Lejeunia, Revue de Botanique Lejeunia, Revue de Botanique -  N° 175 (août 2004) 

CATALOGUE, ATLAS COMMENT COMMENTÉ ET MESURES DE CONSERVATION DES BRYOPHYTES DU BASSIN HYDROGRAPHIQUE DE LA SEMOIS (BELGIQUE,FRANCE)(suite 1)

 A. SOTIAUX
Collaborateur scientifique au Jardin Botanique National de Belgique et à l’Université de Liège, Institut de Botanique.Chaussée de Bruxelles, 676, B-1410 Waterloo, Belgique.
 A. VANDERPOORTEN
Chercheur qualifié du FNRS, Université de Liège, Institut de Botanique, B-22, Sart Tilman, B-4000 Liège, Belgique. Travail partiellement financé par la Région wallonne, Direction Générale des Ressources Naturelles et de l'Environnement, Service de la Conservation de la Nature. Convention C81.

1[avec la collaboration de O. et M. SOTIAUX]

2La répartition de chacune des 519 espèces recensées au cours du présent inventaire est présentée en annexe. L’examen de la répartition de la richesse floristique à l’échelle du bassin versant indique que le nombre d’espèces par carré varie de 101 à 262, avec une moyenne de 156 espèces par carré; quelque 15 % des carrés possèdent plus de 200 espèces (fig. 3). Ces chiffres correspondent à 9-69 hépatiques et anthocérotes par carré (moyenne de 32) et 83-193 mousses et sphaignes (moyenne de 127). Environ 20 % des espèces recensées ont une fréquence relative inférieure à 5 % et quelque 8 % ont une fréquence relative supérieure à 95 % des carrés étudiés (fig. 4).

3D’un point de vue qualitatif, 20 espèces (dont 5 non revues) sont reprises, à différents niveaux, dans la liste rouge des bryophytes européennes (tableau 3). Bien qu’il n’existe aucune relation entre ce nombre et la

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4Fig. 2. — Comparaison de la diversité spécifique de la flore bryophytique du bassin hydrographique de la Semois avec celle d’autres régions européennes. PSuissL : Petite Suisse luxembourgeoise (Grand-Duché de Luxembourg) (Hans, 1998); Oesling (Grand-Duché de Luxembourg) (Werner, 1996); BrabW : Brabant wallon (Belgique) (Sotiaux & Vander-poorten, 2001a); Bruxelles (Belgique) (Vanderpoorten, 1997); Soignes : forêt domaniale de Soignes (Belgique) (Sotiaux et al., 2000); Berks : Berkshire (Grande-Bretagne) (Bates, 1995); Surrey (Grande-Bretagne) (Gardiner, 1981); RheinL : Rheinland (Allemagne) (Düll, 1980); WestF : Westfalen (Allemagne (Düll, 1980); MP : Muddus National Park (Suède) (Sjörs & Een, 2000); ReinP : Rheinland-Pfalz (Allemagne) (Düll, 1980); NordW : Nordrhein-Westfalen (Allemagne) (Düll, 1980); GDLux : Grand-Duché de Luxembourg (Werner, 2003); ObersD : Oberstdorf Gorges (Allemagne) (ECCB, 1995); BernO : Bernese Oberland (Suisse) (ECCB, 1995); KleinM : Kleines Melchtal (Suisse) (ECCB, 1995); Arrabida : Parc National d’Arrabida (Portugal) (ECCB, 1995); BarrAlga : Barrocal Algarvio (Portugal) (ECCB, 1995); Peneda : Parc National de Peneda (Portugal) (ECCB, 1995); Kutsa (Russie) (ECCB, 1995); BrandB : Brandebourg (Allemagne) (Benkert, 1978); Belgique (Sotiaux & Vanderpoorten, 2001b); Sachsen (Allemagne) (Müller, 1995); Bucks : Buckinghamshire (Grande-Bretagne) (Gardiner, 1981); Herts : Hertfordshire (Grande- Bretagne) (Gardiner, 1981); Wilts : Wiltshire (Grande-Bretagne) (Stern, 2001); SchleH = Schleswig-Holstein (Allemagne) (Walsemann, 1982); MeckV :Mecklenbourg-Vorpom-mern (Allemagne) (Berg & Wiehle, 1991); NiederS : Niedersachsen (Allemagne) (Koper-ski, 1991); EEifel : Eifel oriental (Allemagne) (Düll, 1980); OEifel : Eifel occidental (Alle-magne) (Düll, 1980).

