Cahiers Mémoire et Politique Cahiers Mémoire et Politique -  Cahiers n°9. Varia 

« La France a une part d’Afrique en elle ». Microgéographie de deux nécropoles dédiées aux tirailleurs sénégalais

William Robin-Detraz

William Robin-Detraz est doctorant à l’Université Lumière Lyon 2, UMR CNRS 5600 EVS – IRG.

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2La mémoire des anciens combattants africains a été au cœur de l’actualité en 2023 avec la sortie du film Tirailleurs. Le film a dépassé le million d’entrées et constitue d’ores et déjà une étape importante dans la mise en mémoire publique des tirailleurs dits « sénégalais ». Ces derniers formèrent un corps de l’armée de terre française créé en 1857 au Sénégal, puis dissous au début des années 1960, moment des indépendances africaines. Le qualificatif « sénégalais », comme nom générique, masque en réalité les origines de ces hommes qui provenaient de l’ensemble des colonies françaises subsahariennes. Ils participèrent aux principaux conflits contemporains dans lesquels la France et son empire colonial furent impliqués. Ils firent partie de « la Coloniale », c’est-à-dire des troupes coloniales, devenues, au moment des indépendances, les troupes de marine.

3Si l’histoire de ces hommes commence à être portée à la connaissance du plus grand nombre, l’historiographie est en grande partie établie désormais, comme en atteste la synthèse récente d’Anthony Guyon1. Depuis les travaux pionniers de Marc Michel2 et de Myron Echenberg3, elle a été approfondie4, mais seuls quelques travaux se sont concentrés spécifiquement sur l’aspect mémoriel des tirailleurs. Martin Mourre a ainsi conduit une anthropologie historique de la mémoire du massacre de Thiaroye au Sénégal5. Cheikh Sakho a lui étudié les commémorations de ces hommes et leurs représentations jusqu’aux indépendances africaines6. Globalement, la figure des tirailleurs africains revêt des images multiples et ambiguës dans la période postcoloniale, entre mémoire et oubli7.

4Depuis une vingtaine d’années, une politique de mémoire autour des tirailleurs est en train de se construire en France. L’État français prend en charge directement cette politique, notamment depuis la présidence de François Hollande8. Elle connaît une accélération sous le premier mandat d’Emmanuel Macron et s’incarne dans l’« appel » de ce dernier, qui incite les maires de France à « [faire] vivre par le nom de nos rues et de nos places, par nos monuments et nos cérémonies la mémoire de ces hommes »9. Simultanément, une profusion d’articles, de documentaires, d’œuvres culturelles et d’expositions démontre la vitalité de leur mémoire aujourd’hui10. Il existe ainsi une concomitance d’actions entre l’agenda politique concernant les tirailleurs et la création de contenus culturels ; la manifestation la plus visible de cela étant l’annonce par le gouvernement français de la fin d’obligation de résidence pour les derniers tirailleurs afin de percevoir leur allocation du minimum vieillesse, le jour de la sortie de Tirailleurs.

5Pour autant, si cette mémoire devient manifeste pour le plus grand nombre, il subsiste depuis longtemps des commémorations locales de ces combattants. Nous proposons ici de faire un pas de côté pour voir où en était la mise en mémoire publique des tirailleurs avant que ces politiques ne soient effectives et en nous centrant sur la mémoire des tirailleurs « en ses lieux »11. Nous nous inscrivons ainsi dans le champ des études mémorielles par le biais de la géographie de la mémoire12, dans son versant francophone13. Nous souhaitons interroger la « ressource mémorielle des tirailleurs »14, et voir comment elle est mobilisée par divers acteurs, là où la présence de ces hommes a laissé des traces15. Pour ce faire, nous étudions deux nécropoles, celles du Natus de La Teste-de-Buch et du Tata sénégalais de Chasselay qui témoignent de deux moments singuliers de l’histoire de France. Dans la région lyonnaise, le Tata témoigne des combats et massacres des tirailleurs lors du mois de juin 194016. Dans la région bordelaise, le Natus atteste de la présence de milliers de tirailleurs en « hivernage » durant la Grande Guerre17. Elles ont la particularité d’être les deux nécropoles françaises où la majorité des corps y reposant sont ceux de tirailleurs africains (Tab.1).

6La comparaison permet d’étudier deux moments des tirailleurs « morts pour la France » dans deux territoires métropolitains comparables. L’histoire associée est pourtant différente : ceux du Tata ont été tués par l’armée allemande, au combat ou à cause du racisme ; ceux du Natus sont morts de maladies (Tab.1). Ainsi, ce sont deux faits historiques spécifiques qui sont rattachés à chaque nécropole, dont la portée symbolique diffère. La nécropole du Tata tend à devenir le haut-lieu de la mémoire des tirailleurs18, tandis que celle du Natus est moins connue. Cependant, la mémoire étant une affaire du présent, la comparaison aide à identifier ce qui se joue plus généralement dans la commémoration. Maurice Halbwachs a démontré que la mémoire collective fonctionne par « appropriations », c’est-à-dire que le passé est toujours « reconnu » et « reconstruit » en fonction des enjeux du présent et des appartenances de groupe19. Alors que ce sont deux nécropoles liées à deux faits spécifiques de l’histoire des tirailleurs, quelles dynamiques communes retrouvent-on dans la commémoration des tirailleurs ?

7Pour répondre, nous proposons de prêter attention à la constitution progressive des mémoires des tirailleurs par une approche microgéographique. Elle consiste à s’intéresser à la matérialité des nécropoles. Il s’agit plus précisément d’interroger le fonctionnement de rapports sociaux à travers les relations entre les acteurs et les objets. Plusieurs approches de microgéographie sont discutées par ceux qui la pratiquent20. Ici, nous reprenons celle développée par Emmanuelle Petit à propos des stèles funéraires21. La démarche vise ainsi « à connaître ce que les acteurs eux-mêmes connaissent, à voir ce qu’ils voient, à comprendre ce qu’ils comprennent, à s’approprier leur vocabulaire, leur façon de regarder, leur manière d’établir ce qui, pour eux, est important et ce qui ne l’est pas. Il s’agit d’accéder aux significations accordées par les membres aux événements sociaux »22. Empiriquement, l’approche est fondée sur un corpus de sources composé d’entretiens avec des responsables d’associations investis autour des deux nécropoles (Tab.1), d’archives locales et de documents émanant des associations, complétés par des observations d’événements commémoratifs.

8Nous formulons l’hypothèse qu’il existerait deux pôles de la mémoire collective des tirailleurs africains portés par deux groupes d’acteurs. L’un, porté par des associations « africaines » ou défenseures d’une « cause noire », entretient une mémoire « noire » des tirailleurs23. L’autre, où l’on retrouve les associations d’anciens combattants et l’armée, forme une mémoire « militaire ». Cette polarisation découlerait de la position des tirailleurs, à la fois soldat et « indigène ». Les deux pôles sont porteurs de mémoires des tirailleurs qui coexistent, se croisent et rentrent parfois en concurrence. Du fait des inégalités de ressources, notamment des différences de capital social, et des divergences d’intérêts, ces mémoires évoluent dans un rapport dialectique. Le détour par la matérialité des nécropoles sert alors de révélateur des enjeux mémoriels des tirailleurs.

