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Ne pas définir ? A propos d’un refus de paradigme pour l'Asie centrale comme région internationale moderne

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Les rapports entre voisins, après leur émergence comme nations, ont changé, depuis une pratique d'alliés-agresseurs jusqu’à une entente de constructeurs-partenaires. Cette rupture relève d'une prise de conscience : la continuité dans les alliances-agressions du passé n'était pas viable. Peu avait changé entre les guerres généralisées du 17è s. (guerre de Trente ans) et celles du 20è s. (Guerres mondiales). Ce néo-changement ‘signale’ les constructions régionales (européenne années-1950; sud-est asiatique années-1960; ouest-africaine années-1970; latino-américaine années-1980; plurirégionales à partir des années-1990), complétées par la ‘nouvelle Asie’ années-2000, exposées à un test kuhnien de ‘validité régionale’ années-2010 (Brexit), puis à un test sanitaro-souverainiste années-2020 (Covid). Face à cette effervescence régionale, l’on part, à propos de l’Asie centrale, d’un a priori a-paradigmatique logique devant la nouveauté régionale. Préférant, à un refus d'un prêt-à-interpréter académique, une déconstruction de la notion.
Table of content
Introduction
1L’après-guerre, porteur au 20e s. du fait régional polycentrique, caractérise-t-il un espace au-delà de sa géographie et son histoire ? L’espace à définir, par exemple une région, notamment post-soviétique, ainsi de l’Asie centrale, offre un défi1 (Gorshenina 2008, 2014), risque d’échec si la définition nécessaire reste inaccessible ex post. Délimiter cet espace par sa morphogenèse2 est une étape bienvenue (Thorez 2016) dans un ‘après’ historique post-systémique - chute de l’URSS - ou un ‘après-guerre’, mondiale ou froide. Poser que cet espace, dans ses frontières-figures (Rauer, 2019), est une invention (Gorshenina, 2012) doit être précisé3.
2Par-delà le passé et les réinventions du présent4, une région est un objet renouvelé par le contexte et qui change à mesure qu’on l’observe5. S’ouvrir aux sciences sociales et humaines6, depuis une quête d’identité et reconnaissance mutuelle7 (Puigelier, 2011) jusqu’à l’affirmation d’un Soi sur la scène internationale8, est alors un pas méthodologique et épistémologique utile (Malinovski & Burdelski 2006) pour aborder les constructions régionales en général.
3Par naïveté essentialiste, demandons en quoi consiste une région et ce qui inspire la question. Paraphrasant S. Lukes (1974 ; 1986, p. 1)9, « par quoi sommes-nous intéressés quand nous disons que nous sommes intéressés » par une région : théoriser l’intégration européenne en un modèle (Wallace & Telò)10; affiner la spécificité11 asiatique (Joyaux, 1993); voir l’Amérique latine comme un acteur12 capable de desserrer l’étau continental; aborder l’Afrique par son idiosyncrasie entropique13 pour relativiser sa modélisation post-coloniale (Daloz, 1999)?
4Le fait régional (Gautron, 1977) se répand dans l’espace, ce dernier parfois décrié14 comme platement géopolitique (Devin, 2016), avec raison s’il s’agit d’interpréter cet espace (Devin, 2016, p. 33) au-delà de ce à quoi il peut servir15. Aborder son sens, y compris dans l’histoire, éclaire ce que cet espace permet de construire16.
5Préciser l’objet régional renvoie à la méthodologie17. Comment comprendre cet objet : par la sociologie de ses acteurs18 et élites19; par le contexte historique20, dont la rupture21 renouvelle le sens; par la sémiotique du changement (Roche, 1999; Green, 2016)22 post-soviétique en général, républicain en AC, d’ouverture pour la Chine, de néo-nostalgie pour la Russie ? Tout est ouvert, à commencer par l’identité d’entités étatiques conservées23.
6Face à l’objet régional, dynamique lancée par les Ententes régionales baltique et balkanique de 1934, devenue en moins d’un siècle une pluri-polarité multicentrique globale, les observateurs ont trois choix : se contenter de ne pas définir, se préoccuper de pourquoi définir, relever le défi de comment définir. Le premier consiste à ne pas considérer les régions comme centrales à l’étude de l’AGF bipolaire; le second permet de prendre en compte une réelle évolution des voisinages; le troisième contribue au débat historique et socio-politique de coopération entre acteurs. Nous traitons ici de la première interrogation24.
7Ne pas vouloir définir a priori est une forme d'ouverture (NRC 2009), sauf à étendre ce refus à toute conceptualisation paradigmatique achevée25 (Martres, 2003; Favre 2010). La science exige raisonnablement, non artificiellement, d’expliquer les mutations sociétales, parmi elles la rupture de la notion de voisins - pays -, un changement marquant leurs rapports, après leur émergence comme nations, depuis une pratique d'alliés-agresseurs jusqu'à une entente de constructeurs-partenaires. Par une prise de conscience : la continuité dans les alliances-agressions n'était pas viable; peu avait changé entre les guerres du 17e s. - Trente ans - et du 20e s. - mondiales. Ce changement signale les constructions régionales : européenne 1950s; sud-est asiatique 1960s; ouest-africaine 1970s; latino-américaine 1980s; plurirégionale 1990s; complétées de la nouvelle Asie 2000s; exposées à un test kuhnien de validité régionale 2010s26; puis un test sanitaro-souverainiste 2020s.
8Le but de cet article est à la fois d’esquisser des éléments épars de caractérisation de la notion de région internationale moderne (RIC) et d’insérer l’Asie centrale dans cette notion, en suggérant qu’elle est déjà une région comme une autre bien qu’encore malaisée à définir.
9L’effervescence régionale est abordée en partant d'un a priori a-paradigmatique devant la nouveauté régionale : refus d'un prêt-à-interpréter académique et déconstruction de la notion (§1). Ce refus tient à la crainte d'un modèle comparatif qui s'imposerait par la seule force du précédent ou par simple volonté heuristique (§2). L'apparence d’une construction régionale est celle d’un édifice intergouvernemental formalisé, relevant d’un modèle inter-étatique (§3). Il faut élargir l'approche dans l'histoire, l'ouvrir au contexte (§4). Les emprunts conceptuels aux sciences sociales sont le changement, durable sinon irréversible, en écho à la rupture (§5). Comprendre cette rupture, politique, dans son contexte, historique, renvoie au sens que lui donnent ses propres acteurs (§6).
§1- Pas de paradigme : le refus a priori d'un prêt-à-interpréter
10Une région « qui n'existe pas » (Hanova, 2017) peut-elle avoir « un sens » (Martres ; 2003; Favre, 2010)? A quel moment existe-t-elle ? Que veut dire exister27? Entre objet incertain et conceptualisation ultime, au niveau moyen, comment l’interpréter (Schemeil, 1994, p. 31)? Moment d'une rupture dans l'histoire, marqué par des inflexions, à commencer par son nom : Europe28, de la discorde avant 1945 à la construction après 1950; Asie29, de la coupure avant 1991 à la coopération après 2001.
11Le refus de Martres (2003) est un paradoxe. Il suggère de se passer de paradigme, pas de théorie(s). Il récuse la spécificité de tel paradigme mais pose qu'il devrait y en avoir un commun aux sciences sociales, ou autant de paradigmes que d’objets à analyser.
Les R.I. [auraient-elles un objet] si particulier [nécessitant des] paradigmes… distincts des méthodes… en sciences sociales? Il ne le semble pas.[…] C'est… à cette illusion paradigmatique que nous allons nous attacher.[…] Ce concept de théorie de R.I. est-il une modélisation d'une pratique politique… ou une science capable de déduire de l'observation empirique des régularités répétitives.[…] [E]n face d'un nouveau champ d'expression pour les idées politiques, [désertons] les lieux traditionnels de la pensée. (Martres 2003: 19-20)
12Refuser une « pseudo-science », tenter de « comprendre » le réel et « proposer des modèles » pour éviter une « bataille des paradigmes » stérile (Martres, 2003, p. 20). Ces régularités répétitives comme phénomène s'imposent à l'observateur: selon nous, les régions. L’on suivra moins Martres réfutant certaines théories des R.I. (pp. 20-29) que lorsqu’il tire leçon d’une « querelle » des Écoles (pp. 30-39). Son refus paradigmatique tient aux jugements de valeur accompagnant « postures » théoriques (p. 21), idéologies (p. 30), doctrines (p. 32), biais culturel « occidental » (p. 34), substitut de religion (p. 36).
