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La dixième thèse et le personnage de l’enfant
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Cet article propose d’explorer la dixième thèse et la présence en son sein du personnage de l’enfant. Nous apprenons dans celle-ci que « l’enfant politique du siècle » a été capturé dans les mailles d’un filet. Que s’est-il passé et pourquoi est-il primordial de le délivrer ? Telle est la question à laquelle nous allons tenter de répondre. Ce faisant, nous voulons redonner toute son importance au personnage de l’enfant au sein des thèses. Pour ce faire, nous avons divisé notre article en trois parties. Dans chacune d’entre elles, nous développons une facette du personnage de l’enfant afin de montrer comment celui-ci s’est construit progressivement dans la pensée de Benjamin et afin de tenter de dévoiler tout ce que peut signifier sa présence ici. Les textes choisis sont présentés selon la chronologie de leur écriture et ce pour mettre en évidence la manière par laquelle de nouvelles dimensions viennent successivement s’ajouter et enrichir le personnage benjaminien de l’enfant. La première partie constitue les prolégomènes de notre approche et développe les éléments qui caractérisent fondamentalement le personnage de l’enfant chez Benjamin. La deuxième prend une tournure politique et s’intéresse à « l’enfant en tant que collectif ». Elle nous permet de dresser des parallèles entre le personnage de l’enfant et des communautés d’adultes. Enfin dans la troisième partie, nous développons le thème de « l’enfant passeur » dans la perspective d’une captation de l’histoire. Tout ce parcours est convoqué dans notre conclusion. Les différentes dimensions développées dans ces trois parties y sont articulées et ce afin de montrer comment celles-ci éclairent la présence de l’enfant dans la dixième thèse et nous permettent de répondre à la question que nous avons posée au début de notre cheminement.
Abstract
This paper aims at exploring the tenth thesis and the presence of the child character. We learn that the « political child of the century » was caught in net meshes. Why did it happen and why is it so important to set him free? That’s the question we want to answer. At the same time, we want to give back fair importance to the child character. We divided our paper in three parts. In each of those, we develop one aspect of this character. We want to demonstrate how he developed progressively in Benjamin’s mind. We want also to show what means his presence in the thesis. We present the texts according to their writing chronology to point out how new dimensions are added one after the other and make child character more complex. The first part is equivalent to the prolegomena of our development. It introduces the main traits of the child character. The second one takes political shape by looking at « child as collective ». We will draw up parallels between childs and adults communities. At last, in our third part, we develop child as a transmitter between generations in the perspective of history practice. We call this whole path back in our conclusion. We will articulate the different dimensions and show how they clarify the presence of the child character in the tenth thesis. So, we expect to answer the question we asked at the beginning of our article.
Inhoudstafel
Introduction
1Il y a plusieurs « personnages » qui peuplent les thèses « sur le concept d’histoire » : une marionnette en costume turc, un nain bossu, un chroniqueur, des opprimés, un ange, des moines … On pourrait croire aux personnages d’un conte. Ils apparaissent discrètement mais certainement, un peu comme si le conte poursuivait ici « sa vie en secret »1 sous la plume d’un Benjamin qui est aussi conteur à ses heures. Dans la dixième thèse, apparaît un personnage : « Das politische Weltkind », une expression « un peu bizarre » selon Michael Löwi, « qui a son origine dans un poème de Goethe »2, et qui a été traduite de différentes manières : l’enfant du siècle, l’enfant politique du siècle, les enfants du siècle, l’enfant du monde, l’enfant-monde… Nous apprenons dans la thèse que « l’enfant politique du siècle » a été capturé dans les mailles d’un filet. Que s’est-il passé et pourquoi est-il primordial de le délivrer ? Telle est la question à laquelle nous allons tenter de répondre au sein de cet article. Ce faisant, nous voulons également redonner toute son importance au personnage de l’enfant au sein des thèses. Nous nous rangeons ici au côté de Philippe Ivernel qui note dans le recueil Enfance que « la figure de l’"enfant politique du siècle" (…) s’impose comme une référence trop souvent négligée par les commentateurs, à côté du fameux Ange de l’histoire »3 et ajoute que la figure de l’enfant, la question de l’enfance, de la jeunesse également, n’ont cessé d’alimenter les réflexions de Benjamin. Gershom Scholem évoque également la question du rapport de Benjamin à l’enfant :
C’est un des traits principaux de son être que d’avoir été attiré toute sa vie, avec une force précisément magique, par le monde de l’enfant et par l’essence de l’enfance. Ce monde constitue un des objets les plus durables et les plus tenaces de sa réflexion, et tout ce qu’il a écrit là-dessus relève de ses réussites les plus achevées4.
2Cet article est divisé en trois parties. Dans chacune d’entre elles, nous développerons une facette du personnage de l’enfant afin de montrer comment celui-ci s’est construit progressivement dans la pensée de Benjamin et afin de tenter de dévoiler tout ce que peut signifier sa présence dans les thèses. Les textes choisis sont présentés selon la chronologie de leur écriture et ce pour mettre en évidence la manière par laquelle de nouvelles dimensions viennent à chaque fois s’ajouter et enrichir le personnage benjaminien de l’enfant. La première partie constitue les prolégomènes de notre cheminement puisqu’elle développe les éléments qui caractérisent fondamentalement selon notre approche le personnage de l’enfant chez Benjamin. La deuxième prend une tournure politique et s’intéresse à « l’enfant en tant que collectif ». Elle nous permettra de dresser des parallèles entre le personnage de l’enfant et des communautés d’adultes. Enfin dans la troisième partie, nous développons le thème de « l’enfant passeur » dans la perspective d’une captation de l’histoire. Nous convoquerons ensuite tout ce parcours dans notre conclusion en articulant les différentes dimensions développées dans ces trois parties et ce afin de montrer comment celles-ci éclairent la présence de l’enfant dans la dixième thèse et permettent de répondre à la question que nous posons dans cette introduction.
3Nous laissons volontairement de côté les textes écrits de 1911 à 19215. Ce sont d’une part des textes esthétiques concernant « les pouvoirs de l’imagination, à travers [la] prédilection [de l’enfant] pour les couleurs »6 ; d’autre part, des textes concernant des réformes scolaires auxquelles Benjamin s’est intéressé et dans lesquelles il s’est même impliqué. Nous soulignons cependant que Benjamin a fréquenté le lycée prussien progressiste Haubinda, un lycée « où la structure hiérarchique entre maîtres et élèves était abolie » et qui a joué « un rôle décisif dans l’intérêt que [Benjamin] portera toute sa vie aux problèmes de l’éducation »7.
4 Ces remarques étant faites, nous pouvons commencer notre parcours.
Première partie : tourner le dos à l’autorité et utiliser son regard d’indien
5L’image sous l’égide de laquelle nous plaçons cette première partie est un dessin du peintre Max Ernst, rattaché aux mouvements dadaïste et surréaliste, qui date du début des années 1920. Elle fait la couverture d’un recueil de poèmes de Paul Eluard, Répétitions, inspirés par les œuvres du peintre. Benjamin a eu ce recueil entre ses mains et commente cette image en 1927 dans son premier texte sur le surréalisme : Kitsch onirique. Il la décrit ainsi : « Max Ernst a dessiné quatre jeunes garçons. Ils tournent le dos au lecteur, au professeur et à l’estrade, et regardent par-dessus une balustrade un ballon qui flotte en l’air. La pointe posée sur la barre d’appui, un crayon géant se balance »8. Nous retrouvons dans cette description deux éléments essentiels dans l’approche benjaminienne du personnage de l’enfant : la question du regard et du rapport à l’autorité. Nous les introduisons ici à partir de Sens unique.
