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- volume 38 (2020)
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Évaluation de la force et de la vitesse de travail des bœufs de trait à l’aide d’un dynamomètre numérique en début de campagne agricole au Burkina Faso
Notes de la rédaction
reçu le 16 mars 2020, accepté le 9 juin 2020.
Résumé
Cette étude a eu pour objectif d’évaluer l’état corporel, la force et la vitesse de traction de bœufs de trait afin d’évaluer leurs conditions d’utilisation et proposer des pistes d’amélioration de la traction animale. Pour ce faire, deux villages ont été identifiés dans trois provinces de la Région des Hauts-Bassins (Houet, Tuy et Kénédougou), soit au total 6 villages. Dans chaque village, 8 paires de bœufs de trait en situation de travail ont été sélectionnées auprès des producteurs préalablement inclus dans l’enquête de base du projet mécanisation agricole appropriée (ASMC-USAID), soit au total 96 bœufs de trait. Nos résultats révèlent que 75 % des bœufs de la Région des Hauts-Bassins avait une force de traction pouvant réaliser le labour et les autres opérations culturales. Cependant, la vitesse de traction a été inférieure à la norme et a varié autour de 0,64 ± 0,03 m/s. Quant à la note d’état corporel (NEC), 71,9 % des bœufs de trait ont obtenu des valeurs comprises entre 3 et 4. Des efforts doivent être entrepris à l’échelle de la Région pour que la totalité des bœufs de trait ait une bonne NEC et une force adéquate pour le labour afin d’impacter positivement les productions agricoles.
Abstract
Evaluation of the traction force and speed of draught oxen using a digital dynamometer at the beginning of the agricultural season in Burkina Faso
The objective of this study was to evaluate the body condition score, traction force and speed of draft oxen in order to assess their conditions of use and propose ways to improve animal traction. Two villages in each province (Houet, Tuy and Kénédougou) of the Hauts-Bassins Region were identified, for a total of 06 villages. In each village, 08 pairs of draught oxen were selected from producers previously included in the baseline survey of the appropriate agricultural mechanization project (ASMC-USAID), for a total of 96 pairs of draught oxen. All oxen included in the experiment were currently working on field. Our results reveal that 75 % of the cattle in the Hauts-Bassins Region had a traction force capable of carrying out ploughing and other farming operations. However, the traction speed was below the standard values and varied around 0.64 ± 0.03 m/s. As for the body condition score (BCS), 71.9 % of oxen recorded values between 3 and 4. Efforts must be made at the regional level to ensure that all draught oxen had a good BCS and adequate ploughing force to have a positive impact on agricultural production
Table des matières
Introduction
1Plusieurs sources d’énergie sont utilisées dans la production agricole à savoir : la force humaine, la traction animale et celle motorisée. Le pourcentage d’utilisation de ces énergies dans la production agricole est variable d’un pays à l’autre. Dans les pays développés, le travail manuel représente 7 % du total, la traction animale 12 % et la motorisation 82 % (1). Par contre dans les pays en voie de développement, les valeurs respectives sont 26 %, 52 % et 22 %. En Afrique Sub-Saharienne, l’énergie humaine utilisée dans la production agricole est de 65 %, celle de la traction animale de 25 % et l’énergie motorisée est de 10 % (8). Au Burkina Faso, des efforts sont en cours pour accroître l’utilisation de la traction animale afin de garantir des campagnes agricoles réussies. La majorité des actions d’équipement des producteurs initiées avant 2010 par le gouvernement a été effectuée sur la base de crédit. Toutes ces actions ont favorisé l’amélioration du niveau de mécanisation agricole au Burkina Faso surtout en ce qui concerne la traction animale sans toutefois permettre à une partie importante d’agriculteurs familiaux de se soustraire à l’agriculture manuelle. En 2012, le taux d’utilisation de l’énergie dans la Région des Hauts-Bassins était de 84 % pour la traction animale, 2 % pour la motorisation et seulement 14 % cultivaient encore à la main (4). De nombreuses petites exploitations familiales expriment des demandes en animaux de trait en particulier les bœufs pour les opérations agricoles (19). Dans ces conditions, l’animal prend toute son importance dans les productions agricoles d’un pays comme le Burkina Faso.
