Du sable au développement : autopsie de la filière sable-Sanaga dans la commune d’Ebebda, Région du Centre-Cameroun
Docteur en géographie de la santé
Maître de Conférences et Enseignant-Chercheur École Normale Supérieure de Maroua
Cameroun
elomessy@yahoo.fr
PhD en géographie physique, Enseignant associé
Département de Géographie
Université de Douala
École Normale Supérieure de Bertoua
Cameroun
eric.voundi@yahoo.fr et erc.voundi@gmail.com
Résumé
L’urbanisation progresse rapidement au Cameroun. Elle a atteint un taux de 54 % en 2015 (INS, 2015). L’accroissement démographique en ville stimule l’essor du marché immobilier ; les matériaux de construction sont recherchés. La demande du sable à Yaoundé montre une préférence pour le sable extrait du fleuve Sanaga. Dans la localité d’Ebebda, il s’est structuré une « filière-sable ». Cet article analyse la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda afin d’évaluer sa contribution dans le développement de la commune et les problèmes liés. Les recherches combinent revue de la littérature et investigations de terrain auprès de divers acteurs. Il en ressort que la filière « sable-Sanaga » est très dynamique. Elle est source de retombées socio-économiques importantes pour les populations et déterminantes dans le développement de la commune. L’extraction du sable dans la Sanaga est devenue la principale activité économique pour beaucoup de personnes et source de revenus pour la Mairie.
Abstract
Urbanization is progressing rapidly in Cameroon. It reached a rate of 54% in 2015 (INS, 2015). Population growth in the city stimulates the growth of the real estate market; building materials are sought after. Demand for sand in Yaoundé shows a preference for sand extracted from the Sanaga River. In the locality of Ebebda, it has been structured a "sand channel". This chapter analyzes the "sand-Sanaga" sector of Ebebda in order to evaluate its contribution to the development of the Commune and the related problems. The research combines a review of the literature and field investigations with various actors. It shows that the "sand-Sanaga" sector is very dynamic. It is a source of socio-economic spin-offs that are important for the population and determinant in the development of the Commune. The extraction of sand in the Sanaga has become the main economic activity for many people and source of review for the City Council.
INTRODUCTION
1La croissance démographique et le développement économique vont de pair avec le souci de satisfaction des besoins de base des populations : alimentation, santé, éducation, logement, etc. Ces besoins semblent souvent plus pressants en milieu urbain qu’en milieu rural et participent à la formulation des enjeux qui interpellent les gouvernants des villes. En Afrique, plus qu’ailleurs, la concentration des hommes en ville soulève, presque partout, la problématique des infrastructures et surtout celle de l’accès au logement. Les villes camerounaises n’échappent pas à cette réalité. À Yaoundé et ses environs, la léthargie de la politique du logement social du gouvernement, la relative embellie économique du pays, la course au logement individuel, les grands travaux d’embellissement de la ville, les constructions des édifices publics…, exacerbent la demande en matériaux de construction. Et parmi ces matériaux, le sable extrait du lit du fleuve Sanaga occupe une place de choix. Sa qualité et sa disponibilité ont participé à la mise sur pied d’une filière « sable-Sanaga » ravitaillant Yaoundé et ses environs et dont Ebebda en est le siège. L’activité est si lucrative qu’elle attire de nombreux acteurs : plongeurs-creuseurs, chargeurs-déchargeurs, négociants, transporteurs, vendeurs … Cette étude analyse la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda afin d’évaluer sa contribution au développement de la commune et les problèmes qui en découlent. Elle part de l’hypothèse que la filière « sable-Sanaga » participe au développement local malgré les contraintes liées à cette activité.
I. Revue de la littérature
2L’utilisation du sable a augmenté dans le monde : cela est dû à la pression démographique qui a changé rapidement la qualité des constructions en zone urbaine. Le sable est consommé dans le secteur des industries et production de verre (Gavriletea, 2017 ; Pons, 2007), ceci inclut la filtration de l’eau, le plastique, et le secteur de l’électronique (Gavriletea, 2017). En réalité, toutes les constructions des ouvrages d’arts dans le monde nécessitent la présence du sable pour la mettre en place et même des composantes du téléphone contiennent certains types de sable comme matériel (Leal Filho et al., 2021 ; UN Environment, 2019).
3En Afrique subsaharienne, plusieurs études ont été menées sur l’exploitation artisanale des mines. Les débats scientifiques en cours sont beaucoup plus axés sur l’impact des activités d’exploitation des ressources sur les populations locales (Armah et al., 2011). L’exploitation du sable en Afrique donne lieu à des créations d’emplois précaires, mais aussi des risques aux lieux d’extraction chantiers d’extraction de sable à proximité ou éloigné de leur village. Mais ceux-ci fragilisent l’écosystème des berges des cours d’eau des lieux où se déroule l’extraction du sable. Cette exploitation artisanale du sable a toujours été une source d’emploi pour les populations vulnérables en zone rurale, notamment au niveau même des femmes. En effet les petites exploitations de carrières de sable utilisent une importante main-d’œuvre masculine et fournissent un emploi direct à des centaines de personnes dans les zones rurales de l’Afrique subsaharienne (Hilson, 2009 ; ICMM, 2012 ; MMSD, 2002). Par contre, certains travaux montrent que si les femmes ne s’impliquent de manière directe dans cette activité d’extraction du sable, celles-ci exercent des activités connexes autour des espaces d’exploitation du sable où elles mettent en place des petits commerces pour permettre aux acteurs de l’extraction de sable de pouvoir tenir leur journée de travail. Mais au vu de la lecture de travaux sur l’exploitation des carrières de sable de manière artisanale, peu de recherches se sont intéressées aux populations locales dont les écosystèmes sont affectés par les multiples agressions dues à l’extraction du sable.
