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François Pierrard

De Winstanley à Beccaria. Les premiers argumentaires abolitionnistes de la peine capitale (1649-1764)

(Vol. 43 - 2021)
Article
Open Access

Résumé

Il est généralement admis que l’abolitionnisme de la peine de mort est né avec le traité Des délits et des peines de Beccaria (1764). Pourtant, quelques travaux ont révélé l’existence d’argumentaires abolitionnistes plus anciens en Italie, en France et surtout outre-Manche, dès la Révolution anglaise, en 1649. Au premier abord, ces discours divergent considérablement. Pourtant, un examen attentif révèle que par-delà les différences, ces premiers plaidoyers contre la peine de mort partagent le plus souvent deux même logiques argumentatives : une remise en cause de la responsabilité pénale et une contestation de l’existence du pouvoir du glaive. En définitive, ces premiers abolitionnistes préconisent généralement les travaux forcés, au nom d’un utilitarisme pénal, qui repose essentiellement sur une forme de déterminisme (la cause du crime est extrinsèque au criminel ou déterminée physiquement) et sur un rejet du rétributivisme (le crime n’est plus une atteinte à l’ordre naturel de la société qu’il convient de rétablir).

Index de mots-clés : abolitionnisme (de la peine de mort), travaux forcés, utilitarisme pénal

Abstract

It is generally accepted that the abolitionism of the death penalty originated with the treatise On Crimes and Punishments by Beccaria (1764). However, some works have revealed the existence of earlier abolitionist arguments in Italy, France and especially in England, as early as the English Revolution, in 1649. At first glance, these discourses diverge considerably. However, a close examination reveals that beyond the differences, these early arguments against the death penalty most often share two same argumentative logics: a questioning of criminal responsibility and a challenge to the existence of the power of the sword. Ultimately, these early abolitionists generally advocated forced labor, in the name of penal utilitarianism, which is essentially based on a form of determinism (the cause of the crime is extrinsic to the criminal or physically determined) and on a rejection of retributivism (the crime is no longer an infringement of the natural order of society that needs be restored).

Index by keyword : abolitionism (of the death penalty), forced labor, penal utilitarianism

1. Introduction

1S’il y a un nom associé à l’abolitionnisme de la peine de mort, c’est celui de Beccaria. C’est tellement vrai que lui en attribuer la paternité semble faire l’unanimité. Par exemple, dans un ouvrage préfacé par Robert Badinter, Jean-Yves Le Naour écrit que « Beccaria est le premier à rejeter la mise à mort »1. On retrouve la même affirmation parmi les critiques de l’abolitionnisme, par exemple dans le dernier essai de Jean-Louis Harouel : « Jusqu’au deuxième tiers du xviiie siècle, tous les auteurs (…) ont défendu la peine de mort (…). Beccaria, on le sait, fut le premier auteur à réclamer sa suppression »2. Non seulement plusieurs essais ou synthèses l’affirment, mais des travaux de recherche le confirment.

2Pour s’en convaincre, il suffit de consulter trois thèses de ces dix ou quinze dernières années. Ainsi, dans sa thèse en droit de 2008, Marie-Christine Guiol soutient que « Beccaria est (…) le premier réformateur du XVIIIe siècle à condamner de manière radicale la peine capitale »3. Un peu plus tard, dans sa thèse en philosophie datant de 2013, Benoît Basse considère comme un fait « acquis que le traité Des Délits et des peines de (…) Beccaria (…) constitue le premier grand discours abolitionniste »4. Enfin, dans sa thèse en histoire de 2015, Marie Gloris Bardiaux-Vaïente, estime que « [p]arler d’abolitionniste avant (…) Beccaria (…) serait tout à fait anachronique »5. Pourtant, différents travaux ont montré l’existence d’abolitionnistes avant Beccaria, en remontant jusqu’à la première révolution anglaise (1642-1649). Ainsi, Michael Rogers s’est penché sur un écrit datant de 1649 dû à Gerrard Winstanley6, plus connu comme chef du mouvement des diggers, mais qui est aussi le premier, selon l’état actuel de la recherche, à condamner un temps la peine de mort. Par ailleurs, Paulette Carrive a mis en lumière le cas du quaker John Bellers, un demi-siècle après Winstanley et également outre-manche7. Si l’Angleterre semble pionnière, l’abolitionnisme s’esquisse également sur le continent dès avant Beccaria. En effet, récemment, Philippe Audegean a sorti de l’oubli un opuscule d’un Florentin, Giuseppe Pelli, qui est selon lui le « tout premier écrit entièrement consacré à la contestation de la peine capitale » et qui est de quelques années antérieur au traité de Beccaria8. Si géographiquement la France est située entre l’Angleterre et l’Italie, chronologiquement aussi elle semble connaître ses premiers discours abolitionnistes entre ceux de ces deux pays, d’abord sous la forme d’une utopie de Fontenelle et ensuite sous celle d’un essai d’un ami de Diderot, François-Vincent Toussaint. Mais ces éléments, qui ouvrent de nouvelles pistes de recherche, sont surtout le fruit de travaux de philosophes.

3Le but de la présente contribution sera d’intégrer ces différentes conclusions en histoire du droit, en examinant les argumentaires des premiers abolitionnistes selon leur ordre chronologique d’arrivée, pour les confronter et en déterminer ainsi les continuités et les variations. Nous nous concentrerons sur les discours abolitionnistes proprement dits et non sur les critiques de l’application de la peine de mort. Le plan sera à la fois chronologique et géographique. Ainsi, nous nous intéresserons d’abord aux pionniers, qui sont à chercher parmi les non-conformistes anglais, puis à l’ambigüité de l’abolitionnisme français d’avant la Révolution et enfin aux grandes synthèses italiennes de Pelli et de Beccaria.

2. La naissance de l’abolitionnisme chez les non-conformistes anglais

4L’abolitionnisme de la peine de mort semble être né dans le royaume d’Angleterre, plus précisément dans les milieux protestants non-conformistes. C’est pourquoi nous envisagerons ici successivement la pensée de deux dissidents du milieu et de la fin du XVIIe siècle appartenant à des communautés marginales différentes : le digger Gerrard Winstanley et le quaker John Bellers.

