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« Introdução à Sociomuseologia » de Judite Primo et Mário Moutinho
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Version PDF originale1Référence : Primo Judite & Moutinho Mário, Introdução à Sociomuseologia Lisbonne, Edições Universitárias Lusófonas, 2020 (ouvrage publié en portugais).
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3Qu’est-ce que la Muséologie Sociale ? Les discussions et disputes épistémologiques autour de la reconnaissance de la muséologie en tant que discipline académique sont toujours en cours et bon nombre de personnes, même au sein de l’Académie, ignorent encore son existence ou nient sa légitimité. Néanmoins, la branche a connu, comme toutes les autres, une importante évolution au cours des années, a vu la naissance de courants de pensée parfois contradictoires et de sous-disciplines.
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5Ici, comme partout ailleurs, les visions du monde antagoniques des actrices, acteurs, auteur-e-s et penseurs s’affrontent. Au sein de la communauté muséologique, il n’est plus nécessaire d’introduire le mouvement appelé « Nouvelle Muséologie » qui a été pensé, défendu et pratiqué par des noms désormais connus de tous et toutes et qui est certainement au moins abordé dans toutes les universités proposant des diplômes de Muséologie. Il n’en va pas de même de la Muséologie Sociale qui est encore largement inconnue dans nos contrées d’Europe centrale.
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7L’Introdução à Sociomuseologia, éditée par Judite Primo et Mário Moutinho, apparaît comme un premier pas nécessaire pour une plus ample divulgation de la théorie et de la pratique de la Muséologie Sociale. Sa publication en 2020 par les Éditions Universitaires Lusophones s’inscrit dans l’élargissement de la politique éditoriale du Département de Muséologie de l’Université Lusophone des Humanités et Technologies (ULHT), dans la lignée des Cadernos de Sociomuseologia (Cahiers de Muséologie Sociale) qu’elle édite depuis 1993. Le livre réunit les articles de vingt-quatre auteur-e-s sur un peu plus de cinq cents pages. Il est structuré en trois chapitres qui comprennent chacun un nombre différent de contributions. Le premier chapitre est consacré aux textes introductifs ; il comprend six articles. Le deuxième chapitre avec quatre articles est intitulé « Muséologie Sociale : formes et pratiques » et le troisième, avec ses treize articles, le plus volumineux, s’intitule « Perspectives multiples : sujets de débat ». L’ouvrage réunit des textes déjà parus ailleurs. À l’exception de deux articles en espagnol, tous sont rédigés en portugais. Dans cette note, les contributions les plus importantes aux yeux de l’auteure sont présentées de manière plus détaillée.
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9Le premier chapitre, consacré aux textes introductifs, s’ouvre avec un article fondamental de Moutinho et Primo, intitulé « Références théoriques de la Sociomuséologie1 ». Les auteurs insistent sur le fait que « la Sociomuséologie n'est pas une nouvelle manière d'appeler la Nouvelle Muséologie, mais doit plutôt être comprise comme une approche multidisciplinaire de la pratique et de la pensée muséologique, considérée comme une ressource pour le développement durable de l'humanité, basée sur l'égalité des chances ainsi que sur l'inclusion sociale et économique et fondée sur l'interdisciplinarité avec les autres domaines de connaissance. » L’article rappelle que, pendant longtemps, la notion de muséologie et la nature matérielle des musées étaient des concepts relativement consensuels. La muséologie était une technique de travail développée dans les musées, englobant différentes techniques appliquées à la collection, la conservation et la restauration d’objets muséaux. Le musée était un édifice plus ou moins somptueux où l’on conservait des collections d’objets destinés à y être présentés. Les objets choisis étaient marqués par une forme de valeur symbolique ou réelle, en général liée à la rareté, à la beauté ou à l’authenticité. Ce type de musée et cette muséologie, largement décrits, ont fait l’objet de réflexions philosophiques, historiques, anthropologiques, sociologiques. Ils ont fait l’objet de critiques substantielles, comme la fameuse réflexion d’Adorno selon laquelle le musée et le mausolée sont connectés davantage que par une simple association phonétique, les musées étant les sépulcres de la famille des œuvres d’art. Ces musées, en tant que réalité incontournable, ont été à l’origine de la première définition du musée par l’ICOM en 1946. Les auteurs rappellent néanmoins qu’à cette époque il existait déjà une pensée qui cherchait un autre lieu pour les musées, une logique plus proche de leurs environnements. Cette approche a notamment été exprimée par Alma Wittlin qui, en 1949 déjà, posait la question fondamentale de savoir comment les musées pourraient mieux répondre aux besoins non satisfaits (« unmet needs ») des personnes. Les auteurs terminent cette synthèse en suggérant que « tout se passe comme si une nouvelle prise de conscience des défis auxquels la société occidentale est confrontée se construisait sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale. Une prise de conscience d'une nouvelle responsabilité sociale qui couvrirait les différents domaines de la connaissance. Et, naturellement, la muséologie ne serait pas étrangère à ce processus. » (Primo & Moutinho 2020, p. 20).