2La situation qui a entrainé l’augmentation du nombre des bœufs de trait dans une Région comme celle des Hauts-Bassins incite à se pencher sur les aptitudes au travail de ces animaux en début de campagne agricole car la perte d’un animal à ce stade peut constituer un objet de perturbation du système de production et impacter négativement le ménage agricole et par conséquence, la productivité de la campagne agricole du pays. En effet, la traction animale présente divers avantages pour les petites exploitations familiales. Elle permet d’accroître la production agricole, d’augmenter les revenus des ménages et par conséquent de réduire l’insécurité alimentaire et nutritionnelle tout en diminuant la pénibilité du travail (17). En plus, la traction animale contribue à l’augmentation de l’unité de surface cultivée. Ainsi, la superficie de production passe de 1 ha par personne lorsque le producteur travaille manuellement à 5 ha par personne lorsque le producteur utilise la traction animale (17). Il faut noter que les bœufs de trait constituent également une épargne sur pieds. Ils prennent encore plus de la valeur en fin de carrière, lorsqu’ils bénéficient d’un bon entretient; tandis que les autres outils connaissent un amortissement (15).
3Toutefois, la méforme des bœufs de trait impacte négativement la réalisation des opérations culturales, ce qui entraine de façon générale, une baisse de la productivité (15). Par exemple une installation tardive de culture de plus de 4 semaines entraîne une baisse de rendement de 4,9 tonnes/ha à 1,1 tonne/ha (23). Aussi, un taux de recouvrement de mauvaises herbes compris entre 30 % et 40 % est le seuil au-delà duquel le rendement baisse de 5 % dans la culture du maïs (14). Il est donc nécessaire d’envisager des solutions d’amélioration des performances des bœufs de trait incluant un diagnostic de l’état de la capacité de traction des bœufs de trait en situation réelle de travail. La présente étude vise donc à évaluer l’état corporel, la force et la vitesse de traction afin d’évaluer les conditions d’utilisation des bœufs de trait et proposer des pistes d’amélioration de la traction animale.
Matériel et méthodes
Zone d’étude
4L’étude a été réalisée dans la Région des Hauts-Bassins (Figure 1). Elle fait suite à une enquête de base du projet ASMC (Appropriate Scale Mechanization Consortium), réalisée en 2016 sur 946 ménages repartis sur les trois provinces de la Région (Kénédougou, Houet et Tuy) (Unpublished data). Les résultats de cette étude préalable ont montré l’importance des animaux de trait pour la production agricole, étant entendu que la force de production dans la Région repose sur l’animal, pour effectuer les opérations culturales. L’expérimentation a donc été conduite dans 6 villages soient deux par province : Koumbia (11°14'12.16"N ; 03°41'53.13"W) et Founzan (11°27'17.03"N ; 03°13'52.8"W) dans le Tuy, Bama (11°23'58.64"N ; 04°25'45.69"W) et Karangasso-Vigue (10°52'46.85N" ; 03°56'09.73"W) dans le Houet et enfin Banzon (11°19'00"N ; 04°47'59"W) et de Kourouma (11°37'01.74" ;04°48'03.48"W) dans le Kénédougou (Figure 1).
Figure 1: Carte de la localisation des villages concernés par l’étude.
Matériel biologique
5La population d’étude a concerné 8 paires de bœufs par village soit 96 bœufs au total. Tous les animaux choisis pour les mesures étaient en situation de travail pendant l’expérimentation (c’est-à-dire in situ) avec une traction se faisant par paire de bœufs et la charrue comme outil.
