d’amis-ennemis qui sont substantiellement confinés au sein d’une ère géographique spécifique»107. Ainsi, le complexe de sécurité reprend le contenu saillant de la région, indiqué par Thompson, Vayrynen, Cantori et Spiegel, pour l’insérer dans un énoncé principiel qui, du même coup, replace originalement l’ensemble de cette spécification de la sécurité régionale à l’interface des sécurités nationale et internationale108. Ce qui permet de rendre compte, simultanément, des dynamiques endogènes du complexe entre acteurs constitutifs et de l’impact des interventions externes, altérant la configuration et la nature du complexe109.

5. 2. L’essence «structurante» des complexes de sécurité

40La caractéristique centrale des complexes de sécurité n’est pas monolithique. Il est courant de distinguer une formulation réaliste et une autre que nous nommons «constructiviste». La conception réaliste a pour référent de la sécurité l’État et comme secteur décisif le politico-militaire. Il s’agit de déceler les rapports militaires les plus denses permettant de montrer qu’il existe une structure de sécurité régionale «visible». Cependant, nous référant à la théorie réaliste (classique) du complexe de sécurité, ce sont d’autres éléments que nous cherchons à comprendre; nous cherchons à en donner un exposé concis des caractéristiques :

  1. ces complexes classiques sont composés de deux ou plusieurs États;

  2. ces États constituent un conglomérat géographiquement cohérent;

  3. les relations entre les États, membres du complexe, sont marquées par l’interdépendance sécuritaire, laquelle peut être positive ou négative, mais significativement forte entre eux, contrastée à la faiblesse des liens avec l'environnement externe au complexe;

  4. la configuration de l’interdépendance sécuritaire doit être profonde et durable, pas nécessairement permanente110.

41Or, parce que ces complexes de sécurité sont ainsi établis, une chose y émerge clairement : ce sont des ensembles autonomes, «micro versions du système politique international au sein duquel ils sont inscrits»111. De la sorte, la plupart des complexes réalistes de sécurité, fondés sur l’étato-centrisme, sont continentaux ou subcontinentaux : Amérique du Sud, Moyen Orient, Asie du Sud, etc. La théorie réaliste du complexe de sécurité est par conséquent extrêmement limitée. Et c’est en ce sens qu’il s’agit de lui substituer un cadre plus flexible et, qui plus est, d’une opérationnalité corrigée. Dans cette optique, Buzan, Wæver et de Wilde proposent deux voies, dont la première consiste à adopter une méthode constructiviste dans l’étude des questions de sécurité. Plus spécifiquement, les tenants de l’école de Copenhague plaident en faveur d’une analyse de la construction discursive des questions de sécurité : la «sécuritisation» (cf. 2). Il nous reste à demander : Quelle est la deuxième issue permettant de sortir d’une vision classique des complexes de sécurité ? Eu égard au réalisme, l’État, le secteur politico-militaire constituent les pièces centrales du complexe de sécurité. En revanche, dans une vision constructiviste, en vertu de la possible construction rhétorique de l’insécurité, les secteurs de la sécurité et la nature des objets menacés peuvent être considérablement dilatés. Cette proposition peut être effectuée de manière différente dont le choix dépend de l’analyse et du cas que l’on entend scruter. On peut donc décider d’étudier soit un complexe homogène, soit, en sens contraire, un complexe hétérogène112.

42Le complexe homogène se focalise sur un seul secteur (politico-militaire, sociétal, environnemental ou économique) ou un acteur singulier (individu, nation, État) à la fois et requiert, à cet égard, la construction d’un cadre pour chaque secteur et/ou acteur choisi. Il se limite donc à l’étude isolée d’une forme précise d’interaction pour y déceler le maillage des dynamiques d’insécurité. Si cette construction du complexe peut présenter l’attrait méthodologique de comprendre de façon approfondie un secteur, elle pose toutefois la question tout aussi cruciale, bien qu’a posteriori, de leur réajustement afin de donner une image globale des réseaux d’(in)sécurité qui tissent un complexe.

43Le complexe hétérogène s’écarte de ce monisme. Sa méthode consiste à promouvoir une approche pour laquelle la logique régionale de sécurité peut intégrer plusieurs genres d’acteurs interagissant à travers plusieurs secteurs (États, nations, firmes, groupes interagissant par le biais des secteurs économiques, sociétaux, environnementaux ou politico-militaires).

44Au sens strict, peu de complexes de sécurité peuvent être proclamés homogènes; ils sont souvent hétérogènes, soit du point de vue des acteurs, soit sous l’angle des secteurs concernés. Il s’ensuit que le choix d’un cadre analytique, de surcroît homogène, est une violence faite à la réalité sociale; un réductionnisme en somme. De fait, si l’on déclare que les complexes de sécurité sont souvent hétérogènes, c’est que seule la valeur de l’ontologie relationnelle change à travers le spectre de la sécurité régionale. En un mot : la dynamique d’un complexe de sécurité est déterminée par l’intensité des relations amicales ou inamicales entre acteurs. Le continuum qui en résulte peut prendre trois degrés, procédant du négatif (ennemi) au positif (ami).

  1. Le conflit pur se décide et structure autour d’une interdépendance de peurs et de perceptions de menaces intersubjectives;

  2. le régime de sécurité dans lequel, bien qu’il y subsiste une certaine méfiance entre acteurs, ces derniers ont adopté des mesures de réassurance permettant de contrôler le dilemme de la sécurité;

  3. la communauté de sécurité pluraliste qui se réfère à une institutionnalisation pacifique des rapports de puissance. La guerre n’y est donc plus une option.

