Musées de l’immigration : entre phénomène migratoire, mémoire, patrimoine et identité
Résumé
En tant qu’institutions mémorielles, les musées jouent un grand rôle dans la construction identitaire. Les représentations du passé et du patrimoine culturel local sont essentielles pour le développement de l’identité nationale ou régionale. La transformation d’anciennes installations qui accueillaient les immigrés – comme Ellis Island à New York – dans des sites mémoriels (lieux de mémoire) qui mettent en scène leurs histoires est un point important dans le processus de création d’un patrimoine dédié à l’histoire de l’immigration. Grâce à cette patrimonialisation des mémoires d’immigrés, un nouveau discours sur l’immigration et l’identité se met en place : les mémoires souvent oubliées – un oubli volontaire parfois – trouvent leur place dans les musées et permettent de créer un récit narratif sur l’immigration à partir de récits personnels. Pourtant, la mise en musée de l’histoire de l’immigration reste un défi dans le paysage muséal international. Ainsi, plusieurs questions se posent : En quoi consiste le patrimoine de l'immigration ? Comment mettre en musée l’immigration ? Les tentatives de représentation des immigrés dans l’espace muséal reflètent-elles un paradigme national ?
Abstract
Public sites increasingly harbor the memories of migrants in their diversity and specificity, making audible and visible versions of the past that had been occluded or simply neglected. Museums increasingly believe that you empower immigrants by remembering and redeeming their memories, which have often been absent from national narratives. The transformation of old facilities that used to receive and accommodate immigrants – such as Ellis Island in New York – into sites that revive their histories shows a transformation in attitudes towards immigration, which has changed the status of “diaspora” and has given visibility to a range of cultural identities. Changing migrants’ relationship with their identity: from overseen and transitory memories to recognition and empowerment. The integration of migration history continues to be a challenge within museum spaces and narratives even though it is an increasingly notable feature of the international museum landscape. Thus, it raises a lot of questions such as: What is Migration heritage? How to exhibit immigration? Do attempts at representing migrants mirror a national paradigm?
1La catégorie des musées d’histoire et de société qui traitent de la thématique de l’immigration date d'une quarantaine d’années. Leurs projets apparaissent à la fin des années 1970-1980 et constituent donc une catégorie récente de musées qui doit être analysée par sa pertinence dans le contexte actuel.
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3Grâce à l’apport de la Nouvelle Muséologie, apparue dans les milieux spécialisés dans les années 1980, s’est constitué un mouvement de contestation et de rénovation dans le milieu muséal qui vise à valoriser l’apport des sciences humaines et sociales ainsi qu’à renouveler les modes de rapport traditionnels des établissements muséaux au public. L’objectif principal est donc de mettre en place un renouveau des institutions muséales comme un instrument de développement participatif au service de la société. Les communautés concernées sont ainsi souvent placées au cœur même de la mission de ces institutions, en développant de nouvelles pratiques de création d’expositions centrées sur un processus participatif et polyphonique.
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5L’objet muséal devient un support des récits et mémoires communautaires : objets ethnographiques, création contemporaine ou encore patrimoine culturel immatériel (danses traditionnelles, gastronomie, chansons entre autres) se mélangent pour offrir au visiteur une vision plus intégrale du sujet traité. Leur caractère interdisciplinaire permet de faire apparaître très clairement l’aspect pluriel de l’immigration et le besoin d’analyser ce phénomène sous un regard multidisciplinaire mêlant ainsi histoire, anthropologie et histoire de l’art (grâce à l’apport de l’art contemporain)1. Ce sont donc à la fois, la nature des questions posées par ces musées dans leurs expositions permanentes et l'enchaînement des différents niveaux d’analyse interdisciplinaires qui guident la démarche de représentation de « l’autre immigré » dans le but de créer un récit plus inclusif.
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7En tant qu’institutions mémorielles, les musées jouent un grand rôle dans la construction identitaire. Les représentations du passé et du patrimoine culturel local sont essentielles pour le développement de l’identité nationale ou régionale. Notamment comme la transformation d'anciennes installations qui accueillaient les immigrés, par exemple à Ellis Island, à New York, dans des sites mémoriels qui mettent en scène leurs histoires.
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9En conséquence de cette patrimonialisation des mémoires d’immigrés, un nouveau discours sur l’immigration et l’identité se met en place : les mémoires souvent oubliées, un oubli volontaire parfois, trouvent leur place dans les musées et permettent de créer un récit narratif sur l’immigration à partir de récits personnels.
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11Pourtant, la mise en patrimoine de l'histoire de l’immigration reste un défi dans le paysage muséal international. Ainsi, plusieurs questions se posent : Qu'est-ce que le patrimoine de l’immigration ? Comment exposer l’immigration ? Les tentatives de représentation des immigrés reflètent-elles un paradigme2 national ?3
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13Comment se sont créées les collections conservées dans les institutions muséales dédiées à l’histoire de l’immigration ? Les formes de réécriture, de renégociation et de réappropriation contemporaines d’objets trouvés dans des « lieux de mémoire » (cas américain et brésilien)4 sont-ils à la base de ces collections ?
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15La légitimité de l’objet est ainsi, en elle-même, remise en question : comme le montre bien Gérard Noiriel dans son livre « État, nation et immigration » (Noiriel 2001), l’histoire de l’immigration en France reste un sujet délicat, voire « un objet illégitime », et qui rencontre des obstacles et des problèmes méthodologiques : une vraie « histoire en friche » (Noiriel 2001).
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17La problématique de cet article se situe alors, dans une certaine mesure, au croisement de deux débats contemporains importants : d’un côté, l’étude des migrations, qui s’est récemment intéressée à la dimension culturelle des phénomènes migratoires, et de l’autre, l’étude des institutions muséales qui interroge l’influence des institutions patrimoniales dans la mise en valeur des mémoires et de l’héritage de l’immigration.
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19Mais l’idée est de réfléchir non seulement à la mise en patrimoine mais plutôt à comment exposer l’immigration et sa mise au musée. Comment parler d’immigration et présenter celle-ci lors d’une exposition ? Puisque les musées d’immigration n’ont pas le monopole de la représentation de l’immigration et beaucoup de chercheurs soutiennent même que l’histoire de l’immigration devrait être présente dans des musées d’histoire de la ville ou dans les musées d’histoire nationale. Pour eux, la création d’un musée consacré à l’histoire de l’immigration serait vu comme un échec : un manque d’intégration de l’histoire des immigrés dans l’histoire nationale du pays.
