La Thérésienne

Revue de l’Académie royale de Belgique

2593-4228

 

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Jean-Paul Lambert

Les politiques de l’éducation et leurs effets sociétaux

(2023 / 1 : Varia)
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Résumé

Il est bien établi que certains caractères structurels des systèmes d’enseignement obligatoire exacerbent les inégalités sociales. On montre que ces effets se prolongent bien au-delà, affectant aussi l’enseignement supérieur et, par voie de conséquence, la mobilité sociale intergénérationnelle. Celle-ci se révèle un déterminant majeur de la cohésion sociale, nécessaire pour permettre à nos sociétés d’affronter collectivement les crises et défis à venir. Sur ces divers points, la Belgique et, plus particulièrement la Communauté française, recueillent de mauvaises notes.

Index de mots-clés : Éducation, Inégalités des systèmes éducatifs, Cohésion sociale, Mobilité sociale intergénérationnelle, Comparaisons internationales

Abstract

It is well established that certain structural features of compulsory education systems exacerbate social inequalities. We show that these effects extend well beyond this, also affecting higher education and, consequently, intergenerational social mobility. This is proving to be a major determinant of social cohesion, which is necessary if our societies are to face up collectively to future crises and challenges. On these various points, Belgium and, more particularly, the French-speaking Community, score poorly.

Index by keyword : Education, Inequalities in education systems, Social cohesion, Intergenerational social mobility, International comparisons

1Cet article traite des politiques de l’éducation, entendues comme les choix collectifs en matière d’enseignement obligatoire. En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), pour prendre un exemple, le « Pacte pour un enseignement d’excellence » vise précisément une réforme (partielle) dans ce domaine. Nous verrons que, si ces politiques de l’éducation ont un impact direct sur les performances des élèves de l’enseignement obligatoire, elles produisent également des effets qui vont bien au-delà, affectant la société tout entière.

2Une remarque liminaire, d’abord, de type méthodologique, sur la démarche adoptée : dans le domaine des politiques de l’éducation comme, plus largement, des politiques sociales (santé, pensions, droit du travail), nos systèmes nous sont si familiers que nous finissons par les considérer comme naturels. Pour pouvoir les considérer d’un œil critique, le mieux est d’examiner aussi comment ces missions d’intérêt collectif sont organisées dans d’autres pays. C’est donc une démarche comparative internationale qui sera proposée dans cet article.

3Celui-ci est structuré en 3 sections, chacune de ces sections traitant une question posée en préambule.

1. Comment se différencient les systèmes européens d’enseignement obligatoire du point de vue de leurs caractères structurels et de leurs performances ?

4Cette section empruntera beaucoup à l’exposé fait à l’Académie, en juin 2019, dans le cadre d’un colloque sur le concept de « modèle »1.

5La source d’information la plus riche sur les systèmes d’enseignement obligatoire provient des enquêtes PISA (OCDE), administrées tous les 3 ans, depuis l’an 2000, auprès d’échantillons représentatifs des élèves de 15 ans de nombreux pays. PISA est maintenant bien connue du grand public pour les scores en matière de performances des élèves, scrutés avec attention dans tous les pays, mais PISA collecte aussi un grand nombre d’informations utiles sur tous les aspects concernant l’organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs et l’OCDE produit elle-même des analyses approfondies sur ces sujets.

6Selon ces travaux, certains caractères structurels des systèmes d’enseignement obligatoire ont une incidence majeure sur les performances des élèves. On retiendra ici quatre de ces caractères structurels.

7Les deux premiers concernent la stratification organisée entre élèves et groupes d’élèves :

  • via les politiques de segmentation de la population scolaire en « filières » distinctes. L’indicateur retenu est l’âge de la sélection (éventuelle) en filières2.

  • via la pratique pédagogique du redoublement. L’indicateur retenu est le taux de retard scolaire, soit la proportion d’élèves ayant redoublé au moins une fois à l’âge de 15 ans.

8Les deux autres caractères structurels retenus concernent le degré de ségrégation scolaire, qui vise la différenciation des écoles sselon la composition – soit sociale, soit académique – de leurs populations d’élèves :

  • ainsi, pour la ségrégation sociale entre les écoles, on parlera de faible ségrégation sociale lorsque toutes les écoles accueillent un public socialement diversifié et de forte ségrégation sociale en cas de forte différenciation entre « écoles de riches » et « écoles de pauvres ».

  • de même, pour la ségrégation académique entre les écoles, on parlera de faible ségrégation académique lorsque toutes les écoles accueillent un public académiquement diversifié (à la fois des « bons » et des « mauvais » élèves) et de forte ségrégation académique en cas de forte différenciation entre écoles de « bons élèves » et écoles de « mauvais élèves ».

9Les Fig. 1 et 2 illustrent la très grande variété, du point de vue de ces caractères structurels, des systèmes européens (auxquels sont ajoutés ceux des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande)3. Les axes de la Fig. 1 reprennent les deux indicateurs de stratification entre élèves et groupes d’élèves et ceux de la Fig. 2 reprennent les deux indicateurs de ségrégation scolaire4.

