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Laurence Provencher St-Pierre

Notes de lecture : Collecting the contemporary de Owain Rhys et Zelda Baveystock

(Numéro 0 — Notes de lecture)
Note de lecture : RHYS, Owain et BAVEYSTOCK, Zelda (dir.), Collecting the contemporary; A Handbook for Social History Museums, Edinburg; Boston, MuseumEtc, 2014, 622 p.
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Mots-clés : collection, collecte du contemporain, étude de cas
Keywords : collection, contemporary collecting, case of study

1RHYS, Owain et BAVEYSTOCK, Zelda (dir.), Collecting the contemporary; A Handbook for Social History Museums, Edinburg; Boston, MuseumEtc, 2014, 622 p.

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2Depuis quelques décennies, la collecte du contemporain s’est imposée comme une tendance dans les musées d’histoire et de société. Caractéristique des pratiques actuelles de ces musées qui se tournent vers la documentation, la conservation et l’exposition des témoins de la société contemporaine, ce type de collecte entraine néanmoins son lot de défis. Comment collecter l’aujourd’hui? Quels critères privilégier? Quels objets ou faits de société méritent d’être conservés? Quelles méthodes de sélection faut-il appliquer? Convaincus de la pertinence pour les musées de s’engager dans une collecte organisée du contemporain, Owain Rhys1 et Zelda Baveystock proposent Collecting the contemporary, Handbook for Social History Museums, un manuel s’adressant d’abord aux professionnels des musées. Plutôt que d’imposer un modèle unique de collecte, les auteurs ont choisi de réunir les textes d’une trentaine de collaborateurs, chacun analysant un exemple de collecte du contemporain dans un contexte muséal particulier. En combinant ainsi les études de cas, issus principalement de la tradition anglo-saxonne, ils cherchent à retracer l’évolution de la collecte du contemporain au cours des dernières années, à présenter les pratiques muséales actuelles et à identifier certaines pistes qui pourraient éventuellement guider les conservateurs dans leurs processus de collecte.

3L’ouvrage vient enrichir la littérature récente sur le sujet2 en proposant une vue d’ensemble basée sur des exemples concrets. On y définit le contemporain comme « anything within living memory » (p. 18.). Les contributions des auteurs sont réparties en quatre sections. Dans le texte introductif, Rhys et Baveystock rappellent les principaux enjeux, motifs, caractéristiques et difficultés associés à la collecte du passé récent ou du présent dans les musées d’histoire et de société. Le sentiment de perte, le désir d’éviter de répéter les erreurs commises dans le passé par ceux qui les ont précédés et la volonté d’être davantage représentatif de l’ensemble de la population dans leur choix des objets à acquérir encouragent aujourd’hui les conservateurs à s’intéresser à ce type de collecte. Or, les questions demeurent nombreuses. Quelles sont les limites de la collecte du contemporain? Comment faire les bons choix? Que conserver pour les générations futures? Comment mettre en place une approche participative? Les différents éléments de réponses apparaitront dans les chapitres subséquents, les auteurs rappelant néanmoins qu’il n’y a pas de réponse facile et universelle à ces questions complexes.

4La première section de l’ouvrage intitulée Stategies adopte une perspective plutôt historique et analyse le travail de conservateurs avant-gardistes ou la situation dans des institutions muséales ayant été particulièrement novatrices sur la question du contemporain en Bretagne (Elen Phillips), en Norvège (Svein Gynnild) et aux États-Unis (Steven Miller). D’autres textes abordent des thèmes plus généraux axés sur les préoccupations des professionnels des collections (Michael Terwey). On y rappelle l’absence dans les politiques d’acquisition actuelles des particularités de ce type de collecte, le problème de la définition du contemporain, les contraintes liées à l’entreposage et la conservation, le peu d’intérêt manifesté par les conservateurs pour ces objets jugés trop récents et la difficulté d’évaluer l’intérêt de l’artéfact à long terme (John Marjoram). Or, ces éléments ne découragent pas les auteurs de l’ouvrage, tous militant pour une plus grande présence de la société contemporaine dans les collections.  

5La seconde section, Approaches, réunit cinq études de cas permettant aux auteurs d’aborder la documentation de divers phénomènes culturels principalement immatériels. Quelles méthodes de collecte utiliser lorsque l’on s’intéresse aux intérieurs domestiques et à la vie quotidienne qui s’y déroule (Harriet Purkis), au tatouage (Mirja Arnshav), à une culture musicale (Stuart Rathbone), à la vie rurale (Ollie Douglas) et à l’identité homosexuelle (Sean Curran)?