2.1. Gerrard Winstanley

5Dans la généalogie des premiers abolitionnistes, Gerrard Winstanley (1609-1676) semble être le premier, même si en réalité il n’a été abolitionniste que pendant quelques années. Commerçant ruiné par la guerre civile, il quitte Londres pour la campagne. Avec quelques compagnons, appelés diggers, il s’empare de terrains communaux. De plus, il écrit différents ouvrages prônant une réforme radicale de la société, dont un des plus importants est The New Law of Righteousnes9. Dans cet ouvrage datant de 1649, Winstanley donne deux motifs d’abolir la peine de mort : personne ne peut tuer son semblable et les peines n’ont d’autre fonction que d’amender. Commençons par le deuxième argument, celui de la fonction des peines. Voici ce qu’écrit Winstanley : « toutes les peines qui sont infligées parmi les créatures appelées hommes ont seulement pour fonction de faire connaître le créateur au délinquant et pour le faire vivre dans la communauté vertueuse de droit et d’amour de l’un envers l’autre »10.

6Nous sommes déjà ici en présence du fameux argument de l’amendement. Pourtant, son rôle est limité. Car Winstanley pense que ce n’est pas le criminel, mais la propriété privée qui est la principale cause du crime. Ainsi, dans ses premiers écrits, il nourrit l’espoir que le crime tende à disparaître une fois instaurée la communauté des biens. Dans une telle hypothèse, toutes les peines devraient logiquement être abolies, Winstanley prônant seulement celle des travaux forcés contre ceux qui essaieraient de réintroduire la propriété privée11. Quant au premier argument, celui de l’interdit de tuer son semblable, il est ambigu. À première vue, il ne fait que reprendre le commandement « Tu ne tueras point ». Mais en réalité, Winstanley passe subrepticement de l’interdit de tuer son semblable au refus de la peine capitale. Voyons comment il s’y prend. Il commence ainsi : « Ce n’est pas à une créature appelée homme d’en tuer une autre, car c’est là une chose abominable pour l’Esprit »12. Jusqu’ici, son propos semble classique. Mais Winstanley poursuit son raisonnement : « si je vous tue je suis un meurtrier, si un tiers survient, et me pend ou me tue parce que j’ai commis un meurtre, il commet également un meurtre »13. Ici, c’est déjà moins clair, puisque Winstanley ne précise pas si cela s’applique aussi lorsque le tiers en question est la puissance publique. Il continue en comparant le Christ et la bête. Et enfin, au milieu d’une phrase, il se montre plus franc : « none hath the power of life and death » : personne n’a le pouvoir de vie et de mort14.

7Pourquoi ce discours voilé ? Une première explication serait d’y voir un moyen d’éviter les critiques. Mais il y en a une autre plus fondamentale. C’est qu’en réalité, aux yeux de Winstanley, le fait pour un particulier de tuer et celui pour la société de condamner à mort ne diffèrent probablement pas vraiment. En effet, selon lui, c’est la propriété privée – encore elle – qui est à l’origine du gouvernement établi pour la protéger15. Si la propriété privée est illégitime, ce gouvernement l’est également et donc aussi son pouvoir du glaive. Mais Winstanley change rapidement d’avis sur la peine de mort. Suite aux échecs essuyés par les diggers en 1650, il écrit un nouvel essai, intitulé The Law of Freedom In A Platform et datant de 1652, dans lequel il préconise la peine capitale pour les acheteurs et vendeurs de terres, ainsi que pour les conspirateurs du rétablissement de la propriété privée16… Selon Mark Jendrysik, il va même jusqu’à la prôner pour ceux qui refuseraient de travailler17. Premier abolitionniste, Winstanley est paradoxalement aussi un des adeptes les plus acharnés de la peine capitale.

2.2. John Bellers

8Passons à présent à John Bellers (1654-1725), un disciple de George Fox, le fondateur du mouvement quaker, ainsi qu’un ami de William Penn, le fondateur de la colonie de Pennsylvanie d’Amérique18. Membre de la Royal Society, Bellers est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont des Essays about the poor, manufactures, trade, plantations, & immorality, etc., qui datent de 1699 et traitent notamment du problème du paupérisme19. En passant de Winstanley à Bellers, nous changeons donc de perspective. Pourtant, l’argumentaire abolitionniste de Bellers possède plus d’une ressemblance avec celui de Winstanley. Ces ressemblances peuvent s’expliquer tant par son contexte familial20 que par les liens entre diggers et quakers21 et permettent de postuler l’hypothèse d’une véritable influence de Winstanley sur Bellers22. Cependant, Bellers évoque davantage les considérations économiques. Ce n’est pas pour rien que Karl Marx va le qualifier de « véritable phénomène dans l’histoire de l’économie politique »23.

9Selon Philippe Audegean, le raisonnement de Bellers est « fondé sur des arguments utilitaristes »24, tandis que pour Paulette Carrive, il se compose de « raisons sociologiques, morales et théologiques »25. Reportons-nous donc au texte même des Essays26. Bellers donne trois arguments contre la peine de mort : la charité pour les criminels, leur utilité économique et la valeur de la vie humaine, ce qu’il résume lui-même en une formule : « leur mort prématurée est une tache pour la religion et une perte pour le royaume »27. Commençons par le premier argument. Quel est donc ce motif tiré de la charité ? En réalité, Bellers ne croit pas vraiment à la responsabilité du criminel. Il soutient expressément que les criminels sont des fous, d’où la charité qu’il y a lieu d’exercer à leur égard : « les criminels sont des fous de la pire sorte, vis-à-vis desquels la charité nous obligerait donc à prendre soin de prévenir leur mauvaise façon de vivre et leurs morts déplorables »28. D’où aussi la nécessité de respecter leurs vies, la folie ne rendant pas coupable. Mais l’utilité rejoint vite le déterminisme, comme le montre le deuxième argument de Bellers : « la mort prématurée d’un homme apte au travail, peut être évaluée à 200 livres de perte pour le royaume ; car cela revient souvent à le priver, en plus de leur personne, de la postérité qu’ils pourraient avoir »29. Ainsi, Philippe Audegean a probablement raison de parler d’« arguments utilitaristes », d’autant que la folie des criminels affirmée par Bellers devrait logiquement l’amener à condamner toute peine, y compris celle des travaux forcés.

