Les complexes touristiques sahariens de Fernand Pouillon en Algérie, entre conception et analogie
Maîtresse de conférences
Université Blida (Algérie)
Institut d’Architecture et d’Urbanisme
LAB ETAP
r.merzelkad@yahoo.fr/merzelkadrym@gmail.com
Résumé
Les complexes touristiques sahariens de Fernand Pouillon dans les années 1970, au Sud de l’Algérie, ont été identifiables, de par leur caractère innovant et visionnaire. En effet, F. Pouillon dirigeait plus de quarante chantiers, des bords de la Méditerranée aux confins du Sahara. Il avait la charge de construire de toute pièce des hôtels, des villages de vacances, des ports de plaisances, des stations thermales, etc. Ainsi la diversité des richesses naturelles dans le Sud va lui permettre de développer une variété de projets avec la découverte du tourisme culturel.
Nous avons mené une réflexion sur des projets touristiques d’hôtels, installés dans les Oasis de Ghardaïa et Timimoune. La présente recherche a été motivée par une volonté de découvrir un leg architectural et urbain. Ainsi, cet essai a pour objectif de lire et de découvrir les composantes architecturales et urbaines de F. Pouillon dans ses projets touristiques sahariens dans les années 1970. Afin de déceler une certaine analogie avec des projets, déjà réalisés dans le domaine de l’habitat de masse dans les années 1950.
Abstract
The tourist complexes of Fernand Pouillon in the 1970s in Southern Algeria are identifiable by their innovative and visionary characters. Indeed, Pouillon managed more than forty construction sites, from the shores of the Mediterranean into the heart of the Sahara. He was in charge of building from scratch hotels, holiday villages, marinas and spas. Indeed, the diversity of natural resources in the South will allow him to develop a variety of projects with the discovery of cultural tourism.
We have conducted an investigation on the hotel projects carried out in the major oases of Ghardaia and Timimmoun. The present study was motivated by a certain concern for the future of our recent heritage. Thus, this essay will allow to read and discover the architectural and urban components of the tourist project in the 1970s. In order to detect a certain analogy with projects carried out in large-scale housing programmes in the 1950s.
INTRODUCTION
1En Algérie vers les années 1970, des mutations physiques profondes marquent le paysage urbain et architectural, tendant à ouvrir le pays vers de nouvelles perspectives. Cette période est caractérisée par un essor économique sans précédent, marqué par la réalisation de grands projets. En effet, l’État algérien a fait appel à des architectes de renommée mondiale, certains avaient déjà une connaissance du pays tels que : (i) Abderrahmane Bouchama, (ii) André Ravereau, (iii) Fernand Pouillon. Pour d’autres comme (i) Oscar Niemeyer, (ii) Kenzo Tange, (iii) Ricardo Bofill, c’était un nouveau défi à relever (Deluz, 1977).
2A. Bouchama a l’ambition de restaurer un style arabe ayant une référence du style néomauresque. Défenseur d’une architecture nationale (Cohen et al., 2003), il est l’auteur de plusieurs maisons construites dans les quartiers d’Alger, et de projets tels que (i) les mosquées (Alger, Oran, Blida), (ii) l’Institut islamique (Constantine, Tlemcen, et Alger), (iii) centre culturel, etc.
3O. Niemeyer s’occupera de construire les Universités de Constantine et d’Alger (Cohen et al., 2003), K. Tange l’Université des sciences et de la technologie d’Oran, tandis que R. Bofill se verra confier la construction de plusieurs centaines de logements à travers le territoire national (Cohen et al., 2003).
4A. Ravereau, plongé dans les travaux de l’atelier du M’Zab, refusant toute valeur à l’expression monumentale et aux règles de la composition architecturale (bien qu’il soit resté pendant une longue période à Alger), il dirigea le service d’architecture des monuments historiques dans les années 1970 (Deluz, 1977). Il n’a jamais eu de production de grand projet à Alger, puisque ses travaux étaient plus concentrés sur les maisons de la casbah d’Alger et les maisons de la casbah du m’zab.