5superficie, le bassin hydrographique de la Semois se situe parmi les régions d'Europe qui possède le plus grand nombre d’espèces présentant un intérêt de conservation à l’échelle européenne (fig. 5). A l’échelle de la Belgique et du Nord de la France, 86 espèces sont rares à très rares (tableau 4). Parmi celles-ci, 17 espèces : Cephalozia catenulata, Cephaloziella spinigera, Jungermannia leiantha, Leiocolea heterocolpos, Plagiochila

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6Fig. 3. — Diagramme de fréquence du nombre d’espèces par carré IFBL de 16 km2 dans le bassin hydrographique de la Semois.

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7Fig. 4. — Diagramme de fréquence du pourcentage de présence spécifique dans les 110 carrés IFBL de 16 km2 du bassin hydrographique de la Semois.

8bifaria, Scapania gracilis, Anomodon rostratus, Brachythecium appleyardiae, Bryum gemmiparum, Cinclidium stygium, Grimmia elongata, Hypnum pratense, Meesia triquetra, Platydictya jungermannioides, Pohlia andalusica,Scleropodium touretii et Syntrichia princeps, ont leur aire de répartition actuellement connue en Belgique et dans le Nord de la France strictement restreinte au bassin hydrographique de la Semois.

9Tableau 3. Espèces de la liste rouge européenne (ECCB, 1995) signalées dans la Semois.

10* non revu au cours de cette étude.

11** espèce à rajouter dans la liste belge des espèces reprises dans la liste rouge européenne.

Espèce

Statut

*Cephaloziella elachista

Insufficiently known

Riccia huebeneriana

Rare

Anomodon rostratus

Rare

Brachythecium appleyardiae**

Vulnerable

Bryum tenuisetum

Insufficiently known

*Campylostelium saxicola

Rare

*Ephemerum sessile

Rare

Fissidens arnoldii

Rare

Fissidens monguillonii

Rare

Grimmia lisae**

Rare

Hamatocaulis vernicosus**

Insufficiently known

Leptodontium gemmascens

Rare

Orthotrichum consimile**

Insufficiently known

Orthotrichum rogeri**

Vulnerable

Orthotrichum scanicum**

Endangered

Orthotrichum sprucei

Rare

*Physcomitrium sphaericum

Rare

Pleuridium palustre

Rare

*Rhynchostegium rotundifolium**

Rare

Ulota rehmannii

Endangered

12L’examen du spectre phytogéographique, établi à partir de la classification de Düll (1983, 1984, 1985), montre que la flore du bassin hydrographique de la Semois est majoritairement représentée par les éléments tempéré (27,2 %), boréal (21,3 %) et subocéanique (17,9 %). Les autres éléments constitutifs de la flore, qui comprennent les éléments subarctique-(désub-)alpin, subboréal, subocéanique- (sub-)méditerranéen, océanique-(sub-)méditerranéen, océanique, euocéanique, subméditerranéen, subméditerranéen-(sub-)océanique et subcontinental, représentent chacun moins de 10 % (fig. 6).

