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Réflexions sur les possibilités de réinventer les musées d’ethnographies en Afrique orientale : réinterroger la notion d’identité et jeter un regard pluriel et contemporain sur la société
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Dans cet article, je propose des pistes par lesquelles les musées Est-Africains peuvent être renouvelés. Il s’agit de réfléchir et de proposer des voies à emprunter pour renforcer l’importance sociale du musée. En considérant la culture « postindépendance » telle qu’elle est mise en scène depuis plus d’une cinquantaine d’années, force est de constater qu’il est indispensable de repenser le discours des musées. Ces musées méritent donc une profonde transformation. Le modèle de musée occidental adopté en bloc doit être soumis à des transformations importantes pour donner naissance à des institutions susceptibles d’assumer leurs raisons d’être. Cet article est donc le résultat de mes lectures variées et de mon analyse sur place des musées du Burundi, du Rwanda, de l’Ouganda et du Kenya. Il ne couvre pas les musées de toute l’Afrique orientale1. Outre que ces musées souffrent de l’emprisonnement spatial, ils mettent en scène une société figée.
Abstract
In this article, I present ways in which East African museums can reinvent themselves. The aim here is to reflect on and propose ways to strengthen the social significance of the museum. Considering the "post-independence" culture as it has been staged for more than fifty years, it is clear that it is essential to rethink the discourse of museums. These museums therefore deserve a profound transformation. The Western Museum model adopted en masse must be subjected to important transformations to give birth to institutions likely to assume their raison d'être. This article is therefore the result of different readings and my own on-site analysis of museums in Burundi, Rwanda, Uganda and Kenya. It does not cover museums in the whole of East Africa. Besides the fact that these museums suffer from spatial imprisonment, they present a frozen society.
Table of content
1
1. Vers une reconsidération disciplinaire, territoriale et identitaire
2Né en Europe dans un contexte précis, celui de l’affirmation de l’idée nationale pour certains et de la révolution pour d’autres, l’institution musée va s’étendre hors de l’Europe. C’est durant l’époque coloniale que les musées au sens moderne du terme, firent leur apparition en Afrique. La vague d’indépendance des années 1960 ayant poussé les États africains à constituer leurs propres musées nationaux, chaque pays d’Afrique va se doter d’un musée (Gaugue 1997, p. 7). Les musées créés à l’époque coloniale et récupérés par les nouveaux dirigeants ainsi que d’autres créés après la colonisation n’ont pas continué à développer et à formuler des hypothèses qui répondent davantage aux aspirations et aux besoins de leurs communautés.
3En Afrique orientale, le territoire utilisé par les musées comme référent scientifique et culturel n’est plus satisfaisant. Les transports, communications, évolutions sociales en renouvellent constamment les contours et la perception. L’un des grands apports des musées concernant leurs territoires de référence, est d’en appréhender la complexité, les restituer dans le temps, comme dans le champ social ou les échanges économiques, dans leur environnement et dans le refus de la permanence (Casteignau 2002, p. 21). Une recherche d’ouverture oblige à dépasser un échelon local et à s’ouvrir au-delà des frontières attendues (Ythier 2002, p. 29). Aujourd’hui, le musée est doté d’un grand rôle, celui de bâtir un nouveau pont entre les cultures d’ici et d’ailleurs ; d’hier et d’aujourd’hui et de promouvoir la citoyenneté active (Cappart 2016, p. 34). Le musée et le territoire sont des lieux indissociables mais qu’il faut, dans le contexte africain2, revisiter. Le principe consiste, à cet effet, à rechercher l’ouverture qui dépasse le cadre strictement local, sans remettre fondamentalement en cause la notion de territoire. Rendre intelligible le territoire implique de reconnaître les relations qu’il a entretenues et qu’il perpétue dans tel ou tel domaine, avec d’autres territoires. Il est, en outre, question de manifester une volonté d’ouverture et de diversité sans limites. On interroge ou relativise par-là, le local par l’ailleurs. A cet effet, l’écriture du projet scientifique et culturel constitue un moment privilégié pour la mise en examen du territoire (Ythier 2002, p. 27-28). Dans cette perspective, le projet se fonde sur les brassages de populations. Il en découle