45À travers ce continuum, doit aussi se préciser l’idée d’anarchies mature et immature chez Buzan113. Quelques mots sur ces différents types de systèmes anarchiques s’imposent pour déblayer la voie des idées qui suivent. Commençons par l’anarchie immature qui est caractérisée par les traits suivants : (1) la défiance permanente entre les membres; (2) la stabilité des unités dépend de leur puissance; (3) les membres ne partagent aucune norme, ni règle et vivent dans l’incertitude permanente de l’attaque préemptive. Ce système a, en vérité, très peu de chances de survivre. Il peut donc déboucher soit sur sa fragmentation, soit sur l’établissement d’un empire. L’anarchie immature est le berceau de la conflictualité pure. Quant à l’anarchie mature, elle est définie par les éléments suivants : (1) la fragmentation politique y est acceptée et vécue sans heurt, puisque les acteurs ont développé une réelle société internationale114; (2) cette anarchie est constituée d’États qui sont matures dans leur auto-définition et qui projettent cette stabilité au niveau systémique; (3) le ciment qui vient consolider le tout se trouve dans l’établissement de normes communément admises et respectées, et par la création d’institutions internationales chargées de régler les problèmes qui se posent au niveau de référence. À cette anarchie correspond, grosso modo, la communauté pluraliste de sécurité. Enfin, selon Buzan, le système international et beaucoup de sous-systèmes actuels seraient de type anarchique mixte115. Ce type d’anarchie comprend déjà des éléments d’une anarchie mature, tels que : (1) la reconnaissance du droit à l’autodétermination; (2) la reconnaissance mutuelle du principe de souveraineté; (3) le développement des droits de l’homme et du droit international humanitaire. On peut rapprocher ce type d’anarchie au régime de sécurité tel qu’entendu ci-dessus.

46Quand, comment et pourquoi ce passage de l’anarchie immature à l’anarchie mature a lieu, nous ne le pouvons dire que si nous déterminons, derechef, ce que Buzan, Wæver et de Wilde nomment «la structure essentielle»; par là nous entendons l’aune à laquelle l’on évalue le changement  ou la stabilité du complexe de sécurité. Cette structure essentielle du complexe de sécurité comprend trois «variables» : la disposition et la différenciation des unités, d’abord; l’ontologie relationnelle prédominante, ensuite; la distribution des capacités entre acteurs partis au complexe – conflit, régime, communauté de sécurité –, enfin. De ce genre de procédé, l’on peut postuler qu’une commutation significative de l’une des trois variables entraînera la redéfinition, au moins partielle, du complexe de sécurité. Étudier la transformation d’une des variables revient à ceci : nous devons déterminer la «direction» du changement, en d’autres termes, le résultat structurel net provoqué par le mouvement d’une des trois variables. Quatre «options structurelles» permettant d’évaluer l’intensité de l’impact de ces variables : le maintien du statu quo, la transformation interne, la transformation externe et le recouvrement (overlay)116.

47Il y a statu quo lorsque la structure essentielle du «nouveau» complexe et la précédente sont isomorphes. Ce qui ne veut pas dire : le changement n’a pas eu lieu, mais plutôt que les modifications intervenues ont eu pour effet de renforcer la structure existante.

48La transformation interne, en tant que modification limitée aux frontières intérieures du complexe, est à la fois le résultat d’un glissement dans l’ontologie relationnelle, dans la disposition des unités à travers l’intégration politique par exemple, ou dans la distribution relative des capacités.

49On peut donc aisément comprendre la transformation externe par une simple inversion : elle est le produit d’une modification de la structure essentielle ou d’une de ses variables, suite à l’altération de ses frontières externes.

50Mais que signifie le «recouvrement stratégique» (overlay) ? C’est la pénétration militaire du complexe régional par une grande puissance. Ceci ne peut seulement avoir d’effet que lorsque cette intervention supprime la configuration précédente du complexe de sécurité via le stationnement de troupes dans la région par exemple.

51Sans perdre de vue ses limites (tels que l’absence d’une réelle étude diachronique), le complexe de sécurité présente l’avantage de réajuster notre attention au niveau régional, celui qui articule, outre les siens, les enjeux de sécurité à quatre niveaux : national, international, inter-régional, entre la région et l’action des grandes puissances (recouvrement stratégique). Et cependant, Buzan, Wæver et de Wilde n’en restent pas là, comme on a coutume de le prétendre même implicitement, lorsque l’on discute du complexe de sécurité117. Bien plus, et de «façon plus ambitieuse […], la théorie des complexes de sécurité peut être utilisée pour des scénarios décisifs et aussi structurer l’étude de, de même que les prédictions à propos de la stabilité et du changement». Ils concluent : «La théorie offre des concepts descriptifs pour l’analyse synchronique et diachronique, et façonne des cadres permettant de localiser un éventuel changement significatif au sein de la structure du système international»118.

Conclusion

52Le tableau analytique qui résulte de cet article peut se décliner en trois points : i) les niveaux d’analyse (individu, État, nation, région, globe); ii) les secteurs (économique, sociétal, politico-militaire, environnemental); iii) la méthode d’analyse orientée vers le post-positivisme. Au total, et en reformulant les points ci-dessus, quatre questions connectées devraient guider l’étude des problèmes de sécurité.

53La sécurité de qui ou de quoi ? Il s’agit de déterminer le référent adéquat ou le sujet de la sécurité (souveraineté, identité, bien-être, etc.).

54La sécurité par rapport à quelle menace ? Quelle en est la source principale ou quel est l’objet de la menace ? Quels sont les éléments pouvant affecter la perception de la menace ? Tout ceci n’a de sens et de valeur heuristique que si l’on a préalablement répondu à la question suivante : s’agit-il d’un processus de sécuritisation ou alors d’une démarche de sécurisation ?

55La sécurité par quels moyens (et à quel prix) ? Doit-on favoriser l’usage de la force, de la sanction ou leur préférer la négociation119 ?