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11À partir de là, les auteurs retracent l’histoire de la Muséologie Sociale en suivant ses moments charnières et ses textes fondateurs. Ils distinguent trois étapes : la première, marquée par l’écomuséologie et la Déclaration de Santiago du Chili de 1972, la deuxième, marquée par la Nouvelle Muséologie et la Déclaration du Québec de 1984, et une troisième, où la Muséologie Sociale s’établit, marquée par la Recommandation de l’UNESCO de 2015. Les auteurs dévoilent le cheminement de la pensée de la Muséologie Sociale à l’aide d’extraits de textes fondateurs et de citations de penseurs particulièrement marquants : il s’agit notamment de Georges-Henri Rivière pour l’écomuséologie, de Mário Chagas pour la Muséologie Sociale et, pointant vers une possible nouvelle étape qui pourrait être intitulée « Altermuséologie », de Pierre Mayrand, qui a présenté un manifeste homonyme à Setúbal en 2007. Finalement, ils consacrent un chapitre à l’insertion de la Muséologie Sociale dans le contexte des sciences sociales et le dernier aux rapports entre l’Université et la Sociomuséologie. Dans ce dernier chapitre, ils relèvent deux directions essentielles dans lesquelles les universités se sont engagées : d’un côté les formations et la recherche orientées vers les nécessités des musées, principalement la gestion, l’entretien et la conservation des collections ; de l’autre, la formation orientée vers les musées qui s’inscrivent dans la volonté d’apporter des réponses aux unmet needs, problématique dans laquelle on retrouve le dilemme entre la muséologie qui travaille pour et celle qui travaille avec les êtres humains.
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13L’article suivant, d’Inês Gouveia et Marcele Pereira, s’intitule « L’émergence de la Muséologie Sociale » et se consacre plus spécifiquement au Brésil, notamment aux politiques culturelles, en partant des relations de l’État avec la société civile. Au Brésil, la Politique Nationale des Musées (PNM) et le Statut des Musées sont fondamentaux. Ces politiques, développées à partir de 2003, considèrent les musées comme étant des pratiques et processus au service de la société et de son développement. « En outre, elle[s] affirme[nt] que ces institutions doivent assumer l’engagement politique d’une gestion participative et contribuer à une "perception critique au sujet de la réalité culturelle brésilienne". » (Gouveia & Pereira 2020, p. 39) Le Statut des Musées, loi de 2009, instaure l’obligation pour les musées d’adopter des plans muséologiques accessibles au public dans lesquels ils définissent leurs objectifs, idéalement après avoir écouté la communauté intéressée. « En observant les actions résultant de la PNM, nous constatons que la participation est une condition pour faire émerger la mémoire et les patrimoines qui représentent la diversité culturelle brésilienne. L'existence d'espaces de dialogue entre les groupes et le pouvoir public était une condition pour que l'idéal de démocratisation des musées se traduise par une pratique effective au Brésil. À partir de l'année 2003 se sont écoulés presque 13 ans d'une timide mais évidente émergence de la Muséologie Sociale sur la scène nationale. » (Gouveia & Pereira 2020, p. 49).
