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Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

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Christian Feller, Dominique Ranaivoson & Éric Penot

L’angady (Madagascar), un outil agricole et une dimension culturelle. Réflexions sur l’adoption d’innovations de type Agriculture de Conservation en petit paysannat malgache

(Volume 29 (2025) — Numéro 1)
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Résumé

Description du sujet. L'angady (bêche malgache) et son utilisation agricole (labour) sont encore très présentes aujourd'hui dans le petit paysannat à Madagascar.

Objectifs. Cet article vise (i) à préciser l’importance et la place de cet outil dans l’équipement agricole du petit paysannat, (ii) à faire ressortir les dimensions culturelles qui lui sont attachées et (iii) à poser quelques réflexions sur l’attitude du paysan malgache vis-à-vis des pratiques de non-labour telles que celles préconisées dans l’« agriculture de conservation ».

Méthode. Pour les objectifs (i) et (ii), il s’agit de simples études bibliographiques. Pour l’objectif (iii), la réflexion s’appuie sur les résultats d’un projet de développement basé sur l’agriculture de conservation ainsi que sur une évaluation post-projet.

Résultats. Il est montré que l'angady est toujours très présente et dominante dans l’équipement du paysan malgache mais au-delà du simple outil agricole, l’angady est aussi un objet culturel associé au labour et qui fait partie symboliquement de l'identité du paysan malgache. Un vaste projet de développement agricole autour de l’« agriculture de conservation » – dont l’un des principes est l’abandon total ou partiel du labour – a été mené à Madagascar pendant plus de 10 ans mais avec un niveau d’appropriation par le petit paysannat malgache relativement faible et une diffusion très limitée.

Conclusions. Les résultats publiés ainsi que l’évaluation qui en a été faite post-projet conduisent les auteurs de cet article à émettre l’hypothèse (qui reste à tester), qu’au-delà des conclusions principales des évaluateurs, la dimension culturelle de l’angady pourrait être prise, au moins partiellement, en considération pour expliquer ce faible niveau d’appropriation des pratiques alternatives proposées par la recherche.

Mots-clés : Non-labour, projet de développement, niveau d’appropriation, objet culturel, identité paysanne.

Abstract

The angady (Madagascar), an agricultural tool and a cultural dimension. Reflections on the adoption of innovations such as Conservation Agriculture in small Malagasy peasantry

Description of the subject. The angady (Malagasy spade) and its agricultural use (plowing) are still very much in evidence in Madagascar's small farming community.

Objectives. This article aims (i) to clarify the importance of the angady in the agricultural equipment of the small peasantry, (ii) to evaluate the cultural dimensions attached to it, and (iii) to present some reflections on the attitude of the Malagasy peasant towards no-till practices.

Method. Objectives (i) and (ii) are simply bibliographical studies. Objective (iii) is the analysis of the results of a sustainable development project based on conservation agriculture, and on a post-project evaluation.

Results. It is shown that the angady is still very present and dominant in the equipment of the Malagasy farmer, but beyond being a simple agricultural tool, the angady is also a cultural object associated with plowing and is symbolically part of the identity of the Malagasy farmer. A vast agricultural development project based on "conservation agriculture" – one of whose principles is the total or partial abandonment of plowing – has been running in Madagascar for over 10 years, but with a relatively low level of appropriation by the small Malagasy peasantry and a very limited dissemination.

Conclusions. The published results and the post-project evaluation lead the authors of this article to put forward the hypothesis (yet to be tested) that, beyond the main conclusions of the evaluators, the cultural dimension of the angady could be taken into consideration, at least partially, to explain this low level of adoption of the alternative practices proposed by the research.

Keywords : Keywords. No-till, sustainable development project, level of appropriation, cultural object, peasant identity.

Reçu le 29 décembre 2023, accepté le 30 janvier 2025, mis en ligne le 26 février 2025.

Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr)

1. Introduction

1L’idée de cet article vient de la lecture d’un rapport d’évaluation ex post1 (Levard et al., 2014a, b, c) d’un projet de développement agricole mené à Madagascar de 2000 à 2013. Le projet intitulé « Plan d’action pour l’agroécologie » (PAA), proposé et développé par le Cirad visait, comme objectifs principaux, à introduire dans le petit paysannat malgache un certain nombre de pratiques innovantes basées sur les principes de l’« agriculture de conservation » (AC).

2Le rapport d’évaluation ex post constate que les résultats, en fin de projet, en termes d’adoption des innovations par les agriculteurs concernés, ne sont pas du tout à la hauteur des objectifs initiaux et que la diffusion hors projet des dites innovations est pratiquement inexistante. Pour expliquer ces résultats négatifs, l’évaluation émet une certain nombre d’hypothèses, tout à fait justifiées, à caractère technique et/ou socio-économique. Toutefois, il a semblé aux auteurs du présent article qu’une autre hypothèse aurait pu être envisagée en considérant la dimension anthropologique du projet, en particulier dans le domaine culturel du petit paysannat malgache.

3Rappelons d’abord quelques généralités sur la question de l’innovation en agriculture ainsi que les caractéristiques de l’agriculture de conservation.

1.1. L’innovation en agriculture

4La question de l’innovation en agriculture a donné lieu à de nombreux débats et écrits.

5L’ouvrage récent de Faure et al. (2018a), Innovation et développement dans les systèmes agricoles et alimentaires, dans son chapitre introductif rappelle que la notion d’innovation en agriculture, faisant suite à celle du « progrès technique » dominante jusque vers les années 1980, est l’ensemble des rapports qu’entretiennent les activités agricoles avec la nature, l’espace et les sociétés. L’innovation doit tenir compte des enjeux globaux tels « les transitions écologique, climatique, énergétique, numérique, sociale et alimentaire » (Faure et al., 2018b, p. 12). Ainsi, l’agroécologie constitue un processus d’innovation spécifique.

6De fait, l’innovation résulte de la synergie entre plusieurs dimensions : mise en œuvre de nouvelles techniques et pratiques, de nouvelles connaissances et modes de pensées et de nouvelles institutions et organisations (Faure et al., 2018c, p. 166). Ainsi, le champ cultivé comme objet d’innovation devient alors l’étude non seulement des sciences agronomiques et pédologiques (aspects techniques et pratiques) mais aussi celui des sciences humaines (connaissances et modes de pensée) et des sciences économiques, voire juridiques (institutions et organisations, droit national ou coutumier). La figure 1 schématise comment une innovation, que ce soit au stade de la proposition, de son accompagnement ou de son évaluation, doit prendre en compte, selon les critères scientifiques occidentaux, les trois domaines biophysiques, économiques et juridiques et anthropologiques : l’adoption ou le refus de l’innovation peut être lié à une ou plusieurs de ces trois composantes, entre autres la dimension anthropologique souvent peu documentée dans les projets de développement.

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Figure 1. a. Les domaines à considérer pour l’évaluation ex ante, ex itinere ou ex post du parcours de l’innovation selon une analyse scientifique occidentale (source : les auteurs de l’article) — Areas to be considered for ex ante, ex itinere or ex post evaluation of the innovation pathway according to a Western scientific analysis (source: authors of this article) ; b. Les domaines à considérer pour l’évaluation holistique du parcours de l’innovation selon la perception cosmogonique de la Nature dans les sociétés traditionnelles (d’après Barrera-Bassols & Zinck, 2000) — Areas to be considered for an holistic assessment of the innovation pathway according to the cosmogonic perception of Nature in traditional societies (adapted from Barrera-Bassols & Zinck, 2000).

