Fédéralisme Régionalisme

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Marc Bossuyt

Exposé introductif : composition et compétences de la Cour constitutionnelle de la RDC

(Volume 7 : 2007 — Numéro 1 - Premiers scrutins et contrôle de constitutionnalité en RDC : la mise en œuvre d’une constitution "régionaliste")
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1L’article 157 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) dispose qu’«il est institué une Cour constitutionnelle». Une institution judiciaire importante pour l’équilibre des institutions est ainsi créée. La mise en œuvre de cet article de la Constitution constitue une étape majeure du processus de démocratisation. Elle requiert l’élaboration d’une législation organique qui permettra à la Cour de fonctionner et de contribuer à la bonne marche du nouveau système institutionnel. Avant d’étudier, dans les différentes contributions, les questions du contrôle de constitutionnalité, des compétences pénales de la Cour à l’égard du Président de la République et du Premier ministre ou du règlement de l’attribution des litiges en droit congolais, il convient de présenter brièvement la composition et les compétences de la Cour constitutionnelle de la RDC.

1. Sa composition1

2La Cour constitutionnelle comporte neuf membres nommés par le Président de la République. Trois membres sont nommés sur l’initiative du Président ; trois membres sont désignés par le Parlement réuni en Congrès2 ; trois membres sont désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.3

3Les membres de la Cour constitutionnelle doivent justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans les domaines juridique ou politique.4 En outre, les deux tiers des membres doivent être des juristes (provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire). Leur mandat est de neuf ans et n’est pas renouvelable.5 Le président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable une fois.6

2. Ses compétences

4L’article 168 de la Constitution dispose :

«Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires et aux particuliers.

Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit.»

5Il convient de distinguer le contrôle de la constitutionnalité d’actes avant ou après leur adoption des autres compétences de la Cour constitutionnelle.

2.1. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes avant leur adoption7

6La Cour constitutionnelle est compétente pour le contrôle de constitutionnalité de certains actes avant leur adoption. Les actes suivants relèvent de ce contrôle de constitutionnalité a priori :

71. Toutes les lois organiques8: le contrôle constitutionnalité s’exerce d’office, avant la promulgation des lois organiques ;9

82. Les règlements intérieurs10 des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante11 et du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de communication12 : le contrôle de constitutionnalité s’exerce d’office, avant la mise en application des règlements intérieurs ;

93. Les lois : le contrôle de constitutionnalité s’exerce uniquement sur initiative du Président de la République, du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat ou du dixième des députés ou des sénateurs, avant leur promulgation ;13

104. Les traités ou accords internationaux : le contrôle de constitutionnalité s’exerce uniquement sur initiative du Président de la République, du Gouvernement, du dixième des députés ou des sénateurs, avant la  ratification ou l’approbation de ces traités ou accords ;14

115. Les déclarations portant sur le caractère réglementaire d’une matière (dans laquelle un texte à caractère législatif est intervenu) permettant une modification par décret : le contrôle de constitutionnalité s’exerce dans ce cas à la demande du Gouvernement.15

2.2. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes après leur adoption

12La Cour constitutionnelle est également compétente pour le contrôle de constitutionnalité de certains actes après leur adoption.

13Les recours en interprétation de la Constitution16 relèvent de l’initiative du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des présidents des Assemblées provinciales.

14Les recours d’inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire17 ne relèvent pas de l’initiative d’acteurs limitativement énumérés. Ils peuvent être déposés par toute personne. La Cour constitutionnelle est le juge de l’exception d’inconstitutionnalité18, soulevée par ou devant une juridiction à la demande de toute personne qui l’invoque dans une affaire qui la concerne devant cette juridiction. Elle est également compétente pour le règlement des conflits de compétences19 : entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif20 ; entre l’État et les Provinces.21

15Enfin, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège, dès la signature des ordonnances délibérées en Conseil des Ministres et prises par le Président de la République, la Cour constitutionnelle doit déclarer, toutes affaires cessantes, si celles-ci dérogent ou non à la Constitution.22

2.3. Autres compétences de la Cour constitutionnelle

16Les compétences de la Cour constitutionnelle ne se limitent pas au contrôle de constitutionnalité a priori et a posteriori. La Cour est également :

171. Le Juge d’attribution des litiges aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif23 soulevés par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État.

182. Le Juge du contentieux électoral24 dans le cadre des élections présidentielles, des élections législatives et du référendum.

193. La Juridiction pénale du Chef de l’État et du Premier ministre25 (ainsi que de leurs co-auteurs et complices) :

  • pour des infractions politiques (haute trahison,26 outrage au Parlement,27 atteinte à l’honneur ou à la probité,28 délits d’initié29), ainsi que

  • pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

204. Compétente pour la déclaration de vacance de la présidence de la République30 (pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif) et la prolongation du délai (de soixante jours au moins et de quatre-vingt-deux jours au plus) à cent vingt jour au plus pour la convocation de l’élection du nouveau Président de la République par la Commission électorale nationale indépendante.

