- Accueil
- Volume 29 (2025)
- Numéro 2
- Potentielle propriété conservatrice de l’huile essentielle de Zingiber officinale prélevée à différents stades de distillation pour la gestion de Callosobruchus maculatus F., ravageurs des graines de Vigna unguiculata (L.) Walp.
Visualisation(s): 0 (0 ULiège)
Téléchargement(s): 0 (0 ULiège)
Potentielle propriété conservatrice de l’huile essentielle de Zingiber officinale prélevée à différents stades de distillation pour la gestion de Callosobruchus maculatus F., ravageurs des graines de Vigna unguiculata (L.) Walp.

Document(s) associé(s)
Version PDF originaleRésumé
Description du sujet. Le niébé (Vigna unguiculata) est une légumineuse riche en protéines et en vitamines, jouant un rôle central dans la sécurité alimentaire au Togo. L’accroissement de la production agricole de cette culture d’importance nutritionnelle est menacé par plusieurs facteurs dont la pression parasitaire en champ comme en stock. On enregistre des pertes post-récoltes dues à une forte infestation des stocks de niébé par des ravageurs comme les bruches de niébé.
Objectifs. Évaluer les propriétés insecticides de l’huile essentielle de Zingiber officinale prélevées à différents stades de distillation pour la conservation des graines de niébé en stock contre Callosobruchus maculatus.
Méthode. L’huile essentielle de Z. officinale obtenue par la technique d’extraction par entrainement à la vapeur d’eau a été analysée avec un dispositif de chromatographie gazeuse couplé à un spectromètre de masse pour sa caractérisation chimique. L’efficacité insecticide de trois échantillons d’huile essentielle de Z. officinale prélevés à différents stades de distillation a été étudiée par fumigation comme moyen de lutte contre C. maculatus.
Résultats. L’huile essentielle de Z. officinale extraite est composée de monoterpènes et de sesquiterpènes avec 35 composés identifiés dont les majoritaires sont le camphène (15,93 %), le sylvestrène (11,52 %), le zingiberène (9,93 %) dans l’échantillon 1 ; le zingiberène (19,99 %), l’α-farnesène (10,97 %), le β-sesquiphellandrène (10,56 %) dans l’échantillon 2 et le zingiberène (24,64 %), l’α-farnesène (13,93 %), le β-sesquiphellandrène (13,72 %) dans l’échantillon 3. Les proportions de monoterpènes ont diminué au fur à mesure de la séance de l’extraction (48,17 à 7,48 %). Contrairement aux monoterpènes, les pourcentages de sesquiterpènes ont augmenté après 6 h d’extraction (26,87 à 82,8 %). L’échantillon 1 d’huile essentielle de Z. officinale a induit des taux élevés de mortalité sur C. maculatus pour toutes les concentrations, suivi de l’échantillon 2 et 3.
Conclusions. L’huile essentielle de Z. officinale possède des propriétés insecticides sur C. maculatus avec une efficacité élevée lorsque sa composition chimique est riche en monoterpénoïdes.
Abstract
Potential preservative property of Zingiber officinale essential oil collected at different stages of distillation for the management of Callosobruchus maculatus F., seed pests of Vigna unguiculata (L.) Walp.
Description of the subject. Cowpea (Vigna unguiculata) is a legume rich in proteins and vitamins that contributes significantly to food security in Togo. Increased agricultural production of this important nutritional crop is threatened by a number of factors, including pest pressure both in the field and in storage. Post-harvest losses have been recorded due to heavy infestation of cowpea stocks by pests such as cowpea bruchids.
Objectives. To evaluate the insecticidal properties of Zingiber officinale essential oil taken at different stages of distillation for the preservation of cowpea seeds in stock against Callosobruchus maculatus.
Method. The essential oil of Z. officinale obtained by the vapor extraction technique was analyzed with a gas chromatography device coupled to a mass spectrometer for its chemical characterization. The insecticidal efficacy of three samples of Z. officinale essential oil taken at different stages of distillation was studied by fumigation to determine the preservation capacity of cowpea seeds against C. maculatus.
Results. The essential oil of Z. officinale is composed of monoterpenes and sesquiterpenes with 35 compounds identified, the main ones being camphene (15.93%), sylvestrene (11.52%), and zingiberene (9.93%) in sample 1; zingiberene (19.99%), α-farnesene (10.97%), and β-sesquiphellandrene (10.56%) in sample 2 and zingiberene (24.64%), α-farnesene (13.93%), and β-sesquiphellandrene (13.72%) in sample 3. The proportions of monoterpenes decreased as the extraction session progressed (48.17 to 7.48%). In contrast to the monoterpenes, the percentages of sesquiterpenes increased after 6 h of extraction (26.87 to 82.8%). Sample 1 of Z. officinale essential oil induced high mortality in C. maculatus at all concentrations, followed by samples 2 and 3.