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15La contribution de Mario Chagas, Judite Primo, Paula Assunção et Claudia Storino, « La muséologie et la construction de sa dimension sociale : regards et chemins », est, elle aussi, fondamentale. Les auteurs commencent par clarifier que la Muséologie Sociale n’est pas une construction théorique mais une « construction qui résulte d’un contexte historique spécifique, qui n’a ni ne veut avoir de caractère normatif et qui présente des réponses singulières à des problèmes également singuliers et qui, avant tout, assume explicitement des engagements politiques et poétiques. » (Chagas, Primo et alii, p. 54) À partir d’expériences décisives que furent le Museu de Imagens do Inconsciente, le Museu do Índio et le Museu de Arte Negra, il apparaît que « le domaine des musées au Brésil reste ouvert à différentes expériences d'imagination créative et décoloniale, non alignées sur les musées classiques traditionnels. Ces expériences rappellent également que le défi de travailler ce champ reste renouvelé, surtout dans un pays où les processus d'exclusion sociale sont également renouvelés. » (Chagas, Primo et alii, p. 57) Un chapitre très instructif est consacré à « La nouvelle muséologie et la pierre au milieu du chemin », entendez par là une importante querelle idéologique : « La période entre 1984 et 1994 a été marquée par une forte dispute entre les partisans de la nouvelle muséologie et les défenseurs d'une muséologie traditionnelle, classique ou orthodoxe, ainsi considérée, bien sûr, du point de vue de ses opposants. […] Depuis les années 1980, la dite nouvelle muséologie a reçu différentes appellations : muséologie populaire, muséologie active, écomuséologie, muséologie communautaire, muséologie de rupture [...]. La perte de pouvoir de l'expression nouvelle muséologie a été décisive pour le renforcement et l'essor, surtout après les années 1990, de la muséologie dite sociale ou sociomuséologie, ainsi que de la muséologie critique. » (Chagas, Primo et alii, p. 59 s.) Pour les auteurs, « [l]es termes muséologie, nouvelle muséologie, muséologie sociale et sociomuséologie n'ont aucune valeur en soi et, qui plus est, ne peuvent rien en soi, tout dépend de ce que l'on veut et de ce que l'on parvient effectivement à en faire. C'est dans les relations sociales et politiques, dans les relations objectives et subjectives, que ces expressions prennent ou perdent leur sens. » Ils observent que, dès le moment où l’adjectif nouvelle fut ajouté au terme muséologie et notamment utilisé pour désigner le MINOM, une dispute sévère s’est installée sur ce qu’est ou n’est pas la Nouvelle Muséologie. La même chose s’observe dès le moment où l’adjectif sociale fut lié au terme muséologie : certains commencèrent à répéter que « la muséologie sociale n’existe pas, toute muséologie est sociale ». L’article évoque certaines critiques adressées à la Muséologie Sociale, la plus fondamentale étant celle qui dénonce son caractère politique et idéologique, ce qui, pour ses défenseurs, revient à un éloge. Ils répondent en posant la question cruciale de la muséologie : Existe-t-il une muséologie exempte de composantes politiques et idéologiques ? Il va sans dire que, de l’avis des auteurs, poser la question, c’est y répondre. « Ce qui donne un sens à la muséologie sociale, ce n'est pas le fait qu'elle existe dans la société, mais plutôt les engagements sociaux qu'elle assume […]. Toute la muséologie et tous les musées existent dans la société ou dans une société déterminée, mais lorsque nous parlons de musées sociaux et de muséologie sociale, nous faisons référence à des engagements éthiques, notamment dans leurs dimensions scientifique, politique et poétique ; nous reconnaissons que, pendant longtemps, au moins depuis la première moitié du XIXe siècle jusqu'à la première moitié du XXe siècle, il y a eu dans le monde occidental une prédominance d'une mémoire, d'un patrimoine et d'une pratique muséale entièrement voués à la défense des valeurs des aristocraties, des oligarchies, des classes et religions dominantes. La muséologie sociale, dans la perspective présentée ici, s'engage à réduire les injustices et les inégalités sociales, dans la lutte contre les préjugés, pour l'amélioration de la qualité de vie, pour le renforcement de la dignité et de la cohésion sociale, pour l'utilisation du pouvoir de la mémoire, du patrimoine et du musée en faveur des communautés populaires, des peuples indigènes et des quilombos2, des mouvements sociaux […]. Il serait possible de dire que toute la muséologie est sociale si toute la muséologie, sans distinction, était engagée du point de vue théorique et pratique avec les questions présentées ici. » (Chagas, Primo et alii, p. 64 s.) Les auteurs abordent plusieurs expériences concrètes de Muséologie Sociale au Brésil, telles que le Museu da Maré, le Museu de Favela ou le Museu das Remoções, et rappellent, dans leurs considérations finales, que la Muséologie Sociale doit être comprise comme un instrument de travail en faveur de la citoyenneté, des droits humains, des droits de toutes les minorités et groupes exclus.