13Martres vise « la résolution stratégique des conflits théoriques » (p. 38), donc s'extraire ex ante des querelles conceptuelles pour privilégier l'observation et conceptualiser ex post. Étudier les « faits têtus » (p. 23) tout en accueillant la « polymorphie d'un phénomène » (p. 27): pour lui la puissance; selon nous la région.
14Certes, « seul l'acteur réel doit être pris en compte » (p. 28) mais suggérons que cet acteur, selon nous la région, est celui qui donne sens à une dynamique historique. Ajoutons l'importance du contexte (infra §4), que Martres évoque indirectement (p. 30). Sa thèse principale : les débats théoriques entre Écoles cachent mal la querelle idéologique (pp. 30-39). Le déterminisme suggéré vise non une causalité scientifique mais un contexte, notamment la paix et la guerre. Nous ajoutons l'après-guerre; pas un entre-guerre mais une rupture constructive (infra §6), vers un dépassement du contexte passé30.
15Martres veut combler un « écart » entre « théories » et pensée « occidentale » (pp. 34-36). Commençons par l’étude empirique et inductive de la nouvelle Asie. La « variable historique » joue avant toutes « métathéories » (p. 34). Si le raisonnement occidental est « traditionnellement binaire » (p. 35), le diversifier par la notion de partenariats constructifs – non souverains/supra-souverains mais « juxta-souverains » (Chabal, 2019). Dépasser une dialectique occidentale/non occidentale, elle-même binaire, par le concept d'après-guerre en général et du contexte partout dans le monde. Solution méthodologique. Le piège « téléologique »31 est évité par le retour du « sens réel des politiques internationales » (Martres, 2003, p. 36).
« Paradigme », étymologiquement, signifie déclinaison et, sans déformation de sens… le paradigme « fait fonction » de dogme… à partir duquel peut se déduire le « sens » de l'objet étudié. Pour cette raison, nous refusons l'idée même de paradigme (p. 37). […] Notre propos vis[e] à détruire l'écart présumé entre… théories, à refuser à chacune le caractère paradigmatique dont elle se réclame (p. 39).
16Existerait-il une tabula rasa conceptuelle en sciences sociales/humaines, comme en philosophie/anthropologie (Éliade, 1949) ? L’interrogation vise la nouveauté en général, selon nous l'innovation régionale en particulier. Certes (Bottemore, 1975, pp. 1086-87), les règles scientifiques d’un paradigme comprennent des valeurs (Kuhn) mais peu importe l'origine des concepts s’ils sont réfutables empiriquement (Popper).
17La dimension régionale de l’AC est ainsi abordée comme un débat (Gorshenina, 2007a; Hanova, 2017).
18- « L'Asie centrale: un concept à discuter » (2è Congrès, Réseau Asie) est devenu un ouvrage (Gorshenina, 2014). Son titre a évolué, de « concept à discuter » (2007a) à « appellation à préciser » (2014). Nous citons la version draft (8 p.) de 2007.
Née à l'aube du XIXè comme terme couvrant l'espace entre la Mer Noire et la mer d'Okhotsk, l'expression « Asie Centrale » n'a jamais pu être ciblée avec certitude et de manière unanime. Les limites géographiques de cette région ont toujours été fluctuantes, tant les points de vue ont été variables, parfois opposés les uns aux autres, ou cloisonnées par des situations politiques et idéologiques… [aboutissant] à une représentation de l'AC comme un patchwork d'observations et d'opinions sans [rapport entre elles]. (p. 1)
19Par-delà l’espace comme simple donnée, existe une région comme véritable objet mais dont la désignation, donc la précision, est un enjeu. Ainsi de sa situation dans le temps.
Dans l'histoire de l'AC se côtoient des dénominations très variées à connotations historiques…, linguistiques…, mythiques…, ethnographiques ou ethnologiques…, culturelles…, économiques…, géographiques… ou méga-géographiques (Asie centrale, Asie moyenne, Asie intérieure, Haute-Asie), politiques et administratives…. Ces dénominations ne recouvrent cependant jamais l'ensemble de l'aire géographique ici en question. (pp. 1-2)
20L'exercice politique de désignation (non conceptuel - Martres) n'a donc jamais, selon Gorshenina, bénéficié de neutralité axiologique. Du Caucase à la Sibérie orientale,
toutes ces régions ont été… divisées par des barrières artificielles montées par des… hommes politiques imprégnés d'une vision euro-centriste et de ses dérivés. A l'égard de cette aire…, le discours scientifique semble [par ailleurs] avoir sans cesse eu recours à des définitions fondées sur l'exclusion:… exclusion du monde ex-soviétique,… abstraction du Tibet et de la Mongolie. (p. 2)
21Les complexités lexicales plurilingues ont rendu/rendent encore32 l’objet régional Asie Centrale imprécis, in-opérationnel pour l'analyse. Elles « ne reflètent ni des destinations linguistiques… ni surtout des conditions géographiques particulières » mais renvoient « à des visions divergentes… [au] plan idéologique et politique » (Gorshenina, 2007a, p. 2).
Les points de discordance… dans le discours de dénomination sont…: la distribution des termes de « centre » et de « périphérie » par rapport à un espace géographique neutre; la formation de systèmes… à multiples centres de gravité…; la fixation… des frontières…; la perception de limites… en tant que « données naturelles et objectives » [ou] « indices imaginaires ». (p. 2)
22Espace… politique, dont l’appellation seule nécessite une analyse, avant celle de sa signification régionale. La différence « fondamentale » dans la pensée et langue russes entre Asie du Milieu -Srednjaja Azija- et du Centre -Central’naja Azija- est « pratiquement insaisissable » en Occident (Gorshenina, 2007b). Objet donc malaisé à cerner comme s'il n'existait pas, malgré un « besoin » dès le 19e s. « d’un toponyme pour désigner cet espace dans son ensemble » (p. 4), délimiter les États-nations et leurs zones d'influence.
23L'AC entre empires russo-sibérien et anglais-hindou, définition aliénante, extérieure à son Soi, imposée par l'Autre conquérant.
24- Plaidoyer méthodologique, « Calling for Regional Cooperation in the Region that does not exist » (Hanova 2017) situe le plan général de la réflexion sur l'invention d'une région, sans aucune référence à la coopération de Shanghai depuis 1996. Délaissant la terminologie, l’enjeu conceptuel est celui de la centralité.
25« L’enjeu politique de la centralité d'une région non-mesurable et mal connue » jusqu'au 20e s. (Gorshenina, 2007a, p. 5) s’élargit à la reconfiguration de la puissance continentale post-soviétique du 21e s. Le centre du Grand Jeu entre empires demeure l'enjeu de nouveaux Grands Jeux après la GF mais plus complexe conceptuellement par « superposition de critères présentés aléatoirement comme un ensemble de traits » (Gorshenina, 2007a, p. 6).
26Gorshenina (2007) éclaire l’exagération de Hanova (2017). Une région pourrait-elle ne pas exister du tout ? L’emphase suggère un besoin de critères moins artificiels que ceux qu’évoque, chez d'autres, Gorshenina : Asie centrale signifie parfois ‘de Vladivostok à Kiev’; cinq républiques ex-soviétiques : Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan,…
27Le brouillard terminologique cache la centralité - comme mécanisme de lutte - contre la périphérisation.
28La relocalisation d'un centre de gravité - l'affirmation d'une région pour elle-même - permet de sortir de l'évanescence : exister comme objet d’étude, un Soi égal à l’Autre, au milieu de systèmes multiples mais ouverts.
29Hanova aborde cette centralité comme « auto-identification » - « ideational self-placement » (2017, p. 1). Il souligne l'indéfinition originelle de l'espace à étudier.
For more than two decades the research… community has become accustomed to… [a] region practically absent… in the ideational self-placement… [Our] research attempts to uncover the additional layer of ideational space that is left unreferenced and under-researched. (p. 1)
30Hanova (2017) contextualise les interrogations de Gorshenina dix ans avant, sur trois siècles d'Asiatologie. La définition de l'AC aurait-elle si peu progressé? Les Républiques d'AC ne se perçoivent-elles pas encore comme d’une même région? L'objet devient cette region-ness ou régionalité, terme plus politologique que le géographique centralité. Dans un contexte où ces Républiques nouvelles (1991), éponymes d'une culture parmi plus d’une centaine, dans des frontières héritées, n’avaient d'autre choix que le nationalisme, renommé nation-building.