5Quant à Fernand Pouillon, il est l’auteur d’un certain nombre de projets conçus sur l’ensemble du territoire algérien, selon deux périodes d’activités. La première période avant l’indépendance (1953-1957) : les projets sont exclusivement des programmes de logements, dus à l’initiative de Jacques Chevallier (ancien Maire d’Alger) dans le but de répondre à une crise aigüe du logement. Parmi les projets nous notons, (i) la cité Diar El Mahçoul, (ii) la cité Diar Es Saada, (iii) la cité du Climat de France. La deuxième période après l’indépendance (1965-1984) : F. Pouillon fut invité à revenir pour la réalisation de toute l’infrastructure touristique pour le compte du Ministère du Tourisme. Ses interventions sortent du cadre d’Alger, puisqu’il essaime des centres hôteliers sur tout le territoire algérien (Merzelkad et Burgel, 2011).
6Dans le cadre de recherches sur le thème central du bâti urbain (à travers des projets de l’architecte Fernand Pouillon), nous avons remarqué que dans la conception des trois cités de logement d’Alger de F. Pouillon dans les années 1950, à savoir : (i) Diar es Saada, (ii) Diar El Mahçoul, (iii) Climat de France (Fernand Pouillon, 1968), l’architecte prône une démarche de conception basée sur un certain nombre d’éléments qui composent le projet. Ces éléments peuvent être d’ordre urbain, architectural, et/ou structurel. Ainsi, nos intentions pour cet essai, se proposent de découvrir quels sont les éléments de composition que F. Pouillon utilise dans ses projets touristiques sahariens ? Et de vérifier si les projets touristiques de F. Pouillon relèvent d’une certaine analogie de conception par rapport aux projets d’habitat réalisés dans les années 1950 ?
7Dans un premier temps, nous allons présenter les intentions qui nous ont amené à faire cette recherche. Nous définirons les objectifs et méthodes de recherche et poursuivrons par la présentation du cas d’étude. Le cas d’étude comprendra deux projets touristiques sahariens, qui seront analysés suivant une lecture morphologique.
8La lecture morphologique va nous permettre de désigner les éléments de composition des projets touristiques, grâce auxquels une confrontation sera faite avec l’immeuble 200 colonnes de la cité du Climat de France, recherche effectuée dans le cadre de travaux de thèse de doctorat (voir annexe 1).
9Enfin nous discuterons des résultats obtenus, et de la présence d’une éventuelle analogie conceptuelle dans les projets de F. Pouillon.
I. OBJECTIF ET MÉTHODOLOGIE
10Au vu des interrogations de cet essai, nous avons orienté notre travail vers une analyse de type morphologique, où nous nous sommes proposés d’étudier deux complexes touristiques au Sud d’Alger (pour exemple Timimoune et Ghardaïa).
11Les études et les analyses projetées dans cet article auront pour objectifs de nous permettre de découvrir ou de redécouvrir une œuvre architecturale et urbaine, mais aussi d’attester que l’œuvre de F. Pouillon est innovante, et qu’elle met en valeur les éléments structurants avec lesquels l’architecte compose son projet. Nous pourrons même dire, que l’œuvre de F. Pouillon illustre une analogie conceptuelle dans ses projets d’habitat et de tourisme et qu’elle peut se revendiquer d’être un modèle qui aspire à être généralisé.
12Dans notre cas et partant de l’hypothèse que F. Pouillon abordait le projet en considérant sa dimension urbaine et architecturale, cette démarche méthodologique nous permettra d’analyser le cadre urbain/architectural du projet et d’identifier les éléments morphologiques qui ont adopté un rôle structurant dans la composition des projets de F. Pouillon.
13Pour comprendre les phénomènes urbains, il est nécessaire de les aborder par une méthode «structurale» (Caniggia, 1984) selon laquelle la ville (ou une partie de la ville), est observée à différents niveaux de structuration.
14Au premier niveau de lecture, le bâtiment est regardé non comme un objet isolé, mais dans son rapport aux espaces non bâtis, tels que les places, les parcours, les rues etc.
15Au second niveau de lecture, le groupement des parcelles amène à considérer la structuration des éléments du tissu selon leurs emplacements dans la ville, selon la période et les modalités de leurs croissances.
16Cette approche joint des systèmes analytiques fondés sur la décomposition du projet en mettant l’accent sur des éléments tels que (i) la géométrie du plan, (ii) la hiérarchie des espaces, (iii) l’organisation spatiale, (iv) les matériaux et éléments de construction. Ces systèmes permettent en même temps de révéler la logique d’agrégation de certains éléments architecturaux avec l’ensemble des niveaux hiérarchiques.
