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Étienne Juvigné, Geoffrey Houbrechts & Jean Van Campenhout

De la Basse-Meuse primitive jusqu’à l’abandon de la vallée de la Meuse orientale – Second part: modelling and discussion
From the primitive Basse-Meuse to the abandonment of the eastern Meuse valley. - Second part: modelling and discussion

(Volume 91 - Année 2022 — Numéro 1)
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Résumé

Les généralités ainsi que les données de terrain et de laboratoire relatives aux lambeaux de hautes terrasses de la Basse-Meuse liégeoise sont exposées dans l’article qui précède celui-ci, dans ce même volume de la revue. Sur ces bases, on présente ici un modèle original et argumenté. Il montre que les modèles antérieurs reposent sur des données altimétriques souvent largement imprécises, voire inexistantes pour certains lambeaux. Pour chacun d’entre eux, on montre que : (1) les terrasses qui y sont reconstituées ne passent en général pas par les cailloutis existant ; (2) le dernier travail de synthèse en la matière, qui par tradition fait autorité, est particulièrement inadapté aux données concrètes. Une étude sédimentologique de tous les cailloutis livre des enseignements originaux sur l’évolution stratigraphique de la granularité, de la nature des galets, de l’émoussé des quartz ainsi que de l’association des minéraux denses transparents.

Mots-clés : Belgique, Liège, Meuse, hautes terrasses, altitude, sédimentologie, raccord, modèle, capture

Abstract

The general information, as well as the field and laboratory data relating to the remnants of high terraces of the Lower Meuse in Belgium are presented in the article preceding this one in this volume of the journal. On these bases, we present here an original and argued model. It shows that previous models are based on elevation data that are often largely imprecise, or even non-existent for certain remnant. For each model we show that: (1) the terraces which are reconstituted do not generally pass through the existing gravel; (2) the latest work of synthesis on the subject, which by tradition is authoritative, is particularly unsuited to concrete data. A sedimentological study of all the gravels provides original information on the stratigraphic evolution of grain size and nature of pebbles, roundness and facies of quartz, as well as the association of dense transparent minerals.

Keywords : Belgium, Liège, Meuse, hight terraces, elevation, sedimentology, correlation, stair case, capture

1Manuscrit reçu le 19 mai 2022 et accepté le9 août 2022

2Article publié selon les termes et les conditions de la licence Creative Commons CC-BY 4.0

1. Introduction

3Les généralités ainsi que les données de terrain et de laboratoire utiles pour la compréhension du présent travail sont publiées dans l’article qui précède celui-ci dans ce même fascicule du Bulletin de la Société royale des Sciences de Liège : «Les terrasses de la Basse-Meuse liégeoise primitive jusqu’à l’abandon de la vallée de la Meuse orientale. Première partie : généralités et résultats. » (Juvigné et al., 2022b). Les résultats originaux utiles à la modélisation argumentée qui suit, consistent pour chaque lambeau de terrasse (ltf) de la Basse-Meuse liégeoise, en : altitudes mesurées des cailloutis (base et sommet), granulométrie du gravier, nature et émoussé d’éléments de 8 à 16 mm, ainsi que l’association de minéraux denses transparents (mdt) de 75 à 355 µm. Ce modèle est confronté à ceux qui ont été publiés depuis Briquet (1907). Il est intégré dans l’évolution du réseau hydrographique primitif de la région liégeoise (Juvigné et al., 2021a, 2021b). Une tentative de raccord est proposée avec les modèles existant pour la Meuse orientale dans le Limbourg néerlandais méridional (Oostmaas ; Hol, 1949). Les cartes de la figure 1 situent les trois domaines impliqués dans le présent travail.

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Figure 1 : (A) Les nappes résiduelles de galets à l’amont immédiat de Liège qui, largement étendues à l’époque, ont alimenté les hautes terrasses de la Basse-Meuse : 1 = cailloutis Onx d’estran de Rondpéry/Liège-Airport [b195 ; s200] ; 2 = la plus ancienne terrasse de la Meuse à l’amont immédiat de Liège (T. de Mons-Crotteux) ; 3 = Graviers liégeois de Boncelles (Bon[b260; s271]) et de Sart Tilman (SaT[b234; s238]) (Juvigné et al., 2021b). (B) Localisation des lambeaux de terrasses fluviales étudiés, avec la numérotation reprise dans le travail. (C) Les terrasses à l’entrée de l’Oostmaas (Meuse orientale) (extrait de la carte de Felder et Bosch, 1989).

2. Les raccords géométriques

4Tous les lxtf impliqués dans ce travail sont distribués sur une ligne pratiquement droite depuis Bois-de-Breux jusqu’à l’entrée de la vallée morte de la Meuse orientale. Ils peuvent donc être ordonnés dans un plan vertical passant par cette direction, en évitant des déviations qui pourraient provenir du déplacement au droit de la plaine d’inondation. Quant à la recherche de corrélations par la méthode habituelle du raccord de lxtf de proche en proche, elle relève d’une problématique qui doit être évoquée en préambule. On signalera encore que, dans tous les cas traités ici, les lxtf consistent en nappes de cailloutis dont la superficie est de quelques hectares. Elles sont situées au pied de la retombée du plateau de Herve qui constitue donc le versant droit de la paléo-vallée, tandis que le versant gauche a entièrement disparu en conséquence de l’incision latérale de la Meuse vers le NO.

2.1. Le profil longitudinal de la plaine inondable

5Ce profil ne servira pas de modèle pour discuter les raccords de lxtf de hautes terrasses, car il n’a pas pu être stable pendant toute la période de formation des terrasses (Fig. 2). Néanmoins, l’ordre de grandeur de la pente est indicatif pour la détermination de la pente à attribuer aux terrasses.

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Figure 2 : Profil longitudinal de la plaine inondable de la Meuse depuis Namur jusqu’à Venlo (A) et, plus particulièrement, dans la Basse-Meuse (B).

6La pente de la plaine inondable est en moyenne de 35 cm/km, depuis Namur jusqu’aux portes de Liège, et le cailloutis y repose sur des terrains paléozoïques. A travers le bassin houiller liégeois, surtout schisteux, elle augmente progressivement pour atteindre 51 cm/km au passage dans les terrains crétacés à Lixhe/Visé. Depuis cette localité jusqu’à Maaseik, la pente moyenne est de 65 cm/km dans des terrains très peu résistants du Crétacé puis du Néogène. Si l’on souhaite défendre l’hypothèse que la lithologie est la cause de l’accroissement de la pente de la plaine alluviale, alors il faut tenir compte du fait qu’au niveau des hautes terrasses, les mêmes limites lithologiques se trouvaient à l’amont des localités actuelles, et en ce qui concerne la Basse-Meuse, l’entrée dans les terrains crétacés se trouvait entre Barchon et Blégny (voir Fig. 1). Toutefois, la forme convexe du profil actuel indique que ce dernier n’est pas régularisé et on ne peut préjuger de l’état d’évolution local du profil au niveau des terrasses. Quant à la pente longitudinale de la dernière terrasse de la Meuse orientale (T. de Simpleveld, sensu Felder et Bosch, 1989), elle est de 48 cm/km à l’amont de Simpelveld-Bocholt dans les terrains crétacés.

2.2 À propos de la dérive de la base des lxtf

7Les très nombreux forages qui ont été exécutés dans la plaine alluviale de l’agglomération liégeoise et en Basse-Meuse montrent que, dans une même coupe transversale d’environ 1 km de largeur, l’altitude de la base du cailloutis varie dans une dénivelée qui peut atteindre exceptionnellement 5 m (Calembert et al., 1968). En prenant en considération la répartition spatiale de l’ensemble de leurs données, ces auteurs ont conclu à la distinction de deux niveaux de base du cailloutis, qui ont été appelés respectivement ‘Niveau d’érosion inférieur’ et ‘Niveau d’érosion supérieur’ ; le premier est à - 10 m et le second à - 7 m sous la plaine d’inondation commune. Dans le respect de cette interprétation, on peut donc admettre un intervalle de confiance jusqu’à 3 m pour l’altitude de la base du cailloutis d’un ltf pour lequel on ne dispose que de peu de mesures.

2.3. À propos de la possibible déformation des terrasses de la Basse Meuse

2.3.1 Basculement post Eocène du flanc NO de l’Ardenne s.l.

8Le réseau hydrographique -dont la Meuse- s’est mis en place au fur et à mesure du dernier soulèvement en date de l’Ardenne et sur des terrains de la mer oligocène (Om) qui recouvraient la surface d’érosion pré-tongrienne reconstituée par Demoulin (1989, 1995). Si cette surface d’érosion à maturité devait avoir une pente comprise entre 1 et 2 m/km, on ne sait pas si celle-ci avait changé lors la transgression marine. On peut aussi supposer qu’au maximum de la transgression, le sable marin oligocène constituait une plate-forme, et que sa pente devait être également comprise entre 1 et 2 m/km. Nous choisissons donc comme postulat que la pente des terrains Om était de ~1,5 m/km lorsque la mer a commencé à les abandonner au développement du réseau hydrographique primitif. Or, nous constatons aujourd’hui que leur pendage est dirigé vers le NO et que l’inclinaison est nettement supérieure à 1,5 m/km. En outre, elle est croissante de Seraing (6 m/km) jusqu’à Visé (10 m/km) (Fig. 3). Dans l’interprétation des données, nous acceptons donc un basculement du sol post-Éocène vers le NO.

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Figure 3 : Inclinaison de la surface d’érosion pré-tongrienne et des terrains marins oligocènes au droit de la vallée de la Meuse depuis Seraing jusqu’à Visé. Légende : 1 = altitude en mètre de la base des terrains marins oligocènes sur les plateaux de part et d’autre de la vallée de la Meuse ; 2 = isohypse de la base des terrains Om, construite en fonction du réseau précité avec altitude en mètre; 3 = profil choisi pour la construction de la surface de base des terrains Om ; 4 = site étudié.

9Par ailleurs, on sait que le soulèvement de l’Ardenne s’est opéré à vitesse variable, très lente pendant l’Oligocène et le Miocène, puis de façon légèrement accélérée pendant le Pliocène et le Pléistocène inférieur, pour atteindre une vitesse maximale pendant la première partie du Pléistocène moyen (Demoulin, in Juvigné et al., 2005 ; Demoulin et Hallot, 2009 ; Demoulin et al., 2012). Toutefois, le basculement et le soulèvement n’ont pas nécessairement été synchrones, et les travaux de Juvigné et al. (2021a, 2021b) proposent que le basculement ait affecté au moins les dépôts fluviatiles les plus anciens des hauteurs de Liège à savoir : (1) les Graviers liégeois remontant à la régression oligocène ; (2) la plus ancienne terrasse de la Meuse de Dinant (T. de Mons-Crotteux) antérieure à la T. de BdB1. Par contre, Juvigné et al. (2022a) n’ont perçu aucun indice de basculement de la partie du ltf de Barchon pour lequel ils disposaient de plusieurs données.