Collecte des données
6La prise de contact avec les producteurs pour la mesure des données sur le terrain a été réalisée par l’intermédiaire des chefs de zone d’agriculture où c’est le chef de zone qui se réfère au délégué. Le temps passé chez chaque producteur était d’environ 30 minutes et le temps mis pour aller d’un producteur à un autre variait de 20 à 30 minutes. La barymétrie sur l’animal a été effectuée par les producteurs après explication de la méthode. Les estimations du poids de l’animal sur pied ont été faites par mesure du tour de poitrine en arrière de l’épaule (Figure 2A). Après avoir déterminé le tour en centimètres, la valeur du poids en kg correspondant à la mesure est indiquée au verso du ruban. La hauteur au garrot correspondant à la distance séparant le bout du sabot avant, en contact avec le sol et le point culminant de la jonction du cou et du dos, a été aussi mesurée (Figure 2B). Ceci est une méthode alternative à la barymétrie.
Figure 2: Barymétrie (A) et mesure de la hauteur au garrot (B) réalisée par un producteur de Founzan sur son bœuf de trait.
Il faut noter que l’animal est très calme, le ruban adhère bien et le point de lecture très précis. Le décamètre est bien droit et la lecture est faite avec une précision de 1 cm.
Figure 3: Matériel utilisé pour la mesure des paramètres.
En (a) ficelle attachée à deux piquets ayant servi à matérialiser la distance de traction de chaque paire, (b) ruban de barymétrie pour la mesure du poids, (c) dynamomètre numérique pour la mesure de force, (d) décamètre pour la mesure de la hauteur au garrot.
7La notation de l’état corporel a été faite par observation de certaines régions corporelles (points anatomiques) suivant la méthode de (21). Ces régions ont été parfaitement identifiées et leurs configurations constituent des critères décisifs dans la détermination de la note. Les observations ont été portées sur quatre points anatomiques de l’arrière et quatre points anatomiques de flanc (Figure 4). Les quatre points anatomiques de l’arrière considérés sont: (i) la "croupe" définie ici comme la masse musculaire contenue dans le triangle formé entre les deux apophyses iliaques (hanche), et les os du sacrum (l’origine de la queue), (ii) le détroit caudal (cavité qui se marque au niveau de l’implantation de la queue) et le ligament sacro-tubérale, (iii) les pointes des fesses, (iv) la musculature des cuisses (Figure 4). Au niveau des flancs, quatre points anatomiques ont été utilisés pour la notation: (i) les apophyses transverses et épineuses des vertèbres lombaires, (ii) les pointes de la hanche (apophyses iliaques), (iii) les côtes, (iv) le creux de la hanche (Figure 4).
Figure 4: Points anatomiques appréciés pour la notation de l’état corporel (21).
Les points ont été localisés sur un bœuf de trait de Banzon.
8L’état corporel général d’un animal peut varier de cachectique à très gras. Les notes de la méthode qui sont ici proposées pour l’appréciation de l’état corporel varient de 0 pour un animal cachectique à 5 pour un animal très gras. Pour noter l’arrière, la note moyenne de 2,5 a d’abord été considérée comme repère. La note de l’animal a été ensuite située par rapport à la moyenne de 2,5. Il a été attribué une note arrière entre 0 et 5, puis une note de flanc entre 0 et 5. La note globale de l’animal est la moyenne des deux notes. Ainsi, la note est établie au demi-point près, par exemple : (5+4) / 2 = 4,5. La force de traction a été mesurée grâce à un dynamomètre numérique (Ox Tracker, Figure 3c). Le dynamomètre possède un capteur fixé au niveau de la prise de force entre la charrue et la chaîne reliée au joug. Les données sont envoyées au niveau du boitier fixé sur la charrue et stockées dans une mémoire USB (Figures 3C et 5B). Le dynamomètre a permis d’enregistrer à la fois la force de traction et les coordonnées GPS. En plus, les données ont été prises toutes les secondes. Les mesures ont été faites in situ (dans les champs). Une distance de 25 m à parcourir deux fois soit 50 m, a été matérialisée, permettant d’avoir ainsi la distance parcourue afin d’évaluer la vitesse de traction. Le dynamomètre enregistre la force en unité lbs et 1 lbs correspond à 0.22459 N.