Certainly, we cannot create a Eurasian union based on the ready matrix. We have our own history, our own characteristics and we should have this all in mind. We must also overcome our internal national egoism, our form and criteria (Hanova p. 1 citant Aitmatov, Chto Delat? Moscou 28/3/2003).
31Est implicitement dénoncé un manque de communalité comme modèle de coopération. Le modèle soviétique n'étant plus, aucun n'est disponible - autre que sui generis? Les caractéristiques propres des Républiques d'AC ne sont pas une ressemblance avec d'autres Nations ayant formé une région. Une homogénéité centralasiatique existe mais surtout ailleurs, pour les organismes internationaux actifs dans la région33, non dans l'esprit de ses dirigeants-habitants. L'AC région imaginée par d’autres, voilà pourquoi elle n'existe pas par elle-même.
The Central Asia region… [still] requires further assemblage of its region-ness as an area of constructed structures and meanings where States would share common ways of resolving issues, and some identification markers that would speak of their Central Asian-ness beyond the mere references to common culture, language and history (Hanova, 2017, 5).
32Le partage d'un espace, d’une culture ne fait pas une région. Pour que se forment régionalité et région, il manque une super-narrative (Hanova), selon nous une rupture opérationnelle. La coopération doit devenir co-constitution (Hanova, 2017, p. 5).
§2- La crainte d'un précédent : la question d'un modèle comparatif
33Ouvrir l’esprit devant la réalité, par scepticisme envers tout modèle, par hostilité a priori, même indirecte, contre un précédent idéalisable au plan heuristique, cela fonde le paradoxe du comparatisme : malaisé mais nécessaire.
Haas, approfondissant son étude de la CEE… devint septique sur… la possibilité de considérer l'intégration européenne comme un modèle susceptible d'être étendu à d'autres États: le caractère particulier du traumatisme de la Seconde Guerre, le contexte de dissuasion nucléaire, les valeurs historiques et culturelles des États européens constituent en effet des conditions non reproductibles dans d'autres aires géographiques (Martres, 2003, p . 20).
34La comparaison comme inspiration… Une région n'est pas comme une autre; ni un contexte duplicable. Le comparatisme analyse non le semblable, mais ce qui explique un même phénomène dans différents contextes (infra §4). La crainte d'un modèle découle de son impératif comparatiste, plus que de son rôle heuristique. La valeur d'un modèle pour expliquer un objet dépend de sa validité envers un autre objet34 (Schemeil, 2012, p. 5).
35Cet impératif impose deux questions, dialectiques l'une de l’autre : comment comparer entre régionalismes, ici européen et asiatique?; quelle spécificité pour un régionalisme asiatique ? La première évoque l'Asie du sud-est; la seconde renvoie à l'AC.
36- « Asian regionalism: how does it compare to Europe’s? » (Campannelli, 2009) confirme la pertinence du phénomène régional : l’ASEAN invitée au G20 se voit ipso facto accorder une « telling indication » d’une « recognition » comme région (p. 1). Il valide la démarche comparatiste35, plante le décor historique, révèle comment deux dynamiques régionales, Europe et Asie, différentes de détails, relèvent d'un contexte également heuristique. S’écartant d’un Ancien régionalisme hérité, il démêle les fils d'une comparaison.
The EU is often presented as the integration model for other regional groupings, in Asia and elsewhere. But while regions can learn from others' experiences, their needs and circumstances vary. Asia must find its own path to greater cooperation and integration (p. 3).
This essay compares… their differing approaches to regional cooperation [in Asia] and integration [in Europe].[…] A common thread runs through the… histories of Asia and Europe: the… dynamism… towards destruction and… more constructively… regional cooperation (p.1).
37Nous reprendrons (infra §6) l’idée de construction, de page historique tournée, voire de constructivisme ou institutionnalisme, forme visible des régions (infra §3 §6). Ici, la citation supra nourrit un raisonnement régional comparatif, analogique mais non évaluateur.
Campannelli semble moins pertinent infra s’il sursimplifie la comparaison.
Regionalism has progressed… further in Europe [than in Asia]:[…] pooling their sovereignty… [to] achieve more[…]. By drafting common rules,… and developing strong… institutions… The EU now has an extensive institutional structure and a large… bureaucracy.[…] (p. 1).
Regionalism is Asia has developed… differently.[…] Cooperation… is more recent. (p. 1) Asia's pragmatic and flexible approach to regionalism is partly dictated by history. (p. 2)
38Le formalisme-séquence, « union douanière, marché unique, monnaie unique » (Campannelli, 2009, p. 1) et ses moyens, « bureaucracie : commission, conseil, cour » (ibid) ne fait pas une région à jauger à l’aune d'une autre.
39Ecartons le texte s’il cède au jugement de valeur (dénoncé supra §1): « Asia lacks strong regional institutions » (p. 2). La comparaison avec l'UE va trop loin – un manque en fonction de quoi ?
40Ce qui fait une région et la rend comparable à une autre, c'est la décision d’instaurer une solution innovante aux rapports entre voisins. Peu importe la ressemblance-dissemblance avec la solution dans une autre région. L'absence de la coopération de Shanghai/AC étonne (Campannelli parle pourtant d'Asie - pas que du Sud-Est - de 1997 à 2008)36.
41- « Specificity of Contemporary Central Asian Regionalism » (Musiol, 2015) comble un vide sur régionalisme/régionalisation en AC. Hésitant entre approche systémique post-soviétique institutionnelle, et sociologique, notamment des élites présidentielles, il fournit un cadre général à une spécificité centrasiatique.
[Before 1991]… a consequence of the… paradigm of realism… there has not been any regional research [on] concepts or analyses [as to] Central Asia.[…] [T]he specificity of current Central Asian regionalism… focus[es] on the constructivist rôle of social and cultural issues.[…] The specificity of Central Asian regionalisms is associated with its social and cultural roots37 (p. 125).
42Des racines sociales/culturelles créent-elles une particularité centrasiatique justifiant de refuser paradigme (supra §1) et modèle universel ? Musiol affirme une spécificité culturelle socio-ethnique que récuse Gorshenina - supra: la centralité comme régionalité stratégique.
43Délaissant les pistes socio-ethniques de Musiol, l’on ouvre les fenêtres socio-politiques, plus pertinentes pour la spécificité comparable de la région.
Central Asia represents a specific combination of pre-Soviet, Soviet and New institutions and practices, where local elites are linked to clans and tribes… with specifically considered democratic rules.[…] The cult of strong leaders… often justifies the direction of strategies… by political elites in the region… [And as a ripple effect] the leaders of [oblast administration] have a privileged access to… resources, provided that they implement central directives (Musiol 2015: 127-128).
44L’héritage soviétique, spécificité décevante, offre un éclairage contextuel utile. Ce qui caractérise l'AC comme région, c’est la référence politique commune. Non la socio-ethnicité mais l'institutionnalisme politique. Cette requalification politique/institutionnelle a deux conséquences. Le détour par les élites, donc leur succession, quitte la sociologie des élites pour la construction historique: «The challenge… for Central Asia over the next decade will be the succession [in] power and the… stability [of] the region» (p. 134). Surtout,
[an] aspect of Central Asian regionalism is its multiplicity [of institutions] and complexity [of structures].[…] [F]or instance, the Shanghai Cooperation Organisation (SCO) and other institutional efforts of actors (including China and Russia) might be… examples of Central Asian regionalism (p. 128)
45La spécificité invoquée pour l'AC sert donc sa… comparabilité. La capacité à tirer parti du contexte – la transformation d'agression en partenariat, le partage de ressources –, que ce soit en Asie, en Europe, ou ailleurs, nourrit ces « régularités répétitives » (Martres, 2003, p. 20) et l'émergence d’une « structure » (Musiol, 2015) comme concept.
Currently there is a regional structure with unique patterns and interactions in Central Asia(…) patterns of security in the region(…) derived from patterns of amity and enmity.[…] Central Asian countries are… bound within a single… regional security complex (p. 132). This regional structure is determined by the Central Asia rhetoric and the distribution of power in the region.[…] Countries in the region are… trying to strengthen the national approach and at the same time to develop regional ties (p.133).
46La spécificité d'une région – idiosyncrasies socio-culturelles dans l'analyse politique et institutionnelle – joue sur un plan, ethnographique, qui ne gêne pas sa comparabilité : les citations supra éclairent l'Europe ou toute autre région.