Tata

Natus

Conflit associé

Seconde Guerre mondiale

Première Guerre mondiale

Nombre de tirailleurs enterrés

188

959

Autres morts présents dans la nécropole

2 légionnaires ; 6 « Nord-Africains »

2 Français ; 11 Russes

Date de création (modification)

1942 (2022)

1921 (1948-1967-2018)

Évènement historique associé

Combats et massacres des tirailleurs sénégalais (Juin 1940)

Le camp du Courneau : « hivernage » (avril 1916- septembre 1917)

Causes de la mort des tirailleurs

Combats et massacres de prisonniers

Maladies pulmonaires, conditions sanitaires

Architecture du lieu

Tata, inspiration sahélienne, masques africains, couleur ocre, case, piques, pyramides, palmiers, 196 stèles individuelles

Monument-ossuaire, butte collinaire, forêt de pins, esplanade, stèles religieuses (catholique, orthodoxe, musulmane et animiste), 6 stèles collectives nominatives

Commémorations spécifiques

20 juin, 11 novembre

23 août, 11 novembre

Acteurs investis

Municipalité de Chasselay

ACTM

APAL

Africa50

ONAC

Municipalité de La Teste

Le Souvenir français

UNC

UTSF Gironde

ONAC

Résonance nationale de l’histoire locale

Oui (journée d’étude, médiatisation, visite ministérielle)

Non

Tableau 1 – Éléments comparatifs de la mémoire des tirailleurs selon les deux nécropoles

Image 100000010000039F000001D8A3501E02.pngPhotographie 1- La place de cérémonie du Natus (Robin-detraz, 2021)

Image 100000000000054E00000290DE3E4721.jpgPhotographie 2 - Le portail du Tata et vue intérieure (Robin-detraz, 2019)

Topogénèse des mémoires des tirailleurs africains

9Les deux nécropoles ont fait l’objet d’un processus de marquage, plus ou moins progressif. Selon Vincent Veschambre, le marquage renvoie à la production de signes qui permettent de rendre visible une présence24. Ce processus est analogue à celui de la mise en mémoire puisqu’il s’agit dans les deux cas de manifester une présence et une légitimité dans la durée. Le marquage mémoriel se concrétise par la matérialisation d’inscriptions, que l’on peut définir comme des « marques extérieures adoptées comme appui et relais pour le travail de mémoire »25. Ces marques font l’objet d’appropriations, ce qui participe de la reconstruction permanente des deux nécropoles.

I. Le Natus, un siècle pour construire le souvenir des tirailleurs du Courneau

10La nécropole du Natus est liée à l’histoire du camp du Courneau où passèrent plus de 27 000 tirailleurs. Il fut installé en 1916, près du village de La Teste-de-Buch, derrière la célèbre dune du Pilat. Rapidement, il fut surnommé le « camp de la misère » en raison des conditions sanitaires et de la mortalité élevée qui y sévirent. Plus de mille tirailleurs y moururent, majoritairement d’une épidémie de pneumocoques. Pour arrêter l’hécatombe, les tirailleurs en furent retirés en 191726. Les morts furent enterrés sur une parcelle du lieu-dit « Natus de Haut », à 800 mètres au nord-est du camp27. Le site, d’abord réquisitionné par l’armée, est acquis par l’État en 1921. Il est mal entretenu et tombe en délabrement.

11Après la Seconde Guerre mondiale, le contexte participe à faire ressurgir le souvenir des anciens combattants. Or, en raison de la dégradation du lieu pendant plusieurs décennies, les corps des soldats ne peuvent plus être retrouvés. Seul le site, sanctuarisé, conserve la trace de ces hommes. En 1948, un premier projet de rénovation est lancé par la municipalité de La Teste, appuyé par le Souvenir français. Le projet se concrétise par l’édification d’une stèle dans les années 1950, mais elle est rapidement considérée comme insuffisante. Un second projet est alors mis en place dans les années 1960, porté par le Souvenir français et la municipalité. Il aboutit avec la construction d’un monument commémoratif, inauguré en 1967, « réparant ainsi l’oubli, et en hommage à ces braves soldats venus de tous les horizons et qui reposent en ce coin de forêt testerine, appelés à l’avenir à devenir un lieu de pèlerinage »28.

12Depuis la fin des années 1990, la résurgence du passé colonial interroge l’espace public. Les discours sur les mémoires oscillent alors entre volonté d’intégration de la part des personnes issues des immigrations postcoloniales et dénonciation d’un récit national excluant29. De plus, la Première Guerre mondiale suscite l’attention à mesure que les derniers Poilus disparaissent. L’acmé de ce réinvestissement des mémoires de la Grande Guerre est atteinte dans les années 2010 avec les commémorations du centenaire. Dans ce double contexte, la nécropole du Natus suscite l’intérêt. La période 14-18 autour du bassin d’Arcachon devient mieux connue grâce aux travaux d’historiens amateurs30. En particulier, Jean-Pierre Caule, « testerin d’origine »31, intéressé par l’histoire du Courneau après avoir commencé une collection de cartes postales sur le camp, œuvre comme un promoteur de la mémoire de ces soldats. Il va procéder, avec l’aide des services des archives de La Teste, d’autres historiens amateurs du bassin d’Arcachon, ainsi que de cinq membres d’associations africaines de Bordeaux32, à l’identification des soldats morts au Courneau. Ce travail, d’une dizaine d’années, réévalue le nombre de soldats enterrés (Tab. 1). Une partie de cette équipe fonde en 2017 l’association Les Amis du Courneau pour « participer à l’organisation du centenaire de la grande guerre, à la conservation de la mémoire du Courneau et à la mise en valeur du site du Natus, notamment par la mise en ligne des noms des soldats morts au Courneau »33.

13Suite à ce travail d’identification, une mise en valeur de la nécropole est organisée dans le cadre du centenaire par la municipalité, avec l’aide de l’Office national des anciens combattants (ONAC). De nouveaux aménagements, à la fois dans la signalétique urbaine et sur le site, sont prévus afin d’améliorer sa visibilité. Cela passe par une multiplication des panneaux de signalisations pour indiquer le lieu, ainsi que la création d’une table de vulgarisation historique à son entrée. De plus, pour remédier à ce qui a été pointé comme « l’absence de reconnaissance des identités des soldats ressortissants de l’Empire colonial français »34, de nouvelles stèles ont été ajoutées à côté du monument central de 1967. Ces stèles ont été inaugurées en 2018 et portent les noms des soldats identifiés. Sur près d’un siècle, le marquage du Natus s’observe donc avec une complexification de l’agencement mémoriel (Photo.1).

14L’ensemble commémoratif connaît de nouvelles appropriations au cours des années 1990-2000, qui s’insèrent dans deux dates de commémorations notoires. Ainsi, le 11 novembre est commémoré depuis longtemps par le Souvenir français et la municipalité de La Teste. Mais, depuis le milieu des années 1990, un « partenariat »35 a été noué entre la municipalité de La Teste et l’Union des travailleurs sénégalais de Gironde (UTSF)36 pour l’organisation de la cérémonie et la mise en place d’un repas et d’échanges collectifs. Le 11 novembre perdure depuis comme un événement mêlant les locaux et la diaspora sénégalaise bordelaise. Plusieurs dizaines de personnes de l’association y participent, de tous âges. En tout, avec les habitants locaux, les cérémonies regroupent environ trois cents personnes. Depuis 2006, une autre commémoration a lieu tous les 23 août, suite à l’instauration de la « journée du Tirailleur » par le Sénégal. C’est notamment par les contacts entre l’UTSF, la mairie de La Teste et l’Union national des combattants (UNC) de Gironde37, que cette commémoration a été instaurée, comme l’explique le président de l’UTSF de l’époque :

« On était tellement bien accueillis à La Teste [pour le 11 novembre] que j’ai fait un courrier pour qu’au moins un membre du gouvernement [du Sénégal] vienne se rendre compte ici de la situation, des gens qui accordent de l’importance au Sénégal alors qu’ils ne connaissent le pays que de nom. Alors on a eu la visite d’un ministre des postes et télécommunications qui est venu en 2006 et qui, […], a révélé que le président de la République à l’époque, qui était Abdoulaye Wade, a décrété la journée du 23 août comme étant la journée du Tirailleur. […] Immédiatement après, le maire de La Teste m’a contacté. Il me dit ‘bon écoutez, comme votre président a décrété le 23 août comme étant la journée du Tirailleur, je pense qu’il va falloir qu’on se mette dessus’. J’ai dit ‘attention, nous nous sommes une simple association. Nous sommes déjà sur le 11 novembre, on peut pas se mettre encore sur le 23 août. […] On n’a pas les reins solides pour financer tout ça’. Mais figurez-vous que le jour là aussi, moi j’avais invité le Souvenir français et l’UNC. Et c’est l’UNC qui a sauté dessus, qui organise et qui nous invite. […] Nous y allons. Ils font un pot. Bon, moi j’ai dit qu’il faut pas qu’on y aille les mains vides. […] On amène la boisson exotique et puis la dégustation sénégalaise. On participe. Mais ça se passe bien »38.

