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Mazyar Khoojinian

La campagne de régularisation des travailleurs clandestins en Belgique (1974-1976) : acteurs institutionnels et pratiques administratives

(Vol. 46 - 2023)
Article
Open Access

Résumé

Le 1er août 1974, le gouvernement belge décréta l’arrêt de l’immigration de travail non qualifié en provenance des pays non-membres de la CEE. La décision fut accompagnée d’une campagne de régularisation des travailleurs clandestins étrangers. Si le mouvement social à l’origine de la mesure et la mobilisation syndicale qui en prit le relais sont bien connus, le rôle qu’y jouèrent les principaux acteurs institutionnels impliqués reste encore un terrain peu exploré. Cet article analyse les enjeux sociopolitiques de cette régularisation et souligne les actions respectives des acteurs, tant publics (Administration de l’Emploi, Police des Étrangers, Affaires étrangères) que privés (fédérations patronales, organisations syndicales, associations d’aide aux migrants), parties prenantes à l’opération.

Index de mots-clés : Immigration, étrangers, travailleurs clandestins, régularisation, Belgique

Abstract

On 1 August 1974, the Belgian government decreed a halt to the immigration of unskilled workers from non-EEC countries. The decision was accompanied by a campaign to regularize the illegally occupied foreigners. While the social movement behind the measure and the trade union mobilization that took over from it are well known, the role played by the main institutional actors involved remains a fairly explored field. This article analyses the sociopolitical issues of this regularization and highlights the respective actions of the actors, both public (Employment Administration, Foreigners’ Police, Foreign Office) and private (employers’ federations, trade unions, migrants’ aid associations), parties to the operation.

Index by keyword : Immigration, foreigners, clandestine workers, regularization, Belgium

1. Aperçu historiographique et état des sources

1La campagne de régularisation des travailleurs clandestins et l’arrêt simultané de l’immigration de travail non qualifié en provenance des pays non-membres de la Communauté économique européenne (CEE), décrétés le 1er août 1974, sont souvent présentés comme un tournant majeur de l’histoire de la politique d’immigration belge. Étroitement associée à la crise économique et industrielle consécutive à la première crise pétrolière d’octobre 1973, cette séquence charnière est également appréhendée comme le point de départ d’une ère de fermeture des frontières1. À l’instar de la France, où l’immigration de travail est suspendue temporairement le 3 juillet 1974, la césure que représente l’évènement apparait surtout à postériori2. À l’été 1974, la portée de la décision se veut beaucoup plus limitée, à savoir une mise à zéro des compteurs pour l’obtention du consensus le plus large autour d’une politique d’arrêt définitif d’une immigration de main-d’œuvre spontanée et de renforcement des sanctions contre le recours au travail illégal3.

2Paradoxalement, bien que souvent convoquée, la régularisation de 1974 n’a fait jusqu’ici l’objet que de peu de travaux à caractère historique. Son historiographie est d’ailleurs encore largement inspirée par les analyses rétrospectives émanant des cercles syndicaux, mettant en exergue leur mobilisation en faveur des travailleurs clandestins, et en particulier leur rôle de médiation ayant infléchi une procédure administrative initialement très dépendante du bon vouloir patronal. Ces études ont aussi eu tendance à limiter l’enjeu de la régularisation au prisme de la seule question du travail au détriment d’autres thématiques (sécuritaire, diplomatique, juridique)4. Les luttes des « sans-papiers » et les opérations de régularisation sur lesquelles elles ont débouchées, des années 1990 à nos jours, ont par ailleurs contribué à réactiver périodiquement la mémoire de la grève de la faim de l’église Saints-Jean-et-Nicolas à Schaerbeek de mars-avril 1974 comme un catalyseur décisif du combat pour la régularisation des travailleurs clandestins étrangers5. Quant au lien de causalité avec la crise pétrolière, souvent évoqué dans la littérature générale, celui-ci n’a jamais fait l’objet d’un examen sérieux à la lumière des sources6.

3Les études réalisées par le passé, à commencer par celle de Lotfi Slimane7, ont pâti des grandes difficultés d’accès aux sources émanant des principales administrations publiques compétentes. Les archives du ministère de l’Emploi et du Travail sont, du reste, à quelques exceptions près, définitivement perdues8. Dans le chapitre de sa thèse consacré à cet évènement, Andrea Rea mobilise pour l’essentiel les documents et témoignages oraux produits par les acteurs politiques, associatifs et syndicaux impliqués dans les comités de soutien aux clandestins9. L’apport de cet article réside dans le croisement de ces travaux pionniers avec les fonds d’archives thématiques, récemment ouverts à la recherche, du ministère des Affaires étrangères, de la gendarmerie et de la Police des Étrangers, la direction de l’administration de la Sûreté publique (dépendant du ministère de la Justice) en charge de la régulation du séjour des étrangers. Renfermant nombre de rapports, notes, comptes rendus de réunion et correspondances produits par les principaux intervenants de la politique de régularisation, ces corpus de sources offrent un accès privilégié aux coulisses de sa genèse et de sa réalisation. Ces fonds, quasi inexploités à ce jour, permettent d’éclairer les principaux enjeux sociopolitiques ayant présidé à la régularisation des clandestins en août 1974 et d’analyser les procédures et pratiques administratives élaborées, négociées et mises en œuvre par les acteurs institutionnels compétents ainsi que les stratégies déployées par les candidats à la régularisation et leurs soutiens pour en élargir les critères d’admission.

4Cette contribution traite dans un premier temps la manière dont la politique d’immigration belge produit des travailleurs clandestins à compter de 1968. Elle s’intéresse dans un deuxième temps au clivage entre enjeux sécuritaires et diplomatiques, favorisant un maintien du statu quo jusque 1974. Elle aborde ensuite le tournant de la grève de la faim de mars-avril 1974 et sa répression à la lumière des nouvelles sources disponibles. Après un examen synthétique des tractations et arbitrages amenant à l’élaboration d’une mesure de régularisation, l’article analyse sa mise en application administrative à travers trois volets : la qualification et la sélection des clandestins admis à la régularisation, les pièges et entraves mis sur leur chemin et, pour finir, l’obstacle de dernière minute imposé par la Police des Étrangers en matière de régularisation du séjour.

2. La fabrique des « clandestins » (1968-1974)

5Entre 1945 et 1967, la politique migratoire belge est essentiellement assujettie à une logique de main-d’œuvre oscillant selon les besoins d’un nombre croissant de secteurs d’activité, industrie charbonnière en tête. Elle répond à la nécessité d’occuper des étrangers aux travaux les plus durs, dangereux, sales et mal payés trouvant difficilement preneurs sur le marché de l’emploi. En échange, elle assure à ces travailleurs un statut juridique et économique protecteur et le droit au regroupement familial. L’arrêté royal du 31 mars 1936 impose en principe à l’étranger d’être en possession d’un permis de travail avant d’entrer en Belgique10. Tout au long de la période, l’État prévoit toutefois des procédures de régularisation de séjour, plus ou moins souples selon la conjoncture, en faveur des candidats arrivant sur le territoire en qualité de touristes ou de manière irrégulière en y cherchant du travail. L’arrivée du socialiste et ancien secrétaire général de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), Louis Major, à la tête du ministère de l’Emploi, impulse à partir de 1968 un changement de paradigme axé sur la réduction des coûts sociaux attribués à une immigration familiale perçue comme excessive et le refus de continuer à régulariser un salariat extracommunautaire jugé en surnombre11.

