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- Volume 40 (2022)
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Impacts des amendements organiques sur les caractéristiques physico-chimiques d’un sol ferrallitique du Sud-Bénin
Résumé
L'agriculture urbaine et périurbaine est aujourd'hui confrontée aux problèmes d'appauvrissement des sols, en particulier en matière organique, et de perte d'eau par évaporation. Pour aider les agriculteurs à faire face à ces aléas, la présente étude propose d'évaluer des amendements en Bois raméal fragmenté (BRF) et en litière de volaille (LV) en termes d'économie d'eau et d'amélioration de propriétés physico-chimiques des sols.
Pour ce faire, un dispositif expérimental de huit traitements randomisés en quatre blocs a été mis en place et des mesures de température des sols, de teneur et de succion en eau ont été effectuées in situ. Les traitements sont constitués de deux volumes d'eau d'irrigation (V1 et V2=0,5V1) et des amendements de sol ou non (45t.MS/ha de BRF et/ou 15t.MS/ha de LV). En parallèle, des échantillons composites de sol ont été prélevés sur chaque parcelle tous les trois mois et analysés au laboratoire pour déterminer l’évolution de quelques propriétés chimiques caractérisant la fertilité des sols. Les résultats ont montré que pour les essais V1, les amendements BRF-LV et LV ont réduit légèrement l’évaporation en maintenant la teneur en eau plus élevée que ceux avec BRF seuls et témoin. Toutefois, pour les essais avec V2, les amendements BRF et BRF-LV ont limité davantage l'évaporation puisque la teneur en eau se maintient plus élevée en comparaison à celle des témoins et LV pour les essais avec un volume d’arrosage limité (V2), et ce tout au long des 9 mois de l’étude. Toutefois, la température du sol n’a pas montré une différence remarquable entre les traitements. Les caractéristiques chimiques du sol ont montré que la teneur en matière organique et la concentration en phosphore ont augmenté à partir du 3e mois indiquant ainsi une amélioration de la qualité des sols. Un suivi à long terme des caractéristiques physiques du sol et une étude en milieu contrôlé vont permettre de confirmer les avantages de ces types d'amendements.
Abstract
Impacts of organic amendments on the physico-chemical characteristics of a ferrallitic soil in southern Benin
Urban and peri-urban agriculture is now faced with the problems of soil depletion, especially in organic matter, and water loss through evaporation. To help farmers cope with these hazards, this study proposes to evaluate the importance of Ramial Chipped Wood (RCW) and poultry litter (PL) amendments in terms of water saving and soil fertility improvement. To this end, an experimental design of eight randomized treatments in four blocks was set up and soil temperature, water content and suction measurements were carried out in situ . The treatments included two volumes of irrigation water (V1 and V2=0.5V1) and soil amendments or not (45t.DM/ha of RCW and/or 15t.DM/ha PL). In parallel, composite soil samples were taken from each plot at a frequency of three months, and analyzed in the laboratory to determine the evolution of some chemical properties characterizing soil fertility. The results show that for the V1 trials, RCW-PL and PL amendments slightly limit evaporation by maintaining the water content higher than those with RCW alone and control. However, for the V2 trials, RCW and RCW-PL amendments limited evaporation more since the water content was maintained higher compared to the control and PL for the trials with limited watering volume (V2), and this throughout the 9 months of the study. However, soil temperature did not show a marked difference between treatments. Soil chemical characteristics show that organic matter content and phosphorus concentration increase from the 3rd month onwards, indicating an improvement in soil quality. Long-term monitoring of soil physical characteristics and a study in a controlled environment would confirm the advantages of this type of amendment.
Table des matières
Introduction
1L’approche d’une agriculture intelligente face au changement climatique, élaborée par la FAO et dont les objectifs sont l'accroissement durable de la productivité, l'augmentation de la capacité d'adaptation et de la résilience face aux perturbations climatiques et à la dégradation de la fertilité des sols, et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (FAO, 2017). Cette approche appelle tous les acteurs à sa mise en œuvre pour la redynamisation du secteur agricole et est reconnue comme l’une des pistes qui restent aujourd’hui à explorer en Afrique pour maintenir les agriculteurs et principalement les maraîchers dans nos villes et périphéries.