qu’un concept muséal établi sur une collection témoin d’un passé mythifié, prend son essor vers un discours plus large. Dans cette vision systémique, Philippe Mairot évoque la place de l’objet ou de la collection : « Si l’objet n’a pas une voie d’accès à la complexité sociale, s’il n’ouvre pas à la totalité économique, religieuse, technique (…) alors il n’est qu’un témoin desséché » (Mairot 1992 cité par Ythier 2002 p. 25). En reconsidérant le lien entre le territoire et le musée, le statut et le rôle de l’objet, les musées en Afrique orientale peuvent aussi réinventer le nouveau rapport à l’identité en tenant compte des mutations de sociétés soumises à des évolutions technologiques, démographiques, sociologiques, dans un contexte d’ouverture plus large. Même s’il n’y avait aucun projet de décolonisation chez les anciennes puissances coloniales, les musées africains ne devraient-ils pas s’engager dans une reconversion vers un nouveau paradigme muséal en « se fixant pour mission d’interroger les effets de la mondialisation notamment sur les constructions identitaires » (De L’estoile cité par Watremez 2013, p. 22) ? Ceci implique aussi un nouveau rapport aux disciplines : ailleurs, la crise de l’ethnologie est souvent avancée comme une cause de la crise générale des musées de société3. Le champ d’étude et de compétence des musées se réclamant de l’ethnologie s’est considérablement élargi en même temps qu’évoluait le champ imparti à la discipline et que se faisait sentir le besoin de recourir à d’autres disciplines. C’est ainsi qu’à partir des années 1980, une des caractéristiques des musées de société va être de croiser l’ethnologie avec d’autres disciplines des sciences humaines (sociologie, histoire orale, histoire des sciences et des techniques, archéologie, écologie, etc.) (De L’estoile cité par Watremez 2013, p. 22).
4La montée en puissance de l’interdisciplinarité dans la recherche depuis les années 1960 est étroitement liée à l’intrusion de l’interdisciplinarité au musée. L’interdisciplinarité vise l’interaction des points de vue sur un même objet. Il faut attendre les années 1980, pour que l’on assiste à de réelles tentatives de rapprochement entre disciplines4 dans les musées et à la promotion de l’interdisciplinarité. Cela a été rendu possible pour les musées de société ou de civilisations par le rapprochement entre musées et laboratoires de recherche ou universités (Maze 2013, p. 83). Pour le cas de l’Afrique orientale, les musées peuvent, pour reprendre l’expression de Camille Maze, marquer une distance avec la discipline « pionnière ». Ceci se traduirait par exemple par une disparition des termes « ethnographie » dans le nom des musées ou dans les projets scientifiques et culturels. Dans cette perspective, « la discipline principale perd le monopole du discours sur les cultures. Sans la mobilisation de plusieurs disciplines pour un même sujet ou le croisement entre spécialistes de plusieurs aires ou époques, on ne peut pas rendre lisible la complexité du monde » (Maze 2013, p. 83-84).
5Aujourd’hui et par rapport à cette question de la complexité du monde, l’Afrique peut procéder par une ouverture plus large. Ce faisant, il me semble que la promotion des cultures frontalières5 ferait partie des missions des musées africains. Depuis l’accès des pays africains aux Indépendances, l’Afrique a été traversée par de nombreux conflits frontaliers et guerres inter-étatiques. Dans bien des cas, le tracé des frontières a été une des causes de conflits armés, avec des conséquences incalculables sur le développement économique et humain (Cassin & Wozny 2014, p. 78-79). Dans leurs propos, missions, programmations ou activités, il serait nécessaire aux musées africains, de revisiter et de prendre en compte « ces zones qui représentent des marges au sein des espaces africains, depuis la conférence de Berlin (1884) qui consacre le partage du continent, jusqu’aux Indépendances qui ont proclamé l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation » (Cassin & Wozny 2014, p. 78-79). Depuis le partage de l’Afrique, « des peuples qui étaient unis sont restés séparés par des frontières artificielles. Des pistes de transhumances ont été rompues, des expressions culturelles jadis florissantes sont murées dans des ghettos dont les limites sont des frontières dites de « souveraineté ». Dans une logique de réinvention du système actuel de musée et d’ouverture plus large, les musées africains pourraient promouvoir ces continuités culturelles et naturelles. Ceci est le meilleur moyen de gommer culturellement les frontières politiques héritées de la colonisation.