10Dans le cas qui nous occupe, on constate que tous les lxtf étudiés sont pratiquement alignés à proximité de l’isohypse de 220 m de la base des terrains Om ; on peut donc négliger l’influence d’un basculement postérieur qui aurait eu lieu pendant ou après l’abandon des terrasses étudiées.

2.3.2. Basculment du sol de l’axe Namur-Liège

11Un basculement vers l’ouest de l’axe Namur-Liège a été défendu par Fourmarier (1924) sur la base du profil longitudinal horizontal de la « terrasse de 120 m ». Le long de ce même tronçon, Mouchamps (1927, 1933) a appelé cette terrasse « terrasse principale » et a quantifié la déformation du sol en mesurant une dénivelée croissante d’amont en aval par rapport à la plaine d’inondation. On notera au passage que ce basculement pourrait n’être qu’une composante E-O du basculement plio-pléistocène des terrains oligocènes vers le NO.

12Clairbois (1957, 1959) construit depuis Anseremme jusqu’à Liège un modèle qui intègre des lambeaux caillouteux et des replats sans galets interprétés comme des lambeaux d’aplanissement partiel ou des terrasses dénudées. De la sorte, à partir de Namur, une légère contre-pente est attribuée à la terrasse principale, et en conséquence aux autres plus élevées.

13Pissart (1974), utilisant les données de Clairbois sans apporter d’observations personnelles, affecte ces mêmes hautes terrasses d’une déformation anticlinale dont le toit se trouve entre Huy et Liège et la retombée en pente vers l’aval dans la Basse-Meuse.

14Juvigné et Renard (1992) raccordent entre autres les lxtf des hautes terrasses la Basse-Meuse en introduisant une contre-pente pour les plus élevées entre Liège et l’Ubagsberg –donc un basculement vers le SO- basée sur deux hypothèses : (1) une constatation de Macar et Meunier (1955) selon laquelle les cailloutis du plateau de Hesbaye liégeoise (à Fontaine, 200 m) et de l’Ubagsberg (Huls/NL, 218 m) sont identiques ; (2) la partie aval de la Meuse orientale est affectée par la tectonique dont on peut attendre un soulèvement en marge de la zone d’effondrement de Niederrheinische Bucht (Baie du Rhin inférieur).

15Pissart et al. (1997a) modifient le modèle de Pissart (1974). Les auteurs adoptent le profil de Juvigné et Renard pour la Basse-Meuse et sans apporter d’observations nouvelles, ils réduisent arbitrairement le nombre des terrasses.

16Juvigné et al. (2013) montrent que la terrasse dite principale est en pente normale entre Andenne et Huy, puis Juvigné et al. (2015) et Juvigné eet al . (2020b, 2020c) mettent en exergue que des observations fondamentales rapportées dans le travail de référence de Clairbois sont inexactes et ne justifient en rien la contre-pente qui allait être transformée en une déformation anticlinale (cf. supra).

2.3.3. Une faille possible entre Mortroux et la Meuse orientale

17Entre Mortroux et la vallée de la Meuse orientale, se trouve la Voer dont la forme rectiligne soulève la question de savoir si elle pourrait s’être incisée à l’endroit d’une faille qui n’a jamais été évoquée. Pour intervenir comme facteur perturbateur de la tentative de raccord, encore faudrait-il qu’elle ait été active après que la Meuse eut formé les terrasses de la Meuse orientale, Mais « Une faille post-crétacée, d’une étendue d’au moins quatre kilomètres… » et orientée N-NO/S-SE via Fouron-le-Comte et Warsage a été soupçonnée par les géologues en charge de l’élaboration de la carte géologique de Belgique, « la lèvre occidentale de la faille ayant subi un relèvement relatif » (Forir & Lohest, 1896). Cependant, cette faille n’a pas été tracée sur la carte géologique. Néanmoins, son existence, son prolongement rectiligne et un mouvement géologiquement récent introduiraient un soulèvement relatif de hautes terrasses de la Basse-Meuse jusqu’à Mortroux, par rapport aux terrasses de la vallée de la Meuse orientale (voir figure 1).

2.3.4. Hautes terrasses en Basse-Meuse vs déformation du sol, résumé

18Les lxtf de hautes terrasses de la Basse-Meuse sont alignés à proximité de l’isohypse ~220 m de la surface de basculement des terrains marins oligocènes, si bien que ce basculement devrait être sans conséquence sur le profil longitudinal des terrasses concernées. La déformation anticlinale des hautes terrasses à l’aval de Namur et son prolongement en Basse-Meuse sont difficilement acceptables. Deux failles pourraient exister entre le dernier ltf de haute terrasse de la Basse-Meuse (Mortroux) et l’entrée de la vallée de la Meuse orientale. Toutefois, aucun mouvement du sol n’est avéré dans cette région pendant et/ou après la période de formation des hautes terrasses. Nous allons donc raisonner sans tenir compte d’une déformation des hautes terrasses liée à des mouvements du sol.

2.4. Essai de raccord des lxtf

19C’est une pente longitudinale de 35 cm/km qui conduit au raccord le plus rationnel des lxtf des hautes terrasses mosanes de la Basse-Meuse (Fig. 4).

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Figure 4 : (A) Position des lambeaux de terrasses à plus de 155 m d’altitude dans la Basse-Meuse et des terrasses la Meuse orientale à l’entrée de la vallée abandonnée.
Légende : 1 = épaisseur et altitude des cailloutis des lxtf étudiés ;

2 = base des cailloutis des terrasses de la Meuse orientale, à l’entrée de la vallée abandonnée et de trois terrasses suivantes, d’après Felder et Bosch (1989) et Vanden Berg (1996) ; dans les deux cas, l’épaisseur des cailloutis n’est pas rapportée ; 3 = terrains sous les cailloutis : H= Houiller ; C= Crétacé ; Om= Oligocène marin ; 4 = raccord de lxtf en fonction d’une pente longitudinale de 35 cm/km ; 5 = prolongement du toit des cailloutis de Beyne selon une pente de 35 cm/km ; 6 = reconstitution du complexe de terrasses de Kosberg au niveau de Banholt. (B) Coupe transversale schématique des terrasses de la vallée abandonnée de la Meuse orientale, d’après l’altitude des bases de lxtf sur la carte de Felder et Bosch (1989) et la stratigraphie relative de Van den Berg (1996) pour les terrasses de Kosberg et les autres plus élevées. Explications : étiquettes des lxtf : pour la Basse-Meuse, voir texte ; pour la Meuse orientale d’après Felder et Bosch (1989) : Ko = Kosberg ; Cr = Crapoel ; No = Noorbeek ; Ma = Margraten ; Sib = Sibbe ; d’après Van den Berg (1996) : Sv1 = Simpelveld 1 et Sv2 = Simpelveld 2. Explications : (1) l’altitude de la base des lxtf à l’entrée de la vallée de la Meuse orientale (selon Felder et Bosch, 1989) est transformée en altitude DNG (Deuxième Nivellement Général/ Belgique : ~2 m en plus que l’altitude aux Pays-Bas) ; (2) Van den Berg (1996) a travaillé sur les sommets de cailloutis et il en a projeté l’altitude dans un profil transversal de référence passant par Maastricht. Leur projection à l’entrée de la vallée abandonnée est délicate, d’où leur position simplement indicative en marge de la coupe. Il en est de même pour le cailloutis de l’Ubagsberg dont la flèche indique qu’il est probable que sa terrasse se trouve à une altitude inférieure à Banholt ; (4) le ltf de la T. de Kosberg est reconstitué dans la coupe de Banholt, de façon à mettre en évidence la corrélation probable avec le complexe des terrasses de Bois-de-Breux 1-2 et Beyne.

20Le ltf de Trois Cheminées est nettement en dehors de la dénivelée des hautes terrasses mosanes. Il fera l’objet d’un commentaire séparé plus loin.

21Les trois niveaux de référence de Bois-de-Breux, disposés en gradins dans un même site, correspondent nécessairement à trois terrasses différentes qui ont déjà été nommées : T. de Bois-de-Breux 1, T. de Bois-de-Breux 2 et T. de Bois-de-Breux 3.

22Le ltf de Beyne et probablement aussi celui de Fayenbois pourraient constituer une terrasse un peu plus élevée que celle de BdB1, car la base du cailloutis du lbt de Beyne pourrait être plus élevée que l’endroit du contact avec le socle qui a été mis au jour (cf. supra). Dans cette situation, la T. de Beyne deviendrait la première trace de la Basse-Meuse aux dépens de la T. de BdB1 et cette dernière deviendrait une terrasse indépendante. Nous poursuivons en faisant cette distinction.

23La T. de BdB2 est nécessairement distincte de la T. de BdB1, malgré la faible dénivelée entre les bases respectives (cf. supra).

24Le ltf de Saive se présente 2 m plus haut que la base de BdB3 ; à 3 km de distance la distinction de deux terrasses n’est donc pas justifiée. Ces deux lxtf sont donc attribués à la T. de BdB3 (Bois-de-Breux est le site le mieux documenté ; Juvigné et Van Campenhout, 2020).

25Les lxtf de La Xhavée, Barchon et Mortroux sont parfaitement corrélables et constituent de ce fait la T. de Barchon (Barchon est le site le mieux documenté ; Juvigné et al., 2022a).

26Les lxtf de Rabosée, Trembleur et Mortier ne posent non plus aucun problème de raccord dans les limites de variation de l’altitude de la base acceptée plus haut, et ils constituent ainsi la T. de Rabosée. Le cailloutis de Rabosée est le plus accessible en talus et régulièrement excavé dans le cimetière où il est de ce fait préservé.

27Les lxtf de Blégny-Mine et de Saint-André sont corrélables indépendamment du fait que la base du ltf de Blégny-Mine ne soit pas connue.

28De façon générale, on notera qu’en acceptant les raccords précités, on exclut la possibilité de déformation des terrasses par mouvement du sol le long de l’itinéraire (voir l’hypothèse de travail plus haut), au moins pendant la mise en place des hautes terrasses, et même jusqu’à la T. de Rabosée. On s’enferme donc dans un raisonnement circulaire. On pourrait évidemment choisir une pente plus faible, mais dans ce cas le nombre de terrasses augmenterait de façon inverse à la réduction de la pente. Dans un système de raccord horizontal qui répondrait à un basculement longitudinal prolongeant celui de l’axe Namur-Liège (cf. supra), on pourrait distinguer la série suivante de terrasses dans laquelle il n’y aurait finalement qu’un niveau supplémentaire : T. de Beyne ; T. de BdB1 ; T. de BdB2 ; T. de BdB3-Saive ; T. de La Xhavée avec éventuellement Barchon ou T. de Barchon avec éventuellement Mortroux ; T. de Saint-André - Blégny-Mine ; T. de Rabosée-Trembleur.