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Fig. 1 – Répartition des systèmes éducatifs selon le taux de retard scolaire et l’âge de la sélection en filières distinctes

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Fig. 2 – Répartition des systèmes éducatifs selon le degré de ségrégation académique et de ségrégation sociale entre les écoles

10Ces Fig. 1 et 2 font apparaître une étroite parenté entre certains systèmes, de sorte qu’on peut identifier trois grandes « familles » (ou modèles) de systèmes éducatifs qui se partagent l’Europe en grandes aires culturelles, présentant des caractères structurels communs.

11Le modèle nordique couvre les pays scandinaves (ainsi que l’un ou l’autre pays balte). Il se caractérise par le choix politique d’une très faible stratification entre élèves et groupes d’élèves (pas de segmentation en filières distinctes et quasi-absence de redoublement) et un paysage scolaire caractérisé par une très faible ségrégation, tant sociale qu’académique, entre écoles.

12Le modèle continental couvre les pays de l’intérieur du continent européen (dont les deux Communautés belges). Il se présente comme l’opposé du modèle nordique, avec une forte stratification entre élèves et groupes d’élèves et un paysage scolaire caractérisé par une forte ségrégation, aussi bien sociale qu’académique, entre écoles. Sa stratégie éducative consiste à trier et regrouper les élèves selon leurs aptitudes (et indice socioéconomique…), de façon à constituer des ensembles (classes et même écoles) plus homogènes, et donc plus à même – espère-t-on – d’amener chaque catégorie d’élèves à son meilleur potentiel.

13Le modèle anglo-saxon couvre le Royaume-Uni et l’Irlande (et, hors d’Europe, les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Il est plus proche du modèle nordique que du modèle continental, avec une très faible stratification entre élèves et groupes d’élèves mais avec une ségrégation (sociale surtout) entre écoles supérieure à celle du modèle nordique (mais inférieure à celle du modèle continental).

14Qu’en est-il des « performances » de ces 3 grands modèles ? On retiendra deux critères de performance, le premier portant sur le score moyen – le niveau – atteint par les élèves (critère d’efficacité du système) et le second sur les différences de niveau entre les 25 % des élèves les plus défavorisés et les 25 % des élèves les plus favorisés (critère d’équité du système).

15Le Tabl. 1 présente ces performances pour nos trois grands modèles5, ainsi que pour nos deux grandes Communautés belges.

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Tabl. 1 Performances comparées des divers modèles

(Sources : OECD, PISA 2015 Results, vol. I et II, 2016)

16On voit, sur la colonne de gauche (efficacité), que les niveaux atteints par les élèves sont un peu plus élevés chez les Nordiques, suivis des Anglo-Saxons, puis des Continentaux. Les différences entre les modèles sont néanmoins assez faibles : ils se tiennent tous dans une fourchette de l’ordre de 1 % du total.

17En revanche, pour ce qui concerne l’équité, le verdict est nettement plus contrasté : sont en tête les Nordiques et les Anglo-Saxons (qui se tiennent de près) tandis que les Continentaux viennent loin derrière.

18Ces constats rejoignent ceux de l’OCDE qui, dans ses analyses, met en évidence une influence négative sur le “niveau” – mais surtout sur l’équité – des différentes politiques de stratification de la population scolaire6.

19Nous pouvons donc tirer les conclusions suivantes :

  • En matière d’éducation, on n’est pas contraint de devoir arbitrer entre efficacité et équité. Une plus grande équité peut aller de pair avec une plus grande efficacité (cf. le modèle nordique et, dans une mesure un peu moindre, le modèle anglo-saxon).

  • Le modèle continental (dont relève la FWB), caractérisé par une forte stratification de la population scolaire, apparaît comme étant – de loin – le modèle le plus inéquitable, sans assurer pour autant un meilleur niveau.

20* * *

Petit ex cursus sur les racines culturelles des traits marquants des systèmes éducatifs

21Avant de passer à l’examen des effets, sur l’enseignement supérieur et la société, de ces différents modèles éducatifs, un petit temps d’arrêt s’impose pour montrer que les différences entre modèles éducatifs ont des racines historiques et culturelles profondes.

22Considérons, un moment, les travaux portant sur un tout autre domaine que l’éducation, celui des États-providence (Welfare States). Là aussi, des chercheurs7 ont entrepris d’élaborer une typologie des systèmes de protection sociale (pension, maladie-invalidité, chômage), appuyée sur l’analyse comparée d’indicateurs portant sur l’importance de la couverture sociale (qui est couvert ?, à quel degré ?) et le degré de stratification sociale (la protection sociale s’exerce-t-elle de façon différenciée – ou non – selon certaines catégories de citoyens ?).

23Ces travaux identifient 3 grandes familles de systèmes de protection sociale qui se partagent l’Europe en autant d’aires culturelles, lesquelles correspondent exactement à notre partition de l’Europe selon les systèmes éducatifs :

  • un régime qualifié de « social-démocrate », répondant à notre modèle éducatif nordique ;

  • un régime qualifié de « libéral », répondant à notre modèle éducatif anglo-saxon ;

  • un régime qualifié de « conservateur », répondant à notre modèle éducatif continental.

