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- Vol. 42 - 2020
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La compénétration des magistratures métropolitaine et coloniale. Analyse du cas belge (1885-1939)
Résumé
Cet article traite de la compénétration des magistratures métropolitaine et coloniale belges durant la période 1885-1939. La compénétration de ces magistratures – c’est-à-dire les passages d’un corps à l’autre – s’observe à 51 reprises durant la période étudiée. Ces passages obéissent à des règles différentes selon qu’ils s’effectuent dans un sens ou dans l’autre. En dépit de propositions doctrinales et législatives répétées, les passages « colonie/métropole » (75% de l’effectif) n’ont pas fait, durant la période étudiée, l’objet d’une législation particulière facilitant l’intégration des magistrats coloniaux à la magistrature métropolitaine. Ceux-ci étaient contraints de recommencer une nouvelle carrière en métropole. Les passages « métropole/colonie » étaient mieux encadrés, assurant aux magistrats métropolitains de retrouver leur place au terme de leur séjour dans la colonie et leur permettant (en théorie) de conserver leurs droits à l’avancement.
Abstract
This article deals with the jurisdiction of the Belgian metropolitan and colonial magistrates during the period 1885-1939. The interpenetration of these magistrates - that is to say, the passage from one corps to another - was observed on 51 occasions during the period under study. These passages followed different rules depending on whether they were in one direction or the other. Despite repeated doctrinal and legislative proposals, the "colony-to-metropolis" transfers (75% of the staff) were not, during the period under study, the subject of specific legislation facilitating the integration of colonial magistrates into the metropolitan judiciary. They were forced to start a new career in the metropolis. The "metropolis-to-colony" transfers were better supervised, ensuring that metropolitan magistrates could find their place again at the end of their stay in the colony and allowing them (in theory) to retain their rights to promotion.
Table of content
Introduction
1Au cours des dernières années, les recherches sur les acteurs de la justice et le monde colonial — en ce compris son volet judiciaire — ont connu un net regain d’intérêt. Ces études demeurent toutefois cloisonnées entre les travaux sur les sociétés occidentales et sur les sociétés colonisées.
2Cet intérêt pour les acteurs s’inscrit dans une réappréciation du rôle du droit, de la justice et du maintien de l’ordre dans les territoires soumis à la colonisation européenne. Dans la foulée d’une histoire postcoloniale de la colonisation1, les travaux sur les idéologies des systèmes de pensée juridique coloniaux se sont multipliés, tout comme ceux sur les pratiques des juridictions coloniales. Dans une historiographie insistant sur les aspects économiques, politiques et culturels de la colonisation, pour les colonisateurs européens, la place du droit, comme armature intellectuelle et comme institution sociale, était restée marginale. Elle bénéficie du regain d’intérêt d’une approche multidisciplinaire sur le droit, sous l’angle de son élaboration conceptuelle et de ses pratiques sociales d’ordre public, de justice, ou de répression2.
3Dans un premier temps, les rapports inégaux entre le droit du colonisateur et les pratiques régulatrices des colonisés ont attiré l’attention sur le fonctionnement du droit comme instrument de domination culturelle : par l’assimilation, la ségrégation ou les hiérarchisations des populations locales3. Ensuite, par les usages pratiques de ce droit, révélés par les archives judiciaires, qui redessinent la carte des représentations de la justice coloniale contrastées chez les colonisés, les colons européens et les administrateurs coloniaux aux colonies comme en métropole4.
4L’Afrique entre 1830 et 1960 représente un laboratoire particulier de ces tensions entre visions des fonctions du droit colonial dans les projets de différentes nations européennes, de par le caractère concomitant et général du « Scramble for Africa ». L’Érythrée ou la Libye italienne, le Mozambique ou l’Angola portugais, le Cameroun ou le Tanganyika ou le Sud-Ouest africain allemand, ou encore le Congo belge donnent naissance à des empires « minoritaires », face aux colonisateurs de longue date et à grande échelle qu’étaient les Britanniques et les Français5.