6Bien que la règlementation sur l’emploi de la main-d’œuvre extracommunautaire soit appliquée de façon plus restrictive que par le passé, l’immigration « touristique » n’en reste pas moins le principal mode d’accès au marché de l’emploi, même si ce fait n’est reconnu qu’implicitement. Seuls les domestiques sans enfant(s) à charge et les enfants de travailleurs étrangers en situation régulière, âgés de 15 ans ou arrivés en Belgique avant cet âge, bénéficient encore de dérogations à la règle générale de l’examen préalable de l’état du marché de l’emploi. En pratique, la plupart des employeurs (en ce compris la Société des transports intercommunaux de Bruxelles – STIB) contournent le principe de la double autorisation préalable (obtention d’un permis de travail et d’un permis de séjour avant d’entrer sur le territoire belge) et l’interdiction faite aux touristes de chercher du travail, en faisant passer aux candidats en séjour illégal un examen d’embauche ou une période d’essai avant d’introduire une demande d’autorisation d’occupation. Il suffit au candidat de trouver une adresse dans un pays limitrophe et y subir un examen médical pour le dossier à déposer auprès de l’Office national de l’Emploi (ONEm), tout en évitant les contrôles de police ou de gendarmerie12. Le nombre des postulants est cependant bien supérieur aux 3500 premiers permis à l’immigration délivrés annuellement alors que le Bureau de programmation économique en prévoyait 5000 par an au minimum. Les migrants arrivés après 1969 ne sont en outre pas les seuls concernés. D’anciens détenteurs de permis de travail périmés sans possibilité de les renouveler vivent dans la clandestinité depuis plusieurs années13. De nombreux secteurs (construction, horticulture, domesticité, hôtellerie, etc.) en profitent pour exploiter cette main-d’œuvre à bon marché, d’autant que la clandestinité renforce sa dépendance et que les sanctions pénales ou administratives infligées en cas d’infraction constatée – le plus souvent des amendes d’un montant de quelques milliers de francs belges – sont très peu dissuasives14.

3. Enjeux sécuritaires versus enjeux diplomatiques

7Le protectionnisme défendu à compter de la fin des années 1960 par le ministère de l’Emploi au nom de la soutenabilité de la sécurité sociale entre en résonance avec les logiques sécuritaires défendues de plus longue date par la Police des Étrangers au nom du maintien de l’ordre public. Cette dernière récupère progressivement la maitrise exclusive de ses prérogatives en matière de régulation d’entrée et de séjour et abroge, au tournant des années 1970, les dernières dérogations jusqu’alors concédées aux travailleurs extracommunautaires dépourvus d’autorisation de séjour provisoire (hormis les cas de regroupement familial)15. Alors que la reprise en main du contrôle du séjour des étudiants étrangers provoque une levée de boucliers dans le monde universitaire et une remise en cause de la loi sur la police des étrangers, la lutte contre le séjour illégal évolue à pas plus feutrés. Au cours de la seule année 1973, 36 198 étrangers sont refoulés à la frontière, 1475 poursuivis pour séjour illégal devant les tribunaux correctionnels et 235 assujettis pour ce seul motif à un arrêté ministériel de renvoi, avec interdiction de revenir en Belgique, après avoir refusé d’obtempérer à un ou plusieurs ordres de quitter le pays. Plus de 75 % des 2275 étrangers en séjour illégal arrêtés cette année-là par la gendarmerie le sont en province de Brabant où ils représentent plus de la moitié des arrestations d’office opérées pour délits graves16.

8À la fin novembre 1973, la Police des Étrangers réitère au ministère des Affaires étrangères ses lourds griefs contre l’immigration illégale marocaine et le manque de collaboration des autorités de ce pays. Les Marocains forment non seulement plus de 50 % des « illégaux » auxquels un arrêté de renvoi a été signifié depuis 1971, mais leur éloignement est aussi rendu plus onéreux depuis que tous les pays limitrophes leur refusent l’accès à leur territoire par voie terrestre, les rapatriements devant obligatoirement s’effectuer par avion. Elle dénonce également le laxisme avec lequel toute une série d’irrégularités se trouvent tolérées (prises en charge d’enfants ou de jeunes gens par des parents collatéraux ou des personnes non apparentées, séjour d’ascendants, polygamie, travail illégal) sans possibilité pour ses services, ainsi que pour les communes, de renforcer les contrôles17. Bien que les Affaires étrangères assurent partager ces préoccupations, elles continuent toutefois, « dans le contexte politique actuel »18, et comme leurs homologues du Benelux, à s’opposer au rétablissement du visa de voyage (autorisant un séjour de trois mois maximum) pour les ressortissants marocains. Quand bien même le rétablissement du visa serait le seul moyen de freiner cette immigration irrégulière, des obstacles d’ordre politique le rendent tout à fait inopportun « en raison notamment du rôle positif qu’a joué le Maroc afin que notre approvisionnement en pétrole se fasse sur une base normale »19. En juillet 1974, à l’heure des derniers arbitrages autour du projet d’arrêt de l’immigration de travail extracommunautaire et de régularisation des travailleurs étrangers clandestins, les Affaires étrangères maintiennent leur veto afin de préserver les bonnes relations diplomatiques avec le Maroc (et la Turquie) jugées facilitatrices dans un contexte international de crise pétrolière avec les « pays arabes » :

2o il ne convient pas de lutter par une mesure ayant des implications politiques contre un phénomène dont la cause essentielle est d’ordre économique […]

4o Il est malaisé sur le plan politique de revenir sur les facilités de circulation résultant d’un accord international […] qu’en ce qui concerne les pays d’origine du plus grand nombre d’immigrants clandestins, des raisons particulières s’opposent au rétablissement du visa. En effet, la Belgique entretient d’excellentes relations avec le Maroc dans le cadre de l’Accord sur la coopération au développement. Le rétablissement du visa pour les Marocains ne serait pas en harmonie avec la décision de la CEE de mettre en œuvre une politique méditerranéenne globale et équilibrée et d’entamer un dialogue avec les pays arabes. Dans les circonstances actuelles, une telle mesure apparait d’ailleurs comme purement théorique puisqu’elle devrait être prise d’un commun accord par les pays du Benelux et que le Gouvernement néerlandais n’est pas disposé, autant que l’on sache, à prendre à l’égard d’un pays arabe une mesure qui serait considérée comme un acte inamical. D’autre part, la Belgique est liée à la Turquie dans le cadre de l’OTAN, du Conseil de l’Europe et de la CEE […]20.

9La crise pétrolière apparait dès lors non pas tant comme une cause, mais plutôt un frein à une politique de fermeture des frontières à une immigration touristique/clandestine.

4. L’étincelle politique : la grève de la faim de Schaerbeek (22 mars-1er avril 1974)

10Lors de la séance du Conseil consultatif de l’immigration (CCI)21 du 24 octobre 1973, Ernest Glinne, collègue de parti et successeur de Louis Major à la tête du département de l’Emploi et du Travail, accède à la demande de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) de mettre à l’examen le problème des travailleurs clandestins. Si les syndicats soutiennent le principe d’une régularisation depuis le début des années 1970, la revendication n’est guère défendue en public du fait du caractère clivant du sujet22. Face au peu d’empressement des organisations syndicales à se lancer dans la bagarre, d’autres acteurs collectifs, péjorativement qualifiés de « gauchistes » par leurs détracteurs, n’hésitent pas à s’engouffrer dans la brèche23.

