Les Cahiers de muséologie

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Léa Di Francesco

The Little Museum of Dublin : à la découverte d’un musée de société dublinois

(Numéro 3 — Carnets de visite)
Compte-rendu
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Mots-clés : musée de société, médiation culturelle, collecte d’objets, Histoire, Dublin
Keywords : society museum, cultural mediation, donated artefacts, history, Dublin

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1. Par Dublin, pour tous

2Le Little Museum of Dublin (LMoD) est situé dans le centre-ville de Dublin, juste en face du parc Saint Stephen’s Green, l’un des parcs les plus connus de la capitale. Ce musée fut fondé en 2011, par le Dublinois Trevor White, dans une magnifique maison georgienne datant du XVIIIᵉ siècle. Les visiteurs sont invités à parcourir trois étages exposant la collection permanente et terminent leur visite par une salle consacrée aux expositions temporaires. Ce « petit musée » a vu le jour grâce aux dons généreux des Dublinois. Il s’adresse tout aussi bien aux Irlandais connaisseurs et nostalgiques qu’aux touristes qui souhaitent découvrir l’histoire de Dublin à travers des anecdotes.

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Figure 1– L’entrée du LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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2. Entre reconstitution d’intérieur du passé et salle d’exposition du présent

5Cette maison géorgienne est chaleureuse et accueillante. À travers les salles d’expositions permanentes, les visiteurs ont la sensation d’être dans une véritable maison : ils sont accueillis à l’entrée, ils parcourent des pièces conviviales embellies de cheminées d’époque, de bougies, de fleurs et sont invités à s’asseoir sur des fauteuils. Cette invitation est essentielle, car elle permet véritablement de transformer le musée en lieu de vie (Chaumier & Mairesse 2017, p. 51).

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7Plus encore, il devient un lieu habitable pour les visiteurs et non plus uniquement habité d’objets (Winkin 2020, p. 46). C’est dans cette optique que le musée peut proposer de vivre une expérience par cette invitation et par le rapport personnel qui se développe avec les objets exposés (Winkin 2020, p. 87). Ce musée convie le public comme un invité et non un simple visiteur. L’équipe du musée désigne d’ailleurs le public comme « guest », cela crée véritablement une complicité et s’éloigne du musée froid et non accessible.

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Figure 2 – Première salle maîtresse du LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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10Ainsi, ce sentiment du « comme à la maison » est fort présent et est renforcé par des reconstitutions d’intérieur. Afin d’exposer le folklore dublinois, l’histoire de la capitale et donc l’immatériel, il est intéressant de proposer ces reconstitutions d’intérieur permettant au musée de s’adresser aux visiteurs nostalgiques et de s’ouvrir à un public plus large qui découvre de façon singulière le passé (Drouguet 2015, p. 56). Fréquemment, le temps semble s’être arrêté dans un musée de société et les choix de structuration des expositions sont thématiques et chronologiques (Gob & Drouguet 2003, p. 99).

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Figure 3 – Reconstitutions d’intérieur (2021). Photos : Léa Di Francesco.

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13Les deux salles maîtresses du musée rappellent scénographiquement les cabinets de curiosité d’autrefois. D’objets anodins, comme des lunettes d’un médecin, à la toute dernière clé permettant l’accès unique aux bourgeois du Saint Stephen’s Green, au décret original signé de la main d’Eamon De Valera visant l’indépendance de l’Irlande dans les années 1920, les visiteurs s’émerveillent devant cette panoplie d’objets exposés.

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Figure 4 – Deuxième salle maîtresse du LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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16En tant que musée de société, ce musée intègre quotidiennement la population dans sa démarche de recherche en collectant des objets parfois considérés comme banals et d’usage courant. Ces objets sont des témoins d’histoires et d’expériences et ils renvoient à la réalité (Drouguet 2015, p. 185).

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18Entre photographies et expôts de tout genre, les visiteurs admireront la beauté de certains objets et la générosité des donateurs. Un des dons le plus généreux et surprenant est sans nul doute celui de John Hughes qui choisit le LMoD comme lieu d’exposition et de transmission de son histoire surprenante avec Samuel Beckett : à l’école, il devait écrire une lettre à la personne qui avait occupé sa maison avant sa famille. Il s’agissait du dramaturge et nobéliste Samuel Beckett, qui a répondu au petit garçon en terminant sa lettre comme suit : « Si un jour tu vois mon fantôme dans la maison ou dans le jardin, fais lui part de mes salutations » (LMoD s. d.).

