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La recherche en Muséologie ou… pour une recherche adjectivée
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Introduction
1L'élaboration de ce texte résulte d'une longue réflexion relative aux spécificités de la recherche en Muséologie en proposant d'adopter l’usage du terme « recherche » toujours caractérisé, qualifié, selon les arguments que je présente ici. J'adopte comme références théoriques le « fait muséal » de Waldisa Rússio (1979 dans Bruno 2010, p. 80). La Muséologie étudie, selon elle, la relation entre l'homme et l'objet dans un scénario. Et selon Cristina Bruno, les problèmes fondamentaux de la Muséologie sont :
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« - Identifier et analyser le comportement individuel et / ou collectif de l'homme face à son patrimoine
- Développer des processus – techniques et scientifiques – pour que de cette relation le patrimoine se transforme en héritage et contribue à la construction d’identités » (Bruno 1996)
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4Une autre référence importante est la structure proposée par Vinos Sofka dans le domaine de la Muséologie (1980 in Hernández- Hernández 2006, p. 142). Il indique trois axes principaux pour cette structure : la Muséologie Générale (formée par la théorie muséologique, par l’histoire des musées et par la gestion des musées), la Muséologie Spéciale (composée de « textes »2 et de « contextes muséologiques »3), et la Muséologie Appliquée. La Muséologie Générale serait la « science générale applicable à tout type de musée », et la Muséologie Appliquée lui serait subordonnée. La Muséologie Spéciale, qui est liée ici à des textes - des typologies - et à des contextes muséologiques, est celle qui « approfondit et modifie la Muséologie Générale ».
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6Cristina Bruno affirme, à l’instar d’autres auteurs, que la face muséographique de la Muséologie correspond à la Muséologie Appliquée. Je combine habituellement la proposition de structure de Vinos Sofka avec les détails de la Muséologie Appliquée (muséographie) proposés par Cristina Bruno. Cet auteur entend que l'application de la Muséologie s'effectue à travers la chaîne opératoire muséologique composée de la sauvegarde patrimoniale (qui inclut la documentation et la conservation du patrimoine) et de la communication patrimoniale (par le biais de l'expographie et de l’action éducative-culturelle).
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Figure 1 – La structure de la Muséologie, développée par Duarte Cândido (2019, p. 20) sur la base de Sofka (1980 in Hernández- Hernández 2006, p. 142) et Bruno (1996, p. 35-36).
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9J’insiste également, comme dans beaucoup d’autres de mes publications, que je ne parle pas seulement de l’institution muséale « classique ». Ainsi, tout ce qui est traité ici comme musée implique un processus de muséalisation même si celui-ci n’est pas institutionnalisé ou s’il s’agit de modèles muséologiques (comme les musées de territoire et les musées communautaires), au-delà de collections physiques déterritorialisées et « enfermées » dans des bâtiments.
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11Hugues de Varine (Varine 1992, p. 64-65), qui entend également la Muséologie en tant que discipline appliquée, suggère que la formation dans ce domaine (destinée à préparer des professionnels en accord avec la nécessité ou la demande de servir le développement de l'homme) devrait porter sur trois domaines principaux :
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Anthropologie Sociale et Culturelle, Sociologie, Psychologie, Économie (appliquée aux problèmes de développement nationaux et locaux) ;
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Études de méthodologie (travail multidisciplinaire, communication de masse, pédagogie, recherche en évaluation) ;
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Élaboration des techniques de développement adaptées au caractère spécifique du musée.
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Étude sur la recherche en Muséologie
13Peter van Mensch dit qu'il semble que l'histoire de la Muséologie devrait être décrite comme un processus d'émancipation, impliquant son retrait des « subject-matter disciplines » c’est-à-dire des disciplines de base ou fondamentales. L’auteur tend donc à défendre la construction de l’orientation cognitive et méthodologique propre à la Muséologie (Van Mensch 2020). Il souligne également que la Muséologie ne vise pas à remplacer les disciplines de base dans le contexte muséologique mais à agir en complément de celles-ci. Dans sa thèse, l'auteur perçoit l'existence de trois genres de muséologies, « museum oriented museologies »4 « object oriented museologies »5 et « functions oriented museologies »6 (idem). Ceci implique, par exemple, différents formats d’organisation de musées et de formation de professionnels. Tous mes arguments préconisent une Muséologie axée sur la fonction plutôt que sur des objets ou des musées. C’est la conception du Cours de Muséologie adoptée à l'Université Fédérale de Goiás (UFG) et que je continue à défendre, notamment lors de la récente conférence à Saint-Pétersbourg, en Russie intitulé « Мuseology – museum studies in the XXI century: issues of studies and teaching » (Duarte Cândido 2018).