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13Fig. 5. — Comparaison du nombre d’espèces de bryophytes de la liste rouge européenne (ECCB, 1995) avec celles d’autres régions européennes. D’après ECCB (1995) sauf pour le Grand-Duché de Luxembourg (Werner, 2003). Kill : Killarney (Irlande); Achill : Achill Isl. (Irlande); Gross : Grossglochner (Autriche); GDLux : Grand-Duché de Luxembourg; Krko : Krkonose Mts (République Tchèque); Beinn : Beinn-Eighe (Grande-Bretagne); Vysok : Vysoké Tatry Mts (Slovaquie); Sumava : Sumava Mts (République Tchèque); Glencoe (Grande-Bretagne); Hruly : Hruly Jesevik Mts (République Tchèque); Ben Nevis (Grande-Bretagne); Peneda : Parc National Peneda-Geres (Portugal); Estrela : Parc National Serra da Estrela (Portugal); Cairn : Cairngorns (Grande-Bretagne); Bullen : Ben Bullen (Irlande); Barrocal : Barrocal-Algarvio (Portugal); Lawers : Ben Lawers (Grande-Bretagne); Cabo : Cabo de Gata (Espagne); Vych : Vychodné Karpaty (Slovénie); Wadden : Wadden Isl. (Pays-Bas); Mamede : Parc National Serra de S. Mamede (Portugal); Arrabida : Parc National Arrabida (Portugal); Kutsa (Russie); Croupatier (France); Herce : Hercegnovi (Yougoslavie); Apuan : Apuan Alps (Italie); Melch : Kleines Melchtal (Suisse); Lohja (Finlande); Beseit : Pots de Beseit (Espagne); Bern : Bernese Oberland (Suisse); Lavna : Lavna-Tundra Mts (Russie); Pantel : Pantelleria (Italie); HFagnes : Hautes-Fagnes (Belgique); Taipal : Taipa-leensuo-Suurisuo-Raimansuo (Finlande); Talas : Talaskangas-Sopenmäki (Finlande); Buce-gi : Bucegi Mts (Roumanie); OberstG : Oberstdorf Gorges (Allemagne); Kauha : Kauhaneva-Pohjaukangas (Finlande).

14IV. DISCUSSION

15Evaluation de l’intérêt bryologique du bassin hydrographique de la Semois

16Diversité spécifique

17Avec un total de 568 espèces sur les 732 actuellement connues de Belgique (Sotiaux & Vanderpoorten, 2001 b), le bassin hydrographique de la Semois renferme (ou renfermait, compte tenu des disparitions) environ 80 % de la bryoflore belge, alors que la superficie consi-dérée n’occupe qu'en viron 5,7 % du pays.

18Tableau 4. Ré-évaluation, d’après notre base de données et les données récentes de la littérature, de la rareté des espèces de bryophytes recensées au cours du présent inventaire dans le bassin hydrographique de la Semois par rapport aux estimations de De Zuttere & Schumacker (1984) pour les mousses et Schumacker (1985) pour les hépatiques et les anthocérotes (voir texte pour détails et discussion pour chaque espèce). Les espèces présentant un intérêt de conservation à l’échelle européenne sont reprises dans le tableau 3. Les espèces en gras sont connues dans la dition uniquement du bassin de la Semois. Cephaloziella rubella, Fissidens rufulus et Bryum bornholmense ne sont pas repris dans ce tableau car leur statut en Belgique est encore méconnu en raison des problèmes liés à l’identification de ces espèces.

1. Espèces rares à très rares.

56 espèces reprises dans les catégories B (rare, en recul général, plus ou moins menacé de disparition) et C (rare, non menacé dans l’immédiat) pour les mousses et rare à très rare pour les hépatiques et anthocérotes : Barbilophozia kunzeana, Calypogeia suecica, Cephalozia lunulifolia, Cladopodiella fluitans, C. francisci, Cololejeunea calcarea, Fossombronia foveolata, Jungermannia atrovirens, J. caespiticia, J. hyalina, J. pumila, Kurzia pauciflora, Leiocolea heterocolpos, Lejeunea lamacerina, Lophozia incisa, L. longidens, Marsupella sphacelata, M. sprucei, Mylia anomala, Nardia geoscyphus, Plagiochila spinulosa, Preissia quadrata, Anomodon rostratus, Bartramia halleriana, Campyliadelphus elodes, Cinclidium stygium, Conardia compacta, Dicranum flagellare, D. fulvum, D. fuscescens, Discelium nudum, Distichium capillaceum, Eurhynchium angustirete, Fissidens osmundoides, F. rivularis, Grimmia crinita, G. decipiens, G. laevigata, G. ovalis, G. ramondii, G. torquata, Hypnumpratense, Leptodontium flexifolium, Meesia triquetra, Orthothecium intricatum, Orthotrichum rivulare, Plagiomnium medium, Plagiopus oederiana, Pseudobryum cinclidioides, Pterigynandrum filiforme, Ptilium cristacastrensis, Ptychomitrium polyphyllum, Rhizomnium pseudopunctatum, Sphagnum fuscum, S. warnstorfii, Tomentypnum nitens et Ulota coarctata.