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21Dans cet article, l’objectif est d’ouvrir la discussion sur les points de convergence et les difficultés rencontrées lors de la création d’expositions sur les thématiques liées à l’immigration. Il est centré sur notre recherche doctorale, axée sur la création de discours et de représentations de l'immigration, ouvrant ainsi le dialogue sur les défis et les possibilités que ces musées et ces expositions, en somme ce patrimoine, offrent à la recherche aujourd’hui.5
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1. Le musée comme acteur dans la construction de la mémoire sociale de l’immigration : récits nationaux en Europe et en Amérique
23Dans une certaine mesure, de la vieille Europe au continent américain, la plupart des musées nationaux ont été fondés sur l’idée de valoriser les images et les symboles qui constituent l’identité nationale de chaque pays. Ces « imaginaires nationaux » (Anderson 2002, p. 192) se sont développés pour stimuler une conscience patriotique, renforçant ainsi la cohésion nationale.
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25Est-ce que la construction identitaire et patrimoniale sur le continent américain est-elle différente de celle en Europe ?6
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27La « stratégie » patrimoniale diffère entre le « nouveau monde » et « le vieux continent ». Les différences de représentation du « soi » dans les musées varient sur le continent américain et européen selon les mythes d’origine de chaque pays.
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29Aux États-Unis et au Brésil, les institutions muséales se sont développées dans une approche différente que celle retrouvée dans le processus européen de création de patrimoines nationaux. Si en Europe, les collections se sont plutôt attachées au concept de « chef- d’œuvre », déjà sur le continent américain elles se sont constituées à partir d’objets du quotidien, mis en valeur grâce à leur valeur mémorielle. (Bergeron & Ferey 2013) Les musées dédiés à l’Histoire nationale et à la culture locale (musées de folklore) se sont donc développés plus largement sur le continent américain, tandis qu’en Europe, ce sont les musées d’art qui se sont développés plus fortement. Dans un moment où la décolonisation dans les musées, d’ethnologie et de société principalement, mais aussi, dans les musées d’art, est à l’ordre du jour, les discussions sur l’histoire de l’immigration et l’histoire coloniale sont essentielles.
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31Dans ces deux continents, l’histoire de l’immigration a été mise en musée valorisant, a priori, les récits de « l’altérité » face aux discours sur une identité unique et homogène. Cependant, dans les Amériques, les approches muséographiques restent similaires et comparables puisque l’idée d’un « creuset » de cultures et d’ethnies est présent dans l’imaginaire identitaire national. (Sohat & Stam 2012)
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33Comment l’imaginaire national peut-il cohabiter avec un patrimoine immigré ou, autrement dit, étranger ? Comment des images, des symboles et des chefs-d'œuvre des cultures immigrées peuvent-ils être représentatifs de la nation d’accueil ? Ne serait-ce pas un défi lancé à la définition même de nation ?7
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35Les approches adoptées dépendent ainsi des récits et des modèles culturels nationaux. L’Europe se distingue du Nouveau Monde par une reconnaissance tardive et hésitante de la place de l’immigration dans son histoire officielle même si les pays européens connaissent une réalité sociale très multiculturelle aussi. La plupart des initiatives sont portées par des musées locaux ou par des institutions culturelles déjà mobilisées sur les problématiques interculturelles. Les grandes institutions muséales coexistent avec des petits musées régionaux ou, encore, des initiatives communautaires qui présentent des expositions sur l’apport des cultures issues de l’immigration à la culture nationale.
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37La représentation de l’altérité dans ces musées reste un des points clés à être déconstruit et reformulé pour permettre de dépasser les stéréotypes courants à propos de tous ceux qui sont considérés comme étrangers. « Les recherches sur les migrations se sont considérablement diversifiées ces dernières années en s’appliquant à déconstruire l’image figée que nous avons des migrants, qui plus est des immigrés, terme tenace qui emprisonne trop souvent les expériences de ceux que l’on désigne par cette expression. » (Grosfoguel, Le Bot & Poli 2011, p. 5)
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39Cependant, il semblerait que les musées et expositions consacrées à l’histoire de l’immigration restent, dans la majorité des cas, prisonniers d’un certain nationalisme muséographique. « Élaborés à l’aune de la construction du récit national, inscrits dans la perspective de l’intégration nationale, ils célèbrent la réussite et évoquent parfois ses difficultés ou ses échecs. Il en est ainsi du plus célèbre d’entre eux, l’Ellis Island Immigration Museum de New York. » (Grosfoguel, Le Bot & Poli 2011, p. 6) Les musées constitués à partir d’un lieu de mémoire, à New York et à São Paulo, par exemple, profitent d’un cadre qui attire les visiteurs par leur monumentalité mais aussi par leur mise en scène, favorisant ainsi la migrant experience.8
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41Même si le paysage social de ces pays rend le fait migratoire courant, l’histoire politique et sociale les oblige à traiter des questions de l’immigration avec beaucoup de précautions, afin de faciliter la transmission entre les générations ainsi que les rencontres entre les migrants et les populations d’accueil, à travers le récit de leur histoire personnelle. En outre, le mythe survalorisé du melting-pot et de la démocratie raciale cachent des tensions raciales et sociales problématiques qui transparaissent dans le choix de « célébrer » dans ces musées plutôt une immigration d’origine « blanche » et européenne.9
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43Ainsi, nous pourrions dire qu’au cœur même de ces expositions permanentes censées représenter la mémoire immigrée, règne le plus profond silence sur la réalité de l’immigration. Comme dans bien d’autres nations du continent américain, la colonisation européenne « blanche » a été mise en avant en détriment de la réalité du « nettoyage ethnique » des populations autochtones, lors des processus de colonisation de ces pays, et d’un métissage problématique des populations entrainant des clivages symboliques et socio-économique dans ces sociétés.10
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45Selon Michel Foucault (1970), les discours seraient contrôlés par les règles de l’exclusion. De ce fait, l’exclusion des populations « non-blanches » et « non-européenne » est déjà un indicatif de la situation socio-économique de ces populations. De quels domaines relèvent alors les discours structurants de ces musées : politique, histoire, économie, sociologie, ethnographie, histoire de l’art, art contemporain ou autre ?
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47Par ailleurs, un autre point important à aborder lorsqu’on parle des musées de société et d’immigration, en particulier, est d'aborder la question de l’autre et de reconnaître le discours sur la représentation d’autres cultures dans ces institutions. Comme, les musées d’immigration relèvent donc non seulement de la catégorie de musées d’histoire, mais aussi, de musées de société, ils seraient ainsi susceptibles aux transformations et aux questionnements liés aux représentations de l’autre. En conséquence, est-ce que les musées d’immigration seraient ainsi un espace d’éloge du soi ou de l’autre ? Comment parler d’identité culturelle dans ces musées ? Quels sont donc les défis et enjeux des musées d’immigration, censés représenter les « autres » cultures qui font partie du « nous national », en partant du principe que les musées de société sont engagés dans « la mise en valeur » des autres cultures ?
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49Paradoxalement, ces musées finissent par mettre en scène « l’Occident » plutôt que leurs sujets ostensibles. Dans une certaine mesure, les musées d’immigration renforceraient l’identité nationale « le soi » et le discours de base nationaliste.