17La méthode abordée ci-dessus, se basant sur l’analyse morphologique, nécessite ainsi une décomposition en niveaux et considère trois échelles de lecture et d’interprétation successives : la ville, le bâtiment, et le détail qui comprend les éléments architectoniques du projet.
II. PRÉSENTATION DU CAS D’ÉTUDE
18En 1968, soit deux ans et demi après son retour en Algérie, Fernand Pouillon assure, pour le compte du Ministère du Tourisme, la réalisation de 25 milliards de centimes algériens de travaux d’aménagement touristique. Lesquels seront suivis par 50 milliards supplémentaires prévus dans le cadre du plan quinquennal « Fernand Pouillon dirigeait plus de quarante chantiers.... », (Delorme, 2001). Le plan septennal du tourisme prévoyait que l’Algérie disposerait de 35 000 lits d’ici 1973, et compterait encore 20 000 lits supplémentaires. En tout cas, les études et les réalisations ont été activement menées. Le programme, à la fois ambitieux et original, portait sur les stations balnéaires, thermales, les hôtels sahariens et urbains (Achour, 1969).
19Trois sites au Nord ont été aménagés à côté des grandes agglomérations (Viratelle, 1968). Quant au Sahara, il a reçu d’année en année un nombre accru de visiteurs, bien que ses capacités d’hébergement ne permettent pas d’accueillir des groupes importants (en raison de la chaleur en haute saison). Les hôtels du Sahara s’installèrent dans les principales oasis : El Oued (80 lits), Biskra (200 lits), Ghardaïa (200 lits), Laghouat (100 lits), Timimoun (120 lits) (Viratelle, 1968). Par contre, celles du Nord s’installèrent sur le littoral algérien Sidi Fredj (deux hôtels avec 150 appartements comptant un millier de lits), Zeralda (deux hôtels, 25 villas, 80 bungalows comptant un millier de lits), Tipaza (deux complexes de 800 lits chacun) (Viratelle, 1968).
20L’intervention de F. Pouillon dans un milieu saharien était très spécifique. Elle consistait en un programme de complexe touristique adapté au mode local. Tout en restituant les hôtels dans leurs contextes actuel physique et culturel, cette œuvre devait être représentative des cohérences architecturales et urbaines que F. Pouillon voulait transcrire dans ses complexes.
21Notre choix s’oriente donc vers deux sites touristiques sahariens, le site Timimoune et Ghardaïa. Étant donné que ses projets sont nés d’une volonté d’établissement purement artificielle, ils constituent un cas exceptionnel dans la géographie urbaine, car il y a une intention préétablie d’implantation et d’adaptation conséquente aux conditions les plus défavorables.
A. Situation géographique
22La ville de Timimoune est une commune de la wilaya d’Adrar. Elle est située entre le grand Erg occidental au Nord, le plateau de Tademaït au Sud, le Touat à l’Est, et la Saoura à l’Ouest (www.wilayaAdrar.org).
23Elle est la principale oasis de la région du Gourara (le Gourara est une région d’Algérie formée par un ensemble d’oasis), (www.wilaya Adrar .org). Sa superficie est de 3.3 km2, elle comprend une population de 33 060 habitants (office national des statistiques).
Figure 1. Plan de situation, hôtel Gourara. Source : Site officiel Google Maps/Timimoune
24La ville de Ghardaïa est une commune de la wilaya Ghardaïa située au Nord du Sahara algérien. Géographiquement, elle se positionne à 600 km au Sud d’Alger, à 190 km au Sud de Laghouat, à 270 km d’El Menia et à 190km à l’Ouest de Ouargla (www.wilayadeGhardaïa.org). Sa superficie est de 306 km2, elle comprend une population de 93 423 habitants (office national des statistiques).
Figure 2. Plan de situation, hôtel Rostémides. Source : Site officiel Google Maps/Ghardaïa
B. Présentation des complexes touristiques
25L’hôtel du Gourara situé dans l’oasis de Timimoune a été construit en 1969, il a nécessité un investissement de plus de cinq millions de dinars (Achour, 1969) et a actuellement une capacité de 120 lits. L’hôtel est implanté en fer à cheval sur une ligne de crête, à l’image des anciens ksours (ksour est le pluriel de ksar. Ksar est la traduction arabe du mot palais ou château).