10Cette logique de l’utilité n’est pas propre à Bellers. Quelques années auparavant, William Petty (1623-1687), précurseur du libéralisme économique, prône les travaux forcés car, écrit-il, « étant esclaves, [les condamnés à cette peine] pourront être obligés d’accomplir autant de travail et à aussi bon marché que la nature le permettra, et représenteront ainsi chacun (…) une addition de deux hommes, au lieu de la suppression d’un membre »30. Mais à la différence de Bellers, Petty n’en conclut pas à la nécessité d’abolir la peine de mort dans tous les cas.

11De Winstanley à Bellers, les premiers abolitionnistes anglais favorisent donc la peine des travaux forcés comme peine de substitution à celle de mort. Bien que mettant en avant l’amendement ou la pitié, ils ne croient pas vraiment à la responsabilité criminelle et sont assez proches de l’utilitarisme dans leurs approches de la peine. En réalité, c’est précisément de cette manière qu’ils annoncent le plus Beccaria, comme nous allons bientôt le voir. Mais avant de nous rendre dans la péninsule italienne, passons par le royaume de France.

3. L’ambivalence de l’abolitionnisme français d’avant la Révolution

12L’abolitionnisme français est plus tardif et dans un premier temps moins explicite qu’en Angleterre. Philippe Audegean va jusqu’à se demander s’il existe un auteur français entièrement abolitionniste avant Jacques-Pierre Brissot de Warville (1754-1793)31. Deux plaidoyers indirects ou ambigus peuvent néanmoins être cités : les « Ajaoïens » de Bernard Le Bouyer de Fontenelle et un essai de François-Vincent Toussaint.

3.1. Bernard Le Bouyer de Fontenelle

13Neveu de Pierre Corneille, Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657-1757) est surtout connu comme écrivain. Membre de l’Académie française, il prend résolument le parti des Modernes32. Précurseur des Lumières, il fait preuve d’un agnosticisme plus ou moins diffus33. C’est ainsi que dans l’Histoire des Ajaoïens, écrite entre 1682 et 1700, mais publiée à titre posthume, Fontenelle34 imagine un peuple – les « Ajaoïens » – dont l’organisation politique et sociale ignore toute religion, comme le suggère son nom (Ajao pour a-Yahwé, c’est à-dire sans Dieu)35. Ce qui nous intéresse ici, c’est que les « Ajaoïens » rejettent aussi la peine de mort. Certes, il s’agit d’une utopie, dont on ne sait dans quelle mesure elle reflète la pensée de son auteur36. Pourtant, il est à noter que c’est probablement la première utopie véhiculant un discours abolitionniste. Ainsi, l’Histoire des Sévarambes de Denis Veiras (1630-1700 ?), de quelques années antérieures, accepte encore la peine de mort pour les crimes énormes37. Quelles sont donc les arguments de Fontenelle ou plutôt ceux qu’il met dans la bouche des « Ajaoïens » ? L’argumentaire des « Ajaoïens » est double : « il est contre la nature et la raison d’ôter à une créature ce qu’on ne peut lui donner ; et (…) en ôtant la vie à un criminel connu pour tel, c’est le plus grand service qu’on lui puisse rendre, puisqu’on l’ôte à l’infamie et aux remords »38. En fait, nous trouvons un binôme argumentatif similaire à celui de Winstanley : il est interdit de tuer son semblable et d’empêcher le criminel de s’amender. Disons quelques mots de chacun de ces deux arguments.

14Le premier argument est difficile à saisir : « il est contre la nature et la raison d’ôter à une créature ce qu’on ne peut lui donner ». En fait, c’est une conséquence de l’athéisme des « Ajaoïens » : si l’autorité ne provient pas du Créateur, ils ne peuvent ôter la vie des criminels auxquels ils ne l’ont pas donnée. Selon Jean-Pierre Cavaillé, le gouvernement des « Ajaoïens » est « une république démocratique (…) basée sur le communisme agraire »39. Ainsi, comme chez Winstanley, il y a tout à la fois une critique de l’autorité et de la propriété privée.

15Par rapport au deuxième argument, il y a lieu de remarquer que Fontenelle ne croit pas vraiment au libre-arbitre, comme le montre son Traité de la liberté de l’âme : « L’âme a cru se déterminer elle-même parce qu’elle ignorait (…) le principe étranger de sa détermination. On sait qu’on fait tout ce qu’on veut, mais on ne sait pas pourquoi on le veut, il n’y a que les physiciens qui le puissent deviner »40. Ainsi, le but de la peine ne peut être de convertir le criminel, il ne peut donc y avoir de véritable amendement.

16Par ailleurs, les « Ajaoïens » de Fontenelle sont favorables à l’esclavage. Ils le pratiquent même depuis longtemps, mais il est difficile de savoir s’ils le conçoivent comme une peine ou seulement comme un moyen économique ou d’assujettissement à l’égard des autochtones de l’île qu’ils ont conquises. En effet, les « Ajaoïens » ne connaissent probablement pas beaucoup la criminalité, sans qu’on sache exactement s’il s’agit d’hommes vivant avant le péché originel ou bénéficiant du progrès des civilisations41. Quoi qu’il en soit, les « Ajaoïens » recourent aux travaux forcés dont la dimension pénale est prônée outre-Manche, tandis que leur opposition à la peine capitale repose en partie sur les mêmes présupposés que ceux de Winstanley : l’absence d’autorité transcendante et de responsabilité criminelle. Fontenelle a-t-il donc lu les non-conformistes anglais ? S’il lui arrive de se référer à Petty42, l’hypothèse d’une influence anglaise indirecte peut également être postulée par le biais de l’utopie de Veiras, d’abord publiée à Londres, dont il s’est inspiré43.