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Figure 5 – Exemple d’un don exposé au LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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21Au dernier étage, une salle est dédiée aux expositions temporaires traitant de sujets variés et complexes. L’une d’entre elles, « You Say You Love Me But You Don’t Even Know Me » est conçue en collaboration avec les National Museums Northern Ireland. Elle expose 35 objets, sélectionnés (parfois personnellement) par les équipes en Irlande du Nord, afin de traiter des sujets importants de l’histoire tels que « les Troubles » à Belfast. À la fin des années 1960, les Troubles éclatent en Irlande du Nord opposant les protestants aux catholiques et marquant à tout jamais les rues de Belfast. Après 30 ans d’attentats et de fusillades meurtrières, l’Irlande du Nord et l’Angleterre signent les « Accords du Vendredi Saint » annonçant la fin de ces événements tragiques (LMoD s. d.).

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23Comme l’explique William Blair, commissaire de l’exposition, « A museum is a safe place for challenging conversation » (LMoD s. d.). Cette exposition réactive la mémoire collective des Irlandais du Nord.

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25Les expositions temporaires, particulièrement celles d’un musée de société, ont le devoir d’évoluer comme la société et la discipline ethnographique elles-mêmes (Drouguet 2015, p. 92). Afin de s’interroger sur le futur, ce musée collecte et conserve la mémoire collective du passé avec parfois des sujets très difficiles comme celui de cette exposition temporaire (Drouguet 2015, p. 23). Par l’entremise de la collecte d’objets, le passé complexe de l’Irlande du Nord va « rester agissant dans le présent » (Drouguet 2015, p. 27)

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Figure 6 – Exposition temporaire « You Say You Love Me But You Don’t Even Know Me » (2022). Photo : Léa Di Francesco.

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3. La médiation culturelle aux multiples facettes

28Le rapport personnel aux objets évoqué précédemment est à son apogée lors des visites guidées. Le LMoD accueille les visiteurs en proposant toute la journée des visites avec des guides tantôt comédiens, tantôt passionnés d’histoires. Ces visites se déroulent dans les deux salles maîtresses du musée et se basent sur les divers objets et les anecdotes surprenantes. Entre humour irlandais et spontanéité, les « guests » découvrent l’histoire complexe de la capitale, notamment au travers d'anecdotes divertissantes communiquées par les guides.

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30Il est important d’associer le matériel (les objets collectés) à l’immatériel (l’histoire ou le savoir-faire) afin de transmettre la mémoire collective la plus complète possible de Dublin (Drouguet 2015, p. 193). Au sein d’un musée de société, l’objet est considéré comme un objet-témoin du passé qu’il faut interroger (Drouguet 2015, p. 184). Lors de sa visite guidée, au-delà de l’interrogation de cet objet-témoin, le guide s’intéresse également aux donateurs, eux aussi témoins (Gellereau 2017, p.  29). Par leur don, ils racontent une histoire qui n’est pas fossilisée dans le passé, mais qui parle et évolue bien grâce au musée, aux guides et aux interactions avec les visiteurs du monde entier.

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Figure 7 – Visite guidée du LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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33Scénographiquement, les dispositifs de médiation et multimédia sont présents au fil des salles d’exposition.  Les visiteurs sont invités à visionner des films courts racontant l’histoire de Dublin de façon humoristique ou encore des interviews liées aux diverses expositions. Des dispositifs sonores de toutes sortes viennent également animer les salles d’exposition. L’exemple le plus éloquent est la salle consacrée à U2 qui diffuse les chansons du groupe de musique rock et qui, scénographiquement, ressemble à une discothèque.

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35L’agencement des salles d’exposition permet également de proposer aux visiteurs de se photographier s’ils le souhaitent. Depuis quelques années, de plus en plus de visiteurs souhaitent partager leur expérience via les réseaux sociaux avec des photographies et des vidéos. Nombreux sont les musées qui souhaitent se diversifier en proposant des espaces esthétiques, « instagrammables » et originaux. En effet, les réseaux sociaux peuvent encourager de « nouvelles dynamiques entre les institutions et leurs publics » (Magro 2015, p. 3). Le musée partage les publications des visiteurs (de type éphémère comme les stories sur Instagram ou des publications permanentes comme des rubriques) afin, d’une part, de favoriser une complicité ou un prolongement de la visite au musée et, d’autre part, d’utiliser les réseaux sociaux comme un outil pour valoriser et transmettre le patrimoine de ce musée dublinois. Dans cette optique, le Little Museum mobilise les réseaux sociaux afin de renforcer l’inclusion des publics dans sa démarche muséale (Provencher 2015, p. 37).