2En effet, les agriculteurs des villes et contrées de ville d’Afrique sont généralement limités par la superficie de terres cultivables. Dans ce même contexte, ils sont appelés à faire face à la perte de fertilité des sols en perpétuelle décroissance, et la mauvaise répartition spatio-temporelle des pluies, due aux changements climatiques (Allagbé, 2014) afin de pouvoir satisfaire les besoins alimentaires de la population en pleine croissance.
3Pour renverser la tendance de la dégradation des sols de ces dernières décennies, plusieurs études ont été entamées. Celle de Biaou et al., (2017) a permis de caractériser la baisse de fertilité en zone tropicale par la diminution rapide du stock de matières organiques et l’apparition de carences en azote, phosphore et divers éléments dues à la mise en culture des terres. Outende (2017) a signalé que l’érosion et le lessivage des sols et les mauvaises techniques culturales ont fait partie des principales causes de dégradation des sols. À cet effet, Kowaljow et Mazzarino (2007) ont proposé qu’il faille désormais se pencher sur l’usage des matières organiques pour réduire les risques de pollution et améliorer les caractéristiques physico-chimiques et hydriques à savoir: la structure des sols, la capacité de rétention en eau, le taux des nutriments dans le sol et l’activité microbienne du sol.
4L’amendement des sols avec les Bois raméal fragmenté (BRF) est reconnu comme solution efficace pour faire face à ces défis. C’est une technique agroforestière mise en place à l’Université Laval dans les années 80 (Lemieux, 1986) et contribue à l’aggradation des sols aussi bien en régions tempérées que tropicales. Plusieurs auteurs ont montré l’effet positif des BRF sur la santé des sols. Robert et al., (2014) ont montré que l’amendement des sols avec les BRF provenant des bois de la zone tempérée a réduit la pression des adventices et a amélioré les propriétés du sol et le rendement des cultures de tomates. D’autres auteurs ont montré que l’application des BRF a amélioré les propriétés physiques et chimiques du sol (Barthès et al., 2010; Félix et al., 2018a, 2018b; Hattab et al., 2015; Kindiela et al., 2019). Contrairement aux fientes et litières de volailles, boues des animaux, etc. dont leur contribution à l’amélioration de la fertilité des sols est explorée dans plusieurs études au Bénin (Biaou et al.,2017), la technique d’utilisation des BRF n’a pas encore été utilisée. Elle n’a pas été explorée dans cette région pour savoir quelle essence de BRF pourra permettre d’améliorer la santé des sols en vue de garantir la durabilité du système de production maraîchère. Les premières études menées par Daassi et al., (2020) ont permis de démontrer les différences en propriétés chimiques du tronc et des bois raméal fragmenté de Gmelina arborea et de Sarcocephalus latifolius, afin d'examiner l'applicabilité des BRF dans les amendements du sol. Sur les propriétés chimiques du Gmelina arborea, les auteurs ont observé des teneurs en azote plus élevées sur les BRF provenant des petites branches et écorces (0,5±0,1%) comparativement aux troncs de cet arbre (0,1±0,0%). Ces différences sont également prouvées, d’une part sur la richesse en minéraux plus importante sur les BRF et d’autre part sur la teneur et structure des constituants structuraux (24,6% versus 26,7% pour respectivement la teneur en lignine des BRF et le Tronc). À l’issue de leurs résultats, les auteurs ont trouvé opportun d’expérimenter ces BRF comme amendement des sols agricoles.
5C’est dans cette dynamique que la présente étude s’engage à rechercher l’importance de l’amendement des sols du Sud-Bénin en bois raméal fragmenté provenant de Gmelina arborea, une essence tropicale poussant naturellement en Inde et autres régions en Asie introduite en plantation dans les terrains du Lycée de Sékou (Gercourt 1997) avec une forte extension. Il a été combiné avec la litière de volaille (matière organique d’origine animale la plus utilisée dans le milieu d’étude à cause de sa disponibilité), pour comparer leurs potentialités d’amélioration physico-chimiques et hydriques du sol et ainsi que leur potentiel de réduire le besoin en eau habituellement apportée en culture irriguée. C’est pour la première fois que le potentiel d’apport de BRF provenant de l’essence tropicale Gmelina arborea est investigué.