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51De ce fait, nous pourrions dire qu’au cœur de la mémoire migrante et de la migrant experience, présentée dans les musées étudiés, règne le plus profond silence sur l’histoire de l’immigration. « Avoir des ancêtres non européens semble vous disqualifier pour le statut de migrant, au-delà du régime des frontières nationales. Selon cette logique, un "immigré" est, par définition, un "citoyen" du melting-pot destiné au progrès. En revanche, tout lignage indigène pousse le migrant latino-américain hors de la citoyenneté symbolique, le renvoyant à l’impasse silencieuse de la terre. » (Blickstein 2011, p. 96-106) Nous pouvons ainsi remettre en question le fond du discours de ces musées d'immigration du continent américain qui ne touchent pas vraiment à des questions centrales comme la mémoire de l'esclavage et la mémoire de populations autochtones. La dissociation de l'histoire de l'immigration de l'histoire de la colonisation, par exemple, pose des problèmes qui finissent par se révéler dans la difficulté de créer un discours inclusif.
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53Déjà, le musée français reste un projet particulier puisqu’il n’est pas en harmonie directe avec le Palais de la Porte Dorée, il y a même une espèce de friction entre bâtiment et discours muséal. Selon Luc Gruson, ancien directeur du musée : « De plus, le choix du Palais de la Porte Dorée a fait débat et fera encore débat, car il oblige à se confronter aux contradictions de l’histoire européenne. La « plus grande France » placée au centre du monde dans les fresques du Palais des colonies de 1931 doit admettre aujourd’hui qu’elle est une nation parmi d’autres, que sa relation au monde a changé. C’est dans ce contexte, que l’on peut appeler post-colonial, que la CNHI invite les visiteurs à repenser l’altérité et les processus migratoires et identitaires. » (Gruson 2011, p. 12-21)
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55Néanmoins, le débat sur l’héritage colonial du Palais de la Porte Dorée n’est abordé que très rapidement par une exposition sur l’histoire du Palais de 1930 à nos jours, située au deuxième étage de celui-ci. Cet « espace d’interprétation »11 du lieu est destiné à expliquer aux visiteurs l’importance de l’histoire du bâtiment qui abrite donc le Musée national de l’histoire de l’immigration.
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57Mais aucun lien n’est fait entre l’exposition permanente Repères et, cet espace d’interprétation du « lieu de mémoire », que représente le Palais de la Porte Dorée pour l’histoire coloniale française. Au lieu d’inclure une réflexion sur l’identité française, ce qu’est la France, aujourd’hui, et ce qu’elle était, afin de surmonter des discours ethnocentriques (voire eurocentriques) le musée présente une exposition qui met en avant plutôt les ‘temps forts’ du parcours d’un immigré afin de s’intégrer à la société française.
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59En 2008, la première exposition temporaire produite par le musée, « 1931, Les étrangers au temps de l’Exposition coloniale »12, dont l’un des commissaires était Jacques Hainard13, a bien mis en évidence l’histoire du Palais, de l’Exposition coloniale, censée présenter la « gloire » de l’Empire colonial français, et des liens entre immigration et colonisation.14
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61Lors de l’occupation de la cité, en 2009, par les sans-papiers, les immigrés sont devenus des acteurs en relation directe avec l’espace muséal, révélant ainsi le risque de la personnification des immigrés « au péril de l’exotisme ». (Gruson 2011, p. 12-21) Il est nécessaire, principalement dans le cas français, de dépasser les imaginaires coloniaux et de déjouer les simulacres dans l’altérité. Selon, le directeur du musée à l’époque, Luc Gruson : « Bien sûr, cette occupation de près de quatre mois a profondément troublé l’équipe de la Cité : outre les tensions inhérentes à ce genre de situation, il est évident que l’irruption de l’histoire de l’immigration en train de se faire a provoqué un choc dans une institution essayant dans le même temps de s’extraire des polémiques de l’actualité. Plus profondément, l’occupation a fait comprendre que l’histoire de l’immigration racontée par les Maliens sans papiers n’était pas la répétition de celle des migrants des Trente Glorieuses, questionnant le musée en retour sur les choix implicites de son parcours permanent. » (Gruson 2011, p. 12-21)
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63Ainsi, cet exemple nous montre l’importance symbolique du lieu dans l’imaginaire national (ancien Musée des Colonies) mais qui se transforme aussi dans un espace de revendication contemporaine de visibilité des immigrés sans-papiers. Cet épisode légitime d’une certaine façon l’espace du musée comme un lieu d’action sociale où celui-ci devient un acteur dynamique dans la construction de la mémoire sociale de l’immigration. Il s’agit donc d’un lieu de politisation très fort où l’imaginaire symbolique y est présent. Par contre, pour les médias cette « intervention » de la dure réalité des sans-papiers face à la politique migratoire française restera dans une certaine mesure invisible dans la presse. Un autre point important, à mettre en avant, est donc le devoir de mémoire qui ouvre l’opportunité de mettre en discussion la thématique de l’immigration afin de déconstruire les préjugés et idées préconçues qui circulent dans les médias.
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2. Analyse des expositions permanentes : Nouvelles muséographies, anciens paradigmes
65La nouvelle histoire sociale a fortement influencé ces musées où les histoires et les « objets du quotidien » étaient au centre des expositions permanentes dans le but d'attirer le public et de réévaluer de façon critique les récits dominants de l'histoire nationale. L'existence d'objets personnels dans la constitution du patrimoine des immigrés, préservés et conservés dans les musées, montrent l’importance des mémoires individuelles dans la mise en place d’un discours sur l’immigration.
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67Les familles et les communautés d’origine immigrée fournissent le matériel essentiel pour les expositions sur l'histoire de l’immigration. Car cette dernière, au cours de cette période, est récemment apparue comme un sujet d'attention scientifique. Les questions migratoires, le multiculturalisme et les relations entre musées, gouvernements et communautés sont au cœur de beaucoup de projets de recherche internationaux. Ainsi, les enjeux de mémoire autour de l’histoire de l’immigration révèlent les négociations entre les différents acteurs des processus de mise en mémoire et de patrimonialisation.
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69L’analyse que nous avons développé lors de notre recherche doctorale a privilégié un cadre de recherche comparative internationale et d'histoire croisée où la transmission des savoirs est largement utilisée pour permettre de comprendre les mécanismes de circulation des connaissances, les transferts culturels, entre professionnels et institutions internationales faisant partie d'un même réseau (comme c'est le cas pour les musées de l’immigration étudiés). Cette étude a utilisé une approche mixte entre entretiens, analyses d’archives et des différents parcours muséographiques (observation sur le terrain). Trois musées ont été sélectionnés pour illustrer les institutions qui privilégient l'inclusion de la diversité culturelle. Les deux principales sources de données comprenaient des entretiens téléphoniques avec des conservateurs de musée, une enquête approfondie des archives ainsi que des observations et analyses muséographiques. Des informations supplémentaires ont été recherchées dans les dossiers de presse et les rapports pertinents tels que les projets scientifiques, par exemple.
