Fédéralisme Régionalisme

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Paul Lemmens

Contrôle préventif de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo

(Volume 7 : 2007 — Numéro 1 - Premiers scrutins et contrôle de constitutionnalité en RDC : la mise en œuvre d’une constitution "régionaliste")
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Introduction

11. Dans la présente contribution, je me propose d’offrir un nombre de réflexions sur ce qu’on pourrait appeler le contrôle préventif de constitutionnalité tel qu’il est prévu par les articles 160 et 216 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (et réglé dans quelques autres articles aussi). Il s’agit :

  • d’une part, d’un contrôle de constitutionnalité des lois et de certains règlements intérieurs (art. 160) ;

  • et d’autre part, d’un contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux (art. 216).

2Ce contrôle est préventif, parce qu’il a lieu à un moment où l’acte soumis à l’examen par la Cour constitutionnelle n’est pas encore définitif, où il n’a donc pas encore d’effet juridique. C’est en d’autres mots, un contrôle qui permet d’éviter qu’un acte inconstitutionnel ne rentre dans l’ordre juridique.

32. Ce système est largement inspiré du système français. La Constitution française de 1958 prévoit, en effet, un contrôle préventif de constitutionnalité :

  • d’une part, des lois et des règlements des assemblées parlementaires (art. 61-62) ;

  • d’autre part, des «engagements internationaux» (art. 54).

4Il va de soi que, dans ma contribution, je tiendrai compte de l’expérience acquise en France. Je me référerai donc à certaines données de fait, à la jurisprudence et à la pratique du Conseil constitutionnel de France, ainsi qu’aux commentaires (parfois critiques) dans la doctrine juridique française.

53. Outre son caractère préventif, le contrôle de constitutionnalité, tel qu’il est organisé au Congo, présente cinq caractéristiques :

6- Il s’agit d’un contrôle juridictionnel. Certes, la procédure ne comprend pas tous les traits d’une procédure juridictionnelle (par exemple, il n’y a pas de véritables «parties», ni de publicité), mais elle en a tout de même les traits les plus fondamentaux :

  • La Cour constitutionnelle statue en droit, sur base d’un texte juridique (la Constitution).

  • La Cour constitutionnelle, du moins lorsqu’elle doit examiner la constitutionalité d’une loi ordinaire, résout un litige.

  • Les décisions de la Cour constitutionnelle ont l’autorité de la chose jugée.1

7- Il s’agit d’un contrôle «objectif» : il ne porte que sur la constitutionnalité de l’acte déféré à la Cour ; des droits subjectifs éventuels ne jouent aucun rôle.

8- Il s’agit d’un contrôle abstrait : il porte sur l’acte déféré en tant que tel, en dehors du contexte dans lequel il est fait application de cet acte. C’est d’autant plus évident que l’acte déféré à la Cour ne peut pas encore être appliqué, aussi longtemps que la Cour n’en a pas constaté la conformité avec la Constitution.

9- Il s’agit d’un contentieux réservé aux instances politiques des autorités centrales. L’accès à la Cour constitutionnelle est à ce stade réservé à quelques autorités politiques et à des membres du Parlement national. Il n’y a donc, dans ce contentieux, pas de place pour les autorités provinciales, d’autres autorités administratives, les juridictions ou les particuliers !

10- Enfin, il s’agit d’un contrôle à exercer au bénéfice de l’urgence, le délai pour statuer étant extrêmement court.

114. Tous ces traits, on les retrouve aussi dans le système français. Il y a toutefois une grande différence entre le système congolais et le système français, qui mérite d’être soulignée : alors qu’en France, il n’y a que le contrôle préventif de la loi, au Congo, il existe aussi le contrôle a posteriori, c’est-à-dire le contrôle sur base d’un recours en annulation d’une loi promulguée ou d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée à l’égard d’une telle loi.2 La Constitution congolaise a combiné ainsi le contrôle constitutionnel «à la française» et le contrôle constitutionnel «à la belge».

12Il va de soi que la co-existence d’un contrôle préventif et abstrait avec un contrôle a posteriori, abstrait ou concret, pose des problèmes particuliers, notamment en ce qui concerne les effets du premier sur le second. J’y reviendrai, à la fin de mon exposé (infra, no. 25).

135. J’examinerai maintenant les dispositions de la Constitution de la République Démocratique du Congo en cinq points :

14 1. Les différents cas dans lesquels un contrôle préventif est possible ou obligatoire ;

15 2. La saisine de la Cour constitutionnelle ;

16 3. La procédure à suivre devant la Cour constitutionnelle ;

17 4. L’étendue du contrôle exercé par la Cour constitutionnelle ;

18 5. Les effets des décisions de la Cour constitutionnelle.