Matériels et méthode
Milieu d’étude
6La présente étude de 9 mois, soit de mai 2018 à janvier 2019, a été réalisée au jardin potager du Lycée Agricole Médji de Sékou (LAMS), situé à environ 45 km de Cotonou, capitale économique du Bénin. Installé dans la commune d’Allada, précisément dans l’arrondissement de Sékou, le lycée est limité au Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest respectivement par les communes de Toffo, de Tori-Bossito, de Zê, de Kpomassè, et de Bopa (figure 1). Localisable géographiquement entre 2°8’ et 2°16’ longitude Est et entre 6°35’ et 6°40’ latitude Nord, elle se situe dans un climat subéquatorial caractérisé par deux saisons de pluie qui s’étendent de mi-mars à juillet et de septembre à novembre et deux saisons sèches dont la plus grande s’étend de novembre à mi-mars (Sylla et al., 2016). La variation des paramètres climatiques, tels que l’évapotranspiration potentielle (ETP), la pluviométrie, la moyenne des températures minimales (TM min) et la moyenne des températures maximales (TM max), est présentée par la figure 2. Il ressort de cette figure que les mois d’avril à juillet sont les plus arrosés dans cette région avec une hauteur de pluie moyenne mensuelle de 159,40 mm. Cette période devra être évitée lorsqu’on cherche à évaluer les possibilités de diminuer la moitié des apports d’eau par irrigation in situ. Le sol au site expérimental est de type ferrallitique et caractérisé par une densité apparente moyenne de 1,55 et des valeurs de pH_Eau, pH_KCl, qui sont respectivement de 5,34±0,06 et de 4,99±0,16. Celles du taux de carbone organique s’élèvent à 1,18±0,11 %, et du phosphore assimilable à 11,86±0,88 ppm.
Figure 1 : Localisation de la zone d’étude.
Source : Météo-Bénin (2018)
Figure 2 : Valeurs moyennes mensuelles des paramètres climatiques du milieu : ÉTP, pluie et température.
Amendements organiques
7Les Bois raméal fragmenté (BRF) utilisés pour les traitements sont des branches de Gmelina arborea de 5 ans d’âge (voir photos 1 et 2 en annexe). Cette essence a été retenue parce qu’elle a une croissance rapide (Khushi et al., 2019) et est abondante non seulement dans l’enceinte du lycée, mais également en plantations courantes dans le sud du Bénin. Les branches de diamètre inférieur à 7 cm ont été déchiquetées à l’aide d’une fragmenteuse et le produit issu est utilisé pour amender les parcelles concernées (voir photo 3 en annexe).
8Pour des fins de comparaison avec l’amendement usuel des producteurs, en particulier celui des maraîchers, la litière de volaille a été retenue pour l’expérimentation. Cet amendement provient du mélange des résidus de bois déposés au sol et des rejets des poules pondeuses élevées au LAMS. Ces résidus assurent la propreté du milieu et la protection des œufs après la ponte. Après le nettoyage du poulailler, la litière de volaille est séchée au soleil avant son usage comme amendement.
9La composition minérale des amendements en Bois raméal fragmenté (BRF) et en Litière de Volaille (LV) est présentée dans le tableau 1.
Tableau 1 : Composition minérale des amendements en BRF et LV
Amendements |
Carbone (g.kg-1) |
Azote (g.kg-1) |
Phosphore (mg.kg-1) |
Potassium (mg.kg-1) |
Calcium (mg.kg-1) |
Magnésium (mg.kg-1) |
BRF |
499±1 |
5,0±0,0 |
537±4,0 |
5149±36 |
6059±31 |
2151±28 |
LV |
322±9 |
21,0±1,0 |
5021±89 |
8733±23 |
9123±76 |
4831±94 |
Dispositif expérimental
10Le dispositif expérimental mis en place dans le cadre de cette étude est un split plot en quatre blocs à savoir B1, B2, B3 et B4 (Figure 3). Les facteurs sont le volume d’eau d’arrosage en parcelles principales, l’application des amendements en sous-parcelles. Les deux modalités du facteur volume d’eau sont V1 et V2. Le volume V2 représente la moitié de la quantité d’eau V1 apportée. Pour le second facteur, nous avons des amendements ou non du sol en matière organique présentés par BRF, LV, BRF-LV et Témoins. Chaque parcelle amendée avec du Bois Raméal Fragmenté (BRF) de G. arborea reçoit 45 t.MS/ha. Quant à la litière de volaille (LV), 15 t.MS/ha sont appliquées. Les quatre sous-parcelles de ce second facteur sont répétées deux fois dans un même bloc, l’une pour recevoir le volume V1 et l’autre pour recevoir V2. Ainsi présenté, nous avons au total trente-deux (32) unités expérimentales réparties de façon aléatoire avec les huit traitements : (i) BRF-V1 (ii) BRF-LV-V1 ; (iii) Témoin-V1 ; (iv) LV-V1 ; (v) BRF-V2 (vi) BRF-LV-V2 ; (vii) Témoin-V2 ; (viii) LV-V2.