7Or, les savoirs et savoir-faire, associés aux techniques et pratiques et aux outils associés impliquent justement une dimension sociale et anthropologique importante (de Sardan & Pacquot, 1991 ; de Sardan, 1995 ; Penot, 2001). Cette dernière dimension est peu développée dans les faits pour tout ce qui touche au sensible, particulièrement pour les sociétés traditionnelles (en anglais, local ou indigenous) de nombreux pays du Sud. Or, selon Toledo (2000, p. 3) et Barrera-Bassols & Zinck (2000, p. 12), il est préférable, dans l’approche ethnoécologique visant à analyser l’étude des processus de l’appropriation humaine de la nature de ces sociétés traditionnelles, de s’appuyer sur le tryptique dit KCP (Figure 1b) : le « Kosmos » (système de croyance ou cosmogonie), le « Corpus » (ensemble des connaissances ou système cognitif) et le « Praxis » (ensemble des pratiques) plutôt que sur le tryptique de la figure 1a.Ainsi, l’outil angady en tant qu’objet agricole (Corpus et Praxis) et support culturel (Kosmos) peut exercer des influences diverses et complexes sur l’innovation proposée. Suite à une analyse bibliographique de 432 publications concernant spécifiquement l’ethnopédologie, Barrera-Bassols & Zinck (2000, p. 33) montrent que la dimension K, qui est la composante subjective des connaissances traditionnelles, est fondamentale dans les projets de développement. Selon ces auteurs, cette dimension cosmogonique (K) est malheureusement peu considérée, ne concernant que 16 % des études. Et de conclure que : « La non-prise en compte des contextes et des règles culturelles a conduit à l'échec de nombreux programmes de développement dans le Tiers Monde »2.

8On peut rapprocher aussi cette approche KCP de celle de l’approche dite « interactionniste » appliquée à l’étude des projets de développement où « les résultats de ces projets doivent plutôt être compris et expliqués comme la résultante des comportements intentionnels d’acteurs sociaux situés dans un contexte social donné » (Assogba, 1993, p. 50). L’analyse devant se faire au niveau individuel de l’acteur en situation sur la base que la « rationalité paysanne » de l’acteur n’a rien d’irrationnel (pp. 52-53). Les exemples cités par Assogba sont proches du cas développé dans le présent article.

1.2. L’agriculture de conservation

9L’AC est l’innovation proposée par le projet PAP mentionné en ouverture.

10Les principes de base de l’AC tels que définis par la FAO (2022) sont :

11– une perturbation mécanique minimale du sol que l’on nomme souvent non-labour ;

12– une couverture organique permanente, soit sous forme de mulch (couverture morte), soit par une plante de couverture (dite vivante) ;

13– une rotation des cultures.

14L’AC fait donc partie des systèmes innovants aux techniques sans-labour (TSL).

15Quand on évoque l’innovation, on pense surtout à des « ajouts » ou des « substitutions », plus rarement à des « retraits ». C’est pourquoi Frédéric Goulet caractérise les TSL (dont l’AC) comme des innovations « par retrait ». C’est le titre qu’il donne à sa thèse (2008) ainsi qu’à l’article Goulet & Vinck (2012) intitulé : « L’innovation par retrait. Contribution à une sociologie du détachement ». Le choix des mots « retrait » et « détachement » est particulièrement parlant quand il s’agit de supprimer la pratique du labour.

16Les études de cas étudiés par Goulet sont des associations d’agriculteurs AC en France, donc dans un contexte de pays développé. La question posée est : quels sont les processus mis en jeu pour arriver à retirer/détacher des systèmes de culture conventionnels ou traditionnels, un des éléments les plus structurants de l’agriculture dans le monde, à savoir le labour et donc de faire disparaitre aussi les outils qui lui sont liés, que ce soient des outils manuels, des charrues attelées ou motorisées ? Les modèles (français) étudiés par les auteurs sont ceux rencontrés dans les pays développés, voire émergents. Mais l’ensemble des conditions environnementales et humaines ne sont évidemment pas celles rencontrées en conditions de petit paysannat dans les pays en développement. Toutefois, les concepts et approches généraux développés par Goulet & Vinck serviront de cadre pour discuter de la situation agricole malgache. Pour bien percevoir les différences existantes dans le monde entre les agricultures des pays riches et des plus pauvres, on peut rappeler (Garruchet et al., 2023) que l’agriculture malgache occupe 80 % de la population active, en grande majorité sous forme d’exploitations agricoles familiales ayant une superficie moyenne de moins de 0,2 ha/exploitation (p. 63) et un PIB/habitant/an (données 2015) autour de 400 U$ (p. 26).

17Par ailleurs, le principal outil de travail du sol en petit paysannat malgache est l’angady, mot signifiant bêche. Or, le labour à Madagascar, comme nous le verrons ci-dessous, est encore, de nos jours, essentiellement manuel et se fait grâce à l’angady. Supprimer le labour, c’est donc retirer l’angady d’une grande partie des activités agricoles. Se pose alors la question de ce que représente ce simple outil pour le paysan et la société malgache et l’incidence de ce vécu sur l’adoption ou non d’une innovation qui propose sa non-utilisation. Cet article vise à proposer l’hypothèse que la non-appropriation et non-diffusion de l’AC est en partie le refus du non-labour par le paysan malgache

18Pour ce faire, l’article est organisé en quatre sections :

19– quelle est la place de l’angady dans l’outillage agricole en petit paysannat malgache ?

20– l’angady n’est-il qu’un outil agricole ou a-t-il une dimension culturelle dans la société malgache ?

21– le projet de développement basée sur l’AC ainsi que son évaluation ex post ont-ils pris en compte cette dimension culturelle ?

22– comment l’hypothèse du refus du non-labour se justifie ?

2. La place de l’angady dans l’outillage agricole malgache et la relation au sol

23L’angady, bêche au très long manche (plus de 2 m) et à la base très coupante (Figure 2) que l'on projette perpendiculairement à soi, est un outil très polyvalent car même si son usage premier est le labour, son domaine d’utilisation agricole s’étend aussi à la plantation, au sarclage, au buttage, au déterrage sans oublier les opérations de terrassement ou planage agricoles. L’angady est encore utilisée par la grande majorité d’une population rurale dont l’agriculture est toujours peu mécanisée. Dans le domaine non agricole, il sert à l’entretien des pistes, au curage des fossés, aux travaux de canalisation et au creusage des puits, à la confection des briques de terre (Raharijaona, 2003) ; il est aussi associé aux rites funéraires (Figure 2b).

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Figure 2. a. Paysans malgaches en route pour les champs — Malagasy farmers on their way to the fields ; b. À l’occasion de funérailles à Madagascar — Funeral scene at Madagascar (Photos Stéphanie Carrière, IRD).

2.1. L’angady et l’outillage agricole à Madagascar

24Selon Raharijaona (2003), l’usage de l’angady à Madagascar serait très ancien, remontant au XVIe s., avec un développement pour l’agriculture à partir du XVIIIe s.

25Dès le début du XXe s., face au labour manuel, le colonisateur s’efforcera de développer le labour mécanisé à Madagascar, en particulier par la culture attelée. Quant au labour motorisé, il n’existe pratiquement pas à Madagascar car les exploitations familiales sont trop pauvres pour y avoir accès. Garruchet et al. (2023, p. 63) ne mentionnent la motorisation que pour les exploitations dites « modernes » ne représentant que 0,02 % de toutes les exploitations malgaches.