4Au Cameroun, les études sur l’extraction du sable et ses retombées sur le développement local sont quasiment inexistantes au niveau des populations locales des lieux d’implantation de carrières. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre travail qui se propose d’analyser les retombées économiques et sociales, ainsi que les problèmes sanitaires qui affectent certains acteurs de l’extraction du sable dans une commune du Cameroun. Les risques sanitaires qui pèsent sur des personnes exerçant ce type d’activité n’ont jamais été présentés au grand public. La présente étude cherche donc non seulement à évaluer les retombées socio-économiques pour les populations locales, mais encore à détecter les nuisances pouvant affecter celles-ci directement du fait des bruits générés par l’activité de l’extraction du sable et les maladies de la peau et le paludisme que provoque le contact permanent avec l’eau.
II. MÉTHODE ET OUTILS
A. Collecte des données
5Cette étude s’est appuyée sur une recension et revue documentaire approfondie relative au sujet traité. Celle-ci est complétée d’enquêtes de terrain - questionnaires, entretiens et interviews - auprès des acteurs directs et indirects impliqués dans l’exploitation du « sable-Sanaga » dans la commune d’Ebebda. Des prises de vue ont également été réalisées lors des enquêtes de terrain.
1. Enquêtes par questionnaire
6Soixante questionnaires ont été administrés auprès des plongeurs-creuseurs de sable, les chargeurs-déchargeurs, les propriétaires de carrières, les négociants, les transporteurs par camions qui ravitaillent principalement Yaoundé. Ces catégories d’acteurs sont au cœur de cette étude parce que ce sont eux qui fondent, font vivre et articulent le développement de la filière sable-Sanaga. Ce sont eux également par leurs procédés et travaux qui sont les principales victimes des dangers qui y sont liés. Des riverains du fleuve Sanaga ont également été enquêtés ; ceux-ci s’adonnent à des activités connexes et à l’extraction de sable.
2. Entretiens et interviews
7Six entretiens et interviews ont été conduits avec les chefs de service des affaires sociales et économiques de la sous-préfecture d’Ebebda, le secrétaire général de la Mairie d’Ebebda, les chefs de villages Ebebda II et Ebom zoud, et deux professionnels de la santé en service au Centre médical d’Arrondissement d’Ebebda. Ils ont prioritairement abordé les questions liées aux retombées socio-économiques et les problèmes de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda.
3. Autres données
8Une image satellite Google Earth 2016 de la Commune d’Ebebda de même que les données- vecteurs des cartes hydrographiques, routières et des localités du Cameroun ont été obtenues auprès de l’Institut national de la Cartographie.
B. Outils de traitement des données
9Les données issues de ces enquêtes ont été analysées sous environnement Microsoft Excel 2013 permettant de générer des diagrammes et tableaux qui montrent l’incidence de l’extraction sablière sur les mutations socio-économiques locales et les problèmes qu’elle engendre dans commune d’Ebebda.
10L’image satellite Google Earth a été traitée en combinaison avec les données-vecteurs des cartes hydrographiques, routières et des localités du Cameroun sous environnement Erdas imagine 2014 et ArcGis 10.2. Ces traitements ont permis de générer les différentes cartes.
C. Site d’étude
11Ebebda signifierait en langue Eton et Manguissa1 le « trou de la guerre » en référence à l’histoire migratoire de ces deux groupes. La commune qui correspond territorialement à l’arrondissement d’Ebebda est située dans le département de la Lékié, Région administrative du Centre Cameroun. L’unité administrative (arrondissement) a été créée par décret n° 92/187 du 1er septembre 1992 suite aux réformes administratives de 1992 qui ont consacré l’éclatement des arrondissements de Sa’a et de Monatélé. La commune quant à elle est créée le 25-11-1993. Elle couvre une superficie d’environ 250 km² (FEICOM, 2013 : 94). Le territoire s’étale entre 4°13’10’’- 4°29’10’’N et 11°13’0’’-11°24’30’’E et est délimité à l’ouest par l’arrondissement de Bokito, au nord par l’arrondissement de Sa’a, au sud et à l’est par l’arrondissement de Monatélé (Figure 1).