Conclusions. The essential oil of Z. officinale has insecticidal properties against C. maculatus, with high efficacy when its chemical composition is rich in monoterpenoids.
Table des matières
Reçu le 27 janvier 2024, accepté le 28 janvier 2025, mis en ligne le 11 mars 2025
Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr)
1. Introduction
1Les légumineuses occupent une place importante, après les céréales, dans les plantes cultivées dans le monde. Depuis 2004, plus de 300 millions de tonnes de légumineuses à graines ont été produites sur une superficie de 190 millions d’hectares, soit 13 % des terres cultivées. Les légumineuses sont des cultures essentielles car elles sont riches en nutriments et ont une teneur élevée en protéines (FAO, 2021). Dans de nombreux pays, elles remplacent la viande, les produits laitiers et le poisson qui sont chers et, par conséquent, hors de portée de nombreuses personnes, notamment des pauvres (Ketoh et al., 2002). Au Togo, le niébé (Vigna unguiculata) est une légumineuse très appréciée et cultivée pour ses feuilles, gousses vertes et graines sèches consommées ou commercialisées (Ketoh et al., 2002). Il représente une excellente source de protéines et contient la majorité des acides aminés essentiels, des glucides, des vitamines et des minéraux. Il est riche en fibres alimentaires, pauvre en graisses (2 % de teneur en huile) et sans cholestérol. Le niébé est également utilisé dans l'alimentation animale comme fourrage vert ou foin et dans la fertilisation ou protection des sols comme engrais vert et plante de couverture (FAO, 2013 ; Vale et al., 2017).
2Sur le plan national, entre 2020 et 2021, 383 664 tonnes de niébé ont été produites par l’ensemble des producteurs au Togo ; cette production est marquée par une augmentation généralisée des superficies cultivées et une amélioration de la productivité et des rendements (DSID, 2022). En Afrique de l’Ouest, le principal pays producteur de niébé est le Nigéria, qui représente 48 % de la production mondiale. Il est suivi par le Niger avec 24 % et le Burkina Faso avec 8 %. Ces trois pays représentent 80 % de la production mondiale de niébé séché (FAO, 2013 ; Vale et al., 2017 ; FAO, 2021).
3Les principales espèces d'insectes qui attaquent les haricots dans la phase post-récolte sont les bruches Callosobruchus maculatus (F.), Acanthoscelides obtectus (Say) et Zabrotes subfasciatus (Boh.). Parmi ceux-ci, C. maculatus se distingue comme le principal ravageur des grains de niébé pendant le stockage. Ces insectes causent des dommages tels qu'une réduction de la masse, de la qualité physiologique, de la capacité de germination et une augmentation de la température et de la teneur en eau des grains (Kayombo et al., 2015 ; Bio et al., 2023).
4La lutte contre les insectes nuisibles s'est intensifiée au cours des dernières décennies avec l'utilisation d'insecticides protecteurs, de pyréthrinoïdes et d'organophosphates ainsi que du phosphure d'aluminium comme fumigant. Cependant, l'utilisation abusive, continue et indiscriminée d'insecticides pour traiter les produits alimentaires en stockage est une source de contamination causant entre autres des intoxications alimentaires. En raison des effets négatifs des résidus d’insecticides dans les aliments et des risques qu’ils représentent pour la santé des consommateurs, il est nécessaire d’étudier des techniques alternatives de protection et de conservation des produits stockés, comme par exemple le stockage hermétique et l’utilisation d’insecticides botaniques. De façon naturelle, certaines plantes ou sous-produits d'origine végétale ont un effet toxique sur les insectes et sont utilisés depuis des générations pour lutter contre les ravageurs, étant le fruit des connaissances endogènes des communautés traditionnelles. Au Togo, plusieurs plantes insecticides ou répulsives à propriétés phytosanitaires sont généralement utilisées sous forme de poudres, d'extraits ou d'huiles, faciles à obtenir et généralement inoffensives pour les applicateurs et les consommateurs. Les espèces suivantes sont souvent utilisées : le basilic, la verveine des Indes, la citronnelle de Ceylan, le neem, l’eucalyptus, l’hyptis à odeur, etc. (Sanda et al., 2006 ; Koba et al., 2007 ; Akantetou et., 2011 ; Bokobana et al., 2022 ; Nadio et al., 2023). L'objectif de cette étude était d'étudier l'effet de l’huile essentielle de Z. officinale prélevée à différents stades de distillation comme moyen de lutte contre C. maculatus pour la conservation des graines de niébé.