3.2. François-Vincent Toussaint

17Examinons à présent le cas de François-Vincent Toussaint (1715-1772), journaliste et traducteur, ami de Denis Diderot passé du jansénisme aux Lumières et un temps contributeur de l’Encyclopédie44. Il traite de la peine de mort dans son livre Les Mœurs (1748) – condamné par le Parlement de Paris45 et par l’Église –, ainsi que dans son Éclaircissement sur les mœurs (1762). Son approche est assez sentimentale. Après son premier ouvrage critiquant la peine de mort, il revient sur ses propos dans son second ouvrage :

La législation est faite : (…) je ne suis pas venu pour la réformer. En considérant les supplices par des vues d’humanité, je les trouvois durs : c’est mon cœur qui a parlé (…) : mais dès qu’on viendra m’opposer les raisons de politique (…) entre autres cette raison banale de la sûreté publique (…), je me rends ; pendez alors, répondrai-je, & rouez tant que vous voudrez. (…) Est-ce qu’il ne seroit pas néanmoins possible de pourvoir à la sûreté publique par des voies plus douces ? Si on me démontre que non, je me rends alors sans repliquer.46

18Ainsi, les sentiments de Toussaint ne résistent guère à son utilitarisme : la sûreté publique l’emporte sur la pitié. L’utilitarisme de Toussaint est donc plus politique qu’économique et n’a pas pour but de remplacer la peine de mort, mais au contraire de la conserver éventuellement dans certains cas où l’utilité de la société l’exigerait. Il faut néanmoins remarquer que comme ses prédécesseurs anglais, Toussaint prévoit aussi les travaux forcés comme peine de substitution47. De plus, comme ses devanciers, Toussaint évoque également un autre argument, consistant à contester le pouvoir même de vie et de mort. Dans son premier ouvrage, Les Mœurs, il soutient que la peine de mort est contraire à la loi naturelle. Mais de la même façon que nous avons vu ses sentiments s’effacer devant son utilitarisme, sa contestation du pouvoir du glaive s’efface devant la loi de l’État. Car finalement, peu importe pour Toussaint que le pouvoir du glaive ne soit pas naturel, puisque l’autorité politique ne l’est pas davantage48.

19C’est ici toute l’originalité de Toussaint. Il est probablement le premier à introduire le contrat social dans le débat public sur la peine de mort. Mais contrairement aux abolitionnistes qui vont le suivre, il l’emploie pour légitimer la peine capitale. Voici son raisonnement : le contrat social déroge à l’état de nature ; donc les lois civiles sont essentiellement des exceptions aux lois naturelles. Posant la question de savoir si les supplices sont conformes aux lois naturelles, Toussaint répond donc : « Il n’importe, si la sureté des hommes vivans en société l’exige »49.

20Ainsi, comme Winstanley un siècle auparavant, Toussaint fait une volte-face : au départ plutôt défavorable à la peine de mort, il l’accepte ensuite, manifestant ainsi les faiblesses de son argumentaire. Il finit par se rendre face aux objections de nature utilitariste, révélant par le fait même les apories d’un tel plaidoyer abolitionniste. Sans aller jusqu’à prôner un recours excessif à la peine capitale comme Winstanley, il en reconnaît la légitimité sans bornes de la loi naturelle.

21Moins explicites que les non-conformistes anglo-saxons, les premiers abolitionnistes français développent des argumentaires entre continuité et innovation par rapport à ceux de leurs aînés anglais. Si la mise en cause du pouvoir du glaive est commune à tous, il revêt des formes très différentes, qui tendent de plus en plus à nier le caractère transcendantal de l’autorité, aboutissant à sa reformulation par le contrat social et offrant ainsi un nouvel outil appelé à jouer un rôle considérable au sein du mouvement abolitionniste, comme nous allons à présent le voir.

4. La maturation italienne des discours abolitionnistes

22Traversons enfin les Alpes, pour interroger les premiers abolitionnistes italiens. Avant de parler du traité Des délits et des peines, il convient de s’intéresser à ce que Philippe Audegean considère comme le « tout premier écrit entièrement consacré à la contestation de la peine capitale »50. Nous envisagerons dans l’ordre chronologique les auteurs de ces deux écrits inégalement connus : Giuseppe Pelli et Cesare Beccaria.

4.1. Giuseppe Pelli

23C’est en 2014 qu’a été édité pour la première fois le plaidoyer abolitionniste de Giuseppe Pelli (1729-1808)51, patricien florentin travaillant dans l’administration du grand-duché de Toscane, puis comme directeur de la Galerie des offices52. Bien que Pelli et Beccaria fassent par la suite connaissance, il n’y a pu avoir d’influence entre eux, leur correspondance étant postérieure à leurs plaidoyers respectifs53. Rédigée en 1760-1761, l’argumentation de Pelli comprend jusqu’à sept preuves.

24Nous nous limiterons ici à l’examen des deux premières preuves invoquées par Pelli, qui semblent être les plus importantes. La première concerne l’amendement. Mais en réalité, celui-ci joue un rôle secondaire dans la pensée de Pelli, à telle enseigne que dans un passage de ses brouillons, il écrit : « Les buts des peines se réduisent à deux seulement : la sûreté des autres et l’exemple »54. Un moment tenu à l’écart, cet argument n’est donc pas déterminant chez Pelli. De plus, l’amendement qu’il promeut est à connotation utilitariste. En effet, Pelli soutient que « [l]es hommes sont (…) méchants : aussi faut-il (…) s’assurer que leur scélératesse ne les fasse pas vivre heureux, afin qu’ils comprennent que seule l’observation de leurs devoirs peut les faire jouir du bien qu’ils désirent »55. Ainsi, comme chez les « Ajaoïens », l’amendement implique de rendre le coupable malheureux. Pelli attribue ici deux fonctions à la peine : montrer au délinquant où est son intérêt et assurer la tranquillité de l’État. Enfin, Pelli est aussi favorable aux travaux forcés pour remplacer la peine de mort.

25La seconde preuve donnée par Pelli est fondée sur le contrat social. Contrairement à Toussaint et peut-être pour la première fois dans l’histoire, le contrat social est mobilisé comme argument contre la peine de mort. Pelli soutient que la volonté de chaque individu de garantir sa propre sécurité est au fondement de la société et que cette volonté exclut la peine capitale. En d’autres termes, en ayant contracté avec ses semblables, chaque individu est censé avoir consenti aux travaux forcés, mais pas à la peine de mort. Voici comment Pelli s’exprime :

Comment (…) les hommes auraient-ils pu fonder une société dans le but de se procurer une plus grande sûreté que celle dont ils jouissaient dans l’état de nature, tout en renonçant dans le même temps au droit qu’ils avaient à leur propre défense et en laissant à l’arbitraire d’autrui leur propre vie dont eux-mêmes n’avaient en aucune façon la faculté de disposer ?56

26Comme on le voit, Pelli ne croit pas plus à l’ordre naturel de la société que Winstanley ou Toussaint. Mais contrairement au premier, il ne prône pas pour autant l’abolition de la propriété privée. Et contrairement à Toussaint, la société contractuelle qu’il postule est fondée sur une volonté des individus qui exclut la peine capitale. Le contractualisme change donc de camp : de concept autorisant la peine de mort, il devient un argument abolitionniste. Le contrat social est une notion plurielle.