26Si le développement de la culture attelée à Madagascar a pu être considérée comme prometteur, il est resté toutefois limité. Ainsi, pour la période 1957-1958, Tourte (2005, vol. VI, p. 848-849) évalue le nombre de charrues attelées à environ 37 000 (essentiellement pour les rizières inondées et peu ailleurs), il reconnait aussi que l’agriculture reste encore fortement manuelle. Ceci est aussi confirmé vingt ans plus tard par d’autres auteurs, Eicher & Baker (1983) (cités par Tourte, 2005, vol. 6, p. 850) et par Rouveyran (1972, pp. 58-72). Rouveyran insiste sur le fait que les paysans les plus pauvres de Madagascar, représentant de 80 à 95 % du nombre total des exploitations agricoles malgaches, n’ont pratiquement que l’angady pour seul équipement agricole. Un tableau assez identique du paysan malgache des Hautes Terres est donné pour les années 1990 par Rakoto Ramiarantsoa (1995) « avec un équipement de production où domine l’angady (1,8 à 2,8/ménage contre 0,2 à 0,8/ménage pour la charrue) ». En 2005, un nouveau recensement agricole a eu lieu (MAEP, 2007). Il décrit que la situation générale de l’agriculture a peu changé depuis le recensement précédent de 1984-1985 et la production agricole en 2005 repose toujours essentiellement sur le travail manuel à l’angady comme outil dominant (en moyenne, 2,4 par exploitation contre seulement 0,3 charrue attelée par exploitation), le matériel agricole motorisé ne concernant que les grandes exploitations modernes et/ou industrielles. De même, en 2014, Clermont-Dauphin & Rabarijaona (2014, p. 105) observent que dans les Hautes Terres centrales (Vakinankaratra), l’outillage d’une famille pauvre est constitué de deux à trois angady, une à deux faucilles et une charrette, et beaucoup plus rarement d’une charrue et de bœufs de traits. On peut ajouter qu’il existe un « marché de l’angady » puisque parmi les revenus secondaires des paysans, il est fréquemment cité la vente des manches en bois des angady qui sont fabriqués, souvent illégalement, à partir de l’exploitation de la forêt (Carrière et al., 2007, p. 181 ; Toillier, 2007, p. 227-233 ; Toillier & Serpantié, 2007, p. 248).

27Ainsi, encore aujourd’hui, le principal outil agricole pour la vaste majorité des paysans pauvres reste l’angady.

2.2. L’angady et le sol

28Le paysan malgache a une perception très précise de ses sols, de leur diversité et de leurs propriétés, comme l’ont montré Ravonjiarison et al. (2023) mais aussi Rakoto Ramiarantsoa (1995), Blanc-Pamard & Rakoto Ramiarantsoa (2000) et Rakotoson et al. (2010). Concernant les pratiques de travail du sol, Rakoto Ramiarantsoa (1995) insiste sur le fait que l’angady, dans sa fonction de labour, est aussi un intermédiaire entre le paysan et le sol afin d’en évaluer et mieux connaître les propriétés physiques. C’est le cas par exemple dans le pays Tanala dans la pratique du tavy (défrichement avec brûlis puis culture de riz pluvial de 1 à 3-5 ans, avant abandon de la parcelle) où les parcelles ne sont pas sélectionnées au hasard mais positionnées, grâce à l’angady, sur les sols forestiers les plus meubles, souvent à mi-versant (Rakotoson et al., 2007, pp. 160-161).

3. L’angady, un outil cultural devenu emblème culturel

29Cette section vise à analyser comment l’angady, cet outil agricole de la vie courante, apparaît dans l’ensemble des lieux de représentation qui modèlent l’imaginaire collectif.

3.1. Représenter le travail de la terre et la force

30Toutes les catégories de la population travaillent selon une répartition des tâches assez précise, les objets associés à ces tâches deviennent ainsi peu à peu l’emblème de ceux qui l’utilisent : le mortier pour les femmes et l’angady pour les hommes.

31L’angady est représentée ou évoquée dans les manuels scolaires, dans la littérature traditionnelle des proverbes, des contes et dans des productions écrites récentes. Ces écrits sont généralement en malgache, voire bilingues (avec le français). Nous ne présenterons ici que les versions françaises ou les traductions faites par les auteurs de cet article.

32Imagiers et manuels scolaires. Le récent Notre imagier (Anonyme, 2007, pp. 90-91 et 96-97) présente dans son chapitre « à travers la campagne » un paysage avec des personnages en action : femmes lavant leur linge à la rivière ou un homme, vu de dos, marchant la bêche sur l’épaule.

33Gastineau & Rafanjanirina (2006) ont étudié 312 illustrations de manuels scolaires. Elles notent que, si les activités agricoles sont très représentées, « l’image la plus fréquente est celle de l’homme qui travaille avec l’angady ». Les mêmes types de représentations existent aussi dans les ouvrages de découverte de la lecture, tels les ouvrages de Carle (1968, p. 24) ou de Raolisoa Lala-Rakotoson (1997, p. 68) ou encore le plus récent syllabaire francophone Petit-Hira lit de Toazara (2013, pp. 30, 58 et 71).

34Les manuels comprenant des textes de plus en plus élaborés vont affiner cette représentation. C’est le cas de Lovako (signifiant héritage ou patrimoine) (Raolisoa Lala-Rakotoson, 1997) pour la première classe de primaire. Ainsi, on va retrouver des illustrations avec angady dans des situations très variées et à des niveaux d’enseignement différents : une charrette contenant du fumier dans lequel est plantée l’angady (niveau L2, p. 59) ; la culture du riz avec un homme lançant son angady dans la terre (L3, p. 64) pour illustrer que le travail de la terre est celui de l’homme (« les hommes cassent les mottes, c’est cela le travail de la rizière ») ; la préparation de la plantation des jeunes arbres (L4, p. 70) ou encore, à l’occasion du défrichement, un homme labourant (L4, p. 116). Au-delà des usages agricoles, les illustrations de Lovako concernent aussi l’angady dans d’autres usages de la vie collective locale des ruraux : le creusement d’un fossé (L4, p. 45-47) avec, à la page suivante, un groupe d’hommes refaisant une piste. Dans le chapitre consacré aux outils de l’agriculture (L4, p. 82-83), deux catégories sont considérées :

35– les outils « hérités des ancêtres », l’angady apparaissant en premier défini comme « ce qui travaille la terre » ;

36– les outils « issus du progrès » incarnés par la charrue et le tracteur (mais quasi inexistants à Madagascar, à l’exception des rizières du lac Alaotra).

37L’angady est donc à la fois le signe de la filiation aux aïeux qui ont transmis la terre et la culture, et le contraire de la modernisation.

38Nous comprenons que l’angady est l’outil indispensable à tout ce qui renvoie à la terre : labour des rizières, défrichement, plantations mais aussi aux biens communs de la société rurale, la réfection des routes, des fossés et ceci, en référence aux ancêtres. Bien que l’angady ne soit pas uniquement dévolue à l’homme, comme le signale Ravelomanana (1995, pp. 271-272), elle renvoie à la virilité avec une représentation genrée des travaux dans les manuels de la période coloniale, l’auteure parlant de « rôle social attendu » et de « sexisme ».

39Proverbes et contes. Le travail de la terre requiert une force physique qui reste l’apanage des hommes jeunes. Un exemple est donné par Condette et al. (1967, p. 227) pour l’illustration du proverbe « Ne portez pas deux épis à la fois comme le maïs » et ce texte : « Ravoavy est cultivateur au village. C’est un grand gaillard, aux muscles solides. Le matin, il se lève avant tout le monde et court aux champs. Il sème, plante, arrache, bine toute la journée. […] Du point du jour aux dernières lueurs du soir, il a enfoncé l’angady, retourné les grosses mottes » (p. 216).

40L’angady est très présente dans les proverbes et contes traditionnels qui illustrent « la sagesse héritée des ancêtres » et la légitime en tant que morale ou encore les qualités et défauts, tel le courageux vs le paresseux (Houlder 1960) : « Un couple paresseux : le mari n’aime pas l’angady et la femme n’aime pas le métier à tisser ».