6Les petits textes qui composent cet ouvrage ont été rédigés entre 1923 et 1926 et devaient à l’origine être des petites plaquettes pour les amis de Benjamin. Elles ont finalement été publiées en recueil en 1928. Le photomontage du photographe russe et ami de Benjamin, Sasha Stone9, qui illustrait l’édition originale, donne l’idée qu’avec cet ouvrage, le lecteur va parcourir une série d’arrêts dans la ville. Le titre Sens unique illustré par le panneau de signalisation qui correspond à cette injonction routière contient un élément important : le motif du signal, décliné ici avec la suggestion de l’idée d’une ville où il y a des signaux à déchiffrer. C’est quelque chose que l’on retrouve dans l’expérience de l’espace de la ville par les surréalistes que Benjamin découvre en 1927 et dont l’influence se ressent dans la version aboutie de ce texte. Dans ce recueil, tout ne concerne pas l’enfant ou les souvenirs d’enfants de Benjamin comme ce sera le cas avec Enfance berlinoise qui sera abordé dans la troisième partie. Nous avons choisi deux petits textes, deux images, qui rendent compte précisément nous semble-t-il de ce qui caractérise pour Benjamin le regard de l’enfant et son rapport à l’autorité. Ce sont des images importantes pour Benjamin puisque nous les retrouverons remaniées dans Enfance berlinoise.
7Dans l’image intitulée Chantier, Benjamin constate que dans « tout lieu de travail où s’opère visiblement l’activité sur les choses »10, les enfants reconnaissent « dans ces produits au rebut (…) le visage que le monde des choses leur présente, à eux et à eux seuls »11. Nous avons ici l’idée d’un regard particulier de l’enfant sur les choses qui va de pair avec un monde de choses qui se présenterait différemment à eux. Ce regard particulier permet à l’enfant d’être frappé par des babioles auxquelles un adulte ne prêterait pas attention : en l’occurrence ici des « produits au rebut », des déchets. Benjamin va associer directement à ce pouvoir de vision particulier un pouvoir créateur :
Avec de tels produits, [les enfants] imitent moins les œuvres des adultes qu'ils n'établissent des rapports nouveaux, par sauts et bonds, entre des matériaux de nature très différente à travers ce qu'ils en confectionnent en jouant. Les enfants forment ainsi leur propre monde dans le grand rien que par eux-mêmes12.
8Regarder permet à la fois de créer et de renouveler les choses. Nous avons également ici la présence implicite du thème de l’autorité. Nous pouvons dire que les enfants sont libres car ils ne sont pas soumis à l’autorité d’une valeur fonctionnelle ou d’usage des choses qui s’imposerait à eux.
9L’image Agrandissements décline également nos deux éléments. C’est un passage qui se divise en petites images, des « miniatures »13, comme si Benjamin zoomait sur des souvenirs d’enfants qui pourraient sembler à première vue anecdotiques pour les agrandir et saisir quelque chose d’important qui s’y joue. Nous allons nous-mêmes zoomer sur la miniature Enfant désordonné. Benjamin y évoque l’enfant collectionneur. La question de la collection est directement liée à la question du regard : « cette passion chez lui montre son vrai visage, la rigueur du regard d’indien »14. L’indien est celui qui regarde au loin, qui scrute l’horizon mais c’est aussi un regard qui regarde les choses de près, avec rigueur, comme si chaque chose qui lui était soumise était une chose nouvelle. Mais l’indien ne fait pas que regarder, il chasse :
À peine, vient-il d’entrer dans la vie que le voilà chasseur. Il chasse les esprits, dont il flaire la trace dans les choses ; entre esprits et choses s’écoulent pour lui des années où son champ de vision reste libre de tout humain. Il en va pour lui comme dans les rêves : il ne connaît rien qui demeure ; tout lui arrive, le vise, le rencontre, le frappe. Ses années nomades sont des heures passées dans la forêt du rêve15.
10Nous pouvons relever ici trois points importants. Premièrement, l’enfant-indien « chasse les esprits dont il flaire la trace dans les choses ». Les esprits représentent vraisemblablement les morts. Voici une courte citation de Chronique berlinoise qui nous conforte dans cette idée : l’enfance « va à la rencontre de l’empire des morts là où il pointe dans celui des vivants, comme à la rencontre de la vie »16 et ce parce que l’enfance n’a aucune « opinion préconçue ni sur la vie ni sur la mort »17. Les objets sont un support pour trouver les traces des ancêtres. L’enfant par son regard sur les choses permet donc d’opérer un lien entre les générations. Deuxièmement, le champ de vision de l’enfant indien « reste libre de tout humain ». L’enfant est souverain dans le monde auquel il accède à la fois par son regard mais également par son constant déplacement physique. Les années d’enfance sont des années de nomadisme. Enfin et troisièmement, « il en va pour lui comme dans les rêves : il ne connaît rien qui demeure ; tout lui arrive, le vise, le rencontre, le frappe ». Le regard que l’adulte porte sur les choses est marqué par l’habitude et la relation d’utilité qu’il entretient avec elles. L’enfant, lui, ne connaît rien qui demeure. Ce qui demeure, c’est ce qui reste de façon permanente, c’est ce que l’on ne voit plus parce que c’est comme si cela avait été toujours été là. Autour de l’enfant par contre, tout est en mouvement, chaque chose frappe son regard comme si c’était quelque chose de nouveau18.
11Après la chasse, l’enfant-indien ramène ses proies :
C’est de [la forêt du rêve] qu’il traîne sa proie jusque chez lui, afin de la nettoyer, de l’affermir, de la désensorceler. Ses tiroirs sont voués à devenir arsenal et zoo, musée du crime et crypte d’église. "Débarrasser" signifierait détruire une construction pleine de marrons à piquants, qui sont étoiles du matin ; papiers d’étains, qui sont un trésor en argenterie ; cubes de construction, qui sont cercueils ; cactus qui sont arbres totémiques et pfennings en cuivre, qui sont écussons19.
