Les forêts de montagne en tant qu’ îles biogéographiques

Rapport annuel

p. 175-204

Résumé

L'avifaune nicheuse de 75 forêts de montagne a été recensée au Plateau du Nyika (Malawi/Zambie), à une altitude de 2.000 m. Les forêts, à proximité les unes des autres, diffèrent par leur dimension et structure. Il y a une forte corrélation positive (r = 0.91) entre la dimension de la forêt et la diversité en espèces de l'avifaune. En outre, la richesse de l 'avifaune dépend de la structure de l 'habitat forestier. Les forêts basses et les forêts riveraines à cimes non jointives, de type floristique de montagne sont plus pauvres en espèces que les forêts hautes à cime continue - de type floristique mixte, de montagne et de l' étage inférieur. Six espèces d'oiseaux n'habitent que les deux plus grandes forêts (75 et 90 ha ) , mais elles sont généralement plus communes à des altitudes (un peu) inférieures. D'un autre côté, les espèces les plus répandues sont peu spécialisées écologiquement, exploitant surtout la lisière. Les forêts hautes de 10-12 ha contiennent déjà presque toute l 'avifaune sténotopique du haut Nyika, mais les espèces les plus rares ne sont représentées que par un couple. Quatre espèces, comprenant trois frugivores et un insectivore (le trogon Apaloderma vittatum) visitent d' autres forêts que celle où elles nichent pour la recherche de la nourriture. Lorsque la dimension de la forêt augmente, la densité d'une espèce nicheuse n'augmente pas dans les mêmes proportions. La dimension de la plus petite forêt avec un couple doit être multipliée par un facteur variant de 4 (dans le cas de l 'Alethe fuelleborni, l'espèce la plus tolérante) à 26 (dans le cas de la grive Turdus ol1vaceus) pour qu'un second couple apparaisse. L'importance du comportement territorial comme facteur limitant la densité est une des découvertes les plus intéressantes de cette étude et a des applications dans l 'aménagement des habitats fragmentés. Pour beaucoup d'espèces, il est clair que 1 'on peut obtenir des densités plus fortes avec un groupement de petits fragments plutôt qu'avec un seul grand fragment. Les forêts trop petites pour la nidification de certaines espèces abritent souvent leurs jeunes qui s'y dispersent après la nidification. Dans la période janvier-juillet (après la nidification), un déplacement dans 1 'abondance des insectes du sous-bois vers les lisières et cimes s'accompagne de la dispersion de certains insectivores (gobemouches surtout) des grandes forêts vers les plus petites non occupées par des couples nicheurs). Seules les femelles d'une espèce de turdidé (Pogonocichla stellata ), et probablement aussi les femelles de l' Alethe fuelleborni, émigrent en hiver . Le baguage, entamé en 1972, confirme la très grande sédentarité et fidélité territoriale des adultes nicheurs et aussi leur longévité remarquable par rapport aux espèces des régions tempérées. Des expériences de translocation d'oiseaux marqués d'une région du Plateau à une autre (à six km de distance) ont été entreprises en septembre 1980 (juste avant le début de la nidification) pour tester les facultés d'orientation de ces oiseaux apparemment si sédentaires et la vitesse de recolonisation des territoires ainsi vidés. Dans les trois semaines qui ont suivi le début des expériences, aucun des trente oiseaux déplacés n'est apparemment revenu et la plupart des 187 territoires vidés sont toujours inoccupés. Grande sédentarité et longévité, faible effort reproducteur caractérisent ces populations de forêts, à 1 'inverse des populations mobiles et dynamiques des îles océaniques.

Au cours de cette deuxième année de travail de terrain, mes recherches se sont considérablement diversifiées et ont couvert les points suivants. 1. Effets de la dimension et de la structure des fragments forestiers sur la diversité spécifique et la densité des oiseaux nicheurs. Ceci constitue la base de nos recherches traitée en longueur dans le rapport 1979-80. Outre les 75 forêts individuelles visitées en 1979 (surface variant de 0.16 à 90.0 ha, alt. moyenne 2.150 m), l'échantillon a été élargi par une dizaine de forêts à plus basse altitude (de 0.6 à 40.0 ha, 1.900-2.000 m) et de nombreux contrôles ont été effectués dans la zone d'étude initiale. 2. Etude des exigences écologiques et territoriales de chaque espèce. 3. Etude de la périodicité de la reproduction et de la mue . 4. Etude détaillée de l'écologie et du comportement de certaines espèces: deux oiseaux cavernicoles (le Pic olive Mesopicos griseocephalus et l' Etourneau métallique Onychognathus walleri) et le turdidae Alethe fuelleborni, spécialiste des colonnes de fourmis guerrières suit les fourmis Dorylus pour capturer les invertébrés dérangés par ces dernières). 5. Etude (par le baguage) de la fidélité territoriale et de la longévité et test des facultés d'orientation des oiseaux de forêt par des expériences de translocation. Je renvoie au 1er rapport pour la description du but et de la réalisation de ces expériences ; 5 des 30 oiseaux déplacés en septembre 1980 ont été revus en octobre-novembre dans la zone où ils ont été relâchés et seulement 5 individus (dont 3 appartenant à l'espèce migratrice Pogonocichla stellata) sont revenus en octobre dans leur territoire initial. 6. Etude du succès reproducteur et de la productivité annuelle de quelques espèces communes. 7. L'habitat : étude floristique et écologique des différents types de forêts au Nyika. Relations entre la diversité floristique et la dimension et la structure de la forêt. Effets des feux de saison sèche (en général provoqués par l'homme) et importance de la régénération actuelle. Ce dernier point a été discuté en détails dans un rapport présenté aux Départements des Parcs en Zambie et Malawi, comme il relève directement de l 'aménagement du Parc. Des centaines d'hectares de forêt ont disparu par le feu dans un passé récent, notamment près des escarpements surplombant les villages d'où proviennent les feux. Aucune des espèces d'intérieur de forêt n'est résistante au feu avec l'exception de Parinari excelsa (que l'on rencontre maintenant à des centaines de mètres de la lisière de la forêt actuelle régressée), et une partie seulement des espèces de lisière le sont. L'arbre pionnier dominant Hagenia abyssinica est très facilement tué par le feu. La régénération est un processus lent ; même des buissons de 2-3 m mettent plus de deux ans pour repousser après un incendie. La régénération n'est possible que dans des zones strictement protégées par coupefeux. 8. Phénologie de la fructification en forêt et importance des oiseaux et mammifères frugivores dans la dispersion des semences. 9. Etude de la communauté des six espèces d'oiseaux nectarivores (Nectarinia spp.) en forêt et milieu ouvert : écologie, compétition interspécifique et période de reproduction.

Texte

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Citer cet article

Référence papier

Françoise Dowsett-Lemaire, « Les forêts de montagne en tant qu’ îles biogéographiques », Cahiers d'éthologie, 1 (2) | 1981, 175-204.

Référence électronique

Françoise Dowsett-Lemaire, « Les forêts de montagne en tant qu’ îles biogéographiques », Cahiers d'éthologie [En ligne], 1 (2) | 1981, mis en ligne le 26 janvier 2024, consulté le 26 juin 2024. URL : http://popups.uliege.be/2984-0317/index.php?id=662

Auteur

Françoise Dowsett-Lemaire

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