11Dès juin 1973, un « comité vérité Ghanam », du nom d’un jeune ouvrier marocain victime d’un policier, est formé à l’initiative de l’organisation maoïste spontanéiste « La Parole au Peuple » pour sensibiliser sur le racisme et la répression policière. L’arrivée de militants du Mouvement des travailleurs arabes (MTA), autre organisation « mao-spontex » fondée en France, élargit la base du mouvement par l’articulation d’un discours centré sur la dignité des peuples arabes, se cristallisant autour de la cause palestinienne, avec des mots d’ordre s’adressant directement aux travailleurs maghrébins, et plus spécifiquement à ceux dans la clandestinité. Expulsés de France en septembre 1973 au lendemain d’un appel à la grève générale contre le racisme pour dénoncer la vague d’attentats racistes qui y frappe les « Arabes », ces activistes politiques, en liaison avec d’autres militants arabophones d’extrême gauche, jouent un rôle d’aiguillon pour de nombreux Maghrébins à Bruxelles. Signe de leur influence, la manifestation de soutien aux armées arabes dans la guerre du Kippour, organisée à Bruxelles le 14 octobre à l’initiative du Comité national Palestine, parvient à rassembler des milliers de travailleurs marocains, dont certains manifestent en famille24. En décembre, une rafle menée à Molenbeek entraine la création d’un « comité de soutien aux travailleurs immigrés »25. Une manifestation planifiée pour le 17 février 1974 sur le parvis de l’église Saint-Jean-Baptiste à Molenbeek pour protester contre les rafles policières et revendiquer l’octroi à tous les clandestins d’un permis de travail de durée illimitée pour tous secteurs d’activité est interdite par le bourgmestre socialiste de la commune. Bravant l’interdit, quelque 150 personnes s’y rassemblent et font face à une violente répression policière26.

12Par l’intermédiaire de Jean-Pierre Dupont, curé de l’église Saints-Jean-et-Nicolas à Schaerbeek, un groupement de travailleurs marocains sollicite l’aide du Comité permanent belgo-immigré, une coordination créée pour pallier l’absence de service d’accueil des migrants en province de Brabant, regroupant au passage les principaux acteurs du mouvement de défense des droits des étrangers dans la capitale. Méfiant envers les syndicats, le groupe entend lancer une grève de la faim, à l’exemple de celles qui ont permis d’arracher la régularisation de 50 000 clandestins en France. Entamée le 22 mars 1974 par trois « travailleurs immigrés arabes » dans la sacristie de l’église de la rue de Brabant, la grève de la faim est encadrée par un comité de soutien auquel s’associe rapidement un élan de solidarité pluraliste27. Le 25 mars, six autres clandestins entrent en grève de la faim et un calicot est apposé sur la double porte d’entrée de l’église28. Le 26, un incident avec la police communale suscite un vif émoi. Des policiers à la poursuite d’un suspect venu se réfugier dans l’église en passant par ses dépendances de la rue d’Aerschot y pénètrent avant de se retirer sans incident. Si la police locale entend minimiser l’affaire en réfutant toute tentative d’intimidation, elle ne convainc guère les grévistes et leurs soutiens, d’autant que la veille, deux policiers en civil s’étaient déjà présentés en se faisant passer pour des journalistes de La Libre Belgique29. Dans la matinée du 28, le ministre Glinne, réputé pour sa proximité avec les associations de défense des étrangers, reçoit une délégation du comité de soutien. Au terme de leur entretien, il appelle les grévistes à cesser leur action et s’engage à leur obtenir un sauf-conduit d’un mois, le temps qu’ils puissent introduire une demande de permis. Il s’engage par ailleurs à convoquer dans les plus brefs délais le CCI afin d’étudier d’éventuelles mesures de régularisation. Dans l’après-midi, le ministre Glinne tient une conférence de presse au cours de laquelle il déclare ne pouvoir satisfaire à leurs revendications, tant du fait de leur caractère « excessif » (l’octroi généralisé d’un permis de travail de durée illimitée et pour tous secteurs d’activité) que de l’impossibilité pour un gouvernement démissionnaire de prendre une décision politique. Il précise que si une mesure de régularisation devait être prise, elle ne pourrait se faire qu’avec le rétablissement concomitant du visa touristique et l’adoption de mesures répressives plus fortes à l’encontre des trafiquants de main-d’œuvre et des employeurs fautifs. Il renseigne ensuite l’opinion publique sur la situation de chacun des neuf grévistes (sept Marocains et deux Tunisiens), en soulignant que seuls quatre ont un travail, dont deux ont déjà fait l’objet d’une demande de permis de travail. Quatre ont déjà été expulsés une fois et l’un d’eux à trois reprises. Il annonce enfin qu’il recevra une délégation de grévistes, sans être toutefois disposé à céder à leur chantage, ni prêt à leur concéder la moindre dérogation.

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Image 1. Entrée de l’église Saints-Jean-et-Nicolas à Schaerbeek durant la grève30

13Le 29, un Belge rejoint les grévistes de Schaerbeek tandis qu’une seconde grève de la faim est lancée au siège du Vereniging der Vlaamse Studenten (VVS), contrôlée par le mouvement maoïste Alle Macht aan de Arbeiders (AMADA), rue des Commerçants à Bruxelles. Au cours de sa rencontre avec une délégation des grévistes de la faim de Schaerbeek, le ministre Glinne réitère ses propositions. Ceux-ci les rejettent et se déclarent déterminés à aller jusqu’au bout31. Le 30, un comité ministériel de politique générale se réunit pour faire le point sur la situation et adopter les mesures idoines. Au terme de l’exposé du ministre de l’Emploi et après échanges de vues, le comité ministériel décide qu’étant donné le « défi intolérable à l’ordre public »32 lancé par les grévistes et leur refus d’accepter le compromis d’un sauf-conduit pour un examen individuel au cas par cas, une mesure de renvoi par avion dans leurs pays d’origine dès le 1er avril s’impose, après contact préalable avec les ambassades concernées. Contact est pris par la Police des Étrangers avec la gendarmerie afin de procéder au contrôle des étrangers en séjour illégal présents dans l’église de la rue de Brabant, tandis que l’intervention dans les locaux de la rue des Commerçants nécessite un mandat de perquisition33.

14Le 1er avril, à 6 heures du matin, la gendarmerie investit simultanément les deux lieux et procède à l’interpellation de vingt-quatre individus. Après un examen médical, sept Marocains et trois Tunisiens sont conduits sous bonne escorte, accompagnés de deux médecins et d’une infirmière, à l’aéroport de Zaventem afin d’être rapatriés par avion charter vers le Maroc et la Tunisie. Un onzième gréviste est renvoyé par train en France et deux des trois derniers mis à disposition du parquet après avoir refusé de donner leur identité sont rapatriés en Tunisie via l’aéroport d’Orly. Les onze restants, belges ou étrangers en situation régulière, sont relâchés après interrogatoire, non sans poursuites pénales pour quatre d’entre eux du chef d’outrage et rébellion34.

5. Le temps de la concertation sociale et des arbitrages ministériels (juin-août 1974)

15Cette grève de la faim interrompue abruptement ne tarde pas à susciter d’emblée une avalanche de protestations, manifestations, prises de position, opinions et reportages sur la condition des travailleurs clandestins et les réformes qui s’imposent35. Dans le camp syndical, on appréhende cette action, aussi précipitée et erronée qu’elle ait pu être, comme le franchissement d’un « seuil politique »36. Du côté patronal, elle est déplorée comme une désastreuse épreuve de force ayant ouvert une boite de Pandore37. Pour les pouvoirs publics, l’essentiel est d’avoir repris le contrôle de l’agenda politique pour permettre au prochain gouvernement de plein exercice d’envisager une opération de régularisation dans le cadre plus ordonné de la concertation sociale38.