12Le regard d’indien est donc un regard qui désensorcelle. L’enfant nomade fait des aller/retour entre un monde de rêve, qui est également celui des contes et dans lequel règnent pour l’enfant les lois de la magie, et « la réalité nue »20, ici les tiroirs de sa chambre d’enfant, et ce faisant, il désensorcelle les choses. Nous pouvons comprendre ce « pouvoir » de deux manières. Premièrement, si l’on se place du point de vue de l’enfant qui se fait ici magicien, cela revient à empêcher que les esprits dont il a flairé la trace dans les choses lui jettent un sort. Deuxièmement, si l’on se place du point de vue de Benjamin qui observe des enfants et/ou se remémore une de ses expériences d’enfant, c’est prendre conscience avec lui que le regard d’enfant voit autre chose dans les objets que ce que les adultes leur attribuent comme utilité ou comme signification. Désensorceler les objets, ce serait alors enlever un sort qui leur aurait été jeté ainsi qu’aux adultes qui les côtoient : celui du voile de l’habitude. Mais désensorceler, ce n’est pas seulement voir autrement. En effet, au pouvoir de désensorcellement de l’enfant est associé un pouvoir de création ; un pouvoir que nous avions déjà évoquéavec les chantiers en construction et qui était associé à un pouvoir du regard. Nous allons retrouver quelque chose de similaire ici. L’enfant désensorcelle les choses en les faisant passer de « la forêt du rêve » à ses tiroirs tout en créant une nouvelle construction à partir de l’ancien. Le regard de l’enfant indien qui chasse dans la forêt permet donc également le geste créateur qui est aussi un geste de renouvellement.
13Enfin, à la fin de la miniature, nous retrouvons la présence du thème de l’autorité lorsque Benjamin évoque le mobilier des parents. L’enfant s’oppose avec ses tiroirs qu’il remplit de trésors à l’ordre établi qui est celui de « l’armoire à linge de la mère » et de « la bibliothèque du père ». Il aide certes déjà ses parents à ranger le contenu de ces pièces de mobilier, mais « dans son propre domaine [– sa forêt du rêve et ses tiroirs –], il est encore et toujours l’hôte instable et combatif »21. Si l’on parcourt les autres miniatures du passage Agrandissements, nous remarquons qu’à chaque fois, on y découvre également un enfant qui perçoit la domination mais s’oppose à l’ordre établi. L’enfant lisant se détache du contenu du livre – c’est-à-dire des mots et des lettres agencés selon un certain ordre – pour se créer ses propres histoires22. L’Enfant arrivé en retard se révolte contre l’autorité de l’horloge23 mais aussi contre son maître et la communauté des autres élèves qui sont devenus ici selon Benjamin les « alliés » de l’autorité ; l’Enfant grignotant par gourmandise plonge sa main la nuit dans le garde-manger et « échappe à la cuillère »24. L’Enfant sur carrousel se détache de l’autorité de sa mère – même s’il lui reste fidèle précise Benjamin – et du haut de son manège « en fidèle souverain (…) trône sur un monde à lui »25.
14 Nous terminons ici cette première partie. Nous allons voir que les éléments que nous avons introduits au sein de celle-ci vont être déclinés tout au long de notre parcours. Ils joueront également un rôle essentiel dans notre conclusion.
Deuxième partie : l’enfant en tant que collectif
15Dans cette deuxième partie, nous allons introduire la notion de collectif pour vous montrer comment la figure de l’enfant revêt également une dimension collective dans le travail de Benjamin. Nous allons aborder cela à partir de deux communautés existantes : les prolétaires et les surréalistes. Ivernel souligne que la tragédie de la politique pour Benjamin c’est « la façon dont elle assume toujours de façon brutale la rupture avec l’enfance »26. Or, nous allons voir que ces deux collectifs et les collectifs d’enfants présentent des points communs. Ceci a dû jouer un rôle important dans l’attrait que benjamin a eu pour les prolétaires russes et les surréalistes.
16– Benjamin et les communautés d’enfants dans les milieux prolétaires russes
17Du 6 décembre 1926 au 1er février 1927, Benjamin séjourne à Moscou où il s’était rendu à la demande de Asja Lacis, gravement malade. Il y rédige un journal qui n’était pas destiné à la publication. Ce journal renferme – nous nous référons ici à Jean-Michel Palmier – une « confrontation avec la réalité soviétique au début de l’ère stalinienne, alors que s’affermissaient [les] convictions marxistes [de Benjamin]. (…) [Cependant] s’il s’était attendu à trouver confirmée une certaine image idyllique du communisme, il fut vite déçu »27. Palmier considère cependant ce portrait de ville comme « l’un des plus émouvants » de ceux que Benjamin a esquissés et y pointe la fascination qu’exercent « la sensibilité rurale, presque enfantine » de Moscou sur celui-ci. Si son journal n’était pas destiné à la publication, Benjamin compose néanmoins en 1927 le texte Moscou pour la revue de Martin Buber Die Kreatur. Pour la suite de notre propos, c’est sur ce texte que nous nous basons. Benjamin y insiste sur la place qu’occupent les enfants dans la ville dont il découvre les quartiers prolétariens. On dirait parfois même que Benjamin « évoque [d’ailleurs] plus volontiers (…) les enfants que les ouvriers »28. Il voit « dans l’image des rues de chaque quartier prolétarien [que] les enfants tiennent une place importante »29 et observe « déjà chez eux une hiérarchie communiste »30. Il compare par ailleurs « la fierté libérée des prolétaires » à « l’attitude libérée des enfants »31. Benjamin choisit d’illustrer cette question de la liberté du prolétaire et de l’enfant par une des scènes qu’il a pu observer : la visite au musée.
Rien au cours d’une visite d’étude à travers les musées de Moscou, ne surprend davantage et plus bellement que de voir enfants et travailleurs se déplacer sans la moindre prévention à travers ces salles, en groupes, parfois autour d’un guide, ou bien isolément32.
18Nous relevons ici, outre le parallèle entre la communauté d’enfants et la communauté de travailleurs, l’idée d’un déplacement physique libre, non contraint, pour les membres de ces deux groupes. Le musée est un endroit où on regarde des choses, où on les contemple mais où on se déplace aussi. Pour rappel, l’enfant est caractérisé par son nomadisme. Ici, Benjamin lui associe l’idée de liberté qui équivaut à un rejet de l’autorité institutionnelle que représentent le musée et la culture. C’est quelque chose que Benjamin n’a pu observer qu’en Russie ; chez lui dit-il, les prolétaires n’osent pas entrer dans les musées ou s’ils le font, ils ont l’impression « de projeter un vol par effraction»33. Nous voyons donc à nouveau se nouer avec cet extrait de Moscou les deux éléments de notre première étape : le regard (le regard au musée) et le rapport à l’autorité (la liberté totale face à l’autorité de l’institution) ; ces deux fils se nouent par le déplacement corporel de l’enfant et du travailleur. Vient s’y ajouter une nouvel élément : la dimension collective. Enfants et prolétaires sont mis ici sur le même pied. Dans le texte suivant – Programme pour un théâtre d’enfants prolétarien – ceux-ci vont se voir confrontés.
19Asja Lacis avait été chargée en 1928 d’élaborer le programme d’un théâtre pour enfants à Berlin. Elle avait déjà expérimenté le jeu théâtral pour enfants en Russie vers 1918, dans un centre éducatif où elle recevait des enfants des rues laissés à l’abandon. Elle va prendre conseil auprès de Benjamin qui propose de lui écrire un programme : « Je vais décrire et fonder ton travail pratique en termes théoriques »34 lui répond-il. Contraints par le cadre du présent article, nous nous limitons ici à présenter ce texte de manière succincte en reprenant les principales articulations en ligne avec notre propos.