26L’hôtel des Rostémides situé dans la ville de Ghardaïa a été rénové puis transformé en 1971, ayant actuellement une capacité de 154 de lits. L’hôtel est un ancien fort restructuré dont le caractère d’architecture close a été maintenu. Le bâtiment linéaire est solidement implanté en suivant la crête d’un vallonnement, à proximité de la ville de Ghardaïa.
1. Résultats méthodologiques attendus
27Les résultats méthodologiques obtenus au travers de la présentation du cas d’étude ne permettent pas encore de définir les éléments de composition du projet. Néanmoins, ils apportent des données pertinentes sur le choix des sites (fait par F. Pouillon) et leurs contextes d’implantation. En effet, F. Pouillon favorise ses projets en transformant les contraintes du site en effets architecturaux.
28Ces résultats partiels complétés par une lecture morphologique vont nous permettre de mettre le doigt sur les éléments qui composent un projet contextualisé, à savoir (i) la topographie, (ii) la géométrie du plan, (iii) la hiérarchie des espaces, (iv) l’organisation spatiale, (v) les éléments de construction.
C. Lecture morphologique
29Nous allons présenter une lecture morphologique des deux projets touristiques sahariens exposés en amont. Pour cela, afin de faire une confrontation avec le projet d’habitat (1950), nous avons mis en annexe 1 la lecture morphologique de l’immeuble 200 colonnes (Annexe 1).
1. Topographie
30La topographie du site des deux hôtels se situe sur un vaste terrain avec vue sur la palmeraie.
Figure 3. Vue sur l’hôtel Gourara. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
Figure 4. Vue sur l’hôtel Rostémides. Source: http://mapio.net/images-p/1524653.jpg
2. La géométrie du plan
31L’hôtel du Gourara comprend une enveloppe qui est matérialisée par un mur d’enceinte rythmé par d’épais contreforts contenant les chambres, ces derniers font écho à l’espace fortifié des Ighamaouen (Ighamaouen est le nom berbère des ksours.) (Merzelkad et Noviant, 2004). L’hôtel est traversé par un filet et des bassins d’eau, les lignes épurées et la couleur rouge argile renforcent l’aspect magique du lieu (Maachi-Maiza, 2002).
Figure 5. Plan de l’hôtel Gourara, Timimoune. Source : Dubor, 1986
32Pour l’hôtel des Rostémides, F. Pouillon a conservé la ligne directrice du projet, c’est à dire lier parfaitement le nouveau à l’ancien. Il s’est inspiré de son impressionnante massivité qui fait référence aux constructions antiques pour inclure d’autres volumes au bâti existant (Merzelkad et Noviant, 2004) La partie centrale existante regroupe les principaux services (accueil, bar, restaurant…).
Figure 6. Vue générale de l’hôtel Rostémides, Ghardaïa. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
3. La hiérarchie des espaces
33On remarque une grande importance de l’espace extérieur, qui est un espace de détente pour le touriste. Pour l’hôtel Gourara, l’espace central est traversé par un axe longitudinal de symétrie (Est-Ouest), ponctué par deux bassins en cascades. Le premier (piscine) est entouré par une colonnade massive, métaphore de la palmeraie, et le second s’inscrit dans un jardin intérieur aux plantations luxuriantes (Maachi-Maiza, 2002). Depuis le bassin s’échappe un filet d’eau où l’eau ruisselant dans l’axe longitudinal évoque le dispositif de la foggara (les foggaras sont des galeries souterraines d’eau). Le filet d’eau descend par une suite d’emmarchements, la course de l’eau se termine en contrebas par un bassin rond.
Figure 7. Vues d’espaces de l’hôtel Gourara, Timimoune. Source : http://mapio.net/images-p/1524653.jpg
34L’hôtel des Rostémides quant à lui est conçu suivant un plan linéaire qui est articulé à partir d’éléments de base (le fort existant) qui définissent des espaces ouverts, de cours et jardins qui restituent une échelle humaine et permettent une captation optimale de la lumière (Dubor, 1986).