16Le 13 juin, le nouveau ministre de l’Emploi, le social-chrétien Alfred Califice, convoque le CCI pour examiner les moyens de résoudre le problème des travailleurs clandestins. Les délégations qui y prennent la parole s’accordent autour de l’impératif d’une mesure de régularisation, plus ou moins étendue selon les avis (à limiter à ceux qui ont déjà un employeur pour la déléguée de la province du Limbourg, à élargir aux sans-emplois pour les syndicats), des clandestins arrivés depuis un certain temps dans le pays. Un groupe de travail restreint, présidé par un membre du cabinet du ministre, est constitué pour formuler au plus vite des propositions concrètes39. Les débats qui animent ce groupe de travail portent pour l’essentiel sur les critères de sélection des demandeurs et les modalités d’application. Les critères à suivre renvoient autant aux catégories sociojuridiques à prendre en considération (nationalité, situation d’activité, statut social) qu’aux calculs des durées de séjour, d’activité et/ou d’assujettissement à l’Office national de la sécurité sociale (ONSS). S’agissant des modalités pratiques, elles se réfèrent aussi bien aux procédures et délais d’introduction des demandes qu’à l’examen préalable de l’état du marché de l’emploi. Sur l’ensemble des questions, une ligne de fracture se fait jour. Du côté des partenaires sociaux, on est favorables à une régularisation large. Les pouvoirs publics sont en revanche plus rigides sur les dérogations à la législation en vigueur, notamment sur la prise en compte de la situation du marché de l’emploi et les ressortissants d’États non liés à la Belgique par un accord de main-d’œuvre. La Police des Étrangers est en outre déterminée à imposer des conditions de sûreté publique non négociables, excluant quelques catégories d’étrangers (subversifs, interdits de séjour, déboutés du droit d’asile, étudiants, sans papiers) des mesures projetées. Sur base des propositions formulées, le CCI se réunit à nouveau le 4 juillet pour remettre au ministre de l’Emploi un avis marqué par des désaccords persistants. Le 11 juillet, le ministère de l’Emploi soumet aux autres départements compétents ses propositions. Les délégations des différents ministères concernés se réunissent, le 16 juillet, afin de régler les dernières questions litigieuses et d’arrêter le projet qui sera soumis à l’aval du Comité ministériel de coordination économique et sociale (CMCES), épicentre des décisions gouvernementales en matière de politique socioéconomique. Une note remise le 22 juillet par le ministère de l’Emploi au CMCES expose dans le détail l’ensemble du projet de régularisation et d’arrêt simultané de l’immigration de travail non qualifié extracommunautaire, sans justifier cette décision par une quelconque crise socioéconomique. Le projet est approuvé le 1er août40.

17Tous les étrangers en séjour illégal se trouvant en Belgique et y travaillant ou séjournant depuis le 1er avril 1974 au plus tard, et ce sans discontinuité depuis cette date, pourront bénéficier d’une mesure de régularisation. Leurs modalités d’application varient selon que l’intéressé soit occupé ou non par un employeur et suivant qu’il soit ou non ressortissant d’un pays avec lequel l’État belge a conclu un accord de main-d’œuvre. Les ressortissants d’États avec lesquels la Belgique est liée par une convention de main-d’œuvre, qui sont occupés depuis le 1er avril au plus tard et assujettis à la sécurité sociale pendant une période de trois mois précédant immédiatement la demande d’autorisation d’occupation, pourront recevoir un permis de travail sans examen préalable de la situation du marché de l’emploi. Tous ceux occupés sans avoir été assujettis à la sécurité sociale pendant au moins trois mois pourront jouir de la même dérogation à condition d’être engagés sous le régime d’un contrat de six mois. À la demande du ministère des Affaires étrangères, en pleine négociation avec le Pakistan pour le rétablissement du visa touristique et à la recherche de contreparties à offrir, les Pakistanais seront intégrés à cette catégorie d’ayants-droits, malgré l’absence d’accord de main-d’œuvre avec ce pays41. Ceux qui ne pourront apporter la preuve d’un travail avant le 1er avril ainsi que les ressortissants des autres pays, ayant ou non travaillé en Belgique avant cette date, ne pourront prétendre à un permis de travail qu’après examen de l’état du marché de l’emploi, et pour autant qu’ils soient engagés sous le régime d’un contrat de travail d’un an. Au moment de l’introduction de la demande d’autorisation d’occupation par l’employeur, le clandestin recevra un document « R 10 », d’une durée de deux mois à partir de la date de dépôt de la demande, attestant de la demande de permis dont il fait l’objet, à présenter en cas de contrôle (police, gendarmerie, inspection du travail).

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Figure 1. Organigramme de la procédure initiale de régularisation des travailleurs étrangers clandestins42

18Prévue pour une période de trois mois, cette procédure s’appliquera également à tous les clandestins pour lesquels un employeur avait déjà introduit une demande d’autorisation d’occupation sans faire l’objet d’une décision irrévocable de l’Administration de l’Emploi, pour autant que le candidat réponde aux critères édictés. Les clandestins qui remplissent les conditions de séjour, mais ne sont occupés par aucun employeur disposeront pour leur part d’un délai de 15 jours (jusqu’au 19 août) pour s’inscrire comme demandeurs d’emploi auprès du bureau de l’ONEm le plus proche de leur commune de séjour. En échange des documents pouvant prouver une résidence habituelle ou une occupation en Belgique depuis une date antérieure au 1er avril 1974, ils recevront un document « ADA 24 » attestant leur inscription en qualité de demandeurs d’emploi dans le cadre de la régularisation. Ils disposeront d’un délai de trois mois (jusqu’au 31 octobre) pour trouver un emploi avec l’aide de l’ONEm. En cas de décision favorable, le permis sera expédié à l’administration communale de résidence de l’employeur. L’employeur et le travailleur auxquels les autorisations auront été refusées en première instance pourront, dans les dix jours de la notification du refus, introduire un recours auprès du ministre de l’Emploi et du Travail43.

19La Police des Étrangers recevra chaque attestation R 10 et ADA 24 délivrée par le ministère de l’Emploi et du Travail afin d’évaluer la recevabilité des demandes du point de vue de la sûreté publique, et notamment celles émanant de « ressortissants arabes » dans un contexte marqué par le terrorisme propalestinien, impliquant du reste l’avis préalable de la Sûreté de l’État. Une attention spéciale sera également accordée aux ressortissants chinois. Si l’étranger est connu et que son dossier porte une étiquette verte ou un numéro de dossier de la Sûreté de l’État, l’avis préalable de cette administration sera obligatoirement requis. Si l’étranger est inconnu ou n’est pas défavorablement connu de la Police des Étrangers, la mention « sans objection » pourra être apposée sur les attestations R 10 et ADA 24 à renvoyer au ministère de l’Emploi. Lorsqu’il est défavorablement connu, comme dans tous les cas où le demandeur entre dans une des catégories d’exclusion, il sera estampillé la mention « opposition », en motivant sa décision au moyen de l’apposition d’une simple lettre renvoyant à l’un des six critères d’exclusion, à savoir :

  1. l’étranger qui a fait l’objet d’un arrêté royal d’expulsion ou d’un arrêté ministériel de renvoi pour motifs de droit pénal commun, qu’il en ait reçu ou non notification ;

  2. l’étranger qui a fait l’objet d’un arrêté ministériel de renvoi pour non-respect des conditions mises à l’entrée et au séjour, dont il a reçu notification par un ordre de quitter le pays (OQP) ;

  3. l’étranger qui est dépourvu d’un passeport national ou d’un titre de voyage équivalent ;

  4. l’étranger auquel le statut de réfugié politique a été refusé dans un délai de quatre mois à compter de l’introduction de la demande d’asile ;

  5. l’étudiant qui a terminé ou abandonné ses études alors que son séjour était strictement limité à la durée de ses études ;

  6. l’étranger qui présente une menace pour l’ordre public.