20Nous avons dès le début du texte l’idée que les enfants, désignés ici comme la nouvelle génération, sont une force très puissante. Si nous avions rencontré dans Sens unique un enfant « instable et combatif »35 face à l’autorité, nous avons ici une force qui est allouée à toute une nouvelle génération. Benjamin évoque dans ce programme « les énergies de l’enfance »36 dans lesquelles il va falloir « convoquer (…) les forces vives de l’avenir »37. Nous avons également ici l’ouverture d’un horizon temporel. Pour pouvoir convoquer ces forces, il est nécessaire de canaliser et de transformer ces énergies notamment parce qu’elles peuvent représenter également un danger pour la génération actuelle. Nous avons donc aussi l’idée d’une « confrontation » actuelle des générations, quelque chose comme un choc énergétique intergénérationnel dont il faut capter les forces ici et maintenant, dans l’instant présent, pour à la fois agir sur le présent vécu dans son actualité et préparer l’avenir. Il est donc essentiel d’éduquer cette nouvelle génération prolétarienne. Cependant, leur inculquer un programme de parti, des idées, n’est d’aucune utilité car sur les enfants « les phrases n’ont aucun pouvoir »38.Il faut non des idées mais un cadre dans lequel éduquer. Ce cadre, ce sera le théâtre. Par ailleurs, Benjamin insiste bien sur le fait que tout comme la classe ouvrière, l’assemblée populaire, l’armée, l’usine, « l’enfant est aussi un collectif »39. Nous remarquons cette tournure de phrase particulière : « l’enfant [– au singulier –] est aussi un collectif ». C’est bien l’enfant en tant que collectif qui « irradie les énergies les plus puissantes comme les plus actuelles »40 sur la classe ouvrière. Il y a donc possibilité d’une rencontre, d’un transfert d’énergie entre deux collectifs, entre deux générations. Si la génération adulte, en tant que spectateur, a le pouvoir de saisir l’énergie irradiée par la jeune génération, c’est en premier lieu l’animateur éducateur qui va observer les enfants pendant le travail de préparation basé sur l’improvisation théâtrale. Ici, « la moindre action, le moindre geste enfantin deviennent signal (…) d’un monde où l’enfant vit et commande »41. Nous retrouvons l’idée d’un monde formé par l’enfant et le motif du signal apparus dans Sens unique. Cependant c’est ici non la ville mais l’enfant qui fait signal et qui se retrouve passeur entre son monde et celui des adultes. Que faire de ces signaux ? « La tâche d’animateur consiste à délivrer les signaux enfantins des dangereuses magies de la pure imagination pour leur donner pouvoir exécutif sur les matériaux »42. Nous remarquons que Benjamin donne peu d’indications quant à ce qu’il entend par les dangers de l’imagination enfantine, ce qui ouvre la place à une certaine ambiguïté. Il y aurait en effet lieu de s’interroger sur la nécessité de brider ici l’imagination alors que Benjamin célèbre dans d’autres textes les pouvoirs de l’imagination et de la liberté enfantines. Ce point étant souligné, nous retenons que nous avons dans ce texte l’idée d’une canalisation de l’énergie enfantine en vue de la transformer en énergie créatrice. Le motif du signal se teinte donc ici d’une dimension énergétique. Les résultats de cette transformation vont être donnés à voir dans la représentation que Benjamin définit comme « la grande pause créatrice dans l’œuvre d’éducation »43. A chaque nouvelle représentation, quelque chose de nouveau est créé par l’enfant, qui crée à chaque fois la surprise pour celui qui le regarde. Enfin nous terminons sur la force révolutionnaire que Benjamin attribue au théâtre d’enfants prolétarien : « En ce théâtre d’enfants gît une force [révolutionnaire]. (…) Ce qui (…) produit cet effet vraiment révolutionnaire, c’est le signal secret de la réalité à venir qui parle depuis le geste de l’enfant »44. Nous pointons ici le motif du signal secret associé à un horizon temporel – la réalité à venir – à décrypter par l’adulte qui regarde l’enfant.
21– Benjamin et les surréalistes
22Benjamin voyage à Moscou fin 1926, début 1927. Il écrit son texte sur le théâtre d’enfants en 1929. C’est en 1927, lors de son second séjour à Paris, qu’il découvre le surréalisme. Le texte Kitsch onirique dans lequel il est fait mention du dessin de Ernst a été publié en 1927 ; le texte Le Surréalisme début 1929. Nous sommes donc juste dans le même intervalle de temps que celui des deux textes que nous venons d’évoquer. Les textes sur le surréalisme ne sont pas consacrés à l’enfant et ne l’évoquent pas directement. Mais nous voudrions souligner certains éléments qui nous montrent que l’enfant y est bien présent et qu’il est possible d’établir des parallèles entre les enfants et les surréalistes.
23Tout d’abord, il y a dans le texte de 1927, la présence du fameux dessin de Max Ernst qui a dirigé notre première partie. Les deux rapprochements que nous pouvons faire ici correspondent aux deux éléments que nous y avons développés. Le premier que nous pouvons faire assez intuitivement entre les enfants et les surréalistes, c’est la liberté qui se manifeste dans toutes les sphères de leur existence ainsi que leur rapport « combatif » à l’autorité. Le second rapprochement concerne leurs regards sur les objets du monde. Il est question dans les quelques pages de Kitsch onirique d’accéder aux objets les plus banals, les plus proches, par le rêve et de « déchiffrer les contours du banal comme un rébus »45. L’objectif est de détecter à travers ces objets quelque chose qui serait transmis de façon secrète de génération en génération et les relierait donc entre elles. Benjamin pose que les surréalistes « recherchent l’arbre totémique des objets dans l’épaisse forêt de l’histoire primitive »46. Un totem c’est quelque chose de matériel qui porte la trace, qui représente les ancêtres et qui permet quelque part d’entrer en contact avec eux. Et le totem c’est quelque chose qui est lié à un personnage, l’indien. Or nous avons déjà rencontré un indien dans Sens unique. L’enfant au regard d’indien chasse « dans la forêt du rêve » comme le surréaliste accède aux objets dans le rêve. Le regard de l’enfant indien « chasse les esprits, dont il flaire la trace dans les choses »47 . Les objets collectés par l’enfant sont donc en quelque sorte des totems, des supports pour trouver les traces des ancêtres, des esprits. Nous retrouvons donc chez les surréalistes quelque chose du même ordre. Chercher « l’arbre totémique des objets », c’est créer un lien entre les générations.
24Dans l’écrit de 1929, ce qui est significatif pour notre propos, c’est que Benjamin désigne les surréalistes comme les « enfants adoptifs de la révolution »48. 1929, c’est l’année de publication du Second manifeste du surréalisme49. Ce texte marque une internationalisation du mouvement et ancre sa dimension de plus en plus politique face à la montée du fascisme. En ligne avec cette évolution, nous retrouvons dans ce texte tout un vocabulaire « énergétique » propre à l’évocation de mouvements révolutionnaires, un vocabulaire qui avait également été utilisé pour caractériser les enfants prolétariens qui représentaient la nouvelle génération. Le surréalisme est désigné comme un petit ruisseau qui pourra entraîner des turbines50. L’observateur allemand pourra « apprécier les énergies du mouvement »51. Les surréalistes vont découvrir « les énergies révolutionnaires du suranné, des objets qui commencent à disparaître »52. Par ailleurs, nous voyons que tout comme aux enfants, Benjamin prête bien aux surréalistes un pouvoir du regard. Il les désigne à la fois comme des « voyants » et des « devins » qui voient comme personne ne l’a vu auparavant comment des « objets asservis et asservissants basculent dans le nihilisme révolutionnaire »53. Les surréalistes sont les enfants adoptés de la révolution car ils voient les choses comme personne. S’ils ont dépassé semble-t-il le stade de la contemplation, ce que l’on peut effectivement détecter dans la politisation de leur mouvement, la question est cependant de savoir si les surréalistes vont véritablement être en mesure de « lier la révolte à la révolution »54. Nous laissons maintenant de côté ces considérations pour terminer sur nos parallèles entre les enfants et les surréalistes.