1. Les différents cas dans lesquels un contrôle préventif est possible ou obligatoire

196. Les différents cas sont énumérés aux articles 160 et 216 de la Constitution. Je les mentionnerai successivement, en examinant chaque fois : 1) quels sont les actes qui peuvent être déférés à la Cour ; 2) s’il s’agit d’un contrôle facultatif ou obligatoire ; 3) et qui peut ou doit saisir la Cour.

1.1. Contrôle de constitutionnalité des lois

207. En vertu de l’article 160, alinéa 1er, de la Constitution, «la Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi».

21La première catégorie d’actes ainsi soumis au contrôle préventif, et sans doute la catégorie la plus importante, est celle des lois, c’est-à-dire des actes adoptés par le Parlement. À vrai dire, le terme «loi» ne correspond pas entièrement à ce qui est visé. Comme il s’agit d’un contrôle préventif, il ne s’agit pas de lois au sens strict, mais de projets ou de propositions de loi adoptées par les deux assemblées, non encore promulguées (ou de «lois à promulguer», aux termes de l’article 139).

22La saisine de la Cour constitutionnelle est tantôt obligatoire, tantôt facultative :

  • Elle est obligatoire pour les «lois organiques», c’est-à-dire les lois auxquelles la Constitution même confère ce caractère, et qui doivent être adoptées selon la procédure spéciale visée à l’article 124 de la Constitution. Ces lois ne peuvent être promulguées qu’après avoir été déclarées conformes à la Constitution par la Cour constitutionnelle (art. 124, 3. et 160, al. 2).

  • Elle est facultative pour les lois ordinaires.

23Les lois organiques doivent être déférées à la Cour par le Président de la République (art. 124, 3.) Les autres lois peuvent être déférées à la Cour, avant leur promulgation, par certaines autorités politiques et par des parlementaires. En vertu de l’article 139 de la Constitution, en effet, la Cour peut être saisie d’un recours émanant du Président de la République, du Gouvernement ou d’un dixième des députés ou des sénateurs. Cet article est à lire en combinaison avec l’article 160, al. 3. Il en résulte, d’une part, que le pouvoir de saisine du Gouvernement est à exercer par le Premier ministre, et d’autre part, qu’un recours peut également être introduit par le Président de l’Assemblée nationale ou par le Président du Sénat.

24L’expérience française laisse prévoir que les autorités politiques ne feront que rarement usage de leur droit de saisir la juridiction constitutionnelle. Environ 93 % du contentieux (préventif) français est dû à une initiative des minorités parlementaires : «(elles) se tournent régulièrement vers le Conseil pour obtenir sur le terrain juridique ce qu’elles n’ont pu obtenir sur le terrain politique»3. Au Congo aussi, on peut s’attendre à ce qu’il s’agira d’un contentieux hautement politique, où l’opposition essaiera d’obtenir de la Cour constitutionnelle qu’elle bloque certaines initiatives de la majorité.

258. L’article 160, alinéa 1er, de la Constitution ne parle pas seulement de «lois», mais également d’«actes ayant force de loi». Qu’en est-il ?

26Une première catégorie d’actes ayant force de loi est celle des «ordonnances-loi» prises par le Gouvernement, en vertu d’une autorisation spéciale accordée par le législateur.4 Le Gouvernement peut demander de tels pouvoirs spéciaux pour prendre des mesures «pour l’exécution urgente de son programme d’action» (art. 129, al. 1er, Const.). Les ordonnances-loi produisent immédiatement leurs effets, mais elles sont soumises à la ratification par le législateur (art. 129, al. 2, Const.). L’article 160, al. 1er, semble signifier qu’au moment où la loi de ratification est soumise à la Cour constitutionnelle, celle-ci peut (et doit) examiner la constitutionnalité des dispositions à ratifier.5

27Une seconde catégorie d’actes ayant force de loi est celle des «ordonnances» prises par le Président de la République, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège, pour faire face à la situation (art. 145, al. 1er, Const.). L’article 145, al. 2, de la Constitution prévoit expressément que ces ordonnances sont obligatoirement soumises à la Cour constitutionnelle. Comme il va de soi, vu la nature des choses, que les ordonnances doivent produire leurs effets dès leur signature, il ne saurait s’agir d’un contrôle préventif de constitutionnalité, mais d’un contrôle a posteriori obligatoire.

1.2. Contrôle de constitutionnalité des règlements intérieurs des chambres parlementaires et du Congrès

289. L’Assemblée nationale et le Sénat adoptent leurs règlements intérieurs (art. 112 Const.). Les deux chambres siégeant en Congrès adoptent également un règlement intérieur (art. 120 Const.).

29Ces règlements ne sont, comme leur nom l’indique, que des normes intérieures des assemblées. En réalité toutefois, ils peuvent être un instrument redoutable aux mains des partis de la majorité.6 C’est pour cette raison que ces règlements intérieurs sont soumis à un contrôle obligatoire par la Cour constitutionnelle (art. 112, al. 3-4, 120, al. 3-5 et 160, al 2). Celle-ci devra examiner : 1) si l’assemblée ne s’empare pas de pouvoirs que la Constitution ne lui accorde pas7 ; 2) et si elle respecte bien les droits constitutionnels de la minorité parlementaire.