2. Matériel et méthodes
2.1. Matériel végétal
5Les rhizomes frais de Z. officinale ont été obtenus directement chez les producteurs de gingembre de la région de la Kara (Togo) et utilisés pour l’extraction de leur huile essentielle. Sa culture a été faite sans utilisation d’engrais minéral ni de pesticide de synthèse.
2.2. Matériel entomologique
6Les jeunes insectes (de 6 à 11 jours) de C. maculatus ont été obtenus à partir de cultures d’insectes du même âge au Laboratoire des Sciences Agronomiques et Biologiques Appliquées de l’Université de Kara.
7Les parents adultes dont sont issus les jeunes adultes du test ont été élevés sur des graines de niébé non infestés dans des bocaux en verre d'une capacité de 1,5 l à la température ambiante du laboratoire (28 °C). Ces parents adultes proviennent des échantillons prélevés dans des greniers paysans de la région de la Kara. Le déparasitage des graines de niébé utilisées pour les tests a été fait dans un congélateur à moins 18 °C pendant deux semaines puis elles ont été conditionnées dans des sacs en plastique hermétiques (Nadio et al., 2020).
2.3. Méthodologie
8Extraction et analyse de l’huile essentielle de Z. officinale. L’huile essentielle de gingembre utilisée pour la conservation du niébé a été extraite à l’Agropole GingerKU de l’Université de Kara. Elle a été obtenue par la technique d’extraction continue par entrainement à la vapeur d’eau de 350 kg de rhizomes de gingembre broyés et mise au frais dans des bouteilles sombres. Le dispositif d’extraction est un alambic semi-industriel par entrainement à la vapeur d’eau comportant une chaudière (2 m3), une cuve à végétal (4 m3) et un réfrigérant (6 m3), tous reliés par des conduits. Cette technique permet de produire des huiles essentielles de qualité et en quantité. Pour déterminer la variation de la composition chimique de l’huile essentielle de Z. officinale comme moyen de lutte contre C. maculatus, des prélèvements de l’huile essentielle ont été réalisés à différents stades de distillation (1, 2, 3, 4, 5 et 6 h d’intervalle) des rhizomes de gingembre pour analyse. Au total, six échantillons ont été prélevés et analysés pour l’identification des constituants majoritaires. L’analyse a été faite avec un dispositif de chromatographie gazeuse (Agilent technologies 7890 B) couplé à un spectromètre de masse (Agilent technologies 5977B MSD) pour la caractérisation chimique des échantillons d’huiles essentielles. La colonne utilisée lors de l’analyse est de type HP-5MS avec les caractéristiques suivantes : 30 m ; 0,25 mm et 0,25 µm. Le four du chromatographe a été programmé comme suit : 40 °C pour 10 min, augmentation de 5 °C·min-1 jusqu’à 260 °C et une isotherme finale de 8 min, pour une durée totale d’analyse de 62 min. Le délai solvant a été fixé à 5 min. Les échantillons ont été préparés dans l’hexane en diluant 1 µl d’huile essentielle dans 1 ml de solvant. Un microlitre de la solution finale est injecté en mode splitless.
9Les chromatogrammes et les spectres de masses associés ont été recueillis par le logiciel MassHunter (Agilent Technologies). L’identification de ses composés a été possible en comparant leurs spectres de masse à ceux de la base de données de NIST02 et ceux disponibles en ligne (Golm Metabolome Database, HMDB et MassBank Database). L’indice de Kovats des composés calculés sur base des temps de rétention des alcanes injectés dans les mêmes conditions est utilisé pour confirmer les spectres de masse. L’alignement des temps de rétention des différents chromatogrammes obtenus a été réalisé par le logiciel XCMS (xcmsonline). Les composés présents à plus de 0,5 % des aires totales chromatographiques de chaque huile essentielle ont été recensés.