Figure 1. Carte de localisation de la commune d’Ebebda. Source :Voundi, 2020
III. RÉSULTATS
A. Filière sable-Sanaga et développement urbain à Yaoundé
12La ville de Yaoundé a connu une périurbanisation fulgurante ces deux dernières décennies. Le développement des infrastructures a présidé à l’accentuation de la pression sur les ressources principalement les matériaux de construction. L’édification des habitations et d’autres infrastructures urbaines ont impulsé la demande en sable conduisant, sans cesse, à l’élargissement des limites du bassin de prélèvement. À cela se sont ajoutées, avec le temps, les exigences de qualité du matériau pour répondre au besoin de solidité, de durabilité (Denoël et al., 2013) et d’esthétique des infrastructures. Le sable extrait du lit du fleuve Sanaga répondait à ces demandes et avait désormais la cote.
13La petite ville d’Ebebda est située à la lisière de la Sanaga à environ 87 km de Yaoundé. Ces deux facteurs l’ont placée presque par hasard au centre de la filière « sable-Sanaga » qui soutient la dynamique immobilière à Yaoundé et ses alentours. L’extraction de sable (André et al., 2015) y est devenue localement, l’une des principales activités économiques qui rythment la vie de la commune et agrègent de nombreuses autres activités socioéconomiques. Désormais s’y retrouve une multitude d’acteurs et de nombreux intérêts.
1. Les fondements de la filière « sable -Sanaga » d’Ebebda
14Deux facteurs essentiels, entre autres, permettent de comprendre le début et le développement de l’extraction de sable dans le fleuve Sanaga à Ebebda. Ce sont, d’une part, les facteurs historiques et, d’autre part, le dynamisme actuel de la filière portée par la demande sans cesse croissante de sable dans la ville de Yaoundé.
a. Les facteurs historiques de l’essor du « sable-Sanaga »
15Les informations recueillies auprès des autorités et des populations locales situent le début de l’extraction du sable dans le fleuve Sanaga autour des années 1980. Une certaine unanimité semble s’établir à ce sujet. 95 % (soit 56 personnes sur 60) des personnes enquêtées signale que les activités sablières sont liées à la construction du palais présidentiel à Yaoundé - Palais d’Etoudi - et le démarrage des travaux de bitumage de la route Nationale N°4 (Yaoundé-Bafoussam). Ebebda était désormais connue par la qualité de son sable, très apprécié par les spécialistes du BTP.
16Quand survient la réforme administrative de 1992 qui érige la localité en arrondissement, l’extraction du « sable-Sanaga » va participer au rayonnement de la petite localité avec le début de l’articulation ou la constitution d’une véritable filière « sable-Sanaga ».
17L’urbanisation galopante déjà évoquée de Yaoundé et des villes environnantes - Mbalmayo, Mbankomo, Obala - apporte un coup d’accélérateur au développement de cette filière avec l’intéressement de nombreux acteurs à la conquête de « l’or brun ». Un propriétaire de carrière dira que « tout le monde à Yaoundé et dans d’autres villes aujourd’hui voudrait construire sa maison avec du «sable-Sanaga ».
b. Le dynamisme de la filière « sable Sanaga »
18L’activité devenue très lucrative, avec la forte demande, a vu la chaîne d’acteurs s’allonger au fil des années. Du plongeur-creuseur de sable dans la Sanaga à l’acheteur-vendeur à Yaoundé en passant par le chargeur-déchargeur, le négociant, le transporteur par camion … ; les intermédiaires sont toujours plus nombreux et la structuration de la filière se complexifie au gré des intérêts financiers.
19Les logiques spéculatives ont également infiltré la chaîne commerciale avec les tracasseries des agents de l’état et des forces de l’ordre : police et gendarmerie.
B. Structuration de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda
20Si au départ et pendant longtemps, l’extraction du sable dans le lit de la Sanaga a été une activité essentiellement informelle, ce n’est plus le cas depuis quelques années avec l’intéressement de la Commune d’Ebebda et depuis 2014 du ministère des Mines de l’Industrie et du Développement technologique (MINMIDT). Les autorités départementales, dans la foulée, ont commencé à encadrer l’exploitation du sable dans la Sanaga, activité qui rentre légalement dans le domaine de l’exploitation minière. Le MINMIDT se charge désormais de délivrer des agréments d’exploitation à quelques entrepreneurs privés.
21Chaque agrément donne droit à la gestion d’une carrière et à l’ouverture d’un dépôt de sable sur la berge du fleuve. Nombreux sont ceux qui ont fleuré le business, ce qui a eu et a pour résultat, la multiplication de dépôts avec une concurrence indirectement exacerbée par les autorités. En rapport avec cette concurrence, les propriétaires de dépôts sont contraints de payer une taxe trimestrielle de 50 000 FCFA pour conserver leur agrément et diverses taxes communales. À côté de ces acteurs formels se greffe une multitude d’autres « petites mains » et acteurs informels - le plus souvent de jeunes hommes d’un âge moyen ne dépassant pas 25 ans - sans lesquels la filière ne pourrait jouir de son dynamisme et de sa réputation actuelle. La Figure 2 esquisse la structuration actuelle de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda.