Figure 8. Plan de l’hôtel Rostémides, Ghardaïa. Source : Dubor, 1986
4. L’organisation spatiale
35La construction des deux hôtels varie d’une composition à une autre. L’hôtel Gourara est réalisé autour d’un espace central, les principaux services sont groupés autour du premier bassin (accueil, bar, restaurant,….). Les chambres se répartissent le long du mur d’enceinte, ce mur est structuré par d’épais contreforts privatisant la terrasse de chaque chambre. L’hôtel s’étage en une suite de terrasses non privatives et accessibles (Maachi-Maiza, 2002). Ces dernières sont le lieu de vie privilégié du soir, permettant de méditer sur ce paysage cosmique. On retrouve un certain raisonnement entre le plein et le vide, le plein étant plus dominant que le vide, créant ainsi un rapport de qualité/quantité. Quant aux façades, la forme générale de l’hôtel est marquée par un axe symétrique, les proportions linéaires sont régulières (Maachi-Maiza, 2002). L’enveloppe extérieure donne l’image d’une enceinte fortifiée, constituée d’une série d’espaces vides à partir desquels la lumière se disperse. (Merzelkad et Noviant, 2004).
Figure 9. Vues d’espaces de l’hôtel Gourara, Timimoune. Source : http://mapio.net/images-p/1524653.jpg
36L’hôtel des Rostémides est conçu suivant un plan longitudinal qui s’articule autour d’un noyau central existant et qui regroupe les principaux services (accueil, bar, restaurant). De part et d’autre de la partie existante, on retrouve les chambres (Dubor, 1986). Les chambres s’organisent autour de deux patios, dont les façades sont neuves. L’un des patios est traité en jardin, l’autre patio s’organise autour d’un bassin (piscine), la galerie de liaison qui ferme ce dernier patio cadre les collines environnantes. Nous avons ainsi une addition de volumes articulés autour d’un espace central existant (Dubor, 1986).
Figure 10. Vue d’espaces de l’hôtel Rostémides, Ghardaïa. Source : Dubor, 1986
5. Matériaux et éléments de construction
37L’architecture des deux hôtels est solide, elle est construite de matériaux durables : béton banché, toub, brique (Merzelkad et Burgel, 2011). Le vocabulaire structurel de l’ensemble est fondé sur la répétition facilement lisible : (i) mur massif, (ii) portique, (iii) colonnades monumentales, (iv) escaliers, (v) propylées, (vi) voutes (Pouillon, 1968).
38À l’hôtel Gourara, les formes massives, les contreforts, les terrasses étagées, la couleur rouge argile de l’ensemble traduisent l’architecture locale, et ne laissent pas deviner l’utilisation de matériaux moderne. F. Pouillon respecte ainsi, tout en réinterprétant l’écosystème local, tout ici concourt à créer une contrée envoûtante (Dubor, 1986). Pour sa part à l’hôtel des Rostémides, les matériaux tels que (i) la brique, (ii) la pierre, (iii) la chaux, ont été employés en abondance. L’architecte parvient à construire ces hôtels à moindre prix, en utilisant au maximum les matériaux locaux (céramique, tissage, plâtre sculpté) (Merzelkad et Noviant, 2004).
39Le vocabulaire structurel des deux projets se compose des éléments suivants, nous reconnaissons :
a. Les propylées
Figure 11. Vue sur propylées, hôtel Gourara. Source : Dubor, 1986
Figure 12. Vue sur propylées, hôtel Rostémides. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
b. Les murs massifs
Figure 13. Vue sur murs massifs, hôtel Gourara. Source : Dubor, 1986
Figure 14. Vue sur murs massifs, hôtel Rostémides. Source: Dubor, 1986
c. Les portiques
Figure 15. Vue sur portiques, hôtel Gourara. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
Figure 16. Vue sur portiques, hôtel Rostémides. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
d. Les escaliers
Figure 17. Vue sur escalier, hôtel Gourara. Source : Dubor, 1986
Figure 18. Vue sur escalier, hôtel Rostémides. Source : http://www.fernandpouillon.com/mzabcontempp.html
IV. DISCUSSION DES RÉSULTATS
40Au vu de nos interrogations et des résultats de notre analyse, nous constatons que F. Pouillon utilise le même schéma de conception, autant dans les projets touristiques sahariens que dans les projets d’habitat. La lecture morphologique des deux projets touristiques nous permet de comprendre la présence d’une démarche conceptuelle. Cette démarche que F. Pouillon emploie dans les deux catégories de projets (habitat et touristique), s’appuie sur une hiérarchie allant de l’urbain vers l’architectural et enfin vers l’architectonique.