41L’angady est aussi bien présente dans certains contes anciens évoquant les héros des légendes mais aussi des petits contes modernes tels ceux concernant la lutte contre la déforestation ou les risques inhérents aux feux de forêt (financés par l’ONG allemande GTZ). Dans ceux de Raharinorombola & Randriantsoa (1993) ou Komareke & Rakotozafy (1993), les illustrations montrent des hommes ou des femmes unis pour des campagnes de reboisements, l’angady sur l’épaule ou en train de creuser des trous (Figure 3).

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Figure 3. Deux pages de contes modernes pour enfants (éducation populaire) avec représentation de l’angady au champ (DR). Les illustrations proviennent : en haut, de l’ouvrage Ny Ombiasy. Lany ny fanfody de Komareke & Rakotozafy (1993), en bas, de l’ouvrage Ambohimaitso de Raharinorombola & Randriantsoa (1993) — Two pages of modern children’s stories depicting angady in the field (Rights Reserved). The illustrations are: top, from Ny Ombiasy. Lany ny fanfody by Komareke & Rakotozafy (1993), bottom, from Ambohimaitso by Raharinorombola & Randriantsoa (1993).

42D’autres contes (non détaillés ici), qualifiés de « traditions venues des ancêtres » (fomban-drazana), véhiculent une morale, le mot angady y étant bien présent ; l’un des plus célèbres est rapporté par Burguet & Rakotomalala (2016).

43Certains auteurs peuvent aussi exalter les valeurs de l’homme malgache comme la vaillance, tel l’écrivain J. Razafintsalama (1885-1963) qui a publié en 1929 un sonnet exaltant en malgache les vertus de l’angady, œuvre citée, reprise et illustrée dans le manuel Lovako (Raolisoa Lala-Rakotoson, 1997, L4, p. 84) sous forme d’un poème sur « La place de M. l’Angady » dont voici les derniers vers :

44Il ne trahit pas le courageux,

45Il enrichit l’homme celui qui lui fait confiance.

46He ! Même quand il est usé, on y reste attaché.

3.2. L’angady : les grandes causes et la politique

47L’utilisation la plus exemplaire de l’angady sur le plan politique (déjà mentionnée par Raharijaona, 2003, mais développée ici) est située au moment de la Révolution socialiste quand, après avoir renversé la Première République, Didier Ratsiraka soumet à referendum sa Charte de la révolution socialiste malagasy (Ratsiraka, 1975). Ce manifeste, dont la couverture est aux couleurs du drapeau malgache, blanc, rouge et vert, est appelé boky mena (livre rouge) en référence, toujours implicite, à celui de Mao en Chine. Il est distribué massivement, en malgache et en français.

48L’illustration de la couverture indique l’orientation et les moyens du changement révolutionnaire avec trois emblèmes : une angady encadrée par un fusil et un porte-plume ou une sagaie présentés en oblique, suivis chacun d’une flèche, les trois aboutissant à l’étoile socialiste (Figure 4). Ces symboles représentent « les trois piliers de la révolution nationale et démocratique à savoir la paysannerie (angady), l’armée populaire (fusil) et les travailleurs intellectuels progressistes (porte-plume) » (Rabeherifara, 2021)1 ou la « Révolution des sagaies » (Ratsiraka, 1975, p. 47)2. La dernière photographie de l’ouvrage montre aussi un groupe d’hommes munis d’angady devant un tas de terre ou de mortier le long d’une route (Ratsiraka, 1975, p. 115). La paysannerie, entre autres à travers l’angady, est donc présentée comme une force active de la Révolution.

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Figure 4. Page de couverture de l’ouvrage de Didier Ratsiraka avec les emblèmes de Madagascar — Cover page of Didier Ratsiraka’s book with the emblems of Madagascar.

49En conclusion, l’angady est avant tout un outil aux multiples usages utilisé par la grande majorité d’une population rurale vivant d’une agriculture encore très peu mécanisée. Aux enfants, elle est représentée (dans les imagiers) parmi les objets de la vie courante, ceux que l’enfant doit pouvoir nommer dès son plus jeune âge, puis dans l’ensemble des livres scolaires et pédagogiques des écoliers. Le fait que les travaux que cet outil permet d’accomplir soient essentiellement masculins va, par extension, symboliser la force masculine, le courage, puis tout travail de force. Il va aussi incarner la classe paysanne.

50L’art et les récits populaires sont les vecteurs de ces représentations. Les ancêtres étant la pierre d’angle de la tradition, de la cohésion sociale et de la légitimité, ces représentations de l’angady dans les proverbes et les contes renforcent l’idée que cet outil incarne la continuité, la fidélité et donc, l’identité du paysan malgache et, à travers lui, du peuple tout entier.

51Ce simple outil cultural est bien devenu objet culturel, emblème national et, à ce titre, quasi sacralisé.

52Pour la société malgache, l’angady pourrait presque être considérée comme un « patrimoine culturel immatériel » selon la définition de l’ONU ou encore comme un objet matériel « qui a une vie sociale » au sens de Appadurai (1986b) et de Gosden & Marshall (1999) ou encore un objet dit « intermédiaire » selon Vinck (1999). En effet, l’objet exerce une fonction sociale culturelle (ONU3) et forme un lien entre son propriétaire et d’autres aspects du fonctionnement de la société à laquelle il appartient : l’angady est une image de l’exploitant lui-même, de son lien à la terre, entre autres l’activité agricole mais pas seulement, de son lien aux traditions (les ancêtres) mais aussi parfois aux valeurs politiques de la société d’aujourd’hui (Ratsiraka, 1975). Comme l’écrit Appadurai (1986a, p. 3), un tel objet a « comme les personnes, une vie sociale »4 ou selon Vinck (1999, pp. 386-387), ces objets intermédiaires peuvent participer « à la construction du lien social, de l’interaction et du collectif ».

4. Le projet d’agriculture de conservation et son évaluation

53Cette partie s’appuie sur les résultats et l’évaluation d’un important projet de développement mené à Madagascar à partir des années 2000 et visant à développer l’« agriculture de conservation » (AC) dans ce pays, dont nous avons rappelé les principes de base en introduction. Dans les systèmes d’ « agriculture de conservation », avec absence de labour, le semis se fait « directement » à travers la couverture végétale en faisant un trou (ou un très petit sillon) soit avec un bâton ou parfois aussi une angady (cas de Madagascar), soit avec des semoirs adaptés, trous où seront aussi déposés semences et fertilisants. Ces systèmes sont souvent nommés SCV « Semis direct sur couverture végétale ».

54Le projet, intitulé « Plan d’action pour l’agroécologie » (PAA), dont le maître d’œuvre principal était le CIRAD, a été financé et soutenu pendant plus de 10 ans (2000-2013) par diverses institutions françaises, en particulier l’Agence française pour le développement (AFD), au bénéfice de divers pays du Sud dont l’Afrique sub-saharienne et Madagascar. Il s’agissait d’expérimenter, adapter et diffuser dans le petit paysannat diverses techniques d’agriculture de conservation (AC), nommées aussi systèmes à « semis direct sur couvertures végétales permanentes » (SCV). À Madagascar, le projet a concerné deux régions : celle du Lac Alaotra (dit Projet BV-Lac) pour la culture du riz inondé de bas fond (Vogel & Rakotonirina, 2014) et la région du Vakinankaratra Sud-Est (dit Projet SE-HP), en cultures pluviales sur les pentes de collines (tanety) (Clermont-Dauphin & Rabarijaonan, 2014).