5Pour les Empires multiséculaires et pluri-continentaux, comme l’Empire britannique, français ou portugais, l’intérêt s’est porté sur les relations complexes entre le centre névralgique de la gouvernance coloniale en métropole et les régions colonisées6. Pour les nations récentes, la Belgique du 19e siècle, l’Italie ou le Reich allemand après l’unification, le projet « colonisateur » s’est doublé de relations ambigües entre idéologie coloniale et identité nationale. La création d’un droit colonial apparait comme un miroir à deux faces, influant sur la vie des colonisés comme sur la vision d’un droit national7. Dans ces travaux, une importance particulière a été donnée aux grands artisans du droit colonial, et aux fondements de leur pensée colonisatrice, bref à une histoire culturelle et intellectuelle du droit colonial. En contrepoint, le recours aux archives des administrations, police, cours et tribunaux coloniaux a permis de multiplier des travaux sur les pratiques juridiques et leur impact sur les relations entre les pouvoirs coloniaux locaux, les juges et tribunaux et les populations diverses8.
6Entre idéologies et pratiques du droit, les hommes qui composent ces appareils au quotidien demeurent dans l’ombre de la recherche. La composition sociale, l’étude des carrières et la professionnalisation des personnels chargés de rendre la justice en monde colonial, ainsi que leurs interactions avec le personnel métropolitain, ne sont guère abordées sinon pour l’Italie par Pietro Saraceno et Chiara Giorgi9, et Bernard Durand et Martine Fabre, Sandra Gérard-Loiseau ainsi que Jean-Claude Farcy pour la France10. Ce dernier dresse un premier portrait de groupe de cette magistrature impériale, comparée à celle de la métropole. Il met en évidence que « jusqu’au milieu du XXe siècle, on est porté à avancer l’idée qu’il existe bien une magistrature coloniale autonome, achevant le plus souvent sa carrière dans l’Empire. C’est seulement à partir de la Libération qu’une nouvelle évolution se fait jour : dans le même temps où l’on recrute en grand nombre des magistrats coloniaux, ceux en place vont de plus en plus revenir terminer leur carrière en métropole, témoignant d’un certain rapprochement entre les deux magistratures, même si celle des colonies reste toujours moins considérée […] »11.
7Ce rapprochement est précisément l’objet de notre recherche sur la magistrature belge en Afrique. Cette contribution entend, pour la première fois, mettre en résonance les sources métropolitaines et « africaines » pour aborder un phénomène peu connu : celui de la compénétration des magistratures métropolitaine et coloniale ; autrement dit, les passages d’un corps à l’autre. La question de la compénétration offre un angle d’approche privilégié pour aborder le fonctionnement de ces magistratures : que ce soit du point de vue de la question — centrale — de leur recrutement, du délitement progressif de l’esprit de corps, ou encore pour traiter du ressenti des magistrats eu égard aux actes émanant des deux autres pouvoirs.
8Aborder la magistrature coloniale belge, comme la construction progressive d’une administration inspirée du modèle de la magistrature métropolitaine n’est pas sans ironie. La magistrature belge n’est-elle pas elle-même le produit d’une colonisation des territoires « belges » par les révolutionnaires français et surtout le projet impérial bonapartiste ? De plus, la reprise de l’État indépendant du Congo (EIC) par la Belgique en 1908 présente le cas intéressant de la transition d’une colonisation « semi-privée », vers celle d’un État, lui-même très marqué par son existence passée sous des puissances étrangères. On comprend mieux donc le leitmotiv de « civilisation juridique » qui anime un courant de cette colonisation.
9Cette compénétration n’est aujourd’hui guère connue qu’au travers du cas d’Antoine Sohier, magistrat qui exerça les plus hautes fonctions judiciaires au Congo puis en Belgique et qui appela, à diverses reprises, à rapprocher les deux magistratures12. Sohier est, en outre, une figure emblématique en raison de la contribution qu’il apporta au développement de la doctrine coloniale et par le fait — très rare, pour un magistrat — qu’il laissa d’importantes archives. La profusion d’informations émanant de, et sur, Sohier, qui le désigne au chercheur comme un objet d’étude privilégié, n’a-t-elle pas eu tendance à occulter nombre d’autres cas ? Faut-il lui attribuer la paternité de l’idée de compénétration dont il traite abondamment ou ne se fait-il que le porte-parole, autorisé, d’idées émises par d’autres ? En un mot, Sohier est-il un cas exceptionnel ou serait-il « l’arbre qui cache la forêt » ?