27Premier abolitionniste italien connu à ce jour, Pelli a-t-il bénéficié de l’apport de ses devanciers anglais et français ? Probablement pas directement. Dans tous les cas, il ne semble pas possible qu’il ait lu l’utopie de Fontenelle, qui est publiée seulement en 1768. Pelli cite ou critique plusieurs auteurs étrangers, comme Grotius, Cocceji57, etc., mais Winstanley et Bellers sont alors méconnus dans la péninsule italienne. L’originalité de la pensée de Pelli semble donc considérable.

4.2. Cesare Beccaria

28Terminons avec Cesare Beccaria (1738-1794), professeur d’économie politique et fonctionnaire du duché de Milan, surtout connu pour son traité Dei delitti e delle pene (1764)58. Comme l’a montré Xavier Tabet, son traité n’invoque pas l’amendement comme argument contre la peine de mort59. Ce n’est que dans des écrits postérieurs que Beccaria l’intègre à son argumentaire abolitionniste60. Quant à l’humanisme, si Beccaria consacre tout un chapitre de son traité à la douceur des peines, ce n’est guère pour la convier au débat sur la peine de mort.

29Est-ce à dire que l’argumentaire du célèbre Milanais est substantiellement différent de celui de ses devanciers ? Au contraire. Les deux arguments principaux de l’abolitionnisme « beccarien » sont le contrat social et l’utilitarisme. C’est l’utilitarisme qui préside à la fondation de la société. C’est l’utilitarisme qui fait l’objet des fonctions de la peine (prévention et exemple). Et c’est encore l’utilitarisme qui prône la peine des travaux forcés. Notons cependant que l’utilitarisme de Beccaria est pénal et non économique61.

30La peine de l’esclavage est conçue comme étant plus exemplaire que celle de mort. Beccaria est très clair sur ce point. Il ne s’agit pas de diminuer la souffrance de la peine, mais d’accroître son exemplarité : « Le frein le plus puissant pour arrêter les crimes n’est pas le spectacle terrible mais momentané de la mort d’un scélérat, c’est le tourment d’un homme privé de sa liberté, transformé en bête de somme »62. Pour Beccaria, cela peut même passer par un surcroît de cruauté :

On m’objectera peut-être que la réclusion perpétuelle est aussi douloureuse que la mort, et par conséquent tout aussi cruelle ; je répondrai qu’elle le sera peut-être davantage, si on additionne tous les moments malheureux qu’elle comporte63.

31Ainsi, Beccaria promeut-il les travaux forcés pour la durée des impressions qu’ils exercent, non parce qu’ils seraient moins cruels que la peine capitale, admettant au contraire qu’ils peuvent l’être tout autant, sinon davantage. Enfin, comme chez Pelli, le contrat social est mobilisé par Beccaria pour démontrer l’illégitimité de la peine de mort. Mais de secondaire qu’il était chez Pelli, l’argument contractualiste acquiert la première place chez Beccaria. Pour le reste, la manière de le formuler est assez semblable à celle de Pelli.

32La différence la plus importante entre Beccaria et Pelli est probablement le fait que Beccaria estime que la peine de mort peut devenir légitime dans certains cas (notamment lorsqu’il s’agit de « l’unique et véritable frein pour dissuader les autres de commettre des délits »64), tandis que Pelli ne prévoit aucune exception. En somme, Beccaria n’est pas le premier abolitionniste, non seulement parce qu’il n’est pas le premier, mais aussi parce qu’il n’est pas intégralement abolitionniste.

33En revanche, il paraît incontestable que Beccaria est le premier diffuseur de l’abolitionnisme. À ce propos, il faut souligner l’importance des multiples éditions de son célèbre traité : allemandes (dès 1766), françaises (dès 1766), anglaises (dès 1767), irlandaises (dès 1767), écossaises (dès 1770), suédoises (dès 1770), polonaises (dès 1772), espagnoles (dès 1774)... Le livre traverse l’Atlantique, y fait l’objet de nouvelles éditions (dès 1777) et influence jusqu’aux pères fondateurs des États-Unis65. L’abolitionnisme a désormais atteint tout l’Occident.

5. Conclusion

34Comparer les premiers plaidoyers abolitionnistes en si peu de lignes était une gageüre, nécessitant de mettre l’accent davantage sur les ressemblances que sur les différences. Or de Winstanley à Beccaria, de la société sans propriété privée à la société contractuelle, l’argumentation contre la peine de mort évolue. Néanmoins, l’histoire de l’abolitionnisme comprend un certain nombre de constantes. Ainsi, certains ressorts du discours abolitionniste sont communs à la plupart de ses protagonistes : la promotion des travaux forcés, le faible rôle de l’humanisme ou de l’amendement, l’utilitarisme des fonctions de la peine, la remise en cause de l’ordre social naturel, etc.

35Dans tous les cas, il apparaît que l’abolitionnisme repose essentiellement sur deux fondements, l’un concernant les fonctions de la peine, l’autre le droit de punir. Le premier consiste à rejeter la fonction rétributive de la peine pour se concentrer sur son utilité. Le second nie le caractère transcendantal de l’autorité et donc du droit de punir. Ensuite, nous pouvons aller plus loin et interroger les racines mêmes de ces deux types d’arguments. Nous pouvons faire l’hypothèse qu’ils reposent respectivement sur deux tendances, l’une à déresponsabiliser le délinquant et l’autre à rejeter la sociabilité naturelle de l’homme ou du moins le caractère connaturel de l’autorité sociale. En effet, le premier point commun à la plupart de ces abolitionnistes de la première heure est de mettre en cause la responsabilité du criminel. Ainsi, comme nous l’avons vu, Winstanley considère que la principale cause des crimes réside dans la propriété privée, Bellers que les criminels sont « des fous de la pire sorte », Fontenelle que la volonté des hommes est déterminée physiquement, Pelli que « les hommes sont méchants », tandis que Beccaria estime qu’ils sont « en la puissance (…) de la nécessité, qui dirige l’univers sous son sceptre de fer »66. Autant d’illustrations d’une même mise en doute du libre-arbitre. Bref, ces différents auteurs récusent le fait que le crime soit le libre choix de celui qui le commet.