56Cependant, la priorité lexicale et analytique accordée au niveau régional de la sécurité doit tenir compte du fait que la sécurité endogène à un secteur n’égalera jamais celle accomplie dans un autre en vertu du coût marginal que cela entraîne. Il y a donc un intrinsèque déséquilibre au sein de la sécurité régionale étant donné que le degré de sécurité atteint à l’intérieur d’un secteur se fait au détriment des investissements dans un autre. Bref, le degré de sécurité régionale sera souvent fonction de l’équilibre entre la «somme totale» de sécurité à travers les secteurs et la pression exercée par le système international sur chacun de ceux-ci. Toutefois, le caractère équivoque de la position de l’État dans le système international contemporain, entre référent et instrument de sécurité, obscurcit et rend incertaine la réponse aux questions conceptuelles que nous avons évoquées : i) la sécurité de qui ou de quoi (Individu, État, région, Global, etc.) ? ii) la sécurité pour quelles «valeurs» (bien-être, souveraineté, identité, écosystème) ? Dès lors, il est probable que la technique qui permet de déterminer ces deux principaux volets de travail et leur contenu avec moins de risque est logée dans leur contextualisation et dans une prise en compte des niveaux analytiques qui structurent en retour ce contexte120

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181Zehfuss (Maja), Constructivism in International Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