20Si au moment de la vérification du dossier, il apparaît avec certitude que l’étranger ne se trouvait pas en Belgique à la date du 1er avril ou s’il résulte de « données indéniables » qu’il avait quitté le pays après cette date à la suite d’un OQP, la Police des Étrangers fera figurer sur l’attestation la mention « Ne tombe pas sous l’application des mesures de régularisation – Ne satisfait pas aux conditions de séjour »44. Sur les 9738 dossiers qu’elle examine en première instance, seuls 474 (5 %), dont près d’une moitié de candidats dépourvus de passeport et un quart d’étudiants ayant terminé ou abandonné leurs études, font l’objet d’une objection. 2566 (26 %) reçoivent un avis réservé pour manque de preuves de séjour avant le 1er avril45. Des 403 avis sollicités en appel, 187 (46 %) sont de nouveau recalés, le plus souvent pour raison d’ordre public ou dans des cas d’étudiants qui s’étaient engagés à quitter le pays au terme de leurs études46.

6. Filtrer le « clandestin » de l’indésirable

21Le 9 août, la Police des Étrangers informe par voie de circulaire les administrations communales de la régularisation et, afin de ne pas nuire à la bonne marche des opérations, les prie de prendre contact avec elle chaque fois que « normalement » un OQP devrait être délivré. Cinq jours plus tard, elle en informe la gendarmerie, sans toutefois lui donner la moindre instruction en matière de contrôle des régularisables. Les forces de l’ordre se trouvent tacitement habilitées à continuer à délivrer des OQP, indépendamment de la situation des contrôlés. La peur de « l’appel d’air » que l’annonce imminente d’une mesure de régularisation serait susceptible de favoriser ne tarde pas à se produire. Une recrudescence des tentatives d’entrée de Marocains, Turcs et Pakistanais en provenance de France, des Pays-Bas et d’Allemagne est observée par les brigades frontières. 

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Tableau 1. Répartition par nationalité des clandestins ayant sollicité une inscription comme demandeurs d’emploi, acceptée ou refusée, par l’ONEm (5-19 août 1974)47

22Deux tiers des 488 Pakistanais qui sollicitent une inscription auprès de l’ONEm sont déboutés pour manque de preuve de séjour avant le 1er avril. Soutenus par les maoïstes d’AMADA et de l’Union communiste (marxiste-léniniste) de Belgique, surveillés de près par la Sûreté de l’État, des dizaines d’entre eux prennent part, dans les jours qui suivent, à des manifestations devant les bureaux de l’ONEm afin d’obtenir une prolongation des délais et un assouplissement des critères de régularisation. Une centaine de ces Pakistanais sont interpellés le 26 août au cours d’une rafle dans les locaux du VVS et rapatriés le lendemain dans leur pays d’origine48.

23Les Turcs et les Marocains peuvent quant à eux compter sur de meilleurs réseaux d’entraide ou de services parmi leurs compatriotes établis de longue date en Belgique. La régionale syndicale interprofessionnelle bruxelloise de la FGTB, appuyée par ses cadres et militants étrangers et les associations qui leur sont proches, s’impose d’emblée comme une interlocutrice incontournable pour une Administration de l’Emploi totalement submergée. Débordé par la demande, le bureau bruxellois de l’ONEm doit procéder à la distribution de tickets d’attente prouvant que l’étranger s’est bien présenté et l’invitant à une date ultérieure, sans que ce dernier ne comprenne toujours qu’il doit se représenter. Seules 2785 sur 5207 demandes initialement enregistrées par le bureau de Bruxelles font l’objet d’un examen et à peine 1613 débouchent sur une ADA 2449.

24La FGTB de Bruxelles alerte également assez tôt les services de l’Emploi sur la rigueur de leurs critères en matière de preuve de séjour et de travail. D’après ses premières estimations, à défaut d’un élargissement des types de pièces justificatives valables, seul un quart des candidats seraient capables de prouver un séjour avant le 1er avril et à peine 3 % seraient en mesure d’apporter la preuve d’un travail. Les premières statistiques de l’ONEm ne sont guère plus encourageantes. Sur les 1200 premiers cas évalués à Bruxelles, tout juste 100 sont jugés en règle. Et tandis que les quittances de loyer ou les carnets de cotisation syndicale sont recalés, de fausses attestations d’occupation, proposées à des prix prohibitifs, peuvent être validées. Les syndicats obtiennent néanmoins assez tôt l’admission des preuves orales et des attestations sur l’honneur « présentant des garanties suffisantes de crédibilité ». La FGTB en profite pour se donner pour but d’arriver à régulariser tous les clandestins présents au 1er juillet. Bien implantée parmi les Turcs qu’elle encadre avec l’appui de l’Union des travailleurs de Turquie en Belgique50, et qui affichent un taux d’inscription des demandeurs d’emploi de 88 % (2279 sur 2597), elle rencontre un succès plus mitigé parmi les Marocains dont le pourcentage n’atteint que les 67 % (1678 sur 2492)51.

7. Les méandres et chausse-trappes de la régularisation

25À l’approche de la date fatidique du 31 octobre, le ministère de l’Emploi est encore loin d’avoir traité l’ensemble des demandes introduites et décide de prolonger la procédure d’un mois52. Sur les 6500 demandes d’autorisation d’occupation introduites, 5450 ont donné lieu à la délivrance d’un R 10, dont seuls 1468 ont pu être traités avec l’octroi de 1400 permis. S’agissant des 4168 candidats en possession d’un ADA 24, 1238 n’ont encore pu trouver un emploi. Afin de faciliter leur régularisation, décision a déjà été prise lors de réunions de contact tripartites entre délégués des administrations compétentes, de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), de la CSC et de la FGTB d’abandonner l’exigence du contrat de travail pour les secteurs de la construction et de l’hôtellerie (mesure bientôt élargie à tous les secteurs d’activité). Ces mesures sont bientôt suivies de la suspension totale de l’examen de la situation du marché de l’emploi53.

26Semée d’embûches, la campagne se révèle un véritable parcours du combattant. Des problèmes se posent à chaque étape, au point de donner l’impression d’une « farce cynique » ayant pour but de laisser un maximum de monde sur le carreau54. Appliquée en pleines vacances estivales, la mesure pénalise de nombreux candidats bloqués de retour de congé à l’aéroport de Zaventem ou à la frontière franco-ibérique. 62 % des travailleurs munis de formulaires remis par la FGTB pour les remettre à leur patron sont licenciés sur-le-champ. Le refus ou la réticence de nombreux patrons de régulariser la situation de leurs travailleurs, par malhonnêteté, crainte de devoir payer les arriérés de cotisations sociales ou manque d’informations, menacent ces derniers de rater la régularisation55. La montée du chômage complique le placement des 709 demandeurs d’emploi encore inscrits. Quant aux 400 occupés par des sociétés d’intérim et dont les demandes ont été rejetées, ils sont en attente d’une décision ministérielle. Pour ne rien arranger, la régionalisation partielle des voies de recours tend à différencier les critères d’une région à l’autre56.