41Nous pouvons dire que la démarche proposée par F. Pouillon dans le cas d’étude se focalise sur le principe de conception d’éléments tels que (i) topographie, (ii) géométrie des plans, (iii) organisation, (iv) hiérarchie des espaces, (v) détails de construction. Aussi, il est intéressant de noter que ses mêmes éléments de composition, trouvent similitudes dans la composition de l’immeuble 200 colonnes (Annexe 1, Merzelkad et Burgel, 2011). Nonobstant une implantation de projets avec des contextes différents, cela ne détourne en rien le schéma de principe de la composition, qui reste toujours identique.
42Les résultats de la confrontation des deux projets touristiques sahariens et le projet habitat immeuble 200 colonnes (Climat de France, Annexe 1), sont effectivement probants. Nous déduisons ainsi qu’il y a analogie dans les projets de F. Pouillon. Cette analogie est visible à la fois dans sa démarche de conception architecturale, et aussi dans l’emploi d’éléments structurels.
CONCLUSION
43L’originalité des réalisations touristiques algériennes de F. Pouillon réside dans leurs conceptions modernes adaptées aux régions et aux sites, mais aussi dans les diverses influences qu’a subies l’Algérie à travers son histoire (Champenois, 1982).
44Au cours de ce travail, nous nous sommes intéressés à la problématique des sites sahariens dits arides, construits par l’architecte F. Pouillon. Au cours de cet essai, nous avons émis l’hypothèse que les projets du Sud de F. Pouillon, pouvaient avoir des similitudes avec les projets d’habitats (1950). Nous pouvons donc dire que nous avons retrouvé certains éléments urbains, architecturaux et structurels qui sont analogues aux éléments de composition de l’habitat urbain en 1950. Cette analogie est perceptible dans le sens où l’architecte donne de l’importance au projet par la création d’une certaine ambiance architecturale et urbaine. Mais aussi qu’il s’imprégnait parfaitement du site et de sa topographie, afin de créer des espaces variés et contextualisés.
45Dans ces projets, F. Pouillon a une préférence pour les formes simples et claires comme le carré, qui induit des volumes cubiques ou rectangulaires (Merzelkad et Burgel, 2011). La conception des deux hôtels s’est faite selon un seul principe, celui des trois dimensions de Vitruve : (i) Utilitas, (ii) Firmitas, (iii) Vetustas (Bonillo, 2001). Enfin, la construction avec des matériaux locaux est la marque de fabrique de F. Pouillon. À défaut d’utiliser la pierre, il s’est adapté à la disponibilité des matériaux locaux de chaque région. La reconnaissance d’éléments structurels tels que (i) mur massif, (ii) portique, (iii) escaliers, (iv) propylées aux niveaux des deux hôtels, nous éclaircissent encore plus sur les similitudes qui existent dans les cités de F. Pouillon construites durant les années 1950.
46Ce travail a eu l’objectif de comprendre une œuvre architecturale, à travers des projets de F. Pouillon dans le Sud algérien. Nous avons essayé de présenter les composantes urbaines et architecturales qui composent les projets. Nous avions la volonté de faire découvrir une œuvre architecturale. Sans prétention de notre part, nous pensons que cet essai peut nous renseigner sur l’ensemble de l’œuvre de F. Pouillon, et qu’elle peut être considérée comme étant une architecture qui peut se généraliser à l’ensemble de son œuvre.
BIBLIOGRAPHIE
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50Bonillo, J.L. (1998). Inventaire de l’œuvre de Fernand Pouillon – Algérie-Ile de France-Provence, Laboratoire INAMA, 142-164 p.
51Chemin, M. (1986). Pouillon s’évade encore : Mort de Fernand Pouillon. Journal Libération, 26 juillet 1986.
52Cohen, J.L, Oulebsir, N. & Kanoun, Y. (2003). Alger paysage urbain et architectural, 1800-2000. Édition de l’imprimeur, 220-256-306 p.
53Deluz, J.J. (1988). L’urbanisme et l’architecture d’Alger : aperçu critique, chapitre III. Ed : Pierre Mardaga, OPU, 122-128 p.