§3- Les constructions régionales : l’apparence institutionnelle
47Le fait régional se signale par un formalisme - traité, charte, accord : CECA-1951, ASEAN-1967, UEMOA-1975, OTSC-1992, OCS-2001… - dont l’apport est double : synthétiser des principes fondateurs; prévoir des procédures communes de fonctionnement étatique inter-souverain. D’où sa forme souvent élitiste, top-down, éloignée des citoyens.
48Avant toute paradigmisation, cet institutionnalisme, ou légalisation, permet aux régions de s'affirmer. La raison anthropo-morphologique, au cœur des continuités sociétales, dépasse la succession des régimes-dirigeants (supra §2). L’interrogation Comment se construisent les régions ? devient question de recherche : Pourquoi se construisent-elles; à quel moment; que veut dire construire ?
49Il faut i/ évoquer leurs origines sans s'enfermer dans un institutionnalisme procédurier: relevant d’une codification de la pratique (Duguit), les régions entérinent des causes plus vastes - préférer l'entente à la guerre; ii/ sonder leur contribution aux changements rendus possibles face aux violences entre communautés nationales: les régions se produisent en relation au contexte, non par hasard; iii/ les voir comme des produits de la régionalisation par institutionnalisation politique - d'autres groupes ont existé: communautés de fidèles, nations linguistiques… - : l'idéalisme politique/juridique cède au matérialisme politique/juridique.
50i/ origines des régions et dimension institutionnelle - Le contraste sépare idée de région (Asie - Wang 2015; Europe - Rietbergen 1998) et reconnaissance régionale après une étape effective de coopération entre voisins. Le cadre historique initial génère l’idée de coopération puis la rend possible. Passer de l’état latent à la réalisation tient au sens commun: une région c'est la rencontre d’une idée (symbole : J. Monnet) et d’une décision (Schuman-Destinger).
51La phase institutionnelle révèle une région, dont l’invention est pré-institutionnelle. Un bouleversement historique - autodestructions nationalistes; indépendances post-coloniales; troisièmes voies - rend possible la nouvelle région. L'institutionnel la fait percevoir et recevoir de la reconnaissance, première origine de l’institutionalité régionale. Instituer, c'est « mettre en état d’exister » (Prélot, 1975, p. 911). La régionalisation innove en reliant des voisins, démarche dynamique ouverte, vers le futur, et institutionnelle, par les mécanismes qu'elle invente.
52Autre origine des régions : leur profondeur institutionnelle - structurelle, supra §2 - suggérée, au-delà de l'histoire, par l’anthropologie comparée. Les institutions servent un besoin de stabilité, voire de survie sociétale, après les crises, engendrant des structures nouvelles. Elles stabilisent les sociétés au-delà de circonstances ayant menacé les institutions du moment. Raisonnement ni nouveau, ni particulier à l'Europe/l'Asie, qui relie progrès sociologique et anthropologie structuraliste : « dans le flux des événements, ce sont les institutions qui surnagent38 », flux violents - seconde GM en Europe - ou calmes - fin de GF en Asie.
53Ébranlées, les institutions politiques génèrent un renouveau. L'Europe et l'Asie comme réalités sociétales précèdent les années-1950/1990. Inventions institutionnelles, nouvelle Europe - CECA-1951; CEE-1957 - et nouvelle Asie - CICA-1992; OCS-2001 - renaissent en régions modernes.
54ii/ capacité transformatrice des régions et dimension institutionnelle - Après les valeurs d’origine, les structures contemporaines. Passant des construits sociétaux - le sociologue en aborde la neutralité axiologique - aux régions - le politiste veut en comprendre la nature -, l'analyse vise le changement (infra §5), la concomitance entre l'enclenchement d'une rupture historique d’après-guerre et l'émergence de bâtis régionaux novateurs enchâssés dans l'innovation sociétale, la paix identitaire. Au fil du 20e s., Asie, Europe, Afrique, Amérique… passent de cloisonnements concurrentiels à somme nulle, voire hostiles, à des partenariats. Paradoxe d’un ordre westphalien inter-souverain qui aménage des partages de souveraineté.
55Le phénomène régional se produit quand la raison d'État l'emporte sur l'émotion nationale. Leçon de la réalité comme aune du changement, lequel
se situe moins au niveau des individus (émotions, valeurs) qu'à celui de la transformation des structures, du moins dans une approche sociologique du changement, justifiant ipso facto l'approche par les institutions ou les structures, but ultime et indirect (Ackermann, 1975, p. 1085)
56L'approche institutionnelle - institutio, ce qui dure - ouvre… le changement. Le fait régional, mêle deux caractéristiques du politique : il stabilise - institutionnel - le changement - dynamique -, le rendant possible. Dynamique des structures ou moteur historique, évoquant l’histoire économique longue des sciences humaines et sociales (Marx, Weber & Braudel).
57Les régions modernes institutionnalisées sont « érigées en moteur » (Burdeau, 1975, p. 918). La régionalisation institutionnalisante, communalisante, donne une force motrice aux voisins jusqu’alors arcboutés en nationalistes. Créer des communautés - marchés communs, unions ou simples coopérations - leur permet de se reconstruire. L'histoire en crée le besoin : éviter la destruction mutuelle assurée. Les institutions en donnent les moyens : renaître, restaurer.
58iii/ résultats régionaux et dimension institutionnelle - Les formalismes et procédures régionales créent un étalon régional39. Telle construction sera jugée moins avancée si ses règles entre Membres sont peu claires40. Par Surmoi procédurier, les institutions seraient des méta-structures rassurantes. Des règles existent, la société serait ordonnée. La région existe, ses membres auraient dépassé les conflits/l'histoire.
59Le droit s’empresse, l’histoire et l'accélération d'échelle aussi. En marge du lien Nations/État-de-droit, les régions groupent les États-Nations en droit régional. De la coopération encadrée par des règles communes à l’intégration communautaire fusionnelle de souverainetés, on passe de l'association à l'institution.
Le pouvoir est institutionnalisé dans la mesure où il ne peut être exercé sans que soient respectées les règles qui ne relèvent pas de la volonté des gouvernements mais d'un « pouvoir constituant » distinct et supérieur. (Lapierre, 1975, p. 916)
60L'analyse institutionnelle régionale dépasse le droit et la vision constitutionnelle de l’État-Nation ou État-de-droit national, menant librement le raisonnement institutionnel vers ses spécificités régionales.
61La construction de régions modernes est ouverte dans le temps. Les groupements de voisins diffèrent des alliances du passé. Devenus membres par formalisme d’adhésion - les fondateurs - ou candidature-adhésion - membres additionnels -, les voisins s'engagent quasi-irréversiblement. Un critère de régionalité dépasse la nuance intégration/coopération, c’est l’existence/absence d'un mécanisme de sortie. Aucun pendant cinquante ans de construction européenne41, conçue comme durable. Une procédure existe dans la coopération de Shanghai mais ne peut guère jouer : la règle du consensus (OCS art.16) comme critère de régionalité, tient au huis-clos de chefs d'État - pouvoir individualisé encore; ou déjà institutionnalisé ?
62L'idéalisme institutionnel synthétise la discussion. En philosophie, l'idéalisme donne aux idées la prééminence sur la réalité. En droit/politique, il suggère que les règles permettent de dépasser les conflits. Approche néguentropique simplifiée mais utile.
§4- Le contexte historique : l’approche par les situations de non-choix
63Le phénomène régional permet aux rivalités exacerbées et destructrices entre voisins, pré-nationalistes autant que nationalistes, d’ouvrir à des tolérances raisonnées constructives, par rupture du lien au contexte. Le repérage (Leca, 1973) du fait (Durkheim, 1973) régional (Gautron, 1977) relie moment et concomitance. Qualifié ex ante, ce fait est plus ou moins régional selon sa relation au contexte où il se produit.
64Ce contexte peut être un drame - Europe après 1945 : les choix avaient amené à la destruction physique/politique de la région - ou l’effondrement d'un ordre ancien - Asie après 1991: les fermetures de frontières avaient ruiné tout système régional -. Contexte de non-choix : les voisins ne peuvent ni continuer comme avant, ni ne rien faire sauf à perdre une occasion historique de changer les choses. Les formes de l’innovation diffèrent, de la coopération contiguë à l’intégration communautaire, mais partagent la prise de conscience - répondre concrètement : Que faire ? – et le sens du réel - il faut innover vers un système ouvert, durable.