24Les régimes de protection sociale des pays nordiques et des pays anglo-saxons obéissent à une logique « beveridgienne » (du nom de l’homme politique anglais William Beveridge, qui a proposé ce système de protection sociale à la fin de la Seconde Guerre mondiale).

25Dans la logique beveridgienne, la protection sociale découle de la citoyenneté et couvre donc, de façon égale, tous les citoyens. Mais cette logique beveridgienne a connu une déclinaison propre à chacune des deux aires culturelles.

26La variante nordique est marquée par le poids historique de la social-démocratie promouvant l’égalité comme objectif majeur, ce qui a produit des systèmes de protection sociale caractérisés par l’universalisme, une très large couverture des risques et un niveau élevé des prestations. On retrouve ce souci d’égalité dans l’organisation de l’enseignement obligatoire.

27La variante anglo-saxonne est marquée par la tradition libérale (qui valorise l’initiative individuelle et le marché), tolérante aux inégalités « de conditions » (c.à.d. de revenus et de patrimoines) qui sont interprétées comme résultant d’efforts inégaux des individus. Ce qui a produit des systèmes de prestations sociales modestes et ciblées sur les plus démunis, l’essentiel des risques étant couverts par des assurances privées.

28Mais, en même temps, ces sociétés restent très attachées au credo libéral selon lequel tout individu suffisamment doué, motivé et travailleur doit pouvoir accéder à la réussite, ce qui les amène à veiller à une certaine égalité des chances, tout au moins au départ, dans l’organisation de leur enseignement obligatoire.

29Les régimes de protection sociale des pays du continent obéissent à une logique « bismarckienne » (du nom du Chancelier prussien Otto von Bismarck qui a conçu le premier système de protection sociale en Allemagne à la fin du xixe siècle).

30Dans la logique bismarckienne, la protection sociale ne découle pas de la citoyenneté mais du statut du travailleur sur le marché du travail. Le poids historique d’États forts (Allemagne, France, Empire austro-hongrois) conjugué au rôle important des corps de métier a produit des systèmes de protection sociale développés mais très stratifiés selon le statut professionnel du travailleur (fonctionnaire, employé, ouvrier, indépendant, etc.).

31C’est cette forte stratification sociale où chacun se voit assigné « à sa place » qui vaut à ce régime le qualificatif de conservateur. On retrouve ces mêmes traits dans les systèmes du modèle éducatif continental.

32* * *

2. Les systèmes d’enseignement (obligatoire) moins équitables génèrent-ils également des enseignements supérieurs moins équitables ?

33Tuons d’emblée le suspense : la réponse sera OUI. Mais, pour comprendre pourquoi, nous devrons considérer chacune des deux étapes successives à franchir entre la fin de l’enseignement secondaire et l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur, soit l’étape de l’accès à l’enseignement supérieur, suivie (éventuellement) de l’achèvement (avec succès !) des études supérieures entamées.

34Pour chacune de ces étapes, nous examinerons par quelles voies les inégalités sociales de l’enseignement secondaire affectent l’enseignement supérieur, avec une ampleur variable selon les aires culturelles.

2.1 1re étape : l’accès à l’enseignement supérieur

35Les barrières à l’accès, de diverses natures, sont présentes dans tous les pays et aires culturelles. Elles procèdent des conditions financières (droits d’inscription, bourses d’études, etc.), de la sélection à l’entrée et d’un comportement que l’on peut qualifier d’auto-sélection, par lequel un jeune renonce d’emblée à tenter l’enseignement supérieur parce que, au vu des déconvenues rencontrées dans son parcours scolaire antérieur, il a le sentiment que son degré de préparation est trop faible pour que le jeu en vaille la chandelle.

36La sévérité de ces différentes barrières à l’accès varie cependant selon les aires culturelles.

37Les pays nordiques proposent des conditions financières très généreuses mais imposent en revanche une sélection à l’entrée très sévère. Le comportement d’auto-sélection y est relativement modéré en raison de la plus faible inégalité des compétences des élèves au sortir de l’enseignement obligatoire. Les pays anglo-saxons imposent à la fois des conditions financières et une sélection à l’entrée sévères. Le comportement d’auto-sélection y est modéré, pour les mêmes raisons que chez les Nordiques. Les pays continentaux proposent des conditions financières assez généreuses et la sélection à l’entrée y est beaucoup moins sévère que chez les Nordiques et les Anglo-Saxons. En revanche, le comportement d’auto-sélection s’y exprime avec plus de vigueur qu’ailleurs en raison de la forte inégalité des compétences des élèves au sortir de l’enseignement obligatoire.

38La sélection à l’entrée mérite un commentaire particulier car sa sévérité apparaît étroitement corrélée au caractère plus ou moins équitable de l’enseignement obligatoire.