10Tests biologiques. Les essais biologiques sur les bruches de C. maculatus ont été réalisés par fumigation dans des bocaux en verre de 1,5 l avec des couvercles hermétiques. Dans chaque bocal, 80 gr de graines de niébé non infestés ont été introduits avec 20 C. maculatus adultes (10 mâles et 10 femelles). À l'intérieur du couvercle de chaque bocal, un disque en papier Whatmann de 8 cm de diamètre a été imprégné d’huile essentielle de Z. officinale. Au total, cinq concentrations de l'huile essentielle ont été utilisées, à savoir 0 ; 0,4 ; 0,6 ; 0,8 et 1 ml·l-1 avec cinq répétitions effectuées pour chacune. Les bocaux sans ajout d’huile essentielle de Z. officinale ont constitué le témoin absolu. Trois séries des cinq concentrations provenant de volumes mères d’huile essentielle prélevés à trois moments de l’extraction (1, 3 et 6 h de temps de distillation) des rhizomes de gingembre ont été utilisées uniquement pour les tests insecticides. Les expériences ont été réalisées dans des conditions de laboratoire (température ambiante : 28 °C ; humidité relative 80 %). Les insectes adultes morts et vivants de C. maculatus ont été comptés et le taux de mortalité a été déterminé à 7, 14, 21 et 28 jours après la fermeture des pots. Ce comptage a été réalisé en renversant les contenus des bocaux sur une surface blanche suivi du comptage des insectes morts. Ceux qui ne bougeaient pas lorsqu'on les touchait avec des pinces étaient considérés comme morts. Cette opération hebdomadaire s’est étalée sur une période de 28 jours au cours de laquelle tous les nombres d’insectes morts ont été relevés et les taux de mortalité calculés. Ces pourcentages de mortalité ont été corrigés en utilisant la formule de Abbott (1925) recommandée par la FAO et l’OMS pour les tests insecticides, comme indiqué ci-dessous :
11où Mc = mortalité corrigée en % ; Mt = mortalité observée dans la boîte témoin ; Mo = mortalité observée dans l’essai.
12La méthode de Finney (1952) basée sur la régression des probits des taux de mortalité en fonction des logarithmes des concentrations de l’huile essentielle a permis de déterminer les concentrations létales à 50 % (CL50) de chaque échantillon après 28 jours de test de fumigation.
2.4. Analyse statistique
13Les résultats obtenus ont été analysés statistiquement à l'aide du logiciel XLSTAT version 2021. Des comparaisons statistiques des taux de mortalité des ravageurs ont été effectuées et les analyses de variance (ANOVA) ont été suivies de comparaisons de moyennes par le test de Duncan au seuil de 5 %.
3. RÉSULTATS
3.1. Composition chimique de l’huile essentielle de Z. officinale
14La figure 1 présente le profil des chromatogrammes des six échantillons de l’huile essentielle de Z. officinale prélevée à différentes heures de l’extraction. Les temps de rétention ont été corrigés à l’aide du logiciel XCMS avant la superposition et chaque couleur représente le chromatogramme d’une huile essentielle. Le résultat de cette figure montre que toutes les huiles essentielles ont le même profil chromatographique et ne diffèrent seulement que par la concentration des constituants.
Figure 1. Profil des six chromatogrammes des huiles essentielles de Zingiber officinale prélevées à différentes heures — Profile of six chromatograms of Z. officinale essential oils collected at different times.
15L’huile essentielle de Z. officinale extraite d’un volume de 1,4 l était jaune clair et contenait 35 composés identifiés tout au long des 6 h de temps d’extraction dont les majoritaires à la première heure de distillation sont : le camphène (15,93 %), le sylvestrène (11,52 %), le (-)-zingiberène (9,93 %), l’eucalyptol (6,22 %) ; après 3 h de distillation : le (-)-zingiberène (19,99 %), l’α-farnesene (10,97 %), le (-)-β-sesquiphellandrène (10,56 %), le γ-curcumène (6,73 %) et à la fin de la distillation (après 6 h) : le (-)-zingiberène (24,64 %), l’α-farnesène (13,93 %), le (-)-β-sesquiphellandrène (13,72 %) et le γ-curcumène (8,61 %) (Tableau 1). Tous les échantillons analysés sont composés des monoterpènes et des sesquiterpènes.
16Les proportions de monoterpènes ont diminué au fur à mesure de la séance de l’extraction. Les pourcentages ont été de 48,17 ; 31,11 ; 25,28 ; 16,41 ; 9,52 et 7,48 % respectivement après 1, 2, 3, 4, 5 et 6 h de distillation (Figure 2). Le camphène (15,93 %) et le sylvestrène (11,52 %), par exemple, se retrouvent à la fin de l’extraction avec 0,73 et 1,28 % comme proportions. Au contraire, au niveau des quantités de sesquiterpènes identifiés, les pourcentages ont augmenté de 1 à 6 h d’extraction avec des proportions de 26,87 ; 52,13 ; 63,81 ; 72,67 ; 78,13 et 82,8 % respectivement après 1, 2, 3, 4, 5 et 6 h de distillation (Figure 2). On peut citer l’exemple des composés comme le zingiberène et l’α-farnesène qui sont passés successivement des proportions de 9,93 et 5,25 % à 24,64 et 13,93 % (Tableau 1).
Figure 2. évolution de la composition en monoterpènes et sesquiterpènes des huiles essentielles de Zingiber officinale en fonction du temps — Changes in the monoterpene and sesquiterpene composition of Zingiber officinale essential oils as a function of time.