15Les commémorations semblent donner lieu à une complémentarité entre les acteurs. L’organisation des cérémonies se déroule même dans un cadre transnational. Pour autant, si elles sont marquées par la coprésence et la coopération des acteurs, ceci n’empêche pas une divergence d’appréhension de la mémoire des tirailleurs, comme on le verra.

II. Le Tata : d’une « archive » des combats et massacres racistes de Juin 1940 à un espace-temps commémoratif polarisé

16Dans le nord-ouest de la région lyonnaise, d’âpres combats opposant des régiments de tirailleurs à l’armée allemande ont eu lieu au mois de Juin 194039. Malgré une forte résistance, les combats se sont soldés par une défaite française et des massacres de prisonniers noirs. Près de 200 tirailleurs africains furent tués ou assassinés par les hommes de la Wehrmacht. Le paroxysme de ces tueries eut lieu à Chasselay où une cinquantaine de tirailleurs fut exécutée à la mitraillette et au char. Dans le champ où ce massacre fut perpétré, il fut rapidement décidé d’ériger un cimetière en souvenir des soldats africains tués dans le Rhône.

17La nécropole du Tata résulte de l’action décisive de Jean-Baptiste Marchiani (1884-1969), ancien combattant de 1914-1918 et secrétaire de l’Office départemental des anciens combattants et victimes de guerre. Dès l’été 1940, Marchiani lance le projet d’un « Cimetière-Tirailleurs type »40. Sans le soutien financier de l’administration de Vichy, il entreprend lui-même la construction de l’édifice et achète le terrain sur lequel il sera érigé. Le cimetière prend la forme d’un tata, bâtiment d’inspiration soudanaise dont l’étymologie renvoie à une « enceinte fortifiée » en Afrique de l’ouest. Il rassemble les corps des tirailleurs tués dans le Rhône en Juin 1940 et sollicite l’aide des Missions africaines de Lyon pour concevoir son architecture et son caractère « africain » (Photo.2). Dès l’origine, l’objectif est bien de marquer l’endroit où le massacre s’est déroulé. La nécropole est inaugurée en 1942 et, à cette occasion, Marchiani explicite son projet qui fut de « fixer en ce lieu cette imposante archive »41. La nécropole est alors conçue pour être à la fois un hommage, in situ, aux soldats africains et un témoignage de la barbarie allemande, tout comme un symbole des liens unissant la France et ses colonies. Le cimetière survit à la période de l’Occupation et garde sa forme originelle jusqu’à nos jours.

18Depuis son édification en 1942, le Tata a connu plusieurs évolutions que l’on peut retracer à grands traits42. Sous Vichy et la IVe République, le lieu est investi politiquement par les plus hautes instances de l’État. Les commémorations font un usage de la mémoire des tirailleurs africains dans le but de se rapprocher des colonies et de s’assurer de leur soutien, respectivement en temps de guerre pour Vichy, puis au temps des décolonisations sous la IVe. Avec les Indépendances africaines, le corps des tirailleurs est progressivement dissous et la nécropole ne connaît plus de cérémonies d’ordre national, mais elle est redécouverte localement par des associations proches de l’immigration africaine dans les années 1980. Depuis les années 1990, le lieu connaît des moments de médiatisation en fonction des polémiques politiques autour du passé colonial. Enfin, depuis quelques années, la nécropole est réinvestie politiquement, en suivant « l’appel » de 2019.

19Comme au Natus, il existe au Tata deux dates spécifiques de commémoration (Tab. 1). Autour du 20 juin, une « cérémonie du souvenir » est organisée par les anciens combattants des troupes de marine (ACTM) depuis les années 1950, et avec l’ONAC aujourd’hui. Le 11 novembre, une journée de commémoration « africaine » s’y déroule. Elle fut lancée en 1983 par l’association Les Amis de la Présence africaine à Lyon (APAL), et regroupe depuis de nombreuses associations africaines lyonnaises, notamment autour du collectif Africa5043. Environ 150 à 300 personnes venant de Lyon et ses banlieues, et appartenant à diverses communautés subsahariennes (maliens, mauritaniens, sénégalais, ivoiriens, béninois, burkinabais, congolais, nigériens) y participent. S’il existe des interactions entre les ACTM et les associations africaines, chaque cérémonie conserve sa logique propre. Les commémorations sont, de fait, polarisées autour d’un espace-temps commémoratif potentiellement concurrentiel. Pour plusieurs raisons, la cérémonie du souvenir tend à devenir la cérémonie « officielle » : parce qu’elle correspond à la date exacte du massacre, parce qu’elle est organisée par l’armée et enfin parce qu’elle est légitimée par la présence d’élus nationaux. En 2020, la présence de la ministre déléguée aux Anciens combattants et à la Mémoire, madame Geneviève Darrieussecq, est venue renforcer cette dimension ritualisée. Le 11 novembre rassemble plutôt des associations africaines de la région lyonnaise mais la commémoration peut, selon les éditions, s’élargir à d’autres associations « noires » agissant au niveau national, comme ce fut le cas avec le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) en 2022.

«Faire avec » les lieux pour commémorer les tirailleurs : un révélateur des enjeux mémoriels

20En retraçant l’évolution du Natus et du Tata, plusieurs acteurs interviennent dans l’élaboration et l’entretien du souvenir des tirailleurs. Chaque acteur s’approprie symboliquement l’espace commémoratif via des usages plus ou moins autonomes des nécropoles. Ces « faire avec » les nécropoles participent de la fabrique des mémoires des tirailleurs.

I. Faire parler la mémoire de pierre. Matérialité des nécropoles et discours sur les tirailleurs

21Au Tata comme au Natus, les discours sur les nécropoles sont une périphrase pour mettre en avant la mémoire des tirailleurs. Il s’agit soit d’entretenir la légitimité de la commémoration en mettant en avant l’architecture du lieu et sa symbolique, soit de mettre en avant la nécropole pour sortir les tirailleurs de l’oubli, notamment par la création de nouvelles inscriptions.

22Si le Tata a été conçu pour renvoyer immédiatement à une certaine africanité – jusque dans son nom –, il constitue une marque idéale pour la mise en mémoire des tirailleurs. Le lieu a ainsi été facilement approprié par les associations africaines car elles furent reconnues de facto comme légitimes. Les associations africaines lyonnaises entretiennent cette signification du lieu, comme l’exprime clairement le président de l’APAL :

« [Le Tata] pourrait très bien devenir, avec le temps, le lieu de rassemblement de l’ensemble de la mémoire africaine sur le sol français. Et nous travaillons dans ce sens. […] Il n’y a aucun doute que des Africains qui viennent ici ont l’impression qu’ils sont à la fois en France et chez eux. Et que, ceux qui sont morts ici ne sont pas complètement hors de leur terre natale, de leur continent natal »44.

23L’architecture du lieu et les discours autour de celui-ci participent alors de la construction de la légitimité « naturelle » de la présence africaine en région lyonnaise, en raison du caractère africain, à la fois de ceux qui sont morts pour la France, mais aussi du lieu où ils reposent. Par les discours sur le Tata, les représentants des associations africaines construisent depuis longtemps cette idée que la région lyonnaise, et, par extension, la France, bien avant la politique de mémoire actuelle, possèdent « une part d’Afrique en elle[s] »45.

24À la Teste, la reconfiguration de la nécropole, en produisant de nouvelles inscriptions, traduit la volonté de rendre un hommage complet aux tirailleurs, en leur rendant leur individualité. C’est notamment le film de Serge Simon, Une Pensée du Courneau (2011), qui a participé à la prise de conscience d’un manque de visibilité à la fois de la nécropole, mais aussi de la mémoire des tirailleurs. L’affiche du film illustre le propos général. Elle est construite par l’ensemble des noms des tirailleurs du Courneau qui forme le portrait d’un tirailleur anonyme (Fig.3). Le film a lancé cette dynamique de reconnaissance individuelle, qui s’est concrétisée avec la création des stèles nominatives. Leur inauguration en 2018 est ainsi considérée comme une étape majeure dans la mise en mémoire des tirailleurs du Courneau et comme une manière de réparer une certaine injustice, « en révélant l’identité des soldats morts pour la France et en faisant sortir cette sépulture collective de l’anonymat »46.

