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- Volume 9 : 2009
- Numéro 2 - Le fédéralisme sans l'État fédéral
- Le fédéralisme sans l’État fédéral. Introduction
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Le fédéralisme sans l’État fédéral. Introduction
1La notion de fédéralisme est généralement associée, en science politique comme en droit, à l’État fédéral. Il s’agit en effet le plus souvent soit d’en faire l’unique expression institutionnelle, soit au contraire de réfuter l’identification de la notion d’État à celle de fédéralisme, soit encore d’en étudier les multiples variantes. S. Rufus Davis n’en a pas repéré moins de quarante-quatre, sans prétendre pour autant à l’exhaustivité1.
2Dès lors considérer qu’il peut exister un fédéralisme sans État fédéral ou sans l’État fédéral peut paraître contribuer à l’allongement démesuré et inutile de la liste. Tel n’est pourtant pas le but des contributions qui suivent. Plus qu’une volonté de dissocier fédéralisme et État fédéral ou de qualifier ce dernier d’une manière particulière, voire de le «disqualifier», elles reflètent en effet davantage une volonté d’explorer le fédéralisme dans toutes ses occurrences, au-delà ou par-delà l’État fédéral. Cela peut en effet contribuer à en cerner davantage les spécificités, mais aussi à mettre en évidence les «régularités» ou les éléments communs à différentes sphères qui peuvent le cas échéant lui être directement ou indirectement reliées.
3Tel est le cas par exemple des «arrangements fédératifs» dont Vincent de Briant tente de montrer qu’on les retrouve tout autant dans les États unitaires décentralisés que dans les États fédéraux, non pas seulement sur le plan technique mais bien politique ou philosophique, à partir du moment où les uns et les autres reconnaissent une irréductible autonomie aux entités locales, avec lesquelles ils doivent dès lors composer. C’est d’une certaine manière ce que montre aussi Mathieu Petithomme lorsqu’il se penche sur le fédéralisme fiscal qui se déploie en dehors de l’État fédéral, puisqu’il en étudie la mise en œuvre dans l’Espagne contemporaine, en en soulignant la portée éminemment politique, dès lors que de compromis en compromis, l’équilibre de l’Etat lui-même est remis en cause. De même, Jorge Gordin met en évidence les implications politiques de différents processus de décentralisation fiscale et en propose une typologie. Ce sont aussi de tels «arrangements» qu’étudie Cédric Groulier quand il examine la portée de la notion de collectivité chef de file, appliquée au cas français, dans sa dimension fédérative en matière d’administration locale.
4Dans tous les cas, on se rend compte que c’est l’État de droit qui reconnaît et sanctionne un pluralisme des volontés avec lesquelles il se doit de composer, ou plus encore dont il est l’expression. C’est dès lors ce qui fait dire à Vincent de Briant que l’État fédéral est la variante territoriale de l’État de droit. Il n’en épuise à ce titre pas les formes, pas plus que celles que peut prendre le fédéralisme lui-même.
5Existe-t-il en effet un État de droit sans une certaine forme de subsidiarité, laquelle sous-tend, comme le fédéralisme, autonomie et coopération entre différentes entités ? L’une ne va pas sans l’autre. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de retrouver dans la «société civile» des formes d’organisations fédérales ou des fédéralismes de type particulier. C’est ainsi un «fédéralisme organique» que décèle Yves Palau dans l’organisation de l’Église catholique, en dehors ou indépendamment des États au sein desquels elle se déploie. C’est aussi un «pouvoir fédéral» particulier que Béatrice Barbusse met en évidence dans le monde sportif, de façon spécifique puisqu’il est d’abord celui qui rassemble et ensuite celui qui s’impose aux différentes composantes qui sont à la base de sa puissance.
6Ainsi, le fédéralisme a-t-il une existence institutionnelle indépendamment de l’État fédéral, y compris dans des lieux d’où il semble absent, comme l’Église catholique ou l’État en France, même s’il faut parfois l’aborder autrement pour pouvoir le discerner vraiment. C’est du moins ce à quoi incitent les différentes contributions rassemblées ici, parce qu’elles n’épuisent pas à l’évidence les «lieux» où se déploie le fédéralisme. Beaucoup pourraient faire l’objet d’un examen comparable. La démarche entreprise n’est à cet égard qu’une étape, dont on peut déjà entrevoir ou imaginer les autres.
Notes
Pour citer cet article
A propos de : Vincent de Briant
Chercheur au Largotec, Université Paris 12
A propos de : Yves Palau
Maître de conférences à l’Université Paris 12