6Les musées africains peuvent ainsi penser et s’engager à la diversité des disciplines à des fins déjà mentionnées. Ils peuvent aussi revoir la question du territoire de référence en passant du territoire aux territoires et en abordant entre autres, les conséquences des processus de la mondialisation, voire de la colonisation et proposer de nouvelles approches de l’identité. Le principe consisterait dans cette perspective, à élargir le champ d’action pour ainsi aborder les cultures du monde (tout en conservant les racines propres) en portant un regard global sur les cultures des autres6 (Watremez 2013, p. 26-27). A cet effet, deux conceptions peuvent s’affronter : d’un côté, un musée s’adressant à l’ homme que l’on peut appeler local dans sa singularité ; de l’autre, un musée s’adressant au citoyen dans ce qu’il a de particulier et d’universel, et conçu comme un centre de diffusion culturelle et éducative et d’épanouissement à tous égards (Maze 2013, p. 81). Si l’on veut que le visiteur pénètre dans la connaissance, la compréhension et le goût pour le monde, la mobilisation des différents outils des sciences humaines et la présentation des multiples regards qu’elles posent sur les sociétés dans les espaces d’expositions (Maze 2013, p. 193) seraient un moyen par excellence pour réussir cet objectif. La mondialisation à l’œuvre depuis quelques décennies est une problématique que les musées africains ne peuvent ignorer. Les questionnements actuels ne peuvent se comprendre qu’à travers une perspective historique. Dans les pays développés qui ont même introduit le concept de musée en Afrique, « les notions d’échange, de circulation des hommes, des biens et des idées mais aussi des frictions voire des conflits qu’ils suscitent sont au cœur du projet de nouveaux musées rénovés. Pour pouvoir traiter des sujets qui dépassent les ancrages nationaux, ils mettent en œuvre une approche interdisciplinaire7 » (Drouguet 2015, p. 145). A ce propos, les collections d’origines différentes permettraient de répondre aux questionnements d’enracinement d’une part, et d’influence d’autres cultures, d’autre part. Ainsi, tout musée qui emprunte cette voie ne s’arrête pas aux seules frontières nationales mais « s’intéresse plutôt à la personne humaine dans une vision universelle et multiculturaliste. Il se donne la possibilité d’explorer des phénomènes qui ne sont pas limités à une période historique donnée ni à un groupe culturel particulier. Parmi d’autres ambitions, la diversité culturelle et les identités plurielles qui parcourent la société mondialisée » (Drouguet 2015, p. 163) peuvent être quelques-unes des démarches auxquelles les musées Est-Africains peuvent se saisir afin de se réapproprier cet héritage colonial. Ceci leur permettrait de rompre avec « la monotonie » qui introduit actuellement à la visite et d’intégrer la diversité culturelle dans leurs activités et missions. Aussi, la diversité ici n’est pas la segmentation ethnographique mais une approche holistique de l’unité dans la diversité. Cela ne signifie pas qu’il faut se focaliser sur des objets témoins mais sur des aires culturelles à travers des approches thématiques. L’un des objectifs de ce choix, c’est aussi de montrer que « les continuités culturelles sont des réalités rédhibitoires aux frontières politiques héritées de la colonisation » (Hamady 2018, p. 132).
7En Afrique orientale, pour rappel, outre le fait que les musées sont créés par discipline, on observe aussi, au sein d’un même espace, une répartition thématique par discipline au point de parler d’un alignement de plusieurs musées. Or, on ne peut pas aujourd’hui, appréhender la réalité ou les phénomènes avec le prisme d’une seule discipline. Il en découle que l’approche interdisciplinaire est l’une des voix pertinentes pour penser, réaliser et réussir la politique de la diversité dans les musées Est-africains. Formé en Europe, je constate, comme je l’ai déjà dit, que certaines pistes empruntées par les musées occidentaux s’avèrent aussi pertinentes pour l’Afrique. Il s’agit des pistes qui, à ma connaissance, peuvent fonctionner si elles sont adaptées à la situation sociale, culturelle et économique locale. C’est par exemple le passage de l’ethnologie à l’interdisciplinarité par le prisme des autres sciences ou disciplines : la prise en compte de l’art par exemple. Pour ce cas de l’art8, certains auteurs éclairent à ce sujet : la rencontre entre les musées et l’art est de plus en plus provoquée. De plus en plus, de musées n’étant pas à l’origine, dédiés à l’art font aujourd’hui des appels à la création artistique contemporaine ou en acquièrent des objets d’art qui disent quelque chose d’une société ou d’une époque. Cela permettrait de renouveler les savoirs, à transformer et à renommer les musées africains dits d’ethnologie ou d’ethnographies en musée des civilisations.
8En Europe ou ailleurs, notons que les musées qui conservent et exposent les objets d’origine africaine ont opté pour cette démarche artistique. Tel est le cas par exemple, des musées du Quai Branly, du Louvre, de Tervuren et bien d’autres. Concernant la prise en compte de l’art, des plasticiens, photographes, musiciens, vidéastes, acteurs, architectes peuvent être invités à intervenir dans les expositions et autres activités du musées » (Maze 2013, p. 86). Outre la fonction d’exposition, notons que l’engagement interdisciplinaire d’un musée entraîne des bouleversements ou des réaménagements d’autres activités telles que celle de la recherche, la médiation et la conservation.