25Les deux nécropoles comportent leur nombre d’inconnus. Pour chaque lieu, des actions ont visé à leur redonner un nom. À Lyon, deux membres de l’APAL ont ainsi réalisé un travail de référencement des tirailleurs enterrés à Chasselay. Une liste de 145 tirailleurs du Tata avait été établie pour « être communiqué au Ministère de la Défense en 2004 »47. À La Teste, c’est notamment le travail de l’équipe regroupée autour de Jean-Pierre Caule qui en fit de même. Plus récemment, à Chasselay, de nouvelles plaques ont été inaugurées au Tata en janvier 2022 par la ministre déléguée aux Anciens combattants et à la Mémoire suite à l’identification présumée de 25 tirailleurs jusqu’ici inconnus48. Redonner un nom implique de fait toujours une matérialisation de l’identité des tirailleurs quelque part, l’idéal étant de l’inscrire dans l’espace de la nécropole. On peut formuler l’hypothèse que cette action de redonner leurs noms aux tirailleurs s’inscrit dans un contexte plus large de société qui vise à la reconnaissance des particularités au sein de l’universel humain49. Redonner aux tirailleurs leurs noms, c’est leur redonner une individualité pour leur conférer une place au sein des « morts pour la France » dans la même logique qui a prévalu à l’instauration de cette politique mémorielle50. La création des cimetières militaires à partir de la Grande Guerre est portée par un « principe démocratique » : « la reconnaissance du droit de tout soldat à une sépulture individuelle » qui consacre « l’égalité fondamentale des citoyens » dans la mort51. Or, le cas des tirailleurs inconnus, et encore plus ceux groupés en ossuaire comme au Natus, met en tension ce principe démocratique. À l’heure où la demande de reconnaissance des Africains au sein de la société française s’exprime, il est difficile de laisser dans l’ombre ces hommes. Retrouver les noms des tirailleurs et les inscrire sur une plaque ou une tombe apparaît comme une action essentielle. Longtemps oblitérée, la mémoire des tirailleurs retrouve aujourd’hui une visibilité par l’application de leurs noms dans l’espace public.

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Image 1000000000000350000004B06AE0191C.jpgFigure 3 - Affiche du film de Serge Simon, Une pensée du Courneau (2011)

II. Investir l’espace commémoratif, un révélateur des usages politiques des mémoires des tirailleurs

27La mémoire des tirailleurs africains, comme la mémoire de l’esclavage, est mobilisée comme un instrument de lutte contre les discriminations ethnoraciales et pour la reconnaissance des minorités africaines52. Pour les Africains, le rappel de la « dette de sang » versée par les tirailleurs est un moyen pour se défendre contre le racisme et affirmer qu’ils sont « aussi français que les autres »53. D’autre part, les tirailleurs furent aussi des soldats et appartiennent à l’histoire de la « Coloniale ». Ils sont donc également commémorés par leurs « frères d’armes » selon un continuum de pratiques qui trouve ses origines dans le passé colonial de l’institution militaire54. Cette différence de « points de vue »55 sur la mémoire se retrouve exprimée in situ, lors des différentes commémorations du Natus et du Tata.

1. La mise en place in situ d’une mémoire officielle combattante des tirailleurs

28En tant que soldats, les tirailleurs sont commémorés par l’armée et les anciens combattants. La commémoration des « frères d’armes » constitue un marqueur identitaire du monde militaire. En particulier pour les troupes de marine, la commémoration des tirailleurs constitue une tradition car ces derniers font partie intégrante de leur « culture d’arme », c’est-à-dire l’« ensemble des références à caractère historique et patrimonial propre à chaque arme ou service »56. Ce sont les anciens officiers qui entretiennent cet esprit de corps au sein de la Fédération nationale des anciens combattants d’outre-mer et des troupes de marine. Dans un numéro spécial sur le Tata de Chasselay publié dans le bulletin de liaison de l’association des ACTM, le président d’alors et colonel en retraite écrit significativement :

« Pour nous anciens coloniaux et marsouins, il est de notre devoir de faire vivre et maintenir vigoureux le lien qui nous unit à l’Outre-mer et à l’Afrique en particulier. Ce devoir de mémoire nous revient par notre passé, notre spécificité, nos compétences, notre connaissance de l’Outre-Mer. »57

29Autour des deux nécropoles du Natus et du Tata, des associations d’anciens combattants sont en charge de l’organisation de deux cérémonies spécifiques pour les tirailleurs. À Chasselay, la « cérémonie du souvenir » du mois de juin tend de plus en plus à devenir la cérémonie officielle. La commémoration se déroule lors du dimanche le plus proche de la date anniversaire du massacre et c’est à celle-ci que la plupart des élus locaux et des représentants de l’État participent. Elle est également mise en avant pendant les journées d’étude sur les tirailleurs, comme celle tenue pour le « 80e anniversaire des massacres de mai-juin 1940 »58. La journée était organisée en tables-rondes faisant intervenir plusieurs spécialistes des tirailleurs. Le Tata a fait l’objet de la cinquième séance, sous le titre « Chasselay, lieu de mémoire et d’histoire ». Seule la cérémonie du mois de juin a été mentionnée par les intervenants lors de leur présentation. Il a fallu la prise de parole d’une personne du public lors des questions, membre du collectif Africa50, pour que la commémoration de novembre soit aussi évoquée.

30Du point de vue de l’État, la commémoration des tirailleurs vise à l’intégration de la « diversité » dans un récit national traditionnel, centré sur la mémoire combattante. Intitulée « en hommage aux soldats venus d’ailleurs », la journée de commémorations du 28 juin 2021 organisée par la préfecture et les services de l’ONAC dans le Rhône est à ce titre révélatrice de cette volonté. Il s’agit là d’une manière euphémisée de signaler l’hommage rendu à des soldats coloniaux. En effet, « l’ailleurs » renvoie à « la composante géographique de l’altérité », c’est-à-dire qu’elle procède d’un individu dont l’attitude est indissociable d’un espace « autre », en l’occurrence les colonies59. On retrouve alors une intégration à demi-mot d’une composante postcoloniale dans un récit national traditionnel centré sur l’héroïsme, l’action combattante et valorisant surtout les liens armées-nation. Néanmoins, par cet usage, on retrouve l’ambivalence de la position des tirailleurs, entre soldats et « indigènes ». Comme pour la « diversité », c’est une euphémisation de la dimension ethno-raciale de la mémoire des tirailleurs qui opère par ce vocable60.

31Une part de transnational s’intègre dans ce récit combattant, avec la valorisation de l’armée passée, présente et future. Lors de la journée de commémoration du 23 août 2021 au Natus, un lien verbal a été tissé entre la mémoire des tirailleurs du Courneau et le contexte géopolitique de l’intervention militaire au Sahel, alors que celle-ci était fortement critiquée sur le continent africain. En rappelant les liens anciens entre la France et les Africains, le discours du représentant de l’UNC procédait d’une légitimation de l’intervention française, présentée comme « naturelle » du fait de l’engagement des tirailleurs dans l’armée française :

« Maintenant, en 2021, une vision apparait peu à peu : ces Africains [du Courneau] n’étaient-ils pas les précurseurs de ces combats qui éprouvent maintenant leur continent et qui, juste retour de l’histoire, on les voit reprendre les combats à nos côtés pour que leurs libertés et la paix y soit maintenues. Plus que tout autre pays européen, la France est présente en Afrique, naturellement semble-t-il, pour l’aider à se préserver des ravages du totalitarisme et de la barbarie, […]. [L]’évoquer nous permet de dire combien nous nous sentons solidaires de nos amis Sénégalais, au-delà de nos deux pays, car c’est la paix dans le monde avec ses libertés qui est en question ! »61.

