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Pison Hindawi Coralie, Vingt ans dans l’ombre du chapitre VII. Eclairage sur deux décennies de coercition à l’encontre de l’Iraq, Paris, L’Harmattan, 2013, 467 p.
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original pdf file1Pison Hindawi Coralie, Vingt ans dans l’ombre du chapitre VII. Eclairage sur deux décennies de coercition à l’encontre de l’Iraq, Paris, L’Harmattan, 2013, 467 p.
2Ayant pour origine une thèse, cet ouvrage dresse un bilan critique du traitement international de l’Irak durant deux décennies, entre avril 1991 et fin 2011, sous l’angle du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Tout l’intérêt vient du choix d’examiner ensemble les deux conflits : celui impliquant le Koweït et celui de 2003. Et de poser la question de savoir s’il existe bel et bien des éléments de continuité entre l’opération Tempête du désert et l’opération Irak Freedom. A ce choix méthodologie original, l’auteure a choisi d’analyser le terme « coercition » associé à l’article VII plutôt que d’autres concepts polémologiques ; ce afin de s’éloigner du débat autour des notions de légalité.
3Reste que l’auteure va étudier la coercition dans tous ses champs : militaires, juridiques, politiques et économiques ; cette dernière ayant des conséquences « parfois plus dévastateurs qu’un conflit armé ». Elle va ainsi examiner l’emploi de la coercition depuis l’adoption de la résolution 687 (avril 1991) du Conseil de sécurité jusque la fin 2011 ; la période entre 2004 et 2011 étant traitée sous l’angle des répercussions de la guerre de 2003. Il s’agit donc bien d’une tentative d’évaluation rétrospective du traitement international de l’Iraq aboutissant à ce que l’on a nommé la spirale coercitive mise en place dans les années 1990 préparant le terrain à l’invasion de 2003, occupation militaire comprise. L’auteure tente également de sortir du cadre en cherchant à déterminer si « l’histoire irakienne » fut, par la suite, un modèle adopté dans la conduite des relations internationales. D’évidence, l’ouvrage met en lumière le coût humain et politique de la coercition mais également le renouveau de cette politique souvent militaire en mettant en justificatif la protection des civils, la nécessité d’un règlement des conflits internes, la promotion de la démocratie ou l’obligation d’administrer temporairement des territoires.
4La guerre de 2003 argumenta de l’importance de respecter les résolutions du Conseil de sécurité, libérer le pays d’un tyran et engager le désarmement de l’Irak. Reste que la littérature sur le sujet a généralement admis – tout comme le présent ouvrage – qu’il n’y avait pas de base légale crédible autour de l’intervention armée. Ainsi, le chapitre 6 examine en détails la question de la banalisation du recours à la coercition dans les relations internationales et de marginalisation du droit international à son propos. L’examen du cas irakien et de la décennie de coercition devient le modèle analytique permettant de mettre en avant ladite banalisation.
5Il sera question d’approfondir le recours à la coercition économique, le processus de désarmement et le recours à la confrontation armée durant plus de douze ans, avec ses conséquences sur la population et l’avènement au final de la guerre civile. Relevons l’examen minutieux de la résolution 687, base juridique initiale du recours à la coercition et mode ambigu de rétablissement de la paix que l’auteure estime être le maintien de l’état de guerre mais aussi de la poursuite potentielle de l’emploi de formes très dures de coercition non armée à l’encontre de l’Iraq. Un chapitre entier y est consacré, dont le fameux principe « pétrole contre nourriture », la désintégration sociale du pays, l’éthique des sanctions ou l’adoption des « smart sanctions » par le Conseil de sécurité.
6Quant à la coercition militaire, elle va être précédée par le désarmement forcé de l’Iraq, dont l’analyse de l’UNSCOM en voie de politisation, le renforcement coercitif de l’UNMOVIC, jusqu’à les opérations Provide Comfort, Southern Watch, Desert Strike, Desert Fox et le développement des zones d’exclusion aérienne. Coralie Pison Hindawi ira aussi jusqu’à analyser les tentatives de justification juridique de l’emploi de la coercition militaire à l’encontre de l’Iraq.
7C’est bien un ouvrage critique sur la notion de coercition militaire à l’égard de l’Iraq dans le « temps long » qui est ici mis en lumière et argumenté. Il est une pièce à mettre au dossier de l’histoire de cette région tourmentée. La thèse est à charge, de forte conviction et d’engagement, tout autant que par une réflexion sur l’avenir du droit international là où il y a situation d’hégémonie, en l’occurrence ici américaine. En d’autres termes, le lien entre impérialisme et droit international est ici posé. Le droit international ne peut donc être imperméable. Il peut être instrumentalisé, interprété et contourné dès lors que certains de ses articles sont ambigus. Le droit international se flexibilise pour aboutir, selon l’auteur, à un délitement de son idéal universaliste et pacifique parallèlement à un processus de spirale coercitive. Cette fissure du droit, l’auteur estime l’avoir mise en lumière par une démonstration juridique et politique durant les années de référence du dossier iraquien. Dans cette région du monde assurément la paix et la sécurité sont encore à venir car pour Pison Hindawi, la coercition sous toutes ses formes n’a aidé en rien à l’atteindre dans la région.
8Juillet 2016
9André Dumoulin
10Institut royal supérieur de défense (Bruxelles)
11et Université de Liège (Belgique)