1.3. Contrôle de constitutionnalité des règlements intérieurs des institutions d’appui à la démocratie

3010. La Constitution crée deux institutions d’appui à la démocratie :

  • la Commission électorale nationale indépendante (art. 211) ;

  • le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (art. 212).

31Il s’agit de deux institutions qui doivent veiller au respect de certains droits fondamentaux (droits électoraux, liberté d’expression). Les règlements intérieurs de ces institutions sont soumis à un contrôle obligatoire par la Cour constitutionnelle, qui se limite toutefois à un examen de la conformité à la Constitution (art. 160, al. 2). Même si l’organisation et le fonctionnement des deux institutions feront l’objet de lois organiques (art. 211 et 212), il n’incombera donc pas à la Cour de vérifier aussi le respect des dispositions de ces lois.

1.4. Contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux

3211. Le titre VI de la Constitution concerne les traités et accords internationaux. Ces traités et accords ont une autorité supérieure à celle des lois (et des règlements) (art. 215). Pour éviter les conflits entre un traité ou un accord et la Constitution, l’article 216 prévoit un contrôle préventif de la constitutionnalité. Ce contrôle porte sur tous les traités ou accords internationaux, c’est-à-dire aussi bien sur ceux qui sont soumis à l’approbation parlementaire avant leur ratification (art. 214, al. 1er) que sur ceux qui peuvent être ratifiés sans approbation parlementaire (art. 213, al. 2).

33Il s’agit d’un contrôle préventif et facultatif :

  • préventif : la Cour constitutionnelle peut être «consultée» à tout moment, avant l’approbation parlementaire (si elle est nécessaire) ou avant la ratification.

  • facultatif : il n’y a aucune obligation de soumettre le traité ou l’accord à la Cour constitutionnelle.

34La Cour constitutionnelle peut être saisie par les mêmes autorités politiques et les mêmes personnes qui peuvent déférer une loi à la Cour, à savoir le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, un dixième des députés ou un dixième des sénateurs (art. 216). En France, l’expérience montre que ce sont surtout le Président de la République et le Premier ministre qui font usage de la possibilité de soumettre des traités et des accords au contrôle de constitutionnalité. S’ils aperçoivent une difficulté, ils en saisissent le Conseil constitutionnel avant même le dépôt du projet de loi d’approbation aux assemblées. Les parlementaires, pour leur part, ne saisissent que rarement le Conseil constitutionnel8.

35Il faut peut-être attirer l’attention sur le fait que le système prévu par l’article 216 de la Constitution de la République Démocratique du Congo n’exclut pas l’application de l’article 160 de la Constitution aux lois d’approbation d’un traité, en vertu de l’article 1609. Les autorités et personnes habilitées à saisir la Cour constitutionnelle, notamment les minorités parlementaires, pourraient donc attendre l’adoption d’une telle loi avant de saisir la Cour.

2. La saisine de la Cour constitutionnelle

3612. Examinons maintenant de plus près la saisine de la Cour constitutionnelle. Je ne parlerai plus du caractère obligatoire ou facultatif de la saisine, ni des autorités et personnes ayant qualité pour saisir la Cour. Je me limiterai à brièvement examiner trois autres éléments :

  • le fait qu’une saisine est nécessaire ;

  • le délai pour saisir la Cour ;

  • les effets de la saisine.

2.1. Nécessité d’une saisine

3713. D’après les articles pertinents de la Constitution, la Cour constitutionnelle ne peut se saisir d’office. De même, le parquet général près la Cour n’a pas de pouvoir pour saisir la Cour. La Cour doit donc être saisie par des autorités ou des personnes extérieures à la juridiction même.

38Cela va de soi pour les recours facultatifs (lois ordinaires). Mais cette règle s’applique également aux cas où le contrôle est obligatoire. En d’autres mots, quelqu’un doit prendre l’initiative pour assurer l’exécution de cette obligation.

2.2. Délai pour saisir la Cour

3914. En ce qui concerne le contrôle préventif, tantôt il y a un délai pour saisir la Cour, tantôt il n’y a aucun délai. Cela dépend de la nature de l’acte déféré à la Cour et de l’autorité saisissante.

40Pour les lois organiques, la saisine par le Président de la République doit avoir lieu dans les 15 jours suivant leur transmission (art. 124, 3.).

41Pour les lois ordinaires, la saisine par le Président de la République ou par le Premier ministre doit avoir lieu dans un délai de 15 jours qui suivent la transmission de la loi définitivement adoptée (art. 139, al. 1er, 1. et 2.). Pour les minorités parlementaires il y a également un délai de 15 jours («francs»), mais il commence à courir déjà le jour de l’adoption définitive de la loi (art. 139, al. 1er, 3.). Enfin, pour les présidents des assemblées, aucun délai n’est prévu (l’art. 139 ne mentionne pas ces autorités), mais il va de soi que la saisine éventuelle doit avoir lieu dans le délai de six jours suivant l’adoption définitive, prévu pour la transmission de la loi au Président de la République et au Premier ministre (art. 136).