10Cet article se veut le résumé d’une recherche plus vaste, écrite à plusieurs mains — par des spécialistes de la justice belge et coloniale — et fondée sur des archives inédites13. Du côté métropolitain, nous avons pu consulter le fonds « Archives du Ministère de la Justice. Services généraux. Dossiers des magistrats et officiers ministériels. Série II » qui venait d’être ouvert à la recherche. Celui-ci porte sur la période méconnue, sur le plan de l’histoire judiciaire, de l’Entre-deux-guerres. La richesse de ces archives est toutefois sans commune mesure avec celle des archives africaines. Redécouverts au cours du déménagement des archives du Service du Personnel d’Afrique entrepris depuis 2016, les dossiers des magistrats et agents de l’ordre judiciaire de la colonie, issus des « Dossiers individuels du Personnel d’Afrique – Fonds Métropole », éclairent de manière détaillée la carrière des magistrats du Congo, depuis leur recrutement en Belgique jusqu’à leur départ d’Afrique14. L’intérêt de ces dossiers produits à Bruxelles par le Ministère des Colonies et par son prédécesseur pour l’État indépendant du Congo, le Gouvernement central, est double. À l’inverse des dossiers individuels du « Fonds Colonie » auxquels les chercheurs de la période coloniale étaient renvoyés jusqu’il a peu, les dossiers « Fonds Métropole » regorgent d’informations qualitatives relatives au recrutement, à la formation et à la carrière coloniale des magistrats15. Ces archives abordent en outre, et c’est sans doute leur plus grand atout, les carrières des magistrats engagés durant la période léopoldienne. Leur (re)découverte est d’autant plus remarquable que d’aucuns supposaient qu’elles avaient été détruites par l’administration16.
11Les informations biographiques sur les magistrats coloniaux ont été encodées dans une base de données prosopographique portant sur la magistrature belge17. Cette mise en commun des données et leur croisement, sans lesquels le phénomène de la compénétration des deux magistratures serait presque passé inaperçu, ont permis de mettre au jour un corpus de 51 magistrats, passant d’une magistrature à l’autre, entre 1885 et 193918. Sur la même période, environ 300 magistrats ont été engagés au Congo19 ; tous ne possédaient pas la nationalité belge20, condition sine qua non à l’engagement dans la magistrature métropolitaine. La compénétration des deux magistratures n’est donc pas un phénomène anecdotique. Le dossier individuel — métropolitain et colonial — de ces personnes a été consulté afin d’en extraire un maximum d’informations qualitatives, notamment sur leur vécu et sur leurs motivations à passer d’un corps judiciaire à l’autre. Cependant, d’une part, ces informations ne sont malheureusement pas toujours présentes et, d’autre part, dans le cas où elles l’étaient, il n’était pas possible, faute de place, de les reproduire ici.
12Les limites chronologiques de nos sources ont imposé la période envisagée ici : cette dernière forme un tout cohérent permettant de mettre en exergue les changements qui se sont opérés dans la mise en œuvre de la compénétration durant une époque marquée par la reprise du Congo par la Belgique en 1908 et par le premier conflit mondial21. Mettre au jour le phénomène de la compénétration requiert de posséder la liste complète des magistrats appartenant à chaque corps, métropolitain et colonial. Nous ne possédons pas cette liste exhaustive pour la magistrature métropolitaine au-delà de 1939, ce qui explique que nous avons choisi cette date comme terminus ad quem de notre contribution. Nous nous autoriserons cependant à dépasser cette date pour la Cour de cassation et à poursuivre l’étude jusqu’à l’Indépendance du Congo. Il s’agit en effet de la seule juridiction qui fit l’objet — en 1954 — d’une législation permettant l’intégration de magistrats coloniaux en son sein. En outre, le nombre réduit de magistrats qui la compose en facilite l’étude.
13Dans le cadre limité de ces pages, nous synthétiserons les tentatives légales et doctrinales visant à rapprocher, voire pour les plus ambitieuses à fusionner les deux corps, avant d’aborder les éléments les plus saillants des passages « colonie/métropole » et « métropole/colonie » observés dans les 51 dossiers repérés. Ces deux types de mouvements dévoilent des politiques distinctes, ressortant de la compétence de deux ministères distincts. Eu égard aux passages « métropole/colonie », il importe d’avoir à l’esprit que pour le magistrat métropolitain, l’EIC, puis le Congo belge ne représentaient pas la seule façon d’effectuer une carrière de juge à « l’international », mieux rémunérée qu’en Belgique. Les tribunaux d’Égypte, antérieurs à la création de l’EIC, ont attiré dix-neuf magistrats belges jusqu’à la fin de l’Entre-deux-guerres22.