32Cette rhétorique traçant une filiation entre les combats du siècle précédent menés par les tirailleurs et les combats contemporains de l’armée française au Sahel se retrouve au plus haut sommet de l’État. En 2014, François Hollande s’y référait pour légitimer l’opération Serval, lorsqu’il affirmait, lors de la commémoration du débarquement de Provence, que la France se devait de faire preuve d’« une solidarité face aux menaces d’aujourd’hui, à toutes les menaces et d’abord en Afrique »62. Le président de la République ajoutait aussi : « Oui, nous, la France, l’Europe, devons maintenant à notre tour rendre au sud ce qu’il a été capable de nous donner à l’été 1944 »63, ce qui est similaire au « juste retour de l’histoire » qu’évoque le président de l’UNC au Natus. On constate alors une adéquation entre le discours proféré par le représentant de ces associations d’anciens combattants de Gironde et celui de l’État à propos de la géopolitique africaine, mobilisant tous deux la mémoire des tirailleurs.

33Le groupe des anciens combattants entretient donc une mémoire militaire des tirailleurs, visible dans les commémorations au Natus et au Tata. Les tirailleurs se retrouvent placés au sein d’une mémoire historique plus générale, celle de l’armée, où le souvenir de la « plus grande France » demeure prégnant. De par la proximité du monde combattant avec les champs du pouvoir politique et scientifique, cette mémoire militaire des tirailleurs tend à devenir la mémoire officielle. Elle peut se trouver alors parfois en concurrence avec une autre mémoire des tirailleurs, celles des Africains installés en France.

2. Mobiliser les nécropoles comme manifestation de la « présence africaine » sur le temps long

34Depuis le milieu du XXe siècle, les migrations aboutissent à l’implantation croissante de communautés subsahariennes dans les métropoles françaises. Lyon et Bordeaux accueillent des diasporas bien organisées par des réseaux associatifs. Afin d’ancrer la diaspora dans le territoire et le pays d’accueil, les représentants associatifs des Africains de Lyon et de Bordeaux se servent de la mémoire des tirailleurs pour témoigner de leur présence sur la longue durée64. Les nécropoles du Tata et du Natus fonctionnent comme des vecteurs de cette mémoire qui permet à la diaspora africaine de trouver des « racines » sur le territoire d’accueil. La mémoire des tirailleurs est mobilisée par les acteurs de la diaspora pour argumenter sur deux plans qui s’appuient sur les nécropoles.

35Sur le plan interne au groupe, la mémoire des tirailleurs permet de démontrer aux jeunes générations et aux immigrés récemment installés qu’ils sont précédés par une histoire des populations africaines qui remonte bien avant leur arrivée ou celle de leurs parents en France. Les tirailleurs africains feraient office ainsi de « pionniers »65 de la présence africaine à Lyon et à Bordeaux. En questionnant les raisons de l’implantation des différentes communautés africaines en France, les responsables associatifs trouvent une réponse en prenant en charge le récit de l’« histoire oubliée »66 des tirailleurs qui se transmet lors des « pèlerinages » au Tata et au Natus.

36Le second plan vise à la reconnaissance de la diaspora au sein du territoire d’inscription. Le livre du sociologue Mar Fall, Présence africaine à Bordeaux, explicite cette action67. Il vise à rendre compte de « la situation des Africains noirs depuis l’arrivée des tirailleurs sénégalais dans la région en 1916 »68, ce qui coïncide ainsi avec l’installation du camp du Courneau. Dans la conclusion de son livre, il estime que, depuis la présence des tirailleurs africains, « un pas a été franchi ». La mémoire des tirailleurs a permis, parmi d’autres éléments culturels, de conférer une « identité qui s’appuie à la fois sur la tradition collective d’une culture minoritaire et sur des tentatives de formulation de projets de mobilisation culturelle s’enracinant dans l’Hexagone »69. Cette identité étant bien ancrée à Bordeaux, il s’agirait désormais, pour l’avenir de la communauté, de mettre en œuvre une « action critique », c’est-à-dire la revendication d’une existence au sein de la société française70.

37Ces deux aspects se retrouvent dans les commémorations au Natus réalisées par l’UTSF. Elles suivent alors le « principe qui régit l’association : équilibre entre enracinement dans nos valeurs [africaines] et ouverture à d’autres cultures »71. Par les commémorations au Natus le 11 novembre, ses membres mettent en pratiques cette action critique. « Ce devoir de mémoire, que l’UTSF tient à perpétuer chaque année pour rappeler à la République française sa dette envers les tirailleurs sénégalais, rencontre un écho significatif au sein de la communauté »72.

38Dans cette volonté de reconnaissance croissante de la communauté africaine, la publicisation de la mémoire du groupe est patente. Elle achoppe au Tata, dans les rivalités entre les commémorations du mois de juin et du mois de novembre. Lors de la commémoration du mois de juin 2020, la présence d’un membre du gouvernement au Tata – pour la première fois depuis les années 1950 – n’a pas manqué de susciter des réactions. Le représentant du collectif Africa50 s’est ainsi exprimé sur l’organisation de cette journée, sans les associations africaines :

« 80 ans après les massacres opérés par la barbarie nazie, nous sommes aujourd’hui au Tata de Chasselay pour rendre hommage à ces tirailleurs qui ont été massacrés, […]. En revanche, nous sommes assez surpris, voire désagréablement surpris par le peu de considérations qu’ont eu les autorités françaises pour les descendants de ces tirailleurs, puisqu’aucune association n’a été invitée à cet événement. […] On a l’impression que ce combat a été fait, comme d’habitude par des Africains, bien gentils, c’est vrai, bien dociles, mais une fois qu’il faut raconter l’histoire telle qu’elle l’a été, et ben ils disparaissent des champs. Après on s’étonne que dans l’inconscient collectif, dans l’inconscient des populations françaises, il y ait cette discrimination, il y ait ce regard un peu raciste que l’on dénonce aujourd’hui. […] La République doit reprendre un peu les choses en mains. Il faut pas réécrire l’histoire des gens à leur place. Il faut raconter l’Histoire et non les histoires »73.

39La violence physique extrême qu’ont subi les tirailleurs à Chasselay est mise en parallèle avec la violence symbolique ressentie par les « descendants de ces tirailleurs » dans cette éviction de la mémoire officielle en train de se dire. L’action critique consiste ici à contester la vision de la mémoire des tirailleurs proposée par la cérémonie en pointant la non-participation et la non-représentation officielle des associations africaines. « Raconter l’Histoire et non les histoires » passerait ainsi moins par le discours que par une commémoration qui inclurait effectivement les communautés africaines dans les cérémonies où les représentants du pouvoir politique sont présents. En d’autres termes, ce sont moins les mots tenus sur les tirailleurs qui comptent au Tata, mais qui est là pour commémorer. Le fait que les autorités soient toujours présentes aux cérémonies de juin et pas à celle de novembre est ressenti comme un manque de reconnaissance :

- « W : Et sur ces combats sur le temps long, qu’est-ce qu’il y aurait encore à mener aujourd’hui si ce n’est plus de visibilité ?

- CP : Par rapport à l’État ?

- W : Oui.

- CP : Déjà je préférerais que chaque année, il y ait plus de monde. Et puis aussi qu’il y ait une reconnaissance. Je veux dire quand on fait le 11 novembre, on n’a aucune autorité politique. On a le maire du coin, on a un adjoint, c’est bien, mais les grandes autorités ne viennent pas. Et la République c’est pour ça que je dis qu’elle est contraignante. Quelle crédibilité on a en France ? Vous voyez quand c’est les autres ils y sont. Nous ils viennent pas »74.

40Les nécropoles du Natus et du Tata fonctionnent ainsi comme des outils mobilisés par les diasporas africaines : elles permettent aux acteurs de la diaspora de l’inscrire dans le temps et dans l’espace régional où ils vivent. Leur investissement vise donc autant à faire connaître l’événement historique associé, qu’à établir des relations entre les représentants de la République et la minorité noire africaine. La commémoration des tirailleurs témoigne du besoin pour les représentants des associations africaines de « mettre en relation des personnes venues d’univers distincts »75 afin de se sentir pleinement intégré à la société d’accueil.