2.5. Essai de raccord géométrique avec les terrasses de la Meuse orientale

29En prolongeant les profils longitudinaux respectifs des terrasses de la Basse-Meuse, tout en respectant la pente de 35 cm/km jusqu’à l’entrée de la Meuse orientale, on constate ce qui suit.

30-.Les terrasses de Beyne, BdB1 et BdB2 entrent dans la vallée abandonnée à la hauteur du complexe de terrasses de Kosberg1/2/3 (Van den Berg, 1996). Le toit des terrasses de Beyne et de BdB1 est à une altitude supérieure à celle de la crête de Banholt, mais le ltf de Banholt a été amputé par l’érosion, au point que même son versant gauche a disparu. On remarquera que si l’on diminue arbitrairement la pente longitudinale adoptée pour les hautes terrasses de la Basse-Meuse, celle-ci n’auraient d’équivalent dans la Meuse orientale que dans les niveaux dits à kieseloolithe (Felder et Bosch, 1989) ou terrasses de Waubach (Van den Berg, 1996). Toutefois, nous allons montrer plus loin que la sédimentologie ne peut soutenir un tel raccord. Le choix d’une pente de 35 cm/km pour le raccord des lxtf est donc conforté par la présente constatation.

31-.La T. de BdB3 se présente au niveau de la T. de Noorbeek, et il reste à trouver dans la Basse-Meuse un ltf équivalent à la T. de Crapoel.

32-.La T. de Barchon correspond à la dernière terrasse de la Meuse orientale (T. de Simpleveld, sensu Felder et Bosch [1989] ou T. de Simpelveld 1 sensu Van den Berg [1996])

33-.Les lxtf de Saint-André et de Blégny-Mine deviendraient dès lors les plus anciens témoins de la Meuse occidentale en Basse-Meuse.

34-.La T. de Rabosée est corrélable avec la T. de Margraten.

2.6. Capture et érosion régressive

35On ne connait pas l’altitude du cours d’eau dans lequel s’est déversée la Meuse, à l’amont immédiat de l’entrée de la vallée morte, mais il est évident qu’aux lendemains de la capture, la Meuse s’est retrouvée à l’endroit de la T. de Simpelveld 2 qui n’était pas connue lorsque Juvigné et Renard (1992) ont invoqué la T. de Margraten comme le ltf le plus ancien de la Meuse occidentale. De la sorte, les lxtf de Simpelveld 2 et de Saint-André-Blégny-Mine, dans l’ordre stratigraphique, pourraient correspondre à des niveaux de transition en relation avec une incision de ~5 m de la Meuse en cours d’érosion régressive. Dans ce cas, la T. de Rabosée-Margraten pourrait constituer le premier niveau de stabilité après le passage de la vague d’érosion régressive à travers toute la Basse-Meuse.

3. Sédimentologie

36Les valeurs représentées dans les figures qui suivent sont extraites des tableaux de l’annexe à l’article Juvigné et al. (2022b, ce fascicule). On rappelle qu’en matière d’étude des galets, il ne s’agit que de ceux de la taille comprise entre 8 et 16 mm. Dans les figures qui suivent, les sites ont été ordonnés en fonction de l’altitude des lxtf regroupés en terrasses, conformément aux corrélations proposées à la figure 4. Les valeurs de chaque site sont placées dans la tranche d’altitude occupée par le cailloutis avec le souci d’éviter les superpositions graphiques.

37La figure 5 permet de visualiser la position des sources primaires de galets les plus proches de Liège qui ont alimenté les hautes terrasses de la Basse-Meuse dans des conditions décrites par Juvigné et al. (2021b). La nappe Onx de plateau existait entre Dinant et Namur puis sur toute la Hesbaye depuis Champion/Namur jusqu’à Grâce-Hollogne ; elle est inconnue à l’aval. Les Graviers liégeois identifiés sur l’interfluve Meuse-Ourthe appartenaient au cours inférieur de l’Ourthe (et de la Vesdre) ; ils devaient exister à l’aplomb de Liège et dans les paléo-vallées de l’Ourthe et de la Vesdre.

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Figure 5 : Les sources primaires de galets pour la première terrasse de la Basse-Meuse et les suivantes.

3.1. Granulométrie

38Pour tous les échantillons traités, trois indices ont été retenus : la médiane (D50), le 3e quartile (D75) et le nonantième percentile (D90) (Fig. 6). Pour supporter la discussion, les mêmes valeurs sont rapportées pour les sources de gravier, à l’amont immédiat de la confluence Meuse-Ourthe.

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Figure 6 : Indices granulométriques de tous les échantillons de gravier étudiés, ainsi que du gravier de sources primaires à l’amont immédiat de la confluence Meuse-Ourthe. Explications : pour chaque site, les traits correspondent à l’étendue des valeurs mesurées ; couleur : D50, rouge ; D75, vert et D90, noir ; les labels sont accompagnés du nombre d’échantillons traités entre parenthèses. Abréviations : pour les sites étudiés, voir plus haut ; Pt de Hesbaye = plateau de Hesbaye ; Gv lg = Graviers liégeois.

39On notera tout d’abord les données relatives au gravier des cailloutis qui ont contribué à alimenter les hautes terrasses de la Basse-Meuse. Le cailloutis d’estran de Rondpéry/Liège-Airport est nettement moins grossier que tous les autres. En entrant en scène à Liège, la Meuse s’est incisée dans ce cailloutis pour former la T. de Mons-Crotteux. À ce stade, la Meuse remaniait principalement la nappe de galets Onx des plateaux Hesbaye (Champion/Namur, Petit-Waret ; Surlemez, Vinalmont et Rondpéry/Liège Airport ; Juvigné et al., 2020b), en apportant son propre cailloutis prélevé sur le socle paléozoïque ; il devait être un peu plus grossier que celui préexistant sur le plateau.

40Les Graviers liégeois de Boncelles-Sart Tilman sont un peu plus grossiers que ceux d’estran de Rondpéry et de la T. de Mons-Crotteux. On ne s’étonnera pas que la pente de l’Ourthe primitive ait été supérieure à celle des deux sites précités.

41Le gravier du cailloutis de Trois Cheminées semble relever d’une pente longitudinale intermédiaire entre celles responsables des Graviers liégeois et du gravier du plateau de Hesbaye. Dix échantillons (plutôt que trois pour la majorité des autres sites) ont été traités de façon à valoriser l’observation. Ce gravier doit en tous cas relever d’un écoulement différent de celui des hautes terrasses de la Basse-Meuse. Son origine sera discutée séparément.

42En ce qui concerne les terrasses mosanes, on pourrait lire sur la figure une légère diminution de la granularité du gravier au fil de l’incision ; dans ce cas, c’est le D90 qui la reflèterait le mieux. Toutefois, une telle tendance appelle confirmation par le traitement de séquences complètes de cailloutis, depuis la base (souvent plus grossière) jusqu’au sommet de chaque ltf, mais aujourd’hui les coupes requises n’existent plus dans aucun site.

43Juvigné et al. (2020b) ont constaté une nette augmentation de la granularité des terrasses de la Meuse à 175-180 m d’altitude, entre Namur et Andenne (ltf de Couthuin-Paradis [b175 ; s180]). Ils l’ont attribuée à la capture de la Semois. Selon que le basculement vers l’ouest de l’axe Namur-Liège est pertinent ou non (cf. supra), la T. de Paradis/Couthuin devrait aboutir à Liège au niveau de la T. de Bdb3 (b178 ; s183), ou une dizaine de mètres plus bas dans la T. de Barchon (b169 ; s179). Pour expliquer l’absence de ce signal dans les hautes terrasses de la Basse-Meuse, on peut imaginer que les apports des affluents de la Meuse à partir de Huy (Mehaigne, Hoyoux), et plus particulièrement de l’Ourthe, ont estompé l’accroissement granulométrique provoqué par la Semois. Si celui-ci devait être mis en évidence à un niveau inférieur à la T. de Rabosée, il faudrait alors conclure à un basculement de l’axe Namur-Liège vers l’est, ce qui serait très interpellant.

3.2. Fréquence de galets de roches métamorphiques

44Pour tous les échantillons traités, deux indices de fréquence ont été retenus : Q’ (quartz purs) et Q’’ (quartz purs+quartzites fermement identifiés) (Fig. 7). En ce qui concerne l’indice Q’’, il faut rappeler que la fréquence calculée doit être considérée comme minimale, puisqu’il existe dans chaque population d’autres galets de roches métamorphiques (quartzite, quartzo-phyllade, phyllade sans veines de quartz ni empreintes de cube de pyrite) que ceux fermement identifiés. Pour supporter la discussion, les mêmes valeurs sont rapportées pour les sources de gravier à l’amont immédiat de la confluence Meuse-Ourthe.

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Figure 7 : Variation des indices de fréquence des galets de quartz pur (Q’) et de la somme quartz+quartzites fermement identifiés (Q’’) pour tous les sites étudiés, ainsi que du gravier de sources primaires à l’amont immédiat de la confluence Meuse-Ourthe. Explications : pour chaque site, les traits correspondent à l’étendue des valeurs mesurées. Abréviations : pour les sites étudiés, voir plus haut ; Pt de Hesbaye = plateau de Hesbaye ; Gv lg = Graviers liégeois.

45Tout d’abord, il ne faut pas chercher d’autre cause à l’étendue des plages de fréquence que dans la relation avec le nombre d’échantillons traités.

46Dans les zones d’origine, le cailloutis d’estran du plateau de Rondpéry/Liège Airport est le plus riche en galets de roches métamorphiques. Dès l’entrée en scène de la Meuse incisée dans le cailloutis précité, la fréquence des roches métamorphiques diminue légèrement, dans la mesure où la Meuse apporte un peu plus de grès paléozoïques. Quant aux Graviers liégeois (apportés par l’Ourthe), ils contiennent également de moins en moins de roches métamorphiques au fil de l’incision depuis le plateau de Boncelles (~270 m) jusqu’à la T. de Sart Tilman (~235 m).

47Dans les hautes terrasses de la Basse-Meuse, la tendance générale est à la décroissance de la fréquence de Q’ et Q’’ au fil de l’incision. Par exemple, les valeurs moyennes sont : à Beyne, Q’= 64,6 % et Q’’=72,8 ; à Rabosée, Q’= 34,6 % et <Q’’= 48,9 %.