65Les dynamiques régionales relèvent d’un contexte porteur où « l’émergence d'institutions nouvelles » vise des « dispositifs adéquats pour… l’intégration » (Balme, 2010, p. 1). Il faut
considérer les processus d'intégration régionale… dans la durée historique et dans les conjonctures successives de l'intégration… Elle est… plus qu'une fondation, un instrument institutionnel qui permet d'articuler le passé et l'avenir… Elle est donc profondément sensible au contexte dans lequel elle se déploie (Balme 2010: 18).
66L’analyse contextuelle précise les circonstances d'apparition des choix, comparativement, non conjoncturellement. Certes, « la nature de la politique [est] d'exalter les contradictions pour simplifier les choix » (Schemeil, 1994, p. 17) mais les années-1950 en Europe et 1990 en Asie imposent contextuellement de tels choix. Balme (2010) appelle « contexte » le « moment précis de l'histoire » (Martres 2003: 24) favorable au phénomène régional. Les régions correspondent au moment où l'idée de région rencontre la décision de construction régionale : « le temps des troubles incite à la méditation » (Aron, 1966, p. 13). Les après-guerre poussent à la réflexion et prise de conscience comme contextes favorables à une rupture historique, décision politique, réalisation institutionnelle...
67Comparer les contextes (Balme 2010), ici les après-guerre - 1945-Europe, 1991-Asie - pour comprendre les dynamiques régionales reliées à ces contextes. Balme veut « articuler les deux dimensions - endogène et exogène - et les deux épistémologies - inductive et comparative -… des régionalisations » (2010: 2). Nous lions à leur contexte la nouvelle Europe à partir des années-1950 et la nouvelle Asie à compter des années-1990.
68Comparer les processus régionaux, c’est contextualiser leurs « dimensions spatiales et temporelles qui façonnent les intérêts politiques », accepter que les « formes » prises par les choix « dépendent des circonstances » (Balme, 2010, p. 4). Nous l’appelons concomitance42 entre coopération/Asie et intégration/Europe par comparaison diachronique des contextes, évitant le risque de modéliser une dynamique régionale pour jauger l’une à l'aune de l’autre.
La fin de la deuxième GM et l'instauration de la GF ont produit le basculement cognitif nécessaire aux élites européennes pour faire de l'intégration une ambition politique (Balme, 2010, 13)
69Ce « basculement cognitif » (Balme), nous l’appelons prise de conscience, nécessaire dans un contexte de non-choix alternatif. Les élites sont évoquées par l’impact institutionnel de leurs décisions, non par leur sociologie. D’où notre comparaison contextuelle. En Asie, la fin de la GF et la nouvelle bipolarité - Chine/États-Unis - mènent à une inflexion régionale nécessaire aux dirigeants sino-post-soviétiques : faire d’une coopération inter-étatique un outil endogène de cohérence et exogène d'affirmation face aux autres régions. La prolifération des régions depuis les années-1930 est une concomitance des après-guerre, une chose repérée par sa fonction.
70Les régions modernes sont une forme nouvelle d'insertion dans le système monde. Leurs États-membres acceptent qu'un changement d'échelle est nécessaire au-delà de l'État-Nation, en-deçà de la globalité totalisante - SdN/ONU. Non la seule solution aux tensions passées mais partout, par concomitance, la décision prise pour gérer autrement les anciennes rivalités, qui demeurent.
71Les dynamiques institutionnelles régionales comme décisions politiques contextuelles sont des processus « situés » (Balme, 2010, pp. 5-11), de « changement » (ibid, pp. 12-17). Les comprendre dans leur lien dynamique au contexte, c’est voir que leur sens vient du « changement irréversible » qu’elles enclenchent (ibid: 18).
72Par glissement sémantique post-géographiste, l’espace subit un processus régional « de territorialisation politique… [facilitant] un équilibre relationnel cumulatif… entre pays en situation de contiguïté territoriale » (Balme, 2010, p. 5). Changement non dans la contiguïté géographique mais dans le statut de cette contiguïté: de facteur d'hostilité à celui de coopération intégrative, en Europe, Asie, Afrique, Amérique, ... Changent et la manière d’intégrer la réalité fragmentée du passé dans les décisions présentes d'instauration d’une communalité; et l'horizon temporel, du court/moyen terme des alliances étroites au moyen/long terme des constructions communes; et la pensée régionale développée par « emprunts exogènes », surtout par « une capacité de rupture radicale avec ses propres conceptions antérieures » (ibid: 10).
73Le contexte régional est donc un contexte temporel de changement.
74L'intégration régionale, phénomène général, est plus complexe que la création d’institutions : le « contexte culturel influe » sur elle (Balme 2010: 12). C'est l'histoire longue qui éclaire un contexte, en Europe (Balme, 2010), en Asie (Gipouloux, 2009). Les « effets de rupture » y sont « plus significatifs », ainsi de ceux des constructions stato-nationales (Balme, 2010, p. 13).
75La comparaison Europe-Asie est selon nous nécessairement diachronique (Balme, 2011, 13sq). L'Europe s'intègre dès les années-1950, moment de gel pour l'Asie orientale et centrale, avant l’activation des années-1990. L’Europe a inventé l’État-Nation avant la région et l'Asie centrale s’est enclenchée en région au moment de redécouvrir l'État souverain : pertinence commune du phénomène régional comme cadre moderne de gestion de rivalités anciennes.
§5- Le changement régional : l'émergence culturelle
76Entre coupure historique et confirmation institutionnelle, le changement régional serait-il culturel ? Sorte d'intervention sur les valeurs, politiques comme sociétales, par quoi les sciences sociales explicatives progresseraient épistémologiquement. Non pas causalité déterministe, si A dans l'histoire alors B dans une région, mais concomitance réciproque, si prise de conscience A alors phénomènes B, C, D, … vers un nouvel ordre.
77L’ambition heuristique est modeste : « [en] sciences sociales, les concepts n'obéissent pas aux mêmes définitions qu’[en] physique ou chimie » (Martres, 2003, p. 27). La volonté « comparative et compréhensive » (Balme, 2010, p. 18) ne jauge pas une dynamique régionale par rapport à une autre mais les resitue toutes deux, et d'autres, dans un contexte commun, pour comprendre le changement qu'elles représentent.
Les recherches consacrées à l'intégration européenne […] : contribution significative aux sciences sociales dans leur ensemble. Leurs différentes approches ont… caractérisé l'intégration à l'aide de notions qui sont autant de mécanismes de changement (Balme, 2010, pp. 15-16)
78Les régions sont un cas d’espèce de RI, sans s’opposer aux niveaux infra ou étatique, ni supra ou global. Les aborder par la culture ne les réduit pas à des valeurs identitaires (Kim, 2010) mais permet de les connaître avec détachement, pour synthétiser cette connaissance dans des concepts, essence phénoménologique de la connaissance. « La culture [c’est la] liberté gagnée sur la masse des connaissances acquises » (Prélot, 1975, p. 913).
79Les dynamiques régionales sont toutes caractérisées, donc comparables, par leur lien au changement propre, non inné, produit ou décidé par un « processus » (Bentley, 1908) ou « intervention » (Bourricaud, 1975, p. 1079). C’est stricto sensu un changement dans un système, ou, lato sensu, un changement de système. Vingt-trois ans avant Holsti (1998) pour les RI, Bourricaud (1975) le suggérait pour la sociologie.
ou bien on se content[e] d'une vue « gradualiste » qui présent[e] le changement comme une suite d'ajustements partiels réussis; ou bien on s'en [ouvre] aux grandes coupures historiques... qu’on imput[e] à la « créativité » des « mouvements sociaux ».(Bourricaud 1975, p. 1078).
80Ces « ajustements partiels réussis » (Bourricaud, 1975) rappellent le plan moins « fondamental » (Holsti, 1998, p. 12). De « grandes coupures historique » (Bourricaud, ibid) évoquent les « institutions de la politique internationale » (Holsti, ibid) ou les « ruptures » que nous suggérons. Les dynamiques régionales, rupture systémique, découlent d'un changement contextuel et reflètent un changement culturel.
81La question du changement est délicate. Roche (1999) y voit « la pierre d’achoppement » (p. 125) de toute théorie des R.I. Green (2016) souligne qu’il se produit [happens] bel et bien. Entre eux, Holsti pose des pistes, adaptées ici au régional : dès qu'elles apparaissent les institutions … changent. Analyse d’emblée dynamique.