Notes

1* Cet article a bénéficié des commentaires et critiques de Christophe Dubois et Sarah Léonard. Qu’ils en soient remerciés.
2  Voyez, entre autres, Badie (Bertrand), La fin des territoires. Essai sur le désordre international et sur l’utilité sociale du respect, Paris, Fayard, 1995; Badie (Bertrand), Smouts (Marie-Claude), Le retournement du monde. Sociologie de la scène internationale, Paris, Presses de la FNSP, 1992; Thual (François), Les conflits identitaires, Paris, Ellipses, 1995; Rosenau (James N.), Turbulence in World Politics : A Theory of Change and Continuity, Princeton, Princeton University Press, 1990; Laïdi (Zaki), Un monde privé de sens, Paris, Fayard, 1996.
3  La traduction est de nous. Cette règle s’applique aux autres citations en langue étrangère, sauf spécifié autrement. Hempel (Carl G.), Fundamentals of Concepts Formation in Empirical Science, Chicago, Chicago University Press, 1952, p. 12.
4  Le concept «sectorisation» que nous avons développé est un néologisme utilisé pour son caractère pratique.
5  On consultera par exemple Jones (Sean M. Lynn), Miller (Steven E.) (eds.), Global Dangers: Changing Dimensions of International Security, Cambridge Mass., MIT Press, 1995; Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security: A New Framework for Analysis, Boulder, L. Rienner Publishers, 1998; Wyn Jones (Richard) (eds.), Critical Theory and World Politics, Boulder, L. Rienner Publishers, 2001; Terriff (Terry), Croft (Stuart),) James (Lucy), Morgan (Patrick M.), Security Studies Today, Cambridge, Polity Press, 1999; Jones (Clive), Kennedy-Pipe (Caroline), International Security in a Global Age: Securing the Twenty-First Century, Londres, Franck Cass, 2000. En français, voyez David (Charles-Philippe), Paix et guerre. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000. Après le 11 septembre, d’autres opuscules ont suivi : David (Dominique), Paris, Presses de la FNSP, 2002; David (Charles-Philippe), Repenser la sécurité. Nouvelles menaces, nouvelles politiques, Montréal, Fidès, 2002. Certaines idées de ce texte sont réinsérées dans un texte co-écrit avec Roche (Jean-Jacques), Théories de la sécurité, Paris, Montchrestien, 2002. Pour un collectif à bien des égards plus fructueux, voyez Bacot-Décriaud (Michèle), Joubert (Jean-Paul), Plantin (Marie-Claude) (éds.), La sécurité d’un siècle à l’autre, Paris, L’Harmattan, coll. «Raoul Dandurand», 2002.
6  Gallie (Walter B.), «Essentially Contested Concepts», Proceedings of the Aristotelian Society, New Series, 56, 1956, p. 167-198. Le texte a été repris dans Black (Max), The Importance of Language, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1962, p. 121-146. Les citations sont tirées de l’original. Plusieurs textes ont revisité cette notion, souvent en la critiquant sans avancer d’alternative, soit alors, de manière plus expressive et riche, en proposant de nouvelles lectures basées sur une réinterprétation de la vision de Gallie combinée à des approches connexes. Bref, le terme «essentiellement contesté» a été à son tour…durement contesté. Voyez, entre autres, Swanton (Christine), «On the ‘Essential Contestedness’ of Political Concepts», in Ethics, 95, 1985, p. 811-827; MacIntyre (Alasdair), «The Essential Contestability of Some Social Concepts», in Ethics, 84, 1973, p. 1-9; Gray (John N.), «On the Contestability of Social and Political Concepts», in Political Theory, 5, 1977, p. 330-348; Oppenheim (Felix E.), Political Concepts: A Reconstruction, Chicago, Chicago University Press, 1981.
7  Baldwin (David A.), «The Concept of Security», in Review of International Studies, vol. 23, n° 1, 1997, p. 5-26. 
8  Gallie (Walter B.), «Essentially Contested Concepts», p. 171. 
9  Le terme est usité par Gallie lui-même.
10  Cf. Waltz (Kenneth N.), Theory of International Politics, Reading, Addison-Wesley, 1979.
11  Baldwin (David A.), «The Concept of Security», p. 11. 
12  Gallie (Walter B.), «Essentially Contested Concepts», p. 168.
13  Il existe un certain flou quant à la notion de «preuve empirique». En effet, pourquoi une telle preuve serait-elle nécessaire ? Dans quel contexte ? Cf. Little (Richard), «Ideology and Change», in Buzan (Barry), Jones (Barry) (eds), Change and The Study of International Relations, Londres, Pinter, 1981, p. 35.
14  Cf. Buzan (Barry), People, States, and Fear: An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, Londres, Longman, 2e éd., 1991, p. 65-96; McSweeney (Bill), Security, Identity and Interests: A Sociology of International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 84.
15  Sur le néo-utilitarisme, voyez Ruggie (John G.), Constructing World Polity : Essays on International Institutionalization, Londres, Routledge, 1998, p. 1-39.
16  Sujet et référent de sécurité sont interchangeables. Bill McSweeney montre comment l’État, instrument de sécurité, est devenu sujet (référent) de sécurité à travers une analogie. En effet, selon McSweeney, l’État est à la banque ce que les citoyens de l’État sont aux biens protégés par le bâtiment de la banque. L’État est un sujet indirect de sécurité. En effet, la banque a pour rôle de protéger des biens précieux. Ce sont ces biens qui ont de la valeur et qui peuvent être menacés d’un quelconque dommage, et non pas la banque en tant que telle. Nul voleur n’a jamais essayé d’emporter le bâtiment avec lui. Mais comme les biens protégés sont très chers, alors, on sécurise aussi la banque. Cette dernière, au même titre que l’État, est devenue le référent de sécurité de manière indirecte. Cf. McSweeney (Bill), Security, Identity and Interests, p. 84 sq. Par ailleurs, nos discussions avec certains «internationalistes» nous ont permis de juger combien est grande la confusion entre le sujet et l’objet de la sécurité. Nous proposons d’appeler sujet, ce qui est menacé et objet, ce qui est menaçant. On voit bien l’entrelacement qui s’en suit. Par exemple, l’Irak est un objet de sécurité pour les États-Unis (sujet) et, en retour, ces derniers sont un objet de sécurité pour l’Irak (sujet). Cependant, en ce qui concerne les menaces naturelles, la distinction sujet-objet est plus claire. Dans le cas de la progression du niveau de la mer, l’objet de la menace, ce sont les inondations entraînées par ce développement, et le sujet, c’est l’État X ou Y menacé de disparition.
17  McSweeney (Bill), Security, Identity and Interests, op. cit., p. 85.
18  Les majuscules désignent la «discipline» alors que les minuscules renvoient à la sphère d’action. Cf. Onuf (Nicholas G.), World of Our Making: Rules and Rule in Social Theory and International Relations, Columbia, University of South Carolina Press, 1989.