9Pour revenir à la question identitaire, André Gob9 éclaire sur la façon par laquelle un musée peut renouveler ou aborder la question de l’identité : « Le musée présente des apports diversifiés des groupes humains qui composent la société, les vagues d’immigration successives, la richesse du métissage et son efficacité comme facteur de cohésion. L’identité ne se définit plus alors sur la base d’une ethnie d’un peuple, d’un groupe linguistique, d’une religion mais par rapport à une société qui habite aujourd’hui un lieu, une ville, une région » (Gob 2004, p. 55). Ainsi donc, le musée d’identité actuelle s’attache à prendre en compte la différenciation sociale comme un élément déterminant de la structure d’une société. Par exemple, l’utilisation de la technique du témoignage, dans l’exposition, rendue plus agréable par l’introduction des nouvelles technologies dans le musée, offre un excellent moyen d’approche (Gob 2004, p. 55). Serge Chaumier quant à lui souligne la difficulté pour un musée de dire l’identité ou d’aider à la préserver dès lors que celle-ci n’est plus perçue comme unique et immuable mais comme une figure sujette à élaboration permanente, en proie aux mutations (Chaumier 2000, p. 83-113). Et pour Krzysztof Pomian de préciser ceci : « …le musée d’ethnographie ne saurait se limiter à conserver pieusement les traces des différences culturelles en voie de disparition ou disparues déjà à tout jamais. Autant dire que son rôle ne saurait être seulement celui d’un haut lieu de la nostalgie, un temple du souvenir, voire celui d’un cimetière où l’on pleure la diversité perdue. Le musée doit aussi explorer le présent pour y lire les possibilités qu’il contient. Il doit se charger de repérer et d’identifier les différences culturelles en train de poindre. Il doit nous faire prendre conscience à la fois de ce que nous perdons et de ce que nous gagnons. Du vieux et du neuf, du passé et de l’avenir » (Pomian 1996, p. 37-48). Claire Simard abonde dans le même sens en écrivant ceci10 : « Le musée contribue à construire une identité en devenir. Le musée d’identité ne serait être le reflet de quelque chose de donné, d’acquis. Et par sa capacité d’accueil, il peut servir à faciliter l’intégration des « nouveaux venus » et contribuer ainsi à la transformation permanente de l’identité à laquelle il se réfère. C’est une démarche toute différente de celle qui consiste à l’instrumentaliser au profit de la construction d’une identité projetée. Du musée racine, né de la crainte du cosmopolitisme, du modernisme et de la disparition d’un mode de vie rural « ancestral », au musée de société qui cherche à rencontrer les besoins de communautés davantage urbanisées et en perpétuelles mutations, l’institution muséale explore le champ complexe de l’identité collective. A une approche statique et conservatrice centrée sur l’autochtonie et l’exclusion, le musée tend à substituer aujourd’hui la vision ouverte d’une identité évolutive, marquée par des apports successifs des échanges et des immigrations » (Simard cité par Gob 2004, p. 58-59).
10Les musées Est-Africains peuvent ainsi prendre en compte d’autres cultures ou civilisations des pays proches ou éloignés car l’identité endogène s’est enrichie d’influences ou des apports successifs11. Dans le cas contraire, André Gob, citant Krzysztof Pomian dit ceci : « Il s’agit de forger l’image d’une communauté homogène qui se construit seule contre les autres. Le mot identité implique à la fois unicité et similitude : cette identité-là est unique et les membres qui la composent sont les mêmes, sont identiques » (Gob 2010, p. 133). En Afrique orientale, les musée peuvent donc, pour emprunter l’expression d’André Gob, réactualiser leur propos en « poussant leurs racines aussi loin qu’il le faut dans le passé et surtout en étendant leurs centres d’intérêts jusqu’au contemporain, c’est-à-dire au XXIe Siècle. Ceci se ferait par l’actualisation des thématiques12 et la collecte de nouvelles collections » (Gob 2010, p. 6).
