Introduction à la sécurité internationale, de Delphine Deschaux-Dutard, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, 2018.

1Introduction à la sécurité internationale est un ouvrage scientifique très intéressant rédigé par Delphine Deschaux-Dutard, enseignante-chercheure à l’Université Grenoble-Alpes. Ce manuel porte sur un sujet très important : l’étude des relations internationales dans le nouveau contexte international marqué par l’émergence des nouveaux enjeux sécuritaires. Il s’intéresse en particulier au risque de prolifération nucléaire, au développement du terrorisme sans attachement étatique, et à la montée en puissance des acteurs non-étatiques qui recourent à la guerre et limitent le rôle de l’État dans la société internationale. Ces menaces sécuritaires ont des dimensions politique, militaire, économique, sociétale, environnementale, etc. C’est pourquoi l’analyse de la question de la sécurité internationale nécessite des explications théoriques en fonction d’évolution des relations internationales, notamment depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Dans cette perspective, l’étude comparative réalisée par l’auteur nous éclaire sur la notion de la sécurité et sa typologie, selon les différentes approches théoriques des relations internationales, en particulier le réalisme, le libéralisme et le constructivisme.

2Ce livre est composé de trois parties et chaque partie comprend plusieurs chapitres. La première partie porte sur les approches théoriques de la sécurité internationale. Elle comporte les chapitres suivants : (1) L’approche réaliste ; (2) L’approche libérale et fonctionnaliste de la sécurité internationale ; (3) La perspective constructiviste : le rôle des idées dans l’analyse de la sécurité internationale ; et (4) Approches critiques de la sécurité internationale. La deuxième partie est consacrée aux principaux acteurs de la sécurité internationale contemporaine, que sont : (5) L’État ; (6) Les organisations internationales et de sécurité collective ; (7) Les acteurs régionaux et la sécurité internationale ; (8) Deux acteurs non étatiques de la sécurité internationale : les sociétés militaires privées et les ONG. La troisième partie analyse les grands enjeux de la sécurité internationale contemporaine. Le chapitre 9 aborde les guerres asymétriques et les nouveaux conflits armés. Le chapitre 10 traite du terrorisme, défi majeur de la sécurité internationale contemporaine. Enfin, le chapitre 11 analyse la cybersécurité internationale.

3Dans cette recension, nous avons choisi de traiter la première partie de ce livre. Il s’agit d’une étude comparative du concept de sécurité à travers les différentes conceptions qui distinguent l’approche réaliste, l’approche libérale et le constructivisme. Selon l’auteur, l’analyse réaliste de la sécurité internationale est liée à quatre grandes propositions, en particulier l’état anarchique qui caractérise les relations internationales. En raison de l’absence d’une autorité centrale, les relations internationales sont conflictuelles par nature, engendrant, par conséquent, une insécurité internationale. Dans cette vision, l’État joue un rôle central dans la politique mondiale, et la guerre est considérée comme un instrument légitime de sécurité internationale. Le réalisme défensif met l’accent sur la recherche permanente de la sécurité tandis que le réalisme offensif insiste sur la quête permanente de la puissance. Dans la conception réaliste, deux facteurs importants contribuent à préserver la sécurité internationale : la dissuasion par l’arme nucléaire et les alliances stratégiques.

4Au contraire de la théorie réaliste qui met l’accent sur l’état de guerre permanent, l’approche libérale, notamment celle d’auteurs comme Emmanuel Kant, évoque les conditions de la paix démocratique à travers des coopérations entre États démocratiques. L’existence de ces derniers est une condition nécessaire pour faciliter l’instauration de la paix démocratique entre les nations. Dans cette perspective, le philosophe allemand a influencé le courant libéral et idéaliste des relations internationales. Ce courant met l’accent sur le respect du droit international, la souveraineté des Etats, et l’interdépendance sécuritaire dans les relations internationales. Dans cette perspective, l’auteur évoque l’approche fonctionnaliste théorisée par David Mitrany et le concept de communauté de sécurité forgé par Karl Deutsch. Selon David Mitrany, le processus d’intégration est corrélé à la paix. La coopération entre les États dans le cadre de l’intégration régionale contribue à la sécurité internationale. En ce qui concerne Karl Deutsch, il définit une communauté de sécurité comme un groupe intégré de personnes ou d’États dans lequel il existe un partage de valeurs, d’institutions et de pratiques communes suffisamment fortes pour assurer les attentes de changement pacifique des populations. Deutsch évoque deux types de communautés de sécurité : les communautés unifiées et les communautés amalgamées. L’approche de Mitrany et celle de Deutsch estiment donc qu’il est possible de créer un état de paix perpétuelle, en dépit du caractère anarchique de la société internationale selon les réalistes.

5Une autre approche qui abord le concept de sécurité est la conception constructiviste qui est apparue à la fin des années de la Guerre froide. Le constructivisme met l’accent sur l’intersubjectivité des relations internationales, et le rôle des idées, des normes et de l’identité des acteurs dans la structuration des relations internationales. Deux auteurs importants ont contribué à l’évolution de cette théorie : il s’agit de Nicholas Onuf (1989) et d’Alexander Wendt (1992, 1999). Il est important de préciser que c’est Nicholas Onuf qui, pour la première fois, a utilisé le terme de « constructivisme ». Selon l’auteur, le constructivisme de Nicholas Onuf repose sur les individus et les règles façonnant leurs relations sociales et politiques mutuelles. La vision d’Alexander Wendt diffère de celle de Nicholas Onuf car met l’accent sur le rôle important de l’État dans la société internationale et accepte, tout comme les réalistes, le caractère anarchique des relations internationales. Cependant, les effets de l’anarchie dépendent de la culture dans laquelle elle s’inscrit. Alexander Wendt distingue, en effet, trois formes de culture anarchique.

6Premièrement : la culture anarchique hobbesienne, dans laquelle les États se conçoivent réciproquement comme des ennemis. Cette culture anarchique se caractérise par deux traits importants : l’absence de reconnaissance réciproque et la volonté de destruction réciproque. À la lumière de l’actualité internationale, nous pouvons donner deux exemples de culture anarchique hobbesienne : le conflit entre le Hamas et Israël, ou la confrontation entre Israël et l’Iran.

7Deuxièmement : la culture anarchique lockéenne, lorsque les États se conçoivent mutuellement comme rivaux.

8Troisièmement : la culture anarchique kantienne, quand les États se considèrent mutuellement comme des amis.

9On constate que ces trois piliers de la culture anarchique présentés par Wendt correspondent à trois attitudes dans les relations internationales (amitiés, rivalités et inimités).

10Pour conclure, nous pouvons dire que l’ouvrage de Delphine Deschaux-Dutard contribue à enrichir le débat scientifique des relations internationales notamment en matière de typologie de la sécurité et de son évolution en fonction de la mutation de la politique internationale. Par ailleurs, cette recherche repose sur une bibliographie riche dans plusieurs langues. Finalement, la recherche effectuée par l’auteur est une réflexion originale et bien structurée. C’est pourquoi, elle a grandement sa place dans les références scientifiques en matière d’étude de la sécurité internationale. De ce fait, la lecture de cet ouvrage est très utile pour les étudiants des relations internationales et les spécialistes de cette question.

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