27À la veille du 30 novembre, le ministère de l’Emploi continue à accuser un retard conséquent et accorde aux titulaires d’ADA 24 un nouveau délai au 31 janvier 197557. Quelques demandes introduites hors délai et initialement rejetées sont acceptées in extremis58. Les intérimaires sont finalement admis et mis en possession d’un document « R 10/INT ». La même attestation est délivrée aux clandestins parvenus à gagner en appel, mais licenciés par leur patron dès réception de la notification du refus en première instance. Si le permis de travail accordé en appel ne sera pas directement remis au travailleur, son R 10/INT doit néanmoins lui permettre de s’inscrire à la commune59. Une centaine de demandes introduites avant le 1er août en faveur d’étrangers qui n’entrent pas dans les conditions sont en revanche rejetées60. Au 25 février 1975, sur les 8951 demandes d’autorisation d’occupation reçues, 5845 ont donné lieu à l’octroi d’un permis et 751 à un refus. 107 R 10/INT ont en outre été remis aux dernières recrues d’entreprises d’intérim et aux derniers porteurs d’ADA 24 n’ayant pu être placés61. En mai 1976, le ministre de l’Emploi donne le résultat définitif de la régularisation – 7470 régularisés dont 3447 en Brabant, 2720 en Flandre et 1303 en Wallonie – en s’abstenant de mentionner le chiffre des déboutés62. Suivant les données recueillies par Lotfi Slimane auprès du ministère de l’Emploi, ceux-ci ne seraient que de 937 (soit 11 % de refus), très loin des 6000 à 7000 avancés à l’époque par les associations d’aide aux migrants63. La statistique par sexe (94 % masculin), nationalité (42 % marocains, 36 % turcs), secteur (31 % dans la construction, 25 % dans les services, 12 % dans les mines) et province d’activité (46 % en Brabant) de 6863 travailleurs régularisés jusqu’au 30 juin 1975 (92 % du total) permet néanmoins de dessiner les grandes tendances de cette régularisation64.

8. La Police des Étrangers ou l’obstacle de dernière minute

28Longtemps ignoré dans les analyses, le volet « séjour » de l’opération de régularisation de 1974 en dévoile le caractère hautement discrétionnaire. Agissant en concertation avec son homologue de l’Emploi, la Police des Étrangers n’en néglige pas moins de faire prévaloir ses prérogatives.

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Figure 2. Organigramme de mise en application de la circulaire aux communes du 30 novembre 197465

29Bien que sa circulaire du 30 novembre 1974 dispense les clandestins en voie de régularisation de devoir se procurer l’habituelle autorisation de séjour provisoire, elle conditionne cependant la régularisation de leur séjour à une occupation effective et à la présentation d’un passeport en cours de validité. Ne peut ainsi bénéficier d’un certificat d’inscription au registre des étrangers (CIRE) que le titulaire d’un passeport valable ainsi que d’une attestation patronale établissant qu’il est effectivement au travail pour le compte de l’employeur autorisé à l’occuper66. Jusqu’au dernier trimestre 1976, la Police des Étrangers ne délivre que 6062 CIRE, loin des 7470 permis de travail délivrés par les services de l’Emploi. Plusieurs centaines ne pourront obtenir un titre de séjour définitif, faute d’avoir pu présenter les attestations exigées en raison d’une démission ou d’un licenciement avant de recevoir le permis de travail ou pour cause d’emploi fictif67.

30Les refus définitifs de permis de travail notifiés à la Police des Étrangers atteignent quant à eux les 3238 (soit 30 % de refus), triplant le chiffre mentionné par Slimane. 11 % (364) font l’objet d’un OQP tandis que 69 % (2232) sont renseignés comme ayant déjà quitté le territoire. Les 67 demandeurs d’emploi pour lesquels aucune demande de permis de travail n’a été introduite et 52 « absents » à la régularisation sont également soumis à un OQP auquel seuls 29 % acceptent d’obtempérer68. Sur les 20 écroués avant d’être renvoyés par arrêté ministériel durant l’année 1975, 18 sont rapatriés par avion aux frais de la Police des Étrangers, un reconduit à la frontière et un libéré après un mois de détention et soumis à un OQP verbal69.

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Tableau 2. Nombre des permis de travail et des CIRE délivrés, comparés à celui des permis de travail refusés et des « néo-clandestins » contrôlés entre 1974 et 197670

31Loin d’avoir résolu le phénomène de l’immigration clandestine, la régularisation de 1974-1976, à travers ses contradictions et limites, en dévoile déjà les prémices des soubresauts futurs : sur la même période, 6365 OQP sont délivrés à des « néo-clandestins », un néologisme adopté pour désigner les étrangers en situation illégale arrivés en Belgique après le 1er avril 197471.

9. Conclusion

32L’analyse du processus politique et institutionnel conduisant à la régularisation des travailleurs clandestins en 1974 permet de constater à quel point cette clandestinité procède avant tout d’un infléchissement sécuritaire de la politique migratoire belge à partir de la fin des années 1960. Si à partir de cette période, le ministère de l’Emploi commence à produire des clandestins, cette évolution procède moins d’une conjoncture socioéconomique déclinante que de préoccupations sécuritaires rejoignant celles défendues par la Police des Étrangers. Au nom de la préservation d’une sécurité sociale nationale qu’il juge mise en péril par une main-d’œuvre surnuméraire, le nouveau ministre de l’Emploi réduit au minimum l’octroi de nouveaux permis de travail, sans pour autant mettre fin à la régularisation de l’immigration touristique. L’obtention d’un permis de travail devient d’autant plus une loterie que les procédures permettent encore aux candidats entrant sur le territoire en qualité de touristes d’espérer une régularisation de leur situation sur une base individuelle. Bien que l’accroissement du nombre des « illégaux » incite assez tôt la Police des Étrangers à plaider en faveur d’une fermeture des frontières par le rétablissement des visas pour les ressortissants des principaux pays concernés, les préoccupations diplomatiques de la Belgique tendent à freiner toute velléité en ce sens, favorisant la poursuite des arrivées.

33La grève de la faim lancée à la fin mars 1974 par un groupe d’activistes maghrébins, à la suite de celles menées en France, participe à dénoncer ouvertement l’hypocrisie de cette politique et à réclamer une régularisation collective et intégrale. S’attaquant directement au « monopole des moyens légitimes de circulation »72 de l’État belge, la grève est rapidement réprimée pour une reprise en main de l’agenda politique par les ministères compétents dans le cadre ordonné de la concertation sociale. Cette dernière s’accorde d’emblée sur un consensus autour d’une politique d’arrêt définitif de l’immigration de travail non qualifié en provenance des pays non-membres de la CEE et de régularisation des travailleurs étrangers occupés clandestinement dans le pays. Tout en impliquant les partenaires sociaux dans leur conception initiale, les critères et règles de régularisation adoptés par le CMCES le 1er août 1974 n’en restent pas moins vagues et laissent toute latitude aux pouvoirs interprétatifs et discrétionnaires de l’Administration de l’Emploi et de la Police des Étrangers. Les syndicats parviennent à tirer leur épingle du jeu en infléchissant les conditions les plus restrictives (en particulier celles en matière d’examen préalable de l’état du marché de l’emploi et des preuves de séjour) grâce à une action collective de mobilisation des clandestins et un contact permanent avec les services de l’Emploi dans le suivi des dossiers. Ils n’en demeurent pas moins impuissants une fois la régionalisation des voies de recours et les prérogatives sécuritaires dévolues à la Police des Étrangers en matière de séjour, favorisant tous deux le rejet de nombreux dossiers. De ce point de vue, la régularisation de 1974, avec un taux de refus de permis de travail de 30 %, fut bien moins couronnée de succès que ce que la postérité en a retenu. Et même parmi les 7470 récipiendaires d’un permis de travail, 19 % d’entre eux se seront vu refuser un titre de séjour définitif.