Figure 5: Mesure de la force de traction d’une paire de bœufs de trait dans le village de Bama avec le dynamomètre.
En (a) matérialisation de la distance parcourue par les bœufs avec une ficelle de 25 m et un des deux piquets qui fixe la ficelle au sol. En (b) le capteur du dynamomètre est relié à la chaine du joug et à la charrue par l’intermédiaire des points de pris de force. Le dynamomètre fixé sur la charrue enregistre les données, obtenues sur la distance matérialisée par la ficelle.
Analyse des données
9Trois classes de NEC à savoir < 3, [3 à 4] et 4, ont été définies dans le traitement des données. Les moyennes du poids vif et de la hauteur au garrot ont été estimées. La force de traction a été considérée comme force capable de mettre la charrue en mouvement dans la plage de [0 ; 222,6 N] et comme force capable d’effectuer le travail du sol, toute force supérieure à 222,6 N. Les moyennes de chaque plage sont considérées comme force de traction de la charrue et force de travail du sol respectivement. La force à laquelle l’animal supporte au mieux les travaux avec un rendement d’effort optimal correspond à une plage de 10 % à 14 % de son poids vif (22). Les corrections des pertes de force de traction engendrées par l’association de deux bœufs ont été réalisées. Elle correspond à 7,5 % du poids total des bœufs de l’attelage selon (13). La vitesse moyenne a été déterminée en mesurant le temps mis pour le travail du sol et ensuite en multipliant l’inverse de cette valeur par la distance parcourue : V (m.s-1) = d/t, avec d correspondant à la distance en mètre (m) et t correspondant au temps en seconde (s). La puissance a été calculée avec la formule suivante : P (w) = F x V, avec F correspondant à la force de travail du sol en Newton et V correspondant à la vitesse de travail en mètre par seconde (m/s). La saisie des données, les tableaux et les représentations graphiques ont ensuite été faits avec le tableur Excel version 2013. Le logiciel SPSS version 21 (Statistical Package for Social Sciences) a été utilisé pour la statistique descriptive et la comparaison des moyennes. La démarche d’analyse était basée sur les modèles linéaires généralisés. L’analyse de la variance et le test de Tukey ont permis de comparer les moyennes au seuil p inférieur à 0,05.
Résultats
Variation des forces de traction, de la vitesse et de la puissance des bœufs de trait
10En marche libre, les bœufs de trait ont développé une force allant de 15,2 ± 2,7 N à 16,1 ± 1,5 N sans différences significatives entre les facteurs. La force de travail du sol (labour) a significativement différé en fonction de la localité (p < 0,05 ; Tableau 1). Ces forces mesurées étaient de 590,2 ± 23,3 N, 529,1 ± 15,1 N, 743,6 ± 42,3 N, respectivement pour Bama, Koumbia et Founzan. En ce qui concerne la vitesse de traction lors des travaux de labour, les valeurs ont varié de 0,5 ± 0,03 m/s à 0,7 ± 0,02 m/s. Les vitesses de traction ont significativement différé d’une localité à une autre. La plus petite vitesse a été observée à Founzan (0,5 ± 0,03 m/s) tandis que la plus grande vitesse a été enregistrée à Koumbia (0,7 ± 0,02 m/s). Parallèlement, la comparaison des puissances développées révèle respectivement des différences significatives au seuil de 5 %. La puissance développée par les bœufs de trait à Founzan (371,7 ± 1,2 W) inférieure à celle de Bama (395,4 W), elle-même inférieure à la puissance fournie par les bœufs de Koumbia (402,1 W).
Tableau 1 : Force de traction, vitesse et puissance des paires de bœufs de trait mesurées dans différents villages de la région des Hauts-Bassins au Burkina Faso.