39On constate que c’est dans les pays et aires culturelles où l’enseignement obligatoire est le plus équitable (Nordiques, Anglo-Saxons) que la sélection à l’entrée est la plus rigoureuse. L’explication est simple : dans ces pays, une telle sélection est perçue comme « socialement acceptable » car les jeunes, à leur sortie du secondaire, sont dotés de compétences (relativement) proches, quelle que soit leur origine sociale. Ce n’est pas le cas chez les Continentaux, d’où une sélection moins rigoureuse à l’entrée. Et c’est en Belgique, dont l’enseignement obligatoire figure parmi les plus inégalitaires de l’OCDE, qu’elle est aussi, selon l’OCDE, de loin la moins sévère (« libre accès »).

40Au final, le taux d’accès à l’enseignement supérieur (% d’une classe d’âge qui accède à l’enseignement supérieur) est légèrement plus élevé pour la Belgique – grâce à l’absence totale de sélection à l’entrée – que pour la moyenne des pays de l’Europe de l’Ouest8.

41Si l’on distingue entre jeunes favorisés (ceux dont au moins un des parents est diplômé de l’enseignement supérieur) et jeunes moins favorisés (ceux dont aucun des parents n’est diplômé de l’enseignement supérieur), on constate que le taux d’accès est « socialement biaisé » dans tous les pays et aires culturelles. Et ce biais social est de même ampleur dans chacune de nos aires culturelles : la probabilité, pour un jeune favorisé, d’accéder à l’enseignement supérieur est, en moyenne, 1,8 fois celle d’un jeune moins favorisé. En cause, les différentes barrières à l’accès évoquées plus haut, mais dont l’importance relative varie selon les aires culturelles : rôle prépondérant de la sélection à l’entrée chez les Nordiques et les Anglo-Saxons, rôle conjoint d’une sélection à l’entrée moins sévère et d’un processus d’auto-sélection plus sévère chez les Continentaux.

42Les deux Communautés belges, qui partagent une même politique de « libre accès » à l’enseignement supérieur, diffèrent pourtant en matière de biais social à l’entrée : l’accès à l’enseignement supérieur se révèle plus « socialement équitable » en Communauté flamande car le processus d’auto-sélection s’y exprime avec moins de force qu’en FWB, où une proportion plus importante des élèves a connu de sévères déconvenues dans son parcours scolaire antérieur (on reviendra sur cette différence entre nos deux grandes Communautés quand on examinera l’étape suivante, celle de l’achèvement des études supérieures entamées).

43Ainsi, à l’issue de cette 1re étape de l’accès à l’enseignement supérieur, aucune de nos aires culturelles ne se révèle plus équitable qu’une autre. Mais on verra que les différences de sévérité en matière de sélection à l’entrée produiront un « retour de boomerang » dans la 2e étape, celle de l’achèvement (avec succès) des études supérieures entamées.

2.2 2e étape : l’achèvement (avec succès) des études supérieures entamées

44Dans les enquêtes internationales, on mesure le taux d’achèvement des études supérieures par le % des étudiants qui, ayant entamé un programme de BA, ont obtenu un diplôme de BA (le cas échéant, après réorientation) dans un délai égal à deux fois la durée théorique du programme, soit 6 ans (2 x 3 ans) pour un BA.

45Ce taux tourne autour des 80 % chez les Nordiques et les Anglo-Saxons, qui appliquent une sélection à l’entrée plus sévère, alors qu’il n’est que de 66 % dans les pays de l’aire continentale (Belgique, France, Pays-Bas) où la sélection à l’entrée est moins sévère9. Et, sans surprise, c’est en Belgique, où la sélection à l’entrée est inexistante, que ce taux d’achèvement est le plus faible : 62 % pour l’ensemble de la Belgique, mais avec une nette différence entre la FWB (56 %) et la Communauté flamande (67 %).

46Arrêtons-nous un moment sur le cas belge qui fournit une illustration des dégâts provoqués, dans l’enseignement supérieur, par les politiques de stratification des populations scolaires dans l’enseignement obligatoire. Nous avons vu plus haut que ces politiques de stratification (répartition précoce en filières distinctes, recours fréquent au redoublement) généraient de très grands écarts de compétences entre jeunes favorisés et défavorisés. La FWB et la Communauté flamande mènent toutes deux de telles politiques de stratification et toutes deux ont opté pour un accès totalement libre à l’enseignement supérieur. Comment expliquer alors la forte différence entre ces deux Communautés pour le taux d’achèvement des études supérieures : 67 % pour la Communauté flamande contre 56 % pour la FWB ? La réponse réside essentiellement dans l’intensité différente des politiques de redoublement entre les deux Communautés : forte intensité en Communauté flamande mais intensité exacerbée en FWB10. Or toutes les études montrent que le retard scolaire est le principal facteur d’échec en 1re année des études supérieures et des échecs plus nombreux à l’entame des études impliquent plus d’abandons et de redoublements avec, comme conséquence mécanique, un plus faible taux d’achèvement.