Notes

1 T. Naegels, La Nouvelle Belgique. Une histoire de l’immigration 1944-1978, Bruxelles, Racine, 2021, p. 327.

2 S. Laurens, « 1974 » et la fermeture des frontières. Analyse critique d’une décision érigée en turning-point, dans Politix, t. 82, 2008, no 2, p. 69-94 ; M. Berlinghoff, Das Ende der Gastarbeit. Europaïsche Anwerbestopps. 1970-1974, Paderborn, Schöningh F., 2013.

3 G. Mauzé et Y. L. Vertongen, 1974. Migrants et syndicats se mobilisent en Belgique, dans Plein droit, 2017, no 115, p. 33.

4 M. Alaluf et R. De Schutter, La régularisation des travailleurs clandestins (1974-2002), dans Syndicats et société civile, des liens à (re)découvrir, ed. S. Bellal, T. Berns, F. Cantelli et J. Faniel, Bruxelles, Labor, 2003, p. 93-102.

5  G. Hanotiaux, Une action charnière pour l’immigration en Belgique, dans Bruxelles en mouvements, 2017, no 291, p. 4-6.

6 M. Martiniello et A. Rea, Une brève histoire de l’immigration en Belgique, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, 2012, p. 22 ; M. Beyen et P. Destatte, Un autre Pays. Nouvelle Histoire de Belgique, 1970-2000, Bruxelles, Le Cri, 2009, p. 80.

7 L. Slimane, L’immigration clandestine de main-d’œuvre dans la région bruxelloise, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 83-91.

8 D. Luyten, SPF Emploi, Travail et Concertation sociale et ses prédécesseurs, dans Sources pour l’étude de la Belgique contemporaine, 19e-21e siècle, ed. P. Van den Eeckhout et G. Vanthemsche, Bruxelles, Commission royale d’Histoire, 2017, p. 477-478.

9 A. Rea, Immigration, État et citoyenneté. La formation de la politique d’intégration des immigrés de la Belgique, thèse de doctorat en sociologie, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1999, p. 293-323.

10 F. Caestecker, Alien Policy in Belgium, 1840-1940. The Creation of Guest Workers, Refugees and Illegal Aliens, New York, Berghahn Books, 2000.

11 Les travailleurs « communautaires » bénéficient d’un droit de libre circulation depuis mai 1964. M. Khoojinian, Du travailleur au clandestin. La politique de l’emploi et l’immigration de travail dans la Belgique des Trente Glorieuses (1965-1974), dans Revue belge de philologie et d’histoire (RBPH), t. 97, 2019, no 2, p. 521-576.

12 G.-H. Beauthier et J. Hamaide, Vos droits face à la police, au propriétaire, au patron, suivi d’un aperçu sur la législation applicable aux étrangers, Bruxelles, Vie Ouvrière, 1974, p. 131-132.

13 M. Khoojinian, op. cit., p. 536, 551 et 555 ; Action Solidarité Étrangers, Dossier no 1 sur la situation des étrangers en Belgique, Bruxelles, 1970, p. 23.

14 Y. Jospa, A. Martens et M. Sbolgi, Des illégaux parmi nous !, Bruxelles, 1974, p. 18-22 ; F. Moulaert, Immigratiebeleid. Ook volgens de nieuwe plannen van het ministerie van Arbeid en Tewerkstelling blijven de gastarbeiders gebruiksvoorwerpen, dans De Nieuwe, 4 april 1975, p. 9 ; Archives générales du Royaume (AGR), Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 91. Nota voor de Administrateur-Directeur generaal, 7 mei 1971. Illegale recrutering van vreemde arbeidskrachten. 

15 AGR, Police des Étrangers. Inspection des frontières, no 64. Note de l’Administrateur-Directeur général valant note de service, 17 avril 1970. Inscription des travailleurs étrangers – non ressortissants des pays CEE – qui tentent de s’établir irrégulièrement.

16 M. Khoojinian, Du « faux touriste » au « néo-clandestin ». La Police des Étrangers et les mutations de la lutte contre l’immigration illégale en Belgique (1967-1983), dans RBPH, t. 100, 2022 (à paraître)

17 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), no 18750/IV. Lettre d’Herman Vanderpoorten, ministre de la Justice, à Renaat Van Elslande, ministre des Affaires étrangères, 29 novembre 1973.

18 AMAE, no 18750/IV. Minute de la lettre de Renaat Van Elslande à Herman Vanderpoorten, 1er février 1974 ; Réunion interdépartementale du 21 février 1974. Problème des enfants marocains et des réfugiés chiliens.

19 AMAE, no 18750/IV. Note pour Monsieur le Ministre, 5 mars 1974.

20 AMAE, no 18750/IV. Note pour Monsieur le Ministre, 19 juillet 1974, p. 5-6.

21 Commission réunissant les délégués de diverses administrations, autorités provinciales et fédérations patronales et syndicales. Elle est chargée de soumettre au ministre de l’Emploi son avis sur tous les problèmes sociaux, économiques et administratifs posés par l’immigration en Belgique. M. Khoojinian, Du travailleur…, op. cit., p. 525.

22 Ibid., p. 560-561 ; Les rapports entre l’organisation syndicale et les travailleurs migrants : histoire des dix dernières années dans une région syndicale belge, dans 10 ans de textes à l’intérieur du syndicat. Sélections de textes de la régionale FGTB de Bruxelles-Hal-Vilvorde de fin 1966 à mi-1977, ed. R. De Schutter, Bruxelles, Contradictions, 1978, p. 242-243.

23 L’opération Bidaka, dans 10 ans de textes à l’intérieur du syndicat…, p. 213.

24 La Contemporaine, Saïd Bouziri, 2 Arch 0057/04. Lettre sur la situation en Belgique (1974) ; La Parole au Peuple, La révolte des travailleurs immigrés, Bruxelles, avril 1974 ; A. Rea, op. cit., p. 303-309 ; M. Benzaouia, Regard « autochtone » sur l’immigration marocaine, dans Bruxelles en mouvements, 2015, no 277, p. 12-13 ; K. Zeguendi, Ombres, Bruxelles, Le Maroxellois, 2019, p. 104-107.

25 AGR, Gendarmerie. Direction Supérieure des Opérations (DSO), no 1498. Rapport de la section Information de la BSR de Bruxelles, 19 décembre 1973. Distribution de tract du « Comité de soutien aux travailleurs immigrés » ; Les clandestins. À Molenbeek des ouvriers immigrés s’organisent pour obtenir leur permis de travail et le droit de vivre, dans Pour, 23 janvier 1974, p. 6.

26 AGR, Gendarmerie. DSO, no 1498. Rapport de la section Information de la BSR de Bruxelles, 20 février 1974. Manifestation du « Comité de Soutien aux Travailleurs Immigrés » ; K. Zeguendi, op. cit., p. 112.

27 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Appel des grévistes de la faim, 22 mars 1974. Sur un récit détaillé de la grève de la faim : A. Rea, op. cit., p. 294-299.

28 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Rapport du Commissaire de police en chef de Schaerbeek, 25 mars 1974. Grève de la faim de ressortissants étrangers en l’église Saint-Jean et Nicolas.

29 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Rapport du Commissaire de police en chef de Schaerbeek, 26 mars 1974 ; Un combat contre l’esclavage, dans Pour, 10 avril 1974, p. 4 ; Bulletin communal de Schaerbeek, Séance du Conseil communal du 4 avril 1974, p. 371.