42Pour les règlements intérieurs des assemblées, du Congrès et des institutions à l’appui de la démocratie, aucun délai n’est prévu.

43Pour les traités et accords internationaux, aucun délai n’est prévu, si ce n’est que la Cour doit être saisie avant la ratification ou, dans les cas où une approbation parlementaire est requise, avant cette approbation. On se référera toutefois à ce qui a été dit au sujet des lois d’approbation (supra, no. 11).

2.3. Effets de la saisine

4415. Les effets de la saisine, en tant que telle, sont à situer à deux niveaux. Il y a, d’une part, les effets sur la juridiction de la Cour constitutionnelle (étendue de la saisine de celle-ci), et d’autre part, les effets sur l’acte déféré (suspension de son exécution ou de sa mise en œuvre).

2.3.1. Étendue de la saisine

4516. La Constitution ne dit rien au sujet de l’étendue de la saisine. Pour le contrôle obligatoire, il va de soi que le contrôle s’exerce sur l’ensemble du texte soumis à la Cour constitutionnelle. Pour le contrôle facultatif (à l’égard des lois ordinaires), par contre, la question se pose de savoir si les requérants peuvent limiter l’étendue de la saisine à des dispositions bien déterminées, ou si la Cour est saisie, ici aussi, de l’ensemble du texte.

46Sur ce dernier point, je me limiterai à signaler quelle est la pratique suivie par le Conseil constitutionnel français. En principe, le Conseil constitutionnel estime qu’une fois saisi, il est et demeure saisi de l’ensemble de la loi attaquée. Il n’est donc pas lié par les termes de la requête, et il peut exercer son contrôle sur les dispositions qui ne sont pas critiquées10. Tout naturellement, il peut invoquer d’office des moyens que les requérants n’ont pas invoqués11. Il ne tient même pas compte d’un désistement12. Ceci étant dit, en pratique, le Conseil constitutionnel fait un usage prudent de la possibilité d’invoquer des moyens d’office. Le fait qu’il n’a que peu de temps pour prendre une décision en est certainement une explication, du moins partielle13.

47La Cour constitutionnelle du Congo pourrait peut-être s’inspirer de l’exemple français. Elle pourrait toutefois préférer une position plus restrictive, étant donné qu’il y a encore la possibilité d’un recours a posteriori.

2.3.2. Suspension de l’exécution ou de la mise en œuvre de l’acte attaqué

4817. Une fois que la Cour constitutionnelle est saisie pour les recours facultatifs et aussi longtemps que le délai pour la prononciation de son arrêt court, il y a un nombre d’effets suspensifs :

  • les lois (organiques ou ordinaires) ne peuvent pas être promulguées. Le délai de promulgation (art. 140 Const.) est donc suspendu14 ;

  • l’exécution des règlements intérieurs des assemblées et du Congrès est suspendue ;

  • l’exécution des règlements intérieurs des institutions à l’appui de la démocratie est suspendue ;

  • les traités et accords ne peuvent pas être approuvés ou ratifiés.

49Même si la Constitution ne le dit pas explicitement, il découle du système même que les délais éventuels pour des recours en annulation sont aussi suspendus. En pratique toutefois, cette observation n’est probablement pertinente qu’à l’égard des règlements intérieurs des institutions à l’appui de la démocratie (qui pourraient faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État).

3. La procédure à suivre devant la Cour constitutionnelle

5018. Il incombera au législateur organique de fixer les règles de procédure à suivre, notamment dans le cadre du contrôle préventif. Eu égard au fait que la Cour n’aura qu’un délai très court pour statuer (voir infra, no. 19), il serait sage de prévoir une procédure aussi «informelle» que possible.

51La pratique suivie par le Conseil constitutionnel français n’est basée sur aucun texte. D. Chamussy, membre du service juridique du Conseil, l’a décrit en six étapes15. Ce modèle, avec quelques adaptations inspirées par la procédure suivie devant la section de législation du Conseil d’État de Belgique16 et complété d’une étape relative à la décision à rendre, pourrait résulter pour la Cour constitutionnelle du Congo en une procédure selon les lignes suivantes :

  • Première étape, préalable à la procédure proprement dite : suivi des travaux parlementaires. Il est probable que des questions éventuelles d’inconstitutionnalité soient soulevées déjà durant les travaux parlementaires (notamment sur base de l’avis éventuel du Conseil d’État). Dans ce cas, il importe que les services de la Cour constitutionnelle se préparent !

  • Deuxième étape : la saisine. Elle ne devrait peut-être pas être soumise à des formes particulières, et pas obligatoirement être motivée.