11Autant pour prendre en compte la grande diversité d’origines des Africains d’aujourd’hui que pour mettre en évidences les relations fécondes – actuelles et anciennes – entre les peuples et les régions d’un espace qui déborde largement des frontières nationales, les muséologues et les conservateurs des musées africains peuvent opter pour un élargissement radical de l’envergure géographique des musées qui, aujourd’hui, nécessitent d’être actualisés ainsi que d’autres qui nécessitent d’être créés13. Loin de continuer à imposer un modèle identitaire ou d’expliquer aux visiteurs ce qu’ils doivent être, l’objectif de cette nouvelle approche est, d’une part, de proposer aux visiteurs, et plus largement aux habitants de l’Afrique orientale du XXIe siècle des pistes pour comprendre ce qu’ils sont et le lieu dans lequel ils vivent et d’autre part, d’« inviter les visiteurs à interpréter leur propre identité à partir des identités multiples. Une approche multiculturelle qui met en avant la diversité des cultures et, qui offre une palette riche de traits culturels, permettrait à chaque visiteur de se reconnaître dans son identité multiple » (Gob 2010, p. 152).
12Parlant de l’Europe, Serge Chaumier dit que la croyance dans l’identité a été le fait du XIXe siècle et qu’il est temps d’en déconstruire la croyance et en dépasser les enfermements (Chaumier 2014, p. 201). Pour le cas de l’Afrique, l’approche identitaire mise en scène par l’« Autre » dans un contexte colonial est à déconstruire en procédant ainsi par exemple : « donner à voir un visage dynamique et en transformation, d’un territoire en mutation et en perpétuel réinvention au lieu de consacrer une vision fixiste, accolée à des collections supposées rendre compte d’une réalité manifeste, et indiscutable pour le public, puisque incarnée dans les collections » (Chevallier & Fanlo 2013 cités par Chaumier 2001). Aussi, pour être au service de la société et de son développement ou rendre compte de l’évolution de celle-ci, l’application de la démarche suivante serait pertinente : « Insister sur le changement plutôt et non sur le permanent, sur la ressemblance à l’ailleurs et non sur la spécificité locale, montrer les ponts, relativiser l’inscription de chacun dans une identité en dévoilant combien l’individu moderne est inscrit dans une pluralité d’identités fabriquées d’emprunts, de métissages… » (Chevallier & Fanlo 2013 cités par Chaumier 2001). Si les musées ne prennent pas en compte les phénomènes migratoires, les immigrations, les mariages mixtes, les habitants de passage, etc., il semble légitime de les juger de musées exclusifs.
2. Vers la prise en compte du témoignage et du patrimoine culturel immatériel
13En prenant conscience de la crise de l’identité culturelle et de la perte de la diversité culturelle, il est nécessaire que les enjeux du patrimoine culturel immatériel soient pris en compte dans la politique culturelle ou du patrimoine. Leur revitalisation est d’une grande importance. Lorsqu’on parle de revitalisation, il ne faut pas seulement entendre le retour à des formes plus anciennes. Dans la perspective d’ouverture à la contemporanéité ou de la voie vers la modernité, l’on ne doit pas considérer le patrimoine culturel immatériel et l’art traditionnel comme « des fossiles devant être récupérés dans le passé. Au contraire, il est possible de leur rendre la vie qui leur donnait force dans le passé et créer de nouvelles formes, car toute culture évolue. Par exemple, l’artisanat évolue en même temps que l’évolution de la société et des besoins de celle-ci, de ses techniques et de ses matériaux » (Jeong-Ok 2004, p. 81). Pour me focaliser sur l’Afrique orientale, il est intéressant que les musées de cette partie de l’Afrique s’engagent à la préservation et la valorisation de ce type de patrimoine et ceci en fonction de la politique culturelle développée par chaque pays de l’Afrique orientale. Cette particularité du patrimoine pose problème dans un musée habitué à une vision statique et instantanée des œuvres. Le rôle d’un musée peut être de conserver et de présenter les traces du patrimoine immatériel. Mais il est pertinent que chaque musée explore ses propres stratégies en fonction de ses objectifs, de sa politique patrimoniale voire de ses moyens. Pour le cas de l’Afrique orientale, il revient aux détenteurs de ce patrimoine de canaliser son évolution, tout en évitant, dans une perspective de l’ouverture à la contemporanéité, de le figer dans un passé éternel.
14Les musées peuvent alors inventorier, conserver, exposer, étudier et transmettre le patrimoine culturel oral ou immatériel, au même titre que le patrimoine matériel. Le fait qu’il s’agit d’expressions et de manifestations vivantes, largement ancrées dans le présent, elles contribueraient parfaitement à l’ouverture à la contemporanéité. Les traces à muséaliser peuvent être de différentes natures : objets, témoignages, photographies et enregistrements. Étant donné que l’on peut avoir recours au patrimoine immatériel et aux témoignages selon les objectifs ou intentions de tel ou tel musée, le patrimoine culturel immatériel est convoqué pour « écrire le monde contemporain » (Drouguet 2017, p. 152). Les musées africains peuvent procéder à la collecte d’objets de la vie courante ou d’aujourd’hui afin de les incorporer dans leurs collections existantes. De ce fait, ils seraient au service de la société actuelle ou de l’homme d’aujourd’hui. Par ailleurs, en s’engageant à l’usage du patrimoine culturel immatériel, ceci leur permettrait de traiter parfaitement les faits de société ou les enjeux actuels tels que les droits de l’homme, les élections, les conflits ethniques, les coups d’Etat, la mauvaise gouvernance, la diversité culturelle, l’environnement, l’immigration… Le recours au patrimoine immatériel, invite donc à se questionner sur la façon d’aborder le présent et à adopter un regard contemporain.