30 CArCoB, Le Drapeau Rouge, 2 avril 1974.

31 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), n356. Note pour Monsieur le Ministre, 26 mars 1974 ; Copie d’une note du 28 mars 1974. Mouvement de grève des ouvriers étrangers. Grève de la faim dans les églises ; M. Khoojinian, Le rôle des organisations syndicales dans la régularisation des clandestins de 1974-1975, dans Les Cahiers du Fil Rouge, 2014, no 20, p. 39-40.

32 AGR, Procès-verbal du Comité ministériel de politique générale du 30 mars 1974, Immigrés clandestins, p. 1-3 ; AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Note de synthèse relative aux dispositions prises après la décision gouvernementale (31 mars 1974).

33 AGR, Gendarmerie. DSO, no 1500. Copie des télex de la gendarmerie, 30 mars 1974. Grève de la faim.

34 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Rapports de la section Information de la BSR de Bruxelles des 11 avril et 9 mai 1974 ; Note du 2 avril 1974 concernant les deux Tunisiens rapatriés par Orly ; R. Haquin, Les gendarmes remettent aux frontières les « clandestins » qui faisaient grève de la faim à Schaerbeek et Molenbeek, dans Le Soir, 2 avril 1974, p. 1. 

35 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Grève de la faim. Extraits de presse du 22 mars au 8 avril 1974.

36 L’opération Bidaka, op. cit., p. 213-214.

37 C. Braeckman et R. Haquin, Immigrés clandestins en Belgique, dans Le Soir, 12 avril 1974, p. 5.

38 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 356. Communiqué gouvernemental, annexé à la lettre d’introduction du ministre Glinne, 1er avril 1974.

39 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 386. Procès-verbal du CCI du 13 juin 1974.

40 Pour un exposé plus détaillé des négociations : M. Khoojinian, Du travailleur…, op. cit., p. 563-568.

41 Ibid., p. 567 ; AMAE, no 18750/IV. Note pour Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, 18 août 1974.

42 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 87. Administration de l’Emploi. Direction de la Politique de l’Emploi. Instructions relatives à la régularisation des travailleurs étrangers, 1er août 1974.

43 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 87. Administration de l’Emploi. Direction de la Politique de l’Emploi. Instructions relatives à la régularisation des travailleurs étrangers, 1er août 1974.

44 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 87. Note de service du 7 août 1974. Régularisation des travailleurs étrangers.

45 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89. Tableaux statistiques annexés aux deux premiers rapports trimestriels de 1975.

46 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89. Tableaux statistiques « Beroepen » annexés aux rapports trimestriels de 1975.

47 Source : Informations statistiques relatives à la régularisation des travailleurs étrangers clandestins, dans Bulletin mensuel de l’ONEm, 1975, no 2, p. 17-18.

48 M. Khoojinian, Du « faux touriste »…, op. cit. ; AMAE, no 18750/IV. Note pour Monsieur le Chef de Cabinet, 27 août 1974.

49 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 90. Quelque 6000 demandes de régularisation de travailleurs étrangers auprès de l’ONEm, dans La Libre Belgique, 22 août 1974 ; Informations…, op. cit., p. 19.

50 M. Khoojinian, Les communistes turcs à Bruxelles après le coup d’État militaire du 12 mars 1971, dans Le Bruxelles des Révolutionnaires. De 1830 à nos jours, ed. A. Morelli, Bruxelles, CFC, 2016, p. 238.

51 Toutes nationalités confondues, le taux d’inscription des demandeurs d’emploi s’élève à 74 % (4599 sur 6199). Informations…, op. cit., p. 19 ; L’opération Bidaka, op. cit., p. 209-228 ; H. Çelik, Manneke Turk van Brussel. Le petit homme turc de Bruxelles. Les mémoires et pensées d’un militant syndicaliste en Belgique (1972-1984), Bruxelles, SIMA, 2016, p. 58-68.

52 AGR, Procès-verbal du Conseil des ministres du 25 octobre 1974, p. 7.

53 Rijksarchief Hasselt (RAH), Fédéchar, no 131. Procès-verbal du cci du 24 octobre 1974, p. 4-5 ; AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 385. Verslag van de vergadering van 21 oktober 1974 van de kontaktgroep ; Copie d’un télex non daté adressé aux bureaux régionaux de l’ONEm.

54 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 385. Copie de la lettre de Mauro Sbolgi, directeur du Service social des Étrangers, au Premier ministre Leo Tindemans (novembre 1974).

55 L’opération Bidaka, op. cit., p. 226.

56 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 90. La régularisation des travailleurs clandestins, dans La Libre Belgique, 27 novembre 1974.

57 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 385. Brief van M. Meersschaut, Opdrachthouder (Kabinet van de Minister van Tewerkstelling en Arbeid), aan A. Dujardin, Adviseur bij het Kabinet van de Minister van Justitie, 21 november 1974. AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 465. Aanvullende nota, 19 november 1974.

58 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 385. Communication téléphonique de Raymonde Marquegnies, conseillère à la Direction de la Politique de l’Emploi, 3 février 1975.

59 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 87. Communication téléphonique de Raymonde Marquegnies, 5 janvier 1975.

60 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 385. Communication téléphonique de Raymonde Marquegnies, 24 janvier 1975.

61 RAH, Fédéchar, no 132. Procès-verbal du CCI du 26 février 1975, p. 2-3.

62 Documents parlementaires – Chambre des représentants, 7 mai 1976, no 735/3, p. 2.

63 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 465. Travailleurs clandestins, Situation actuelle (juin 1975), p. 4 ; L. Slimane, op. cit., p. 85.

64 Ibid., p. 85-91.

65 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89 et 433. Rapports d’activités de la Police des Étrangers, 1975-1976.

66 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 68. Circulaire aux communes du 30 novembre 1974 relative à la régularisation des travailleurs clandestins de nationalité étrangère travaillant et/ou séjournant irrégulièrement en Belgique. 

67 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 465. Travailleurs clandestins, Situation actuelle (juin 1975), p. 4 ; Documents parlementaires – Sénat de Belgique, 17 juin 1976, no 864/2, p. 3-4.

68 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89 et 433. Rapports d’activités de la Police des Étrangers, 1975-1976.

69 AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89. Lijst IV (eerste kwartaal 1975) ; Statistiek Regularisatie (tweede kwartaal 1975).

70 Source : AGR, Police des Étrangers. Dossiers généraux (3e série), no 89 et 433. Rapports d’activités de la Police des Étrangers, 1975-1976.

71 M. Khoojinian, Du « faux touriste »…, op. cit.

72 J. Torpey, Aller et venir : le monopole étatique des « moyens légitimes de circulation », dans Cultures & Conflits [En ligne], t. 31-32, 1998, no 3-4.

Pour citer cet article

Mazyar Khoojinian, «La campagne de régularisation des travailleurs clandestins en Belgique (1974-1976) : acteurs institutionnels et pratiques administratives», C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société [En ligne], Vol. 46 - 2023, URL : https://popups.uliege.be/1370-2262/index.php?id=1660.

A propos de : Mazyar Khoojinian

Mazyar Khoojinian est chargé de recherche du Fonds de la recherche scientifique (FNRS) à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Docteur en histoire contemporaine, il a publié en 2018, aux éditions EME, Les Turcs à la mine. L’immigration turque dans l’industrie charbonnière belge (1956-1970). Il est également l’auteur de plusieurs articles sur l’histoire de la politique migratoire belge et de l’immigration turque en Belgique des années 1960 à nos jours.