1 espèce :Bryum gemmiparum, laissée en suspens pour des raisons de problèmes taxonomiques;

9 espèces : Jungermannia leiantha, J. subelliptica, Plagiochila bifaria, Riccia canaliculata, Platydictyajungermannioides, Scleropodium cespitans, S. touretii, Tortella nitida, Tortula canescens, considérées comme disparues, ont étéretrouvées mais restent très rares;

3 espèces : Dicranella subulata, Pohlia drummondii et Syntrichiaprinceps, reprises dans la catégorie D (méconnues);

7 espèces : Brachythecium campestre, Dicranum spurium, Drepanocladus polygamus, Gymnostomum calcareum, G. viridulum, Orthotrichum rupestre et Scorpidium scorpioides, non mentionnées par De Zuttere & Schumacker (1984);

10 espèces trouvées après 1985: Cephalozia catenulata, Cephaloziella spinigera, Lophozia grandiretis, L. perssonii, Radula lindenbergiana, Scapania gracilis, Fissidens celticus, Grimmia elongata, Pohlia andalusica et Rhytidiadelphus subpinnatus;

soit un total de 86 espèces.

2. Espèces reprises dans différentes catégories par De Zuttere & Schumacker (1984) mais ne pouvant pas être considérées comme rares à très rares.

Catégorie A : 1 espèce, Fissidens pusillus, auparavant considérée comme disparue, a été retrouvée en de multiples localités, surtout en Ardenne mais également en Brabant (Sotiaux & Vanderpoorten, 2001 a) et en région de Bruxelles-Capitale (Vanderpoorten, 1997);

Catégorie B : Metzgeria fruticulosa, M. temperata, Archidium alternifolium, Orthotrichum pulchellum O. speciosum, O. stramineum, Zygodon conoideus. Toutes ces espèces, à l’exception d’Archidium, sont desépiphytes en forte expansion (voir note sous Orthotrichum consimile) et sont devenues beaucoup plus fréquentes;

Catégorie C : Leiocolea badensis, Nowellia curvifolia, Riccia bifurca, Cryphaea heteromalla, Ephemerum serratum, Orthotrichum pumilum, Pohlia lutescens, Tortula protobryoides. Certaines espèces (Riccia bifurca, Ephemerum serratum, Pohlia lutescens, Tortula protobryoides) sont manifestement passées inaperçues. D’autres sont en expansion : Cryphaea heteromalla et Orthotrichum pumilum (épiphtytes, voir ci-dessus) ainsi que Leiocolea badensis, qui colonise des habitats de substitution calcaires (grès concassés des chemins forestiers, murs…) ;

Catégorie D: Pellia neesiana, Riccardia latifrons, Aphanorhegma patens, Bryum barnesii, B. gemmiferum, B. klinggraeffii, B. ruderale, B. subapiculatum, B. violaceum, Campylopus introflexus, Dialytrichia mucronata, Dicranella staphylina, Dicranum tauricum, Didymodon sinuosus, Ditrichum cylindricum, D. lineare, Entosthodon fascicularis, Fissidens exilis, F. incurvus, F. viridulus, Homomallium incurvatum, Orthodontium lineare, Orthotrichum obtusifolium, Platygyrium repens, Pohlia bulbifera, P. camptotrachela, P. lescuriana

Seligeria donniana, Syntrichia papillosa, S. virescens, Tortula marginata, Weissia longifolia et Zygodon rupestris. La plupart de ces espèces sont passées inaperçues, certaines d’entre elles (e.a. Bryum barnesii, B. ruderale, B. subapiculatum, Campylopus introflexus, Dicranella staphylina, Dicranum tauricum, Ditrichum cylindricum) étant très fréquentes en Belgique.

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19Fig. 6. — Spectre phytogéographique des bryophytes du bassin hydrographique de la Semois.