Village |
Force de traction (N) |
Vitesse (m/s) |
Puissance (W) |
|
Marche libre |
Travail du sol |
|||
Bama |
15 ± 3a |
590,2 ± 23,3b |
0,67 ± 0,03b |
395,40 ± 0,7b |
Founzan |
16,1 ± 1,5a |
743,6 ± 42,3c |
0,5 ± 0,03a |
371,79 ± 1,3a |
Koumbia |
16,1 ± 1a |
529 ± 15,1a |
0,76 ± 0,02c |
402,12 ± 0,3c |
Les chiffres de la même colonne ayant différentes lettres sont significativement différents au seuil de 5 %.
Plages de traction optimales autorisées pour les bœufs de trait
11Dans le village de Bama, une paire de bœufs (N°6) travaillait en dessous de ses limites optimales. Une seconde paire (N°7) travaillait au-dessus de ses capacités optimales. Le reste des paires fournissaient une force située dans l’intervalle optimal c’est-à-dire de 10 % PV à 14 % PV (Figure 6A). Dans le village de Founzan, la majorité des animaux fournissait une force inférieure à celle nécessaire pour le travail du sol. Seules trois paires ont développé leur capacité de travail supérieure à celle du travail du sol (Figure 6B). Dans le village de Koumbia, tous les animaux fournissaient une force dans l’intervalle optimal de leurs capacités de traction (Figure 6C).
Figure 6: Plages de traction optimale autorisée pour les bœufs de trait du village de Bama (A), Founzan (B) et Koumbia (C).
Variation du poids vifs et de la hauteur au garrot suivant le village
12Le village de Kourouma a enregistré la plus faible moyenne de poids vif soit 227 ± 48,5 kg et celui de Banzon, la plus haute valeur avec 295,6 ± 45,3 kg (Tableau 2). L’analyse statistique a fait ressortir 5 groupes significativement différents (p < 0,05). Le premier est représenté par Kourouma (227 kg) et le second groupe est représenté par Koumbia (240 kg) et Karangasso-Vigué (240 kg). Le troisième groupe est représenté par Founzan (287 kg), le quatrième groupe, par Bama (269 kg) et le cinquième par Banzon (296 kg). La moyenne de la hauteur au garrot quant à elle, a varié de 117 ± 5,8 cm à 128 ± 11,5 cm (Tableau 2). La différence des hauteurs au garrot est significative pour les trois premiers groupes (p < 0,05). Dans le village de Kourouma, la moyenne était de 117 cm et de 119 cm à Koumbia pour le premier groupe. Pour ce qui est de Karangasso-Vigué la moyenne était de 121 cm, de 122 cm à Banzon et de 124 cm à Founzan pour le deuxième groupe et enfin de 128 cm à Bama.
Tableau 2 : Répartition des poids vifs et de la hauteur au garrot suivant le village.
Village |
Poids vif (kg) |
Hauteur au garrot (cm) |
Bama |
269 ± 45,9abc |
128,19 ± 11,5b |
Founzan |
286,6 ± 51,6bc |
124,44 ± 7,6ab |
Koumbia |
240 ± 28,5ab |
118,88 ± 8a |
Karangasso-Vigué |
240 ± 55,1ab |
120,63 ± 8ab |
Kourouma |
227,3 ± 48,5a |
117,44 ± 5,8a |
Banzon |
295,6 ± 45c |
122,13 ± 4,6ab |
Les chiffres de la même colonne ayant différentes lettres sont significativement différents au seuil 5 %.
Note et fréquence de la note d’état corporel (NEC) des bœufs de trait
13Les bœufs de trait qui avaient une NEC inférieure à 3 totalisaient 11,5 % du total. La majeure partie des bœufs soit 71,9 % avaient une NEC comprise dans l’intervalle 3 à 4. Les NEC supérieures à 4 étaient représentées par une fréquence de 16,7 % (Figure 7A). Les villages de Bama et de Banzon n’avaient pas de bœufs de trait présentant une NEC inférieure à 3. Ils avaient néanmoins le plus grand nombre d’animaux les plus gras (NEC 4). Par contre, les villages de Karangasso-Vigué et de Kourouma n’avaient pas d’animaux de NEC supérieure à 4. Les villages de Founzan et de Koumbia présentaient des bœufs de trait des 3 classes. Le village de Koumbia a présenté le nombre le plus important d’animaux en déficit de réserve. Cependant, tous les villages avaient au moins la moitié de leurs bœufs de trait qui avaient une NEC située dans l’intervalle [3 ; 4] (Figure 7B).