25Dans ce monde d’objets auxquels les surréalistes prêtent leur attention, il y a « le plus rêvé d’entre eux, la ville de Paris »55. Ce qui est intéressant, c’est que Paris est pour les surréalistes un « petit monde » dans le cosmos56. Les surréalistes flânent dans Paris pour y faire des expériences d’illuminations profanes tout comme les enfants font des aller-retour entre la réalité et la « forêt du rêve » et qu’en jouant ils « forment (…) leur propre monde dans le grand rien que par eux-mêmes »57. Ce « petit monde » surréaliste est un monde où brillent « de fantomatiques signaux (…) se trouvent portées à l’ordre du jour. Tel est l’espace dont nous informe le lyrisme surréaliste »58. Nous retrouvons à nouveau le motif du signal. Nous avons vu avec le texte sur le théâtre d’enfants que les enfants devenaient passeurs et envoyaient des signaux de leur monde mais également de la réalité à venir à la génération adulte avec laquelle elle se trouvait confrontée. Avec les surréalistes, nous retrouvons à la fois l’idée que le regard posé sur les objets permet un lien entre les générations et celle que la ville parcourue envoie des signaux. Ces éléments vont être combinés dans les exercices benjaminiens de captation de l’histoire que sont Enfance berlinoise et le projet des passages.
Troisième partie : l’enfant passeur
26Enfance berlinoise s’est nourri d’un document de travail écrit en 1932 qui « s’appuie sur la biographie réelle de (…) Benjamin » et que l’on appelle Chronique berlinoise. Les petits textes qui composent cet ouvrage ont d’abord été publiés dans plusieurs journaux de 1933 et 1935 et n’ont été réunis en livre qu’en 1950, par Adorno59. On sait cependant que Benjamin avait bien l’intention d’élaborer un montage d’images comme il l’avait fait déjà pour Sens unique. Dans la préface du manuscrit trouvé à la Bibliothèque nationale de Paris, Benjamin s’exprime sur son travail : « Je me suis efforcé de m’approprier des images dans lesquelles l’expérience de la grande ville se condense pour un enfant de la classe bourgeoise. (…) Ces images d’une enfance dans la grande ville sont peut-être capables de préformer, dans leur intériorité, une expérience historique ultérieure »60. Le terme « expérience » peut nous faire penser à Expérience et pauvreté, publié en 33, qui s’ouvrait sur la question de la disparition du transfert d’expériences entre générations par le biais de proverbes et d’histoires racontées des « anciens (…) aux plus jeunes »61. Nous pouvons avancer que Benjamin se positionne en passeur et tente à partir de sa propre enfance de réactiver la transmission d’histoires entre générations. Cette réactivation passe par une réappropriation d’images d’enfant dans la remémoration, procédé qu’il tient de Proust62.
27Si le Walter Benjamin enfant peut sembler maladroit, solitaire, fatigué, chétif, marqué par la domination des adultes, il reste cependant également « l’hôte instable et combatif »63 qui était évoqué dans Sens unique64. L’enfant est un personnage double, évoluant à un « seuil » entre impuissance et appropriation du monde65, il découvre à la fois l’autorité mais également la possibilité de lui échapper. Par ailleurs, c’est par son regard sur les choses que l’enfant, qui ne connaît pas encore l’habitude, est un être éminemment libre. Dans l’exploration de l’appartement bourgeois de ses parents, de sa grand-mère, de la maison de ses tantes et de divers lieux de la ville de Berlin, échappant momentanément à l’autorité, l’enfant benjaminien va par son déplacement libre et par son pouvoir du regard, s’approprier ces lieux et collecter des petites choses qui lui font signe, des images qui vont résider « comme des précieuses raretés dans les sobres écrins de notre compréhension ultérieure – tels ruines ou bustes dans la galerie du collectionneur »66. Dans son travail de remémoration, Benjamin va pouvoir ré-accéder à ce qui lui faisait signe enfant mais qu’il était alors incapable de décrypter. Il passe ainsi de l’intuition, du « pressentiment de l’enfant »67 que certaines choses lui faisaient signe à la compréhension de signaux, de quelque chose qui se jouait dans le passé et qui annonçait l’avenir. Nous saisissons dans la lecture des images d’Enfance berlinoise que Benjamin avait porté enfant « un premier regard, encore vague (…) sur la barrière entre les classes68 » et pressenti « la guerre et la terreur »69. En outre, dans ces images, les personnes que Benjamin a connues ne se voient accorder « qu’une brève existence d’ombre. (…) [Elles] émergent aux fenêtres comme des spectres pour disparaître aussi vite »70. L’enfant collectant les images agit toujours en passeur entre le monde des morts et le monde des vivants comme nous l’avons vu dans la première partie en évoquant les spectres dont l’enfant flairait la trace et dans la deuxième en le comparant aux surréalistes. Nous avons bien ici l’ancrage de l’idée que l’enfant que Benjamin a été joue comme un passeur d’expériences, occupant un seuil entre les générations. Il est le lien entre un passé proche disparu, celui du Berlin de ses parents ; un passé tout juste disparu, celui de sa propre enfance et un présent toujours en train de disparaître.
28 Si le 19ème siècle se reflète dans le regard que porte Benjamin sur ses expériences d’enfant, c’est d’une autre manière que celui-ci va se voir reflété dans le travail des Passages. L’enfant va néanmoins également y trouver sa place. Étant donné que c’était un projet en construction, qui nous est parvenu inachevé, il nous est impossible de connaître la place définitive qu’allait prendre celui-ci dans ce travail. Néanmoins, si nous nous basons sur les fragments dans lesquels il est question de l’enfant, que l’on peut retrouver principalement dans les liasses consacrées à « La ville de rêve »71 et à la théorie de la connaissance72,il nous est possible de trouver quelques indications.