48Cette tendance doit nécessairement se poursuivre dans les terrasses suivantes de la Basse-Meuse, puisque dans la plaine alluviale de la Meuse à l’aval immédiat de la confluence Ourthe-Meuse, la fréquence des quartz est de 16,5 % (Juvigné et al., 2020a). Par ailleurs, dans le travail précité, les auteurs rapportent qu’à Angleur, dans la plaine alluviale l’Ourthe à l’amont immédiat de la confluence, la fréquence des quartz de 8 à 16 mm n’atteint que 6,1 %, ce qui implique que la source principale de quartz pour la Basse-Meuse n’est pas l’Ourthe, mais bien la Meuse elle-même. Qui plus est, la fréquence des mêmes quartz n’est que 4,9 % à Esneux (Ourthe) et 1,2 % à Chaudfontaine (Vesdre). Ce ne sont donc pas les éclats de roches métamorphiques en affleurement en Haute Belgique qui assurent l’approvisionnement en quartz de la plaine alluviale de l’Ourthe à Angleur, mais bien les cailloutis de l’interfluve Meuse-Ourthe. On ne voit pas pourquoi la situation aurait pu être différente au niveau des hautes terrasses, alors que les nappes de Hesbaye et des Graviers liégeois étaient nettement moins amputées.

49Par ailleurs, dans tous les cas précités, les livraisons de quartz primaire de haute Ardenne ont dû diminuer lorsque les cours d’eau ont commencé à prélever davantage de quartzite en passant des altérites à quartz dans le socle non altéré. Quant aux nappes de cailloutis Onx du plateau de Hesbaye, elles étaient/sont en volume fini et devaient/doivent nécessairement diminuer leur livraison en conséquence de leur amputation au fil du temps. De plus, des prélèvements ont aussi été opérés dans les roches gréseuses du socle, dans les tronçons où la nappe de sable oligocène avait été traversée par les cours d’eau de haute Belgique. Cet apport a aussi contribué à diminuer la fréquence des galets de roches métamorphiques.

50Les fréquences dans le ltf de Banholt (T. de Kosberg) sont identiques à celles de Beyne et de BdB1, conformément au raccord géométrique proposé plus haut. La diminution de la fréquence des galets de roches métamorphiques est aussi connue, entre autres dans les terrasses de la Meuse orientale (Van Straaten, 1947 ; Felder et Bosch, 1989). Toutefois, un essai de comparaison quantitative n’est pas pertinent dans la mesure où les méthodes utilisées et les indices proposés ne sont pas exactement les mêmes dans les trois travaux impliqués (le nôtre compris).

51Enfin, les fréquences dans le cailloutis de Trois Cheminées s’apparentent davantage à celles des Graviers liégeois de Boncelles.

3.3 Émoussé des quartz

52L’indice d’arrondi de Wadell et l’indice de l’état de surface du galet (Qm-f) sont représentés à la figure 8. Il faut tout d’abord rappeler que l’indice d’arrondi de Wadell relève d’une méthode rigoureuse, tandis que l’état de surface a dû être établi en retraitant tous les échantillons dans un même élan, pour limiter autant que possible les déviations inhérentes à la faiblesse du déterminateur. Pour le présent exercice, le nombre d’échantillons traités est le même pour tous les sites, à savoir trois.

53Pour les hautes terrasses de la Basse-Meuse (et les suivantes), on peut distinguer : (1) les zones d’approvisionnement en galets à émoussé marin qui sont essentiellement les nappes de cailloutis Onx du plateau de Hesbaye, dont les cailloutis d’estran de Rondpéry/Liège Airport et de la T. de Mons-Crotteux (Juvigné et al., 2020b) sont les plus proches  ; (2) les Graviers liégeois de Boncelles et de Sart Tilman à émoussé fluviatile (Juvigné et al., 2021a) ; (3) les affleurements de roches métamorphiques de Haute Ardenne dont les éclats remontent au Massif de Rocroi (via la Meuse), au Massif du Serpont (via la Lomme et la Lesse), au Massif de Givonne (via la Meuse) et au Massif de Stavelot (via l’Ourthe, l’Amblève et la Vesdre).

54Arrondi de Wadell (Iw). On lit sur la figure 7A que les indices moyens Iw sont très différents, selon que les quartz n’ont subi que l’usure fluviatile dans les plaines alluviales de l’Ourthe et de la Vesdre (Juvigné et al., 2020a : 0,650<Iw<0,685) ou l’usure sur un estran (Juvigné et al., 2020b : 0,735<Iw<0,775). Pour prendre connaissance de l’étalement des valeurs individuelles d’échantillons de référence de chaque type, et de ce fait de la superposition des distributions respectives, nous renvoyons au travail de Juvigné et al. (2022a).

55En ce qui concerne les cailloutis de hautes terrasses la Basse-Meuse, la valeur de Iw moyen présente une légère tendance à la régression, c’est-à-dire à une diminution des galets marins un peu plus importante que celle des galets fluviatiles. Le ltf de Beyne qui est le plus élevé, présente l’indice le plus proche (0,747) de ceux des cailloutis du plateau de Hesbaye (0,760-0,762). On notera une nouvelle fois que les indices du cailloutis de Trois Cheminées présentent des valeurs originales qui traduisent néanmoins une usure essentiellement fluviatile. Le ltf de Banholt (b175 ; s178) est le plus élevé à l’entrée de la Meuse orientale et son indice (Iw = 0,731) se présentent dans la gamme de valeurs de Beyne (0,747), BdB1 (0,706) et BdB2 (0,732).

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Figure 8 : Variation de l’indice d’émoussé des galets de quartz : (A) Indice d’arrondi de Wadell (Iw). Explications : en guise de référence, la figure 7A rapporte des valeurs de Iw : (1) des mesures effectuées sur du concassé industriel (Ci) et des billes de confiserie (Bc) de 8 à 16 mm ; (2) les valeurs de Iw obtenues sur des quartz de la plaine alluviale : (i) de l’Ourthe à Angleur (An), Tilff (Ti) et Esneux (Es) (Juvigné et al., 2020a) ; (ii) de la Vesdre à Membach (Me) et Chaudfontaine (Ch) (Juvigné et al., 2020a) ; (iii) des Graviers liégeois à Boncelles (Bo) et Sart Tilman (ST) (Juvigné et al., 2021) ; (iii) des nappes de cailloutis marins (Onx) des plateaux de Hesbaye à Champion/Namur (Cn), Petit-Waret (PW), Surlemez (Su), Troka/Petit-Waret (Tr), Rondpéry/Liège-Airport (LA) (Juvigné et al., 2021a et 2021b) Indice d’état de surface (Qm-f). Explications : 1 = les quartz entiers à surface entièrement lisse sont considérés comme des galets à émoussé marin ; 2 = les quartz dont le microrelief est chaotique sont considérés comme des quartz à émoussé fluviatile ; 3 = il s’agit ici d’éclats de quartz qui ont conservé une partie de surface lisse qui est censée représenter la trace de galets marins.

56État de surface. Environ 95 % des galets du plateau de Hesbaye, déjà reconnus bien arrondis, présentent en tout ou en partie une surface lisse. Par contre, environ 90 % des Graviers liégeois déjà reconnus peu arrondis, présentent un microrelief chaotique. On constatera que les galets de Trois Cheminées sont apparentés aux Graviers liégeois de Boncelles et de Sart Tilman et on rappellera que Lorié (1919) les a d’ailleurs repris dans son chapitre consacré aux Graviers liégeois.

57Dans les hautes terrasses mosanes, tant les quartz marins que les quartz fluviatiles sont représentés à concurrence d’au moins 8%. Ce sont donc les quartz auxquels on attribue une trace de surface lisse d’origine marine qui peuvent contribuer à donner la prévalence aux quartz marins sur les fluviatiles. Au fil de l’incision, la tendance générale est néanmoins à la diminution des quartz marins par rapport aux quartz fluviatiles. Néanmoins, comme cela a été signalé plus haut, la livraison assurée par les cours d’eau ardennais diminue davantage au fil de l’incision que celle provenant des Graviers liégeois.

3.4. Minéraux denses transparents

58Nature des grains. Les mdt ne représentent qu’une faible part des grains des frottis (de 4,4 à 32,1 %). La majorité des grains consistent en éléments opaques et en débris rocheux divers translucides avec le plus souvent des inclusions opaques ; il doit s’agir d’éclats de quartzite, grès, phyllade et schiste, ces deux derniers présentant un aspect crypto-cristallin.

59Taille des mdt. En ce qui concerne la taille des mdt, dans l’ensemble, la classe de 75 à 150 µm en contient 81,7 %, celle de 150 à 300 µm 17,6 %, et au-delà de 300 µm seulement 0,7 %. Les variations de fréquence prises en considération ici sont établies pour l’ensemble des mdt sans distinction de taille (Fig. 9).

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Figure 9 : Distribution stratigraphique de mdt de 75 à 355 µm des sites étudiés ainsi que de sources primaires, à l’amont immédiat de la confluence Meuse-Ourthe. : (A) fréquence des paramétamorphiques et des ubiquistes ; (B) rapport zircon/tourmaline ; (C) rapport staurotide/disthène. Explications : pour chaque site, les pastilles représentent les valeurs mesurées pour chaque ltf. Abréviations : pour les sites étudiés, voir plus haut ; Om =sable marin oligocène (Bc =Boncelles ; Roc = Rocourt ; MC = Mons-Crotteux ; d’après Demoulin, 1987) ; GvLg = Graviers liégeois (Bc = Boncelles ; ST = Sart Tilman) ; T.MC =T. de Mons-Crotteux (d’après Juvigné et al., 2021a, 2021b).

60Minéraux ubiquistes. Ils sont largement dominants dans tous les frottis avec une fréquence moyenne par site variant entre 72,8 et 87,1 %. Au sein du groupe, le rapport de fréquence zircon/tourmaline est très variable, voire même inversé, huit fois à l’avantage du zircon (maximum Z/T=2,1) et six fois à celui de la tourmaline (minimum Z/T= 0,31). La fréquence des polymorphes du TiO2 ne dépasse pas 10,2 % avec dans l’ordre de fréquence interne le rutile, l’anatase et la brookite.

61Minéraux paramétamorphiques. Ils constituent 9,5 à 23 % de l’association. Au sein du groupe, le rapport de fréquence staurotide/disthène varie de 0,76 à 3,29 %, mais il n’est qu’une seule fois à l’avantage du disthène. L’andalousite et la topaze n’excèdent jamais 4 %. Aucune sillimanite n’a été identifiée ; ce minéral ne figure donc pas au tableau.

62Inversion des rapports internes. La cause majeure de l’inversion T/Z et D/S tient en général à la variation de la granularité du sable à l’intérieur de la fraction traitée (75-355µm). La fréquence de la tourmaline et celle du disthène augmentent avec la taille des grains.