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15Adopter l’orientation de la Muséologie pour des fonctions et non pour des objets est une étape qui concerne le deuxième problème souligné par Bruno ci-dessus : comment assimiler les problèmes de relation entre société et patrimoine identifiés. Cette étape fait référence aux aspects muséographiques, autrement dit, à l’intervention de la Muséologie dans la réalité, en passant par l’identification du problème à l'action. Ceci me paraît essentiel pour différencier la Muséologie d’autres domaines de la connaissance qui ne feraient qu’identifier, étudier et décrire le problème. Cela ne signifie pas que je définisse la Muséologie comme l'étude des fonctions des musées puisque, comme cité ci-dessus, j'adopte le concept Waldisa Rússio : Muséologie est « la science qui étudie la relation entre l'Homme et l'Objet, ou l'Artefact, en ayant le Musée comme cadre pour cette relation. » (Rússio Carmago-Guarniéri 1979 in Bruno 2010, p. 80) et surtout « L'objet de la muséologie est le fait "muséal" ou fait muséologique. Le fait muséologique est la relation profonde entre l'homme – le sujet connaissant – et l'objet, faisant partie de la réalité sur laquelle l'homme agit et peut agir. » (Rússio Carmago-Guarniéri 1981 in Bruno 2010, p. 123). Van Mensch, dans son ouvrage « L'objet d'étude de la Muséologie » situe les auteurs dans plus d'une des cinq tendances de la Muséologie. Il attribue, en partie, la "maternité" de la dernière tendance à Waldisa Rússio : la Muséologie comme une étude de la relation spécifique entre l'homme et la réalité. Rússio a été inspirée par Stránský, Gluzinsky, Gregorová puis suivie par d’autres auteurs brésiliens (voir le schéma de synthèse de ces tendances dans Bruno 1996, p. 16).
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17Pour avancer dans cette discussion, il est nécessaire de clarifier certaines notions. On connaît déjà les critiques précipitées qui associent la défense de la Muséologie à une discipline appliquée à la diminution par rapport aux autres sciences. Ma position n'implique pas qu'une science appliquée soit inférieure aux sciences dites pures ou indépendantes. Comme dans d'autres domaines, je comprends que la connexion avec l'univers empirique favorise l'enrichissement et la comparaison des théories, dans un processus de rétroaction continu entre la théorie et la pratique, indissociées :
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« La pratique est un ensemble de relais d’une théorie à l’autre et la théorie d’un relais d’une pratique à l’autre. Aucune théorie ne peut se développer sans trouver une sorte de mur et il faut de la pratique pour le franchir » - Gilles Deleuze en conversation avec Michel Foucault (Foucault 1979, p. 69)
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20De ce point de vue, une Muséologie uniquement interprétative ou phénoménologique tend à ne se connecter qu’à ce qui est déjà arrivé, analysant des phénomènes sans intervenir dans la réalité. Basée sur l’identification des problèmes dans le présent, la Muséologie appliquée a la possibilité de déclencher de nouveaux processus de muséalisation et de projeter une nouvelle relation de la société avec ses patrimoines. Je soutiens donc que c’est précisément le parti pris appliqué par la Muséologie qui lui garantit un canal de projection dans le temps et de transformation sociale.
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Figure 2 – Fait Muséal / Phénomène Muséologique / Processus de muséalisation (Duarte Cândido 2019, p. 61).
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23Mais si la Muséologie appliquée implique un savoir-faire, comment expliquer qu’elle n’est pas seulement un outil au service des autres domaines du savoir qui font de la recherche dans les musées ? Pourquoi la chaîne opératoire muséologique n'explique-t-elle pas explicitement la recherche comme l'une des étapes de ce processus ?
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25Et comment différencier les types de recherche menées dans les musées et les processus de muséalisation, et percevoir les spécificités et les positions pour un dialogue interdisciplinaire au sein des musées ?
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27Dans le but d'approfondir les réflexions sur ces questions, j’ai créé à l’Université Fédérale de Goiás, en 2009 le projet de recherche Muséologie et Interdisciplinarité, ensuite devenu Groupe d'Étude et de Recherche en Muséologie et Interdisciplinarité (GEMINTER).