15Il faut aussi souligner que les musées africains restent silencieux sur les sujets douloureux tels que la colonisation et l’esclavage. Ces musées peuvent recourir au patrimoine immatériel et aux témoignages pour aborder ces sujets avec un regard actualisé. La colonisation et l’esclavage sont aujourd’hui, des faits historiques ; ils font partie du passé. Mais leurs conséquences sont toujours d’actualité. Ce sont elles que les témoignages peuvent révéler. Ces musées qui sont habitués à aborder des événements ou phénomènes du passé peuvent, dès lors, s’en détacher pour s’engager à traiter des thématiques diversifiées et complexes, sensibles et contemporaines. Pour y parvenir, ils peuvent « donner la parole à ceux qui vivent les différentes manifestations, aux porteurs de traditions, aux détenteurs de savoir-faire » (Drouguet 2017, p. 152). En principe, l’incorporation aux collections et aux expositions des témoignages qui attestent d’une réalité vécue est l’une des voies parmi d’autres par lesquelles les musées africains peuvent emprunter pour s’ouvrir à la contemporanéité et à la diversité.
16Dans un musée ou dans une exposition, le patrimoine immatériel et le témoignage peuvent être utilisés à des fins multiples. L’intégration du témoignage dans une exposition peut correspondre à une tentative de rendre compte de la complexité à des fins sociales, culturelles et politiques – ou de certaines problématiques (la colonisation, la guerre, esclavage…) – en donnant la parole à des personnes qui ont des points de vue ou des opinions différentes (Drouguet 2015, p. 171). Il y a lieu aussi d’avoir recours aux témoignages dans le but d’actualiser les thématiques car aux témoignages historiques portant sur les différents sujets, on peut ajouter les témoignages actuels y relatifs. Le témoignage peut aussi être mobilisé pour proposer une représentation de la diversité des cultures et des communautés. A propos de l’engagement à la collecte et à l’exposition des témoignages ou du patrimoine immatériel, le processus doit être dicté par le contexte, les objectifs et la politique de tout musée qui s’y engage. C’est par ailleurs une manière de perpétuer la tradition orale. « L’oralité en tant que véhicule de la transmission de la tradition est porteuse de la totalité des significations propres à une culture orale et joue un rôle social. A travers la parole, une tradition faite des connaissances, des valeurs et des modèles culturels d’un groupe social se transmet d’une génération à une autre. Interrompre la tradition peut provoquer la rupture d’un groupe social ; elle est le ciment qui lie les éléments constitutifs du patrimoine culturel autochtone » (Fiorio 2006, p. 69-70).
17Outre que la tradition orale produit ou traduit l’identité culturelle, elle peut aussi contribuer à l’actualisation des « choses » du passé. Tout ce que la tradition orale actualise – récits historiques, mythes, contes, poèmes, proverbes, devinettes, énigmes, historiettes, berceuses, chants, formules rituelles, discours coutumiers, récits biographiques, explications techniques, etc. – implique une transmission du passé dans un contexte formel de continuité. L’ensemble des messages qu’un groupe social considère comme significatifs pour sa propre continuité dans le temps confère à la collectivité ses caractéristiques particulières, en lui permettant de se distinguer des autres réalités qui l’entourent. Dans la narration d’un conte par exemple, c’est l’aspect divertissant et pédagogique qui est pris en compte ; dans l’exposé d’un récit, c’est plutôt la sauvegarde du savoir traditionnel qui est mise en œuvre. Le propre du narrateur du récit historique, c’est d’actualiser la parole traditionnelle apprise par l’ancêtre et de la rendre à son tour (Fiorio 2006, p. 64-70).