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71Elle nous révèle que les commissaires d'expositions sur l’immigration ont constamment négocié face à une tension entre une histoire de « nation d'immigrés », inclusive et affirmative, et les histoires plus difficiles de conflits, de différences et d'exclusion qui caractérisent l'histoire des migrations. Les approches curatoriales15 de cette tension ont été façonnées par le changement des climats politiques, le multiculturalisme et les demandes de représentation des communautés dans les institutions culturelles. De ce fait, nous pouvons affirmer que le multiculturalisme16 et l’histoire sociale17 influencent donc fortement ces premières expositions sur l’immigration. Les concepts de multiculturalité (Curti & Dal Pozzolo 2008), de multiculturalisme (Parsanoglou 2004) et d’intégration (Wieviorka 2008) peuvent aussi soulever des questionnements et des discussions quant à leur usage lors de la création des expositions permanentes mais nous n’allons pas entrer ici dans une déconstruction, ni dans une analyse approfondie des ces termes puisque ce n’est pas l’objectif principal de cet article.
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73À partir du milieu des années 1980, les expositions visaient à intégrer les expériences des migrants minoritaires dans une histoire nationale pluraliste afin de renverser les précédents récits monoculturels du devenir national. Une deuxième phase d'expositions, à partir du milieu des années 1990, a démocratisé ouvertement ces nouveaux récits migratoires pour tenter de séduire les populations de « souche »18 qui ne s'identifiaient pas au multiculturalisme alors que des éléments des deux approches subsistent, au cours de la dernière décennie, les musées dédiés à l’immigration ont commencé à regarder au-delà des migrations vers la nation et vers une exploration des réseaux transnationaux, l'appartenance et la dislocation personnelle, et l'idée du foyer. Les expositions vont alors mettre en avant le rôle positif de l’immigration et vont plutôt privilégier une approche positive de « l’intégration » des immigrés dans la société d’accueil.
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75Dans un premier temps, les musées d’immigration visaient donc à créer un environnement institutionnel de légitimation où les objets et les histoires des migrants pourraient être considérés comme une partie importante du patrimoine national de ces pays.
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77Ian McShane (2001), ancien conservateur du National Museum of Australia, a été le premier à appliquer les théories de Hoge aux expositions sur l’immigration. Dans son article de 2001, « Difficile ou conventionnel ? L'histoire de la migration dans les musées australiens », McShane a suggéré que l'émergence de l'histoire de l’immigration dans les musées était liée à l'essor du multiculturalisme. Cependant, la simple insertion de mémoires personnelles et de parcours personnels, plutôt de succès, où l’intégration dans le nouveau pays d’accueil se fait sans beaucoup de difficultés (ou au moins c’est ce qui est mis en valeur dans ces premières expositions), montrent leurs limites et une demande de polyphonie dans le discours se fait de plus en plus présente.
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79Déjà pour le directeur du Smithsonian aux États-Unis, Lonnie Bunch, l'histoire n’a de sens que lorsqu'elle est liée au présent. « Les musées deviennent de meilleurs endroits lorsqu'ils reconnaissent qu'ils ne peuvent pas être des centres communautaires, mais qu'ils pourraient être au centre de leurs communautés. [...] Ce qu’est un conservateur, en particulier un conservateur d’Histoire, c’est quelqu'un qui tient la culture des gens entre ses mains. [...] Par conséquent, vous devez les traiter avec un respect incroyable » (Jackson 2020), a-t-il récemment déclaré. La multitude de voix, qui aident à replacer la culture matérielle dans son contexte, alliée à l'Histoire sont des méthodes utilisées par Lonnie Bunch pour créer des expositions qui remettent en cause le statu quo de la société américaine.
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81Aujourd’hui, une plus grande volonté de développer une programmation autour de l’hospitalité, de la mixité et de l’exil est le mot d’ordre dans beaucoup de musées. Beaucoup d’institutions culturelles, d’artistes et de musées sont engagés dans une mise en valeur et reconnaissance de la richesse de l’expérience migratoire sur le plan culturel. Souvent en partant de problématiques locales pour les dépayser et transformer à travers le regard artistique et créatif afin de les rendre universelles. L’art contemporain est ainsi de plus en plus présent dans les musées dédiés à l’histoire de l’immigration19, souvent pour apporter une touche de subjectivité ou combler, dans une certaine mesure, les non-dits et les points problématiques des expositions.
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83Cependant, les difficultés rencontrées dans ces démarches curatoriales de représentations de l’immigré doivent pousser à une réflexion sur l’histoire des pratiques curatoriales. Il faut reconnaître que cette histoire a un impact sur la manière dont les relations entre le « nous » et les « autres » se jouent. De plus, l'histoire de ces pratiques ne se fait pas seulement en fonction des évolutions de l'historiographie et des contextes politiques, mais aussi sur des processus de collecte et d'interprétation (d’objets et de récits personnels) qui ont également évolué en réponse à diverses possibilités technologiques (l’avancé du digital dans la médiation muséale, par exemple).
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85Ce qu’on peut appeler « la muséographie de la valise » (Witcomb 2018) met en évidence des objets récurrents comme la valise qui devient un objet phare (Bergeron et al. 2016) de la muséographie d’expositions dédiées à l’immigration. Cette mise en valeur d'objets simples vient du fait que le statut de l’objet dans les musées de société n’est pas la pierre angulaire comme cela pourrait être dans un musée de beaux-arts, par exemple, où le public est invité à admirer les chefs-d'œuvre des collections.
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87Dans les musées de société et, dans notre cas spécifique, les musées d’immigration, les objets du quotidien (bijoux, vêtements, lettres et cartes postales d’entre autres) deviennent des objets-témoins ou objets-mémoires qui corroborent et servent comme appui muséographique aux récits des immigrés. Ces objets « deviennent des "reliques", objets d’intercession avec les temps révolus, les générations passées, objets de récession vers l’enfance, objets de mémoire. Ils renferment un "supplément d’âme" et nous renvoient à nous-mêmes. En dehors de la valeur d’usage, il y a donc la valeur que l’on attribue à l’objet : valeur esthétique, valeur heuristique, valeur symbolique ou encore valeur de souvenir. » (Drouguet 2015, p. 181)
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89Ces approches curatoriales utilisent différemment les éléments de travail des expositions (objets, images, textes et sons) pour créer une gamme d'expériences personnelles de l’exposition, chacune donnant la priorité à différents sens (l'ouïe, la vision, l’écoute) du visiteur. Individuellement et en combinaison les unes avec les autres, ces points d’attache sont développés dans les expositions dédiés à l’histoire de l’immigration.