55Le projet concernait l’agriculture familiale pour des exploitations aux revenus très faibles : PIB moyen/habitant/an autour de 400 €, des superficies moyennes des parcelles cultivées (0,20 ha) et des exploitations (0,87 ha) faibles aussi.

56Un programme d’accompagnement par la recherche a été associé au projet principal. En collaboration avec le CIRAD, il a été confié à un consortium d’institutions françaises (IRD, INRAE) et malgaches (Université d’Antananarivo, FOFIFA) et à des ONG et groupements professionnels malgaches (TAFA et GSDM)1.

57Une évaluation post-projet a eu lieu en 2014 par un comité d’experts réunis par le Groupe de recherche et d'échanges technologiques (GRET) conduisant à la publication de trois documents sous le titre général de Agroécologie : évaluation de 15 ans d’actions d’accompagnement de l’AFD (Levard et al., 2014a, b, c) avec un Rapport final complet (2014a), un Rapport des sites visités, Annexe 5 (2014b) et une Synthèse du rapport final (2014c).

58Bien menés et appropriés par l’exploitant agricole, les systèmes SCV peuvent présenter de nombreux avantages agronomiques, économiques et environnementaux (Poss et al., 2016).

59Les résultats de ce projet ambitieux sur l’introduction des SCV qui s’est déroulé de 2000 à 2013 à Madagascar ont été positifs pour les aspects d’accompagnement par la recherche malgache et étrangère, la création et la performance de nouveaux systèmes de culture et la formation de 150 stagiaires malgaches et étrangers (aspects non détaillés ici) mais en revanche évalués négativement pour les dimensions « appropriation » et « diffusion » (voir 1.2.) par rapport aux objectifs initiaux affichés et aux moyens financiers mis en œuvre.

60En effet, l’adoption finale des systèmes SCV proposés par les porteurs du projet, c’est-à-dire avec les trois principes/piliers des SCV (dit SCV archétypal), telle que définie ci-dessus, a été inférieure à 50 % des exploitations testées que ce soit pour le sous-projet BV-Lac (Lac Alaotra) ou SE-HP (Vakinankaratra, paysannat le plus pauvre) :

61– pour BV-Lac, les responsables du projet affichaient, en 2011, 46 % des parcelles restant en SCV mais l’étude menée en 2013 par Penot et al. (2017) montre que ce chiffre est probablement largement inférieur ;

62– pour SE-HP, en fin de projet, on ne comptait plus que des surfaces très réduites en SCV et pratiquement jamais selon le modèle SCV archétypal (Clermont-Dauphin & Rabarijaona, 2014, p. 31).

63Par ailleurs, les évaluateurs, au cours de leur mission post-projet, n’ont observé aucun cas d’adoption spontanée alors que localement, le projet BV-Lac a travaillé avec plus de 3 000 paysans.

64Dans les deux cas, les résultats ne sont pas à la hauteur des sommes investies.

65Parmi les raisons de cette faible adoption, les experts mettent en avant les insuffisances suivantes :

66– faible dimension participative en amont du projet, en particulier le cadre trop rigide du modèle SCV archétypal imposé (Levard et al., 2014c, pp. 8 à 16 ; Penot et al., 2014). Beaucoup de réflexions sur les processus d’innovation conseillent une évaluation préalable, dite ex ante, dès les phases préliminaires du projet et à mener en concertation avec les acteurs (Faure et al., 2018a, p. 14). Ce ne fut pas le cas ici, un exemple d’une innovation de type « descendante » ou « topdown ».

67– aspects socio-économiques mal évalués (Clermont-Dauphin & Rabarijaona, 2014, p. 27) avec, entre autres, la difficulté pour des paysans très pauvres (revenus autour de 1 à 2 €/jour) de se fournir en intrants (engrais chimique, herbicides, traitement des semences) ou de mobiliser les doses d’amendements organiques prescrites, d’autant que les améliorations de rendements furent insuffisantes par rapport aux dépenses à mettre en œuvre ;

68- dans certaines régions, la disponibilité en biomasse végétale est trop faible pour permettre la mise en œuvre du pilier 2 (couverture végétale permanente) visant à laisser la totalité de biomasse disponible à la surface du sol, alors qu’elle est aussi utilisée pour la nutrition des bovins dans un contexte de vaine pâture (Randrianarison, 2007 ; Naudin et al., 2012).

69D’autres travaux comme ceux de Giller et al. (2009, 2011), Serpantié (2009) ou Corbeels et al. (2014) mentionnent aussi des contraintes techniques et socio-économiques similaires. Dès 2009, Serpantié écrit : « Pour l’instant, rien ne permet donc d’affirmer que la pratique AC est en cours d’auto-diffusion ».

70En guise de conclusion sur les « facteurs clés influant sur les résultats en matière de SCV », les évaluateurs écrivent : « Dans ce contexte où de multiples facteurs sont susceptibles d’encourager ou de freiner l’adoption des SCV, l’existence de diagnostics globaux et la mise en œuvre de dispositifs d’intervention interactifs et souples sont décisifs. Or, le modèle directif d’intervention préconisé a constitué une forte contrainte pour la diffusion effective des techniques recommandées. ».

71Toutefois, si l’adoption et la diffusion du SCV archétypal ont été faibles, à partir de 2010, les paysans eux-mêmes ont parfois fait émerger de nouveaux systèmes dits « systèmes de culture innovants » (SCI), dérivés des SCV proposés mais en n’adoptant qu’un ou deux des trois piliers du SCV archétypal (Fabre et al., 2011 ; Poletti, 2011 ; Penot et al., 2015). L’analyse des piliers adoptés ou refusés en rapport au modèle initial a déjà été exploré par certains auteurs comme Penot et al. (2015). Il ressort de leur article que si les piliers 3 (rotation raisonnée) et 2 (plantes de couverture) sont adoptés dans les nouveaux SCI, par contre le pilier 1 (non-labour) est rarement conservé sur une longue période, le labour réapparaissant régulièrement dans l’itinéraire technique des SCI (tous les 3-4  ans pour limiter la compaction des sols). Les auteurs concluent, entre autres, que « les obstacles majeurs à l’adoption du paquet technique SCV recommandé sont la complexité d’un ensemble de pratiques, avec en particulier l’abandon total du non-labour ».

72Le rapport d’évaluation post-projet (Vogel & Rakotonirina, 2014, p. 36) donne l’exemple de quelques types de SCI ayant émergé dans la situation du Lac Alaotra (au petit paysannat le moins pauvre). Une lecture détaillée de ces SCI confirme les conclusions de Penot et al. (2015), à savoir que le pilier 1 (non-labour) est celui le plus rejeté des trois piliers initiaux, avec remise en pratique systématique du labour pour le semis, pour enfouir la couverture végétale et/ou pour décompacter le sol. Les SCI cités sont :

73– le système riz pluvial/vesce ou dolique (ou riz pluvial/vesce + haricot ou petit pois) avec enfouissement de la vesce ou de la dolique par un labour avant le semis du riz pluvial ;

74– le système Maïs + Niébé//Riz pluvial (sur tanety). Il s’agit d’une adaptation du système Maïs + Légumineuse//Riz pluvial. Un labour est alors pratiqué avant le semis du riz…introduction d’un labour cyclique (tous les 5 ans) pour réduire la compaction du sol ;

75– les systèmes à base de Stylosanthes ont été adaptés de plusieurs façons [dont] l’introduction de l’arachide dans la rotation (jachère stylo//RP//arachide) afin d’augmenter le nombre de cycles avec une production économiquement valorisable. La culture d’arachide « … ne permet pas le renouvellement de la biomasse et un labour est pratiqué avant la reprise du cycle en stylo. » (Vogel & Rakotonirina, 2014, p. 36).