19  C’est-à-dire dans le respect des opinions guidées par la recherche constante de ce qui est acceptable et s’approche asymptotiquement de la «vérité».
20  Baldwin (David A.), «The Concept of Security», op. cit., p. 11. 
21  Cf. Gray (John N.), «On the Contestability of Social and Political Concepts», op. cit.
22  Cicéron, «Tusculan Disputations» v. 42. Cité par Rothschild (Emma), «What is Security ?»,  in Daedalus, vol. 125, n° 3, 1995, p. 61.
23  Le concept aurait pénétré en France entre le XVe et le XVIe siècles. Cf. Delumeau (Jean), Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, Fayard, 1989, p. 13.
24  de Vaugelas (Favre), Remarques sur la langue française, fac-similé de l’édition originale par Streiter (J.), Paris, Droz, 1934, p. 44. Cité par Delumeau (Jean), Rassurer et protéger, op. cit., p. 11.
25  Descartes (René), Les passions de l’âme, art. 166, dans Œuvres et lettres, Paris, Bibliothèque de La Pléiade, 1952, p. 775-776. Cité par Delumeau (Jean), Rassurer et protéger, p. 11.
26  Cités par Delumeau (Jean), Rassurer et protéger, op. cit., p. 20.
27  Quarles, Enchir, IV, LXIII, 1654. Cité dans The Oxford English Dictionary (OED), Oxford, Clarendon Press, 2e ed., 1989, p. 851.
28  Webster, Sub Voce, 1828-1832. Cité dans OED, p. 854. 
29  Rothschild (Emma), «What is Security ?», op. cit., p. 61. 
30  Leibniz (Friedrich), Lettre de 1705 paru dans Die Werke Von Leibniz, vol. IX, édité par
Klopp (O.), Hannover, Klindworth, 1864-1873, p. 143.
31  McSweeney (Bill), Security, Identity and Interests, op. cit., p. 19.
32  Smith (Adam), An Inquiry Into the Nature and Cause of the Wealth of Nations, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 689.
33  Rothschild (Emma), «What is Security ?», op. cit., p. 64. 
34  Rousseau (Jean-Jacques), «Du contrat social», in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1964,
p. 486. 
35  Haftendorn (Helga), «The Security Puzzle: Theory-Building and Discipline-Building in International Security», in International Studies Quarterly, vol. 35, 1991, p. 4-5. 
36  May (Ernest), «National Security in American History», in Allison (G.),
Treverton (G. T.) (eds.), Rethinking America’s Security: Beyond Cold War to New World Order, New York, W. W. Norton, 1992, p. 235 
37  Lippmann (Walter), U.S. Foreign Policy: Shield of the Republic, Boston, Little, 1943.
38  La définition de Walter Lippmann, l’une des premières, reflète l’attachement à l’intérêt national. Pour lui, «Une nation possède la sécurité lorsqu’elle n’est pas contrainte de sacrifier ses intérêts légitimes afin d’éviter la guerre, et est capable, s’il y a un obstacle, de les préserver à travers la guerre». Lippmann (Walter), U.S. Foreign Policy: Shield of the Republic, op. cit., p. 5. En 1947, le Congrès américain a adopté le National Security Act (NSA) dont le but était de «subvenir à l’établissement de politiques intégrées et de procédures pour les départements, corps et fonctions du gouvernement liés à la sécurité nationale» (sec. 2). Le NSA a également établi à la fois le Central Intelligence Agency (CIA) et le National Security Council (NSC) dont le rôle est «de conseiller le président sur l’intégration des politiques, interne, étrangère et militaire liées à la sécurité nationale» (sec. 101a.). Voyez Raskin (Marcus G.), The Politics of National Security, New Brunswick, Transaction, 1979, p. 32.
39  Hartland-Thunberg (Penelope), «National Economic Security: Interdependence and Vulnerability», in Alting von Geusau (Frans A. M.), Pelkmans (Jacques) (eds.), National Economic Security, Tilburg, John F. Kennedy Institute, 1982, p. 50.
40  Luciani (Giacomo), «The Economic Content of Security», in Journal of Public Policy, Vol. 8, n° 2, 1989, p. 151. 
41  Trager (Franck N.) et Simonie (F. N.), «An Introduction to the Study of National Security», in Trager (Franck N.) et Kronenberg (P. S.)  (eds.), National Security and American Society, Lawrence, University Press of Kansas, 1973, p. 36.
42  Wolfers (Arnold), «National Security as an Ambiguous Concept», in Political Science Quarterly, vol. 67, n° 4, 1952. Réédité dans Discord and Collaboration. Essays on International Politics, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1965, p. 150. Cette référence, comme les autres, suivra plutôt la pagination du livre.
43  Wæver (Ole), «Security, the Speech Act: Analyzing the Politics of the Word», Centre for Peace and Conflict Research, Copenhague, 1989, p. 5-6; Idem, «Securitization and Desecuritization», in Lipschutz (Ronnie D.) (ed.), On Security, New York, Columbia University Press, 1995, p. 46-86. 
44  Buzan (Barry), People, States, and Fear: An Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era, p. 18-19.
45  On pourrait y ajouter la définition de Dominique David qui propose de considérer la sécurité «au sens le plus large du terme […] comme l’état d’un sujet qui s’estime non menacé par tel ou tel danger, ou pense avoir les moyens d’y répondre si ce danger vient à devenir actuel». Voir David (Dominique), «Sécurité», in de Montbrial (Thierry), Klein (Jean)  (éds.), Dictionnaire de stratégie, Paris, PUF, 2000, p. 500.
46  Cette école regroupe notamment les travaux suivants : Jahn (Egbert), Lemaitre (Pierre) et Wæver (Ole), Copenhagen Papers 1. European Security – Problems of Research on Non-military Aspects, Centre for Peace and Conflict Research, Copenhague, 1987; Wæver (Ole), Lemaitre (Pierre), Tromer (Elzbieta) (eds.), European Polyphony: Perspective Beyond East-West Confrontation, Londres, Macmillan, 1989; Buzan (Barry), Kelstrup (Morten), Lemaitre (Pierre), Tromer (Elzbieta), Wæver (Ole), The European Security Order Recast: Scenarios for the Post-Cold War Era, Londres, Pinter, 1990; Wæver (Ole), Buzan (Barry), Kelstrup (Morten), Lemaitre (Pierre), Identity, Migration and the New Security Agenda in Europe, Londres, Pinter, 1993; Buzan (Barry), Wæver (Ole), de Wilde (Jaap), Security: A New Framework for Analysis, Boulder, L. Rienner Publishers, 1998; Buzan (Barry)  et Wæver (Ole), Regions of Powers: The Structure of International Relations Theory, Cambridge, Cambridge University Press, à paraître. Sur cette école, ses tendances, ses errances conceptuelles et ses contradictions, voyez Huysmans (Jef), «Revisiting Copenhagen: Or, On the Creative Development of a Security Studies Agenda in Europe», in European Journal of International Relations, vol. 4, n° 4, 1998, p. 479-505.