3.2. Test biocide des huiles essentielles de Z. officinale sur C. maculatus
17Les différentes concentrations issues des trois échantillons (prélèvements de 1, 3 et 6 h d’extraction) d’huile essentielle de Z. officinale ont induit, par rapport aux témoins absolus, des effets létaux sur C. maculatus. Ces taux de mortalité relevés chaque semaine pendant 28 jours sont présentés dans le tableau 2. Il se dégage de ces résultats une augmentation du taux moyen de mortalité avec l’élévation des concentrations et la durée du test. Lors du test de toxicité réalisé avec l’échantillon prélevé après 1 h de distillation (échantillon 1), au septième jour de l’expérimentation, les taux de mortalité ont été observés uniquement au niveau des concentrations de 0,6 ; 0,8 et 1 ml·l-1 de l’huile essentielle de Z. officinale. Les taux moyens de mortalité ont été respectivement de 9,20 ± 3,6 ; 13,12 ± 4,3 et 19,22 ± 2,3 % (Tableau 2). Les taux moyens de mortalité ont été observés également avec la concentration de 0,4 ml·l-1 au quatorzième jour du test avec 2,1 ± 5,13 % qui a augmenté à 7 ± 3 % au 28è jour. Les forts taux de mortalités ont été induits par la concentration de 1 ml·l-1 de l’huile essentielle de Z. officinale à toutes les dates de comptage des insectes morts (7è jour = 19,22 ± 2,3 % ; 14è jour = 35,77 ± 12,70 % ; 21è jour = 46,43 ± 5,10 % et 28è jour = 67,55 ± 14,7 %) (Tableau 2). La discrimination des moyennes à l’aide du test de Duncan au seuil de 5 % a révélé une différence significative entre les taux de mortalité moyens des différentes concentrations de l’huile essentielle de Z. officinale (p = 0,0014 < 0,05). Les effets toxiques de ces différentes concentrations sur C. maculatus sont bien distincts.
18Avec le deuxième échantillon de l’huile essentielle de Z. officinale prélevé après 3 h de distillation, les premières mortalités de C. maculatus sont observées avec les concentrations 0,8 et 1 ml·l-1 de l’huile essentielle de Z. officinale avec les taux moyens de mortalité respectifs de 5,5 ± 7,2 et 12 ± 4,7 % (Tableau 3). Les concentrations de 0,4 et 0,6 ml·l-1 ont induit des taux de mortalité de 3,18 ± 2,45 et 8,02 ± 3,3 % respectivement à partir du 21è et du 14è jour du test (Tableau 3). Ces taux ont augmenté parallèlement à la concentration de l’huile essentielle de Z. officinale. La concentration de 1 ml·l-1 a causé de forts taux de mortalité dépassant 50 % (53,77 ± 6,70%), comme dans le cas de l’échantillon 1 prélevé après 1 h de distillation. Statistiquement, les concentrations de l’huile essentielle de Z. officinale ont produit des effets létaux bien distincts sur C. maculatus (p = 0,0004 < 0,05).
19Les résultats du biotest avec le troisième échantillon de l’huile essentielle de Z. officinale prélevé après 6 h de distillation sont présentés dans le tableau 4. Ils révèlent que les premières mortalités induites avec les concentrations 0,8 et 1 ml·l-1 sont observées au 7è jour du test, respectivement 2,00 ± 4,67 et 5,10 ± 2,3 % (Tableau 4). Au niveau des concentrations de 0,4 et 0,6 ml·l-1, les premières mortalités relevées aux 28è et 14è jour sont respectivement 5,54 ± 3,80 et 2,71 ± 4,1 %. Les plus faibles effets toxiques de l’huile essentielle sur C. maculatus sont obtenus dans les bocaux avec la concentration de 0,4 ml·l-1. Les mortalités élevées ont été observées également avec la concentration de 1 ml·l-1 de l’huile essentielle de Z. officinale, comme dans les biotests réalisés avec les échantillons 2 et 3 (Tableau 4).