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17L’excellente contribution de Marcelle Pereira, « Muséologie, Nouvelle Muséologie et Muséologie Sociale : interfaces et conjoncture » développe une vision bien contextualisée de l’histoire de la Muséologie Sociale. Elle met un accent particulier sur l’importance de la Nouvelle Muséologie pour l’émergence de la Muséologie Sociale et sur les profondes disputes théoriques et institutionnelles autour de la première (on rappellera l’attitude ségrégationniste de l’ICOM et en particulier de l’ICOFOM dans les années 70 et 80 qui a conduit à la fondation du MINOM). La contribution a pour apport majeur dans cet ouvrage les développements consacrés à la théorie décoloniale et son importance pour la Muséologie Sociale. La Muséologie Sociale se caractérise comme étant engagée en faveur d’une nouvelle société, clairement fondée sur la subversion de la logique coloniale du pouvoir, du savoir et de l’être dans les processus muséaux.
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19Juliana Siqueira, dans son article « Coraisonner une Muséologie dans laquelle rentrent plusieurs muséologies […] », insiste sur la connexion fondamentale entre musée, modernité et colonialité. Les musées ont participé à la constitution de la colonialité du savoir, en imposant une épistémologie eurocentrée en tant que paradigme universel. Ils ont corroboré l’instauration de la colonialité de l’être dans la mesure où leurs collections ont servi de preuves matérielles de la différence ontologique entre colonisateurs et colonisés. Ils ont aussi servi à justifier et naturaliser la colonialité du pouvoir en proposant des lieux de rencontre avec « l’autre » subalternisé, participant ainsi à la production de l’intersubjectivité moderne/colonial dans laquelle l’idée de race joue un rôle structurant. Pour Siqueira, une perspective décoloniale de la muséologie se caractérise par les éléments suivants : elle est expérimentale et située ; transformatrice et libertaire ; elle a une vision holistique du patrimoine qui n’oppose ni la culture à la nature, ni le matériel à l’immatériel ; elle respecte le principe d’autonomie en reconnaissant le droit des communautés et peuples d’être les gardiens légitimes de leurs mémoires, patrimoines, discours et interprétations ; elle est de nature dialogale ; elle articule la temporalité à partir du présent ; elle s’organise en réseaux ; elle respecte la complexité de l’observation et de l’action sur la réalité qui requiert des approches inter ou multidisciplinaires et transversales dans les processus muséologiques. Siqueira plaide en faveur d’une épistémè interculturelle pour la muséologie en introduisant, entre autres concepts, la philosophie Ubuntu3, dans un chapitre particulièrement innovateur.
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21Le deuxième chapitre du volume est consacré aux formes et pratiques de la Muséologie sociale. Dans quatre contributions, il met en évidence des exemples concrets au Brésil, au Portugal et au Mexique.
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23Une contribution de Siqueira présente en détail la création et l’évolution du REMMUS-SP (Réseau de São Paulo de Mémoire et Muséologie Sociale) depuis 2014, et son important effort pour connaître, cartographier, mettre en lien et soutenir les initiatives de Muséologie Sociale dans l’État de São Paulo, un vaste territoire historiquement marqué par la violence extrême de la colonisation et de la modernisation. Les difficultés rencontrées par le REMMUS ne sont pas le fruit du hasard, puisque l’effacement et l’invisibilisation des innombrables initiatives communautaires de mémoire des savoirs, pratiques et personnes liés aux matrices afro et indigène sont l’expression de la construction historique d’un projet colonial de pouvoir. Cette étude de cas donne un exemple de l’engagement souvent énorme des personnes liées à la Muséologie Sociale qui, même en l’absence totale de soutien étatique comme c’est le cas du REMMUS, ne ménagent ni leur temps ni leurs efforts, puisant leur force et leur motivation dans les apprentissages et les transformations qui résultent de nombreuses rencontres, échanges et actions partagées.