54Dubor, B.F. (1986). Fernand Pouillon. Ed : Electra Moniteur Monographie, 10-14-21 p.
55Dubor, B.F. & Lucan, J. (1986). Fernand Pouillon, Architectta 200 colonnes. Milan, Ed : Electra, 59 p.
56Caniggia, G. (1984). Lecture de Florence. Institut d’architecture Saint-Luc Bruxelles, 10 p.
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58Maachi-Maiza, M. (2002). La composition architecturale dans l’œuvre de Fernand Pouillon. Mémoire de Magister en urbanisme, 89-90-92 p.
59Merzelkad, R. & Noviant, P. (2004). Fernand. Pouillon et la politique touristique en Algérie après 1962. Mémoire de DEA, Université Paris X Nanterre-la Défense, 60-61-62-63 p.
60Merzelkad, R. & Bouteflika, M. (2010). Fernand Pouillon dans la ville d’Alger : Connaissance et reconnaissance d’un habitat intégré : cas de l’ensemble du « Climat de France ». Mémoire de Magister, Université de Saad Dahleb-Blida, 65-68-72 p.
61Merzelkad, R. & Burgel, G. (2011). L’ensemble immobilier « Climat de France » à Alger : contribution à l’histoire de la pensée urbaine de Fernand Pouillon en Algérie. Thèse de Doctorat en Aménagement de l’espace, Urbanisme, Université Paris X-Nanterre-la Défense, 116-117-215 p.
62Ministère de l’équipement et du logement (1988). Fernand.Pouillon architecte. Division de l’audiovisuel.
63Ministère du tourisme et de l’artisanat (2001). Élément de la stratégie de développement durable du tourisme en Algérie horizon 2010.
64Pouillon, F. (1986). Mémoires d’un architecte. Ed : Seuil, 125-216 p.
65Viratelle, G. (1968). L’Algérie joue la double carte du public et du privé. Journal Le Monde.
66Wilaya Ghardaïa (2020). Données démographiques. http://www.wilaya-Ghardaïa.org.
67Wilaya Adrar (2020). Données démographiques. http://www.wilaya-Adrar.org.
Annexe 1 : Lecture morphologique immeuble 200 colonnes, cité du Climat de France (1957)
I. Lecture morphologique
A. Topographie
68L’implantation en pente de l’immeuble des 200 colonnes fut réalisée parallèlement aux courbes de niveaux (Pouillon, 1968).
Figure 1. Plan topographie, cité du « Climat de France », échelle 1/10 000e Source : Institut français d’architecture, fond R. Auzelle
B. La géométrie du plan
69L’immeuble des 200 colonnes est de forme rectangulaire, réalisé autour d’une grande cour qui est conçue comme une véritable « place urbaine ». La cour est un espace collectif polyvalent, à la fois marché et centre géométrique de la cité (Merzelkad et Burgel, 2011).
Figure 2. Plan de masse, cité du « Climat de France ». Source :Institut français d’architecture, fond R. Auzelle
C. L’organisation spatiale
70L’immeuble des 200 colonnes est conçu suivant deux axes (Merzelkad et Burgel, 2011) :
71- un axe principal marqué par un accès mécanique.
72- un axe secondaire marqué par des accès piétons.
Figure 3. Plan immeuble 200 colonnes. Source : auteur, 2010
D. La hiérarchie des espaces
73L’immeuble est constitué d’appartements de type F2 et F3, avec des superficies variant entre quarante et cinquante mètres carrés (40-50 m2).
74La façade latérale du bâtiment se compose de trois parties : (i) soubassement, (ii) corps, (iii) couronnement (Merzelkad et Burgel, 2011).
Figure 4. Plan immeubles 200 colonnes, cité du « Climat de France ». Source: Bonillo, 2001
E. Les matériaux et éléments de construction
75Le vocabulaire structurel de l’ensemble est fondé sur la répétition facilement lisible : (i) propylée (Figure 5), (ii) mur massif (Figure 6), (iii) portique (Figure 7), (iv) escalier urbain (Figure 8).
Figure 5. Détail propylée. Source : auteur, 2010
Figure 6. Vue murs massifs. Source : Bibliothèque Glycines, Alger 2001
Figure 7. Vue sur portique. Source : auteur, 2010
Figure 8. Vue sur escalier. Source : auteur, 2010