41Cette différence de logiques commémoratives démontre la prégnance de deux mémoires collectives des tirailleurs. D’un côté, une mémoire militaire des tirailleurs vise à mobiliser ses anciens et membres actuels dans le souvenir du sacrifice de ces aïeux pour la patrie, mais aussi pour justifier certaines interventions militaires françaises en Afrique en les inscrivant dans la longue durée, tout en essayant d’évoquer, à demi-mot, le passé colonial associé. De l’autre, une mémoire « noire » mobilisée par les membres de la diaspora subsaharienne et ses soutiens pour assurer la légitimité de la « présence africaine » en France et pour mener une lutte pour la reconnaissance76. Cependant, du fait des inégalités de position entre les porteurs de la mémoire militaire et ceux de la mémoire « noire », il subsiste un différentiel. Les anciens combattants, intégrés et proches du champ du pouvoir, conservent une mémoire légitimée officiellement par les autorités politiques. Les représentants des associations « noires », quant à eux, cherchent des relais politiques pour défendre une mémoire en quête de reconnaissance publique. Ces deux mémoires coexistent, se croisent, sont parfois en opposition comme ce fut le cas au Tata en 2020, mais elles peuvent également coopérer comme le montre la commémoration du 23 août au Natus.

La mémoire des tirailleurs, une mémoire tiraillée ?

42Comment comprendre les dynamiques des mémoires des Africains « morts pour la France » ? À l’issue de cette comparaison, le détour par la matérialité apporte quelques réponses. :

43La mémoire des tirailleurs sénégalais demeure portée par des groupes sociaux dont les tirailleurs font offices de prédécesseurs. Mais de quels prédécesseurs est-il question ? Pour les militaires et les anciens combattants, il s’agit des soldats des troupes coloniales qui font partie de l’histoire et de l’identité collective de l’Ancre d’or77. Pour les afro-descendants et leurs soutiens, ce sont les premiers Africains arrivés en nombre en France dont l’histoire confère une « part d’Afrique » aux régions où ils se sont installés.

44Cette mobilisation de la mémoire des tirailleurs passe par la pratique des nécropoles. Dès lors, la matérialité et les caractéristiques de l’événement associées jouent un rôle dans le souvenir des tirailleurs : l’événement associé au Tata est plus marquant car il renvoie aux massacres racistes des tirailleurs, là où le Natus manifeste une mortalité liée à des maladies ; la matérialité du Tata renvoie directement à l’africanité alors que le Natus se présente plus comme un sanctuaire pour des morts anonymes. Un facteur historique est aussi important à introduire concernant la cause de la mort des tirailleurs de Chasselay et de La Teste. Dans la région lyonnaise, les tirailleurs sont décédés sous les balles des Allemands comme les officiers métropolitains qui ont essayé de les défendre. Ici, la cause de la mort des tirailleurs est donc imputable à l’autre, aux Allemands aveuglés par une haine raciste. Les Français ont eu le « beau rôle » puisque des officiers ont défendu leurs soldats face aux Allemands et des habitants les ont secourus et ont participé à l’édification de sépultures. Les tirailleurs inhumés au Tata sont donc pleinement reconnus, dans tous les sens du terme, comme des « morts pour la France ». Dans la région bordelaise, les tirailleurs sénégalais sont morts dans l’indifférence. À l’époque, quelques personnes se sont mobilisées pour ces tirailleurs comme le député Blaise Diagne, député des quatre communes du Sénégal, qui est intervenu devant l’assemblée nationale en décembre 1916 pour faire fermer le « camp de la misère » et essayer de sortir les tirailleurs de cette mortalité effrayante. Peu de personnes se sont souciées d’eux, y compris localement jusqu’à la réactualisation du souvenir après la Seconde Guerre mondiale et surtout depuis les commémorations du centenaire. Dès lors, un malaise demeure dans la commémoration quand sont interrogées les conditions matérielles dans lesquelles les tirailleurs furent placés à leur époque. Cela vaut pour le Courneau. Mais, au vu des nombreuses inégalités de traitement qu’ils ont subi au long de leur histoire, on peut supposer que cette gêne se retrouve plus généralement : les soldats africains sont considérés, parfois, comme des morts « à cause » de la France78.

45Les logiques de commémoration des tirailleurs dépendent de leurs cadres de référence. Spécifiquement, pour les acteurs de la diaspora africaine de Lyon et Bordeaux, la mémoire des tirailleurs constitue un dénominateur commun. Elle est mobilisée dans la lutte antiraciste et surtout pour une demande de reconnaissance de la part de la société française. L’enjeu majeur de la commémoration serait donc de créer un nouveau récit national, une narration postcoloniale où les tirailleurs sénégalais feraient office de référentiel. De par leurs origines diverses et leur histoire franco-africaine longue, les tirailleurs permettraient de créer un récit mémoriel propice à la formation d’un imaginaire social partagé en France entre les individus d’origine métropolitaine et ceux originaires d’Afrique subsaharienne. Dans son essai sur La condition noire, Pap Ndiaye rapporte que parmi les soixante-dix personnes qu’il a interrogées et qui sont d’origines africaines, toutes évoquent les tirailleurs et « l’argument du prix du sang »79. Cet argument est ancien : il sert à proclamer l’existence d’une histoire commune, d’où la demande de reconnaissance d’une pleine légitimité à appartenir à la communauté citoyenne française et de jouir des droits associés80. Pap Ndiaye en conclut alors que « la ressource mémorielle des tirailleurs est au fondement d’une demande de traitement humain et d’égalité des droits. Elle permet d’établir une communauté imaginaire nationale qui va au-delà des frontières françaises actuelles pour incorporer l’espace postcolonial dans une série de relations d’obligations réciproques. »81

46Cependant, au vu de la coexistence de deux logiques dialectiques dans la mémoire des tirailleurs, une telle « communauté imaginaire » est-elle réalisable ? Si des tentatives d’intégration de la dimension postcoloniale dans le récit combattant sont sensibles aujourd’hui et semblent aller dans ce sens, est-il possible de reconnaître pleinement l’histoire associée, et tout ce qu’elle implique ? Dit autrement, la mémoire des tirailleurs peut-elle être décolonisée ? On peut en douter car la mémoire collective des ACTM s’inscrit dans des traditions produites par l’histoire de la colonisation, tandis que celle des acteurs de la diaspora africaine appelle à une relecture critique de cette même histoire. Cette opposition de deux mémoires collectives innerve l’interrogation sur l’histoire des tirailleurs et, plus largement, sur le passé colonial. Dans tous les cas, cette réalisation ne paraît possible qu’à travers la reconfiguration de matérialités, comme les nécropoles, qui informeraient ce que pourrait être une telle communauté qui demeure, selon nous, à l’état d’hypothèse.

47Nous nous sommes concentrés ici sur ce que nous postulons être les deux pôles de la mémoire des tirailleurs en nous intéressant principalement à des acteurs associatifs et politiques, au risque d’une homogénéisation des points de vue de chaque groupe. Pour compléter et avoir un regard global, il conviendrait de prendre en compte un large public en menant des enquêtes davantage quantitatives auprès des membres des associations et en intégrant d’autres mémoires. À Chasselay comme à La Teste, nous avons pu observer des mémoires habitantes des événements associés mais qui demanderaient à être étudiées en s’inspirant des approches de la psychologie sociale82. Nous espérons toutefois avoir démontré la pertinence d’une approche microgéographique des faits mémoriels. Par ailleurs, il faudrait intégrer également l’aspect transnational de la mémoire des tirailleurs en comparant les logiques de commémoration en France et celles que l’on retrouve dans les pays d’origine des tirailleurs. Ceci permettrait de mieux circonscrire les circulations de la mémoire à l’échelle internationale, tout en mettant à jour les incompréhensions qui se retrouvent dans les relations géopolitiques entre l’ex-puissance coloniale et les anciens pays colonisés. Le massacre de Thiaroye, où plusieurs dizaines, voire centaines, de tirailleurs ont été tués par l’armée française en décembre 1944, est devenu une « métaphore de la violence et de l’injustice coloniale » au Sénégal, et plus largement en Afrique de l’ouest83. Or, en France, cet événement est largement méconnu, ignoré, voire tabou. Ce travail de mémoire inachevé serait pourtant une des raisons du rejet de la France au Sahel84. Une étude sur la manière dont cette mémoire est convoquée ou non dans les commémorations en France manque encore. Ce qui a été présenté ici n’a pas été influencé non plus par la sortie de Tirailleurs. Selon certains, le succès du film permettrait « de faire avancer de dix ans la reconnaissance sur ce pan de l’histoire »85 et serait une « forme d’aboutissement »86 dans la mise en mémoire des combattants africains. Ceci mériterait également d’être évalué. Après tout, ne pose-t-il pas la même question que le Tata et le Natus : quelle place donne-t-on aux tirailleurs dans le récit national ?