18Concernant la transmission de la parole, il faut aussi considérer le contexte dans lequel s’effectue l’échange. La narration en général est réglée par des normes restrictives concernant le temps, le lieu et, dans certains cas, les personnes qui peuvent y assister, ce qui dénote soit l’importance sociale de la tradition orale, soit son rôle dans la vie de la société et dans la transmission de la connaissance. En pays Tupuri (Tchad) par exemple, les restrictions sont essentiellement liées au temps de la narration, mais aussi au lieu de la narration et aux intervenants. Reprenons, à titre d’exemple, les narrations d’un conte et d’un récit historique : la narration d’un conte est restreinte aux mois de mars, avril et mai, correspondant à la période très chaude et sèche qui précède la saison des pluies. Tout le monde (femmes, hommes, enfants, jeunes) narre des contes à partir du jour du sacrifice au « génie de l’eau » (barkage) au bord du fleuve Mbarli (Fiorio 2006, p. 65). Le recours au passé en tant que dépositaire d’un savoir ancien hérité des ancêtres, détermine la suite du récit. L’explication des « choses du passé » s’appuie sur l’emploi systématique d’un lexique particulier riche en notions culturelles, témoignage d’un acte de transmission complexe qui doit considérer, soit l’héritage historique, soit l’innovation produite par la modernité. Mais l’aspect le plus innovant de la tradition Tupuri (ici donné comme exemple) se manifeste en particulier par l’acceptation de significations récentes et contextuelles dans un lexique catégorisé. Le dépositaire de la tradition devient alors l’intermédiaire entre les savoirs définis comme traditionnels et ceux plus contemporains. On peut alors considérer que la narration du récit témoigne de la volonté de préserver l’identité culturelle du peuple autant que de l’adapter au changement (Fiorio 2006, p. 65). A la lecture de ce qui précède, les musées Est-Africains peuvent s’engager au patrimoine immatériel non seulement pour le préserver ou transmettre les connaissances, mais aussi pour en faire usage à des fins d’ouverture à la contemporanéité et rendre compte de la société et de son évolution. Je note aussi que l’on peut s’engager à la contemporanéité par l’art contemporain.
19La combinaison possible de plusieurs collections (art contemporain, objets contemporains, témoignages et patrimoine oral et immatériel, collections historiques ou ethnographiques requalifiées) constitue une stratégie muséographique que les gestionnaires des musées peuvent mettre en place pour transformer les musées ethnographiques afin de mener à bien leurs objectifs institutionnels marqués par un discours multiculturel. Aussi, les aspects ci-haut traités, tels que la reconsidération disciplinaire, identitaire, territoriale, la mobilisation de plusieurs sortes de collections, ne sont que des moyens pour arriver à un objectif : passer du musée ethnologique ou ethnographique14 au musée de la diversité où la diversité et le multiculturalisme15 introduisent à la visite. Ce sont aussi des moyens ou des pistes pour résoudre une problématique : le fait que les musées d’ethnographie ne sont plus en cohérence avec la société africaine d’aujourd’hui et de l’homme d’aujourd’hui. La nécessité de la transformation des musées Est-Africains se justifie dans ce contexte.
20Somme toute, cette transformation est liée à l’inefficacité16 des musées coloniaux devenus musées d’ethnographies nationales après les Indépendances des pays africains. L’engagement dans la diversité et contemporanéité affectera sans doute l’ensemble des sphères politiques, sociales et économiques et muséales, particulièrement quant à l’interprétation et l’exposition des collections ethnographiques voire toutes les activités du musée. En effet, l’approche de la diversité et de la contemporanéité doit constituer la principale cause de profondes transformations institutionnelles mais aussi de nouvelles pratiques muséographiques, tant dans les grands musées nationaux implantés dans les capitales nationales que dans les musées de moyennes et petites villes, ainsi que dans les nouveaux types de musées qui nécessitent d’être créés. L’on peut souligner que la diversité doit d’abord être une volonté ou un projet politique. Dans cette perspective, les musées en Afrique orientale ne feraient qu’accompagner cette volonté. Selon les contextes, les musées joueraient, en effet, un rôle important dans la représentation, au sein des expositions, d’une identité nationale plurielle (Karp & Lavine cités par Van Geert 2020, p. 94) à partir de leurs spécificités d’être des espaces symboliques de représentation de la société, mais aussi des lieux de diffusion de valeurs, civiques et morales (Bennett cité par Van Geert 2020, p. 94). Ces institutions permettraient ensuite d’encourager l’acceptation de la diversité culturelle (Macdonald & Fyfe cités par Van Geert 2020, p. 94), devenant de la sorte des acteurs majeurs dans la construction d’une nouvelle société multiculturelle (Watson cité par Van Geert 2020, p. 94) où les gens sont stimulés à devenir des citoyens responsables dans un monde globalisé (Gryseels cité par Van Geert 2020, p. 94). Cependant, je ne défends pas que les musées de l’Afrique anglophone (musées ougandais et kenyans) et ceux de l’Afrique francophone (musées burundais et rwandais) doivent adopter les mêmes principes ou démarches dans ce projet lié à la notion d’identité et à l’ouverture à la contemporanéité. Les logiques de la mise en application d’un tel projet dépendraient donc des caractéristiques, spécificités et particularités de chaque nation.