11La répartition des traitements a été faite de façon aléatoire en utilisant la fonction ALEA du tableur Excel. Cette même fonction a été utilisée pour celle des volumes d’eau : V1 et V2.
Figure 3 : Dispositif expérimental.
Conduite de l’expérimentation
12Au total, 11 790,3 litres d’eau ont été appliqués sur chacune des parcelles marquées V1 pendant la période de l’essai, soit en moyenne 5 mm par jour non pluvieux. Ce seuil a été fixé en tenant compte d’une part de la valeur moyenne de la densité apparente (1,55), de l’humidité à la capacité au champ (32,2%), celle au point de flétrissement permanent (17,3%) et d’autre part sur la climatologie du milieu (Calcet et al.,2016).
13Les mesures in situ ont été réalisées avec les appareils Watermark et Procheck. L’appareil Watermark avait permis d’enregistrer les données de tension interstitielle. Il est fort de constater que moins il y a d’eau dans le sol, plus cette tension est élevée et plus il est difficile à la plante d’extraire cette eau (Kulagowski and Giraud, 2012). Le Procheck quant à lui a permis d’avoir les données de température, de teneur en eau et de conductivité électrique du sol. Toutes ces données sont collectées hebdomadairement en matinée à partir de cannes installées à 20 cm de profondeur sur certaines parcelles (figure 3). Pour le suivi de la qualité des sols, il a été réalisé des prélèvements d’échantillons sur toutes les parcelles tous les trois mois.
14Les analyses de sol ont été réalisées au Laboratoire de Science du Sol (LSS) de la Faculté des Sciences Agronomique (FSA), Université d’Abomey-Calavi (UAC-Bénin) suivant le protocole de Mathieu et Pieltain (2003). Les paramètres suivants ont été analysés : la teneur en matière organique (en %) déterminée par la méthode de la combustion sèche et la teneur en carbone organique (en %) est obtenue en utilisant le coefficient 1,724 ; le phosphore assimilable (ppm) déterminé par la méthode de Bray1, ainsi que le potentiel d’hydrogène (pH_Eau et pH_KCl) par la méthode potentiométrique.
Analyses statistiques des données
15Le logiciel R 4.0.3 (R Core team 2020) a été utilisé pour analyser et traiter les données d’humidité du sol, de température du sol, de tension interstitielle et de conductivité électrique du sol. Il a été utilisé pour dégager la relation entre ces paramètres mesurés in situ à travers une analyse en composante principale et pour traiter les résultats d’analyse de sol issus du LSS, après avoir vérifié les conditions de normalité (Shapiro and Wilk, 1965) et d’homoscédasticité (Snedecor and Cochran, 1956). Le test de Tukey HSD a été utilisé pour séparer les moyennes dans le cas d’un effet significatif d’un facteur ou de l’interaction entre facteurs au seuil de 5 %.
16Afin d’apprécier l’effet des traitements sur la qualité chimique du sol, des échantillons composites de sol ont été prélevés sur chaque parcelle à une fréquence de trois mois. Les variations de quatre paramètres à savoir le taux de carbone organique, phosphore, pH Eau et pH KCL, lesquels ont été analysés au Laboratoire des Sciences du Sol (LSS), sont présentées sur ces échantillons. Les dates de prélèvements des échantillons sont les suivantes :
-
1er mai 2018 : prélèvement avant amendement des sols avec les matières organiques ;
-
30 juillet 2018 : prélèvement effectué après trois mois de l’amendement des sols ;
-
29 octobre 2018 : deuxième prélèvement après amendements ;
-
23 janvier 2019 : troisième et dernier prélèvement du sol.
Résultats
Influence des traitements sur les paramètres physiques de sol
Analyse statistique des variables mesurées in situ
17Le tableau 2 présente les résultats de corrélation entre les variables (tension interstitielle, conductivité électrique, température et teneur en eau) étudiées et chacune des trois dimensions de l’analyse en composantes principales (ACP) tandis que la figure 4 présente les résultats de l’ACP.