La comparaison défendue ici a fait l’objet d’une première présentation lors du colloque international « La fabrique des mémoires » de l’université de Poitiers. Je remercie les collègues du séminaire CRGA de l’université Lyon 3 pour leurs relectures de la première version, en particulier Judicaëlle Dietrich et Thomas Zanetti pour leurs critiques précieuses et constructives. Je remercie également les évaluateurs pour leurs remarques qui ont aidé à améliorer la qualité du propos.

Notes

1 Guyon Anthony, Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, Paris, Perrin, 2022, 380 p.

2 Michel Marc, Les Africains et la Grande Guerre. L’appel à l’Afrique (1914-1919), Paris, Karthala, 2003, 302 p.

3 Echenberg Myron, Les Tirailleurs sénégalais en Afrique occidentale française (1857-1960), Dakar – Paris, Karthala, 2009, 351 p.

4 Deroo Éric et Champeaux Antoine, La Force Noire. Gloire et infortunes d’une légende coloniale, Paris, Tallandier, 2006, 224 p. ; Mann Gregory, Native Sons. West African Veterans and France in the Twentieth Century, Durham, Duke University Press, 2006, 344 p. ; Fogarty Richard S., Race and War in France: Colonial Subjects in the French Army, 1914-1918, Baltimore, The John Hopkins University Press, 2008, 399 p. ; Fargettas Julien, Les Tirailleurs sénégalais. Les soldats noirs entre légendes et réalités 1939-1945, Paris, Tallandier, 2012, 384 p. ; Sow Abdoul, Des tirailleurs sénégalais se racontent, Dakar, L'Harmattan, coll.« Harmattan Sénégal », 2018, 410 p. ; Faye Ousseynou, Les tirailleurs sénégalais entre le Rhin et la Méditerranée (1908-1939). Parcours d’une aristocratie de la baïonnette, Paris, L’Harmattan, coll. « Études africaines », 2018, 296 p. ; Mabon Armelle, Prisonniers de guerre « indigènes ». Visages oubliés de la France occupée, Paris, La Découverte, 2019, p. 308.

5 Mourre Martin, Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2017, 240 p.

6 Sakho Cheikh, Mémoires des Tirailleurs africains : célébrations et représentations. Des origines aux Indépendances africaines, Reims, Université Reims Champagne-Ardenne, 2020, 958 p.

7 Ginio Ruth, « African Colonial Soldiers between Memory and Forgetfulness : The Case of Post-Colonial Senegal », Outre-mers, 2006, vol. 93, n350‑351, pp. 141‑155.

8 Le Gac Julie et Miot Claire, « ‘À la jeunesse d’Afrique’. La commémoration du 70e anniversaire du Débarquement en Provence le 15 août 2014 », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2019, vol. 276, no 4, pp. 87‑97.

9 Discours d’Emmanuel Macron, en hommage aux combattants du débarquement de Provence, 15 août 2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/discours/269594-emmanuel-macron-15082019-debarquement-de-provence (consulté en août 2019).

10 Plas Pascal, « De la mémoire des tirailleurs sénégalais en France », in Plas Pascal (dir.), Tirailleurs Sénégalais. Frères d’armes, frères de sang, regards croisés, Limoges, Lavauzelle, 2019, pp. 47-70.

11 Antichan Sylvain, Gensburger Sarah et Griveaud Delphine, « La mémoire en ses lieux. Essai de topographie de la première commémoration du 13 novembre 2015 à Paris », Mémoires en jeu, 2017, n4, pp. 50-59.

12 Hoelscher Steven et Alderman Derek H., « Memory and Place: Geographies of a Critical Relationship », Social & Cultural Geography, 2004, vol. 5, no 3, pp. 347‑355 ; Foote Kenneth E. et Azaryahu Maoz, « Toward A Geography of Memory : Geographical Dimensions of Public Memory and Commemoration », Journal of Political and Military Sociology, 2007, vol. 35, no 1, pp. 125‑144.

13 Hertzog Anne, « Espace politique et commémorations. Observer les lieux de démonstration des pouvoirs dans un monde globalisé », L’Espace politique, 2020, no 41.

14 Ndiaye Pap, La condition noire. Essai sur une minorité française, Paris, Gallimard, coll. « Folio actuel », 2009, p. 284.

15 Veschambre Vincent, Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Géographie sociale », 2008, 315 p.

16 Berruezo Eveline et Robin Patrice, Le Tata. Paysages de pierres, Documentaire, Association pour la diversité culturelle, 1992, 60 minutes, disponible à l'adresse suivante : http://tirailleurs-senegalais.fr ; Scheck Raffael, Une saison noire. Massacre des tirailleurs sénégalais, mai-juin 1940, Paris, Tallandier, 2007, 288 p. ; Chapoutot Johann et Vigreux Jean (dir.), Des soldats noirs face au Reich. Les massacres racistes de 1940, Paris, PUF, 2015, 182 p.

17 Ferry Stephan et Lespinasse Philippe, « Soldats oubliés du Courneau », Le Monde diplomatique, novembre 2011, p. 27. L’hivernage était une pratique militaire mise en place lors de la Première Guerre mondiale : elle consistait à mettre les troupes coloniales originaires d’Afrique « au repos » pendant l’hiver dans des régions au climat jugé plus doux que sur le front.

18 Robin-Detraz William, « Haut-lieu et appropriations de la mémoire des tirailleurs sénégalais : le Tata de Chasselay (69) », Bulletin de l’association des géographes français, 2021, vol. 97, no 3, pp. 280-303.

19 Halbwachs Maurice, La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997, 304 p.

20 Cf. l’atelier Microgéographie de l’UMR CNRS 5319 Passages : https://microgeo.hypotheses.org/

21 Petit Emmanuelle, « Faire avec l’espace : pour une lecture micro-géographique des artefacts du souvenir », Géographie et cultures, 2014, no 91‑92, pp. 83-106.

22 Petit Emmanuelle, Matérialisations du souvenir en montagne. Les enjeux identitaires des places et des placements, Bordeaux, Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2012, p. 52.

23 La terminologie « noire » renvoie à l’idée de « condition » dans laquelle sont placés les représentants de cette « minorité française ». Ndiaye Pap, La condition noire, op. cit.

24 Veschambre Vincent, Traces et mémoires urbaines, op. cit.

25 Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 183.

26 Caule Jean-Pierre, Les soldats du Courneau, sans date, archives municipales de La Teste-de-Buch, consulté en avril 2021. Le camp fut ensuite successivement occupé par des troupes russes puis par des troupes américaines.

27 Caule Jean-Pierre, La nécropole du Natus, 2019, document de travail, communiqué par l’auteur, 23 p.

28 Archives de la Teste, fonds 2h5, Résumé historique du cimetière du Courneau par le Comité d’érection du Monument aux Morts du « Courneau », 28 mars 1965,

29 Ledoux Sébastien, La nation en récit, Paris, Belin, 2021, 347 p.

30 Mormone Jean-Michel, Boyer Patrick, et Caule Jean-Pierre, 1914-1918. Le bassin d’Arcachon, Arcachon, Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch, 2008, 158 p.

31 Entretien avec Jean-Pierre Caule, le 26 avril 2021,

32 D’origines subsahariennes diverses (Mali, Burkina Faso, Sénégal), ils furent réunis en 2011 pour essayer d’établir les origines géographiques de vingt-deux tirailleurs et de « corriger » l’orthographe de certains noms (Compte-rendu de réunion du 9 février 2011, sans date, document communiqué par l’ancien président de l’UTSF).

33 Objet de l’annonce n578 au Journal officiel des associations et fondation d’entreprises, portant sur la création de l’association « Les Amis du Courneau », parue le 25 novembre 2017.