47  Sur le «nous spécifique», voyez Bourgou (Taoufik) et Ramel (Frédéric), «Les perceptions de la menace en Méditerrannée dans l’après-guerre froide : regards croisé», in Bacot-Décriaud (Michèle), Joubert (Jean-Paul), Plantin (Marie-Claude) (éds.), La sécurité d’un siècle à l’autre, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 408-410.
48  Selon la caractérisation peu élégante de Neumann (Iver B.), «Self and Other in International Relations», in European Journal of International Relations, vol. 2, n° 2, 1996, p. 139-174.
49  Krause (Keith), «Critical Theory and Security Studies: The Research program of ‘Critical Security Studies’», in Cooperation and Conflict, vol. 33, n° 3, 1998, p. 312. Voyez aussi Wæver (Ole), Buzan (Barry), Kelstrup (Morten), Lemaitre (Pierre), Identity, Migration and the New security Order in Europe, p. 17, 95-96.
50  Buzan (Barry), Wæver (Ole), de Wilde (Jaap), Security: A New Framework For Analysis, p. 23-26.
51  L’interprétation et la traduction proposées ici diffèrent de celles de David (Charles-Philippe) et Roche (Jean-Jacques) telles que présentées dans Théories de la Sécurité, Paris, Montchrestien, 2002, p. 106. Elle est, en revanche, plus proche de l’interprétation fournie par Ceylan (Ayse), «Analyser la sécurité : Dillon, Campbell et les autres», in Cultures et Conflits, 31-32, Automne 1998 <www.conflits.org>. Cf. aussi Williams (Michael), «Words, Images and Enemies: Securitization and International Politics», in International Studies Quarterly, à paraître.
52  Un tel exercice a été esquissé par Chilton (Paul A.), Security Metaphors: Cold War Discourse from Containment to Common House, New York, Peter Lang, 1996. Pour une critique approfondie de cette vision de la sécurité, voyez Balzacq (Thierry), «Security as a Gestalt Structure: A Skeptical View of the Speech Act Model», International Studies Association, 27 février 2003.
53  Baldwin (David A.), «The Concept of Security», op. cit.,  p. 13. 
54  Selon Barry Buzan, les «principaux facteurs qui affectent l’intensité de la menace sont : la spécificité de son identité, sa proximité géographique et spatiale, la probabilité qu’elle se manifeste, le poids de ses conséquences et son amplification éventuelle par des circonstances historiques». Buzan (Barry), People, States and Fear, op. cit., p. 134.
55  La phrase est de Jonas (Hans), Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, trad. Greisch (Jean), Paris, Cerf, 1997.
56  Buzan (Barry), People, States, and Fear, op. cit., p. 19.
57  Buzan (Barry), Jones (Charles), Little (Richard), The Logic of Anarchy: Neorealism to Structural Realism, New York, Columbia University Press, 1993.
58  Voyez Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security, op. cit.,  p. 7-8.
59  Buzan (Barry), People, States, and Fear, op. cit., p. 115 sq.
60  Manning (Charles A. W.), The Nature of International Society, Londres, G. Bell & Sons, 1962, p. 2 sq.
61  Buzan (Barry), Jones (Charles), Little (Richard), The Logic of Anarchy, op. cit., p. 31.
62  Cf. Waltz (Kenneth N.), Theories of International Politics, op. cit.
63  Waltz (Kenneth N.), Theory of International Politics, op. cit., p. 142-160.
64  Cf. Kolodziej (Edward A.), «What Is Security and Security Studies ?», Arms Control, avril 1992, p. 1-31; Sorensen (Theodor C.), «Rethinking National Security», in Foreign Affairs, vol. 69, n° 3, 1990, p. 1-18.
65  «Indissociables» ne veut pas dire qu’on ne peut les «distinguer» analytiquement comme nous l’avons fait.  
66  Buzan (Barry), Jones (Charles), Little (Richard ), The Logic of Anarchy, op. cit., p. 32.
67  Wæver (Ole), «Security, The Speech Act: Analyzing the Politics of a Word», op. cit., p. 35-36; Buzan (Barry), People, States and Fear, op. cit., p. 328.
68  Ceci n’a rien de péjoratif. C’est un couple opératoire, rien de plus.
69  Buzan (Barry), Jones (Charles), Little (Richard), The Logic of Anarchy, op. cit., p. 79 sq. Ici, et dans ce qui suit, notre vision du système s’inspire de celle de Michael Brecher qui le conçoit comme étant un «ensemble d’acteurs soumis à des contraintes intérieures (contexte) et extérieures (environnement), placés dans une configuration de pouvoir (structure) et impliqués dans des réseaux réguliers d’interactions (processus)». Voyez Brecher (Michael), Système et crise en politique internationale, in Korany (Bahgat), Analyse des relations internationales. Approches, concepts, donnés, Montréal, Gaétan Morin, 2e éd., 1987, p. 75.
70  Giddens (Anthony), Central Problems in Social and Political Theory, Berkeley, University of California Press, 1979; Wendt (Alexander), «The Agent-Structure Problem in International Relations Theory», in International Organization, vol. 41, n° 3, 1987, p. 335-392.
71  Buzan (Barry), People, State, and Fear, op. cit., p. 22.
72  Nous ne méconnaissons pas les variables économiques de ces guerres. Cependant, aucun des belligérants n’a jamais reconnu qu’il combattait pour les ressources naturelles ou encore pour les revenus engendrés par le trafic de drogue. C’est le motif idéologique qui est toujours avancé. L’idéologie joue donc un rôle de puissant instrument dans ces cas.
73  L’«idéalisme structurel» ou «idéa-ism» désigne le constructivisme de type moderniste ou «essentialiste» d’Alexander E. Wendt. Voyez Wendt (Alexander), «Collective Identity Formation and the International State», in American Political Science Review, vol. 88, n° 2, juin 1994, p. 385; Idem, «Identity and Structural Change in International Politics», in Lapid (Yosef), Kratochwil (Friedrich) (eds.), The Return of Culture and Identity in IR Theory, Londres, L. Rienner Publishers, 1996, p. 48; Idem, Social Theory of International Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. xiii, 1. Le programme de ce constructivisme avait été esquissé par Wendt (Alexander) dans «Anarchy is What States Make of It: The Social Construction of Power Politics», in International Organization, vol. 46, n° 2, 1992, p. 391-425. Ce constructivisme se distingue du constructivisme de type moderniste linguistique développé par Ole Wæver et l’école de Copenhague, tributaire des travaux de Friedrich Kratochwil et de Nicholas Onuf. Voyez Kratochwil (Friedrich), Rules, Norms, and Decisions: On the Conditions of Practical and Legal Reasoning in International Relations and Domestic Affairs, Cambridge, Cambridge University Press, 1989; Onuf (Nicholas G.), World of Our Making; Wæver (Ole), «Securitization and Desecuritization»; Zehfuss (Maja), Constructivism in International Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 2002. Pour une étude récente des différents constructivismes, voyez Adler (Emanuel), «Constructivism and International Relations», in Carlsnaes (Walter), Risse (Thomas), Simmons (Beth A.)  (eds.), Handbook of International Relations, Sage, Londres, 2002, p. 95-118. Pour une critique théorique interne des sources sociologiques du constructivisme moderniste et ses rapports à la sécurité, voyez Balzacq (Thierry), «Security, Identity, and Symbolic Interactionism», in International Review of Sociology, vol. 12, n° 3, 2002, p. 469-506.