76À part les quelques lignes citées ci-dessus, les évaluateurs ou les auteurs d’articles traitant de ce vaste projet ne semblent pas s’interroger énormément sur la question de l’appropriation du non-labour ou bien de la réintroduction du labour lors de l’abandon du SCV. Il faut tout de même signaler, dans le rapport complet concernant les SCI et le labour (Levard et al., 2014a, p. 43), à la section « Évaluation globale des projets », la phrase suivante : « À Madagascar, la remise en labour de certaines terres en SCV, après avoir été longtemps caractérisée comme un simple « abandon » du SCV, a fini par être acceptée et intégrée au conseil à partir de 2010 parmi les « Systèmes de Culture Innovants » (SCI). »

77Pour conclure cette partie sur l’évaluation du projet, il est clair que les arguments développés par les évaluateurs permettent de comprendre en grande partie la faible adoption et la non-diffusion de l’innovation proposée de type AC, innovation proposée comme un ensemble de pratiques formant « un tout ».

78Mais on peut aussi constater que les évaluateurs n’ont pas posé la question de la recevabilité de chacun des trois principes de cette innovation. Or, les quelques exemples (bien que non statistiques) d’adoption d’une partie du SCV archétypal – les SCI – pourraient indiquer que ce ne sont pas les deux principes de couverture permanente et de rotation des cultures qui sont refusés, mais plutôt la pratique du non-labour.

79À l’appui de cette observation, on peut rappeler que, selon Goulet & Vinck (2012) et pour des agricultures intensives des pays du Nord, il est nécessaire que de nombreuses conditions existent pour que des groupes d’agriculteurs parviennent à se « détacher » de la pratique du labour et des instruments associés (charrue), pour adopter des systèmes de culture de type sans labour (TSL). Voici quelques-unes de ces conditions :

80– il faut que l’agriculteur trouve immédiatement un bénéfice financier à l’abandon du labour. Tous les discours pour l’innovation en TSL sont basés sur l’économie en carburant, en matériel et en temps de travail. À Madagascar, avec le labour qui est majoritairement manuel, ces avantages ne peuvent être invoqués ;

81– au-delà des enjeux économiques, il faut que l’agriculteur soit sensible à la dimension écologique de l‘agriculture, autrement dit à la question de l’impact de ses pratiques sur « la nature » : moins d’engrais chimiques, moins de pesticides, « laisser la nature travailler à la place de l’agriculteur » grâce à la biodiversité renouvelée, etc. À Madagascar, la question de la diminution de l’usage des engrais et pesticides ne se pose pas, puisque la consommation en ces intrants est quasi nulle et que ce serait plutôt le processus inverse qu’il faudrait développer mais qui n’est pas à la portée financière du petit paysannat malgache. Par ailleurs, le paysan malgache ne se sent pas particulièrement séparé de la nature, selon le concept « nature-culture », comme c’est le cas dans les pays développés. Dans ces agricultures à faible niveau d’intrants, la seule question écologique qui pourrait se poser pour les sols est celle de l’érosion suite à la déforestation, la mise en culture et le mode de gestion des terres. Mais cette question est beaucoup plus complexe que ce qui est généralement affirmé. Elle est largement débattue dans l’ouvrage de Serpantié et al. (2007) sur un « corridor » forestier Nord-Sud des Hautes Terres de Madagascar. Le chapitre 14 (Rakotoson et al., 2007, pp. 155-165) de cet ouvrage mentionne que les Tanala (« les gens de la forêt ») défrichent et cultivent sur des pentes très fortes avec des pluies particulièrement érosives sans que l’érosion hydrique ne soit spectaculaire lorsque les paysans s’en tiennent aux traditions, choix qui sont tant à caractère agronomique que culturels : conservation de certains arbres (usage et esprit des ancêtres), non-dessouchage, nombre faible d’années de culture. D’ailleurs, cette population n’associe pas l’érosion au défrichement et à la mise en culture. La dissociation « nature-culture » (dans tous les sens des termes) n’est certainement pas opérante dans les pays du Sud comme elle l’est dans les pays du Nord (Descola, 2007) ;

82– le passage au non-labour dans les pays développés est aussi soutenu par divers réseaux socio-techniques qui tous vont construire des discours valorisant l’agriculteur dans son action de se séparer de la tradition, de sauver la nature et de conserver la ressource sol que ce soit pour sa famille ou l’humanité ; cette conservation sera exprimée en millions ou milliards d’euros. Ce sont d’abord les discours des chercheurs et des formateurs qui agissent, puis ceux de tous les réseaux techniques puissants de firmes privées associées à l’agrofourniture (engrais, pesticides, équipement agricole). Tous sont des soutiens importants (conseils et finances) à l’agriculteur sur la voie de l’innovation. L’agriculteur devient un héros du futur. Il est incité à faire partie d’un groupe pour répandre la bonne parole. C’est d’ailleurs souvent à partir de tels groupes d’agriculteurs que se fait le recrutement. La situation est bien différente à Madagascar. Même si c’est bien à partir du discours de chercheurs que le projet s’est développé, compte tenu de la faible consommation en intrants et en équipement, les autres influenceurs sociotechniques sont absents. Et si la dimension économique mentionnée ci-dessus n’est pas spectaculaire, l’adhésion à une innovation qui suppose un « détachement » d’une pratique très traditionnelle comme le labour sera difficile, voire même non envisageable, dans l’esprit du petit paysannat malgache.

5. L’hypothèse : le refus du non-labour participe de la non-adoption et non-diffusion de l’agriculture de conservation

83L’hypothèse proposée ne restera qu’une hypothèse dans ce travail car pour la confirmer, il eût fallu que le projet, l’évaluation elle-même ou un projet suivant permette d’enquêter auprès des paysans concernés sur le pourquoi de leur non-adoption de l’innovation AC.

84Par ailleurs, il est souvent fait remarquer que le paysan malgache pratique le non-labour dans l’opération nommée « tavy ». Ainsi, dans d’autres conditions que le tavy, le paysan ne pourrait-il pas accepter la pratique du non-labour ? Aussi, avant de revenir sur l’hypothèse, voyons ce qu’est le tavy.

5.1. Le tavy et le non-labour à Madagascar

85Le tavy est le système de culture malgache qui consiste en la défriche d’une certaine surface de forêt (essartage), au brûlis des arbres abattus et à la mise en culture, souvent en riz pluvial (sur les Hautes Terres) ou en maïs (dans la région Sud-Ouest). La culture n’est maintenue que quelques années (2 à 5 ans maximum) avant l’abandon des parcelles et la reprise par des végétations arbustives et arborées sous forme de jachères longues. Lors des toutes premières années de culture, le travail du sol est très réduit et revient à du non-labour avec semis des semences dans des trous faits au bâton. La fertilisation est assurée par les cendres résultant du brûlis. C’est une pratique courante et traditionnelle à Madagascar dès lors qu’une défriche de forêt est envisagée. De nombreux chapitres de trois ouvrages relativement récents sont consacrés à cette pratique (Razanaka et al., 2001 ; Serpantié et al., 2007 ; Aubert et al., 2014). Rakotoson et al. (2007, p. 165), en conclusion de leur article, écrivent : « Dans ce cadre, les savoirs et pratiques actuelles centrées sur le « non-labour traditionnel »… semblent compatibles avec des techniques de type SCV… ». Est-ce si évident ?