  • Troisième étape : l’instruction du dossier par un membre du parquet général.

  • Quatrième étape : un certain élément contradictoire. Cela supposerait, dans le cas d’un recours facultatif, que la requête introductive soit communiquée au Gouvernement, et que celui-ci puisse déposer une note en réponse. La phase contradictoire pourrait impliquer en outre, dans tous les cas (recours facultatifs et recours obligatoires), une réunion avec le membre du parquet général et les représentants du Gouvernement (loi, traité), du bureau de l’assemblée ou de l’institution à l’appui de la démocratie (règlement intérieur), à laquelle l’ensemble du texte pourrait être revu.

  • Cinquième étape : rédaction d’un rapport sur le texte soumis à l’examen, par le membre du parquet général.

  • Sixième étape : réunion de la Cour, à laquelle le rapport est présenté par le membre du parquet général. Ce rapport servirait de base à la discussion du texte soumis à l’examen. Le membre du parquet général pourrait participer à la discussion, mais il n’aurait évidemment qu’une voix consultative. Une audience ne devrait pas avoir lieu.

  • Septième étape : la décision. Celle-ci devrait être motivée, et conclure à la conformité ou la non-conformité à la Constitution du texte soumis. Si l’on estime que la décision de la Cour a l’autorité de la chose jugée (voir infra, no. 25), on pourrait donner à la décision la forme d’un arrêt. La décision devrait être envoyée au requérant (s’il y en a un), au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Eu égard aux effets erga omnes de la décision (voir infra, no. 25), il faut aussi prévoir une large diffusion, notamment par l’internet.

5219. Une attention particulière doit être prêtée au délai pour statuer. Sur ce point, la Constitution contient des systèmes différents et partiellement contradictoires.

53En ce qui concerne le contrôle de la constitutionnalité des lois (organiques ou ordinaires) et des règlements intérieurs, l’article 160, al. 4 contient une disposition générale, prévoyant un  délai d’un mois susceptible d’être ramené à huit jours en cas d’urgence. C’est le système français17. Toutefois, des dispositions spécifiques prévoient un délai différent, à savoir un délai de 15 jours : il s’agit des articles 112, al. 3 (règlement intérieur d’une assemblée parlementaire), 120, al. 3-4 (règlement intérieur du Congrès), 124, 3. (loi organique), 139, al. 2 (loi ordinaire). Qui est plus, sauf pour les lois organiques, ces dispositions spécifiques prévoient que le délai est prescrit à peine de déchéance et que, passé le délai, l’acte déféré à la Cour est réputé conforme à la Constitution. Manifestement, quant à la durée du délai, il y a une contradiction entre la disposition générale et les dispositions spécifiques. Il incombe à la Cour constitutionnelle de déterminer par la voie de l’interprétation quel est le délai à respecter. (Le législateur organique pourrait peut être avancer une certaine interprétation). Personnellement, je serais enclin à être guidé par le principe «lex specialis derogat generali» : priorité aux dispositions spécifiques, donc un délai de 15 jours.

54En ce qui concerne le contrôle de la constitutionnalité des traités et des accords internationaux, heureusement il n’y a pas de problème, parce qu’il n’y a pas de délai.

4. Étendue du contrôle exercé par la Cour constitutionnelle

5520. Comme le dispose l’article 160 de la Constitution, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur la conformité de l’acte déféré «à la Constitution». Ce dernier terme peut être sujet à interprétation : la Constitution, d’une part, est-ce toute la Constitution, et d’autre part, n’est-ce que la Constitution ?

56Ici aussi, il incombe à la Cour constitutionnelle d’apporter les précisions nécessaires, à travers sa jurisprudence. Permettez-moi d’apporter quelques éléments pour la réflexion sur les deux questions précitées.

4.1. Contrôle de la conformité à toute la Constitution ?

5721. En principe, ce sont toutes les dispositions de la Constitution qui constituent les «normes de référence» pour la Cour constitutionnelle. Il s’agit donc des règles de compétence, des règles de procédure (en particulier pour l’adoption des lois), et des règles de fond (en particulier : du titre II, sur les droits, les libertés et les devoirs).

58Toutefois, il y a une catégorie particulière de règles constitutionnelles à l’égard desquelles on peut avoir des doutes si leur violation peut déjà être invoquée au stade du contrôle préventif, du moins lorsqu’il s’agit de recours introduits par les présidents des assemblées ou par des minorités parlementaires.18 Je vise ici les règles délimitant la compétence du pouvoir législatif central, sous deux angles :

  • d’une part, les règles qui posent des limites au pouvoir législatif, au profit du pouvoir exécutif (Président de la République, Gouvernement) : voir le cadre fixé notamment par les articles 122, 123 et 128 de la Constitution ;

  • d’autre part, les règles qui posent des limites aux pouvoirs de l’État, au profit des provinces : voir le cadre fixé par le titre III, spécialement son chapitre II (articles 195-207).