36Le second point commun à la plupart de ces auteurs, d’époques et de pays différents, est leur rejet de l’ordre naturel de la société. Ce refus prend essentiellement deux formes distinctes. Chez Winstanley et les « Ajaoïens » de Fontenelle, les hommes sont naturellement égaux et doivent le rester en société, même si les « Ajaoïens » pratiquent l’esclavage. Il ne peut donc y avoir d’autorité dotée d’un pouvoir de vie et de mort. Tandis que chez Toussaint, Pelli et Beccaria, c’est la sociabilité naturelle de l’homme elle-même qui est niée, la société n’étant qu’une construction humaine établie par contrat. Or si dans l’état de nature l’individu ne jouissait pas du droit de se tuer, il n’a pu en transférer l’exercice à la société.

37Ce sont quelques pistes. Il reste des points obscurs, qu’il faudrait investiguer. Ainsi, il serait intéressant d’approfondir les filiations entre les doctrines abolitionnistes. Nous l’avons vu, si la lecture de Winstanley par Bellers est probable et celle des non-conformistes anglais par Fontenelle plausible, il n’en va pas de même de la réception de ces derniers au siècle suivant chez Toussaint, Pelli et Beccaria, ni de l’influence de ces deux derniers l’un sur l’autre, insoutenable à la lecture de leur correspondance. Comment expliquer alors que plusieurs de ces auteurs, spécialement Pelli et Beccaria, tiennent en grande partie le même discours, éventuellement à la même époque, sans s’être concertés ? Nous n’émettrons qu’une hypothèse.

38Alors que jusqu’au début du XVIIIe siècle, l’abolitionnisme est le fait de quelques penseurs marginaux dont on peut étudier l’influence, dès les années 1740-1750, il se diffuse plus largement, pouvant compter sur des réseaux plus ou moins discrets, avant de devenir public en 1764. À ce propos, le témoignage de Pelli est révélateur. Dans ses Efemeridi, chronique quotidienne, il note dès 1759 – donc avant son opuscule – que plusieurs de ses amis s’opposent à la peine capitale67. Ainsi, l’opinion de Xavier Tabet selon laquelle le talent de Beccaria fut « de donner forme à des idées qui étaient, en quelque sorte, dans “l’air du temps” »68 mérite d’être approfondie. Bref, l’histoire des premiers abolitionnistes reste encore à écrire.

Notes

1 J.-Y. Le Naour, Histoire de l’abolition de la peine de mort. Deux cent ans de combats, Paris, Perrin, 2011, p. 15.

2 J.-L. Harouel, Libres réflexions sur la peine de mort, Paris, Desclée de Brouwer, 2019, p. 11. L’auteur ajoute : « Et encore Beccaria n’est-il pas un véritable abolitionniste », évoquant ensuite les deux exceptions prévues par Beccaria (p. 11-12).

3 M.-C. Guiol, Finalités et modalités de la peine dans la doctrine pénale et la pensée politique des XVIIe et XVIIIe siècles, thèse de doctorat en droit, Université de Nice-Sophia Antipolis, 2008, t. 2, p. 540.

4 B. Basse, De la peine de mort en philosophie. Quel fondement pour l’abolition ?, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 15.

5 M. Gloris Bardiaux-Vaïente, Histoire de l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union européenne, thèse de doctorat en histoire contemporaine, Université Bordeaux III, 2015, p. 32.

6 M. Rogers, Gerrard Winstanley on Crime and Punishment, dans The Sixteenth Century Journal, vol. 27, 1996, n° 3, notamment p. 741.

7 P. Carrive, Un grand réformiste, le quaker John Bellers (1654-1725), dans Dix-huitième Siècle, n° 15, 1983, p. 266 et 277-278.

8 P. Audegean, Introduction. Un combat secret de Pelli : « abolir la peine de mort », dans G. Pelli, Contre la peine de mort précédé de Correspondance avec Beccaria, éd. et prés. P. Audegean, Paris, Klincksieck, 2016, p. XI.

9 Sur la vie de Winstanley, voir notamment J. D. Alsop, Gerrard Winstanley: What Do We Know of His Life, dans Winstanley and the Diggers, 1649-1999, éd. A. Bradstock, 2e éd., New York, Routledge, 2013, p. 19-36 ; O. Lutaud, Winstanley. Socialisme et christianisme sous Cromwell, texte remanié d’une thèse de doctorat, Paris, Didier, 1976 (Publications de la Sorbonne, Littératures, 9 ; études anglaises, 66), p. 39-43.

10 « [A]l punishments that are to be inflicted amongst creatures called men, are only such as to make the offender to know his maker, and to live in the community of the righteous Law of love one with another » (G. Winstanley, The New Law of Righteousnes, dans The Works of Gerrard Winstanley, éd. G. H. Sabine, New York, Ithaca, 1941, p. 193).

11 M. Rogers, Gerrard Winstanley on Crime and Punishment, op. cit., p. 741.

12 « It is not for one creature called man to kill another, for this is abominable to the Spirit, and it is the curse which hath made the Creation to groan under bondage » (G. Winstanley, The New Law of Righteousnes, op. cit., p. 193).

13 « [I]f I kill you I am a murderer, if a third come, and hang or kill me for murdering you, he is a murderer of me » (Ibid.).

14 Ibid.

15 M. Rogers, Gerrard Winstanley on Crime and Punishment, op. cit., p. 739-740.

16 Ibid., p. 743 et 746.

17 M. Jendrysik, Fundamental Oppositions: Utopia and the Individual, dans The Individual and Utopia. A Multidisciplinary Study of Humanity and Perfection, éd. C. Jones et C. Ellis, Farnham et Burlington, Ashgate, 2015, p. 28.

18 P. N. Anderson, John Bellers (1654-1725): ‘A Veritable Phenomenon in the History of Political Economy’, dans Quakers, Business and Corporate Responsability. Lessons and Cases for Responsible Management, éd. N. Burton et R. Turnbull, Cham, Springer, 2019, p. 155-157.

19 P. Carrive, Un grand réformiste, le quaker John Bellers (1654-1725), op. cit., notamment p. 265 et 268.

20 Le père de Bellers semble avoir été favorable aux diggers (G. Clarke, John Bellers. His Life, Times and Writings, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1987, p. 1-3).