86Sur le plan strictement agronomique dans la dimension de pénibilité du travail, on peut très bien comprendre qu’il soit peu envisageable de labourer une parcelle juste défrichée et brûlée, avec des arbres conservés (pas au hasard), des morceaux de troncs ou branches jonchant le sol et des souches arborées avec tout le système racinaire en place. Le semis direct s’impose donc déjà techniquement. Mais sur un plan culturel, ce qui n’est pas dit, c’est que le tavy est aussi une opération cultuelle régulièrement citée comme associée aux « esprits » (ancêtres ou telluriens) qui peuplent la forêt, forêt considérée comme le domaine du dieu-créateur malgache Zanahary. Ainsi, dans le sud-ouest de Madagascar, Fauroux (2001, p. 93) mentionne que le défrichement par les Sakalava s’accompagne de libations et d’excuses pour apaiser « la colère des esprits anonymes qui auraient pu se sentir lésés ». Bland-Pamard & Rebara (2001, p. 124) confirment que, pour les Masikoro de la forêt des Mikea, l’essartage en forêt « doit veiller à obtenir la protection des forces de la Nature, des esprits locaux et des ancêtres véritables propriétaires des lieux… on doit demander pardon de s’installer dans leur domaine ». Dans l’est de Madagascar, la représentation sociale du tavy est étudiée par Bertrand et Randriannaivo (2014). Selon ces auteurs : « Les zone de tavy sont choisies par les autorités coutumières (p. 21)… Supprimer les tavy, c'est vouloir la mort de l'ethnie Betsimisaraka ! » (citation par Razafindrabe pour la dimension sociale [p. 23]… La coutume conditionne pour une large part les pratiques paysannes[(p. 27]). Parmi les conditions à remplir pour accéder au tavy sur défriche de forêt naturelle, Aubert (2014) mentionne : «… La domestication de l’espace naturel ne peut être envisagée sans prendre en considération les éléments du monde invisible : les esprits telluriens et les ancêtres, qui ont précédé les vivants dans l’exercice du travail de la terre (p. 121)… Si le défricheur ne prête pas attention à l’habitat [des esprits] il peut provoquer [leur] irritation… Il faut alors faire appel au devin guérisseur… seul homme du village capable d’entrer en communication avec ces esprits telluriens (p. 122)… L’éventail des prescriptions est très large : amulettes… à porter sur le sol… prise régulière d’une mixture végétale… La récolte effectuée, laisser au milieu du champ du riz nouveau, cuit de différentes manières pour les esprits (note 36, p. 122)… Ces pratiques et ces règles coutumières… valorisent une identité qui se fonde incontestablement sur la pratique du tavy… suscitant ainsi une meilleure cohésion sociale (p. 126) ».

87Dès 1970, pour la même ethnie Betsimisaraka, François Vicariot, agronome de l’ORSTOM, aborde aussi la question du tavy. Il écrit à propos de cette pratique qui pourrait être interdite à Madagascar que « cette intervention aboutira certainement à un échec si elle ne tient pas compte de la tradition ». Il continue par un paragraphe intitulé « Le tavy : une religion ». Il explique que le tavy est accompagné d’actes religieux et coutumiers dont les aspects surpassent de beaucoup les aspects culturaux. Il développe alors les points évoqués plus haut et mentionne l’existence d’interdits, entre autres de « blesser le sol » par un instrument pointu ou tranchant, d’où l’utilisation du trou fait avec un bâton pour semer.

88Tout ceci pour montrer que l’agriculture malgache est encore très liée à des pratiques traditionnelles ou des représentations culturelles dont il faut tenir compte. Le tavy est un bel exemple d’application du tryptique KCP présenté dans la figure 1. Les différents gouvernements coloniaux ou post-coloniaux ont souvent légiféré pour interdire la pratique du tavy. Or, celle-ci est toujours d’actualité et dans certaines conditions (en particulier chez les Tanala) avec la dimension positive décrite ci-dessus. C’est un exemple d’innovation imposée en opposition au fond culturel d’une population.

89Mais le fait que le non-labour soit pratiqué sur tavy, dans des conditions spécifiques décrites ci-dessus, par le paysan malgache n’entraine pas automatiquement qu’il le soit aussi dans d’autres conditions environnementales : le champ permanent cultivé n’est plus proche de la forêt, pas plus que des « esprits » et, par ailleurs, il est libre de branchages, de souches et de racines : c’est en quelque sorte un autre monde.

5.2. Retour à l’hypothèse

90Les observations émises dans les sections précédentes, rappelées ci-dessous, plaident en faveur de l’hypothèse de faire du non-labour un des facteurs de résistance à l’innovation :

91– la dimension culturelle et identitaire de l’objet angady, le principal outil du labour à Madagascar ;

92– le fait que des innovations partielles sous forme de SCI acceptent deux des principes de base de l’AC (couverture du sol et rotation des cultures) mais refusent le troisième, le non-labour ;

93– les conditions socio-techniques et économiques qui sont nécessaires au « détachement » du paysan vis-à-vis du non-labour ne sont pas réunies dans l’environnement socio-économique du petit paysannat malgache.

94Par ailleurs, en appliquant le modèle de « détachement » proposé par Goulet & Vinck (2012) pour arriver à ce qu’un paysan (du Nord comme du Sud) abandonne une pratique aussi traditionnelle et répandue que le labour, on constate que les conditions de l’environnement socio-économique du petit paysannat malgache ne répondent pas du tout à cette perspective de « détachement » de la fonction (le labour) et de l’outil qui l’accompagne (l’angady).

95Enfin, d’autres aspects historico-culturels peuvent être considérés, à commencer par une réflexion d’un paysan du lac Alaotra entendue par l’un des auteurs de cet article : « pendant 50 ans, les vasaha (Européens) nous ont dit de faire un labour profond et d’utiliser la charrue, et maintenant d’autres vasaha nous disent de ne plus labourer du tout, qui croire ? »

96D’autant que ce rejet peut aussi être accentué s’il renvoie, d’une manière ou d’une autre, à un contexte de domination. Ainsi, Fauroux (1970, t. 2, p. 231, cité par Rouveyran, 1972, p. 207), évoquant l’appropriation des innovations techniques, estime que « … l’essence du problème de l’innovation [provient du fait qu’elle] … passe par le même canal que l’ensemble des rapports de domination. L’innovation est alors perçue comme une forme, parmi d’autres, de cette domination et, à ce titre, on tend à la rejeter ».

97L’angady est un outil qui justement s’inscrit dans ces dimensions sociales et culturelles telles la construction des maisons ou les cérémonies funéraires (Figure 1b). Selon Rouveyran (1972, p. 66), « le paysan éprouve une grande satisfaction à avoir accompli un geste d’amitié ou de solidarité ».

98Le même auteur rappelle aussi (p. 70) que les techniques culturales considérées, à l’exemple du labour à l’angady, comme peu « élaborées », ont été « très peu modifiées au cours des temps ; elles font partie du bagage culturel transmis de génération en génération ; les abandonner, c’est porter atteinte à l’intégrité de cet héritage, se placer en position déviante et risquer la colère des ancêtres. ».

99Il insiste aussi (p. 211) sur la rupture brutale ou progressive causée par l’innovation et plus elle est brutale, plus elle risque d’être plus immédiatement rejetée car celle-ci est « perçue comme une rupture avec le présent… Or, le vulgarisateur [ou l’agronome] a une tendance fâcheuse à se poser… comme porteur d’une modernité « supérieure » aux traits de la civilisation paysanne, alors qu’il devrait insister sur la continuité du passé… bref, sur l’intégration du nouveau dans l’ancien et non sur leur opposition... l’adhésion à l’innovation ne sera véritable que lorsque celle-ci sera intégrée au système de valeurs. ».