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29Son idée était de réunir des personnes de formations et de profils différents qui agissent dans les musées et qui peuvent réfléchir à leurs pratiques avec des questions telles que : dans quelle mesure jouent-elles le rôle d’une discipline dite de base (liée à la typologie du musée : Histoire, Arts, Sciences Naturelles, etc.) et quel est le rôle de la Muséologie dans un projet commun et interdisciplinaire ?
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31Le projet a été inspiré par Waldisa Rússio (1977) qui, en réfléchissant à la Muséologie et à l'interdisciplinarité, a déclaré que le musée se réfère à l'homme et à la vie et que, pour faire face à cette complexité, il est nécessaire de se servir du savoir intégré que l’hyperspécialisation a dû séparer.
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33Le GEMINTER est parti des prémisses, déjà développées, que la Muséologie est une discipline appliquée et axée sur la transformation de la réalité à travers la relation de la société à son patrimoine. Nous avons proposé aux participants d'étudier le potentiel et les limites de la Muséologie. Ces participants ont été invités à mettre ceci en regard dans leurs différents contextes d'intervention en cherchant à systématiser les expériences interdisciplinaires de leur réalité professionnelle et académique. Ainsi, ils pourraient contribuer à délimiter les spécificités de la Muséologie. Donc, ils ont été encouragés à étudier les hypothèses suivantes :
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La Muséologie est un terrain fertile pour la discussion sur l'interdisciplinarité, parce que c’est une science sociale appliquée, toujours en relation avec les disciplines de base du musée et du savoir disciplinaire qui modifient, approfondissent ou contribuent à la Muséologie générale et et qui sont appropriés par la Muséologie spéciale et par la Muséologie appliquée.
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Quel que soit le modèle muséologique d'une institution muséale, qu’il soit plus ou moins traditionnelle, elle devrait toujours bénéficier d'un soutien interdisciplinaire, même s'il existe des disciplines davantage soutenues dans différents modèles institutionnels. Dans toutes ses disciplines, la Muséologie agit comme intermédiaire entre les différents domaines disciplinaires et comme moteur d'intervention et de qualification de la relation entre la société et son patrimoine. Il faut donc envisager différents processus pour comprendre ce qui est commun entre eux. Cela permet d'avancer dans la délimitation des spécificités de la Muséologie par rapport à d'autres domaines et, par conséquent, de la renforcer en tant que discipline.
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L'insertion de la discussion sur la Muséologie dans la formation de professionnels issus d'autres disciplines et dans des publications et des manifestations concernées, contribue à renforcer la Muséologie et à établir les spécificités du savoir-faire muséologique face aux autres savoirs. Une discipline professionnelle n'est pas renforcée par l'isolement et par la construction de barrières.
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Recherche dans les musées, recherche en Muséologie : équivalentes ?
36Il est toutefois nécessaire de faire la distinction entre ces fonctions muséales, la recherche muséale et la recherche muséologique. Pour cela, je propose l’ajout d’un adjectif au mot « recherche » : fondamentale ou appliquée. Cela individualise donc ces démarches affectées aux musées mais différentes dans les domaines de la connaissance auxquels elles sont associées7. De mon point de vue, l’imprécision sur l’existence de ces différentes recherches dans le musée est l’un des facteurs qui a conduit à des superpositions entre professionnels de différents domaines. Parfois, il s’agit de travailleurs d'autres domaines qui pensent ne pas avoir besoin du personnel de la Muséologie, ou inversement il s’agit de personnes ayant une formation en Muséologie et qui estiment qu'elles sont aptes à mener des recherches en Anthropologie, en Arts ou en Histoire, entre autres.