Tableau 2 : Corrélation entre variables étudiées et les composantes.
Variables étudiées |
Dim.1 |
Dim.2 |
Dim.3 |
Tension interstitielle |
-0.6592716 |
-0.28667532 |
0.62350967 |
Conductivité électrique |
-0.1338266 |
0.95407854 |
0.26798493 |
Température |
0.7028610 |
-0.13960675 |
0.57087910 |
Teneur en eau |
0.7798216 |
0.04720099 |
0.05857372 |
Figure 4 : Résultats d’analyse en composantes principales des propriétés physiques du sol.
18De l’analyse du tableau 2, on peut affirmer que toutes les variables étudiées (tension, conductivité électrique, température et teneur en eau) sont représentées dans les deux premières dimensions. La dimension 1 a expliqué à 38,87% les variables et la dimension 2 25,35%, soit un total de 64,22 %. La Dim 1 (axe 1) est négativement corrélée à la tension interstitielle et positivement corrélée à la température et à la teneur en eau alors que la Dim 2 (axe 2) est positivement corrélée à la conductivité électrique.
19La température et la teneur en eau ont évolué dans le même sens et en opposition à la direction de la tension interstitielle de l’eau des pores (figure 4). Autrement dit, lorsque la température a augmenté, la teneur en eau dans le sol a aussi augmenté, ainsi ces augmentations ont conduit à une diminution de la tension interstitielle. La disponibilité de l’eau dans le sol va amener les cultures à exercer moins de pression pour satisfaire leur besoin hydrique. C’est ce que laisse comprendre l’opposition de la tension interstitielle de l’eau des pores avec la teneur en eau. Elles peuvent donc être considérées comme des variables réponses pour expliquer la disponibilité de l’eau dans le sol.
Effet des traitements sur la variation de la teneur en eau du sol
20La figure 5 a présenté les variations de la teneur en eau observée par apport aux volumes d’eau V1 et V2.
Figure 5 : Variations de la teneur en eau en fonction des volumes d’eau appliqués : V1 et V2
BRF, LV, BRF-LV et T indiquent respectivement les traitements en Bois raméal fragmenté, Litière de Volaille, Bois Raméaux Fragmenté et Litière de Volaille combinés et les témoinBRF indique Bois Raméal Fragmenté; LV pour Litière de Volaille; BRF-LV pour Bois Raméaux Fragmenté et Litière de Volaille combinés ; T pour témoin.
21La figure 5 a indiqué qu’en appliquant le volume V1, la teneur en eau du sol est moins élevée sur les parcelles amendées avec BRF seul comparativement aux sols amendés avec des litières de volailles (LV) et BRF-LV. Les parcelles n’ayant reçu aucun amendement (témoin) sont les plus faibles en teneur en eau. Sous le traitement de volume d’eau V2, les parcelles amendées avec BRF ont des teneurs en eau significativement élevées (comparativement aux témoins : p =0,006 et comparativement aux LV : p= 0,018), tout comme la combinaison des deux types d’amendements (BRF-LV). Courant les premiers mois de l’expérimentation, la teneur en eau est plus faible sous les traitements avec litières de volaille comparativement aux autres traitements y compris les parcelles sans amendement. À partir du début du mois de novembre (sept mois après l’amendement des parcelles), c’est ce dernier (T-V2) qui devient plus faible que les traitements litières de volaille. Les litières de volailles ont absorbé probablement une quantité importante d'eau augmentant l’humidité du sol et quand l'évaporation a augmenté, l’eau s’est libérée tandis que les BRF ont réduit la quantité d’eau évaporée. L’infiltration a été favorisée sur les parcelles amendées avec BRF, ce qui explique l’humidité des sols amendés avec BRF moins élevée que celle observée sur les parcelles amendées avec des litières de volailles en apports de V1.
22Les résultats d’analyse de variance ont témoigné que l’interaction entre BRF-LV et les volumes d’eau n’a pas présenté d’effet significatif sur la teneur en eau du sol (p = 0,260). Autrement, la teneur en eau sur les parcelles BRF-LV qui a reçu V1 (BRF-LV-V1) n’est pas significativement différente de la teneur en eau que l’on observe sur les parcelles ayant reçu les deux types d’amendements avec l’application de V2 (BRF-LV-V2). L’amendement des sols en BRF-LV a induit donc une économie d’eau significative, tout comme l’amendement BRF qui a présenté les mêmes performances.