63Concernant les lxtf de hautes terrasses de la Basse-Meuse, Bustamante (1973) n’a publié de détermination de mdt que pour le ltf de Mortroux. La composition rapportée par l’auteur est identique à celles que nous avons obtenues.

64Variation stratigraphique. Dans la mesure où la classe granulométrique choisie correspond à celle du sable marin oligocène des plateaux à l’amont de Liège, on ne s’étonnera pas de la ressemblance des résultats obtenus. En Basse-Meuse, sur la retombée occidentale du plateau de Herve, les traces de sable marin oligocène sont rares, si ce n’est sur l’interfluve Berwinne-Voer (Trois Cheminées). Si des minéraux ubiquistes du socle ou des terrains crétacés (Bourguignon, 1954) se sont ajoutés localement aux alluvions mosanes, alors le très faible accroissement des ubiquistes, aux dépends des paramétamorphiques au fil de l’incision, deviendrait acceptable.

65Autres minéraux. L’occurrence des autres minéraux est sporadique, et globalement leur fréquence ne dépasse pas 8,2 %. Les plus fréquents sont dans l’ordre les minéraux du groupe de l’épidote (épidote s.s., zoïsite et clinozoïsite) et du grenat, ainsi que des traces de chloritoïde et de chlorite. En général, moins de 3% des minéraux identifiables n’ont pas gagné une conviction suffisante pour être déterminés.

66Absence de l’amphibole des Vosges. Sur un total d’environ 5000 mdt déterminés, aucune amphibole n’a été trouvée dans les échantillons des lxtf étudiés. Dans l’état actuel des connaissances, les lxtf les plus élevés dans lesquels ce minéral en provenance des Vosges est connu se trouvent : (1) sur le flanc droit de la Basse-Meuse dans le ltf de La Tombe/Bombaye (b129 ; s139) (Bustamante, 1973) ; (2) sur le flanc gauche dans le ltf de Lixhe (b134 ; s140) (Juvigné et Houbrechts, 2020). Dans les hautes terrasses de la Basse-Meuse étudiées ici, le ltf de Rabosée est le plus bas (b159 ; s164) et aucune amphibole n’y a été trouvée. L’entrée en scène de ce minéral dans la Meuse en Belgique est donc à préciser dans la vingtaine de mètres de dénivelée qui sépare la T. de Rabosée de la T. de La Tombe. Toutefois, Zonneveld (1949) signale l’entrée en scène de la hornblenbe brune (sans identifier la provenance des Vosges) dans le ltf de Margraten (base à 152 m DNG). Cette donnée jette donc un doute sur le bien-fondé de la corrélation de la T. de Rabosée avec la T. de Margraten proposée plus haut. D’après le modèle de Juvigné et Houbrechts (2020), cette donnée donne à penser que le déversement de la Meuse lorraine dans le bassin de la Meuse de Dinant devrait avoir eu lieu à la transition entre la T. de Rabosée et la T. de Margraten. Toutefois, le déversement de la Meuse lorraine dans la Meuse de Dinant dès le Néogène, et la possible disparition des amphiboles par altération différentielle dans les cailloutis mosans (Bustamante, 1973) garde des adeptes qui y trouveront peut-être argument. Ce problème devra trouver sa solution dans un travail ultérieur.

3.5. À propos du cailloutis de trois Cheminées

67Le cailloutis des Trois Cheminées est conservé en position primaire à l’aval de l’interfluve Berwinne-Voer, sur un replat à 240 m, soit ~70 m plus haut que la plus ancienne terrasse de la Basse-Meuse. Son épaisseur n’est que pluri-décimétrique en dehors des racines d’altération karstique. Il est constitué essentiellement de galets de roches métamorphiques en provenance de la Haute Ardenne et l’émoussé de ses quartz est essentiellement fluviatile. Son gravier est plus fin que tous les autres et il devrait donc répondre à une pente longitudinale particulièrement faible du cours d’eau responsable de sa mise en place. Le chemin suivi par ce cours d’eau pour amener les galets à Trois Cheminées appelle une discussion (Fig. 10).

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Figure 10 : Par quel chemin les galets de roches métamorphiques des Hautes Fagnes sont-ils arrivés à Trois Cheminées ? Explications : Ө2= cailloutis mosan ; O= Oligocène marin ; C= Crétacé ; autres couleurs= terrains paléozoïques.

68Le chemin le plus court est celui d’un cours d’eau descendant des Hautes Fagnes du NE sur la couverture de terrains crétacés, lorsque ceux-ci étaient encore présents sur le socle dévonien et dinantien de la région de Welkenraedt. Dans cette hypothèse, seule la paléo-Voer contournant par le nord les crêtes du plateau de Herve, pourrait être invoquée. Toutefois, on ne connait aucune trace de cailloutis fluviatile sur cet itinéraire.

69Dans l’impossibilité d’attribuer le cailloutis de Trois Cheminées à la Meuse inexistante à ce niveau, on peut se tourner vers le modèle d’évolution du réseau hydrographique primitif sur les hauteurs de Liège (Juvigné et al., 2021a, 2021b, 2022a). Pour rappel, ce modèle propose que : (1) les cours d’eau locaux descendant de la retombée occidentale du Pays de Herve se soient écoulés parallèlement au rivage oligocène en régression au droit de l’isohypse ~220 m de la base des dépôts Om ; (2) la Vesdre qui a dû couler de 270 à 235 m à l’aplomb de Chênée/Liège a pu se déverser dans ce chenal et emprunté ainsi un itinéraire vers le Limbourg néerlandais méridional, en passant à un moment de son incision à ~240 m à Trois Cheminées. Dans cette façon de voir, la faible granularité du cailloutis de Trois Cheminées serait ainsi justifiée par un cours d’eau sub-parallèle au littoral en régression, et de ce fait en pente très faible. Le déversement de l’Ourthe dans ce chenal aurait suivi à un niveau indéterminable, mais postérieur à la T. de Sart Tilman-Rocourt (Graviers liégeois). La Meuse se serait déversée à son tour dans ce chenal au niveau de la T. de Beyne, voire Bois-de-Breux 1. Dans cette façon de voir, on devra un jour se poser la question de savoir si les cailloutis de Waubach 1/2/3 peuvent s’intégrer dans ce modèle.

4. Conclusion

70Les modèles de terrasses de la Meuse qui ont été élaborés antérieurement sont basés quasi uniquement sur la méthode du raccord, de proche en proche, de l’altitude de la base de lxtf. Toutefois, cette donnée fondamentale n’a jamais été disponible pour tous les lxtf pris en considération, et lorsqu’elle est rapportée, la façon dont elle été obtenue n’est jamais précisée. Il semble qu’il se soit agi essentiellement d’estimations, voire de lectures très approximatives faites sur des cartes topographiques et/ou géologiques. Dans le présent travail, des données altimétriques aussi précises que possible ont été établies tant pour la base que pour le sommet des cailloutis. Il ressort ainsi que c’est une pente de 35 cm/km qui conduit au raccord le plus rationnel des lxtf et à un modèle comprenant 8 hautes terrasses. Il conduit également à un raccord satisfaisant avec les terrasses connues à l’entrée de la vallée de la Meuse orientale. En diminuant cette pente, le nombre des hautes terrasses n’augmenterait que d’une unité, mais cette approche ferait passer les plus hautes terrasses de la Basse-Meuse plus haut que le complexe de terrasses de Kosberg, ce qui est difficilement acceptable d’un point de vue sédimentologique.

71Les données sédimentologiques rapportées dans ce travail ont la prétention de combler partiellement une lacune généralisée inhérente aux travaux antérieurs. Elles montrent tout d’abord l’originalité du cailloutis de Trois Cheminées qui doit appartenir à un écoulement antérieur à celui de la Meuse, et qui suscite la réflexion sur le cours d’eau responsable de la mise en place des lxtf de Waubach/Ubagsberg.

72Dans la série des terrasses mosanes étudiées, un changement de granularité est évident lorsque l’on confronte les valeurs propres aux cailloutis Onx du plateau de Hesbaye liégeoise à ceux de Beyne et Bois-de-Breux 1. Tous ces cailloutis sont situés dans la même tranche d’altitude, mais le basculement oblique de la vallée de la Meuse implique qu’ils ne devraient pas être synchrones (Juvigné et Houbrechts, 2020).

73L’accroissement attendu entre 170 et 180 m en conséquence du déversement de la Semois dans le bassin de la Meuse de Dinant, doit avoir été masqué par les apports de l’Ourthe. De la plus haute à la moins haute des terrasses étudiées, une faible diminution apparente de la granularité dans cette tranche de dénivelée doit être considérée comme un paradigme. Par contre, la diminution de la fréquence des galets de quartz au fil de l’incision est confirmée et quantifiée, elle est en relation avec l’épuisement progressif des altérites à quartz en Haute Belgique et avec l’amputation continue des nappes de graviers Onx du plateau de Hesbaye et de l’interfluve Meuse-Ourthe. Les indices d’émoussé montrent clairement la double provenance des galets de quartz : (1) très émoussés du plateau de Hesbaye ; (2) à émoussé sommaire de la Haute Ardenne, de l’interfluve Ourthe-Meuse et de trois Cheminées. L’association de minéraux denses transparents (de 75 à 355 µm) est globalement stable dans toute la série des terrasses étudiées et elle traduit essentiellement la présence dominante de sable repris aux dépôts oligocènes marins.

5. Discussion

74Dans ce dernier chapitre, les différents modèles de hautes terrasses mosanes de la Basse-Meuse vont être confrontés à celui qui vient d’être proposé. Tous les cailloutis impliqués dans cette discussion sont représentés à l’altitude correspondant à nos mesures (Fig. 11). Les cailloutis relevant du réseau hydrographique primitif au niveau des plateaux à l’amont immédiat de Liège ont été ajoutés au présent modèle, dans la mesure où des corrélations ont été proposées avec des terrasses à l’amont de la Basse-Meuse. En conséquence du basculement oblique vers le NO de la vallée de la Meuse, seuls les lxtf du flanc droit de la vallée qui se trouvent à l’aplomb d’une même isohypse de la base des sables Om peuvent être pris en considération pour envisager un raccord géométrique (cf. supra). Il se fait que les lxtf de Graviers liégeois de Boncelles et de Sart Tilman, les lxtf de hautes terrasses de la Basse-Meuse et celui de Trois Cheminées sont pratiquement dans cette situation. Les cailloutis du plateau de Hesbaye liégeoise n’ont aucun prolongement sur le flanc gauche de la vallée actuelle et en fonction du basculement précité, une corrélation particulière avec les hautes terrasses du site de référence de Bois-de-Breux a été tentée par Juvigné et al. (2021b).