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91Selon Andrea Witcomb « ces approches façonnent la production de différents ensembles de relations entre "nous" et "eux", "soi" et "l'autre", produisant effectivement quatre “pédagogies” très différentes dans la manière dont les musées gèrent les relations entre différents groupes de population ». La première est une « pédagogie du "regard", la seconde une "pédagogie de la lecture", la troisième une "pédagogie de l'écoute" et la quatrième une "pédagogie du ressenti" ». (Witcomb 2018, p. 263)
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93Ainsi, l’histoire orale à travers les récits personnels d’immigrés, appuyée par les documents d’archives et objets-mémoire, devient un des points d’appui de beaucoup d’expositions qui cherchent à créer un lien d’empathie chez le visiteur. Il sera ainsi « guidé » par l'exposition à mieux comprendre le point de vue de l’immigré et peut-être, de ce fait, déconstruire beaucoup de ces préjugés sur l’immigration.
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95Malgré cette volonté de gérer un lien affectif chez le visiteur, il ne faut pas oublier qu’un discours sur l’immigration, basé sur la représentation muséale, est véhiculé par ces expositions en utilisant ces quatre axes pédagogiques démontrés par Andrea Witcomb. Il s’agit, alors, de déconstruire ces mécanismes de mise en musée pour analyser les propos présentés sur l’histoire de l’immigration.
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3. Quel discours sur l’immigration ? Une remise en question des expositions permanentes
97Mais que nous révèlent alors les expositions permanentes des trois musées étudiés : Ellis Island, Museu da Imigração et Musée national de l’histoire de l’immigration ? L’analyse approfondie des expositions permanentes, nous révèle une mise en musée d’un discours plutôt axé sur l’éloge de l’apport des immigrés à la nation sans, pourtant, remettre en question le concept d’étranger (immigré) ou leur statut face aux difficultés d’insertion et d’intégration sociale. Comme le rappelle bien Maryse Flauvel, « [...] alors qu’en apparence ces musées honorent et célèbrent de manière magistrale les « autres » (les immigrés, l’art non-occidental), ils finissent par les dominer et ils les contrôlent en offrant d’eux une image partielle. » (Fauvel 2014, p. 22)
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99Cette représentation fragmentaire se reflète clairement dans l’exposition permanente « Repères » et ses choix de thématiques qui finissent par mettre en scène une réalité sociale et économique loin de la situation réelle vécue par une grande majorité des immigrés, principalement dans le contexte socio-politique des dix dernières années. En 2020, le parcours qui était présenté au visiteur ne ressemble pas à ce qu’il était lors de l’ouverture du musée en octobre 2007 : la partie initiale étant coupée pour donner plus d’espace physique aux expositions temporaires. Modifiée au long de ses treize années d’existence20, cette exposition ne représente qu’une partie infime de ce qu’elle a pu représenter auparavant.
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101Ce musée, dans son exposition permanente Repère21, révèle un profond malaise à l'égard des conflits, difficultés et préjugés rencontrés par les différents groupes d’immigrés, « tout comme dans la réalité sociale et politique en France contemporaine. Finalement et paradoxalement, bien plus que les "autres", ces musées finissent par mettre en scène davantage la France et un universalisme étriqué ainsi qu’une civilisation qui a peur des "autres", mais qui tient au "paraître". » (Fauvel 2014, p. 22)
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103Il s’agit de mettre en avant une réflexion sur le « nous » pour valoriser les apports de l’autre dans la société d’accueil. Comme le met en avant Maryse Flauvel : « Au lieu d’inclure une réflexion sur l’identité nationale afin de surmonter des discours ethno et euro-centriques pour transformer notre perception de soi et des « autres », ces musées renforcent des idées reçues car ils excluent le regard des « autres » sur le nous, leur conception de ce que signifie l’immigration pour eux, ce qu’a signifié́ la colonisation, ce qu’a signifié́ le vol d’objets d’art dans leur pays lors de conquêtes militaires ou, durant l’ère coloniale, ce que signifient ces objets pour eux aujourd’hui. Ces points de vue manquent pour que nous nous sentions « étrangers à nous-mêmes » à travers leurs regards et leurs discours. Cette remise en question de soi est la condition incontournable pour pouvoir respecter "l’autre" ». » (Fauvel 2014, p. 22) Pour les musées, les objets doivent être mis dans des contextes culturels et historiques pour qu’ils ne soient pas réduits à des objets étrangers, exotiques et beaux, mais pour qu’ils permettent aussi de mieux comprendre « l’autre » en soi, ainsi que, l’interaction fondamentale entre le nous et les autres dans la construction des savoirs et des arts.
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105Mieux comprendre les « autres » et soi-même implique un dialogue entre cultures différentes. Donc, dans les musées, pourquoi séparer les cultures européennes/occidentales des cultures non-européennes/orientales, puisque les cultures, les savoirs et les histoires se sont construits dans des échanges, destructeurs et constructeurs ? L’interaction des immigrés avec les Français, leurs apports (outre les objets de cuisine et quelques mots) dans les cultures françaises, l’impact de cultures diverses sur les sciences et les arts demandent à être présentés de manière plus élaborée. Ce qui entrainerait à une organisation du musée de manière transversale, de porter un nouveau regard sur les cultures « autres » et la nôtre, et de se sensibiliser aux métissages.22
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107L’Ellis Island Immigration Museum met en avant l’éloge de l’American Dream. Même si l’exposition permanente essaye de dresser un portrait « réel » des difficultés rencontrées par les immigrés à leur arrivée et le tri fait à Ellis Island (le processing des immigrés), finalement, le discours reste celui de l’inclusion de ses immigrés à l’Amérique et de l’American dream concrétisé une fois passé Ellis Island (on ne parle pas des difficultés rencontrées par les immigrés, arrivés en sol américain, une fois passé le check et le processing). Le discours de l’exposition permanente renforce lui aussi une vision d’inclusion, sans problèmes, de ces immigrés.
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109Déjà, le Museu da Imigração met en lumière l’éloge de l’identité Paulista23 (et Paulistana24). Les immigrés arrivés au port de Santos, en majorité italiens et japonais, ont contribué à la croissance économique d’un État déjà riche et à la richesse culturelle de la ville de São Paulo. Le discours de l’exposition permanente ne parle pas vraiment des obstacles rencontrés par les immigrés pour s’insérer dans la société brésilienne (la discrimination politique et sociale dont ont souffert les immigrés italiens et japonais, par exemple).
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111Comme nous avons vu, le Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI) met en avant un discours qui veut présenter les apports des immigrés à la culture française mais qui finalement renforce l’idée d’intégration sans conflits des immigrés par la société française. Le Palais de la Porte Dorée devient, dans une certaine mesure, un site conflictuel qui n’est pas vraiment mis en contexte et ne dialogue pas avec l’exposition permanente. Peut-être c’est une des raisons pour lesquelles ces musées passent par plusieurs reformulations de leurs projets scientifiques respectifs.