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25L’article de Duarte Cândido et Ruoso traite des relations entre le Brésil et le Portugal dans le champ muséologique, présentant quelques acteurs et la circulation de théories et d’expériences. Il aborde l’histoire de la formation professionnelle en Muséologie dans les deux pays, l’importance de l’ULHT, des Cadernos, du MINOM, de la Nouvelle Muséologie puis de la Déclaration de Santiago. Une attention particulière est accordée à deux pionnières brésiliennes de la Muséologie, Waldisa Rússio Guarnieri et Fernanda de Camargo e Almeida-Moro, qui ont apporté une contribution importante à l’internationalisation de la pensée muséologique brésilienne. La contribution comporte deux listes détaillées des universités au Portugal et au Brésil qui proposent des formations académiques (Bachelier, Master, Doctorat) en Muséologie.
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27Vânia Brayner présente une intéressante étude de cas de la ville de Recife, capitale de Pernambuco dans le Nordeste brésilien, où un mouvement social en défense du paysage historique urbain près du quai José Estelita a résisté à l’alliance entre le pouvoir politique et les entrepreneurs appartenant au grand capital. La participation d’un « point de culture », dont est issu ensuite un musée audiovisuel itinérant, le Museu da Beira da Linha do Coque, a permis au mouvement de dénoncer la manipulation de l’opinion publique par l’alliance des entrepreneurs et des gouvernants. L’article montre comment une communauté organisée de manière horizontale et collaborative a réussi à mettre au jour l’historique de rébellion qui a fait de Pernambuco le centre des grandes luttes de libération du passé et comment les agents sociomuséaux y ont participé, s’engageant dans la lutte pour le droit à la ville.
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29La dernière contribution dans ce chapitre, de Raúl Méndez Lugo, fait un état des lieux critique de la Nouvelle Muséologie au Mexique. Cet article, malheureusement insuffisamment documenté et comportant une bibliographie incomplète, permet de se rendre compte des forces et des faiblesses des musées communautaires mexicains, ceux-ci étant reconnus par l’auteur comme l’expression la plus aboutie du mouvement de la Nouvelle Muséologie dans le pays. L’auteur ne se prononce pas sur les rapports entre la Nouvelle Muséologie et la Muséologie Sociale.
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31Le troisième chapitre qui présente des sujets de débats divers est le plus éclectique, avec treize contributions abordant des sujets aussi variés que les conséquences de l’intégration de la perspective de genre pour la Muséologie Sociale ; des questions d’éducation muséale ; le processus muséologique comme action d’exclusion ; les liens entre la Muséologie Sociale et l’archéologie post-processuelle, entre autres.
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33Mario Chagas analyse les relations entre la mémoire et le pouvoir dans les musées des 18e et 19e siècles et dans le monde actuel, dans les musées dits « traditionnels » comme dans ceux qui prétendent s’orienter vers de « nouveaux paradigmes ». Il distingue d’une part deux mouvements de mémoire : l’un se dirigeant vers le passé, l’autre vers le présent et, d’autre part, la mémoire du pouvoir et le pouvoir de la mémoire. Le musée est le champ où ces deux mouvements de mémoire se rencontrent, champ marqué dès le début par les germes de la contradiction et par le jeu des oppositions multiples. Les relations étroites entre l’institutionnalisation de la mémoire et les classes privilégiées ont favorisé la tendance à la célébration de la mémoire du pouvoir responsable de la constitution de collections personnalistes et ethnocentrées. Ces collections sont traitées comme si elles étaient l’expression de la totalité des choses et des êtres, la reproduction muséale de l’universel. De manière plus générale, il conclut que là où il y a la mémoire, il y a le pouvoir et là où il y a le pouvoir, il y a construction de la mémoire. Dans tous les musées, le jeu de la mémoire et du pouvoir est présent et, par conséquent, aussi celui de l’oubli et de la résistance. Dès lors, il y a aussi des dangers : celui d’exercer ce pouvoir de manière autoritaire, et celui de saturer la mémoire du passé, ce qui conduit au blocage de l’action et de la vie.