47Si on distingue à nouveau les jeunes favorisés (ceux dont au moins un des parents est diplômé de l’enseignement supérieur) des jeunes moins favorisés (ceux dont aucun des parents n’est diplômé de l’enseignement supérieur), on constate que le taux d’achèvement des études supérieures est « socialement biaisé » mais dans des proportions très différentes selon les pays et les aires culturelles. Dans le Tabl. 2, l’importance de ce biais social est illustrée par le rapport entre le taux d’achèvement des jeunes favorisés et celui des jeunes défavorisés. Plus ce rapport se rapproche de 1, plus faibles sont les inégalités sociales en matière de taux d’achèvement des études supérieures.

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Tabl. 2 – Inégalités sociales en matière de taux d’achèvement de l’enseignement supérieur

(Sources : OCDE, Regards sur l’éducation, Tabl. B5.1 et Fig. B5.a, 2019 et, pour la FWB, ARES, CRef et calculs propres)

48Le biais social est faible chez les Nordiques et les Anglo-Saxons. Ce résultat provient de la conjonction de deux éléments : la rigoureuse sélection préalable à l’entrée et la (relativement) faible différence des compétences, au sortir du secondaire, entre jeunes favorisés et moins favorisés. Le biais social est beaucoup plus marqué chez les Continentaux où se conjuguent une sélection à l’entrée moins sévère et une très forte dispersion des compétences des jeunes, selon leur origine sociale, au sortir du secondaire.

49La différence entre Communauté flamande et FWB reflète les différences en matière d’intensité des redoublements (dont les redoublements répétés), dont on sait qu’ils frappent, de façon très disproportionnée, les jeunes moins favorisés.

2.3 Qu’en est-il, à l’issue des deux étapes, en matière d’inégalités sociales dans l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur ?

50Revenons à la question posée à l’entame de cette section : « Les systèmes d’enseignement (obligatoire) moins équitables génèrent-ils également des enseignements supérieurs moins équitables ? ».

51Ou, autrement dit, qu’en est-il des probabilités respectives, pour un jeune favorisé et pour un jeune moins favorisé, de décrocher un diplôme de l’enseignement supérieur ?

52On peut calculer un indice d’équité de l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur comme le rapport des probabilités, respectivement pour un jeune favorisé et un jeune moins favorisé, d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur.

53Dans tous les pays du monde, cette probabilité est supérieure pour les jeunes favorisés, de sorte que le rapport des probabilités est toujours supérieur à 1. Mais, plus l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur est (socialement) équitable, plus faible sera ce rapport des probabilités.

54À partir d’enquêtes menées sous l’égide de l’OCDE, nous disposons de données permettant de calculer ces probabilités respectives. Celles-ci sont présentées au Tabl. 3.

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Tabl. 3 – Inégalités sociales dans l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur

(Sources : OCDE, Regards sur l’éducation, Tabl. A4.2, 2014 et, pour la FWB, La FWB en chiffres 2015, p. 263)

55Ces données appellent les commentaires suivants :

  • les systèmes d’enseignement obligatoire plus (socialement) équitables génèrent également une obtention plus équitable d’un diplôme de l’enseignement supérieur ;

  • comme nous l’avons vu, ce n’est pas au niveau de l’étape « accès » mais au niveau de l’étape « achèvement des études supérieures entamées » que se creuse l’écart entre Nordiques et Anglo-Saxons, d’une part, et Continentaux d’autre part ;

  • la FWB présente la situation la moins favorable en matière d’obtention équitable d’un diplôme de l’enseignement supérieur ;

  • la différence entre la Communauté flamande et la FWB provient essentiellement de la proportion nettement moindre des élèves en retard scolaire (et en retard scolaire répété !) en Communauté flamande, ce qui entraîne des taux d’accès et des taux d’achèvement à la fois plus élevés et plus équitables en Communauté flamande.

3. Au-delà de leurs effets sur l’enseignement supérieur, les systèmes d’enseignement (obligatoire) plus inégalitaires génèrent-ils des effets sociétaux plus profonds ?

56On peut identifier un 1er effet, direct, des inégalités de l’enseignement obligatoire, puis un 2e effet dérivé du 1er.

3.1 1er effet (direct) : les systèmes d’enseignement (obligatoire) plus inégalitaires engendrent des sociétés plus « figées »

57L’indicateur présenté au Tabl. 3 mesurait la probabilité d’accéder au diplôme de l’enseignement supérieur, respectivement pour les jeunes favorisés (qui parviennent ainsi à maintenir la position privilégiée de leurs parents) et les jeunes moins favorisés (qui parviennent ainsi à s’extraire de la position moins privilégiée de leurs parents).

58Il capture déjà (bien que très partiellement) le concept de mobilité sociale intergénérationnelle (en éducation), qui examine dans quelle mesure le niveau de scolarité des individus est conditionné par celui de leurs parents.

59Les travaux approfondis sur cette question adoptent une segmentation plus fine de la population des jeunes, selon le diplôme de leurs parents (distinguant, par exemple, ceux dont aucun parent n’est diplômé du secondaire supérieur de ceux dont un parent au moins est diplômé du secondaire supérieur et de ceux dont un parent au moins est diplômé de l’enseignement supérieur) et étudient les trajectoires éducatives de chacune de ces diverses catégories de jeunes. Si les trajectoires éducatives des jeunes apparaissent fort conditionnées par le niveau de scolarité de leurs parents (faible mobilité sociale intergénérationnelle), on parlera de sociétés « figées ». Dans le cas contraire, on parlera de sociétés « fluides ».