Tentatives légales et doctrinales en vue de rapprocher les deux magistratures
Sous l’État indépendant du Congo : la compénétration, une des réponses aux pressions internationales ?
14Sous l’EIC déjà, et bien que le Congo et la Belgique soient deux États distincts, certaines voix autorisées s’élèvent en faveur d’une plus grande collaboration entre les deux magistratures. La première trace publiée que nous ayons retrouvée est le rapport du vice-gouverneur Fuchs au Roi en date du 18 juin 190423.
15L’appel du vice-gouverneur semble entendu par le ministre de la Justice Jules Van den Heuvel qui prend, début 1905, des dispositions visant à permettre à des magistrats belges de demander un congé de deux ans pour partir exercer des fonctions judiciaires à l’EIC24. Pendant leur absence, les magistrats effectifs sont remplacés par un juge suppléant dont le traitement est pris en charge par l’EIC25. Cette disposition représentait une avancée significative en vue d’améliorer la qualité du recrutement des magistrats d’Afrique. En effet, jusque-là, les magistrats belges désireux d’exercer des fonctions judiciaires au Congo devaient démissionner de leur poste en Belgique. Ils n’avaient donc aucune certitude à leur retour d’Afrique (où la carrière était plus courte qu’en Belgique) qu’ils retrouveraient un emploi dans la magistrature métropolitaine. Ils perdaient, en outre, leurs titres à l’avancement et leurs services en Afrique ne comptaient pas dans le calcul de leurs augmentations périodiques.
16On mesure donc tout le bénéfice qu’apportait cette nouvelle disposition. Malheureusement, sa mise en pratique s’est révélée un cuisant échec. Le juge carolorégien, Armand Sapart, rentre en Belgique après moins de quatre mois en Afrique. Si son retour est officiellement dû à des raisons médicales ; en réalité et en dépit des efforts des autorités coloniales pour lui rendre son séjour agréable26, il ne se faisait absolument pas à la vie au Congo27. Le second magistrat métropolitain qui tenta l’expérience arriva, certes à la fin de son terme, mais ses évaluations furent très mauvaises.
17Alors qu’Armand Sapart est dans le bateau le ramenant en Belgique, se tient à Mons, le Congrès international d’expansion économique mondiale qui réunit des personnalités étrangères ainsi que le gratin économique et politique du pays28. À l’occasion de ce Congrès, dont l’initiative revient au Roi Léopold II et qui marquera l’évènement de sa présence, la compénétration est abordée par le vice-président du Tribunal de première instance de Bruxelles, Albert Soenens, qui présente un rapport intitulé La magistrature coloniale, favorable au « système Van den Heuvel »29.
18La fin de l’année 1904 et l’année 1905 ont été particulièrement fécondes pour la problématique qui nous occupe. Sans doute faut-il voir un lien entre cette brusque apparition de la problématique sur la scène publique et la pression sous laquelle est placé Léopold II avec « l’affaire des mains coupées » et le rapport Casement. En réaction au rapport rédigé par l’anglais Roger Casement, Léopold II met sur pied une commission d’enquête par décret du 23 juillet 1904 en vue de rechercher si de mauvais traitements ont été commis à l’égard d’indigènes. Celle-ci est composée de trois membres : un haut magistrat belge, l’avocat général près la Cour de cassation Edmond Janssens ; un haut magistrat du Congo, le baron Giacomo de Nisco, président faisant fonction du Tribunal d’appel de Boma et un juriste « neutre », le conseiller d’État suisse Edmond de Schumacher. Les trois hommes se rendent au Congo d’octobre 1904 à mars 1905 et déposent leur rapport, de plus d’une centaine de pages, en octobre suivant. Parmi les huit points qu’ils analysent, figure l’organisation judiciaire de l’EIC vis-à-vis de laquelle ils recommandent notamment une plus grande professionnalisation des tribunaux territoriaux (là où précisément Sapart et son collègue métropolitain seront nommés) et une moins grande dépendance de la justice à l’exécutif30. L’organisation du fastueux congrès d’expansion économique et l’implication de Léopold II dans celui-ci viennent, à la même époque, témoigner de la volonté de participer à l’aventure coloniale dans le chef du Roi-souverain et d’une partie des élites belges.
19Le dernier appel en faveur d’une plus forte compénétration figure dans la lettre du Roi-souverain aux secrétaires généraux du 3 juin 190631 ; texte auquel des magistrats coloniaux cherchant une place dans la métropole ne manqueront pas de se faire l’écho.