29Nous découvrons dans la première liasse qu’il y a une « liaison des thèmes du rêve et de l’enfance »73. Benjamin veut proposer : « un essai de technique du réveil »74 par la remémoration. Le réveil, c’est quelque chose qui s’expérimente chaque jour dans la vie d’un individu – dormir, rêver, s’éveiller – ; c’est quelque chose – nous venons de le voir – que Benjamin a expérimenté dans Enfance berlinoise, dans la perspective de faire une expérience historique à partir d’images de son enfance où l’enfant qu’il a été se fait passeur d’images ; mais c’est aussi quelque chose selon Benjamin qui peut s’expérimenter au niveau de toute une génération. La technique de la remémoration doit être ici acquise par le collectif et ce avec pour visée sous-jacente une nouvelle approche de la pratique de l’histoire. Ce collectif va devoir trouver « dans ses enfants l’heureuse occasion de s’éveiller »75. De quels enfants est-il question ici ? La difficulté est sans doute de saisir que les enfants dont il est question ne sont pas les enfants de la génération adulte actuelle ni même les enfants que les membres de celle-ci ont été mais une façon de pointer vers le passé encore tout proche, le 19ème siècle, et de désigner celle-ci comme l’enfance du 20ème siècle. Cette enfance, ce passé est une époque au sein de laquelle le collectif a rêvé. Comme Benjamin a tenté de comprendre dans la remémoration les signaux qu’il avait captés enfant mais qu’il ne pouvait pas encore interpréter, le collectif doit « s’emparer des mondes enfantins »76 et découvrir et interpréter dans les images d’enfance que ceux-ci envoient et que Benjamin rassemble, « un savoir non-encore-conscient77 » qui s’y trouvait caché, afin de se réveiller.
30Dans un des fragments, Benjamin va attribuer une tâche très précise à l’enfant : « Tâche de l’enfance : intégrer le nouveau monde à l’espace symbolique. L’enfant, en effet, peut faire ce que l’adulte n’est absolument pas capable de faire, à savoir reconnaître le Nouveau »78. La difficulté de ce fragment réside dans le fait qu’il allie l’enfance en tant que période historique, le passé proche, le 19ème siècle, et l’enfant en tant que porteur d’une expérience singulière qui se traduit dans son pouvoir du regard. Ce fragment pointe par ailleurs à la fois vers le passé et vers l’avenir puisque Benjamin y évoque cette fois-ci, au sens explicite, les enfants de la génération actuelle. Pour illustrer son propos, Benjamin utilise l’exemple de la locomotive : elle a un caractère symbolique car les enfants de la génération précédente y ont porté un regard différent que celui des adultes qui ne sont touchés que par le côté « nouveau, élégant, moderne, déluré »79 de toute nouveauté technique. Il en sera de même pour l’automobile : seuls les enfants de la génération actuelle pourront l’intégrer à l’espace symbolique. Nous pouvons ajouter que l’utilisation du terme « nouveau » peut prêter à confusion. L’adulte ne voit que le « nouveau » mais est aveuglé ; l’enfant « reconnaît » le nouveau. Il est frappé différemment. Nous retrouvons bien ici la différenciation au niveau du regard de l’enfant par rapport à celui de l’adulte. Par ailleurs, un pouvoir de création lui est à nouveau associé : « Chaque enfant découvre [de nouvelles images] pour les incorporer au trésor d’images de l’humanité »80. L’enfant crée le trésor de l’humanité. Cette idée de trésor d’images, c’est quelque chose que nous avions très exactement déjà évoqué dans Enfance berlinoise lorsque dans son exploration de la ville, l’enfant collectait des petites choses, des images qui allaient résider « comme des précieuses raretés dans les sobres écrins de notre compréhension ultérieure – tels ruines ou bustes dans la galerie du collectionneur »81. Enfin, Benjamin lie la tâche de l’enfant au thème du rêve au sein d’un fragment de la liasseconsacrée aux réflexions théoriques sur la connaissance : « Chaque enfance relie les victoires de la technique aux vieux mondes des symboles »82 et par là-même « accomplit quelque chose de grand, d’irremplaçable pour l’humanité »83. Benjamin précise cependant que ce lien n’est qu’inconsciemment formé par les enfants de la génération précédente ; il sera oublié et ne pourra être formé que par la génération suivante si elle parvient à se ressouvenir : « [Ce lien] ne se forme pas cependant dans l’aura de la nouveauté, mais dans celle de l’habitude. Dans le ressouvenir, l’enfance et le rêve »84. Paradoxalement, l’habitude devient une condition nécessaire à la remémoration et à la constitution du trésor d’images du monde. Ce n’est que parce que le voile de l’habitude s’est posé sur les choses que l’enfant pourra agir depuis le passé en venant nous désensorceler.
Conclusion
31Dans la dixième thèse, Benjamin évoque un moment critique. Les politiciens dans lesquels les adversaires du fascisme avaient mis leur espoir gisent à terre en ayant trahi leur cause. Il s’agit ici des communistes « staliniens » qui ont pactisé avec Hitler85. Pour mieux saisir ce qui va se jouer ici, nous combinons deux traductions. Premièrement, celle en français de Benjamin dans laquelle celui-ci s’adresse directement aux enfants du siècle qui ont été circonvenus par les promesses que prodiguaient ces hommes de bonne volonté86. Ensuite, nous nous référons également à la traduction d’Ivernel qui stipule que la pensée qui « prend son cours » dans cette thèse vise « à délivrer, des filets où ils l’avaient piégé dans leurs mailles, l’enfant politique du siècle »87. Les mailles du filet sont devenues des paroles dans la traduction de Benjamin. Les deux aspects restent néanmoins importants. Dans les deux cas, c’est la liberté du personnage de l’enfant qui est mise en jeu. La situation est grave puisque l’enfant n’est plus libre. Il est d’une part encerclé, soumis à l’autorité des mots – des promesses – alors que les phrases ne devraient avoir aucun pouvoir sur lui. Et d’autre part, il est privé du mouvement, il est immobilisé dans les mailles d’un filet, alors qu’il est profondément nomade. Benjamin adresse donc un ultime appel à sa génération. Il s’adresse bien à des adultes bien sûr et non à des enfants au sens explicite. Mais en convoquant ici le personnage de l’enfant, il demande spécifiquement aux membres de sa génération de redevenir « instables et combatifs » face à l’autorité et de réactiver leur pouvoir du regard. Nous avons vu que Benjamin fait de l’enfant un personnage double, à la fois faible, subissant la domination, mais aussi éminemment libre car il n’est pas encore marqué par l’habitude et découvre comment échapper à l’autorité des adultes en créant son propre monde à partir de ses explorations. C’est peut-être justement parce que l’enfant est cet être ambivalent, fragile, au seuil entre impuissance et appropriation du monde, que Benjamin mobilise ici ce personnage. Ce faisant, il injecte presque imperceptiblement de l’espoir au sein des thèses. L’enfant, malgré son impuissance, est une figure de révolte. Il reste donc bien un espoir que la faible force qui pourrait subsister au sein de certains individus puisse être libérée contre l’autorité et ce même si les espoirs que Benjamin avait mis dans les prolétaires russes et les surréalistes – deux communautés d’adultes qui ont des traits communs avec les enfants – semblent avoir été déçus. Si nous avons surtout souligné ici la dimension du rapport à l’autorité, la question du regard n’en est cependant pas moins importante dans la thèse et est même essentielle. Il nous semble significatif à ce titre que que cette thèse vienne juste après celle qui voit apparaître l’Angelus Novus. L’ange voit les ruines mais ne peut pas agir sur terre. L’enfant a le pressentiment qu’une catastrophe est en cours. Il ne peut cependant pas interpréter les signaux qui lui sont envoyés. C’est donc à l’adulte de réactiver son pouvoir du regard. Mobiliser la figure de l’enfant renvoie donc en outre à une « modalité d’expérience et de perception »88 du monde renouvelée. Comme nous l’avons vu, ce pouvoir du regard est associé à un pouvoir de création. C’est celui-ci qui pourrait permettre d’agir sur les ruines et de construire quelque chose de nouveau à partir de détritus, de déchets. Échapper à l’autorité va ainsi de pair avec la création d’un nouveau monde dans lequel l’individu est à nouveau souverain.