60Sur la base de statistiques de l’OCDE11, on peut calculer, pour chaque pays, un indice de mobilité sociale intergénérationnelle. Celui-ci apparaît étroitement corrélé tant à l’indicateur d’inégalité sociale de l’enseignement supérieur (Tabl. 3) qu’à l’indicateur d’inégalité sociale de l’enseignement obligatoire (Tabl. 1). Les sociétés les plus fluides sont celles de notre modèle éducatif nordique, suivies par celles du modèle anglo-saxon puis par celles du modèle continental.

61On peut en conclure que les systèmes d’enseignement obligatoire plus inégalitaires génèrent des sociétés plus figées (moindre mobilité sociale intergénérationnelle).

3.2 2e effet (découlant du 1er) : les sociétés plus figées sont affligées d’une plus faible cohésion sociale

62Pourquoi sommes-nous intéressés par la mobilité sociale intergénérationnelle ?

63Parce que nous avons l’intuition – mais qu’il faut encore vérifier – que les sociétés plus fluides présentent l’avantage d’une plus forte cohésion sociale. Le concept de cohésion sociale12 fait l’objet, depuis plusieurs années, d’un regain d’intérêt face à la progression – plus marquée dans certains pays que dans d’autres – du phénomène de « désaffiliation » d’une partie des citoyens (progression de l’abstention lors des élections, succès croissant de partis politiques extrêmes, radicaux et anti-système). Cette désaffiliation traduit le désespoir et la révolte de la partie des citoyens qui se sentent largués par une société qui ignore leurs aspirations. Ce phénomène présente un risque d’effritement de la cohésion sociale, or une forte cohésion sociale est le meilleur garant de la résilience de nos sociétés face aux défis et crises à affronter collectivement (pandémies, changement climatique, migrations, etc.).

64L’intuition du lien entre mobilité sociale intergénérationnelle et cohésion sociale s’appuie sur le raisonnement suivant :

  • dans une société figée, les personnes situées au bas de l’échelle sociale, percevant qu’eux-mêmes et leurs enfants ont de très faibles perspectives de promotion sociale (et donc d’amélioration de leurs conditions de vie et de leur statut), se sentiront comme en marge de cette société qui, d’une certaine façon, les « assigne à résidence » ;

  • à l’inverse, dans une société plus fluide, les personnes situées au bas de l’échelle sociale, percevant qu’en dépit de leur handicap initial eux-mêmes et leurs enfants conservent de réelles perspectives de promotion sociale, n’éprouveront pas (ou peu) de sentiment de rejet de la part de la société, dans laquelle elles maintiennent leur confiance.

65L’intérêt suscité par le concept de cohésion sociale a amené des institutions internationales13 à tenter de mesurer celle-ci à partir de résultats d’enquêtes internationales régulières qui interrogent les citoyens sur leurs perceptions, attitudes et comportements quant à une variété de dimensions jugées constitutives de la cohésion sociale14. Les résultats dégagés sur ces diverses dimensions sont combinés pour calculer, pour chaque pays, un indice composite de sa cohésion sociale.

66À nouveau, les Nordiques émergent en tête, avec la plus forte cohésion sociale, suivis des Anglo-Saxons, puis des Continentaux. On note que la Belgique et la France finissent en queue du peloton des pays d’Europe de l’Ouest.

67De nombreuses études ont tenté jusqu’ici d’identifier, à l’aide de méthodes statistiques élaborées, les facteurs favorables à une forte cohésion sociale. Des travaux récents15 font apparaître qu’un facteur très significatif d’une forte cohésion sociale – plus déterminant encore, semble-t-il, que l’égalité de la distribution des revenus – réside dans une forte mobilité sociale intergénérationnelle.

68Ceci nous amène à l’observation suivante : dans les médias et le débat public, la montée des inégalités est souvent – et à raison – pointée du doigt comme un danger pour la préservation de la cohésion sociale. Or de quelles inégalités parle-t-on ? Il s’agit presque toujours des inégalités de revenus, ou de patrimoines, autrement dit des « inégalités de conditions » par opposition aux « inégalités de perspectives » qui visent, elles, les chances inégales offertes aux jeunes en matière d’épanouissement personnel et de promotion sociale. Or, nous venons de voir que l’égalité des perspectives apparaît sans doute comme plus déterminante encore, pour la cohésion sociale, que l’égalité des conditions.

69Les Nordiques conjuguent égalité des conditions et égalité des perspectives ; les Anglo-Saxons sont tolérants aux inégalités des conditions mais, comme on l’a vu, plus attentifs aux égalités des perspectives ; les Continentaux, eux, font l’inverse : alors qu’ils sont très attentifs à l’égalité des conditions (avec des distributions de revenus fort égalitaires), ils entretiennent les systèmes éducatifs les plus inégalitaires.