6Regroupés sous le sous-titre Challenges, les trois textes de la partie suivante abordent certains défis qu’impose la collecte du contemporain. Le premier concerne plus particulièrement la collecte des objets technologiques aujourd’hui omniprésents (Suzanne Fischer et Steven Lubar). Comment le musée doit-il illustrer le rôle croissant de la technologie dans la vie quotidienne contemporaine? Exemple emblématique des difficultés de la collecte du contemporain, la question de ces objets de consommation courante offre aux conservateurs un nombre quasi illimité d’artéfacts susceptibles d’intégrer une collection muséale. Ces objets collectés doivent-ils être neufs ou usagés? Faut-il qu’ils soient en état de fonctionner lorsqu’ils entrent dans une collection muséale? Quel téléphone portable est le plus représentatif? Doit-on privilégier l’acquisition du premier modèle ou favoriser plutôt l’objet le plus vendu? Abordant des exemples australien, londonien et new-yorkais, les deux textes suivants questionnent à la fois le rôle et les impacts sociaux du musée lorsqu’il collecte des objets en lien avec des évènements traumatiques récents. Quand le musée doit-il débuter sa collecte? Qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle (Peg Fraser) ou d’actes terroristes (Jennifer Kavanagh), une collecte immédiate a-t-elle plus de conséquences positives ou négatives sur les gens qui acceptent d’y participer? Le conservateur n’étant pas formé en travail social, comment doit-il aborder le sujet avec le participant?

7En quatrième partie, intitulée Futures, les auteurs nous présentent trois exemples de pratiques novatrices. Deux concernent l’utilisation des technologies numériques et des réseaux sociaux afin de stimuler la collecte et la participation du public (Francesca Veronesi; Juliet Sprake et Peter Rogers), alors que le dernier texte traite d’un projet auquel s’est associé le Museum of London. Celui-ci  devait, d’une part, réaliser une exposition mobile dans le cadre d’une manifestation dans les rues de Londres en fournissant aux participants des pancartes fabriquées à partir des archives du Musée et, dans un second temps, acquérir à la fin de l’activité les pancartes originales confectionnées par les manifestants (Guy Atkins, Georgina Youg et Mark Teh).

8Intercalés entre les articles, une trentaine d’exemples d’objets contemporains acquis par différentes institutions muséales sont présentés sous forme de fiches. Celles-ci fournissent une description de l’objet acquis, la méthodologie relative à sa collecte, les significations qui lui sont rattachées et l’utilisation qui en est faite par le musée concerné. Ces exemples permettent de constater la diversité des formes, des supports, des sujets et des approches utilisés. Ils soulèvent également des questions sur le statut de ces objets : quel est l’objet véritablement  collecté? Une personne peut-elle être considérée comme un objet de collection? L’objet est-il plutôt la photographie de la personne, son témoignage ou le support sur lequel celui-ci est conservé? Encore une fois, les réponses possibles sont multiples.

9Rhys et Baveystock ont réuni dans Collecting the contemporary  des contributions axées sur la pratique muséale actuelle et dans lesquelles la collecte raisonnée du contemporain est fortement encouragée. L’ouvrage évacue cependant toutes les discussions sur les facteurs sociaux, culturels, économiques, professionnels et contextuels qui ont permis à la collecte du contemporain d’émerger et de s’imposer comme une tendance muséale au cours des dernières années. La pertinence de ce type de collecte est tenue pour acquise et l’on suppose que le lecteur est préalablement en accord avec la démarche. L’objectif annoncé par les auteurs est néanmoins atteint, ceux-ci ayant choisi de présenter une variété de pratiques et de pistes à suivre pour éventuellement encadrer la collecte des conservateurs. Ainsi, la boîte à outils des conservateurs de musée vient de s’enrichir de plusieurs exemples pratiques, de méthodes possibles et de critères de sélection potentiels susceptibles de nourrir sa réflexion et sa démarche d’acquisition.

Notes

1 Rhys est également l’auteur d’un ouvrage sur le même sujet : Owain Rhys, Contemporary collecting : Theory and practice, Edinburg, Museumsetc, 2011, 164 p.

2 Notamment : Jacques Battesti (dir.), Que reste-t-il du présent? Collecter le contemporain dans les musées de société, Bayonne, Musée Basques et de l’histoire de Bayonne, 2012, 400 p.; Denis Chevallier, « Collecter, exposer le contemporain au MUCEM », Ethnologie française, XXXVIII, 4, 2008, p. 631-637. ; Julie Guiyot-Corteville, « Territoires du présent: plaidoyer pour une collecte du contemporain », Musées & collections publiques de France, no 243, 2004, p. 38-42.; Léontine Meijer-van Mensch et Elisabeth Tietmeyer (dir.), « Participative Strategies in Collecting the Present », Berliner Blätter, no 63, 2013, 135 p.

Pour citer cet article

Laurence Provencher St-Pierre, «Notes de lecture : Collecting the contemporary de Owain Rhys et Zelda Baveystock», Les Cahiers de Muséologie [En ligne], Notes de lecture, Numéro 0, p. 58-61 URL : https://popups.uliege.be/2406-7202/index.php?id=139.

A propos de : Laurence Provencher St-Pierre

Doctorante en muséologie, médiation et patrimoine à l’Université du Québec à Montréal et titulaire d’une maîtrise en ethnologie et patrimoine de l’Université Laval (2012), Laurence Provencher St-Pierre pose un regard d’ethnologue sur l’institution muséale. Ses recherches doctorales portent sur les pratiques actuelles de collecte dans les musées de société québécois. Deux interrogations générales sont à l’origine de sa démarche. D’une part, comment se déroule le travail au quotidien des professionnels des collections à l’intérieur d’un musée? D’autre part, comment le quotidien d’une société, d’une culture, d’une communauté ou d’un groupe peut-il être représenté dans une collection muséale? Son projet de thèse a reçu l’appui financier du Fonds de recherche du Québec sur la société et la culture (2012-2013) et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (2013-2016).