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35Une contribution particulièrement intéressante est « La Muséologie Sociale, le commun et la perspective de la lutte » de Vladimir Sibylla Pires, non seulement à cause de l’originalité de ses idées mais aussi parce qu’il s’agit du seul article qui tient explicitement compte de l’élection de Bolsonaro, candidat « des caves de la dictature », à la présidence en 2018. Pour l’auteur, nous nous trouvons face à un nouveau paradigme productif, le capitalisme cognitif, ce qui implique des changements dans l’analyse du rôle du musée dans la contemporanéité. Le musée n’est plus centré sur une relation contractuelle, mais sur la production du commun ; il n’est plus limité au bâtiment ni au territoire, mais lié à un réseau de réseaux ; il n'est plus au service du développement d'un public ou d'une population, mais un outil pour l'autonomie de la foule ; il ne se concentre plus sur l'objet ou le patrimoine, mais sur nos dynamiques communicationnelles. Pieres suggère que nous pensions le non-musée ; le post-musée au-delà des modèles de « travail ouvert » et de « lieux de mémoire » ; le musée de la rencontre entre praxis et poiesis : Un musée-monstre, de l'excès créatif de la multitude et, donc, une muséologie de la monstruosité.
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37En conclusion, l’Introdução à Sociomuseologia donne une vue riche et ample de ce domaine en plein essor, grâce à la grande diversité des expériences et approches. Selon les mots des éditeurs, l’introduction proposée ne se veut pas définitive, mais évolutive, « en suggérant des pistes, proposant des lectures, répondant à des doutes, soutenant des décisions, clarifiant la place que nous occupons ou que nous entendons occuper, dans une muséologie qui privilégie la durabilité, la justice cognitive et la dignité humaine. » (Primo & Moutinho 2020, p. 12) Cet objectif est, à mon avis, pleinement atteint.
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39L’ouvrage aurait mérité une relecture plus soigneuse, le trop grand nombre de fautes de frappe parmi d’autres erreurs (notamment l’attribution erronée de deux articles, inversant leurs auteures respectives dans la table des matières) étant dérangeant à la lecture. Cela ne réduit toutefois en rien l’importance de cette publication, dont j’espère qu’elle connaîtra une traduction en français et/ou en anglais, pour une plus ample divulgation d’une muséologie pleinement consciente de sa responsabilité sociale.
Notes
1 L’emploi des termes n’est pas encore consolidé. Au Brésil, qui s’est établi comme un important champ d’action et de réflexion dans le domaine, les termes Museologia Social et Sociomuseologia sont utilisés comme synonymes. Les auteurs soutiennent toutefois qu’il serait préférable de distinguer les deux, la Muséologie Sociale devant être comprise comme « la pratique de muséologie d’inspiration communautaire », tandis que la Socio-muséologie serait « un nouveau champ disciplinaire qui cherche à clarifier et, d'une certaine manière, à dynamiser les nouvelles pratiques muséologiques au service du développement. » (Primo & Moutinho 2020, p. 26) Les auteurs Chagas, Primo et alii critiquent cette distinction qui tend à reproduire un discours colonialiste (Chagas, Primo et alii, p. 63). La traduction allemande de cet article a été publiée in : Gesser, Gorgus & Jannelli (éd.), Das subjektive Museum. Partizipative Museumsarbeit zwischen Selbstvergewisserung und gesellschaftspolitischem Engagement, Bielefeld, Transcript Verlag, 2020, p. 27–44.
2 Un quilombo est une communauté organisée de personnes esclavisées fugitives ou, aujourd’hui, de leurs descendant-e-s.
3 L’Ubuntu est une philosophie africaine qui traite de l'importance des alliances et de la relation des gens entre eux, fondant une société soutenue par les piliers du respect et de la solidarité. Le mot Ubuntu pourrait être traduit par « humanité envers les autres ». Une personne avec Ubuntu est consciente qu'elle est affectée lorsque ses semblables sont diminués, opprimés. [da Luz Natalia, Ubuntu: a filosofia africana que nutre o conceito de humanidade em sua essência. Disponible sur : http://www.pordentrodaafrica.com/cultura/ubuntu-filosofia-africana-que-nutre-o-conceito-de-humanidade-em-sua-essencia?fbclid=IwAR33lNvlGd3vck9DHiy_qUFkJqcrHKGAM3eqDkPMmfD0OTwoUIyJ9bMH-XQ (consulté le 10 janvier 2022)].