100On peut se poser la question suivante : quand un projet de type SCV est proposé à un paysan malgache, qu’entend-il, en premier lieu, du discours des porteurs du projet ? Il entend probablement, et peut-être en premier, qu’on lui demande de « ne plus labourer son champ ». Ne plus labourer, c’est supprimer l’angady, c’est, en quelque sorte, lui retirer son identité ! Sa réaction, consciente ou inconsciente, sera de refuser tout le système porteur d’une telle alternative ou bien de n’approprier qu’une version incomplète de l’alternative initiale en supprimant le pilier non-labour.

101Ainsi, supprimer l’angady ou sa principale fonction (ici le labour) sera vécu comme supprimer ses liens et ses repères dans la société, l’angady ne serait plus cet objet intermédiaire au sens de Vinck (1999).

102Est-ce à dire que dans les sociétés où la tradition reste forte, toute innovation est vouée à l’échec ? Évidemment non ! Mais encore faut-il se poser la question de la façon dont cette innovation peut être reçue, à l’instant où elle est proposée, dans le système de valeurs de la population à laquelle elle s’adresse. C’est aussi la conclusion d’Assogba (1993, p. 63), qui met en exergue la nécessité d’études ethnologiques et sociologiques sur le site d’action lui-même préalablement à la mise en œuvre du projet d’innovation, études qui doivent chercher les logiques non seulement techniques et économiques mais aussi culturelles et sociales. L’exemple de la pratique des labours croisés sur pentes fortes, ce qui présente un risque érosif considérable en Inde, mérite d’être cité (Högger 2004, décrit par Feller et al., 2019). Un expert suisse s’étonne de cette pratique paysanne et propose au paysan de supprimer le labour dans la ligne de pente. Son conseil n’a aucun effet car le labour croisé, pour la population concernée, se justifie dans un cadre cosmogonique visant à installer un certain ordre (quadriller le sol) pour lutter contre le « serpent, dieu de la terre » qui y mettait du chaos.

103Il semble aux auteurs du présent article, avec cet exemple particulier de Madagascar, qu’il faut absolument, dans tout projet de développement agricole, dès le début du montage du projet, considérer en profondeur la question des valeurs de la société à laquelle on s’adresse avec une approche participative et/ou partenariale afin de prendre compte dès le départ les tenants et aboutissants des conditions de l’innovation potentielle. Considérer, de manière très élargie, le contexte culturel est aussi important que les questions techniques ou l’environnement socio-économique ; or, ceci est encore trop rarement le cas.

6. Conclusions

104Une innovation basée sur les principes de l’AC, comprenant donc l’abandon du labour, est proposée au petit paysannat malgache. Après plus de dix années d’encadrement, d’accompagnement et de financement, l’évaluation ex post du projet conduit au constat négatif suivant : très peu d’appropriation de l’AC initial chez les paysans concernés et aucune diffusion hors du périmètre du projet. Les critiques tout à fait justifiées de l’évaluation portent sur les domaines techniques et socio-économiques (Figure 1) mais très peu sur le domaine culturel – le Kosmos de la figure 1b – en s’interrogeant sur ce que peut représenter l’abandon de la pratique du labour dans le petit paysannat malgache. Il semble que l’on ait oublié que le labour demeure encore une pratique largement manuelle à Madagascar et que supprimer le labour, c’est enlever au paysan l’outil qui y est associé – l’angady. Or, cet article montre que l’angady est le symbole identitaire du paysan malgache aux yeux de toute la population de ce pays : le paysan et son angady sont représentés dans les livres d’apprentissage de la lecture, font partie des proverbes et des contes, sont montrés dans des ouvrages d’éducation populaire et l’angady a même été un des emblèmes révolutionnaires de la Révolution menée par le président Ratsiraka. L’angady apparaît donc comme un « objet intermédiaire » (selon Vinck, 1999) entre chaque paysan, sa terre et la société malgache. Cette bêche pourrait même être considérée comme un patrimoine culturel mondial immatériel selon les critères de l’Unesco. Par ailleurs, cet article, s’appuyant sur les travaux de Goulet (2008) et Goulet & Vinck (2012), insiste sur le fait que le processus de « détachement » de la pratique du labour par le paysan lui-même ne rencontre pas l’environnement socio-économique nécessaire pour approprier une telle innovation.

105L’hypothèse que font les auteurs de cet article sur une participation du refus du non-labour à la non-adoption de l’AC, même si elle n’est pas soutenue scientifiquement (par l’absence d’enquête spécifique à ce sujet auprès du petit paysannat), mérite d’être posée comme un exemple pour d’autres innovations en agriculture.

106Ceci confirme la nécessité d’évaluations ex ante dans la construction d’innovation, évaluations qui, au-delà des classiques aspects techniques et socio-économiques, prennent rarement en compte le domaine culturel. Cet article montre que l’angady, outil du labour, est un objet identitaire du paysan malgache. Si l’on considère ce fait, on peut faire l’hypothèse que tout projet de développement qui met en péril cette dimension identitaire (tel l’agriculture de conservation) aura peu de chances de succès. Ceci s’applique peut-être à de nombreux projets de développement où l’on a ignoré ou sous-estimé l’importance de la dimension culturelle des acteurs concernés par ces projets ?

107Pour conclure, on pourrait écrire que, dans les années 2000, le petit paysannat malgache n’était probablement pas encore prêt à « se détacher » de son outil emblématique : l’angady.

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Notes

1 Selon le guide méthodologique « Impress » des évaluations de la recherche au Cirad pour les pays du Sud, les évaluations mises en place sont : eante, avant les actions de recherche, dans une vision programmatique, ex post, après la mise en place des actions de recherche et l’observation d’impacts et in itinere lorsque l’innovation est en cours de déploiement et les impacts ne sont pas encore manifestes, https://agritrop.cirad.fr/586223/1/Guide_methodologique_FR.pdf, (19/02/2025).

2 Traduction par les auteurs.

1 Voir https://www.thomassankara.net/madagascar-socialisme-ratsirakien-entre-illusions-revolutionnaires-reorganisation-neocoloniale-jean-claude-rabeherifara/ © THOMASSANKARA.NET. Voir aussi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Emblème_de_Madagascar

2 Voir aussi Duval (2002 ) et Pajon (2016).

3 Selon l’ONU (extraits de https://ich.unesco.org/fr/convention#art2), est inclus dans le « patrimoine culturel immatériel, les pratiques… connaissances et savoir-faire - ainsi que les… objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés, que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel… leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine… Ce patrimoine culturel immatériel, tel que défini ci-dessus, se manifeste notamment dans les domaines suivants : …(d) les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers… ».

4 Traduction en français par les auteurs.

1 IRD, Institut de Recherche pour le Développement ; INRAE, Institut National de la Recherche Agronomique et l’Environnement ; FOFIFA, Centre National de la Recherche Appliquée au Développement Rural ; TAFA, Terre et développement ; GSDM, les professionnels de l’agroécologie.

Pour citer cet article

Christian Feller, Dominique Ranaivoson & Éric Penot, «L’angady (Madagascar), un outil agricole et une dimension culturelle. Réflexions sur l’adoption d’innovations de type Agriculture de Conservation en petit paysannat malgache», BASE [En ligne], Volume 29 (2025), Numéro 1, 53-68 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php/base/article/view/402/docannexe/image/6320/index.php?id=21089.

A propos de : Christian Feller

IRD, UMR Éco&Sol, Univ Montpellier, CIRAD, INRA, IRD, Montpellier SupAgro, 2 Place Viala, 34060 Montpellier Cedex 2 (France). E-mail : christian.feller@ird.fr

A propos de : Dominique Ranaivoson

Université de Lorraine, Metz (France).

A propos de : Éric Penot

CIRAD, UMR Innovation, 34398 Montpellier (France).