21 À la fin de sa vie, Winstanley semble avoir adhéré au quakerisme (J. D. Alsop, Gerrard Winstanley: What Do We Know of His Life, op. cit., p. 32). Par ailleurs, les premiers quakers bénéficiaient souvent des mêmes éditeurs ou libraires que les diggers (B. S. Palmieri, Compelling Reading: The Circulation of Quaker Texts, 1650-1700, thèse de doctorat en philosophie, University College London, 2017, p. 19).

22 P. Carrive, Un grand réformiste, le quaker John Bellers (1654-1725), op. cit., p. 282.

23 Ibid., p. 265 et 282.

24 P. Audegean, Introduction. Un combat secret de Pelli : « abolir la peine de mort », op. cit., p. XI.

25 P. Carrive, Un grand réformiste, le quaker John Bellers (1654-1725), op. cit., p. 277.

26 J. Bellers, Essays about the poor, manufactures, trade, plantations, & immorality and of the excellency and divinity of inward light, demonstrated from the attributes of God and the nature of mans soul, as well as from the testimony of the Holy Scriptures, Londres, T. Sowle, 1699, disponible sur Internet : https://quod.lib.umich.edu/e/eebo/A27365.0001.001/1:6?rgn=div1;view=toc (consulté le 15 mai 2021).

27 Ibid., p. 17, traduction par nos soins.

28 Ibid., p. 18, traduction par nos soins.

29 Ibid., traduction de S. Reungoat, La peine de mort et ses alternatives dans la pensée économique et sociale anglaise, 1660-1720, dans Corpus, revue de philosophie, n° 62, 2012, p. 47.

30 Tel que cité par S. Reungoat, La peine de mort et ses alternatives dans la pensée économique et sociale anglaise, 1660-1720, op. cit., p. 48.

31 P. Audegean, Introduction, dans Le bonheur du plus grand nombre. Beccaria et les Lumières, éd. P. Audegean, C. Del Vento, P. Musitelli et X. Tabet, Lyon, ENS Éditions, 2017, p. 19. Comme le remarque Bernard Schnapper, les criminalistes français de la deuxième moitié du siècle des Lumières sont « dans leur quasi-unanimité favorables à [la] peine » de mort (B. Schnapper, La diffusion en France des nouvelles conceptions pénales dans la dernière décennie de l’Ancien Régime, dans Illuminismo e dottrine penali, éd. L. Berlinguer et F. Colao, La Leopoldina, Milan, Giuffrè, t. 10, 1990, p. 428).

32 L. Marcucci, FONTENELLE, Bernard Le Bouyer de, dans Les théoriciens de l’art, éd. C. Talon-Hugon, Paris, Presses Universitaires de France, 2017, p. 227-228.

33 J. Dagen, Fontenelle “esprit fort”, dans ThéoRèmes, t. 9 : Une philosophie de la religion avant les Lumières, éd. Y. Schmidtt et A. Del Prete, 2016, article en ligne : https://journals.openedition.org/theoremes/892 (consulté le 16 mai 2021).

34 L’attribution de l’Histoire des Ajaoïens à Fontenelle est contestée, mais reste généralement admise (J.-M. Racault, Trois récits utopiques classiques : Gabriel de Foigny, La Terre Australe connue, Denis Veiras, Histoire des Sévarambes, Bernard de Fontenelle, Histoire des Ajaoïens, Saint-Denis, Presses Universitaires Indianocéaniques, 2020, p. 19 et 451).

35 C. Poulouin, L’Histoire des Ajaoïens de Fontenelle, fable radicale, subversive et secrète, dans La Lettre clandestine, n° 28 : Pensées secrètes des académiciens. Fontenelle et ses confrères, 2020, p. 285.

36 J.-M. Racault, Trois récits utopiques classiques : Gabriel de Foigny, La Terre Australe connue, Denis Veiras, Histoire des Sévarambes, Bernard de Fontenelle, Histoire des Ajaoïens, op. cit., p. 19-20.

37 P. Audegean, Avant Beccaria. Utopie et peine de mort au XVIIIe siècle, dans Peine et Utopie. Représentations de la sanction dans les œuvres utopiques, Colloque international de Nice, décembre 2017, article en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01960070/document (consulté le 16 mai 2021), p. 2.

38 Tel que cité par P. Audegean, Avant Beccaria. Utopie et peine de mort au XVIIIe siècle, op. cit., p. 5.

39 J.-P. Cavaillé, Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l’Europe de la première modernité (xvie-xviie siècles). Une approche critique des tendances actuelles de la recherche (1998-2002), dans Les Dossiers du Grihl, n° 2 de l’année 2007, disponible sur Internet : https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/279 (consulté le 15 mai 2021), point 129.

40 Tel que cité par M.-S. Seguin, Fontenelle, au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, dans Philosophie et libre pensée. Philosophy and Free Thought, éd. L. Bianchi, N. Gengoux et G. Paganini, Paris, Honoré Champion, 2017, p. 347-361.

41 J.-M. Racault, Trois récits utopiques classiques : Gabriel de Foigny, La Terre Australe connue, Denis Veiras, Histoire des Sévarambes, Bernard de Fontenelle, Histoire des Ajaoïens, op. cit., p. 11 et 15.

42 S. Reungoat, À l’école de l’Angleterre : échos de l'œuvre de William Petty dans la pensée économique française du premier XVIIIe siècle, dans Les écrits de l’abbé Castel de Saint-Pierre, éd. C. Dornier, Caen, Presses universitaires de Caen, 2018, article en ligne : https://www.unicaen.fr/puc/sources/castel/doc/Economie/intro_petty.xml (consulté le 16 mai 2021), point 16.

43 P. Audegean, Avant Beccaria. Utopie et peine de mort au XVIIIe siècle, op. cit., p. 5.

44 M.-R. de Labriolle, Toussaint, François Vincent (1715-1772), dans Dictionnaire des journalistes 1600-1789, éd. J. Sgard, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, vol. II, p. 960-962.Voir aussi M. E. Adams, F. V. Toussaint. Life and Works, Boston, Boston University Graduate School, thèse de doctorat, 1966 ; S. Ferrari, Il piacere di tradurre. François-Vincent Toussaint e la versione incompiuta dell’Histoire de l’art chez les anciens di Winckelmann, Rovereto, Osiride, 2011, 276 p.