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Figure 11 : Nouveau modèle pour les hautes terrasses de la Basse-Meuse, complété par les cailloutis existant sur les plateaux à l’amont immédiat de Liège.

5.1. Le modèle de Briquet

75Briquet (1907) produit une carte de localisation de tous les lxtf de la Basse-Meuse et il construit un modèle en quatorze niveaux de Liège à Sittard (Fig 12b). Le principe du raccord est basé sur le maintien d’une dénivelée presque constante par rapport à la plaine d’inondation. Les altitudes rapportées pour la base des lxtf sont partielles et approximatives. La terrasse la plus basse qui traverse le domaine revisité est la T. de Klimmen.

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Figure 12 :Le modèle de Briquet (1907 ; avec ajouts pour faciliter la lecture). (A) Localisation des lxtf pris en considération par l’auteur. Explication : une même couleur a été attribuée aux lxtf appartenant à une même haute terrasse et les flèches suivent l’itinéraire vers le site de référence. (B) Les quatorze niveaux de terrasse. Explication : le cadre en trait interrompu rouge correspond au domaine que nous revisitons ; les couleurs désignent les mêmes terrasses que dans la figure A.

76La comparaison du modèle de Briquet (op. cit.) avec le nôtre peut être réalisée de deux façons : (1) par scannage et adaptations à nos coordonnées (Fig. 12A) ; (2) en redessinant le profil de la base de chaque terrasse suivant les localités où se trouvent les lxtf nommés dans le texte (Fig. 12B). Dans l’un et l’autre cas, la pente des terrasses est très nettement supérieure à celle de notre modèle (35 cm/km) : pour la T. de Huls (115 cm/km) et pour la T. de Klimmen (137 cm/km). Ce n’est que plus tard que Lorié (1919) allait identifier les Graviers liégeois qui excluaient l’existence de la Meuse à l’aval de Liège plus haut que ~200 m d’altitude. Les commentaires qui suivent seront limités aux terrasses de la Basse-Meuse dont l’altitude est inférieure à 200 m.

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Figure 13 : Le modèle de Briquet revisité en fonction de la position réelle des cailloutis des lxtf de hautes terrasses de la Basse-Meuse. (A) Superposition du modèle de Briquet sur le nôtre. Explication la partie revisitée du modèle de Briquet a été scannée et adaptée aux échelles de notre modèle. Abréviations : H = T. de Huls ; L = T. de Landraad ; C = T. de Crapoel ; M = T. de Margraten ; S = T. de Sibbe ; K = T. de Klimmen. (B) Profil des terrasses de Briquet (trait noir gras et interrompu) passant par les bases de cailloutis des localités citées par l’auteur (croix rouges).

5.1.1 Adaptation via scannage

77Les quatre plus hautes terrasses (Huls, Landraad, Crapoel et Margraten) se présentent très nettement au-dessus de leurs lxtf de référence (Huls= Ubasberg ?, Landraad= Kosberg ?), mais il faut rappeler que l’auteur a transféré les terrasses à l’aplomb de Maastricht.

78La T. de Sibbe passe à quelques mètres de la base des lxtf de BdB3, Saive, Barchon, Mortroux et Margraten (plutôt que Sibbe).

79La T. de Klimmen intègre les lxtf de Trembleur et de Mortier et poursuit vers Sibbe (plutôt que Klimmen).

5.1.2. Raccord des lxtf de proche en proche

80Les Terrasses de Huls (Ubagsberg ?), Landraad (Kosberg ?), Crapoel et Margraten présentent un accroissement de pente interpellant, entre le dernier cailloutis de la Basse-Meuse (Mortroux) et l’entrée de la vallée de la Meuse orientale. Toutefois, elles ne sont soutenues chacune que par un ltf exigu (non retrouvé) à l’extrême aval de la Basse-Meuse (interfluve Berwinne-Voer) et elles ne sont plus déplacées à l’aplomb de Maastricht.

81Le profil de la T. de Klimmen s’appuie sur les lxtf suivants dans la Basse-Meuse : « S. de Crotteux, plateau de Mons et Rengisart.- Rabosée (Wandre), Chefneux, fort de Barchon… ».

82Le profil de la T. de Sibbe s’appuie sur les lxtf de « …N. de Croteux (Mons).- Les Bruyères (Jupille).- La Xhavée (Wandre).- La Waide, Cortil (Trembleur).- ? Groupe à l’W de Verte Haie (NDR : NO de Trois Cheminées).-….. ».

83L’altitude du ltf de Barchon étant surestimée, ce ltf aurait dû faire partie de la T. de Sibbe pour éviter l’irrégularité constatée.

5.2. Le modèle de Macar (1938, 1957)

84Le modèle de Macar tient en deux publications distinctes. Macar (1938) reprend la carte de Briquet en y apportant des modifications mineures (Fig. 14A). Il élabore un profil transversal de référence passant par Maastricht (Fig. 14B). Il estime l’altitude des terrasses à Maastricht sans justification, ni de l’altitude de la base des lxtf dans leurs localités respectives, ni de la méthode utilisée pour les transférer dans le site de référence. Macar (1957) produit un profil longitudinal des terrasses de la Basse-Meuse (Fig. 14C) à la faveur d’une synthèse qui intègre les terrasses de l’Ourthe inférieure (Ek, 1957) et de la Vesdre (Chapelier, 1948, 1957). Son objectif majeur est d’assurer le meilleur raccord possible entre les terrasses de l’Ourthe et de la Meuse à Liège, et il utilise pour ce faire les imprécisions et lacunes qui existent dans la connaissance de l’altitude des lxtf.

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Figure 14 : Les terrasses de la Meuse à l’aval de Liège ainsi que celles de l’Ourthe et de la Vesdre inférieures. (A) Localisation des lxtf. Explication : il n’y a que deux niveaux de terrasse impliqués dans le domaine que nous revisitons : la T.nT. n°6 et la T.nT. n°7. (B) Coupe type passant par Maastricht sur laquelle les deux terrasses impliquées sont mises en exergue par les couleurs attribuées dans la figure A. (C) Modèle des terrasses de la Meuse à l’aval de Liège ainsi que celles de l’Ourthe de la Vesdre inférieures. Explications : le rectangle en trait interrompu rouge délimite le domaine des terrasses revisitées.

85Sur la carte de localisation des lxtf (Fig. 14A) : (1) le ltf de BdB3, dont l’existence est avérée sur la carte géologique et celle de Briquet, n’est pas repris ; (2) un seul ltf englobe les cailloutis de La Xhavée et de Rabosée, pourtant distincts selon Briquet (et dans le présent travail) ; (3) le ltf de Housse est introduit et l’auteur rapporte l’altitude de la base à ~153 m ; (4) un ltf de la T n° 7 est signalé dans le village de Blégny, mais il n’a pas été retrouvé ; (5) pour le cailloutis du ltf de Trembleur, l’auteur rapporte l’altitude « dégressive à 160 m à l’amont (sud) et 154 m à l’aval (nord) », mais ces valeurs ne sont pas justifiées ; (6) à Mortier un ltf de la T n° 7 est dessiné, mais il s’agit d’un replat à ~175 m où la présence de galets n’est toujours pas avérée (cf. supra).

86Sur le modèle, il n’y a que trois lxtf pris en considération pour construire les deux terrasses qui traversent la Basse-Meuse (Fig. 14C) : (1) pour la T n° 7 (T. de Margraten), ceux de Rabosée-La Xhavée et Barchon (un même trait) et celui de Mortroux, tandis que deux lxtf intermédiaires sont ignorés (Blégny-village et Mortier-175 m) ; (2) pour la T n° 6, les lxtf de Trembleur et Mortier semblent groupés sur un même trait.

87Les terrasses n°8 (T. de Crapoel) et n°9 (T. de Kosberg) n’ont aucun ltf identifié dans la Basse-Meuse.

88En scannant les deux terrasses T n° 6 et T n° 7 et en les superposant à notre modèle, on obtient la figure 15.

89La T n° 6 (T. de Sibbe) est censée passer par les lxtf de Housse (b150 ; s155), Trembleur et Mortier, mais l’écart est interpellant dans tous les cas. A hauteur de Blégny-Trembleur, la base est annoncée inclinée de 160 à 154 m, mais elle est dessinée ~10 m plus bas. A l’aval immédiat de Trembleur, une double inflexion se présente, qui n’est pas justifiée par l’auteur. Dans l’ensemble, la T n° 6 recoupe trois des terrasses de notre modèle : BdB3, Barchon et Saint-André.

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Figure 15 : Intégration dans notre modèle des terrasses n°6 (T. de Sibbe) et n°7 (T. de Margraten) de Macar (1957).

5.3. Le modèle de Pissart (1974)

90Il s’agit de l’intégration de travaux concernant les terrasses de la Meuse, réalisés séparément : (1) par Pissart (1961), depuis Charleville-Mézières jusqu’à Namur ; (2) par Clairbois (1957, 1959) depuis Anseremme (lez Givet) jusqu’aux portes de Liège ; (3) par Macar (1957), depuis Liège jusqu’à Maastricht ; (4) par Paulissen (1973), à travers le Limbourg belge. Ce travail a été réalisé de façon synchrone avec deux autres synthèses publiées dans le même fascicule : (1) par Macar (1974), sur la « Traînée mosane aux environs de Liège » ; (2) par Zonneveld (1974), sur les terrasses de la Meuse dans le Limbourg néerlandais. Dans son travail, Pissart recherche la meilleure façon de raccorder les modèles impliqués, mais il n’apporte aucune observation personnelle, qu’elle soit de terrain ou de laboratoire. Les imprécisions et lacunes qui existent dans la connaissance de l’altitude des lxtf facilitent également les déformations des modèles originaux. En scannant l’extrait de son modèle (Fig. 16A) et en le superposant au nôtre, on obtient la figure 16B.

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Figure 16 : Comparaison du modèle de Pissart (1974) avec le nôtre pour les hautes terrasses de la Basse-Meuse. (A) Extrait du modèle original de Pissart (1974, Fig. 6) avec dans le cadre rouge le domaine revisité. (B) Position des hautes terrasses n°7 et n°8 dans notre modèle.

91Les traits dessinés par l’auteur sont censés correspondre à la base des lxtf, mais ni l’un ni l’autre ne s’accommode des altitudes réelles.

92Les deux terrasses sont pratiquement horizontales, d’un bout à l’autre de la Basse-Meuse.

93Entre Namur et Liège, l’auteur a transformé, sans justification, le basculement vers l’ouest de l’axe sambro-mosan (cf. supra) pour en faire une déformation anticlinale.