32Mais nous avons également souligné que le personnage de l’enfant est celui qui va jouer un rôle de passeur entre générations. Ce motif du passeur renvoie à notre troisième étape et à la captation de l’histoire dont il est également question à la fin de la dixième thèse. Benjamin lance un autre appel à ce sujet. Il faut adhérer à un nouveau concept89, une nouvelle vision de l’histoire90. À nouveau ici, le personnage de l’enfant a une tâche à remplir. Tout d’abord, insérer l’enfant dans la thèse équivaut à y insérer un élément « instable », perturbateur, qu’il faut à tout prix libérer car c’est le personnage qui est capable de « déranger sérieusement les habitudes les plus chères à nos esprits »91 en les désensorcelant. Si nous nous attachons maintenant plus spécifiquement au concept d’histoire que prône Benjamin, il est possible de dresser un parallèle entre la « modalité d’expérience et de perception »92 de l’enfant et cette nouvelle vision. Dans le monde de l’enfant, rien ne demeure, tout le frappe comme si c’était quelque chose de nouveau. Or, l’historien matérialiste est frappé par son objet historique lorsque celui-ci se cristallise en monade sous l’effet d’un choc communiqué par sa pensée93. La modalité du choc est le fondement de l’expérience de l’enfant et de celle de l’historien matérialiste. C’est elle qui maintient leur liberté et qui empêche le voile de l’habitude de venir se poser sur les objets de leur attention.
33Nous voyons que Benjamin noue étroitement dans cette thèse action politique et pratique de l’histoire. Le personnage de l’enfant qui apparaît au centre de la thèse lui permet de faire cette liaison et de maintenir une tension qui a pour objectif, nous semble-t-il, de vivifier les appels qu’il émet ici. En effet, le personnage de l’enfant est lui-même, dans l’horizon d’action qui s’ouvre à lui, un être en constante tension entre impuissance et révolte. Dans la pratique de l’histoire, cette tension se traduit en termes de continuité et de discontinuité. Le personnage de l’enfant est à la fois celui qui introduit de la continuité, en faisant le lien entre les générations, et celui qui opère comme un facteur de discontinuité94. En laissant derrière lui des traces d’expériences95, il donne « l’heureuse occasion » au collectif de s’éveiller dans l’éclair de la remémoration. Le nœud du problème se situe ici au niveau du transfert d’expériences entre générations pour un collectif qui a perdu « les ressources de la remémoration »96. Il y a donc un transfert qui ne s’opère plus et qu’il faut réactiver afin de pouvoir répondre présent à l’invitation lancée dans la deuxième thèse : « il existe un rendez-vous tacite entre les générations passées et la nôtre »97. Ainsi, que ce soit au niveau de l’historien ou au niveau de tout membre de la génération de Benjamin, il faut que chacun apprenne à se « ressouvenir de ce qui est le plus proche, le plus banal, le plus manifeste »98 ou en d’autres termes à poser sur les choses un regard d’enfant, un regard d’indien, un regard surréaliste, c’est-à-dire les voir comme des choses nouvelles tout en parvenant à y détecter les traces des ancêtres, des générations passées.
34Enfin, pour terminer notre parcours, nous revenons sur l’étrange comparaison99 utilisée par Benjamin au début de la thèse : « les objets que la règle monastique affectait à la méditation des frères avaient pour tâche de les détourner du monde et de son agitation. La pensée qui prend son cours ici procède d’une semblable vocation »100. Evoquer les moines et la règle claustrale101 semble en contradiction avec l’appel à l’action contenue dans la suite de cette thèse puisque cette évocation pourrait être interprétée comme un appel à une attitude contemplative102. Nous pensons néanmoins, au terme de nos analyses, que ce n’est pas la fin visée, et que cette comparaison énigmatique a pour objectif de susciter d’emblée chez le lecteur une interrogation quant au nœud entre action et regard qui est au cœur de cette thèse et qui se voit noué par l’entremise du personnage de l’enfant. Tout l’enjeu de cette thèse réside bien dans la question de regard sur les choses mais un regard toujours associé à un pouvoir créateur qui permet d’agir sur celles-ci. C’est, nous semble-t-il, cet enseignement fondamental que le personnage de l’enfant n’a cessé d’envoyer comme signal à Benjamin.
Bibliographie
Textes de Walter Benjamin
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W. Benjamin, Œuvres III, trad. M. de Gandillac, P. Rusch et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 2000. « Sur le concept d’histoire », p. 427-443.
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Lecture secondaires
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H.T. Lehmann, « Remarques sur l’idée d’enfance dans la pensée de Walter Benjamin», in H. Wismann (éd.), Walter Benjamin et Paris, Paris, Les éditions du cerf, 1986, p. 71-89.
B. Lindner, « Le Passagen-Werk, Enfance berlinoise et l’archéologie du "passé le plus récent" », in H. Wismann (éd.), Walter Benjamin et Paris, Paris, Les éditions du cerf, 1986, p. 13-32.
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Source audio
Une vie, une œuvre, Walter Benjamin, le « collectionneur d’étincelles » (1892-1940), par Philippe Baudouin, émission radio diffusée le 17 décembre 2011. En ligne.
https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/walter-benjamin-le-collectionneur-detincelles-1892-1940 (Page consultée le 7 juin 2018)
Voetnoten
1 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Le narrateur », p. 209.
2 M. Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie, une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire », p. 129.
3 P. Ivernel, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Note », p. 269-270.
4 G. Scholem, Benjamin et son ange, p. 28.
5 Repris dans le recueil Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, sous l’intitulé « Positions premières ».
6 P. Ivernel, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Présentation », p.10.
7 J.M. Palmier, Walter Benjamin, Le chiffonnier, l’Ange et le Petit Bossu, p. 60.
8 W Benjamin, Œuvres II, « Kitsch onirique », p. 8.
9 Voir P. Ivernel, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Note », p. 252.
10 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 58.
11 Ibidem.
12 Ibidem.
13 Expression reprise à P. Ivernel, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Présentation », p. 12.
14 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62.
15 Ibidem.
16 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Chronique berlinoise », p. 191.
17 D’après Ibidem.
18 Benjamin citera d’ailleurs Baudelaire à ce propos dans son projet des Passages : « l’enfant voit tout en nouveauté ; il est toujours ivre » in W. Benjamin (citant Baudelaire), in Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 256
19 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62.
20 W. Benjamin, Enfance berlinoise, p. 104. « La réalité nue », c’est une expression de Benjamin dans Enfance berlinoise qui est utilisée pour marquer une opposition au « monde des esprits et des sortilèges » dans lequel les contes invitent l’enfant.
21 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62-63.