20A l’échelle européenne, les régions possédant une diversité floristique aussi importante comptent parmi celles qui sont les plus réputées pour la richesse de leur flore bryophytique. Le bassin hydrographique de la Semois apparaît donc comme l’une des régions possédant la diversité spécifique la plus élevée pour la Belgique et les régions voisines et une diversité comparable à celle des régions les plus riches d’Europe occidentale.

21Au sein de la région étudiée, la diversité par carré de 16 km2 varie de 101 à 262, avec une moyenne de 156 espèces. Ces valeurs sont difficiles à comparer à celles obtenues dans d’autres études similaires, en raison des différences dans les mailles cartographiques utilisées (le plus souvent 1 km2 au Grand-Duché de Luxembourg, 10 km2 en Angleterre et différentes grilles allant de 1 km2 à un peu plus de 100 km2 en Allemagne). A titre comparatif, néanmoins, la diversité de la Semois par carré de 16 km2 est presque double, en moyenne, de celle observée en Brabant wallon, où la diversité varie de 55 à 182 espèces pour 16 km2, avec une moyenne de 92 (Sotiaux & Vanderpoorten, 2001 a).

22Evaluation de la rareté à l’échelle européenne des espèces présentes dans le bassin hydrographique de la Semois

23Le bassin hydrographique de la Semois regroupe 20 espèces (dont 5 n’ont pas été revues au cours de cette étude) de la liste rouge des bryophytes européennes (ECCB, 1995). Elles sont analysées en détail ci-après.

24Riccia huebeneriana (Rare). Cette espèce de répartition tempérée méridionale, caractéristique des vases exondées, des étangs et des rives périodiquement en assec, est connue d’une bonne dizaine de localités en Wallonie (Schumacker, 1985).Nous l’avons récoltée à Recogne (étangs de Luchy et de la ferme Brédau), à Ucimont sur la rive gauche de la Semois, à Les Hayons sur la vase exondée d’un ancien étang le long du ruisseau des Aleines et à l’étang des Eplattis aux Epioux.

25Anomodon rostratus(Rare). A 450 km de ses plus proches stations (situées en Suisse), ce taxon subméditerranéen montagnard fut découvert nouveau pour la Belgique à Rochehaut (Schumacker et al., 1982). Au cours de notre étude, nous l’avons revu sur rochers riches en CaCO3 (Dévonien inférieur), dans le site de sa première découverte.

26Brachythecium appleyardiae(Vulnerable).Pour cette mousse considérée jusqu’ici comme une endémique anglaise, il s’agit de la première mention ( ! Tom Blockeel) sur le continent européen. Le degré de parenté de la plante de la Semois avec les populations britanniques et le statut taxonomique de cette espèce présentant une morphologie très particulière sont actuellement à l’étude à l’aide de séquences nucléotidiques. L’espèce a été récoltée sur les affleurements rocheux (Siegenien) riches en bases de la rive gauche de la Semois entre Membre et Bohan, avec Amphidium mougeotii, Scleropodium touretii et Thamnobryum alopecurum.

27Bryum tenuisetum (Insufficiently known). Espèce subocéanique montagnarde, pionnière sur sols sableux ou tourbeux humides, sur la vase exondée des étangs.Nous l’avons rencontrée dans l’étang en assec de la ferme Brédau à Recogne, en compagnie de Fossombronia foveolata, Riccia huebeneriana, Amblystegium humile et Ephemerum serratum.

28Fissidens arnoldii (Rare). En Belgique, ce taxon tempéré n’était connu que de Frahan (De Zuttere & Schumacker, 1984). Nous l’avons en outre récolté mélangé à F. pusillus sur les pierres du lit de la Semois à Rochehaut (Les Falloises) et à la limite entre Ucimont et Bouillon.

29Fissidens monguillonii(Rare). Cette espèce a été assez récemment renseignée dans de nombreuses localités en Belgique (De Zuttere, 1993 b). Beaucoup de ces observations sont cependant basées sur du matériel stérile rendant, en l’absence de feuilles périchétiales, la distinction avec F. bryoides très aléatoire. Selon notre base de données, F. monguillonii est réellement une espèce rare. Nous l’avons rencontré sur des sols ombragés, humides, dans la zone de battement des eaux, sur les rives de la Semois à Bohan, Rochehaut, Florenville et Chiny.