Institutions seldom just appear suddenly. They are themselves the consequences of previous practices. When we say that they have arisen, we mean only that those practices have i/become generalised, predictable and patterned, ii/been suffused with ideological justifications or adorned with a commonly understood set of concepts and ideas, and iii/become surrounded with norms, regulations and etiquette.[…]. Once institutionalised, a practice or activity may change… (Holsti 1998 14).
82Le « marqueur » du changement est « l’institution », qui se « transforme », peut devenir « obsolète » (Holsti, 1998, p. 14-15). Le fait régional, « rupture » selon nous, illustre ontologiquement une « discontinuité par rapport au passé » (Holsti, 1998, p. 2). Les mêmes régions géographiques voient leur sens politique transformé. Le changement régional produit un résultat : l'invention de régulations nouvelles entre voisins. La région internationale moderne est un triple phénomène de changement majeur qui :
83- marque la tendance des voisins depuis les années-1930 à s'accorder, au-delà d'alliances, par des Ententes/Communautés qui les fondent, des Unions qui les suivent, des Marchés qui les servent. Leur impact touche les relations diplomatiques, militaires et commerciales. Cette tendance, signifiante par elle-même, est confirmée par des événements - des décisions - et des résultats - quantitatifs : commerce, croissance. Le concept tend à relativiser l'échelle de temps : le court terme s’inscrit dans l’histoire longue.
84- est marqué par des événements, traces visibles - dates de création d'organismes régionaux - et cristallisations des tendances. Des moments d'intensification décisionnelle, précédés d'idées - échecs, prises de conscience - et suivis d'effets - problèmes, hésitations, crises. La guerre et la paix - agressions et traités - deviennent moins pertinents que les décisions de surpasser le passé et surtout ouvrir les interactions entre voisins. Pas seulement fixer les frontières, souveraines, mais en changer la nature, fonctionnelle. L’absence « d’accord sur les dates » de ces événements (Holsti, 1998, p. 6) importe peu : ils ne font qu'accélérer une tendance. L'Europe s'invente autant en 1950 (CECA) qu’en 1957 (CEE); l’Asie autant en 1996 (Shanghai Five), en 2001 (OCS) qu’en 2012 - Turquie [membre de l'OTAN] partenaire de l'OCS - et 2017/2021 - Inde/Pakistan puis Iran membres de l'OCS -.
85- est confirmé par des résultats, qu’ils soient précis, quantitatifs, ou n'enclenchent que d’autres tendances. Semblant vagues aux historiens positivistes ou aux juristes exégétiques, ils sont signalés par des expressions novatrices, surtout dans leur contexte : ‘paix qui marche’ - Europe -, ‘bon voisinage’ - Asie -, ‘Amérique aux Américains’, ‘Asie qui peut dire Non’… autant de slogans de départ devenus des synthèses d’histoire.
86Ce triptyque, tendances-événements-résultats, est plus opérationnel que le suggère Hoslti (1998)43. La région internationale moderne - remplace le mode d'interaction des voisins; - organise un niveau intermédiaire entre l'étatique et le global; - clarifie les dialectiques du Soi et l'Autre (souveraineté, co-souveraineté, supra-souveraineté, juxta-souveraineté); - transforme les formalismes de frontières souveraines en circulations; - qualifie le niveau intermédiaire en sous-système décisionnel.
87Le « sens » du changement (Holsti, 1998, p. 11) est « institutionnel » (pp. 12-14) dans l'acception structurelle : les organismes créés sont moins pertinents que le phénomène régional dans son contexte historique de moyen/long terme. Le fait régional est un repère (benchmark, p.12). Holsti y voit des entités inter-étatiques - idées, pratiques, normes. Analysant l'Europe et l'Asie, la distinction intégration-coopération n’est plus un obstacle méthodologique-épistémologique. Toutes deux innovent dans les rapports entre États (voisins), décidant chacune d'un changement propre dans ces rapports. Les deux régions se dotent d'institutions fondatrices - foundational institutions (Holsti, 1998, p. 13), chacune se dote d'institutions procédurières - procedural institutions (ibid), différentes.
88Le changement institutionnel « possible » (Holsti, 1998, pp. 14-16) est comparable. Signifiant parce que la différence Europe/Asie facilite la comparaison44. Toutes deux pour la première fois dans l'histoire s’équipent d'un mode de prise de décision : changement de pratique, donc culturel.
§6- Un détour par le constructivisme et les valeurs
89Aborder le fait régional comme construction de régions modernes, est-ce céder à la « tentation » du constructivisme (Frank, 2003, p. 52) ? L’objet de recherche étant élaboré par l’observateur, cette construction commence dès que leur nom, ancien, change de sens, de la géographie à la stratégie politique contextuelle, leur conférant statut d’objet. « Ces appellations ‘'Europe’, ‘Asie’ relèvent de catégories construites et évolutives » (Badel, 2016, p. 313).
90Par « construction sociale d'un phénomène » (Berger & Luckmann, 1966), la genèse du fait régional ne va pas de soi historiquement. Comme fait social, elle est construite, contingente et située. La réalité ne suffit pas. « [L]’analyse intuitive est impossible » (Derivry, 1975, p. 1083). Si connaître la réalité découle d'une construction, « jusqu’où peut aller le constructivisme dans la création d'un ordre nouveau ? » (Martres, 2003, p. 24): ordre régional, poly-régional, poly-région-centrique, … ?
91La dimension méthodologique45 suggère que, par approche constructiviste, la recherche sur la réalité régionale rompe avec l’héritage du passé.
92Dans l'émergence d'une culture moderne des régions (supra §5), le fait régional se dissocie des valeurs régionales. Leur construction n’en fait pas des alliances, défensives ou offensives, mais des partenariats constructifs. Elles changent le voisinage - voire la contiguïté, au-delà d’une donnée matérielle - en critère.
93Faire la genèse d'un phénomène régional pour le définir, c’est l’interpréter. Par rupture avec les sciences de la nature, il faut pour « comprendre et expliquer » (Prélot, 1975, p. 913) interpréter sans jugement de valeur malgré les « processus historiques et sociaux de production de sens » (Loriol, 2012, p. 13). L’on éclaire a priori la motivation du chercheur : pourquoi s’intéresser aux régions ? Le sens de l’analyse, ni inné, ni absolu, dépend des intentions/objectifs de l'analyste exigeant la neutralité axiologique aussi des valeurs et des intentions.
La capacité de reconstituer la liste des objectifs que se donne un être social et de connaître ses convictions sans les juger… repose sur le pari que l'observateur pourra considérer comme… dignes d'intérêt scientifique les intentions… et les idéaux (Schemeil, 1994, p. 21). Pour rendre compte d'un comportement ou d'une situation, il peut… être nécessaire de comprendre les significations que leur attribuent ses protagonistes (ibid, p. 30).
94Le sens du fait régional étant construit, il n’existe pas dans l'absolu un seul sens valable, surtout de ce qui serait logique/inévitable ou surprenant/à contre-courant. La séparation wébérienne entre faits et valeurs, ici entre émergence de régions comme solutions historiques et solutions appropriées, est méthodologique. Considérer les faits régionaux comme des choses socio-historiques, et les régions modernes de même, malgré la dose émotionnelle de leur contexte de formation.
95L’impératif rassemble sciences humaines/sociales et de la nature. Selon le philosophe des sciences, « il faut distinguer entre l'unité à laquelle on pense et l'unité qu'on érige en chose après y avoir pensé » (Bergson, 1940, p. 62), distinguer le fait, que l'on constate, du fait interprété, qu'on analyse. Les faits régionaux préexistent au regard, qui les distingue des phénomènes sociaux ou naturels. Ces objets régionaux préexistent aux sujets les observant mais le choix de ces objets vient d'une construction intellectuelle.
96Ramenés à l'AC, communauté de sécurité comparée à l'Europe, ces prolégomènes nous éclairent. Le constructiviste relie les événements à leurs interprétations, allant plus loin que le contextualiste. Ensemble ils interprètent l’histoire, en diversifiant les approches d’un objet.
97Pour l’Eurasie russe (Gorshenina, 2012, pp. 64-65), l'invention de l'AC consiste, au-delà de la question des frontières, à transformer une périphérie en un centre par des « constructions intellectuelles qui la placent au centre » (p. 64) entre Europe chrétienne et Asie non-chrétienne. Au-delà de la religion, cette centralité est, plus que géostratégique, constructiviste. Elle est identitaire au-delà des valeurs. Elle est rupture d'anciens déterminismes impériaux. Au-delà de trois cercles culturels, chinois ou confucéen-bouddhiste; indien ou bouddhiste-brahmanite; iranien ou islamo-mazdéiste, la nouvelle région eurasienne est rebaptisée Monde médian ou Monde du milieu.