23La section qui suit va renseigner sur la dynamique de la température par rapport aux amendements.
Effet des traitements sur la variation de la température
24La Figure 6 montre les variations de température en fonction des traitements et du volume d’arrosage V1 et V2.
Figure 6 : Variations de la température en fonction des volumes d’eau appliqués : V1 et V2.
25L’analyse des données de température a montré qu’au bout de quelques mois de l’essai, les parcelles amendées avec BRF sont relativement plus chaudes en apport V1 comme en V2. Pour l’essai avec V1, la température du sol s’est maintenue en général plus basse pour le témoin que les autres traitements. Par contre, pour l’essai avec V2, c’est le traitement LV qui a présenté de manière globale une température plus faible dans le temps en comparaison aux autres traitements incluant le témoin. En traitements V1, les variations de température sont restées plus faibles sur le traitement BRF (1,26) que sur les traitements LV (1,36). Il en est de même sous les traitements en apport en eau V2.
Influence des traitements sur le statut nutritif du sol
26La figure 7 présente l’influence des amendements sur les caractéristiques chimiques du sol du début mai 2018 au début janvier 2019 à intervalle de 3 mois.
27Les traits pleins ont présenté la moyenne pour chaque traitement et à différentes phases de prélèvement et les ombres correspondent aux écarts-types. La couleur de chaque traitement est indiquée sur la figure pH_eau (en V1) : BRF, LV, BRF-LV et T indiquent respectivement les traitements en Bois raméal fragmenté, Litière de Volaille, Bois Raméaux Fragmenté et Litière de Volaille combinés et les témoins.
Figure 7 : Influence des amendements organiques sur les caractéristiques chimiques du sol : pH, carbone organique et phosphore.
28Les traits pleins ont présenté la moyenne pour chaque traitement et à différentes phases de prélèvement et les ombres correspondent aux écarts-types. La couleur de chaque traitement est indiquée sur la figure pH_eau (en V1) : BRF, LV, BRF-LV et T indiquent respectivement les traitements en Bois raméal fragmenté, Litière de Volaille, Bois Raméaux Fragmenté et Litière de Volaille combinés et les témoins.
pH et pH_KCL du sol
29Après trois mois, le pH a diminué avec le temps pour les traitements avec BRF et BRF-LV, alors qu’il a augmenté pour ceux avec LV et témoin.
30Le pH_KCL du sol a montré une évolution à la baisse dans le temps (au cours des neuf mois de l’essai) sur les traitements en BRF-LV, et ce sous l’apport du volume d’eau V1 comme en V2. Sous l’amendement LV, nous avons noté une diminution au bout de trois mois, puis une augmentation les mois suivants.
Teneur en carbone organique
31Le traitement BRF-LV a montré une augmentation significative en carbone durant les 9 mois en particulier pour l’essai avec V1, en comparaison avec BRF seul. Avec V2, c’est l’inverse. Le traitement BRF a montré une augmentation plus importante que le traitement BRF-LV.
32Des variations significatives sont observées au bout de trois (3) mois sur la teneur en matière organique pour le traitement LV qui est passé de 0,98±0,27 à 1,41±0,12 sous V1 et 1,15±0,21 à 1,27±0,12 (Figure 7), entre la phase initiale et trois mois plus tard. Toutefois, après 9 mois, la matière organique est revenue aux conditions initiales, indiquant une décomposition rapide des LV en comparaison aux traitements BRF (V2) et BRF-LV (V1 et V2). Des retours presque aux conditions initiales sont généralement observés sur l’amendement LV au bout de 9 mois, ce qui témoigne de la courte durée de décomposition de la LV contrairement au traitement BRF-LV qui a montré une augmentation significative pour V1, et dans une moindre mesure pour V2.
Phosphore
33Aussi, on peut indiquer que le traitement BRF-LV a permis de maintenir le sol fertile pendant toute la période de l’essai, sous l’application de V1 comme V2 (phosphore assimilable respectivement de 11,41±1,55 ppm, 12,61±1,02 ppm, 12,831±1,88 ppm, 14,27±3,02 ppm). Quant à l’amendement avec uniquement les BRF de G. arborea, il faut un temps nécessaire pour sa décomposition afin qu’il puisse contribuer efficacement à l’amélioration de la fertilité du sol.