Figure 2. Schéma de structuration actuelle de la filière « »sable-Sanaga» » d’Ebebda. Source : conçue à partir des informations glanées au cours des enquêtes de terrain, 2018
22Cette structuration prend uniquement en compte les acteurs directement concernés. Elle pourrait être allongée si on y intègre d’autres acteurs non moins importants. Les agents de sécurité sur l’axe Yaoundé-Ebebda pèsent ainsi de tout leur poids dans la filière ; ces derniers ont, une influence prépondérante sur le cours ? final de vente du sable à Yaoundé. Sur l’axe Yaoundé-Ebebda, l’on dénombre 13 postes de contrôle de police et de gendarmerie sur une distance de 87 km. Il est de coutume que chaque camion de sable en transit pour Yaoundé paye 1000 FCFA à chaque poste au risque de se voir coller une infraction dont seuls les agents de sécurité camerounais ont le secret. Ces dépenses sont directement répercutées sur le prix de vente du camion de sable qui pour un camion de 20 tonnes par exemple passe facilement de 120 000 à 180 000 FCFA, voire plus. À cela s’ajoutent des surcoûts qui varient en moyenne entre 20 000 et 35 000 selon la localisation spatiale de l’acheteur dans la ville. Les livraisons qui nécessitent la traversée de la ville du camionneur induisent des surcoûts plus importants, toujours inhérents aux tracasseries des agents de sécurité à l’intérieur de la ville.
23La chaîne d’acteurs associés à la filière « sable-Sanaga » est donc assez longue. L’on pourrait y ajouter, les restaurateurs, les commerçants de diverses catégories, les débits de boisson… qui exercent autour des carrières. Cette longueur trahit les intérêts économiques et financiers importants que la filière engendre et qui la rendent sans cesse très importante.
1. Les procédés de l’extraction du sable dans la Sanaga à Ebebda
24De passage à Ebebda même à partir du pont qui enjambe la Sanaga, l’on aperçoit dès l’aube jusqu’au coucher du soleil des va-et-vient de pirogues de plongeurs-creuseurs de sable encore appelés « pêcheurs de sable » en pleine action. Cette flottille de bateaux et de barques, ayant chacun un tandem de pêcheurs armés de perches, poussant sur le fond du fleuve afin de permettre le déplacement de la barque au-dessus de l’eau. Les deux hommes à bord jouent chacun un rôle bien précis. L’un plonge très souvent torse nu dans les eaux glauques de la Sanaga, avec un sceau en main, lui permettant de puiser au fond du fleuve et de remonter le maximum de sable. Pendant ce temps, son coéquipier cherche à équilibrer tant bien que mal avec sa perche, la barque agitée par le courant.
25Le ramassage du sable s’effectue aux encablures du milieu du fleuve, ce qui augmente considérablement les risques de renversement de la barque/pirogue avec l’intensité du courant. Les multiples allers-retours du plongeur au fond du fleuve permettent de remplir la barque au bout de 35 à 45 minutes. Il faut cependant compter avec les conditions climatiques - difficiles en saison de pluies avec la turbidité des eaux du fleuve et la forte intensité du courant - et les moments de respiration. Aussi, les multiples plongés au fond du fleuve sans aucune protection exposent le plongeur à divers agents pathogènes présents dans les eaux.
2. Les retombées socioéconomiques de l’extraction et de la vente de sable à Ebebda
26Les retombées socio-économiques de la filière « sable-Sanaga » sont considérables pour la commune et les populations locales et la chaîne d’acteurs impliqués. Les enquêtes révèlent que l’activité structure une véritable chaîne économique aux intérêts financiers colossaux. « Ebebda, comme communauté humaine, unité territoriale et administrative ne saurait, à l’heure actuelle, formuler son développement sans la filière sable-Sanaga » (Entretien avec Mr Fouda François, Maire de la Commune d’Ebebda, 21/05/2017). Le Maire réaffirmera plus tard, que l’exploitation du sable est la principale activité pourvoyeuse de fonds pour la commune. Le Tableau 1 donne un aperçu de quelques retombées financières pour le MINMIDT et la Commune d’Ebebda liées à l’exploitation du « sable-Sanaga ».