3.3. Toxicités comparées à la fin du biotest des trois échantillons d’huile essentielle de Z. officinale prélevés à différentes étapes de distillation sur C. maculatus
20L’échantillon 1 d’huile essentielle de Z. officinale prélevé après 1 h de distillation a induit des taux de mortalité élevés sur C. maculatus à toutes les concentrations (7 ± 3,0 ; 24,6 ± 5,10 ; 48,3 ± 7,22 et 67,55 ± 14,7 % respectivement à 0,4 ; 0,6 ; 0,8 et 1 ml·l-1). L’échantillon 2 prélevé après 3 h de distillation présentait des taux de mortalité de 5,83 ± 2,11 ; 15,03 ± 2,50 ; 29,34 ± 4,6 et 53,77 ± 6,70 % avec les mêmes concentrations. L’échantillon 3 prélevé après 6 h de distillation a été moins toxique sur C. maculatus avec des taux de mortalité de 5,54 ± 3,80 ; 10,34 ± 5,21 ; 23,77 ± 12,70 et 32 ± 14,7 % (Figure 3). La discrimination des moyennes des taux de mortalité de C. maculatus par doses au test de Duncan a révélé des différences significatives entre les mortalités induites par les concentrations des trois échantillons (p = 0,0021 < 0,05). Cet ordre de toxicité des trois échantillons est confirmé par les résultats de CL50 qui sont de 0,82 ; 1,01 et 1,45 ml·l-1 respectivement pour les échantillons 1, 2 et 3.
Figure 3. Mortalités comparées de Callosobruchus maculatus induites par les différentes concentrations des trois échantillons d’huile essentielle de Zingiber officinale après 28 jours — Comparative mortality of Callosobruchus maculatus induced by different concentrations of the three samples of essential oil of Zingiber officinale after 28 days.
4. Discussion
21L’huile essentielle de Z. officinale obtenue à chaque phase de l’extraction est composée essentiellement des monoterpènes et des sesquiterpènes. Certains composés monoterpéniques majoritaires au départ (camphène :15,93 % ; sylvestrène : 11,52 % et eucalyptol : 6,22 %) deviennent minoritaires ou disparaissent à la fin de la distillation. Cela démontrerait que certaines molécules sont thermiquement labiles et ne nécessitent pas une longue période de distillation. En revanche, au niveau des composés sesquiterpèniques, certaines molécules minoritaires au début de l’extraction deviennent majoritaires à la fin de la distillation (zingiberène : 24,64 %, α-farnesene : 13,93 %, β-sesquiphellandrene : 13,72 % et γ-curcumene : 8,61 %). La cinétique d’extraction de ces composés est lente et une diffusion prolongée de la vapeur dans la matière première favorise leur extraction. Certains composés sesquiterpènes comme les bisabolènes étaient absents jusqu’à la quatrième heure d’extraction et sont apparus par la suite. Ils sont apparus suite à une durée prolongée de diffusion de chaleur lors de l’extraction. Ferhat et al. (2016), dans leurs travaux relatifs à l’influence du temps d’extraction sur la composition de l’essence aromatique du citron, ont démontré que la teneur relative de β-bisabolène a évolué de 0,42 à 0,57 sur un intervalle de 5 à 30 min de temps d’extraction. La composition chimique de l’huile essentielle de Z. officinale obtenue à la fin de l’extraction est approximativement proche de celle précédemment décrite par Babu et al. (2021) où cinquante composés ont été identifiés avec les principales classes d’hydrocarbures sesquiterpéniques et monoterpéniques. Le principal composé identifié était l'α-zingibérène dans les accessions de Z. officinale. Nos résultats sont en contradiction avec ceux de Ekundayo et al. (1988) où ils ont révélé que les huiles essentielles de gingembre contenaient principalement des monoterpénoïdes et des sesquiterpénoïdes dont le géranial, le néral, le 1,8-cinéole, le zingibérène, le β-bisabolène et le β-sesquiphellandrène. Ces différences observées dans la composition chimique de ces huiles essentielles de Z. officinale peuvent être attribuées au potentiel génétique, aux conditions écologiques, de récolte, d’extraction et d’analyse.