Discussion
34Cette étude réalisée en milieu tropical a permis de révéler l’importance de l’amendement des sols en termes d’économie d’eau et en termes d’amélioration des propriétés chimiques des sols. Elle a présenté également la relation entre les variables mesurées in situ (tension, conductivité électrique, teneur en eau et température). Sur cette dernière, nos résultats ont montré que la chaleur est importante pour que l’eau se libère des particules organiques/solides du sol. Selon Outende (2017), la teneur en eau est conditionnée par la libération d’eau lors de la décomposition de la matière organique produite au cours du processus de dégradation. Nos résultats vont également dans le même sens que ceux de Musy et Soutter (1991) qui ont révélé à travers la courbe caractéristique d’humidité que lorsque la teneur en eau a diminué dans un sol, la tension interstitielle de l’eau va augmenter dans le même sol. En se basant sur des résultats de laboratoire, Vallée (2015) a mis en relation la teneur en eau volumique (cm3 eau / cm3 sol) en fonction du potentiel matriciel (kPa) et a abouti à des conclusions similaires.
35L’influence des amendements en matière organique est expliquée dans les études de Tremblay et Beauchamp (1998), Noël (2006), Rey et al. (2009). Selon ces auteurs, l’amendement des sols avec le BRF a induit la création de macropores, conséquence de la forte infiltration de l’eau dans les sols. En régime d’économie d’eau, on a noté des teneurs en eau sur les BRF plus élevées que celles observées sur les parcelles témoins. Ce résultat a corroboré les recherches de Beauchemin et al., (1990) et Tremblay et Beauchamp (1998) qui ont noté une meilleure humidité dans l’horizon 0-20 cm, indicatrice d’une meilleure rétention en eau du sol des parcelles à BRF. Ces résultats ont rejoint également ceux de Meyer (2013) qui ont signalé que les BRF ont des effets positifs sur l’humidité du sol. Sur les parcelles avec BRF, l’auteur a observé une plus grande humidité du sol et une meilleure stabilité de cette humidité dans le temps, notamment face à des épisodes de sécheresse, particulièrement en début de campagne.
36Les résultats sur la faible variabilité de la température en parcelles amendées avec BRF sont conformes aux études de Davy (2011) qui a trouvé des variations journalières de la température des sols moins élevées sous BRF. Ils ont montré également que les BRF ont suscité une forte diminution des amplitudes de température du sol. Pour Maët Le Lan (2010), le traitement BRF a induit un faible réchauffement des sols par rapport au traitement témoin, et la température sur celui-ci varient nettement moins que celles du traitement témoin. Ils ont affirmé aussi que les BRF ont joué le rôle « d’isolant ». Nos résultats sur la forte température en BRF ne sont pas conformes à ceux de ces auteurs, du fait que cette étude a été menée en pleine période de décomposition des matières organiques.
37Les résultats sur la modification de l’acidité du sol sont conformes aux études de Kerrouchel et al., (2020), qui ont noté que les litières de volailles tout comme les BRF ont amélioré les caractéristiques physiques et chimiques des sols.
38Les résultats de la décomposition rapide des litières de volailles ont été appuyés par ceux de Nyembo et al. (2014), qui ont affirmé que les fientes de poule ont présenté un grand potentiel pour l’amélioration de la disponibilité des éléments nutritifs dans le sol. Plusieurs auteurs, dont Onana Onana (2007), ont montré des résultats similaires et ont déduit que la fiente de volaille est un engrais naturellement nutritif pour les plantes notamment en phosphore et en potassium.
39Dans le même sens, Marche et Noël (2017) ont signalé que les BRF ont participé à l’augmentation des fractions les plus stables de la matière organique en les laissant se décomposer pour contribuer à la fertilité du sol.
40Les études de Massicotte et al., (2000) ont affirmé qu’il y a transport des particules fines lorsque les sols sont très arrosés. Au cours de ce transport expliqué par le lessivage des terres, les éléments ou les composés solubles ou faiblement liés aux particules de sol sont entraînés en profondeur par l’eau. Le sol sur lequel a été réalisée notre étude est exposé aux mêmes conséquences, ceci a été expliqué par la baisse significative du taux de carbone organique en apport V1 à partir du sixième mois de l’essai en comparaison à V2. En effet, c’est un phénomène naturel et inévitable qu’il faut nécessairement minimiser par l’application des volumes d’eau réellement utiles aux plantes pour maintenir stables les caractéristiques du sol dans les conditions optimales de croissance des cultures (Massicotte et al., 2000).