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Figure 8 – Salle de U2 (2021). Photo : LmoD.

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38Le musée tente également d’intégrer le public en l’invitant à manipuler des dispositifs de médiation simples, à essayer d’anciens jeux et à partir avec des souvenirs tels que des feuilles reproduisant une page du journal Irish Times à tamponner sur le bureau du rédacteur en chef.

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Figure 9 – Dispositifs et jeux à manipuler (2021). Photos : Léa Di Francesco.

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41Cette maison géorgienne, abritant des objets insolites et essentiels à la compréhension du passé, du présent et du futur de Dublin, accueille chaque jour des visiteurs du monde entier. Il règne une ambiance joviale dès que l’on passe la porte d’entrée de ce musée. À travers les visites guidées, le public s’approprie plus aisément l’immatériel derrière le matériel. Il est invité à manipuler des dispositifs et à se photographier avec des reconstitutions d’intérieur chaleureux.

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43Finalement, le Petit Musée de Dublin propose une médiation culturelle intimiste, spontanée et intrigante. Un musée de société atypique qui est à visiter en gardant en tête une phrase importante : « Cead mile failte » (« make yourself at home »).

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Figure 10 – Don exposé au LMoD (2021). Photo : Léa Di Francesco.

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Bibliographie

Chaumier Serge & Mairesse François, 2017 : La médiation culturelle, Paris, Armand Colin, 2e édition.

 

Drouguet Noémie, 2015 : Le Musée de société : De l’exposition de folklore aux enjeux contemporains, Paris, Armand Colin.

 

Gellereau Michèle (dir.), 2017 : Témoignages & médiations des objets de guerre en musée, Villeneuve-d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.

 

Gob André & Drouguet Noémie, 2003 : La muséologie : Histoire, développements, enjeux actuels, Paris, Armand Colin.

 

Little Museum of Dublin, s. d. : « Document de travail pour les guides », 20 pages.

 

Little Museum of Dublin. Disponible en ligne sur : https://www.littlemuseum.ie/you-say-you-love-me (consulté le 10 janvier 2023).

 

Magro Sébastien, 2015 : « De l’usage des réseaux socio-numériques comme supports d’une médiation culturelle en ligne », La Lettre de l’OCIM, n° 162. Disponible en ligne sur : http ://journals.openedition.org/ocim/1593 (consulté le 10 janvier 2023).

 

Provencher St-Pierre Laurence, 2015 : « Le contemporain : objet de collection et de réflexion dans les musées de société », Muséologies, vol. 7, n° 2. Disponible en ligne sur : https ://doi.org/10.7202/1030248ar (consulté le 10 janvier 2023).

 

Winkin Yves, 2020 :  Réinventer les musées, Paris, MKF Editions.

Pour citer cet article

Léa Di Francesco, «The Little Museum of Dublin : à la découverte d’un musée de société dublinois», Les Cahiers de muséologie [En ligne], Carnets de visite, Numéro 3, p. 135-143 URL : https://popups.uliege.be/2406-7202/index.php?id=1574.

A propos de : Léa Di Francesco

Léa Di Francesco est diplômée à l’Université de Liège. Son mémoire de fin d’études était une étude de cas des pratiques de médiation culturelle au sein du Musée de la Vie wallonne pendant la crise sanitaire du Covid-19. Elle a étudié la Communication en Bachelier et s’est spécialisée en Médiation culturelle et relations aux publics. Elle réalise ses deux stages universitaires au Musée des Transports en Commun de Wallonie et au Musée de la Vie wallonne. En octobre 2021, elle a travaillé au Little Museum of Dublin afin de découvrir de nouveaux horizons, d’entrer dans la vie professionnelle et de perfectionner son anglais. Actuellement, elle continue de travailler dans le secteur culturel. Contact : leadifrancesco3@gmail.com