22Dans tous les cas de figures, il apparait une augmentation du taux de mortalité au niveau du test de toxicité de l'huile essentielle de Z. officinale et cela, en lien avec un accroissement des concentrations des essences prélevées. La toxicité de chaque échantillon augmente avec la concentration du produit et au fil du temps. L’échantillon 1 prélevé après 1 h d’extraction a été plus toxique que les autres échantillons et a induit de fortes mortalités sur C. maculatus. La valeur de son CL50 a été faible (0,82 ml·l-1) et donc plus toxique que les autres échantillons (échantillon 2 = 1,01 ml·l-1 et échantillon 3 = 1,45 ml·l-1). Il est composé essentiellement de monoterpènes qui seraient en partie responsables de sa forte activité insecticide. Les effets biocides des monoterpènes ont été démontrés par plusieurs études, notamment les travaux de Maha et al. (2023) sur l'encapsulation des composés volatiles comme l'α-pinène et l'eucalyptol (1,8-cinéole) qui ont présenté des toxicités insecticides intéressantes sur les larves d'Ectomyelois ceratoniae. En effet, après 30 jours, les taux de mortalité étaient de 53,85 et 94,23 % pour respectivement l'α-pinène et l'eucalyptol. Prates et al. (1998) ont étudié l’activité insecticide des monoterpènes contre Rhyzopertha dominica (F.) et Tribolium castaneum (Herbst). Leurs travaux portant sur l’activité de fumigation, de contact et d'ingestion des monoterpènes monocycliques 1,8-cinéole (eucalyptol) et R-(+)-limonène sur R. dominica et T. castaneum ont montré que ces deux substances sont insecticides. La toxicité insecticide de l'huile essentielle d'Amomum villosum a été évaluée par Chen et al. (2018). L'étude a montré que l'huile essentielle possédait un pouvoir insecticide de contact. Ils ont montré que cette huile essentielle possédait une toxicité de contact contre T. castaneum et Lasioderma serricorne (DL50 = 32,4 et 20,4 μg par adulte). Trois monoterpénoïdes, camphre, camphène et limonène, ont montré une forte toxicité par fumigation contre T. castaneum. Également, Park et al. (2003) ont démontré que l’efficacité insecticide de l’huile essentielle de Chamaecyparis obtusa sur Callosobruchus chinensis et Sitophilus oryzae est essentiellement due à sa forte teneur en molécules monoterpéniques (limonène, myrcène, α-pinène, etc.). Les travaux de Keïta et al. (2001) sur la fumigation de l’huile essentielle de Thuja occidentalis (Cupressaceae) sur Callosobruchus maculatus ont révélé les propriétés insecticides de cette essence. Les CL50 ont été 1,1 ; 0,7 ; 0,5 et 0,2 µl par insecte après 3, 6, 9 et 12 h, respectivement. Ces concentrations létales à 50 % sont faibles par rapport à celles obtenues dans notre étude et cela se justifie particulièrement par les différentes plantes dont sont issues les huiles essentielles.
23Les taux de mortalité moins élevés de C. maculatus obtenus avec les autres échantillons de l’huile essentielle de Z. officinale à faibles teneurs de composés monoterpénoïdes, surtout au niveau de l’échantillon 3 prélevé après 6 h de distillation, démontrent significativement que les monoterpènes hydrocarbonés ou oxygénés sont plus toxiques sur le ravageur que les sesquiterpènes.
5. Conclusions
24Cette étude a permis de comprendre l’évolution de la composition chimique de l’huile essentielle du gingembre en fonction du temps et son potentiel insecticide sur C. maculatus. Les pourcentages des composés chimiques ont beaucoup varié en fonction des stades de prélèvement (1, 2, 3, 4, 5 et 6 h). Les monoterpènes sont les premières fractions majoritairement recueillies au cours de la distillation suivies des sesquiterpènes dont les teneurs ont augmenté après 6 h d’extraction. L’huile essentielle de Z. officinale étant caractérisée essentiellement par sa richesse en sesquiterpènes, une durée minimale d’extraction de 6 h a été nécessaire pour obtenir une huile caractéristique. Dans le cadre d’un usage phytosanitaire, notamment pour la conservation post-récolte du niébé, une huile essentielle riche en monoterpénoïdes est recommandée. Ces résultats suggèrent que l'huile essentielle de Z. officinale a un potentiel de développement en tant que fumigant naturel pour la conservation des produits stockés.
Bibliographie
Abbott W.S., 1925. A method of computing the effectiveness of an insecticide. J. Econ. Entomol., 18(2), 265-267, doi.org/10.1093/jee/18.2.265a
Akantetou K.P. et al., 2011. Évaluation du potentiel insecticide de l’huile essentielle de Ocimum canum Sims sur Aphis gossypii Glover (Homoptera : Aphididae) au Togo. Int. J. Biol. Chem. Sci., 5(4), 1491-1500, doi.org/10.4314/ijbcs.v5i4.15
Babu P.A., Leela N.K., Venkatesh J. & Prasath D., 2021. Variability of exotic ginger (Zingiber officinale Rosc.) accessions for quality parameters. J. Plant. Crops, 49(2), 111-120, doi.org/10.25081/jpc.2021.v49.i2.7257
Bio Nikki S.O.E. et al., 2023. Évaluation de la qualité microbiologique et chimique du Toubani, un mets traditionnel africain à base de niébé. Rev. Marocaine Sci. Agron. Vét., 11(4), 395-400, doi.org/10.5281/zenodo.10351545
Bokobana E.M. et al., 2022. Insecticidal activity of the essential oil of Eucalyptus globulus Labill. (Myrtaceae) on Sitophilus zeamais Motsch. (Coleoptera: Curculionidae) and Tribolium castaneum Herbst, corn pests in storage. Int. J. Green Herbal Chem., 11(2), 193-200, doi.org/10.24214/IJGHC/GC/11/2 /19300
Chen Z.-Y. et al., 2018. Insecticidal and repellent activity of essential oil from Amomum villosum Lour. and its main compounds against two stored-product insects. Int. J. Food Prop., 21(1), 2265-2275, doi.org/10.1080/10942912.2018.1508158
DSID (Direction des Statistiques agricoles, de l’Informatique et de la Documentation), 2022. Données statistiques sur les superficies, les rendements et les productions de la campagne agricole 2020-2021. Lomé : DSID.