MINMIDT |
COÛT |
COMMUNE D’EBEBDA |
COÛT |
|
Propriétaires de carrière |
Délivrance d’agrément |
300 000 FCFA |
Taxe mensuelle |
3000 FCFA |
Taxe trimestrielle de renouvellement de l’agrément |
50 000 FCFA |
Taxe journalière |
500 FCFA |
|
Transporteurs |
/ |
/ |
Taxe de transit/ camion |
2000 |
Tableau 1. Retombées financières pour le MINMIDT et la commune d’Ebebda liées à l’exploitation du sable-Sanaga. Source : enquêtes de terrain, mai 2017
27Avec la présence d’une cinquantaine de propriétaires de carrières sur les berges de la Sanaga et au regard des centaines de camions de sable qui font le balai sur la route d’Ebebda, l’on comprend que les enjeux économiques et financiers liés à la filière sable sont très importants pour le MINMIDT et surtout la commune d’Ebebda. Le Maire signalera au passage que l’argent généré par la filière sable a permis à la commune de réaliser d’importants investissements depuis des années : ouverture de routes communales, construction de boutiques, reprofilage de la voirie …
28Les retombées financières sont tout aussi importantes pour les autres acteurs. Pour les propriétaires de carrières ayant obtenu un agrément, un acheteur de sable paie 3000 FCFA pour chaque camion de sable qui sort de sa carrière. En plus, les plongeurs-creuseurs qui travaillent dans sa carrière lui paient chacun une taxe qui varie entre 2500 et 3000 par jour. Ces derniers gagnent eux-mêmes en moyenne 2500 à 4000 FCFA par pirogue de sable livrée et en fonction des saisons. En saison de pluies, ce gain est majoré du fait des risques élevés qu’encourent les plongeurs. Les chargeurs-déchargeurs, communément appelés « travailleurs à la pelle » ne sont pas en reste en termes de gains récoltés. Ceux-ci gagnent assez convenablement leur vie. Chaque travailleur à la pelle empoche en moyenne 500 FCFA par camion chargé ; il faut compter environ 10 à 15 camions chargés par jour pour estimer le gain journalier de cette catégorie d’acteurs.
29Les transporteurs et vendeurs de sable sont un autre maillon de la chaîne qui engrange des bénéfices financiers considérables. Ces bénéfices varient selon que le transporteur est propriétaire du camion et vendeur de sable, locataire ou simple chauffeur. En général, les transporteurs et vendeurs de sable font des marges bénéficiaires allant de 50 000 à 80 000 FCFA. Le prix de vente d’un camion de sable à Yaoundé est aussi assujetti aux variations des saisons, les tracasseries policières et la localisation spatiale (distance) de l’acheteur. Ces prix sont plus élevés en saison des pluies en raison de la hausse des prestations des plongeurs-creuseurs de sable à Ebebda. La Figure 3 indique les gains journaliers (en FCFA) de certains acteurs de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda.
Figure 3. Estimation des gains journaliers de certains acteurs de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda. Source : enquêtes de terrain, mai 2017
30À côté de ces acteurs, d’autres secteurs d’activité se sont structurés dont le dynamisme dépend étroitement des activités de la filière sable. Il s’agit principalement des restaurateurs, le petit commerce des produits de première nécessité et les débits de boisson. Ces acteurs payent des impôts et taxes divers à la commune contribuant ainsi au développement et dynamisme de la petite économie locale.
31Chaque acteur semble tirer son épingle du jeu et développe en permanence des stratégies pour maximiser ses gains, du gouvernement au chargeur-déchargeur en passant par les collectivités territoriales décentralisées, les responsables de carrières, les plongeurs-creuseurs, les négociants … Les jeux des acteurs et les enjeux de la filière « sable-Sanaga » à Ebebda ne cessent de renforcer les retombées socio-économiques pour les uns et les autres.
C. Problèmes et risques liés à l’activité d’extraction du « sable-Sanaga » à Ebebda
32Les problèmes et risques auxquels exposent les activités d’extraction de sable dans le lit du fleuve Sanaga à Ebebda sont multiples. Cependant ils ont tendance à être minimisés ou ignorés par les principaux acteurs du fait du caractère lucratif de l’activité. Les résultats des enquêtes de terrain nous ont interpelé et donnent quelques signes d’alerte.
1. Les problèmes sanitaires liés à l’extraction de sable dans la Sanaga
33Les facteurs d’exposition et d’amplification des risques sanitaires sont inhérents aux techniques utilisées par les plongeurs-creuseurs de sable. L’éventail de risques et problèmes sanitaires auxquels s’exposent en permanence les plongeurs-creuseurs de sable dans le lit de la Sanaga est long. Il s’agit, pour la plupart des cas, de risques infectieux et parasitaires se manifestant par des irritations de la peau causées par le contact avec de petites larves appelées « cercaires », les infections aux yeux, aux oreilles ou encore à la gorge… En outre, au cours de la plongée, l’ingestion de l’eau sale du fleuve peut entraîner des contaminations d’amibes et autres pathogènes. Ces derniers provoquent des diarrhées.
34Dans la corporation des plongeurs, les témoignages convergent reconnaissant les conséquences sanitaires négatives liées à l’activité d’extraction du sable dans la Sanaga. Les 22 plongeurs-creuseurs interrogés avouent tous avoir déjà fait face à plusieurs problèmes sanitaires relatifs à leur activité (Figure 4).