22 « Silence du livre qui vous entraînait de plus en plus loin. Son contenu n’était pas si important. Car la lecture tombait encore dans une période où on s’inventait soi-même des histoires dans son lit » in Ibidem, p. 59. Ce jeu avec les mots et les lettres, c’est un élément que l’on retrouve également dans des textes de 1930 au sujet d’abécédaires ludiques qui maintiennent dans l’éducation la souveraineté de l’enfant en alliant le jeu par le dessin avec l’apprentissage de l’écriture. Je note aussi que Benjamin va retrouver cette dimension chez les surréalistes.
23 « L’horloge dans la cour a l’air détraquée par sa faute » in Ibidem.
24 Ibidem, p. 60.
25 Ibidem, p. 61.
26 P. Ivernel dans Une vie, une œuvre, Walter Benjamin, le « collectionneur d’étincelles » (1892-1940), émission radio.
27 J.M. Palmier, Walter Benjamin, Le chiffonnier, l’Ange et le Petit Bossu, p. 214-215.
28 Ibidem, p. 216.
29 W. Benjamin, Paysages urbains, « Moscou », p. 241.
30 Ibidem.
31 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « [Enfants de Moscou], Extrait de Moscou », p. 81.
32 Ibidem.
33 Ibidem.
34 Ph. Ivernel (trad.), Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, p. 261.
35 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62-63.
36 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Programme pour un théâtre d’enfants prolétarien », p. 167.
37 Ibidem, p. 170.
38 Ibidem, p. 167. On retrouve ici l’idée d’une liberté de l’enfant vis-à-vis des mots et des lettres.
39 Ibidem, p. 171.
40 Ibidem.
41 Ibidem, p. 172.
42 Ibidem.
43 Ibidem, p. 175.
44 Ibidem, p. 176.
45 W Benjamin, Œuvres II, « Kitsch onirique », p. 10.
46 Ibidem.
47 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62.
48 W. Benjamin, Œuvres II, « Le Surréalisme », p. 117.
49 Le premier ayant été publié en 1924.
50 Ibidem, p. 113.
51 Ibidem, p. 114.
52 D’après Ibidem, p. 119.
53 Ibidem, p. 120.
54 Ibidem, p. 130.
55 Ibidem, p. 121.
56 Ibidem, p. 122.
57 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 58.
58 W Benjamin, Œuvres II, « Le Surréalisme », p. 122.
59 J. Lacoste, Sens unique précédé de Enfance berlinoise et suivi de Paysages urbains, « Avertissement du traducteur », p. 25.
60 W. Benjamin, Sur Proust, « Présentation », p. 23.
61 W Benjamin, Œuvres II, « Expérience et pauvreté », p. 364.
62 Voir à ce sujet le texte de Benjamin « L’image proustienne » in W Benjamin, Œuvres II, p. 135-155. « On sait que, dans son œuvre, Proust n’a pas décrit une vie telle qu’elle fut, mais une vie telle que celui qui l’a vécue la remémore. (…) Car ce qui joue ici le rôle essentiel, pour l’auteur qui se rappelle ses souvenirs, n’est aucunement ce qu’il a vécu, mais le tissage de ses souvenirs, le travail de Pénélope de la remémoration », p. 136.
63 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sens unique », p. 62-63. L’expression ne sera pas conservée dans Enfance berlinoise.
64 Je remercie Victoire Feuillebois d’avoir attiré mon attention sur cette double dimension de l’enfant benjaminien.
65 D’après B. Lindner, « Le Passagen-Werk, Enfance berlinoise et l’archéologie du "passé le plus récent" », p. 17.
66 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Chronique berlinoise », p. 187.
67 P. Szondi, « L’espoir dans le passé. Sur Walter Benjamin », p. 144.
68 B. Lindner, « Le Passagen-Werk, Enfance berlinoise et l’archéologie du "passé le plus récent" », p. 16.
69 Ibidem, p. 18.
70 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Chronique berlinoise », p. 191.
71 « K. [Ville de rêve et maison de rêve, rêves d’avenir, nihilisme anthropologique, Jung] » in W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 405-422.
72 « N. [Réflexions théoriques sur la connaissance, théorie du progrès] » in W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 473-507.
73 B. Lindner, « Le Passagen-Werk, Enfance berlinoise et l’archéologie du "passé le plus récent" », p. 31.
74 W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 405.
75 Ibidem, p. 407.
76 Ibidem, p. 405.
77 Ibidem, p. 406.
78 Ibidem, p. 407. Symbolique s’oppose ici à mythologique : « Il s’agit de dissoudre la mythologie dans l’espace de l’histoire » note Benjamin p. 474.
79 Ibidem.
80 Ibidem.
81 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Chronique berlinoise », p. 187.
82 W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 478.
83 Ibidem.
84 Ibidem.
85 Pour les détails plus concrets de cette trahison, nous renvoyons à M. Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie, une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire », p. 126-132 ou à d’autres lectures secondaires. Nous nous concentrons ici sur le personnage de l’enfant.
86 « Ces réflexions s’adressent aux enfants du siècle qui ont été circonvenus par les promesses que prodiguaient ces hommes de bonne volonté » in W. Benjamin, Ecrits français, « Sur le concept d’histoire », p. 439.
87 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sur le concept d’histoire (extrait) », p. 243.
88 H.T. Lehmann, « Remarques sur l’idée d’enfance dans la pensée de Walter Benjamin », p. 78.
89 Traduction de Benjamin.
90 Traduction de Ivernel.
91 W. Benjamin, Ecrits français, « Sur le concept d’histoire », p. 439.
92 H.T. Lehmann, « Remarques sur l’idée d’enfance dans la pensée de Walter Benjamin », p. 78.
93 Voir la thèse XVII. « Lorsque la pensée s’immobilise soudain dans une constellation saturée de tensions, elle communique à cette dernière un choc qui la cristallise en monade. L’historien matérialiste ne s’approche d’un objet historique que lorsqu’il se présente à lui comme une monade » in W Benjamin, Œuvres III, « Sur le concept d’histoire », p. 441.
94 Je remercie Laurent Van Eynde d’avoir attiré mon attention sur cette dimension.
95 Et nous pouvons ici nous placer au niveau individuel ou niveau collectif. Voir les développements faits sur Enfance berlinoise et le projet des Passages dans notre troisième partie.
96 « Proust ne pouvait apparaître comme un phénomène sans équivalent qu’au sein d’une génération qui avait perdu toutes les ressources naturelles et physiques de la remémoration » in W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 405.
97 W Benjamin, Œuvres III, « Sur le concept d’histoire », p. 428.
98 W. Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, p. 406.
99 Löwi souligne l’étrangeté de l’analogie choisie par Benjamin. Voir M. Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie, une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire », p. 127.
100 W. Benjamin, Enfance, Éloge de la poupée et autres essais, « Sur le concept d’histoire (extrait) », p. 243.
101 Termes utilisés dans la traduction de Gandillac in W Benjamin, Œuvres III, « Sur le concept d’histoire », p. 435.
102 « Faut-il abandonner l’action au profit de la "méditation". Une telle interprétation serait en contradiction totale avec les autres Thèses » in M. Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie, une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire », p. 127.
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Over : Marguerite de Witte
Université Saint-Louis, Bruxelles – Centre Prospéro