45 S. Ferrari, La réception des Mœurs (1748) de François-Vincent Toussaint dans l’espace savant suisse, et en particulier dans le Journal helvétique, dans Lectures du Journal helvétique 1732-1782, Actes du colloque de Neuchâtel 6-8 mars 2014, éd. S. Huguenin et T. Léchot, Genève, Slatkine, 2016, p. 361.

46 F.-V. TOUSSAINT, Éclaircissement sur les Mœurs, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1762, p. 328-329.

47 M. Gloris Bardiaux-Vaïente, Histoire de l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union européenne, op. cit., p. 37.

48 F.-V. TOUSSAINT, Éclaircissement sur les Mœurs, op. cit., p. 329.

49 Ibid., p. 329-330.

50 P. Audegean, Introduction. Un combat secret de Pelli : « abolir la peine de mort », op. cit., p. XI.

51 G. Pelli, Contro la pena di morte, éd. P. Audegean, Padoue, Cleup, 2014, 160 p. (La filosofia e il suo passato, 53). La première traduction française date de 2016 (G. Pelli, Contre la peine de mort précédé de Correspondance avec Beccaria, éd. et prés. P. Audegean, Paris, Klincksieck, 2016, 120 p.) et celle en anglais de 2020 (G. Pelli et C. Beccaria, Against the Death Penalty. Writings from the First Abolitionists – Giuseppe Pelli and Cesare Beccaria, éd. et prés. P. Garnsey, Princeton et Oxford, Princeton University Press, 2020, 226 p.).

52 S. Capecchi, Scrittura e coscienza autobiografica nel diario di Giuseppe Pelli, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2006 (Biblioteca del XVIII secolo, 1), notamment p. 3 à 9 ; R. Pasta, Contro la pena di morte. Beccaria, Giuseppe Pelli e il codice leopoldino, dans Il caso Beccaria. A 250 anni dalla pubblicazione del « Dei delitti e delle pene », Actes du Congrès du même nom, Turin, 27-28 novembre 2014, éd. V. Ferrone et G. Ricuperati, Bologne, Il Mulino, 2016, p. 191-207.

53 G. Pelli, Contre la peine de mort précédé de Correspondance avec Beccaria, op. cit., p. 5-6.

54 Ibid., p. 55.

55 Ibid., p. 31-32.

56 Ibid., p. 36.

57 Ibid., notamment p. 20 et 56.

58 P. Audegean, Introduction, dans C. Beccaria, Des délits et des peines. Dei delitti e delle pene, éd. et prés. P. Audegean et G. Francioni, Lyon, ENS éditions, 2009, notamment p. 9, 85 et 88.

59 X. Tabet, Beccaria, la peine de mort et la Révolution française, dans Laboratoire italien, n° 9, 2009, disponible sur Internet : https://journals.openedition.org/laboratoireitalien/547 (consulté le 15 mai 2021), point 20.

60 C. Capra, Beccaria fonctionnaire et l’évolution de ses idées, dans Le bonheur du plus grand nombre. Beccaria et les Lumières, éd. P. Audegean , C. Del Vento, P. Musitelli et X. Tabet, Lyon, ENS éditions, 2017, p. 188.

61 P. Audegean, Le plus ancien programme de l’abolitionnisme italien : le Discorso della pena di morte de Giuseppe Pelli (1760-1761), dans Corpus. Revue de philosophie, n° 62, 2012, p. 147.

62 Tel que cité par M. Gloris Bardiaux-Vaïente, Histoire de l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union européenne, op. cit., p. 43.

63 Ibid.

64 Plus précisément, dans son traité Des délits et des peines, Beccaria énumère deux situations qui légitimeraient l’usage de la peine de mort : la première concerne le cas où un État « récupère ou perd sa liberté » ou en temps d’anarchie « quand ce sont les désordres eux-mêmes qui tiennent lieu de lois » : « [Q]uand, même privé de liberté, [le coupable] aurait encore des relations et une puissance telles qu’elles intéressent la sûreté de la nation, et quand son existence pourrait provoquer une révolution dangereuse dans la forme établie du gouvernement » ; la seconde est plus large : « [Le cas où la peine de mort] serait l’unique et véritable frein pour dissuader les autres de commettre des délits (...) est le second motif pour lequel on peut estimer juste et nécessaire la peine de mort » (tel que cité par X. TABET, Beccaria, la peine de mort et la Révolution française, op. cit., point 8).

65 Voir notamment B. Baertschi, Une traduction inédite de Beccaria par Maine de Biran et A. Risco, Présence de Beccaria dans l’Espagne des Lumières, dans Beccaria et la culture juridique des Lumières (Actes du colloque européen de Genève, 25-26 novembre 1995), éd. M. Porret, Genève, Droz, 1997, p. 47 et 149 ; R. Duthille, Les radicaux anglais lecteurs de Beccaria, 1767-1795, communication au colloque international « Les cultures de Beccaria », Paris, École normale supérieure (Ulm) / Istituto Italiano di Cultura, décembre 2014, article en ligne : https://www.academia.edu/14871162/Les_radicaux_anglais_lecteurs_de_Beccaria_1767_1795 (consulté le 17 mai 2021), p. 2 et 4.

66 Tel que cité par J. FERRAND, La nécessité, passager clandestin de l’abolitionnisme beccarien, dans Le bonheur du plus grand nombre. Beccaria et les Lumières, éd. P. Audegean , C. Del Vento, P. Musitelli et X. Tabet, Lyon, ENS éditions, 2017, p. 133.

67 P. Audegean, Introduction. Un combat secret de Pelli : « abolir la peine de mort », op. cit., p. IX, note 1.

68 X. Tabet, Beccaria, la peine de mort et la Révolution française, op. cit., point 3.

Para citar este artículo

François Pierrard, «De Winstanley à Beccaria. Les premiers argumentaires abolitionnistes de la peine capitale (1649-1764)», C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société [En ligne], Vol. 43 - 2021, URL : https://popups.uliege.be/1370-2262/index.php?id=1343.

Acerca de: François Pierrard

 François Pierrard est doctorant en droit (Centre d’Histoire Judiciaire, Université de Lille) et doctorant en histoire (Centre d’histoire du droit et de la justice, Université catholique de Louvain). Sa thèse réalisée en cotutelle porte sur le premier projet de code criminel des Pays-Bas autrichiens, préparé par Goswin de Fierlant (1735-1804), président du Grand conseil de Malines.