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38Je crois que pour les professionnels du domaine de la Muséologie, le cœur du problème réside dans la transposition du concept de musée de l'ICOM, et dans la manière dont il fait référence à la recherche et aux arguments qui entourent la Muséologie. On dit que la recherche est l’une des fonctions du musée. Elle est inconsciemment considérée comme l’une des fonctions de la Muséologie, sans distinguer la recherche muséale de la recherche muséologique. Considérant comme muséal tout ce qui se passe dans le musée, et comme muséologique, ce qui relève de la Muséologie, j’estime qu’il est nécessaire de défendre l’utilisation du terme recherche, dans la Muséologie, toujours avec un adjectif, soit muséologique ou appliquée. Ainsi il est possible de la différencier de la recherche du musée, plus vaste, composée de la recherche appliquée (muséologique) mais aussi de la recherche fondamentale, concernant les domaines liés au patrimoine qu'il conserve. La clarté des modalités de recherche spécifiques en Muséologie permet de donner la priorité au contenu dans la formation des professionnels de la Muséologie. Ainsi, on évite que les cours ne s’éparpillent dans trop de contenus en Anthropologie, Histoire ou Histoire de l’Art, par exemple. La présence de trop nombreuses disciplines ne formera pas un professionnel de ces domaines et, pas non plus, un muséologue.
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40Je reviens à la question de la chaîne opératoire muséologique qui ne considère pas de la recherche comme une de ses étapes explicites. Une fois encore, il faut rappeler la différenciation entre muséal et muséologique. Beaucoup de recherches sont effectuées dans les musées mais toutes les recherches ne sont pas muséologiques. La recherche explicitée dans la définition des musées de l'ICOM et, dans de nombreux manuels, de pair avec la préservation8 et la communication, consiste en la recherche muséale (des musées). Cela n'est pas ou ne devrait pas être transposé directement à la compréhension de recherche muséologique car il ne s’agit pas d’une définition de la Muséologie. La chaîne opératoire, en revanche, est muséologique donc, par définition, relative à la Muséologie et, par conséquent, appliquée.
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42Van Mensch a présenté deux propositions visant à mieux comprendre les fonctions des musées : PRC (Preservation, Research, Communication)9 et CC (Collections Management, Communication)10. Je pense, comme Hernández-Hernández (2006), qu'il ne s'agit pas de modèles structurels de la Muséologie, mais plutôt d'approches du domaine des musées, identifiant l'existence de différentes chaînes opératoires dans lesquelles je situe même l'idée de sauvegarde et de communication du patrimoine. Collections management, dans le glossaire organisé par Fopp (1997, p. 208), est similaire au contrôle des stocks dans le domaine des affaires. C'est l'activité, le processus ou l'étude du contrôle des collections dans un musée, correspondant au fait d’inventorier, à la gestion de l’accès, au contrôle et à la conservation dans un schéma satisfaisant. Nous pouvons, donc, la considérer comme gestion ou sauvegarde11 de la collection.
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44Les deux modèles coexistent, comme le Dictionnaire Encyclopédique de Muséologie en atteste. Les différents termes utilisés dans le monde pour désigner les fonctions des musées peuvent être doubles ou triples : archivage / sauvegarde / préservation et transmission / communication, auxquels certains (pas tous) ajoutent étude / recherche (Mairesse 2011, p. 314).
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46La chaîne opératoire muséologique est appliquée et opérative mais repose sur une théorie en arrière. J'ai déjà défendu la relation entre la théorie et la pratique et la manière dont elles se nourrissent entre elles. C'est là que se réalisent de tels processus – techniques et scientifiques – mentionnés par Bruno plus haut. Ces processus ne sont donc pas de simples pratiques dépourvues de réflexion et de science. Il existe une recherche qui associe des bases théoriques et méthodologiques à de nombreuses expérimentations, évaluations, prises de décisions12.
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48Selon Bruno, le lien entre la théorie et la pratique existe. Car si la consolidation épistémologique de cette discipline dépend en grande partie de son expérimentation dans les musées, ces institutions ont néanmoins besoin d’une orientation philosophique et conceptuelle, dérivée des paradigmes qui nourrissent la discussion sur la Muséologie. En ce sens, le raffinement des chemins entre rêve et utopie réside dans la conciliation entre le développement des musées et les réalisations de la pensée muséologique (Bruno 2006, p. 5).
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50Inclure la recherche non adjectivée dans la chaîne opératoire des musées ne ferait que créer la confusion. Car, outre le fait d'être recherche muséale (qui est divisée en deux, recherche fondamentale et recherche appliquée), cela impliquerait que la sauvegarde et la communication se produisent comme des pratiques sans recherche, ceci étant une chose à part.