Bibliographie
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Cassin Barbara & Wozny Danièle (dir.), 2014 : Les intraduisibles du patrimoine en Afrique subsaharienne, Paris, Éditions Demopolis.
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Notes
1 Par l’Afrique orientale, il faut entendre la Tanzanie, la Somalie, le Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, le Soudan et le Kenya.
2 Les frontières nationales constituent actuellement le seul territoire de référence.
3 Concernant les musées de société, voir Drouguet, Noémie Le musée de société : de l’exposition de folklore aux enjeux contemporains, Paris, Armand Colin, 2015.
4 Outre la transformation des musées existants, la pluridisciplinarité ou interdisciplinarité intervient pour répondre à plusieurs objectifs : diversifier les publics et les modes d’apprentissage. C’est aussi dans le but de manifester une volonté de démocratiser la culture et d’élargir les publics pour ne pas se contenter de parler toujours aux mêmes. La diversification de l’offre culturelle entre aussi en jeu.
5 Ce sont les puissances coloniales qui ont tracé les frontières des États en Afrique.
6 Étant donné que la majorité des Africains n’ont pas la culture du voyage ni des vacances, ces musées seraient en mesure de contribuer à la connaissance et à la découverte voire à l’éducation. Ils seraient en cela au service de la société.
7 Cette démarche n’est pas le propre de l’occident ou des pays développés. Elle peut, dans une perspective de modernisation, marcher en Afrique. Ceci concerne la réinvention des musées disciplinaires ou ethnographiques créés en Afrique pendant la colonisation.
8 L’art peut intervenir à des fins interdisciplinaires. Il peut aussi intervenir à des fins de l’ouverture à la contemporanéité.
9 André Gob aborde la question identitaire dans les musées d’ethnographie régionale en Europe.
10 Je défends que les pistes évoquées par ces différents auteurs peuvent être adaptées en Afrique.
11 Avec l’instabilité ou les crises socio-politiques en Afrique, le phénomène migratoire est accentué. En Afrique orientale, les cas les plus récents sont ceux du Rwanda, Ouganda, Kenya, Tanzanie qui ont accueilli des milliers de réfugiés burundais et bien d’autres. Ceux-ci s’ajoutent aux immigrés issus du phénomène migratoire lointain. Pendant la période coloniale, les « Rwando-Urundais », Tanzaniens…partaient en Ouganda, le but étant principalement économique puisqu’ils devaient pouvoir payer l’impôt de capitation. Force est de constater qu’une bonne partie de ceux qui s’y rendaient s’y sont installés définitivement.
12 C’est-à-dire relier les thématiques existantes aux préoccupations actuelles.
13 Dans son ouvrage « Le musée une institution dépassée ? », cet auteur évoque les approches du Musée de Marseille et le Museum Europaischer de Berlin ainsi que la façon de faire de certains musées tels que le Museon Arlaten et le musée de l’Europe qui était projeté à Bruxelles. Les musées en Afrique qui, par ailleurs, portent (certains) encore le nom de « musée d’ethnographie », peuvent procéder de la même manière et faire des adaptions possibles. J’ai dit que certaines pratiques développées dans les pays occidentaux peuvent aussi fonctionner en Afrique.
14 Il faut noter que la déconstruction du musée ethnographique ne doit pas être le seul objectif. Un autre objectif de décolonisation du système occidental de musée qui devrait préoccuper les responsables des musées africains devrait être « la reformulation des récits muséaux ou expositifs à travers les contacts entre les cultures » (VAN GEERT, 2020, p. 154). C’est-à-dire que les musées pensés autrement doivent présenter à la fois le monde extérieur et la diversité interne. Etant donné que l’identité se construit tout au long de la vie, ces musées doivent actuellement dépasser l’identification par l’ethnie. Ils devraient être attentifs aux nouveaux éléments d’identifications pour les prendre en compte dans les récits expositifs. L’autre objectif de renouvellement des musées concerne la mise en valeur de la diversité culturelle des êtres humains (une diversité qui n’est pas fondée sur les ethnies).
15 Le multiculturalisme est pris comme un filtre de la diversité (Van Geert, 2020, op. cit., p. 54).
16 Il s’agit de l’inefficacité par rapport au fait de se positionner comme des musées au service de la société et de son développement.