98Est créé par constructivisme un « troisième continent » (Gorshenina, 2012, p. 65). La Russie n'est plus aux portes de l'Europe, ni aux marges de la Chine, mais au milieu du continent eurasien.
99Aujourd’hui, libre du verticalisme impérial russe, la même région entre dans le multilatéralisme institutionnel ébauché par la coopération de Shanghai (Nicharapova, 2014; Hashmi, 2020). L’OCS fait sens par sa double insertion dans un contexte, l’AGF, et une rupture politique, le coopérationnisme sino-postsoviétique. Ce sens tient à la construction de l'histoire contemporaine de l’Asie, pas seulement à la réalité conjoncturelle d'un continent d’après-guerre froide - 1991 - ou au terrorisme radicalisé - 2001 -.
100Les régions modernes, « communautés de sécurité » (Umarov, 2020), à la fois constructions conçues comme durables - objet -, et telles que le sujet qui les observe puisse chercher leur essence sécuritaire, ne se diluent pas dans leurs différences. La question de ces communautés est ancienne (Deutsch, 1957). Le contexte d'AGF en renouvelle l'analyse constructiviste.
101Considérer les régions modernes comme entités particulières parmi les communautés de sécurité permettra, au-delà de Ne pas les définir, d’analyser leur spécificité : Pourquoi les définir ? Comment les définir ?
102Ulusoy (2003) interroge l’analyse constructiviste en relation au contexte, ici l'AGF. Écrivant quand la nouvelle Asie est encore peu analysée à l'Ouest, il est neutre envers l’objet AC sino-postsoviétique. Amalgamée, unie formellement, ou pluraliste, juxta-souverainisée, la nouvelle Asie est-elle une communauté du second type ? La supra-souveraineté dans l’UE n’engendre pas de communauté amalgamée, c’est un type-idéal. Les souverainismes d’Asie nouvelle créent un pluralisme des souverainetés dans l’union des priorités46.
103La vision originale (Deutsch), au « faible écho » pendant la GF (Ulusoy, 2003, pp. 4-5), fut revisitée (Adler & Barnett, 1998) mais, selon Ulusoy, avec un biais démocratiste, peu applicable à la nouvelle Asie. Une communauté régionale de sécurité exige une pratique partagée, pas nécessairement démocratique. Pour comparer les régions, joue plus la perception commune de dangers (OCS, 2002, art. 1). Elles découlent de l'intégration commune entre Soi des craintes partagées envers l’Autre. C’est le lien entre constructivisme et communautés de sécurité
104Thus, it is argued that security communities can be better understood with the premises of constructivism. (Ulusoy, 2003, p. 13)
105Les membres d'une telle communauté, voisins devenus partenaires, construisent une région ensemble en confiant, sans l’abandonner, une part de leurs intérêts propres - self-interests - et les mêlant-amalgamant à ce que les autres États-partenaires confient eux aussi.
106Les décisions prises de concert illustrent ce partage. Leurs procédures importent moins dans les détails, différents de région à région, que la volonté de décider ensemble. Une communauté régionale de sécurité institutionnalise ensuite ces procédures (supra §3) et ces pratiques, sans créer d’emblée des valeurs profondes. Le changement survient en deux temps.
Constructivism, with its focus on constitutive norms and identities in shaping state interests and policies, [enables] the / possibility that, under the proper conditions, actors can generate shared identities and norms that are tied to a stable peace (Ulusoy, 2003, pp. 12-13).
107L’identité se forme après. L’accent va d’abord au contexte comme changement de perception des « dangers globaux » (Ulusoy, 2003, p. 17) puis au changement, au-delà d’alliances, surtout militaires, vers des groupements régionaux axés sur des dangers communs entre partenaires. Ce changement pousse les États à chercher des parades avec leurs voisins tout en œuvrant à une légitimité commune, future identité politique. Les régions internationales modernes partagent des intérêts et des perceptions d'elles-mêmes cohérentes avant que face aux autres régions. La dynamique est d'abord centripète, puis centrifuge.
The end of the Cold War played an important rôle in legitimating constructivist approaches… [C]onstructivism[…] clarifies that interests are not identical nor taken for granted but are construed according to the culture, norms and identities of the State[s] in question (Ulusoy, 2003, pp. 20-21).
108Le niveau global d'analyse, pas le nôtre - nous regardons les régions - deviendrait-il post-constructiviste sous l'impact des dangers non étatiques (Ulusoy, 2003, p. 22) ?
Conclusion – L’AC : vers une région internationale moderne ?
109Ne pas définir une région internationale moderne, débutée par le refus de s’enfermer dans un paradigme réducteur, s’interrompt avant un « constructivisme conventionnel » (Ulusoy, 2003, p. 22). La région comme unité d’analyse des RI s’impose même avant qu’on cherche à la définir. Ne pas définir le phénomène régional n’empêche pas ses éléments de surgir comme dynamique proliférante. Ne pas le définir, c’est encore le définir autrement. S’imposant depuis des décennies, la région est déjà un objet durable d’analyse.
110« Définir, c’est toujours en quelque manière s’approprier » (Prélot, 1975, p. 910). Aborder la région par son ontologie suggère une socio-histoire de la richesse du fait régional - régulation des tensions, intégration des rivalités régionales, nouvelles dynamiques -, mais surtout une socio-politique de la complexité du fait régional, contextualisée sur le moyen-terme.
111Illustrer la concomitance de choses dépendantes après la guerre par la nouvelle Asie centrale en particulier est logique. L’espace sino-postsoviétique concentre depuis 1991 les initiatives complétant la pluri-régionalisation du monde et l’Eurasie se faisant par un système sous-régional (Santander, 2016). Il faut nommer ce dont on parle, douter de toute démarche achevée, bref montrer, « au lieu de chercher à résoudre la question, l’illusion de ceux qui la posent » (Bergson, 1940, p. 55).
112Même si l’on ne pose jamais les questions que celles auxquelles l’on a déjà les réponses (sec. Lacan), une telle région moderne serait
« un moment super-structurel de prise de conscience entre des voisins quant à une absence d’autre choix que de mettre en place des interactions nouvelles, jusque-là inexistantes dans l’histoire, associant des partenaires de manière ouverte, et durable, sinon irréversible, même au prix de la préservation, voire du renforcement de leur souveraineté individuelle, afin d’intégrer leurs rivalités dans un cadre innovant de régulation » (Auteur).
113Les innovations régionales asiatiques forcent le regard. L’Asie nouvelle n’offre pas plus d’événements pertinents pour y analyser les dynamiques régionales, ce n’est pas cela comparer, mais le contexte y engendre comme ailleurs des changements enclenchant à son échelle des inflexions structurantes irréversibles.
114L’Asie nouvelle, comme entité multi-sectorielle sous-systémique, aide à comprendre le fait régional. Dernière venue sur la scène phénoménologique régionale, elle est en quête de définition, à défaut d'être encore en quête d'auteurs.
Liste des Abréviations
AC Asie centrale
AGF Après-guerre froide
ASEAN Association des Nations d’Asie du Sud-Est
ASEM Asia Europe Meeting
CECA Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier
CEE Communauté Économique Européenne
CICA Conference on Interaction and Confidence Building Measures in Asia
GF Guerre froide
GM Guerre mondiale
OCS Organisation de Coopération de Shanghai
OTSC Organisation du Traité de Sécurité Collective
RIM Région internationale monderne
UE Union Européenne
UEEA Union Économique Eurasienne
UEMOA Union Économique et Monétaire de l’Ouest Africain
Bibliographie
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Notes
1 Echo au postulat ‘Sur l’AC, nous le savons presque tous, nous ne savons presque rien’, Atelier L’AC dans les nouvelles relations interrégionales, 2è Congrès, Réseau Asie, Paris, 2007.
2 La délimitation de l’espace, épistémologie de ses frontières (Thorez 2016) et leur ‘horogénèse’ (Foucher 1988).
3 Impression d’évanescence des frontières-repères, produits des histoires contraires des voisins Gorshenina (2012).
4 L’invention des frontières d’une AC dont la définition depuis fin 19ème s. (MacKinder 1904) est artificielle: pourquoi cinq? et l’Afghanistan? le Xin-Jiang?
5 "Le présent… étant… du passé lorsqu’il devient objet d’étude" (Prélot 1975: 904-914).