Figure 7 : Distribution de la note d’état corporel (NEC) des bœufs de trait (A) et fréquence de la note d’état corporel (NEC) des bœufs de trait suivant le village (B).
Analyse en composantes principales
14Le pourcentage cumulé de variance a montré que la dimension 1 explique près de 59 % des variations tandis que la dimension 2 explique seulement 29,7 %, soit un total de 88.8 %. L’axe 1 a permis d’opposer les individus de Bama et de Banzon à ceux de Founzan, Karangasso-Vigué, Koumbia et Kourouma (Figure 8). Les individus de Bama et de Banzon sont caractérisés par une vitesse au travail, une puissance au travail, une hauteur au garrot et un poids vif relativement plus élevés que ceux des quatre autres localités. En revanche, les bœufs de trait de Bama et Banzon sont caractérisés par de faibles valeur de la force de traction en marche libre et de la force de travail en travail du sol par opposition aux villages tels que Founzan, Karangasso-Vigué, Koumbia et Kourouma.
Figure 8 : Analyse en composantes principales mettant en évidence les ségrégations de caractéristiques des bœufs de trait dans différents villages de la région des Hauts-Bassins au Burkina Faso.
FTML : Force de Traction en Marche Libre ; FTTS : Force de Travail en Travail du sol ; PV : Poids Vif ; HG : Hauteur au Garrot.
Discussion
15L’estimation de la plage des forces optimales à partir du poids vif montre que : la grande majorité des attelages ont la capacité de fournir un travail optimal en fonction de la force de travail (621 ± 27,2 N) du sol de la région, soit 18 paires sur 24 (75 %). Cependant, il existe des bœufs, dont la force de travail du sol est au-dessus de leur capacité. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que tous les producteurs n’ont pas une bonne maîtrise du choix des bœufs de trait. En effet, pour Singh and Singh (20), la capacité de traction est fonction de l’âge. Un groupe d’âge critique de 4,5 à 12 ans a été identifié comme celui obtenant le rendement de travail maximal. Ainsi le choix de jeunes animaux pourrait être la cause de faible capacité de traction. Aussi, selon Minka et Oya (18), il y a une relation directe et significative entre le poids vif des bœufs et leur force de traction. En outre, la force de traction des bœufs augmentait avec leur poids vif. Les bœufs de trait disposent, à une très grande majorité, de la capacité de fournir un travail optimal.
16La force de traction fournie par les bœufs de trait avec la charrue sans travail du sol (marche libre) variait de 15 ± 2,7 N à 16 ± 1,5 N, mais ne présentait pas de différences significatives entre elles. Toutefois les tendances observées pourraient s’expliquer par le comportement des producteurs. En effet, certains producteurs participent à l’effort de l’animal, soulevant la charrue, lors du demi-tour en fin de ligne. La comparaison de l’effort de traction pour le travail du sol a montré une différence significative entre les villages. L’intensité de la force allait de 529 ± 15 N à 743,6 ± 42 N avec une moyenne générale de 621 ± 27 N. Les variations entre les villages pourraient s’expliquer par les sols (humidité, différence pédologique). Selon Chehaibi et al. (7), l’effort de traction peut varier en fonction de la pédologie et l’humidité du sol. Badolo (1) a montré que dans la province du Tuy, représentée dans notre étude par les villages de Koumbia et Founzan, on rencontre des cuirasses ferrugineuses (20 %) et des affleurements de roches. Toutefois, les terres cultivables représentent 50 % de la superficie provinciale. En ce qui concerne le Houet (Bama) les sols sont en majorité hydromorphes sur cuirasse ancienne et favorable à l’agriculture (1). Dans le village de Founzan, certains producteurs laissent les tiges de cotonnier et entament le labour sans défricher. Les pratiques des producteurs pourraient contribuer à varier la force de labour. En effet, pour Bobobee and Gebresenbet (5), l’effort à la traction augmentait avec la taille et la densité des herbes. De manière générale, les moyennes de force de traction obtenues sont dans la fourchette de la force nécessaire pour les travaux de préparation du sol (labour, billonnage) en Afrique subsaharienne et qui varient de 600-900 N (2).