94-.À l’amont immédiat de Liège, la base de la terrasse la plus élevée (T n°8) se trouve à ~173 m, soit une dizaine de mètres plus bas que la T. de Mons-Crotteux, alors que Macar (1974) décrit dans le même fascicule deux niveaux de la Traînée mosane : (1) la T. de Mons-Crotteux (Arbre Saint-Michel) dont le cailloutis est entre 183 et 187 m ; (2) la T. de l’Aérodrome (Rondpéry) dont le cailloutis est entre 195 et 200 m. La raison de cette différence est donc interpellante.

5.4. Le modèle de Felder et Bosch (1989)

95Felder et Bosch (1989) ont produit une carte des terrasses du Limbourg qu’ils ont prolongée en Basse-Meuse. Ils y ont représenté des lxtf d’une seule haute terrasse (Fig. 17A), à savoir la T. de Simpelveld. Le ltf le plus méridional de la série est parfaitement identifiable, il s’agit des lxtf de Blégny-Mine-Trembleur pour lesquels les auteurs rapportent deux altitudes ([151 m et 165 m] ±2 m, DNG) dont la source est introuvable et dont aucune ne correspond à la position des cailloutis. Les autres lxtf de cette terrasse unique ne se trouvent pas à l’altitude des cailloutis existant sur chaque interfluve et dont on a montré plus haut qu’ils relevaient de terrasses différentes. Aucun livret explicatif n’accompagne cette carte.

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Figure 17 : (A) Les lxtf attribués à la T. de Simpelveld par Felder et Bosch (1989) en Basse-Meuse. (B) Profils possibles de cette terrasse d’après les altitudes de la base lues sur la carte.

5.5. Le modèle de Juvigné et Renard (1992)

96Juvigné et Renard (1992) produisent un modèle de terrasse de la Basse-Meuse dans lequel les hautes terrasses sont en contre-pente, jusqu’au niveau de la capture de la Meuse orientale (Fig. 18A). Ce modèle appelle les commentaires qui suivent. (1) Le ltf de Rocourt (190 m) est attribué erronément à la Traînée mosane puisqu’il s’agit de Graviers liégeois (Lorié, 1919 ; Juvigné et al., 2021a et 2021b). (2) La contre-pente de la Traînée mosane est basée sur une relation sédimentologique avec le cailloutis de l’Ubagsberg, évoquée par Macar et Meunier (1955) et confortée par la contre-pente attribuée à la T. de Simpleveld, par Felder et Bosch (1989). (3) L’altitude de la base de plusieurs lxtf ne correspond pas avec les valeurs produites dans le présent travail. (4) On ne peut plus établir de corrélation géométrique entre les lxtf du flanc gauche (Traînée mosane) et du flanc droit (les lxtf étudiés dans le présent travail). Dans la catégorie des détails : (i) les lxtf CI160 (Citadelle Liège), LM193 (La Motte/Saive), Ba185 (Barchon) ont été reconnus obsolètes, respectivement par Pirson et al. (2022), Juvigné et al. (2022a, ce fascicule), Juvigné et al. (2022a) ; (ii) les lxtf des interfluves entre les ruisseaux de Richelette (Blégny) et d’As (Mortroux) connus de Briquet ont été ignorés.

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Figure 18 : (A) Le modèle des hautes terrasses en relation avec la Meuse orientale, selon Juvigné et Renard (1992). (B) Profil de ces terrasses dans le nouveau modèle.

5.6. Le modèle de Pissart et al. (1977a)

97Il s’agit à nouveau de l’intégration de différents travaux concernant les terrasses de la Meuse : (1) par Harmand (1989), pour la Lorraine/France ; (2) par Pissart et al. (1997b), qui produisent d’importantes données morpho-sédimentaires complémentaires sur la Meuse de Charleville jusqu’à Givet ; (3) par Pissart (1961), pour le tronçon de Givet à Namur ; (4) par Clairbois (1957, 1959), depuis Anseremme (lez Givet) jusqu’aux portes de Liège ; (3) par Juvigné et Renard (1992), pour le tronçon à l’aval de Liège. Étant le dernier en date, ce modèle fait autorité par tradition. Toutefois dans la Basse-Meuse au-delà des réserves formulées ci-dessus au travail original de Juvigné et Renard (op. cit.), on peut mettre en garde sur le fait que Pissart et al. (1997a) modifient partiellement le modèle, sans apporter de données originales ni de justification. Il semble que leur objectif majeur soit de ne pas trop augmenter le nombre maximal de terrasses admis depuis Macar (1938) et Pissart (1974). En scannant l’extrait du profil original des auteurs et en le superposant à notre modèle, on obtient la figure 19.

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Figure 19 : Comparaison du modèle de Pissart et al. (1997a) pour les hautes terrasses de la Basse-Meuse avec le nôtre. (A) Extrait du modèle original de Pissart (1997a, Fig. 2) avec dans le cadre rouge le domaine revisité. (B) Position des hautes terrasses selon Pissart et al. (1997a) dans notre modèle. Explications : (1) les traits rouges sur la figure B correspondent exactement aux traits noirs de la figure A ; (2) l’auteur introduit une nomenclature personnelle pour les terrasses.

5.6. Modèles de hautes terrasses de la Basse-Meuse : résumé

98Depuis Briquet (1907), les modèles de hautes terrasses de la Basse-Meuse ont eu la prétention d’être construits en raccordant l’altitude des bases de lxtf. En réalité, cette donnée fondamentale n’a jamais été disponible que pour quelques lxtf, et encore s’est-il agi de valeurs très approximatives, estimées au départ de l’altitude de la surface topographique et de l’épaisseur supposée du cailloutis, voire de ses terrains de couverture. Quant aux synthèses dont l’objectif majeur a été d’adapter les profils à la transition d’un tronçon à son suivant, elles ont toujours utilisé les incertitudes précitées, pour effectuer les ajustements sans vérification. On ne s’étonnera pas que maintenant que l’on dispose de l’altitude de la base et du sommet de chaque cailloutis, les profils précités ne passent que rarement par les bases connues.

99Par ailleurs, les lxtf de toutes les terrasses de la Basse-Meuse qui trouvent leur prolongement dans la vallée de La Meuse orientale sont alignés sur la retombée occidentale du Plateau de Herve. Nous avons indiqué plus haut que la largeur de la plaine d’inondation de la Meuse est en relation avec la nature des terrains sous-jacents. Dans la mesure où la T. de Barchon-Simpelveld reposait sur des terrains crétacés dès l’aval de Barchon, on peut prolonger jusqu’à Barchon la largeur de la terrasse constatée à l’entrée de la vallée morte. À l’amont de Barchon où la terrasse se trouve sur des terrains houillers, on peut en diminuer la largeur. Dès lors, on obtient la représentation de la figure 20. De plus, c’est dans la région de Fouron-le-Comte (ou à l’amont) que le déversement a dû avoir lieu pour rejoindre le ltf de Simpelveld 2.

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Figure 20 : La route de la Basse-Meuse primitive en direction de la vallée de la Meuse orientale. Légende : 1 = lxtf de terrasses antérieurs à la T. de Barchon-Simpelveld 1 ; 2 = T. de Barchon-Simpelveld 1 dont la largeur est déduite de celle existant à l’entrée de la vallée de la Meuse orientale (dans les terrains du Crétacé) et le rétrécissement à Barchon est supposé par le fait qu’à ce niveau la Meuse passait des terrains du Houiller à ceux du Crétacé ; 3 = lxtf de terrasses postérieurs à la T. de Barchon-Simpelveld 1 ; 4 = largeur de la T. de Barchon-Simpelveld 1 ; 5 = premier cours de la Meuse occidentale immédiatement après le déversement de la Meuse orientale. Explication : la T. de Barchon-Simpelveld 1 évite les ltxf plus anciens et les zones d’altitude plus élevée, mais peut se trouver au droit de lxtf plus récents ; la première terrasse de la Meuse occidentale doit nécessairement passer par les lxtf de Simpelveld 2 (cf. Van den Berg, 1996).

6. À propos de l’âge des hautes terrasses de la Basse-Meuse

100Le présent travail n’apporte aucune donnée originale en la matière. Il ne peut donc qu’importer, en fonction des raccords proposés, les modèles qui existent pour les terrasses du Limbourg néerlandais. Du tableau 1, il ressort que l’entrée en scène de la Basse-Meuse (et de la Meuse limbourgeoise) remonterait à ~3Ma et que l’abandon de la Meuse orientale aurait eu lieu il y a ~2 Ma.

Tableau 1 : Âge estimé des terrasses du Limbourg néerlandais, appliqué aux terrasses de la Basse-Meuse. L’abandon de la vallée de la Meuse orientale correspond au passage de la T. de Simpelveld 1 à celle de Simpelveld 2.

Terrasse

Felder & Bosch

Van den Berg

Terrasse

Limbourg NL

(1989) (106 ans)

(1996) (106 ans)

(Basse-Meuse)

Waubach 1

3.98

Sans objet

Waubach 2

3.3

Sans objet

Waubach 3

3.14

Sans objet

Kosberg 1

?

3.04

Beyne

Kosberg 2

?

2.94

BdB1

Kosberg 3

2.25-2.13

2.81

BdB2

Crapoel

2.7-2.1

2.69

BdB3 ?

Noorbeek

1.95-1.92

2.44

BdB3 ?

Simpelveld 1

1.85-1.75

2.14

Barchon

Simpelveld 2

2.06

Saint-André

101Se pose alors la question de l’âge du cailloutis de Trois Cheminées. En l’attribuant à la Vesdre primitive qui coulait parallèlement au rivage de la mer oligocène en régression, la question se pose de savoir si le sable Om de Trois Cheminées relève de la transgression tongrienne et/ou chattienne. Dans un travail de synthèse consacré à cette question, Dusar et al. (2022) évoquent les sites de sable Om les mieux documentés et concluent à la bipartition. Toutefois, le sable de Trois Cheminées (et celui probablement corrélatif de Romont rapporté par Juvigné, 1992) n’ont pas été étudiés. Il nous resterait alors à nous rallier à la falaise marine miocène du Limbourg méridional décrite par Van den Berg (1996) qui en estime l’âge à 13,8 Ma.

7. Conclusion

102Les travaux récents sur le basculement oblique de la Basse-Meuse montrent que les terrasses des flancs opposés de la vallée, qui se trouvent à une altitude identique, sont d’autant moins synchrones qu’elles sont élevées. Toutefois, tous les lxtf qui se trouvent au droit d’une même isohypse de la base du sable Om restent corrélables par la méthode de proche en proche, ce qui est le cas pour les cailloutis des hautes terrasses du flanc droit de la vallée, depuis l’interfluve Meuse-Ourthe (Boncelles et Sart Tilman) jusqu’à Trois Cheminées/Warsage.