Ekundayo O., Laakso I. & Hiltunen R., 1988. Composition of ginger (Zingiber officinale Roscoe) volatile oils from Nigeria. Flavour Fragrance J., 3, 85-90, doi.org/10.1002/ffj.2730030207
FAO, 2013. Food wastage footprint: impacts on natural resources. Roma : FAO.
FAO, 2021. Les légumineuses contribuent à la sécurité alimentaire. I5387FR/2/02.21. Rome : FAO.
Ferhat M.A., Boukhatem M.N., Hazzit M. & Chemat F., 2016. Rapid extraction of volatile compounds from citrus fruits using a microwave dry distillation. J. Fundam. Appl. Sci., 8(3), 753-781, doi.org/10.4314/jfas.v8i3.6
Finney D., 1952. Probit analysis: a statistical treatment of the sigmoid response curve. Cambridge, UK: Cambridge University Press.
Kayombo M.A. et al., 2015. Effet de la poudre de Tephrosia vogelii dans la conservation des graines de niébé (Vigna unguiculata L. Walp.) en stock contre Callosobruchus maculatus F. à Mbujimayi (RD. Congo). J. Anim. Plant Sci., 25(1), 3827-3835.
Keïta M., Vincent C., Schmit J.P. & Arnason T., 2001. Insecticidal effects of Thuja occidentalis (Cupressaceae) essential oil on Callosobruchus maculatus (Coleoptera: Bruchidae). Can. J. Plant Sci., 81(1), 173-177, doi.org/10.4141/P00-059
Ketoh G.K, Glitho A.I. & Huignard J., 2002. Susceptibility of the bruchid Callosobruchus maculatus (Coleoptera: Bruchidae) and its parasitoid Dinarmus basalis (Hymenoptera: Pteromalidae) to three essential oils. J. Econ. Entomol., 95, 174-182, doi.org/10.1603/0022-0493-95.1.174
Koba K. et al., 2007. Chemical composition and anti-termite activity of three tropical essential oils against termite species Trinervitermes geminatus (Wasmann). J. Sci. Technol., 5(2), 39-46.
Maha B.A. et al., 2023. Encapsulation of Rosmarinus officinalis essential oil and of its main components in cyclodextrin: application to the control of the date moth Ectomyelois ceratoniae (Pyralidae). Pest Manage. Sci., 79(7), 2433-2442, doi.org/10.1002/ps.7418
Nadio N.A. et al., 2020. Effet bioinsecticide des extraits d’Azadirachta indica A.Juss. et d’Ocimum canum Sims contre Sitophilus zeamais Mostch (Coleoptera: Curculionidae). J. Rech. Sci. Université Lomé (Togo), 22(3).
Nadio N.A. et al., 2023. Effet larvicide de l’huile essentielle d’Eucalyptus globulus Labill. (Myrtaceae) sur Pectinophora gossypiella S. et Thaumatotibia leucotreta M. (Lepidoptera), ravageurs carpophages du cotonnier au Togo. Eur. Sci. J., 19(30), 181-199, doi.org/10.19044/esj.2023.v19n30p181
Park I.K. et al., 2003. Insecticidal activities of constituents identified in the essential oil from leaves of Chamaecyparis obtusa against Callosobruchus chinensis (L.) and Sitophilus oryzae (L.). J. Stored Prod. Res., 39(4), 375-384, doi.org/10.1016/S0022-474X(02)00030-9
Prates H.T. et al., 1998. Insecticidal activity of monoterpenes against Rhyzopertha dominica (F.) and Tribolium castaneum (Herbst). J. Stored Prod. Res., 34(4), 243-249, doi.org/10.1016/S0022-474X(98)00005-8
Sanda K. et al., 2006. Pesticidal properties of Cymbopogon schoenanthus against the diamond back moth Plutella xylostella L. (Lepidoptera: Hyponomeutidae). Discovery Innovation, 18(3), 212-217, doi.org/10.4314/dai.v18i3.15748
Vale J.C., Bertini C. & Borém A., 2017. Feijão-caupi do plantio à colheita. Viçosa, Brazil: Ed. UFV.