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52Je comprends cependant, comme Bruno, que, même implicitement, la recherche muséologique ou appliquée soit toujours présente dans la chaîne opératoire en Muséologie puisque la sauvegarde et la communication sont, selon elle, des processus technico-scientifiques, pas seulement des techniques et des processus reproductibles et réplicables. Néanmoins, la collection ou les références patrimoniales du musée ou processus de muséalisation sont interprétées par la recherche fondamentale des domaines de son affinité, qu'il s'agisse de recherches fondamentales en Histoire de l’Art, Histoire, Anthropologie, Zoologie, Minéralogie, ou dans plusieurs domaines parmi eux, quand il s’agit d’un musée non disciplinaire, d’un musée intégré, d’un écomusée, d’un musée de la ville ou même d’un musée éclectique dans lequel se trouvent des collections compartimentées, mais issues de plusieurs domaines13. Dans la figure suivante, j'ai différencié la recherche (fondamentale), car il s'agit d'une recherche provenant d'autres domaines, de la recherche appliquée servant de support aux autres secteurs du musée. En bref, nous pensons que la Muséologie travaille avec le destin des choses (Bruno 2009), alors que l’interprétation des choses se situe dans les domaines fondamentaux de la recherche qui, à leur tour, ne sont pas intéressés à assurer le passage de ces choses à un héritage. Donc, le processus qui fait en sorte que ces choses atteignent les générations futures en héritage par le biais de la sauvegarde et de la communication est qu’il serait spécifique à la Muséologie (Bruno 2009), y compris les pratiques, procédures, techniques, méthodologies, recherches et théories.
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Figure 3 – Recherche fondamentale et appliquée sur les processus de muséalisation (Duarte Cândido 2014, p. 163).
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Muséologie dans les musées : en plus de la recherche et des opérations muséologiques, une pratique de médiation
55Outre la recherche appliquée, la Muséologie contribue, dans les processus de muséalisation, en tant qu’élément de médiation au sein de l'équipe interdisciplinaire. Cela ne veut pas dire qu'elle ne produit pas de nouvelles connaissances, mais que ces connaissances devraient avoir pour intérêt la médiation de groupes de travail interdisciplinaires impliqués dans des processus de communication et de gestion de l'information provenant d'autres domaines, appelés domaines fondamentaux, comme déjà vu.
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« Le médiateur est un troisième élément du processus de construction de toute réalité fortement communicationnelle dans laquelle il agit en tant que traducteur, facilitateur, négociateur, hôte, ambassadeur, partenaire, modérateur, décodeur, conseiller, catalyseur et intermédiaire entre deux interlocuteurs ou plus, ayant des contextes de sociabilité différents, leur identité est donc constamment redéfinie. » (Azevedo s.d., p. 11)
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58Donc, faire de la médiation, c'est aussi produire des nouvelles formes de connaissances et non seulement reproduire ou "traduire" des connaissances d'un autre domaine. Insister sur le rôle médiateur de la Muséologie ne signifie d’en diminuer sa portée, mais plutôt de la faire correspondre aux idées de la Déclaration de Caracas de 1992, qui renforçait le musée en tant que canal de communication (Duarte Cândido 2014, p. 59). La Muséologie joue un rôle de médiation important, entre références patrimoniales et société, entre savoir scientifique et public, et entre les différents domaines de connaissance articulés dans le musée (Duarte Cândido 2009).
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60Dans une situation où plusieurs intelligences sont autour du même processus de muséalisation, tandis que les domaines fondamentaux se tournent vers l'interprétation des choses, la Muséologie aborde ces choses afin de leur attribuer leur pertinence (Manuel-Cardoso 2014), veille à leur destin (Bruno 2009) et, à travers eux, donne à la société14 les moyens d’effectuer des lectures du monde et d’agir en conséquence pour le transformer (Rússio Camargo-Guarniéri 1990, p. 204).
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62Nous devons contribuer plus fortement à la construction disciplinaire de la Muséologie, qui a eu son apogée, selon Dominique Poulot, à la fin des années 1980, alors qu'il y a eu un reflux dans la décennie suivante, avec une prédominance d'une « phraséologie stéréotypée » (Poulot 2005, p. 97). Peut-être que la « course » à la théorie a fourni quelques avancées au départ mais, après un certain temps, elle a engendré son éloignement de la pratique du terrain et, par conséquent, son propre affaiblissement. Deux facettes de la question sont donc récurrentes : une théorie déconnectée des pratiques épuisées, mais aussi la résistance des musées à s'ouvrir à de nouveaux professionnels formés dans le domaine de la Muséologie15.