30Grimmia lisae(Rare). L’aire principale de cette espèce couvre le sud et l’est de l’Europe, et sa découverte en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg est récente (Greven et al., 1994). Dans la Semois, nous l’avons récoltée à Membre, Bouillon, Ucimont et Florenville, sur blocs rocheux du Siegenien périodiquement immergés au bord de la rivière.

31Hamatocaulis vernicosus (Insufficiently known). Mousse boréale des marais alcalins, très rare et en forte régression en Belgique (De Zuttere et al., 2002). Curieusement, H. vernicosus n’est pas repris dans le travail de De Zuttere & Schumacker (1984), alors qu’il fait l’objet de mesures de protection à l’échelle européenne. Nous l’avons rencontré dans une ancienne marnière à Tintigny-Ansart et il est toujours bien présent dans la réserve naturelle du Landbrouch, incluse dans le camp militaire de Lagland.

32Leptodontium gemmascens(Rare).Cette espèce, de découverte assez récente en Belgique (Arts et al., 1992), est caractéristique des chaumes de graminées (Hedderson et al., 2003). Elle a été découverte à Straimont, sur un chaume pourrissant de Deschampsia flexuosa sur un talus schisteux thermophile.

33Orthotrichum consimile(Insufficiently known). Disparu de son unique localité européenne (Tholey en Sarre) depuis 1866, cet épiphyte a longtemps été considéré comme perdu pour la bryoflore européenne mais il a, depuis 1995, été récolté en Espagne, en Allemagne, en Belgique, dans le Nord de la France et aux Pays-Bas. L’apparition d’O. consimile dans nos régions est à mettre en parallèle avec les découvertes récentes d’autres espèces corticoles rarissimes ou en forte régression à l’échelle européenne telles que O. rogeri, O. scanicum, Ulota rehmannii... Cette explosion de l’épiphytisme pourrait être liée à une diminution de la teneur de l’atmosphère en SO2 au cours de ces dernières années, à une prolifération des populations de saules et sureaux dans les prés des fonds de vallées laissés à l’abandon et sans doute aussi à une meilleure connaissance par les bryologues contemporains de la systématique complexe de la famille des Orthotrichacées. L’espèce est épiphyte sur sureaux ou saules relativement jeunes dans des sites marqués par l’influence humaine (Sotiaux et al., 1998 c).

34Orthotrichum rogeri(Vulnerable). Cet épiphyteàdistribution fragmentée estprésent dans une dizaine de pays d’Europe. Il est partout très rare et parfois non revu depuis plus d’un siècle. L’espèce figure dans l’appendice I de la Convention de Berne et dans l’annexe 2 de la directive Habitats. Au cours de notre étude, O. rogeri a été trouvé nouveau pour la bryoflore belge à Saint-Médard, sur Salix caprea dans une large trouée en voie de colonisation arbustive, à travers une pessière à 420 m d’altitude (Sotiaux & Sotiaux, 2002).

35Orthotrichum scanicum(Endangered). Endémique européenne connue de moins de 10 localités, certaines très anciennes. Ses populations sont suspectées d’avoir décliné de 50 % au cours des 30 dernières années. Protection des phorophytes des populations actuelles et désignation d’un périmètre d’intervention minimale figurent parmi les mesures de conservation proposées (ECCB, 1995). Orthotrichum scanicum a été trouvé épiphyte sur Quercus à Bernimont, en bordure de la route de Neufchâteau à Léglise.

36Orthotrichum sprucei(Rare). Ce taxon euocéanique colonise la base des arbres dans la zone de battement des eaux, fréquemment en compagnie de Syntrichia latifolia et Leskea polycarpa. Il n’a été observé qu’à Florenville, sur la base inondable d’un arbre sur la rive droite de la Semois en amont du château Roussel.