34 « Célébrations du centenaire de la Première guerre mondiale – La Teste-de-Buch – automne 2014 », Dossier de candidature à la labellisation, avril 2013, p. 7,

35 Entretien avec l’ancien président de l’UTSF, 1er mars 2022.

36 Avec plusieurs centaines de membres, voire plus d’un millier au début des années 2010, l’association fédère une importante diaspora sénégalaise en Gironde, mais aussi quelques ressortissants d’autres pays d’Afrique de l’ouest.

37 Association fédérative regroupant une soixantaine d’associations combattantes de Gironde et de Dordogne.

38 Entretien avec l’ancien président de l’UTSF, 1er mars 2022.

39 Fargettas Julien, Juin 1940. Combats et massacres en Lyonnais, Villefranche-sur-Saône, Éditions du Poutan, 2020, 192 p.

40 Archives départementales du Rhône, 437W173, lettre de J.-B. Marchiani au préfet régional, 14 mars 1944.

41 Archives départementales du Rhône, 437W173, discours de J.-B. Marchiani, 8 novembre 1942.

42 Pour plus de détails, Robin-Detraz William, « Le Tata de Chasselay, dans le Rhône, et la mémoire vive des tirailleurs sénégalais », histoirecoloniale.net, 7 février 2023, disponible à l’adresse suivante : https://histoirecoloniale.net/Le-Tata-de-Chasselay-dans-le-Rhone-et-la-memoire-vive-des-tirailleurs.html

43 Créée en 2010 pour fédérer les associations africaines lyonnaises autour de la commémoration des 50 ans des indépendances, elle vise à promouvoir les cultures africaines. L’APAL en fait partie.

44 Président de l’APAL, « Le ‘Tata sénégalais’ de Chasselay, un lieu de mémoire à ne pas oublier », Ekodafrik.net, 11 novembre 2009, disponible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=FMxKMFvR0Fw (consulté en avril 2019). Nous soulignons.

45 Discours d’Emmanuel Macron pour le 75e débarquement de Provence, op. cit.

46 « Célébrations du centenaire de la Première guerre mondiale », op. cit., p. 7.

47 APAL, « Le Tata africain de Chasselay – 70e anniversaire des journées de Juin 1940 », brochure, 2010, p. 28.

48 La démarche d’identification suivie et la médiatisation de l’événement ont donné lieu à plusieurs critiques. Voy. Robin-Detraz William, « Le Tata de Chasselay, dans le Rhône… », op. cit.

49 Gauchet Marcel, « Les enjeux de la reconnaissance », in Schmuel Trigano (dir.), L’universel et la politique des identités, Paris, Éditions de l’Éclat, 2010, pp. 13-24.

50 Fleury Daniel, « Plaques, stèles et monument commémoratif : l’État et la ‘mémoire de pierre’ », Revue historique des armées, 2010, no 259, pp. 56-66.

51 Prost Antoine, « Les cimetières militaires de la Grande Guerre, 1914-1940 », Le Mouvement Social, 2011, vol. 237, no 4, p. 135.

52 Hourcade Renaud, « Militer pour la mémoire. Rapport au passé et luttes minoritaires dans deux anciens ports négriers », Politix, 2015, vol. 10, n2, pp. 63‑83.

53 Ndiaye Pap, La condition noire, op.cit., p. 281.

54 Benoît Christian, Champeaux Antoine et Deroo Éric, « La culture post-coloniale au sein de l’armée et la mémoire des combattants d’outre-mer », in Blanchard Pascal et Bancel Nicolas (dir.), Culture post-coloniale 1961-2006, Paris, Autrement, 2006, pp. 125‑133.

55 Halbwachs Maurice, La mémoire collective, op. cit., pp. 94-95.

56 Champeaux Antoine, « Le patrimoine de tradition des troupes indigènes », Revue historique des armées, 2013, n271, pp. 89‑106.

57 Colonel (er) de Montgolfier, « Le Tata sénégalais de Chasselay », La Gazette du Marsouin et du Bigor, 2004, n2, p. 2.

58 Journée d’étude « D’une guerre à l’autre. Les soldats des colonies et la France », 8 octobre 2020, Cercle national des Armées, Paris, organisée par l’ONAC, en partenariat avec le groupe de recherche Achac.

59 Turco Angelo, « Ailleurs », in Lévy Jacques et Lussault Michel (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2013, pp. 64-65.

60 Doytcheva Milena, « Usages français de la notion de diversité : permanence et actualité d'un débat », Sociologie, 2010, vol. 1, n4, pp. 423-438.

61 Extrait du discours prononcé au Natus par le président de l’UNC Gironde, le 23 août 2021. Nous soulignons.

62 Cité par Le Gac Julie et Miot Clair, « ‘À la jeunesse d’Afrique’ », op. cit., p. 93. Nous soulignons.

63 Ibid.

64 Bruneau Michel, « Les territoires de l’identité et la mémoire collective en diaspora », L’Espace géographique, 2006, vol. 35, n4, pp. 329-330.

65 Bonche Alexandre, Les Pionniers Africains de Lyon, Documentaire, Atelier APASHES avec la collaboration d’Africa50, 2022, 63 minutes, disponible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=yyMPZ_M0VW0 (consulté en octobre 2020).

66 Entretien avec l’ancien président de l’UTSF, 1er mars 2022.

67 Fall Mar, Présence africaine à Bordeaux, de 1916 à nos jours, Bordeaux, Pleine Page, 2011, 208 p. Spécialiste de la diaspora africaine en France, en particulier à Bordeaux, il est également un proche de l’UTSF.

68 Ibid., p. 18.

69 Ibid. p. 205.

70 Ibid.

71 Entretien avec l’ancien président de l’UTSF, 1er mars 2022.

72 Fall Mar, Présence africaine à Bordeaux, op. cit., p. 176. Nous soulignons.

73 Coordinateur principal d’Africa50, « Nécropole Chasselay, Hommage aux Tirailleurs », Atelier APASHES, 21 juin 2020, disponible à l’adresse suivante : https://youtu.be/d_lvMGsN4iM (consulté le 12 mars 2021).

74 Entretien avec le coordinateur principal d’Africa50, le 13 mars 2019.

75 Gensburger Sarah et Lefranc Sandrine, À quoi servent les politiques de mémoire ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2017, p. 126.

76 Honneth Axel, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2013, 352 p.

77 L’Ancre d’or, emblème des troupes coloniales, demeure celui des troupes de marine.

78 Barcellini Serge, « L’État républicain, acteur de mémoire : des morts pour la France aux morts à cause de la France », in Blanchard Pascal et Veyrat-Masson Isabelle (dir.), Les guerres de mémoires. La France et son histoire, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2008, pp. 209-219.

79 Ndiaye Pap, La condition noire, op. cit., p. 281.

80 Mann Gregory, « Immigrants and Arguments in France and West Africa », Comparative Studies in Society and History, 2003, vol. 45, n2, pp. 362‑385.

81 Ndiaye Pap, La condition noire, op. cit., p. 284.

82 Haas Valérie, « Approche psychosociale d’une reconstruction historique. Le cas vichyssois », Les Cahiers internationaux de Psychologie Sociale, 2002, n53, pp. 32‑45.

83 Mourre Martin, Thiaroye 44, op. cit.

84 Olivier de Sardan Jean-Pierre, « Le rejet de la France au Sahel : mille et une raisons ? », AOC media, 6 décembre 2021.

85 Michel Nicolas, « Aïssata Seck : ‘Un film comme ‘Tirailleurs’ permet un bond en avant de dix ans’ », Jeune Afrique, 4 février 2023.

86 Guyon Anthony, « Avec ‘Tirailleurs’, jamais les soldats africains n’auront ainsi été mis en avant », Libération, 9 janvier 2023.

Pour citer cet article

William Robin-Detraz, «« La France a une part d’Afrique en elle ». Microgéographie de deux nécropoles dédiées aux tirailleurs sénégalais», Cahiers Mémoire et Politique [En ligne], Cahiers n°9. Varia, URL : https://popups.uliege.be/2295-0311/index.php?id=290.