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Considérations finales
64Peter Van Mensch semble avoir une position hésitante sur le problème de cet article car, comme plusieurs autres collègues européens, il inclut la recherche (non adjectivée) dans ses textes. Mais en lisant attentivement sa thèse Towards a Methodology of Museology16 pendant qu’il présent ses quatre points de départ – le champ d’action, la forme d’action, le type d’action, l’objet et la finalité de l’action – il mentionne l'argument suivant dans le type d'action :
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« Ces activités muséologiques de base sont : la préservation (qui comprend la constitution des collections, la conservation, la restauration, la documentation) et la communication (qui comprend la présentation des collections et l’éducation). » (Van Mensch 2020, p. 192-193)
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67Auparavant, il a précisé :
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« La « recherche » au sens de sujet de recherche, ne devrait pas être considérée comme faisant partie de la muséologie. La confusion résulte du fait que l’institution muséale est encore utilisée comme cadre général de référence. Par ailleurs, aucune distinction claire n’est faite entre les fonctions de l’institution muséale et les fonctions de la muséologie » (Van Mensch 2020, p. 103)
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70En d'autres termes, pour clarifier l'argument, il faut éviter d'utiliser le terme recherche d'une manière isolée mais le qualifier de fondamentale ou appliquée / muséologique. Pour ainsi différencier les fonctions muséales des fonctions muséologiques et identifier quel type de recherche correspond à chacune. Finalement, j’insiste : la clarté de ces concepts, en l'occurrence la recherche muséologique, est importante pour soutenir les modèles de formation, les organigrammes des musées, etc. Comprendre les spécificités de la recherche muséologique reste un facteur primordial dans la promotion des travaux de fin d’études, dans le choix des thèmes et des approches capables de renforcer le domaine, sans recourir de manière irréfléchie à des recherches déjà menées dans d’autres domaines.
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Notes
1 Ce texte a été précédemment publié en portugais (disponible sur : http://hdl.handle.net/2268/239341). Sa version française est maintenant utilisée dans certains cours que l'auteure donne à l'Université de Liège. Pour cette raison, nous avons décidé de le publier dans la section Dans la Marge des Cahiers de Muséologie, également comme un moyen d'inciter les étudiants de cette université à utiliser et à se familiariser avec notre revue, en ce moment de refondation. Traduction : Barbara F. de Avelino. Révision : René Dagonnier, Mélanie Cornelis et Kim Cappart.
2 Typologie des musées selon Sofka.
3 Contextes socio-économico-culturels dans lesquels les institutions sont insérées.
4 Très traditionnel et empirique, il a adopté le concept de Muséologie en vigueur lors du Séminaire Régional de l'UNESCO sur les musées, tenu à Rio de Janeiro en 1958, selon lequel son objet d'étude est l'organisation des musées.
5 Dans cette perspective, selon l'auteur, la Muséologie comprendrait, outre Bibliothéconomie et Archivage, les Sciences de l'Information (ou de la Documentation) et les tâches principales seraient de collecter, de conserver et de donner accès aux objets en tant que sources primaires d'informations.
6 Dans cette ligne, dont l'auteur attribue la « paternité » à Stránský, se situent également Gluzinski et Rússio, entre autres (Stránský lui-même aurait enregistré la relation entre la pensée des trois auteurs).
7 Je suis au courant que Van Mensch (1992) mentionne la division de la recherche muséologique de Sofka en recherches muséologiques fondamentales et recherches muséologique appliquée, mais en réalisant qu'il s'agit d'autres objectifs, puisqu'il s'agit de se référer à la recherche muséologique commune à divers types de musées et à d'autres types spécifiques. L'originalité de ma proposition est de distinguer, parmi les musées, la recherche muséale (fondamentale et appliquée) et la recherche muséologique, qui ne seraient que des recherches appliquées. À partir de cela, je reconnais la possibilité de recherches muséologiques en dehors de l'univers des musées et des processus de muséalisation, au sein desquelles Sofka appelle la Muséologie Générale (fig. 1), dans une sorte de Méta-Muséologie. Mais j’ai tendance à penser qu'une Méta-Muséologie hyperdéveloppée, sans rapport avec les processus concrets de muséalisation, domaine d'application de la Muséologie, a peu d'utilité sociale. Il doit y avoir un équilibre entre théorie et pratique et, avant tout, j'estime que les professionnels du secteur ne devraient pas se spécialiser beaucoup en théorie sans faire l'expérience des défis de la pratique. En particulier, je me suis beaucoup plus enrichie en suivant la production dans le domaine de la Muséologie de professionnels qui exercent également la pratique (Waldisa Rússio, Cristina Bruno, François Mairesse, Georges Henri-Rivière, Jacques Hainard, Mário Chagas, Hugues de Varine, Camila Wichers, Vânia de Oliveira, Maria Ignez Mantovani, Marília Cury, Maria Célia Santos, Marcelo Araújo, Marcelo Cunha, Jorge Wagensberg, Isabel Victor, André Gob, entre autres), qu’avec les seuls théoriciens.