Figure 4. Types de problèmes sanitaires touchant les plongeurs-creuseurs de sable dans la Sanaga à Ebebda
35Les enquêtes conduites auprès de la chaîne d’acteurs, corrélées aux informations du corps médical identifient les problèmes ophtalmologiques comme les plus récurrents en termes de cas recensés et d’observations profanes. « C’est une réalité, d’ailleurs celui qui m’a appris à plonger à la carrière de sable d’Ebebda est aujourd’hui devenu aveugle », commente Ibrahima Dobéné, le chef des plongeurs. L’onchocercose est l’une des maladies, à long terme, à laquelle la plupart des plongeurs-creuseurs de sable font face à Ebebda. Elle est provoquée par un ver parasite - l’onchocerque -, se présentant sous forme de nodules sous-cutanés, qui génère chez l’homme des lésions oculaires et cutanées. Un plongeur rencontré dans une carrière confirme avec un timbre de regret ce diagnostic : « on avait un camarade ici du nom de Kama. Il a attrapé cette maladie et est devenu aveugle. Il vient nous rendre visite de temps en temps, mais il ne peut plus travailler. On lui donne ce qu’on peut pour l’aider ». De nombreux cas de conjonctivite sont aussi recensés.
36En plus de la vue, l’ouïe est aussi attaquée. Les symptômes de cette autre affection font apparaître une mousse blanchâtre qui sort des oreilles de certains plongeurs. De même, le corps médical local renseigne que l’accumulation d’eau dans le conduit auditif peut être à l’origine d’otites externes. Quelques cas ont déjà été signalés au CMA. Des cas de bilharziose ont aussi été évoqués. Cette dernière est une infection parasitaire provoquée par des vers se trouvant dans les eaux. Les larves pénètrent dans l’organisme à travers la peau lors du contact avec une eau infestée. La contamination entraîne des démangeaisons ou la fièvre. Les larves vont ensuite migrer dans les vaisseaux sanguins. Lorsqu’ils sont adultes, ils pondent des œufs qui endommagent les organes où ils se trouvent. La maladie peut mettre plusieurs semaines ou années avant de se déclarer. Les symptômes vont varier selon les organes où vivent les bilharzies - organes digestifs, le foie, système urinaire…- et le stade de la maladie : sang dans les urines, diarrhée et troubles intestinaux, inflammation du rectum ou problèmes de foie – cirrhose -. Les vers adultes peuvent vivre une quinzaine d’années dans l'organisme.
37L’on signale également des cas de filariose, de fièvre jaune, dingue et surtout de paludisme chez les plongeurs-creuseurs de sable, mais aussi chez d’autres acteurs comme les chargeurs de camions, au contact permanent des eaux du fleuve. Ces maladies, indique le Médecin Chef du CMA sont causées par des vecteurs aquaphiles. Les infections dermatologiques sont nombreuses et s’observent facilement sur la peau des plongeurs de sable.
38Ce sont, pour l’essentiel, des infections cutanées très souvent contagieuses qui se propagent rapidement avec des conditions d’hygiènes relatives. Elles se manifestent par des gales qui donnent lieu à des démangeaisons intenses de la peau. Les personnes atteintes par ces infections grattent en permanence la peau et finissent par endommager l’épiderme, ce qui laisse de nombreuses petites blessures sur les zones attaquées. La Figure 5 dresse une synthèse des différentes maladies - en fonction de leur récurrence signalée au CMA - qui affectent principalement les plongeurs-creuseurs de sable dans la Commune Sanaga d’Ebebda.
Figure 5. Maladies affectant les plongeurs-creuseurs de sable d’Ebebda
39Selon leur fréquence, les infections cutanées apparaissent comme le premier problème sanitaire qui affecte les creuseurs de sable dans la Sanaga. Elles représentent 22 % (selon les personnes interrogées) de maladies recensées, suivies de l’onchocercose, la bilharziose et le paludisme... Ces résultats ne représentent cependant qu’un petit échantillon de maladies qui touchent les acteurs de la filière sable-Sanaga d’Ebabda. Il faut compter avec des cas non répertoriés dans les centres santé ou pas signalés par certains enquêtés, pour diverses raisons. Le corps médical d’Ebebda signale de nombreuses autres infections touchant principalement les plongeurs-creuseurs de sable que le plateau technique local ne permet pas toujours de diagnostiquer convenablement.
2. Autres risques liés à l’extraction du sable dans la Sanaga
40En dehors des problèmes sanitaires, l’extraction du sable dans la Sanaga débouche régulièrement sur des catastrophes : graves accidents et morts d’hommes. La saison de pluies correspond à la période au cours de laquelle ces dangers sont démultipliés. Les morsures de serpents sont enregistrées de même que les attaques d’hippopotames qui rôdent en permanence au moment où les courants d’eau sont forts. « C’est quand tu arrives ici au bord du fleuve que tu réalises que tu es encore en vie. Dès que tu démarres la pirogue pour partir, tu sais que tu peux rentrer ou rester, c'est-à-dire disparaître, ou alors on retrouvera seulement ton cadavre » témoigne l’un des plongeurs qui vient à peine de sortir du fleuve et qui est agacé par nos questions.
41Presque chaque année, la Sanaga engloutit des plongeurs-creuseurs de sable par noyade, attaques d’hippopotames, morsures de serpents ... Dans plusieurs cas, les dépouilles ne sont pas retrouvées notamment quand il s’agit de noyade ou d’une attaque d’hippopotame. Les témoignages ne sont pas rares. Entre les mois de janvier et mai 2017, l’on signalait déjà le décès d’un plongeur et la disparition d’un autre. La Figure 6 ci-après, rassemble les accidents enregistrés à Ebebda depuis 2010 et liés à l’activité d’extraction de sable dans la Sanaga.