59Pourquoi mes doutes ? Pour deux raisons. Premièrement, il y a le texte de la Constitution. L’article 161, al. 3, mentionne explicitement les «conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ainsi qu’entre l’État et les provinces» comme une catégorie particulière de conflits. Les cas d’incompétence précités peuvent-ils alors encore être réputés couverts par le terme (général) d’«inconstitutionnalité» utilisé aux articles 160, al. 1er, et 162, al. 1er ? Seconde raison : la finalité du contrôle préventif à l’initiative des présidents des assemblées ou des minorités parlementaires. L’on peut aisément comprendre que lesdits requérants soumettent un texte à la Cour constitutionnelle pour la défense des intérêts du Parlement national ou de leurs propres intérêts fonctionnels, mais il est difficile de voir quel intérêt ils auraient pour obtenir une décision constatant que le Parlement national a empiété sur les pouvoirs du pouvoirs exécutif19 ou des provinces.

60Bien sûr, ici aussi, le dernier mot sera à la Cour constitutionnelle même.

4.2. Contrôle de la conformité limité à la Constitution proprement dite ?

6122. L’exemple du Conseil constitutionnel français, de la Cour constitutionnelle belge, et de nombre d’autres cours constitutionnelles est instructive à cet égard : il semble que les normes de référence ne sont pas seulement les règles écrites de la Constitution, mais qu’elles comprennent aussi les principes généraux déduits des dispositions de la Constitution et «ayant valeur constitutionnelle». Citons par exemple les principes de «sécurité juridique» et de «proportionnalité».

62Une fois de plus, il incombe à la Cour constitutionnelle d’établir une jurisprudence à cet égard.

5. Les effets des décisions de la Cour constitutionnelle

6323. Avant d’essayer de donner une réponse à la question de savoir quels sont les effets juridiques attachés à une décision de la Cour constitutionnelle, il convient de signaler que la Cour peut prendre des décisions dans différents sens :

  • Elle peut déclarer l’acte déféré totalement ou partiellement contraire à la Constitution.

  • Elle peut déclarer l’acte déféré purement et simplement conforme à la Constitution (ou, du moins, déclarer qu’aucun motif d’inconstitutionnalité n’a pu être décelé).

  • Enfin, elle peut déclarer l’acte déféré conforme à la Constitution, sous réserve d’une interprétation déterminée de cet acte.20

64À cela s’ajoute l’hypothèse que l’acte est réputé conforme à la Constitution, du fait du dépassement du délai pour statuer (voir supra, no. 19).

65Alors, quels sont les effets de ces décisions (ou de l’absence d’une décision) ?

66Deux hypothèses sont à distinguer : celle où l’acte est déclaré inconstitutionnel, et celle où l’acte est déclaré ou réputé conforme à la Constitution.

6724. On pourrait avoir l’impression, au vu de l’article 168, al. 2, de la Constitution, que si l’acte est déclaré inconstitutionnel, il est «nul de plein droit».

68La règle de l’article 168, al. 2, ne paraît toutefois pas écrite pour le contrôle préventif. Tout d’abord, cette règle ne saurait s’appliquer au contrôle préventif des lois, pour le simple motif qu’il n’y a pas de «loi» qui puisse subir la sanction de la nullité. La déclaration d’inconstitutionnalité a ici pour effet que le texte adopté par les deux chambres du Parlement ne pourra pas devenir une loi. Pour les règlements intérieurs des chambres, les articles 112, al. 4, et 120, al. 5, disposent expressément que les dispositions déclarées non conformes «ne peuvent être mises en application» ; l’article 160, al. 2, va dans le même sens, dans la mesure où il dispose que ces règlements intérieurs ainsi que ceux des institutions d’appui à la démocratie doivent être soumis «avant leur mise en application» à la Cour constitutionnelle. Il n’y a donc pas de nullité, mais une non-applicabilité. Enfin, il va de soi que la nullité d’un traité ou d’un accord international ne peut découler d’une déclaration de non-conformité à la constitution d’un des États parties. L’article 216 de la Constitution prévoit, à juste titre, une autre sanction : le traité ou l’accord en question ne pourra être approuvé ou ratifié, aussi longtemps que la Constitution n’a pas été révisée.

69La conclusion est que la sanction n’est pas la nullité. L’acte déclaré nul continue à exister, mais la déclaration d’inconstitutionnalité empêche que des effets juridiques puissent en découler.

7025. Si l’acte est déclaré conforme à la Constitution (le cas échéant sous réserve d’une interprétation déterminée), ou si le délai est passé sans qu’une décision n’ait été rendue (acte réputé conforme), l’effet immédiat est que certains obstacles sont levés :

  • en ce qui concerne les lois, elles peuvent être promulguées (art. 124, 3., et 139, al. 2) ;

  • en ce qui concerne les règlements intérieurs, ils peuvent être mis en application (art. 112, al. 4, 120, al. 5, et 160, al. 2) ;

  • en ce qui concerne les traités et les accords internationaux, ils peuvent être approuvés et ratifiés.