74  Cf. Morgenthau (Hans J.), Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace, New York, Alfred A. Knopf, 1967.
75  Sur la sécurité sociétale, outre les travaux de Buzan et Wæver cités ci-dessus, voyez entre autres, Huysmans (Jef), «Migrants as a Security Problem: Dangers of ‘Securitizing’ Societal Issues», in Miles (Robert), Thränhardt (Dietrich) (eds.), Migration and European Integration : The Dynamics of Inclusion and Exclusion, Londres, Pinter, 1995, p. 53-72; Wæver (Ole), «Insécurité, identité, une dialectique sans fin», in Le Gloanec (Anne-Marie) (éd.), Entre nation et integration, Paris, Presses de Sciences Po, 1998, p. 97-100;  Bigo (Didier), «Migration and Security», in Guiraudon (Virginie), Joppke (Christian) (eds.), Controlling a New Migration World, Londres, Routledge, 2001, p. 121-149.
76  Terriff (Terry), Croft (Stuart), James (Lucy), Morgan (Patrick M.), Security Studies Today, Cambridge, Polity Press, 1999, p. 135-169.
77  Raymond Barre ne déclarait-il pas en février 1992 : «La sécurité de notre continent se joue en Méditerrannée. Seul un développement soutenu des économies de la rive Sud freinera les flux migratoires, véritable élément de fraction pour l’ensemble des pays européens» ? Ces termes sont repris de Henry (Jean-Robert), «L’Europe du Sud et le Maghreb : le rêve andalou à l’épreuve», in Flory (Maurice) (éd.), La Méditerrannée, espace de coopération ?, Paris, Economica, 1994, p. 51.
78  Les élections présidentielles françaises de 2002 ont bien montré les dangers d’une telle rhétorique sécuritaire. Cependant, la liaison entre immigration et sécurité n’est pas un fait exclusif de la France. Les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Angleterre et même la Norvège, qui a peu d’immigrés, sont tous traversés par des discours politiques dont le cœur du programme est sécuritaire et très souvent proche de la xénophobie.
79  Turcotte (Sylvain F.), «La sécurité économique à l’ère de l’hégémonie américaine», in David (Charles-Philippe) (éd.), Repenser la sécurité. Nouvelles menaces, nouvelles politiques, Québec, Fides, 2002, p. 256.
80  Ceci est une paraphrase libre de Hobbes (Thomas), The Leviathan, Oxford, Clarendon Press, 1909.
81  Buzan (Barry), People, States, and Fear, p. 123-131, 230-269; Buzan (Barry), Wæver (Ole), de Wilde (Jaap), Security: A New Framework for Analysis, p. 95-118.
82  Crawford (Beverly), «Hawks, Doves, but not Owls: International Economic Interdependence and the Construction of the New Security Dilemma», in Lipschutz (Ronnie D.)  (ed.), On Security, New York, Columbia University Press, p. 149-186.
83  Ceci ne veut pas dire que nous repoussons toute injection de l’éthique dans l’économie. Nous pensons qu’une économie libre de toute référence éthique risque de mener, à terme, à une impasse sociale. Sur l’éthique économique et sociale, voyez, entre autres, Arnsperger (Christian), van Parijs (Philippe), Ethique économique et sociale, Paris, La Découverte, 2000; Novak (Michel), Une éthique économique: Les valeurs de l’économie de marché, trad. Dick (Bernard) avec la collaboration de Brun (Marcelline), Paris, Cerf, 1987.
84  Depuis la publication du rapport de la Commission Brundtland, la «conscience écologique» a connu quelques progrès. Cf. Brundtland Commission (World Commission on Environment and Development): Our Common Future, Oxford, Oxford University Press, 1987; Brundtland (Gro Harlem), «The Environment Security and Development», SIPRI Yearbook, 1993, p. 15-26.
85  Néanmoins, certains auteurs vont plus loin en établissant un lien direct entre les frictions environnementales et l’éclatement de certains conflits politiques. Par exemple, Homer-Dixon (Thomas) «On the Threshold: Environmental Changes as Causes of Acute Conflict», in International Security, vol. 16, n° 2, 1991, p. 76-116; Idem, «Environment, Scarcities and Violent Conflict : Evidence from Cases», in International Security, vol. 19, 1994, p. 5-40. Une reprise de ces travaux a été publiée sous le titre de: Environment, Scarcity, and Violence, Princeton, Princeton University Press, 1999. Pour une vision plus sceptique du lien entre environnement et sécurité nationale, voyez Levy (Marc A.), «Is Environment a National Security Issue ?», in International Security, vol. 20, n° 1, 1995, p. 35-46. Une position similaire avait déjà été défendue par Deudney (Daniel), «The Case Against Linking Environmental Degradation and National Security», in Millennium, vol. 19, n° 3, 1990, p. 441-476. 
86  Un bon résumé du lien entre sécurité nationale et globalisation est offert par Cha (Victor D.), «Globalization and the Study of International Security», in Journal of Peace Research, vol. 37, n° 3, 2000, p. 391-403.
87  Sur les conséquences méthodologiques du post-positivisme en sciences sociales en général, voyez Laudan (Larry), Beyond Positivism and Relativism: Theory, Method, and Evidence, Boulder, Westview Press, 1996.
88  Wolfers (Arnold ), Discord and Collaboration, op. cit., p. 150.
89  Wendt (Alexander), «Anarchy is What States Make of It: The Social Construction of Power Politics», op. cit.
90  Cox (Robert) et Sinclair (T. J.), Approaches to World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 87.
91  Giddens (Anthony), The Consequences of Modernity, Cambridge, Polity Press, 1990, p. 38. Voyez aussi Zalewski (Marysia), Enloe (Cynthia), «Questions About Identity in International Relations», in Booth (Ken), Smith (Steve) (eds.), International Relations Theory Today, Cambridge, Polity Press, 1995, p. 299.
92  Neufeld (Mark), «Reflexivity and International relations Theory», in Sjolander (Claire T.), Cox (Robert) (eds.), Beyond Positivism: Critical Reflections on International Relations, Boulder, L. Rienner Publishers, 1996, p. 15. 
93  Buzan (Barry), Jones (Charles), Little (Richard), The Logic of Anarchy: Neorealism to Structural Realism, op. cit., p. 68.
94  Guzzini (Stefano), «A Reconstruction of Constructivism in International Relations», in European Journal of International Relations, vol. 6, n° 2, 2000, p. 147-182. 