6 Nous considérons surtout l’histoire, la sociologie et la politologie. La géographie (nouvelle?) est l’analyse des intentions des décideurs (Lacoste); l’économie (matérielle?) le moteur de l’histoire sociale/économique (Weber, Marx); le droit (positif?) la codification du réel (Duguit). La ‘nouvelle Asie’ est un paradigme (Chabal 2019).
7 Se reconnaître pour ce qu’on est: une région (fragile) dont la construction conditionne son renforcement.
8 La construction régionale « signifie » une capacité à s’affirmer. Cf. « La Malaisie qui peut dire non » (années-1980), « La Corée qui peut dire non » (années-1990), le positionnement eurasien de la Chine (Coopération de Shanghai et Nouvelle Route de la Soie) au moment (2013-2014) où la Russie confirme une Union Economique Eurasienne.
9 Du pouvoir (Lukes) à la région (ici). “When we are interested in power [a region]… what is it that we are interested in?… its essence, its reality, its use, its purpose?” (Lukes 1986: 1).
10 Analyser l’Europe (H. Wallace 1973-2013: env. 30 publications; M. Telò 1993-2015: env. 20 publications) renvoyait à plus tard des comparaisons interrégionales qu’exige désormais l’effervescence régionale globale.
11 Spécificité géopolitique, civilisationnelle, contemporaine: l’Asie serait difficile à comparer avec d’autres régions. Elle est pourtant moteur de rivalités sino-russes contrôlées (Doc. Française 2018).
12 Ecole de Liège (CEFIR): approche holiste de ‘méga-régions’, acteurs coordonnés des RI.
13 L’instabilité devient variable indépendante (décollage politique possible).
14 La méthode géopolitique ne chercherait qu’à lier espace (matériel?) et constitution de puissance (hégémonique?).
15 Donc (approche fonctionnaliste) le but qu’il veut atteindre. Exemple : transformer l’espace inter-souverainiste en un (même) espace de libres-circulations.
16 Donc (approche institutionnaliste) l’instauration de procédures formelles/arrangements décisionnels (en partie jurisprudentiels) permettant d’administrer, y compris dans les crises. Selon Monnet, « L’Europe se « fera » par sa capacité face aux crises » (chaise vide 1965, migrations 2014+, Brexit 2016+, Covid-19 2020+).
17 La dialectique objet/méthode veut tester des hypothèses causales. Nous demandons « Qu’est-ce qu’une région ? » (objet) pour catégoriser ses éléments définitoires (méthode): en quoi un contexte (après-guerre) mène au phénomène régional (causalité ? plutôt concomitance).
18 Gouvernant, ils semblent infléchir l’histoire, malgré le relativisme historique (Braudel & Tolstoï). A court terme (20è s.) « actent » les « faits » de régionalisation par ceux au pouvoir au moment d’accords/traités dont les déterminants puisent aux « forces profondes » (Renouvin).
19 Les décisions de rupture sont leurs mais Bentley (1908 : tout est processus transcendant les individus) diffère de Crozier/Friedberg (1977 : l’action relève d’un système où l’individu a une marge de manœuvre).
20 Un fait (ici : régional) se « repère » en contexte (Durkheim, 1973; Leca, 1973); tire sa pertinence (expliquant le changement) s’il pèse/tente de peser sur des forces mues dans ce contexte. Les CE sont « inspirées » par le Benelux (contexte d’après-guerre). L’ALENA « répond » à Maastricht (contexte d’AGF). L’ASEM se « produit » en même temps que le Groupe de Shanghai (contexte d’AGF/d’affirmation régionale de la Chine).
21 « Rupture » évoque une construction novatrice entre voisins ouverte dans le temps, sinon irréversible. L’UE garde sa capacité d’intégrer malgré l’exception à cet engagement durable (Brexit).
22 Le « changement » en sciences sociales est une dialectique entre registres dramatisé (rupture), phénoménologique (construction), analytique (changement) en réalité un ‘passage’ d’un état (affrontement) à un autre (coopération) … à partir des mêmes ingrédients (même histoire).
23 Agitables par répétition (histoire): le néo-réalisme (« retour » des Etats) nuance i/ transnationalisme des libres-circulations, ii/ nationalismes raidissant l’émergence de Nations (Europe 19è/20è), iii/ souverainismes raidissant la création de Républiques (AC fin 20e). Identités tiraillées : la Russie ‘est’ européenne, asiatique, eurasienne (Travert 2015, Danguy-des-Déserts 2020).
24 Deux autres (Pourquoi définir ? Comment définir ?) complètent ailleurs un « triptyque définitoire » des régions internationales modernes.
25 Paradigme comme « achèvement » : formulation contestable (Martres, 2003).
26 Ukraine 2014+ (impossible entrée dans l’UE ou l’UEEA), Brexit 2016+ (improbable maintien dans l’UE).
27 Au plan ontologique, pas seulement institutionnel (infra §3).
28 « Europe » évoque la dimension communautaire (UE) au détriment de l'histoire des… « non »-Membres.
29 « Asie » signifiait Japon (années-1960), avec Chine communiste (1970s), Corée (1980s), Chine commerciale (1990s), désormais toute l’Asie (ASEAN, OCS…).
30 La dialectique « d'alliances » agressives/défensives cède à des « partenariats » constructifs (« coopérationnistes », pas forcément « intégrationnistes » / « modèle » européen).
31 Ironisant: « la théorie substitut à la religion » (pp. 36-37); doctrine « non pratiquante » « purement mystique » (p. 37)
32 Réticence à voir le Xin-jiang ou la Mongolie comme centralasiatiques (Pax Mongolica, 2016).
33 Tolipov (2016, p. 111) : elle existe par ses pourvoyeurs extérieurs de sécurité.
34 L’essor d'autres régions : Nouveau Régionalisme à/c années-1980/1990.
35 Crises économiques de 1997/2008: réponses appliquées de l'Europe/l'Asie (PARS 2013).
36 Un coopérationnisme qui n’existe pas? dans une région qui n’existe pas?! Voir supra §1 Hanova.
37 S’écartant (common geography, historical heritage of post-Soviet republics, life-style, Islam, common politico-economic systems, security problems and interests, cult of leaders, authority of power, tradition, nomadic lifestyle - Musiol 2015: 126-127) des indicateurs de Gorshenina 2007b.
38 Bougle (préface, Régime des Castes 1927) cité par Lévi-Strauss (Tristes Tropiques 1955: 48).
39 Un droit communautaire « prouverait » le degré (avancé ?) de construction européenne.
40 La « coopération de Shanghai » imprécise (décisions par « consensus » - OCS 2002 art. 16)?
41 1957-2007: le Traité de Lisbonne en crée un (art. 50).
42 Regard comparatif non-causal (Durkheim, 1973, p. 130 – « Entre deux phénomènes, la concomitance peut-être due non à ce qu'un phénomène est la cause de l'autre; mais à ce qu'ils sont, tous deux, des effets d'une même cause; ou bien encore à ce qu'il existe, entre eux, un troisième phénomène, intercalé mais inaperçu, qui est l'effet du premier et la cause du second) ».
43 “Markers only identify when, supposedly, change takes place. They do not specify what kinds of change are involved” (Holsti, 1998, p. 7). Un pentaptyque est ajouté (pp. 7-10) : changement comme remplacement, ajout, dialectique, transformation, niveaux systémiques, soulignant le sens institutionnel du changement (pp. 11-16).
44 Prise de décision complexe (UE : unanimité, majorité simple/qualifiée) et opaque (OCS : consensus).
45 Ni ontologique (la réalité découle de pratiques régionales), ni épistémologique (la connaissance est produite).
46 Luttes communes (terrorisme, séparatisme, activisme).
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About: Pierre Chabal
Maître de conférences HDR en science politique, Université du Havre. Chargé de cours, campus Europe-Asie de Sciences-po. IEP de Grenoble (Doctorat) et IUE à Florence. HDR (IEP de Paris). Professeur invité au Kazakhstan (KazNU), Mongolie (NUM), Ouzbékistan (UWED), Chine (Xi’an), Corée (Inha), Japon (Keio), Etats-Unis (Syracuse). A publié « La coopération de Shanghai : conceptualiser la nouvelle Asie » (P.U. Liège, 2019) et dirigé « Concurrences Interrégionales Europe-Asie au 21e siècle » (Peter Lang, 2015) et « L’OCS et la construction de ‘la nouvelle Asie’ » (Peter Lang, 2016).