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113À Ellis Island, l’ouverture d’une nouvelle exposition permanente, en mai 2015, semble vouloir combler le manque de discours sur les questions d’immigration contemporaine aux États-Unis. Cette nouvelle exposition permanente, qui couvre la période des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, présente les transformations politiques dans le cadre migratoire aux États-Unis ainsi que les nouveaux groupes ethniques qui s’installent pendant cette période. C’est le seul changement dans le cadre des expositions de longue durée présentées à Ellis Island : depuis 1990, les expositions présentées étaient toujours les mêmes. Cependant, encore une fois, les fortes tensions entre le Mexique et les États-Unis, par exemple, ne sont pas traitées de façon approfondie et nous avons toujours l’impression que le musée finit par véhiculer une image de l’American dream toujours possible où l’intégration dans la société américaine est obtenue pour ceux qui luttent pour réussir leurs rêves.
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115Depuis son ouverture officielle en 1993, le Museu da imigração de São Paulo a changé de nom et de projet scientifique plusieurs fois, ce qui reflète les différents concepts mis en avant par le Musée (lieu de mémoire, mémorial25, musée). Mais une chose qui a toujours été importante pour le musée de São Paulo c’est le soutien des communautés d’origine immigrée qui ont toujours utilisé l’espace de l’Hospedaria pour leurs réunions communautaires.26
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117La CNHI, aujourd’hui MNHI, est le plus récent de ces musées (il a à peine quatorze ans) et il a déjà changé de nom, de logo et un nouveau projet scientifique est en cours depuis 2014.27 « La CNHI se heurte à des remises en question encore plus sérieuses que ma lecture du parcours historique. Voici les problèmes les plus souvent évoqués, qui ont déjà fait l’objet de nombreux articles : le cadre est Le Palais de la Porte Dorée qui crée une contradiction entre le bâtiment et le discours de l’exposition permanente. « Au lieu de refléter de bout en bout l’impact de l’immigration dans l’histoire et le patrimoine français, ce musée semble bien être un musée des « autres » dont on n’arrive pas à raconter l’histoire. » (Fauvel 2014, p. 120)
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119Les changements successifs de nom des musées, de projet scientifique et de parcours muséographique ne comblent pas le vrai problème présent dans les expositions permanentes des musées d’immigration : créant l’impression d’avoir toujours de nouvelles expositions, mais sous le prisme d’anciens paradigmes. L’exposition présente les immigrés (leurs parcours à l’arrivée dans les lieux d’accueil officiel pour Ellis Island et São Paulo) mais ne présente pas vraiment le parcours réel de ces immigrés (obstacles rencontrés, xénophobie, exclusion sociale, pauvreté, etc.). Dans les trois expositions permanentes, les immigrés sont présentés comme étant tous intégrés dans le pays d’accueil sans beaucoup de difficultés. Par exemple, les expositions mentionnées ici ne traitent pas directement des questions telles que la xénophobie, le racisme et l’exclusion sociale : même si ces thèmes peuvent être évoqués, ils ne sont pas pleinement développés. De là, peut-être, le manque d’identification de beaucoup d’immigrés nouvellement arrivés lors de leur visite à ces musées. (Smith 2017)28
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121Néanmoins, l’analyse des expositions permanentes révèle des thèmes maîtres récurrents29 qui ouvrent également des perspectives fécondes. Les expositions analysées lors de ma thèse de doctorat présentent différentes scénographies mais les sujets abordés restent les mêmes quand on parle d’immigration : le départ ; le voyage (et passage de la frontière) ; l'arrivée et le « processus de tri » auprès des autorités locales (visites médicales, refus ou acceptation d'entrée dans le pays d'accueil) ; l’adaptation dans le pays d’accueil (ou pas – « enracinement ou non ») ; les flux de migrations contemporaines (nouvelles communautés).
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123Ces sujets entraînent aussi le développement de discours/analyses plus larges à l’intérieur des expositions. Le thème de la frontière, par exemple, peut favoriser des réflexions sur la question des politiques migratoires, sur la définition changeante des migrants désirés / non désirés ou sur les dynamiques d'inclusion et d'exclusion, alors que le voyage peut être utilisé comme rite de passage métaphorique, processus de transformation et de changement.
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125Ces thèmes fonctionnent essentiellement comme des fils conducteurs du récit muséal racontant l’expérience de l’immigré. Les cartes géographiques et le contexte chronologique (comme repères) sont également présentés au visiteur comme support historique.
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127Par exemple, l’exposition permanente (Repères) du Musée national de l'histoire de l'immigration s'intéresse précisément aux « petits objets glissés dans la poche » avant le départ. Un fort accent est mis sur les souvenirs individuels et les récits personnels du départ et du voyage : l'expérience migratoire est présentée à un niveau individuel (surtout quand on regarde la Galerie des Dons).
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129Différente des expositions permanentes de l'Ellis Island Immigration Museum de New York et du Museu da Imigração de São Paulo, qui soutiennent leur récit muséal sur l'histoire du bâtiment et le chemin de l'immigré à son arrivée dans ces lieux de passage qui constituent ces institutions (les institutions gouvernementales de « tri » des immigrés), l'exposition Repères s'organise autour de concepts, de mots-clés pourrait-on dire, qui guident l'expérience migratoire. Ainsi, il est logique que l'exposition ait comme point initial l'idée même de départ.
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131L’objectif d’une exposition est, dans une certaine mesure, de déranger le visiteur dans son confort intellectuel. Il s’agit de susciter des émotions, des frictions et des envies d’en savoir plus sur le sujet présenté. Mais le fait d’exposer signifie aussi construire un discours spécifique au musée, fait d’objets, de textes et d’iconographie. C’est mettre les objets au service d’un propos théorique, d’un discours ou d’une histoire et non l’inverse. En suggérant l’essentiel à travers la distance critique, elles sont un outil important pour lutter contre les idées reçues et les stéréotypes.
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133De nouvelles perspectives sur la représentation des migrations humaines semblent donc se mettre en place, privilégiant l’apport des communautés concernées. Les différents musées dédiés à l’histoire de l’immigration dans le monde restent des points de départ pour la création d’espaces de dialogue sur les débats politiques contemporains concernant les migrations humaines ainsi que des espaces de réflexion de l’avenir de nos sociétés en privilégiant plus d’inclusion et de justice sociale. L’importance de mener des travaux sur les pratiques et les transmissions culturelles dans nos sociétés contemporaines ainsi que sur les créations issues des expériences de l’exil sont au cœur des projets développés par les différents musées d’immigration que nous avons eu l’occasion de visiter30. L’analyse des représentations de l’immigration dans les sociétés d’accueil reste essentielle, non seulement en termes de développement et de diversification des publics, mais aussi dans leur capacité d’inclusion et de justice sociale. En adaptant leur offre aux principes d’une démocratisation de la culture, les musées d’immigration ouvrent leur espace au dialogue et au partage interculturel.