215. Communication à l’administration fiscale de la déclaration écrite de leur patrimoine familial déposée par le Président de la République et des membres du Gouvernement31 ; faute de (nouvelle) déclaration dans les trente jours suivant la fin des fonctions de Président de la République ou de Premier ministre, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle est saisie.32

Notes

1 Art. 158.
2 Outre pour la désignation de trois membres de la Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent en Congrès pour la procédure de révision constitutionnelle, pour l’autorisation de la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège et de la déclaration de guerre et pour l’audition du discours du Président de la République sur l’état de la Nation (art. 119).
3 Le Conseil supérieur de la magistrature est l’organe de gestion du pouvoir judiciaire composé exclusivement d’un grand nombre de magistrats qui soit en font partie en leur qualité (généralement) de chef de corps, soit sont élus par leurs pairs (art. 152).
4 Art. 159.
5 La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage au sort d’un membre par groupe (art. 158, al. 1).
6 L’article 152 mentionne parmi les membres composant le Conseil supérieur de la magistrature, outre le Président de la Cour constitutionnelle, le Procureur général près de cette Cour.
7 Art. 160.
8 La Constitution prescrit 20 lois organiques : pour la fixation des limites de provinces et celles de la ville de Kinshasa (art. 2), des subdivisions territoriales à l’intérieur des provinces (art. 196), de la composition, de l’organisation et du fonctionnement des entités territoriales décentralisées, ainsi que leurs rapports avec l’État (art. 3), des modalités d’application du droit des personnes de troisième âge et avec handicap à des mesures spécifiques de protection (art. 49), du statut des magistrats (art. 150), de l’organisation, de la compétence et du fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif (art. 155), des règles de compétence, d’organisation et de fonctionnement des juridictions militaires (art. 156), de la composition, des attributions, de l’organisation et du fonctionnement du Conseil supérieur de la défense (art . 192) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (art. 212) et de l’organisation et du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (art. 152), de la Cour constitutionnelle (art. 169), de la Banque centrale du Congo (art. 177), de la Caisse nationale de péréquation (art. 181), de la Police nationale (art. 186), des Forces armées (art. 191) et des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées (art. 194), de la composition, de l’organisation et du fonctionnement de la Cour des comptes (art. 179), pour la détermination des conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise (art. 10), des modalités d’organisation et de fonctionnement de la conférence des Gouverneurs de province (art. 200) et pour l’institution d’institutions d’appui à la démocratie (autres que la Commission électorale nationale indépendante et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication) (art. 222).
9 En ce qui concerne les lois organiques (art. 124, c), la Cour doit se prononcer dans un délai de quinze jours.
10 En ce qui concerne les règlements intérieurs (art. 112 et 120), la Cour doit se prononcer dans un délai de quinze jours ; passé ce délai, ils sont réputés conformes.
11 Art. 211.
12 Art. 212.
13 Art. 139 et 160, al. 3. En ce qui concerne les lois, la Cour doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours  (Art. 160, al. 4).
14 Art. 216.
15 Art. 128.
16 Art. 161, al. 1.
17 Art. 162, al. 2.
18 Art. 162.
19 Art. 161, al. 3.
20 L’art. 122 énumère 15 matières pour lesquelles la loi fixe les règles. L’art. 123 énumère 16 matières pour lesquelles la loi détermine les principes fondamentaux. L’art. 128, al. 1, stipule que «Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire».
21 L’art. 202 énumère les 35 matières, ainsi que la législation dans 15 autres matières, qui sont de la compétence exclusive du pouvoir central. L’art. 203 énumère les 25 matières qui sont de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces. L’art. 204 énumère les 29 matières qui sont de la compétence exclusive des Provinces.
22 Art. 145, al. 2.
23 Art. 161, al. 4.
24 Art. 161, al. 2.
25 Art. 163.
26 «Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie du territoire nationa1» (art. 165, al. 1).
27 «Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre Chambre du Parlement sur l’activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours» (art. 165, al. 4).
28 «Il y a atteinte à l’honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement personnel du Président de la République ou du Premier ministre est contraire aux bonnes mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversation, de corruption ou d’enrichissement illicite» ((art. 165, al. 2).
29 «Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre lorsqu’il effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l’égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente d’actions fondée sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires» (art. 165, al. 3).
30 Art. 76.
31 Art. 99, al. 1.
32 Art. 99, al. 5. Pour le autres membres du Gouvernement, la Cour de cassation est compétente.

Pour citer cet article

Marc Bossuyt, «Exposé introductif : composition et compétences de la Cour constitutionnelle de la RDC», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Numéro 1 - Premiers scrutins et contrôle de constitutionnalité en RDC : la mise en œuvre d’une constitution "régionaliste", Volume 7 : 2007, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=537.

A propos de : Marc Bossuyt

Professeur extraordinaire à l’Université d’Anvers, Président de la Cour constitutionnelle de Belgique