70Y aurait-il là une leçon pour nos sociétés du modèle continental, dont les États-providence se seraient trop exclusivement focalisés sur l’égalité des conditions, en négligeant l’égalité des perspectives ?

71Terminons par un petit clin d’œil, avec un 3e effet, concernant …le « bonheur ».

3.3 3e effet : une plus forte cohésion sociale va de pair avec un plus grand bonheur des citoyens

72Après tout, un des objectifs primordiaux de toute société est d’assurer un niveau élevé de bien-être (pas seulement matériel) à ses membres. L’indicateur traditionnel utilisé pour mesurer le bien-être, le PIB/habitant, étant jugé trop restrictif, certains organismes internationaux, comme l’UE, adoptent également une voie alternative consistant à mesurer directement le niveau de bien-être au travers d’enquêtes internationales16 qui interrogent les citoyens sur leur sentiment de bien-être ou de « bonheur »17.

73Il apparaît que l’indice de bien-être (ou de bonheur) ainsi mesuré est très corrélé à l’indice de cohésion sociale avec, à nouveau, la Belgique (ainsi que la France) mal classée(s) selon ces deux dimensions.

74Le sentiment de bien-être est certes sensible au niveau de vie (en témoignent les scores plus faibles des pays plus pauvres de l’Europe du Sud et de l’Europe de l’Est) mais il apparaît aussi favorisé par la perception d’une plus forte solidarité collective, plus répandue dans les sociétés jouissant d’une forte cohésion sociale.

Quelques réflexions en guise de conclusion

75Pour conclure, quelques mots encore sur les difficultés à réformer des systèmes éducatifs structurellement inégalitaires, comme celui de la FWB.

76Le diagnostic sur le caractère très inégalitaire (et peu performant) de l’enseignement obligatoire de la FWB est connu depuis la parution des premières enquêtes PISA, dès le tout début des années 2000.

77Or ce n’est qu’en 2015 qu’ont débuté les négociations entre responsables politiques et “acteurs” de l’enseignement (syndicats enseignants, pouvoirs organisateurs, associations de parents) visant à conclure un « Pacte pour un enseignement d’excellence », destiné à améliorer l’efficacité et l’équité de notre système éducatif. Parmi les nombreuses dispositions du « Pacte » figurent évidemment celles visant à atténuer quelque peu le caractère très stratifié du système (segmentation précoce en filières distinctes et ampleur des redoublements).

78Déjà la gestation du « Pacte » fut laborieuse : rappelons-nous les craintes, exprimées par de nombreux parents et relayées par certains partis politiques, de voir l’allongement – d’un an seulement18 – du tronc commun aboutir à un « nivellement par le bas ». Et la mise en œuvre du « Pacte » n’est pas moins laborieuse, comme en témoigne le raidissement récent de plusieurs syndicats enseignants à la perspective d’une mesure pourtant prévue dans le « Pacte ».

79Comment expliquer ces difficultés à réformer ?

80Une première explication possible renvoie à la dimension culturelle évoquée plus haut. Peut-être est-il difficile, pour certains, d’envisager un estompement de normes – pensons à la stratification (« chacun à sa place ») – qui gouvernent notre vie sociale (enseignement, sécurité sociale, droit du travail) depuis des décennies ?

81Une autre explication, non exclusive de la première, tient à l’attachement à l’ordre ancien de certaines parties prenantes, parmi lesquelles aussi bien des parents que des enseignants :

  • des parents, tout d’abord. On sait que ceux des milieux plus favorisés sont, en général, les mieux informés sur le fonctionnement du système scolaire. Pour offrir à leurs enfants l’environnement scolaire le plus porteur, il leur suffit, dans le régime actuel, de repérer des écoles réputées exigeantes car triant les bons élèves et évacuant les plus faibles via le redoublement et la relégation dans d’autres filières. Certains de ces parents redoutent qu’une atténuation de ces dispositifs de stratification aboutisse à pénaliser leurs enfants.

  • des enseignants ensuite, pour lesquels le redoublement et la relégation dans une autre filière sont – surtout en FWB – des outils efficaces pour assurer une plus grande homogénéité des compétences au sein des classes, facilitant de ce fait le travail des enseignants. Les syndicats enseignants sont évidemment sensibles à ces préoccupations de leur base. Soyons lucides : ils ne sont pas insensibles non plus à la préservation du volume de l’emploi, lequel dépend étroitement de l’ampleur des redoublements : en effet, des taux de redoublements importants ont pour effet de gonfler la population scolaire – et donc le nombre de postes d’enseignants – en maintenant plus longtemps dans le système des élèves qui, dans un système plus « vertueux », auraient déjà achevé leur parcours.

82Du fait de ces réticences, le « Pacte » affiche des objectifs qui, sur certains plans, sont plus modestes qu’on aurait pu l’espérer. Ne boudons cependant pas notre plaisir : le « Pacte » est assurément un pas dans la bonne direction. Mais armons-nous aussi de patience : ce n’est que dans une dizaine d’années que les premières générations issues du « Pacte » accéderont à l’enseignement supérieur…19

Bibliographie

Dragolov G., Ignacs Z., Lorenz,J., Delhey J. et Boehnke K., Social Cohesion Radar. An International Comparison of Social Cohesion, Bertelsmann Stiftung, 2013.