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135Le phénomène migratoire et l'histoire de l’immigration sont devenus des thèmes majeurs dans le paysage mondial des musées. Les projets des musées d’immigration ont été portés par la volonté de reconnaissance de la diversité culturelle. Aujourd’hui, ils se revendiquent, dans une certaine mesure, comme des ambassadeurs du « dialogue interculturel et de la mondialisation » qui entendent incarner une nouvelle identité plurielle. Pourtant ces musées sont aussi confrontés aux mutations des relations géopolitiques et à l’évolution des discours identitaires qui questionnent la vision d’une « multiculturalité heureuse ». (Van Geert 2020)
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137En conclusion, nous pouvons dire que les musées d’immigration, visent à construire un récit inclusif sur l'immigration, mettant en évidence la contribution de l'immigration à l'identité et à la culture nationales. Une approche interdisciplinaire31 est donc souvent favorisée par ces musées apportant ainsi des nouveaux regards qui peuvent remettre en question nos propres paradigmes sur la société ou groupe représenté. Ainsi, l’apport de l’art contemporain, par exemple, conjuguée à un parcours muséographique qui privilégie l'histoire orale et des objets-témoins, affirme la volonté du musée de dialoguer directement avec son public et de l’amener à ressentir de l’empathie (Landsberg 2009, p. 221) envers les propos traités. L’histoire de l’immigration est ainsi reconnue à un niveau plus personnel et appropriée donc par le visiteur.
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139Cependant, comme discuté au fil de cet article, leur tentative de créer une exposition permanente polyphonique et inclusive n'est pas pleinement réalisée car leur exposition permanente présente toujours un récit qui ne parle pas vraiment des défis contemporains auxquels sont confrontés les immigrés, ni des luttes pour se sentir « intégrés » dans la nouvelle société. Des concepts tels que le multiculturalisme32 ne sont pas non plus pleinement discutés même si les contributions culturelles sont célébrées. Le discours célébratoire véhiculé par les expositions où les contributions culturelles et économiques des immigrés sont valorisées au détriment d’une discussion plus approfondie des obstacles (juridiques et politiques) à l’intégration des immigrés.
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141Ainsi, nous avons l’impression de naviguer toujours dans une présentation de parcours d’immigrés ayant réussi leur insertion et adaptation dans la société d’accueil. Autrement dit, que ce soit en France, aux États-Unis ou au Brésil, les discours se développent autour du concept d’intégration à la nouvelle société. La célébration des parcours personnels et collectifs « d’immigrés de succès » est mise en avant pour bien valoriser leur apport à l’identité et à la culture nationales. Cependant, les liens entre histoire de la colonisation et de l’immigration restent encore des défis aux conservateurs et leurs équipes de conception des nouvelles expositions dédiées à travailler l’histoire d’une ville et/ou d’un pays de façon plus inclusive.
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143Finalement, les musées dédiés à l’histoire de l'immigration restent des initiatives récentes dans le paysage muséal international mais comme la thématique gagne en importance dans le scénario politique international, ils gagnent de la place dans les discussions contemporaines sur le patrimoine et l'inclusion sociale. Même si certains professionnels de musées soutiennent que le scénario idéal serait d'inclure l'histoire de l'immigration dans les musées d'histoire nationaux au lieu d'avoir un musée dédié à l'immigration elle-même, pour le moment, il est essentiel d'avoir une plate-forme pour discuter et réfléchir sur l'immigration ainsi que sur le phénomène migratoire dans nos sociétés contemporaines. Avec le rôle croissant des musées en tant qu’acteurs sociaux, les musées d’immigration pourraient se transformer en une plate-forme de discussion sur l'inclusion socio-économique des immigrés et des réfugiés.
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Notes
1 L’art contemporain apparaît de plus en plus dans les musées et/ou expositions dédiées à la thématique des migrations. Les œuvres d’art contemporain sont un medium qui permet de combler certains points sensibles des thématiques migratoires. La subjectivité et sensibilité apportées par le regard artistique permet une autre interprétation du discours véhiculé par les expositions en ouvrant la possibilité d’une interprétation à un niveau plus subjectif.
2 Modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifiques dans la création d’expositions sur l’histoire nationale d’un pays.
3 Cet article est basé sur ma thèse soutenue en décembre 2020 intitulée: Patrimoine et immigration - Ellis Island Immigration Museum, Museu da Imigração et Musée national de l'histoire de l'immigration : le rôle du musée comme médiateur dans la construction de l'identité (1980-2020). Ma recherche doctorale s’est centrée autour de la mise en patrimoine de l’immigration et, en particulier, la création de musées sur l’histoire de l’immigration. Par qui, comment et pour qui ce patrimoine de l’immigration est-il constitué ? Par qui, comment et pour qui ce passé/présent est-il écrit et négocié aujourd’hui ? Elle propose d’analyser les enjeux dont cette histoire passée et son « héritage » épistémologique, économique et social est transformé en patrimoine. Est-ce que cette mise en patrimoine porte l’empreinte d’un passé conflictuel qui tend parfois à se figer dans une lecture simpliste, voire binaire, de l’Histoire ?
4 Lors de mes recherches doctorales, j’ai visité plusieurs musées dédiés à l’histoire de l’immigration qui ont choisi comme site des « lieux de mémoire » de l’immigration (ports, lieux de tri et d’accueil des immigrés nouveaux arrivants) mais l’Ellis Island Immigration Museum et le Museu da Imigração avaient en commun cette volonté de créer la collection muséale à partir des vestiges retrouvés dans les bâtiments ayant servi de service d’accueil officiel d’immigrés pendant des décennies.
5 Que ce soit une exposition permanente dans un musée dédié à l’histoire de l’immigration ou une exposition temporaire, dans une ville ou un pays précis, les échanges entre chercheurs, commissaires d’expositions et artistes offrent une multitude de pratiques et de processus, dans une perspective pluridisciplinaire de création de contenus sur l’immigration.
6 J’ai pu développer cette thématique plus en profondeur dans le deuxième chapitre de ma thèse dédié à la mise en contexte de la création des institutions patrimoniales en Europe et sur le continent Américain. Toujours avec un focus sur les trois États-nations étudiés : la France, les États-Unis et le Brésil.
7 Est-ce qu’elles remettent en question les canons esthétiques de la “nation blanche dominante''? L’apport de ces institutions au débat contemporain sur les migrations humaines nous apporte-t-elle de nouvelles perspectives à l’avenir ? Ou, alors, est- ce que la représentation des migrations reste-t-elle figée par un certain « nationalisme muséographique » ?
8 Nous utilisons ici le terme anglais car cette approche sensorielle et « d'expérience » lors d’une visite patrimoniale est très présente dans la muséologie anglophone.
9 Dans la première partie de ma thèse (3 chapitres), j’ai développé une analyse transnationale de l’historiographie de l’immigration en relation avec le développement d’un patrimoine dédié à l’immigration. J’ai centré la discussion principalement sur l’axe transatlantique, privilégiant une analyse comparative entre le continent américain (Brésil et États-Unis) et l’Europe (France).