17La comparaison entre les vitesses de traction lors des travaux du sol montre des différences significatives avec des valeurs extrêmes de : 0,5 ± 0,03 m/s et 0,8 ± 0,02 m/s à Founzan et à Koumbia respectivement. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que la vitesse de travail du sol est inversement proportionnelle à la force de traction. Le village de Founzan qui avait la plus grande force de traction suivi de Bama et enfin de Koumbia, qui a sa vitesse inférieure à celle de Bama. En effet, selon Vall (22), lorsque la force de travail augmente, la vitesse de travail diminue. La moyenne générale des vitesses mesurées est de 0,64 ± 0,03 m/s. Elle pourrait s’expliquer par la mauvaise gérance (soins vétérinaires, alimentation et pratiques) des animaux de trait par la plupart des agriculteurs. Vall and Bayala (21) situe entre 0,67 et 0,81 m/s la vitesse de travail pour un effort optimal. En effet, pour Makki (16), la mauvaise gérance des bœufs de trait se traduisait par de faibles vitesses de travail.
18Par ailleurs, la vitesse moyenne obtenue pourrait s’expliquer également par la non-accoutumance au travail suite à un arrêt de pratique compte tenu du début de saison et le type de sol. En effet, selon Fall et al. (10), la vitesse augmentait au fur et à mesure que les bœufs travaillaient durant la saison. Aussi, la consistance du sol sur lequel les animaux travaillaient a un effet marqué sur la marche (12). La vitesse à laquelle les bœufs de trait réalisent les opérations culturales (labour par exemple) constitue une grande différence avec le travail manuel. Et, connaitre cette vitesse permet de l’optimiser. Cette vitesse que nous avons mesurée révèle qu’elle est à améliorer.
19Les résultats ont également montré que 11,46 % des bœufs de trait ont une NEC inférieure à 3. La majeure partie des bœufs soit 71,9 % avaient une NEC comprise dans l’intervalle 3 à 4. Les NEC supérieures à 4 sont représentées par une fréquence de 16,7 %. Ces résultats s’expliquent par le début de la saison pluviale, qui, malgré quelques poches de sécheresse, favorise la disponibilité fourragère. Les résultats obtenus sont assez proches de ceux de (21), soit 71 % pour la NEC 3 en Août. Par contre, ces précédents auteurs avaient obtenu 66 % de NEC < 3 en février. Cette période correspond à la saison sèche pendant laquelle, le fourrage commence à se faire rare. Il est généralement admis que l’intervalle (3 ; 4) correspond bien à une bonne aptitude au travail dans le cas des bœufs de trait (15) et on peut conclure que près de 3/4 des bœufs rencontrés étaient dans cet intervalle et aptes au travail. Il faut retenir que les producteurs de la Région des Hauts-Bassins s’occupent assez bien de leurs bœufs de trait. En revanche, la NEC informe sur l’état de l’animal, mais pas sur ses performances au travail. En effet, les performances au travail sont dans certaines limites influencées par le poids vif, mais pas par l’état corporel (11). Par ailleurs, en élevage, la note d’état corporel est un moyen d’appréciation des réserves énergétiques individuelles. En début de campagne agricole humide, une bonne NEC pourrait permettre aux animaux de réduire leur consommation de fourrage et au producteur de faire face au déficit de fourrage en début de saison agricole. Il est établi que les bœufs de trait en mauvais état corporel consomment plus de fourrage que les bœufs en bonne condition physique (11). En plus, la NEC permet a posteriori de juger de l’alimentation. Dans nos résultats, les villages de Bama et de Banzon n’avaient pas de bœufs de trait ayant une NEC inférieure à 3. Par contre, les villages de Karangasso-Vigué et de Kourouma ne possédaient pas d’animaux de NEC supérieure à 4. Ces résultats pourraient s’expliquer par la disponibilité de plaines aménagées dans la zone de Bama et de Banzon. Les résidus de culture, d’égrenage et de fourrage issus des plaines, disponibles à tout moment, pourraient avoir un impact positif sur l’alimentation des bœufs. À cette disponibilité fourragère, il faut ajouter que les producteurs des villages de Bama et de Banzon ont bénéficié également de formation du projet ASMC sur la nutrition et l’entretien des animaux.