103En matière de modèle de haute terrasse de la Basse-Meuse, c’est la première fois que tous les lxtf existant sont revisités, voire visités, avec le souci de mesurer l’altitude (base et sommet) des cailloutis et d’en rapporter des données sédimentologiques. De la sorte, un modèle dûment argumenté est construit. C’est en adoptant une pente longitudinale de 35 cm/km que l’on obtient des profils qui permettent de poursuivre les terrasses mosanes les plus élevées dans la Meuse orientale, en accord avec la position des terrasses qui y sont bien connues. Il en découle que c’est maintenant la T. de Barchon-Simpelveld 1 qui a subi le déversement responsable de l’abandon de la vallée de la Meuse orientale. Après la capture, le rétablissement du profil d’équilibre n’aurait été acquis qu’au niveau de la T. de Rabosée-Margraten.

104Les données sédimentologiques permettent de confirmer le raccord entre les plus hautes terrasses de la Basse-Meuse et le complexe de terrasses de Kosberg. Aucune clef stratigraphique ne permet de nuancer les raccords géométriques proposés. Néanmoins, plusieurs enseignements peuvent être dégagés. Les changements granulométrique et pétrographique, bien connus dans la région d’Andenne à Huy à 175 m et attribué à la capture de la Semois, n’apparaissent pas dans la Basse-Meuse ; ils doivent avoir été masqués par les apports de l’Ourthe. Quant à l’étude des galets de quartz de 8 à 16 mm, elle a montré que : (1) les nappes de gravier Onx du plateau de Hesbaye contribuent davantage que l’Ourthe-Vesdre à alimenter les hautes terrasses de la Basse-Meuse ; (2) la fréquence de ce type de galets diminue de ~80 %, dans la nappe la plus élevée (dépôt d’estran de Rondpéry/Liège Airport), à ~12 % dans la plaine alluviale. Actuellement, la Vesdre n’en apporte pratiquement plus et l’Ourthe les reçoit principalement des Graviers liégeois de l’interfluve Meuse-Ourthe.

105Sur ~5000 mdt répartis dans tous les lxtf étudiés, aucune amphibole n’a été trouvée, ce qui laisse penser que la Meuse lorraine ne s’était pas encore déversée dans la Meuse de Dinant, au niveau de la plus basse terrasse étudiée (T. de Rabosée [b159 ; s165]).

106Le cailloutis de Trois Cheminées à 240 m d’altitude appartient à un écoulement antérieur à l’existence de la Basse-Meuse ; il devrait impliquer la Vesdre primitive lorsqu’elle passait à Chênée/Liège entre 270 et 235 m.

107En confrontant les modèles antérieurs à la position mesurée des cailloutis de chaque ltf, on peut constater qu’en général, la base des terrasses proposées dans les travaux antérieurs ne passe pas par les positions avérées, ce qui rend notamment obsolète le dernier modèle de synthèse en date.

8. Bibliographie

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132Juvigné, E., Marion, J.-M., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2020a). La dispersion des quartz des Hautes Fagnes par des rivières ardennaises. Hautes Fagnes, 320 : 9-14.

133Juvigné, E., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2020b). Changement pétrographique majeur dans les hautes terrasses de la Meuse entre Namur et Huy (Belgique) à la suite de la capture de la Semois. Bulletin de la Société géographique de Liège, 75 : 5-27.

134Juvigné E., Houbrechts G. et Van Campenhout J., (2020c). A propos d’un changement pétrographique majeur dans les terrasses de la Meuse entre Namur et Huy (Belgique) : de la Meuse de Dinant à la capture de la Semois. Rapport de travail. Site institutionnel de l’Université de Liège (Orbi). (Compléments en relation avec l’article : « Juvigné E., Houbrechts G. et Van Campenhout J., 2020b. Changement pétrographique majeur… ». http://hdl.handle.net/2268/244521

135Juvigné, E. et Houbrechts, G. (2020). Remise en question de l’âge de la capture de la Meuse lorraine à la lumière de la répartition des amphiboles des Vosges dans les terrasses mosanes. Bulletin de la Société géographique de Liège, 75 : 29-47.

136

137Juvigné, E., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2021). De l’Ourthe primitive à la Meuse primitive en Basse-Meuse liégeoise: généralités et données. Bulletin de la Société Royale des Sciences de Liège, 90 - Année 2021, Articles, 249 – 287.

138URL :.

139

140Juvigné, E., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2021) De l’Ourthe primitive à la Meuse primitive en Basse-Meuse liégeoise : modèle et discussion. Bulletin de la Société Royale des Sciences de Liège, 90 - Année 2021, Articles, 288 - 316.

141URL : https://popups.uliege.be/0037-9565/index.php?id=10603

142Juvigné, E., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2022). La paléo-vallée de Barchon : de sa genèse jusqu’au lambeau de terrasse. Bulletin de la Société géographique de Liège, 78 : 15-37.

143Juvigné, E., Houbrechts, G. et Van Campenhout, J. (2022). Les terrasses de la Basse-Meuse liégeoise primitive jusqu’à l’abandon de la vallée de la Meuse orientale. Première partie, généralités et résultats. Bulletin de la Société Royale des Sciences de Liège - Année 2022, Articles, ce fascicule.

144Lorié, J. (1919). Le Diluvium ancien de la Belgique et du Nord de la France. Annales de la Société géologique de Belgique, 62 : M 221-409.

145Macar, P. (1938). Compte rendu de l’excursion du 24 avril 1938, consacrée à l’étude des terrasses de la Meuse entre Liège et l’Ubagsberg (Limbourg hollandais). Annales de la Société géologique de Belgique, 61 : B187-217.

146Macar, P. (1957). Résultats d’ensemble d’études sur les terrasses fluviales et les formes du relief associées en Haute Belgique. Annales de la Société géologique de Belgique, 80 : B 395-412.

147Macar, P. et Meunier, J. (1955). La composition lithologique de la « Traînée mosane » et ses variations. Annales de la Société géologique de Belgique, 78 : B 63-87.

148Macar, P., 1974. La Traînée mosane aux environs de Liège. Compte-Rendu de l’excursion de mercredi 11 septembre 1974. In, L’évolution quaternaire des bassins fluviaux de la Mer du Nord méridionale, Centenaire de la Société géologique de Belgique, 1974 : 291-296.

149Mouchamps, L. (1927). Les terrasses de la Meuse et de la Sambre. Université de Liège, Laboratoire de Géographie, Thèse de Doctorat, inédite, 133 pages.

150Mouchamps, L. (1933). Les terrasses de la Meuse et de la Sambre. Annales de la Société géologique de Belgique, 82 : B 213-233.

151Paulissen, E. (1973). De Morfologie en de kwartairstratigrafie van de Maasvallei in Belgisch Limburg. Verhandelingen van de Koninklijke Vlaamse Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van Belgie, klasse der Wetenschappen, jg. 35, n° 127, Brussel.

152Pirson, S., Juvigné, E., Spagna, P., Théry, M. et Van der Sloot, P. (2022). Liège/Liège : intervention géoarchéologique au Centre hospitalier régional de la Citadelle. Chronique de l'Archéologie wallonne, 29, p. 113-120

153Pissart, A. (1961). Les terrasses de la Meuse et de la Semois. La capture de la Meuse de la Meuse lorraine par la Meuse de Dinant. Annales de la Société géologique de Belgique, 84 : 1-108.

154Pissart, A. (1974). La Meuse en France et en Belgique. Formation du bassin hydrographique. Les terrasses et leurs enseignements. In, L’évolution quaternaire des bassins fluviaux de la Mer du Nord méridionale, Centenaire de la Société géologique de Belgique : 105-131.

155Pissart, A., Harmand, D. et Leendert, K. (1997a). L’évolution du cours de la Meuse de Toul à Maastricht depuis le Miocène: corrélations chronologiques et traces des captures de la Meuse lorraine d’après les minéraux denses. Géographie physique et Quaternaire, 51 : 267-284.

156Pissart, A., Krook, L. et Harmand, D. (1997b). La capture de l’Aisne et les minéraux denses des alluvions de la Meuse dans les Ardennes. Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences de Paris. Sciences de la Terre et des planètes, 325 : 411-417.

157Van den Berg, M. (1996). Fluvial sequences of the Maas: a 10 Ma record of neotectonics and climate change at various time-scales. Ph.D. Thesis, University of Wageningen, The Netherlands.

158Van Straaten, L. M. J. U., 1946. Grindonderzoek in Zuid-Limburg. Medel. Geol. Stichting, ser. C, VI, n° 2, 146 p.

159Zonneveld, J.S. (1949). Zand-petrologische onderzoekingen in de terrassen van Zuid-Limburg. Med. Geol. Stichting N.S., 3: 103-123.

160Zonneveld, J.I.S., 1974. The Terraces of the Maas (and the Rhine) downstream of Maastricht. In, L’évolution quaternaire des bassins fluviaux de la Mer du Nord méridionale, P. Macar, éd., Centenaire de la Société géologique de Belgique, Liège, 34-57.

Extraits de cartes

161Images LIDAR, Relief de la Wallonie- Modèle numérique de Terrain (MNT) 2013-2014-Hillshade (WalOnMap).

162https://geoportail.wallonie.be/walonmap#BBOX=233137.85028839725,234745.19725309117,147716.1486847327,148495.34815979833

163Carte géologique de la Belgique, planchette de Dahlem n°122, Institut cartographique militaire, Forir (1896), Bruxelles.

164Archives du Service géologique de Belgique (SGB), rue Jenner 13, Bruxelles. https://gisel.naturalsciences.be/gisel/gisel.html

165Deuxième nivellement général ; https://www.ngi.be/website/fr/deuxieme-nivellement-general/

166Projet informatique de Cartographie continue (PICC) ; https://geoportail.wallonie.be/walonmap#BBOX=-40250.87058674119,361585.8705867412,-25343.797053594113,169456.0717128101

Pour citer cet article

Étienne Juvigné, Geoffrey Houbrechts & Jean Van Campenhout, «De la Basse-Meuse primitive jusqu’à l’abandon de la vallée de la Meuse orientale – Second part: modelling and discussion», Bulletin de la Société Royale des Sciences de Liège [En ligne], Volume 91 - Année 2022, Numéro 1, 231 - 269 URL : https://popups.uliege.be/0037-9565/index.php?id=11095.

A propos de : Étienne Juvigné

ULiège, Département de Géographie, Quartier Village 4, Bâtiment 11 ; 4031 Liège, Belgique, ejuvigne@skynet.be

A propos de : Geoffrey Houbrechts

ULiège, Département de Géographie, Quartier Village 4, Bâtiment 11 ; 4031 Liège, Belgique

A propos de : Jean Van Campenhout

ULiège, Département de Géographie, Quartier Village 4, Bâtiment 11 ; 4031 Liège, Belgique