10 Dans un autre sens, cependant, les divers positionnements géopolitiques masquent un substrat historique partagé par les trois États-nations où se trouvent les musées étudiés dans ma thèse, à savoir leur relation colonisatrice aux peuples autochtones; leur façonnage commun par la traite triangulaire des esclaves ; et leur modèle commun de quête d'hégémonie raciale. Ainsi, les trois États-nations représentent une conjoncture distincte pour les constructions patrimoniales au sein des configurations intercoloniales et interculturelles.
11 Cette exposition a été présentée au public dans le deuxième étage du Palais de la Porte Dorée à partir de 2014. Il n’y aura pas de changement significatif dans cette mise en contexte du lieu qu’abrite le musée jusqu’en 2020 date de fermeture de l’exposition permanente Repères et de la Galerie des Dons.
12 L’exposition a été présentée au public du 6 mai au 5 octobre 2008. Pour plus d’informations, consulter sur le site internet du musée, disponible sur : https://www.histoire-immigration.fr/ (consulté le 18 mars 2022).
13 Jacques Hainard est directeur du Musée d’ethnographie de Genève (MEG), conservateur du Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) d’octobre 1980 à janvier 2006, chargé de de cours d’ethnomuséographie à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel d’octobre 1980 à septembre 2006. Il fut le commissaire général de l’exposition « 1931, Les étrangers au temps de l’Exposition coloniale ».
14 « Est-il, dès lors, possible de tisser un lien entre ces deux phénomènes historiques ? Surtout, évoquer l’immigration au début des années 1930 par le biais de l’Exposition coloniale apparaît éminemment problématique : très vite, le débat peut se porter sur l’assimilation de l’histoire de l’immigration à un sous-ensemble de l’histoire de la colonisation. [...] Précisément, l’enjeu a été de battre en brèche les stéréotypes hérités de la période coloniale et postcoloniale en questionnant les relations entre immigration et colonisation en France métropolitaine au début des années 1930. » Extrait de la présentation de l’exposition sur le site web du musée de l’immigration, disponible sur : https://www.histoire-immigration.fr/ (consulté le 18 mars 2022).
15 Ici, nous avons développé un regard sur la façon dont les expositions permanentes ont été conçues lors de la créations des musées dédiés à l’histoire de l’immigration. La constitution de ces institutions ainsi que le contexte politique à ce moment précis influencent fortement la création du discours diffusé par les expositions permanentes. Cette analyse est au cœur de la deuxième partie de ma thèse dédiée à la création des différents musées et tout le processus de constitution d’un patrimoine dédié à l’immigration.
16 L’idée et la volonté d'accorder aux minorités culturelles la reconnaissance de droits particuliers sont au cœur de ce concept qui pousse la volonté de certains gouvernements et associations lors de la création de musées dédiés à l’histoire de l’immigration.
17 L’histoire sociale est fort présente lors des projets de préfiguration ainsi que dans les projets scientifiques de la grande majorité des musées dédiés à l’histoire de l’immigration. Dans le cadre des trois musées analysés dans ma thèse, c’est notamment le cas, et il est possible de le voir à travers les displays des expositions permanentes.
18 Les populations de souche étant celles qui détiennent le « contrôle » de l’identité nationale. Autrement dit, les populations d’origine anglo-saxonne (WASP) aux États-Unis et les populations d’origine portugaise au Brésil. Le facteur de la race reste aussi central dans cette insertion dans la « normale » nationale. Les populations considérées comme étant « blanches » s’intègrent plus rapidement que les autres populations.
19 Dans les trois musées étudiés dans ma thèse, l’art contemporain est présent. Dans le cas brésilien, l’œuvre de Nuno Ramos qui était présentée à l’entrée de l’exposition permanente comblait une discussion importante non seulement sur la fragilité des corps des immigrés (et de leur vies) mais aussi toute la question des flux de migration interne (principalement des travailleurs venus du Nord-Est du pays).
20 L’exposition permanente Repères a été officiellement fermée au public en décembre 2020. La nouvelle exposition permanente ouvrira ses portes en 2023.
21 Nous rappelons que cette exposition est définitivement fermée et que l’équipe du musée travaille aujourd’hui dans une nouvelle exposition permanente qui ouvrira ses portes au public en 2023.
22 Le concept de métissage culturel est caractérisé ici par le métissage volontaire où chaque culture peut être respectueuse des autres et où l'entremêlement des cultures est issu de choix consciemment effectués, en fonction de goûts et d'attirances libres pour des cultures initialement « étrangères ».
23 Paulista se réfère à celui qui est né dans l'État de São Paulo.
24 Paulistano se réfère à celui qui est né dans la ville de São Paulo.
25 Mémoriel est ce qui est relatif à la mémoire, c'est-à-dire à la faculté d'enregistrer, de conserver et de restituer des souvenirs pour un individu mais aussi un monument commémoratif.
26 Même si la plupart du temps les communautés approuvent le discours du musée, lors d’un entretien avec l’ancienne directrice du Musée Marilia Bonas en février 2015, j’ai appris que le musée fait aussi attention aux commentaires et aux critiques sur le discours de l’exposition permanente.
27 En ce moment le musée est fermé pour rénovations et une nouvelle exposition permanente sera ouverte au public en 2023.
28 Cet article de Laurajanne Smith présente une analyse de la réception des expositions traitant du thème de l’immigration auprès du public australien. C’est un article important puisqu’il montre que ce n’est pas tout le monde qui s’identifie aux récits et mémoires des immigrés présentés dans ces expositions même si le but est de créer de l’empathie chez le visiteur.
29 Dans cet article nous ne pourrons pas entrer en détails mais j’ai développé l’analyse des thèmes maîtres (récurrents) dans les expositions dédiées à l’histoire de l’immigration dans cet article: « How to put (im)migration in a museum ? » et « Immigration Heritage in São Paulo », articles publiés dans le numéro spécial du CAMOC Review dédié au projet Migration Cities, en décembre 2019.
30 Lors de ma recherche doctorale, j’ai eu l’occasion non seulement de visiter à plusieurs reprises les trois musées choisis pour l’analyse académique mais aussi d'autres musées en Italie, en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne.
31 Comme nous avons présenté dès le début de l’article, les musées d’immigration, même si majoritairement ils se définissent comme des musées d’histoire, ils présentent des collections qui sont plus proches de musées de société et qui présentent assez souvent des œuvres d’art contemporains aussi dans le but de créer de l’empathie chez le visiteur.
32 La définition du dictionnaire Larousse est la suivante: un courant de pensée américain qui remet en cause l’hégémonie culturelle des couches blanches dirigeantes à l’égard des minorités (ethniques, culturelles, etc.) et plaide en faveur d’une pleine reconnaissance de ces dernières. Ainsi, les expositions permanentes rapidement évoquées ici travaillent toutes sur une mise en valeur de mémoires d’autres groupes ethniques que celui qui est dominant. Les musées dédiés à l’histoire de l’immigration sont des sites particulièrement riches pour identifier les stratégies de conservation impliquées dans chacun, étant donné qu'ils sont, dans une certaine mesure, principalement concernés par la définition des relations entre différentes cohortes de personnes.