Conclusion et perspectives
41Les études réalisées sur sol ferrallitique du Lycée Agricole Médji de Sékou nous ont permis de tester les potentialités des amendements avec les BRF provenant des branches de Gmelina arborea et LV en termes d’économie d’eau d’une part et d’amélioration de la fertilité des sols d’autre part.
42Au terme de cette étude, l’association des deux types d’amendements, soit BRF-LV a permis une économie d’eau durant les neuf premiers mois d’amendement des sols ; la LV a retenu l’eau à la couche supérieure du sol, alors que les BRF de Gmelina arborea ont favorisé l’infiltration. En combinant ces deux types d’amendements, les premiers mois, les exploitants vont garantir un prélèvement facile de l’eau aux plants installés sur leurs parcelles, car une teneur en eau élevée est garantie sur celles-ci.
43Sur les caractéristiques du sol, on a observé la température la plus élevée sur les parcelles amendées avec BRF de Gmelina arborea, mais avec de faibles variations. C’est un atout en ce sens que la plupart des cultures tolèrent une faible variation de température. Quant aux traitements LV, un taux de carbone organique plus élevé est observé à partir des conditions initiales, contrairement aux amendements avec BRF qui devront attendre six à neuf mois. Conséquemment, cet amendement BRF est efficace, mais tardif en amélioration du contenu en matière organique. Sur les amendements avec les LV, l’amélioration de la fertilité du sol est démontrée, mais va durer que quelques mois à cause du taux de minéralisation plus élevé pour cet amendement. Pour maintenir cet apport opportun pour le sol pendant une importante durée, la combinaison des deux types d’amendements est recommandée les premiers mois. Cette étude a démontré l’importance de l’agroforesterie en ce qui concerne le partage des connaissances et des expertises sur la matière lignocellulosique en démontrant la contribution importante de l’apport des BRF de l’essence tropicale Gmelina arborea pour l’augmentation du carbone organique et du phosphore des sols traités.
44Il est reconnu que les parcelles n’ont pas eu les mêmes propriétés physico-chimiques en début d’essai. À cet effet, nous recommandons une étude plus ciblée pour mieux dégager le temps requis pour profiter des avantages de tels amendements organiques.
45L’économie d’eau n’a pu être analysée de manière rigoureuse, car le design de l’essai ne limitait pas l’apport en eau de pluie sur les parcelles. Une étude en milieu contrôlé va permettre de dégager avec certitude les atouts de ces amendements organiques par rapport aux économies potentielles d’eau. Malgré ces avantages signalés, le suivi des paramètres du sol tout au long d’une année nous permettrait de comprendre leur dynamique sur une longue durée et une étude en milieu contrôlé pour un suivi rigoureux des deux différents régimes d’eau.
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Pour citer cet article
A propos de : René Bodjrènou
Université d’Abomey-Calavi, Laboratoire d’Hydraulique et de Maîtrise de l’Eau (LHME-INE), Bénin. Université d’Abomey-Calavi, Laboratoire des Sciences du Sol (LSS-FSA), Bénin. Auteur correspondant : renebodjrenou@gmail.com ; tel : 00229 94-15-90-35.
A propos de : Rodrigue Daassi
Université Laval, Département des sciences du bois et de la forêt, Québec. Université d’Abomey-Calavi, Laboratoire des Sciences du Sol (LSS-FSA), Bénin.
A propos de : Bernard Ahamidé
Université d’Abomey-Calavi, Laboratoire d’Hydraulique et de Maîtrise de l’Eau (LHME-INE), Bénin. Université d’Abomey-Calavi, Laboratoire des Sciences du Sol (LSS-FSA), Bénin.
A propos de : Diane Germain
DG Environnement, Québec.
A propos de : Tatjana Stevanovic
Université Laval, Département des sciences du bois et de la forêt, Québec.
A propos de : Damase Khasa
Centre d’étude de la forêt et Institut de biologie intégrative et de systèmes (IBIS), Université Laval, Québec.
A propos de : Guillaume Amadji
Université Laval, Département des sciences du bois et de la forêt, Québec