Esping-Andersen G., The Three Worlds of Welfare Capitalism, Princeton, NJ: Princeton University Press, 1990.

Eurofound, Social Cohesion and well-being in Europe, Publications Office of the European Union, 2018.

FWB, La Fédération Wallonie-Bruxelles en chiffres 2015, 2015.

Lambert J.-P., « L’enseignement en Europe : modèles et racines culturelles », dans Modèles : prévoir, comprendre, expliquer, interpréter, reproduire, trahir, éditions de l’Académie royale de Belgique, collection « Mémoires », 2020, p. 195-208.

Lambert J.-P., « Éducation et cohésion sociale. Leçons d’une approche internationale comparée », Working Papers du CEREC n° 2021/6, accessible sur https://cerec.be/publications/, 2021.

Lambert J.-P., « Comment l’école affecte la cohésion sociale », La Revue Nouvelle, n° 5/2022.

OECD, PISA 2015 Results, vol. i et vol. ii, Éditions de l’OCDE, 2016.

OECD, A Broken Social Elevator. How to Promote Social Mobility?, Éditions de l’OCDE, 2018.

OECD, PISA 2018 Results, vol. v, chapitre ii, Éditions de l’OCDE, 2020.

Notes

1 Lambert (2020).

2 Avant l’âge de 16 ans, âge de fin de la scolarité obligatoire dans la plupart des pays.

3 Les données des Fig. 1 et 2 proviennent de l’enquête PISA 2015 (OECD, 2016). Ces caractères structurels étant très stables, les données sont quasiment identiques à celles de PISA 2018, dernière enquête disponible.

4 Les indicateurs retenus pour le degré de ségrégation scolaire sont les parts de la variance totale de la distribution des indices socioéconomiques et culturels des élèves (pour la ségrégation sociale) et de la distribution des scores des élèves aux tests PISA (pour la ségrégation académique) attribuables à la variance entre écoles.

5 Ne sont retenus ici que les pays de l’ancienne Europe de l’Ouest.

6 OECD (2020).

7 Voir, par exemple, Esping-Andersen (1990).

8 63 % pour la Belgique, contre 61 % en moyenne en Europe de l’Ouest.

9 Taux d’achèvement mesurés lors de l’enquête internationale par suivi de cohortes d’étudiants ayant entamé leur BA en 2011-2012 (sources : OCDE, Regards sur l’éducation 2019, Tableau B5.1 et Fig. B5.a. et, pour la FWB, ARES, CRef et calculs propres).

10 En 6e secondaire, on compte ± 30 % d’élèves en retard scolaire en Communauté flamande, contre ± 60 % en FWB. Et, si on considère les élèves en retard scolaire de 2 ans ou plus, c’est 9 % des élèves en Communauté flamande, contre 30 % en FWB.

11 OECD (2018).

12 Une forte cohésion sociale caractérise une société dont les liens entre les membres (individus) et entre les membres et les institutions (politiques, juridiques, etc.) sont solides (on parlerait de « team spirit » pour une équipe sportive) et dans laquelle, dès lors, le sentiment d’être abandonné ou ignoré par la société est peu répandu.

13 Voir Dragolov et al. (2013) et Eurofound (2018).

14 Parmi les dimensions retenues, la confiance accordée aux autres, la confiance envers les institutions, la perception de la société comme étant équitable, la participation à la vie associative ou politique, l’intensité des relations sociales, la plus ou moins grande acceptation de la diversité, etc.

15 Lambert (2021).

16 Eurofound (UE), European Quality of Life Survey, (EQLS) ou Gallup, “Life Happiness Index”, dans le World Happiness Report.

17 Via des questions du type « Tout bien considéré, comment vous situeriez-vous sur une échelle allant de 1 (très malheureux) à 10 (très heureux) ? » ou « Tout bien considéré, dans quelle mesure diriez-vous que vous êtes satisfait de votre vie aujourd’hui ? » [sur une échelle allant de 1 (très insatisfait) à 10 (très satisfait)].

18 La segmentation en filières distinctes qui avait lieu dès la 3e secondaire (élèves normalement âgés de 14 ans) sera reportée à la 4e secondaire (élèves normalement âgés de 15 ans).

19 Article résultant de l’exposé présenté à la séance de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques du 26 juin 2023.

Pour citer cet article

Jean-Paul Lambert, «Les politiques de l’éducation et leurs effets sociétaux», La Thérésienne [En ligne], 2023 / 1 : Varia, URL : https://popups.uliege.be/2593-4228/index.php?id=1682.

A propos de : Jean-Paul Lambert

Polytechnicien et Docteur en Sciences économiques, Jean-Paul Lambert est Recteur honoraire de l'Université Saint-Louis - Bruxelles et membre de l'Académie royale de Belgique. Depuis de nombreuses années, son domaine privilégié de recherches concerne l'économie - et les politiques - de l'éducation.