Figure 6. Nombre d’accidents et de décès ayant frappé le corps des plongeurs-creuseurs de sable dans la Sanaga à Ebebda depuis 2010
IV. Un BILAN en termes de forces et faiblesses
42Depuis l’invention du béton moderne au XIXe siècle (1818), ses améliorations et la diffusion de son utilisation au début du XXe siècle (CIMBéton, 2009), le monde de l’architecture n’a cessé de se perfectionner et l’augmentation du prélèvement des ressources minérales (roche et sable) avec. Le sable a fini par devenir un matériau, voire une ressource indispensable suite à la quasi-uniformisation des procédés de construction dans tous les coins du monde, notamment en milieu urbain (Senk, 2007).
43De plus, l’entassement des populations en ville soulève une multitude de préoccupations s’articulant prioritairement autour de la problématique des infrastructures, de l’accès au logement et à diverses ressources (Voundi, 2016).
44L’exemple de l’extraction du sable dans le lit du fleuve Sanaga, dans la commune d’Ebebda, illustre très bien la dichotomie entre des enjeux économiques/financiers et des risques que cette activité agrège et montre bien de la sorte le double volet du développement.
45D’un côté, l’exploitation du « sable-Sanaga » s’est développée au gré des contingences socio-économiques et géographiques qui ont par hasard placé Ebebda au centre d’une activité florissante postulant, depuis de longues années, l’établissement d’une véritable filière. La localisation géographique de cette commune non loin de Yaoundé, capitale politique du Cameroun, ajoute au dynamisme de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda. En fait, il est évident que l’urbanisation très rapide de Yaoundé a été et est encore aujourd’hui le principal facteur d’accentuation de l’exploitation du « sable-Sanaga » dans la localité d'Ebebda. L’appréciation positive par les populations de ce matériau dans la construction d’habitations et autres infrastructures de BTP accentue la demande, dynamisant un peu plus, chaque jour, la filière « sable-Sanaga ».
46Les enjeux économiques et financiers de l’exploitation du « sable-Sanaga » attirent sans cesse de nombreux acteurs qui se greffent à différents niveaux de la chaîne d’intérêt rallongeant, en continu, la filière. Localement, l’exploitation du sable est devenue un secteur pourvoyeur de travail à la jeunesse pas ou sous scolarisée et un exutoire pour les « refoulés » des grandes métropoles camerounaises voire des ressortissants d’autres pays africains. Le fourmillement de la population dans les carrières et autour des camions de sable et en partance pour Yaoundé témoigne des enjeux et intérêts économiques que la filière « sable-Sanaga » structure à Ebebda. Chacun y va de son service et de l’opportunité d’engranger des revenus. Il y a là des propriétaires de carrières, des chargeurs des chargeurs, des commerçants…
47De plus, le caractère morose de l’environnement de l’emploi au Cameroun marqué par le chômage généralisé (76 % de la population urbaine -BIT-, repris par l’INS, 2015) a conduit les jeunes, de la localité et d’ailleurs, à y trouver un exutoire et une garantie de revenus financiers permanents.
48L’État central à travers le MINMIDT et la commune d’Ebebda ne sont pas en reste dans la formulation de l’appétit et de capitalisation des intérêts économico-financiers de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda. Pour les autorités communales, il s’agit, dans les faits, d’une activité indispensable dans l’articulation du processus de développement local parce qu’elle est au centre de l’animation de la vie socio-économique d’Ebebda. Elle alimente le budget de la commune et par là a permis la réalisation de nombreuses infrastructures sociales de base : marché, écoles, routes, ponts… indispensables pour la communauté. Au-delà, l’exploitation du sable détermine et conditionne la survie de nombreux autres secteurs d’activité.
49Lorsqu’en 2014-2015, le MINMIDT décide de s’intéresser à la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda, il postule la régularisation d’un secteur dont les activités sont réglementées. Mais en réalité, ce fut également l’occasion pour le ministère de tirer financièrement profit d’une activité très lucrative se déroulant dans son champ de compétence et longtemps restée informelle.
50D’un autre côté, la filière sable « sable-Sanaga » » ou singulièrement l’extraction du sable dans la Sanaga ne saurait être formulée de façon uniquement positive. Il y a par-là, matière à interroger la portée sociale de cette activité vue au prisme de nombreux problèmes sanitaires et autres dangers qu’elle implique. À la réalité, cet autre versant de l’exploitation du « sable-Sanaga » à Ebebda cache mal le dynamisme de la filière et expose au jour les « plaies » d’une activité longtemps et uniquement présentée sous son aspect économique. Certains titres de quelques grands quotidiens camerounais révèlent à suffisance ces dangers : « Extraction du « sable-Sanaga » : tu mangeras au risque de ta vie »2 ou encore « Du sable de la Sanaga au péril de leur vie »3 …
51Dans son rapport du 26 juin 2008, l'Organisation Mondiale de la Santé, 2008) estimait que « l'eau sale est à l'origine de 9,1 % des maladies […] ». Les eaux des fleuves et rivières peuvent être contaminées par des micro-organismes (algues bleu-vert et autres bactéries, virus, parasites) ou par divers polluants.
