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Jean Barthélemy (1932-2016)
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Éloge de Jean Barthélemy (Jemeppe-sur-Meuse, le 5 novembre 1932 – Mons, le 15 août 2016), Correspondant de la Classe des Arts le 7 janvier 1988 ; Membre titulaire le 15 mai 2004 ; architecte et professeur à la Faculté polytechnique de Mons.
Abstract
Eulogy of Jean Barthélemy (Jemeppe-sur-Meuse, November 5, 1932 – Mons, August 15, 2016), Corresponding Fellow of the Classe des Arts on 7 January 1988; Full Member on 15 May 2004; architect and professor at the Faculté polytechnique de Mons.
1Jean Barthélemy dispose d’une double formation : il est diplômé Ingénieur civil des Constructions à l’Université de Liège en 1956 et Ingénieur civil Architecte à l’Université catholique de Louvain en 1961. À l’Académie royale de Belgique, Classe des Arts, il est élu correspondant en 1988 puis membre titulaire en 2004 ; il en sera le directeur en 1996 et 2006. Ses fonctions, titres et distinctions sont trop nombreux pour se trouver cités ici, de même que ses publications et ses conférences… Je vous invite à lire son curriculum vitae1.
2L’éloge ci-dessous puise ses sources dans un texte intitulé Leçons d’une vie…2 que m’a confié la fille de Jean Barthélemy et qu’il avait écrit, au début des années 2000, pour une conférence dans le cadre d’un cycle « Art et Spiritualité ». Il y dresse, selon ses propres mots, le « bilan d’une vie qui, incontestablement, a été nourrie aux sources de l’Art et de la réflexion philosophique. »
3J’en retiendrai d’abord le récit des premières influences, celles de son père et de la peinture. Jean Barthélemy nous raconte ainsi que son père « était un ingénieur brillant, mais qui cachait mal une âme d’artiste… Baigné dans cette ambiance poétique, logiquement le fils ne pouvait se soustraire au difficile défi de combiner deux amours : celui de l’art, pour le plaisir, et celui de l’ingénierie, pour l’efficacité. Durant la dernière guerre mondiale, le week-end, mon père partait en voiture en Ardennes en compagnie d’un peintre impressionniste liégeois de grand renom : José Wolff, paysagiste fougueux, mais portraitiste rigoureux. J’avais à peine dix ans et c’est dans ces circonstances que j’ai fait mes premières expériences picturales, ‘sur le motif’ comme il était coutume de le dire. L’habitude de peindre était prise et elle ne m’a plus quitté. C’est donc, bien avant de me préparer à l’exercice du métier d’architecte et d’urbaniste, qu’en exerçant l’apprentissage de la peinture, j’ai connu mes premières émotions esthétiques en tant que peintre paysagiste. »
4Ces premières émotions esthétiques font long feu. Elles sont encouragées et développées par l’enseignement du professeur Jean François à l’Université de Liège. Elles sont probablement à l’origine de l’engagement de Jean Barthélemy pour la défense de l’environnement et du patrimoine, lequel lui vaut une reconnaissance internationale. Ici encore, je me permets de vous renvoyer à son curriculum vitae qui égrène la longue liste des charges qu’il assume et des honneurs qu’il reçoit en rapport avec ces questions.