71Jusqu’ici, il n’y a pas de problème particulier. Mais qu’en est-il de l’autorité attachée à la décision de la Cour ? L’article 168, al. 1er, de la Constitution dispose comme suit : «Les arrêts de la Cour constitutionnelle... sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers». Il s’agit, à mon avis, de l’autorité de la chose jugée erga omnes. Celle-ci s’attache par ailleurs non seulement au dispositif de l’arrêt, mais aussi à ses motifs. Ceci est particulièrement important dans les cas où la Cour constitutionnelle déclare un acte «conforme», sous réserve d’une interprétation déterminée : l’interprétation ainsi donnée s’impose alors à tous.

72Toutefois, on doit lire l’article 168 dans son contexte. Or, le contexte, ce sont notamment les articles qui prévoient des recours en annulation, des exceptions d’inconstitutionnalité, et des conflits de compétence. Il en résulte que, contrairement au système français, la Cour constitutionnelle n’est pas en mesure de donner un «brevet de constitutionnalité» définitif. Autrement dit, les actes reconnus ou réputés conformes à la Constitution au stade préventif n’acquièrent pas un caractère intangible. Cette constatation s’impose a fortiori pour les actes (lois) qui n’ont pas été attaqués au stade préventif. Tous ces actes peuvent encore faire l’objet de recours a posteriori.

73L’autorité qui s’attache à une décision de la Cour, rendue au stade préventif, ne saurait dès lors être qu’une autorité de la chose jugée provisoire : elle vaut aussi longtemps que la Cour elle-même n’est pas revenue sur sa décision (par exemple sur base de moyens qu’il n’a pas pu examiner au stade préventif).

7426. Cette dernière conclusion m’amène à faire deux observations concernant les revirements de jurisprudence.21

75Tout d’abord, afin de ne pas créer l’insécurité juridique, la Cour constitutionnelle ferait bien de ne pas revenir trop vite sur ses propres arrêts. Même si ces décisions au stade préventif sont rendues selon une procédure accélérée et pas tout à fait contradictoire, elles devraient pouvoir raisonnablement assurer les autorités intéressées que les actes déclarés conformes à la Constitution peuvent être mis en application sans trop de risques.22

76Ensuite, il importe de souligner que la possibilité de revenir sur un arrêt antérieur n’est ouverte qu’à la Cour constitutionnelle même. Toutes les autres autorités (législatives, administratives ou judiciaires) sont tenues de respecter l’autorité de la chose jugée s’attachant aux décisions de la Cour. Les décisions rendues dans le cadre du contrôle préventif ne font pas exception à cette règle.

Conclusions

7727. Le contentieux préventif aura comme effet que la Cour constitutionnelle soit presque directement mêlée aux affaires politiques. Surtout quand il s’agit d’un recours contre une loi ordinaire, introduit par une minorité parlementaire juste après le vote dans la seconde assemblée, la Cour aura à traiter des affaires qui pourraient être très sensibles.

78La lecture des dispositions constitutionnelles relatives à ce contrôle préventif fait apparaître que beaucoup de questions restent encore ouvertes. Le législateur organique devrait essayer de donner des réponses claires, là où la Constitution lui accorde une certaine marge de manoeuvre.

79Enfin, même si le délai pour se prononcer est très court (15 jours ou à tout le moins 1 mois, selon l’interprétation à donner aux textes), la Cour constitutionnelle devrait s’efforcer d’effectivement rendre un arrêt dans le délai. Le Conseil constitutionnel français y a toujours réussi. Pour le Congo, il est d’autant plus souhaitable que la Cour s’exprime expressément au stade préventif, qu’une décision claire pourra réduire le risque d’un grand nombre de recours en annulation ou d’exceptions d’inconstitutionnalité.