95  Krause (Keith), «Critical Theory and Security Studies: The Research Program of ‘Critical Security Studies’», in Cooperation and Conflict, vol. 33, n° 3, 1998, p. 298-333. 
96  Lezaun (Javier), «Limiting the Social: Constructivism and Social Knowledge in International Relations», in International Studies Review, vol. 4, n° 3, 2002, p. 232.
97  Wendt (Alexander), «Constructing International Politics», in International Security, vol. 20, n° 1, 1995, p. 71. 
98  Sur la lecture européenne de la sécurité critique, voyez surtout les travaux de Wyn Jones (Richard), Security, Strategy, and Critical Theory, Boulder, L. Rienner Publishers, 1999; Idem (ed.), Critical Theory and World Politics, Boulder, L. Rienner Publishers, 2000. Quant au versant américain, le texte classique demeure la collection de contributions que l’on trouve chez Krause (Keith), Williams (Michael) (eds.), Critical Security Studies: Concepts and Cases, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997. À la lecture, dans Theories de la sécurité de Charles-Philippe David et Jean-Jacques Roche, c’est la conception américaine qui prévaut.
99  D’une façon générale, mais aussi du point de vue théorique, les enjeux du régionalisme sont assez bien résumés dans les ouvrages suivants: Boyd (Gavin) (ed.), Regionalism and Global Security, Lexington, Lexington Books, 1984; Rittenhouse (Jonathan) et Courtice G. (Rose) (eds.), Regionalism and Theory, Lewigton, Edwin Mellon Press, 1992; Fawcett (Louise) et Hurrell (Andrew) (eds.), Regionalism in World Politics : Regional Organization and International Order, Oxford, Oxford University Press, 1995; Winters L. (Allan) , Regionalism versus Multilateralism, Londres, Centre for Economic Policy Research, 1996; Gamble (Andrew) et Payne  (Anthony)  (eds.), Regionalism and World Order, Basingstoke, MacMillan 1996.
100  Voyez, par exemple, Hertz (John), «Idealist International and Security Dilemma», in World Politics, vol. 2, n° 2, 1950, p. 157-180; Wolfers (Arnold), Discord and Collaboration: Essays on International Politics, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1962; Jervis (Robert), Perception and Misperception in International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1976; «Cooperation Under the Security Dilemma», in World Politics, vol. 30, n° 2, 1978, p. 167-214. Sur des travaux plus récents portant sur le versant relationnel de la sécurité, voyez McSweeny (Bill), Security, Identity and Interest; Wendt (Alexander), Social Theory of International Politics. Sur les apports du relationnisme en théories des Relations Internationales, Cf. Jackson (Patrick T.) et Nexon (Daniel), «Relations Before States : Substance, Process and the Study of World Politics», in European Journal of International Relations, vol. 5, n° 3, 1999, p. 291-332.
101  Thompson (Williams R.), «The Regional Subsystem: A Conceptual Explication and A Propositional Inventory», in International Studies Quarterly, vol. 17, n° 1, 1973, p. 101. 
102  Cantori (Louis J.)  et Spiegel (Steven L.), «The International Relations of Regions», in Falk (Richard A.) et Russet (Bruce M.)  (eds.), International Regions and the International System (Chicago: University of Chicago Press, 1967); Cantori  (Louis J.) et Spiegel (Steven L.), The International Politics of Regions: A Comparative Approach, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1970. 
103  Vayrynen (Raimo), «Regional Conflict Formation: An Intractable Problem of International Relations», in Journal of Peace Research, vol. 21, n° 4, 1984, p. 340. 
104  Durkheim (Emile), The Rules of Sociological Methods, New York, Free Press, 1933, p. 115.
105  Ce qui est une autre façon de dire que ces conditions sont nécessaires et non suffisantes. Car dans la formation de la sécurité ou de l’insécurité régionale, il est inapproprié d’omettre la variable de rôle des élites politiques; leur identité personnelle et sociale, etc. Le développement d’une région dépend souvent de telles variables plus que l’on y croirait et mériterait, à notre avis, plus d’attention.
106  Buzan (Barry), People, States and Fear, op. cit., p. 190; l’édition de 1983 contenait déjà cette définition. Cf. Buzan (Barry), People, States and Fear (1983), p. 106. Voyez aussi Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security, op. cit., p. 12.
107  Buzan (Barry), People, States and Fear, op. cit., p. 190.
108  Ce rôle de médiation ou de substitution est reconnu aux organisations régionales dans le cadre de la Charte des Nations Unies, Chapitre VIII.
109  Cf. Ayoob (Mohammed), The Third World Security Predicament: State Making, Regional Conflict, and the International System, Boulder, L. Rienner Publishers, 1995.
110  Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security, op. cit., p. 15.
111  Ibid.
112  Ibid., p. 16.
113  En Relations Internationales, faut-il le rappeler, l’anarchie désigne l’absence d’une autorité suprême semblable à celle de l’État (dans l’abstrait) au niveau international. Elle est souvent opposée à la hiérarchie que l’on retrouve au niveau interne.
114  Une société internationale est «un groupe d’États (ou, plus généralement, un groupe d’unités politiques indépendantes) qui ne forment pas simplement un système, dans le sens où le comportement de chacun est un facteur nécessaire dans les calculs des autres, mais ont aussi établi, par le dialogue et le consentement des règles communes et des institutions pour la conduite de leurs relations, et reconnaissent leur intérêt commun dans le maintien de ces accords». Bull (Hedley) et Watson (Adam), The Expansion of International Society, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 1.
115  Barry Buzan n’emploie pas le terme «mixte». Ce dernier est de nous.
116  Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security, op. cit., p. 13.
117  C’est le cas de McSweeney (Bill) dans son livre Security, Identity and Interests, op. cit., p. 62-67.
118  Buzan (Barry), Wæver (Ole) et de Wilde (Jaap), Security, op. cit., p. 15.
119  Baldwin (David A.), «The Concept of Security», in Review of International Studies, vol. 23, n° 1, 1997, p. 5-26.
120  McSweeney (Bill), Security, Identity and Interests, op. cit., p. 88.

Pour citer cet article

Thierry Balzacq, «La sécurité : définitions, secteurs et niveaux d’analyse», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Volume 4 : 2003-2004 - Régions et sécurité, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=216.

A propos de : Thierry Balzacq

PhD in International Relations (Cambridge)