8 J'ai déjà expliqué dans d'autres textes pourquoi j'adopte, comme Cristina Bruno et d'autres, sauvegarde et non préservation, qui a, à mon avis, un sens plus large. La préservation, à mon avis, envisage le processus de muséalisation dans son ensemble : « On considère donc que le processus de muséalisation se fait par une sélection et une attribution de significations effectuées dans un vaste univers patrimonial, aboutissant à une coupure constituée d'un ensemble d'indicateurs de mémoire ou de références du patrimoine tangible ou intangible, naturel ou artificiel, indistinctement. Une fois la sélection effectuée, ces références patrimoniales entrent dans une chaîne opératoire correspondant à l'univers d'application de la Muséologie – muséographie. La préservation est donc assimilée au processus de muséalisation et est réalisée par l’application d’une chaîne opératoire formée par des procédures technico-scientifiques de sauvegarde et de communication patrimoniale, en équilibre. La chaîne opératoire représente à la fois la responsabilité du patrimoine constitué pour l'avenir et la communication permanente et procédurale. Elle est nécessairement insérée dans un contexte de planification et d’évaluation, c’est-à-dire qu’elle est continue et non pas une ligne de conduite : chaque étape de l’évaluation donne un retour d’information à la planification et l’idée de subsidiarité de la gestion est présente, ce qui la soustrait du contexte de gestion exclusive des ressources humains et financières, et des décisions au plus haut niveau. La préservation, ou processus de muséalisation, va de la sélection de références patrimoniales au retour à la société, qui à son tour produit de nouveaux actifs patrimoniaux et interfère dans de nouvelles sélections et attributions de sens, d'une manière continue. » (Duarte Candido 2014, p. 154)
9 Préservation, recherche, communication.
10 Gestion des collections, communication.
11 Avec la mise en garde, déjà exprimée, que ma compréhension de la préservation est plus large et n'est possible que lorsque la communication se produit également, c’est-à-dire préservation correspond à l’ensemble du CC ou de la chaîne opérationnelle, et pas à une de ses parties.
12 Cristina Bruno déclare, en présentant les détails de la Muséologie appliquée que j'ai utilisé à la figure 1, que cela signifie que cette chaîne opératoire muséologique de sauvegarde et de communication est toujours insérée dans un contexte de planification et d'évaluation. C’est-à-dire que cette représentation, qui semble très simple, doit en fait être lue comme un engrenage avec des mouvements dans des directions différentes entre sauvegarde et communication, mais aussi entre planification et évaluation, et enchaînée, sans point de départ ni de fin: la planification peut commencer avec le diagnostic, qui est une évaluation, et la communication peut être le point de départ de l'approche d'un processus de muséalisation, qui ne commence pas nécessairement avec la sauvegarde.
13 Peter Van Mensch (2004) signale également l'existence de disciplines de soutien (gestion, communication, pédagogie, design, chimie, etc.).
14 Rússio utilise le terme « homme », y compris dans ses diverses définitions du fait muséal. Le terme est dépassé et, conformément au regard critique de mes collègues (hommes et femmes) en études de genre, je l’ai remplacé autant que possible par « société ».
15 Ce phénomène est observable dans le monde entier. Selon Van Mensch (1992), lors d'une table ronde sur le développement professionnel de 1984, certains directeurs de musées canadiens ont indiqué leur réticence à employer des diplômés en Muséologie en raison de leur manque d'expérience pratique et de formation super-généraliste. Dans ma pratique, je constate encore aujourd'hui une résistance similaire dans de nombreux pays tels que l'Allemagne, la Belgique, le Brésil et le Portugal, ainsi que les efforts répétés des cours de Muséologie pour démontrer au secteur muséal les capacités des professionnels formés à la Muséologie.
16 Récemment traduite et publiée en français (Van Mensch 2020).