52Les problèmes sanitaires qui touchent particulièrement les plongeurs-creuseurs de sable (éléments centraux de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda) sont légion, mal connus et presque jamais pris en compte à quelque niveau que ce soit par la chaîne d’acteurs. Et pourtant ! Les pratiques en vigueur pour récolter le sable dans le lit du fleuve constituent de véritables contraintes qui exposent en permanence, ces acteurs à de nombreuses pathologies. La dangerosité de certaines d’entre-elles rend extrêmement vulnérable cette catégorie d’acteurs et les précarise à long terme.
53Les pêcheurs de sable apparaissent comme « les sacrifiés » d’une filière dont les principaux bénéficiaires ne sont pas exposés aux dangers. Il y a là une injustice sociale que l’État seul a la capacité de réduire. Dans cette perspective, il y a nécessairement lieu d’envisager les voies et moyens, des actions permettant de minimiser les risques sanitaires liés à l’activité d’extraction de sable dans le fleuve Sanaga à Ebebda. Au-delà, c’est une véritable refonte de l’activité en termes d’organisation qu’il y a lieu d’opérer et qui devrait concourir à considérer et traiter les plongeurs-creuseurs de sable à leur juste valeur, en tant que maillon essentiel de la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda. Les défaillances en termes d’équipement adéquat pour l’exercice de leur activité, le manque de suivi médical approprié, les revenus sans cesse érodés, le manque d’assurance et l’absence de sécurité sociale sont, entre autres, autant de griefs qui précarisent les conditions de travail de cette catégorie d’acteurs.
54Dans un contexte où le MINMIDT et la commune d’Ebebda projettent de faire bénéficier à l’État et à la collectivité (aujourd’hui plus qu’hier) des retombées fiscales de toute activité d’extraction de ressources minérales en ciblant la filière « sable-Sanaga » d’Ebebda, on aurait pu s’attendre à ce que les questions relatives à une meilleure organisation de la filière soient adressés aux acteurs de la filière (creuseurs de sable, vendeurs, intermédiaires et les propriétaires du site). Aussi, la question sur les conditions de travail des pêcheurs de sable trouve des réponses satisfaisantes. Les enjeux de rentabilité financière poussent les principaux acteurs à omettre les dangers. Pourtant l’activité d’extraction de sable ici, n’est pas sans risque. Les conséquences sur la santé s’avèrent souvent préoccupantes à moyen et long terme, mais ne font pas toujours l’objet d’une attention particulière de la part des acteurs eux-mêmes et des autorités. Pour autant, malgré les risques et dangers, l’activité ne perd point en attractivité et décline même des perspectives d’émancipation économique individuelle, communautaire, voire nationale. Comment donc comprendre cet état de choses dans un contexte où les acteurs directement concernés/impliqués mêlent en permanence espoir et inquiétude ?
CONCLUSION
55Cette étude se proposait d’analyser la filière « sable-Sanaga » afin d’évaluer sa contribution dans le développement de la commune et les problèmes liés. Elle partait du postulat que la filière « sable-Sanaga » participe au développement local malgré les contraintes liées aux activités. À l’aune des investigations auprès de la chaîne d’acteurs impliqués dans la filière sable, il se révèle que la filière contribue substantiellement au développement socio-économique de la commune. Elle procure du travail à de nombreux jeunes, génère d’importantes ressources financières pour la Mairie permettant ainsi la réalisation des infrastructures sociales. En outre, de nombreuses autres activités économiques connexes se développent parallèlement, et deviennent des sources également de rentrées financières pour la commune et de revenus pour les acteurs. Mais l’extraction de sable sur la Sanaga induit des problèmes de santé et de nombreux autres risques pour les pêcheurs de sable. La multitude de maladies auxquelles ces derniers sont exposés et la dangerosité de certaines pathologies révèlent l’autre versant de la très réputée filière « sable-Sanaga » d’Ebebda. Le MINMIDT et la commune d’Ebebda qui s’y sont intéressés ne devraient pas uniquement formuler les prétentions économico-financières en termes d’impôts et taxes. Ils se doivent d’organiser et de faciliter les conditions de travail des acteurs à la base de la filière et leur assurer la juste récompense de leurs efforts. C’est certainement là, l’un des défis majeurs à relever aujourd’hui par les acteurs institutionnels de la filière « sable-Sanaga ».
Notes
561Les Eton et les Manguissa sont deux groupes sociologiques appartenant au grand groupe « Fang Bétis » qui lui-même compte une dizaine de groupes ethniques. On les retrouve pour l’essentiel dans la Région administrative du centre Cameroun principalement dans les départements de la Lékié et de la Haute Sanaga.
572Un des sous-titres du quotidien « LA VOIX DU PAYSAN » du 14 décembre 2009
583Un des sous-titres du quotidien « LE JOUR » du 7 février 2012
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