37Pleuridium palustre(Rare). Cette espèce était qualifiée de rare, en recul général, plus ou moins menacée de disparition en Belgique (De Zuttere & Schumacker, 1984). En réalité, elle est nettement plus fréquente, mais passe facilement inaperçue car sa présence ne peut être décelée que quelques mois par an, lorsqu’elle produit des sporophytes. Dans des prés très humides, sur les berges pentues de ruisseaux, nous avons récolté cette petite terricole dans 13 localités ardennaises et gaumaises.

38Ulota rehmanii (Endangered) est une espèce endémique de l’Europe centrale et orientale, en forte régression. Au cours de cette étude, elle fut trouvée, nouvelle pour la Belgique, à Louette-Saint-Pierre sur Corylus avellana (Sotiaux & Sotiaux, 1999 a). Cette station ardennaise est très isolée. Elle se situait à 300 km de la station la plus proche (nord de la Forêt Noire) avant que l’espèce ne soit découverte tout récemment au Grand-Duché de Luxembourg (Werner, 2003).

39Mise au point de la liste rouge européenne pour la Belgique

4036 espèces figurant sur la liste rouge européenne sont reprises dans la liste des espèces présentes en Belgique [ECCB, 1995, à l’exclusion de Didymodon glaucus, uniquement présent au Grand-Duché de Luxembourg, exclu ici car faisant partie d’une liste rouge spécifique (Werner, 2003)]. Trois espèces : Grimmia lisae, Hamatocaulis vernicosus et Rhynchostegium rotundifolium, qui existent en Belgique, avaient cependant été omises dans cette liste. Quatre espèces : Orthotrichum consimile, O. rogeri, O. scanicum et Ulota rehmannii ont depuis lors été découvertes en Belgique (Sotiaux & Sotiaux, 1999 a, 2002 ; Sotiaux et al., 1998 b, c). En outre, deux autres espèces, Brachythecium appleyardiae, indiqué en Belgique pour la première fois dans cette étudeet Grimmia caespiticia, une mousse alpine mentionnée en une localité, à Spa (MuÑoz & Pando, 2000), doivent être prises en compte. En revanche, trois espèces doivent être retirées de cette liste. En effet, Buxbaumia viridis a été erronément signalé en Belgique (De Sloover & Stieperaere, 1999). Bryum versicolor est actuellement considéré comme étant synonyme de B. dichotomum, une espèce très répandue (Holyoak, 2003). Enfin, Fissidens ovatifolius est une espèce subocéanique-méditerranéenne qui n’existe pas, à notre connaissance, en Belgique. Six autres espèces (Campylostelium saxicola, Desmatodon cernuus, Bryum neodamense, Meesia longiseta, Pterygoneuron lamellatum et Zygodon forsteri) ont vrai-semblablement disparu de Belgique (Sotiaux & Vanderpoorten, 2001 b). Dans le cas de Desmatodon cernuus, il s’agit même d’une espèce adventice accidentellement introduite en Belgique, où elle n’a subsisté que deux ans sur un tas de carbure à proximité d’une distillerie en Campine. La liste rouge des bryophytes européennes présentes en Belgique devrait donc comporter au total 42 espèces, dont 6 ont disparu. En conséquence, les espèces présentes dans le bassin hydrographique de la Semois et observées au cours de cette étude représentent 43 % de la flore belge comtemporaine figurant dans la liste rouge des bryophytes européennes.

41Bien qu’on ne puisse pas tirer de relation entre la superficie d’une région et le nombre d’espèces de la liste rouge européenne, notamment parce que certaines endémiques d’intérêt majeur sont parfois concentrées sur une petite surface, il apparaît que le bassin de la Semois figure parmi les régions d’Europe possédant le plus d’espèces présentant un intérêt de conservation à l’échelle du continent.

Pour citer cet article

A. SOTIAUX & A. VANDERPOORTEN, «CATALOGUE, ATLAS COMMENT COMMENTÉ ET MESURES DE CONSERVATION DES BRYOPHYTES DU BASSIN HYDROGRAPHIQUE DE LA SEMOIS (BELGIQUE,FRANCE)(suite 1)», Lejeunia, Revue de Botanique [En ligne], N° 175 (août 2004), URL : https://popups.uliege.be/0457-4184/index.php?id=1303.