Conclusions
20Le présent travail a permis de mesurer la NEC, la force de traction et la vitesse de traction dans la Région des Hauts-Bassins favorable à l’agriculture au Burkina Faso. Presque 3/4 des bœufs de trait (71,9 %) avait une NEC située entre 3 et 4, et 75 % des bœufs de trait à la force adéquate pour le labour du sol. Cependant, il est vérifié que plus de 50 % des bœufs de trait de la Région des Hauts-Bassins ont une NEC supérieure à 3, par conséquent, aptes au travail en début de campagne humide. Des efforts doivent être faits pour que la totalité des bœufs de trait ait une bonne NEC et la force adéquate pour le labour. En perspective, il conviendrait de réaliser des études plus approfondies sur la conduite alimentaire des bœufs de trait, le suivi sanitaire et leurs dressages afin d’améliorer leurs performances. Pour une région fertile comme les Haut-Bassins au Burkina Faso, il serait judicieux de régler les problèmes de la mécanisation animale afin d’augmenter la production agricole tout en intégrant agriculture et élevage.
Conflits d’intérêt
21Aucun
Remerciements
22Les auteurs de cet article voudraient remercier l’USAID pour le financement de ce travail qui a été fait dans le cadre du Projet de Mécanisation Agricole Appropriée (Appropriate Scale Mechanization Consortium ASMC). Ce projet rentre dans le cadre des activités du laboratoire d’intensification (SIIL, Sustainable Intensification Innovation Lab). Nos remerciements vont à l’endroit des producteurs de la Région des Hauts-Bassins qui ont pris part à l’étude.
Bibliographie
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Pour citer cet article
A propos de : Vinsoun Millogo
Burkinabé, PhD, Enseignant-Chercheur, Université Nazi Boni, Institut du Développement Rural, Laboratoire de recherche et d’enseignement en santé et biotechnologie animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso. vinsoun.millogo.idr.unb@gmail.com
A propos de : Michel Kéré
Burkinabé, PhD, Enseignant-Chercheur, Université Nazi Boni, Institut du Développement Rural, Laboratoire de recherche et d’enseignement en santé et biotechnologie animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
A propos de : Toundji Olivier Amoussou
Béninois, Doctorat Unique, Enseignant-Chercheur, Université Nazi Boni, Institut du Développement Rural, Laboratoire d’Innovation de recherche et d’enseignement en santé et biotechnologie animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
A propos de : Raoul Nikiema
Burkinabé, Ingénieur, Attaché de Recherche, Université Nazi Boni, Institut du Développement Rural, Laboratoire de recherche et d’enseignement en santé et biotechnologie animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.
A propos de : Albert Barro
Burkinabé, Doctorat Unique, Chercheur, Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles, 04 BP 8645, Ouagadougou 04, Burkina Faso.
A propos de : Timothy Harrigan
Américain, PhD, Enseignant-Chercheur, Michigan State University, Department of Biosystems and Agricultural Engineering, 524 S. Shaw Lane #120B, East Lansing, MI 48824, USA.
A propos de : Robbert Burdick
Américain, PhD, Enseignant-Chercheur, 4Tillers international, 10515 OP Ave E Scotts, MI 49088, USA.
A propos de : Geogres Anicet Ouedraogo
Burkinabé, Professeur, Enseignant-Chercheur, Université Nazi Boni, Institut du Développement Rural, Laboratoire de recherche et d’enseignement en santé et biotechnologie animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.