Notes

1 En ce qui concerne le Conseil constitutionnel français, la question de savoir s’il s’agit d’une juridiction et si ses décisions sont investies de l’autorité de la chose «jugée», a donné lieu à des discussions, notamment dans la doctrine [voir Luchaire (F.), «Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ?», Rev. Dr. Publ., 1979, p. 27-52]. On s’accorde maintenant en général à admettre que le Conseil est une juridiction, présentant toutefois des traits particuliers [Rousseau (D.), Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, coll. «Domat Droit Public», 2006, 7e éd., p. 53-55].
2 Voir la contribution d’A. Alen dans ce numéro.
3 Jan (P.), «L’accès au juge constitutionnel français : modalités et procédures», Rev. Dr. Publ., 2001, (447), p. 450.
4 L’article 129, al. 1er, de la Constitution parle d’une autorisation de «l’Assemblée nationale ou (du) Sénat». Il s’agit manifestement d’une erreur. Le pouvoir législatif étant exercé conjointement par les deux chambres (art. 100, al. 1er, Const.), ces deux chambres doivent se mettre d’accord pour déléguer une partie du pouvoir législatif au Gouvernement. En plus, il faudra une «loi» au sens formel du terme, donc promulgué par le Président de la République, pour donner à cette délégation de pouvoirs une valeur normative. L’article 129, al. 2, fait d’ailleurs correctement mention d’une «loi d’habilitation».
5 Voir, en France, les décisions du Conseil constitutionnel du 28 mai 1983, no. 83-156 DC ; du 4 juin 1984, no. 84-170 DC ; du 23 janvier 1987, no. 86-224 DC.
6 Pierre (E.), cité par Chamussy (D.), Présentation du Conseil constitutionnel à la fin de l’année 2007, exposé présenté au cycle de perfectionnement des collaborateurs parlementaires (Ecole nationale d’administration), 2007, disponible sur le site du Conseil constitutionnel, www.conseil-constitutionnel.fr/divers/documents/ena2007.pdf, p. 16-17.
7 Consulter Favoreu (L.), La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958, 1998, disponible sur le site du Conseil constitutionnel, www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/quarante/q18.htm.
8 Jan (P.), op. cit., p. 451-452.
9 Voir dans le même sens, en ce qui concerne le système français, Rousseau (D.), op. cit., p. 201-202 ; Favoreu (L.), Droit constitutionnel, Paris, 2005, 8e éd., p. 296, no. 442. Pour un exemple, voir Conseil const., 17 juillet 1980, no. 80-116 DC.
10 «(L)’effet de (la) saisine est de mettre en oeuvre, avant la clôture de la procédure législative, la vérification par le Conseil constitutionnel de toutes les dispositions de la loi déférée y compris de celles qui n’ont fait l’objet d’aucune critique de la part des auteurs de la saisine» (Conseil const., 30 décembre 1996, no. 96-386 DC, considérant 4).
11 Rousseau (D.), op. cit., p. 191.
12 «(Aucune) disposition de la Constitution non plus que la loi organique relative au Conseil constitutionnel ne permet aux autorités ou parlementaires habilités à déférer une loi au Conseil constitutionnel de le dessaisir en faisant obstacle à la mise en oeuvre du contrôle de constitutionnalité engagée» (Conseil const., 30 décembre 1996, no. 96-386, considérant 4 ; Conseil const., 16 décembre 1999, no. 99-421 DC).
13 Chamussy (D.), op. cit., p. 25.
14 Comp. art. 61, al. 4, Const. fr.
15 Cf. Chamussy (D.), op. cit., p. 22-24.
16 Le Conseil d’État, section de législation, de Belgique vérifie la conformité de projets et de propositions de loi et de projets de règlement à des normes supérieures (de droit international ou de droit national). Il exerce donc une sorte de contrôle préventif. Contrairement à la Cour constitutionnelle du Congo, il ne donne pas de décisions contraignantes, mais n’émet que des avis.
17 Voir l’article 61, al. 3, Const. fr.
18 Je ne parle pas du contrôle a posteriori : il ne me semble pas faire de doute que dans ce type de contrôle la violation de toutes les règles constitutionnelles peut effectivement être invoquée.
19 En France, le Conseil constitutionnel examine le moyen tiré de l’empiètement du législateur sur le domaine réglementaire, mais si le moyen est fondé, il se limite à déclarer que les dispositions en question ont un caractère réglementaire, sans pour autant les déclarer inconstitutionnelles (Conseil const., 21 avril 2005, no. 2005-512 DC, considérant 23 et dispositif, art. 3). Au Congo, la Cour constitutionnelle pourrait agir de la même façon, sur base de l’article 128, al. 2, de la Constitution.
20 Les exemples étrangers, notamment français et belges, montrent que la déclaration de conformité sous réserve  peut constituer une façon de rendre des décisions équilibrées. Voir, notamment, au sujet du système français, Rousseau (D.), op. cit., p. 158-164 ; Favoreu (L.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 310-311.
21 Sur la question des revirements de jurisprudence, voir plus généralement Mouzet (P.), «Sur les revirements du Conseil constitutionnel», Rev. Dr. Publ., 2002, p. 1637-1703.
22 Dans une de ses décisions, le Conseil constitutionnel français a pris soin de noter que c’était «en raison (d’un) changement des circonstances de droit» qu’il allait réexaminer la constitutionnalité de dispositions qui avaient une rédaction ou un contenu identique à des dispositions déclarées conformes à la Constitution par une décision antérieure (Conseil const., 15 mars 1999, no. 99-410 DC).

Para citar este artículo

Paul Lemmens, «Contrôle préventif de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Numéro 1 - Premiers scrutins et contrôle de constitutionnalité en RDC : la mise en œuvre d’une constitution "régionaliste", Volume 7 : 2007, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=558.

Acerca de: Paul Lemmens

Professeur à la K.U.Leuven et Président de chambre au Conseil d’État de Belgique