5Jean Barthélemy est un pédagogue, un passeur de mémoire et de connaissances. Responsable de l’Unité d’Architecture qu’il crée à la Faculté polytechnique de Mons, il enseigne, pendant 30 ans jusqu’en 1998, la Composition architectonique et l’Histoire de l’Architecture. Ces matières et sa manière de les transmettre associent étroitement l’art de l’architecture et la rationalité scientifique de l’ingénieur. Et, on retrouve, dans ses Leçons d’une vie, la vision explicite d’une convergence. Ainsi déclare-t-il que sa « vie s’est jouée, comme ce fut le cas de mon père, sur un subtil équilibre entre la sensibilité esthétique de l’artiste et la rigueur de raisonnement de l’ingénieur. Aux recherches de l’ingénieur soucieux d’améliorer les calculs du béton armé, puis d’imaginer l’intégration de nouveaux systèmes de construction, a succédé la volonté d‘y intégrer de nouvelles préoccupations. Mettre la science au service des hommes, prendre en compte la multitude et la complexité des données qui forment le contexte de chaque projet et enfin, parvenir à sublimer ces contraintes pour atteindre un authentique ‘Art de construire’, tel a été mon défi. » Telle est encore l’essence de ses convictions et de son enseignement. Durant toute sa carrière académique, il est resté proche de ses étudiants qu’il considérait comme une seconde famille. Il a sans relâche cherché tant à les sensibiliser aux émotions poétiques qu’à éveiller leur passion et leur talent.
6Si Jean Barthélemy est connu pour son écoute, il reste cependant inflexible quant à ses idéaux. « Avant d’être un style, écrit-il dans Leçons d’une vie, toute architecture est une façon de vivre, une méthode de pensée, un humanisme. » Et plus loin : « Si, (de surcroît,) cet Art est mis au service des lieux et des gens, si cet Art renforce l’harmonie du site par la justesse du parti architectural, – ce que je qualifie de ‘ton juste’ –, s’il répond aux besoins et aux aspirations profondes de la société, s’il tente d’en exprimer ce que celle-ci a de meilleur, alors l’Architecte peut, à juste titre, être fier de son œuvre d’art. » Tout est écrit ou presque.
7Reste à consacrer une étude circonstanciée à son œuvre de bâtisseur. Jean Barthélemy a une trentaine d’années quand ses halls expérimentaux du Val-Benoît pour l’Université de Liège (1963-66) sont distingués par le Premier Prix biennal E. J. Van de Ven ; ces constructions lui donnent une visibilité dans le « petit » monde des architectes qui cherchent hors des sentiers battus. Avec ses amis, notamment Georges Pepermans (1910-2006), Jacques Dupuis (1914-1984), René Greisch (1929-2000), Jan Tanghe (1929-2003) et Jean Cosse (1931-2016), il contribue à un renouveau de l’architecture en Wallonie et à Bruxelles. Sans dresser de catalogue, j’épinglerais encore le Plan de structure de Mons, le barrage de la Plate-Taille, le Carré de Cuesmes et les réalisations avec Benoît Jonet (1947-2014) dans le cadre du bureau A.U.R.A. (Centre administratif du Ministère de l’Équipement et des Transports à Namur, Auberge de Jeunesse et Cours de justice de Mons).
8Je ne voudrais pas conclure sans rappeler qu’avec son épouse Emmy décédée en 1991, il fonde une grande famille de quatre enfants : Jean-Emmanuel, Clément, Anne-Françoise et Laurent.
9Et pour terminer, je lui rends une fois encore la parole et vous livre les mots de la fin de ses Leçons de vie… nous disant : « Tels sont les faits marquants d’un parcours qui m’a conduit insensiblement, sous l’œil attentif et la conscience du peintre paysagiste, du métier de l’ingénieur architecte, à celui de pédagogue passionné de patrimoine et du philosophe soucieux d’apporter sa modeste pierre à l’amélioration du cadre de vie des hommes. C’est un parcours fait d’observations et d’émotions esthétiques, c’est un parcours qui côtoie sans cesse l’Art et qui s’insinue, peut-être inconsciemment, au bord de la spiritualité, puisqu’il concerne, au-delà de la sensibilité, la conscience et l’éthique de l’homme. »3
Notes
1 https://academieroyale.be/Academie/documents/BARTHELEMY2008CV0.1745.pdf.
2 Jean Barthélemy, Leçons de vie…, manuscrit non publié.
3 Éloge prononcé à la séance de la Classe Arts de l’Académie royale de Belgique du 4 mai 2023.
Pour citer cet article
A propos de : Daniel Dethier
Daniel Dethier est membre titulaire de l'Académie royale de Belgique.