Le Congo belge, l’échec « d’une politique d’intégration nationale »32 ?
20Cette politique d’intégration peut se mesurer dans le double mouvement de circulation des magistrats coloniaux vers la métropole et des métropolitains vers la colonie. Comme nous le verrons, les conditions et les conséquences de tels passages sont toutefois fort différentes selon qu’ils se font dans un sens ou dans l’autre.
Le passage de la colonie à la métropole
La Cour de cassation : une compénétration aboutie, mais tardive
21En 1924 : la compétence de la Cour de cassation est étendue — à l’exclusion des matières pénales — au Congo33. En suite de cette loi, en 1928, un ancien colonial, Fernand Waleffe34, prend place pour la première fois dans un fauteuil de conseiller de cassation. La Cour de cassation et le Sénat l’avaient désigné, à une large majorité, premier candidat. La réussite de ce magistrat est d’autant plus remarquable que sa désignation s’inscrit dans un contexte de concurrence accentuée par la loi de surséance aux nominations judiciaires : depuis quatre ans, il n’avait plus été pourvu aux vacances des postes de conseiller à la Cour de cassation35. Il doit son succès à son statut de magistrat d’élite et de membre du Conseil supérieur du Congo36. Il terminera sa carrière en tant que président de chambre en septembre 1945. En janvier 1946, Antoine Sohier lui succède comme spécialiste des questions coloniales au sein de la juridiction suprême.
22En avril 1951, le Cercle royal africain met à l’honneur ses membres appartenant à la Cour de cassation ou au Conseil d’État37. Fernand Waleffe, dans un discours remarqué, demande que soient directement appelés à la Cour de cassation des magistrats coloniaux et qu’ils ne doivent pas, comme lui-même ou Sohier, préalablement refaire une carrière dans la métropole. Waleffe appelle à une initiative législative rendant obligatoire la présence de magistrats du Congo à la Cour de cassation. Le législateur répondra — partiellement — à cette demande. Après un processus parlementaire de deux ans, la loi du 25 février 1954 modifie les conditions d’expérience professionnelle requises pour intégrer la Cour de cassation38. La Cour de cassation et le Sénat ont dorénavant, la faculté — et non l’obligation, comme l’aurait souhaité Waleffe — de présenter au choix du Roi, un magistrat siégeant dans une juridiction coloniale.
23Un seul magistrat colonial bénéficia de cette nouvelle législation : Léon de Waersegger, avocat général près la Cour d’appel de Léopoldville qui est nommé, le 19 mars 1959, conseiller de cassation39. Sa nomination ne se fit cependant pas sans mal. Il était en concurrence avec Alfred Wauters, qui avait été substitut à Anvers avant d’être nommé président de la Cour internationale de Tanger au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Situation exceptionnelle dans l’histoire de la Cour suprême : deux magistrats qui ont effectué l’essentiel de leur carrière sur le sol africain se retrouvent en compétition. La Cour de cassation désigne respectivement de Waersegger et Wauters, premier et second candidat. Le Sénat propose les mêmes personnes, mais dans l’ordre inverse. Le procureur général explique les raisons de ce choix :
« Si la Cour a préféré le premier, et souhaite sa nomination, c’est parce qu’elle a tenu compte de considérations de principe : 1) il faut que le Congo soit représenté au sein de la Cour : un seul ancien magistrat du Congo en fait partie [Sohier], mais il sera atteint par la limite d’âge dans les premiers mois de 1960, il faut que la relève soit assurée dès maintenant, vu les difficultés d’adaptation. La compétence de la Cour quant aux causes coloniales augmente tous les jours et augmentera beaucoup plus encore par la nouvelle loi étendant la compétence de la Cour en cette matière : la présence accrue de magistrats du Congo devient indispensable. 2) il s’agit d’une question de prestige international : il importe de montrer à l’étranger que le Congo fait partie de la Belgique, et que les cours d’appel de Belgique et celles du Congo occupent le même rang. 3) la magistrature congolaise, qui est une magistrature d’élite, serait douloureusement frappée et étonnée (j’ai pu m’en convaincre par des conversations récentes à Léopoldville) s’il était écarté de la Cour de cassation. Cette déception aurait des répercussions graves, et il importe plus que jamais de les éviter.
Je crois ne pas me tromper en attribuant le fait que le magistrat congolais a été écarté du premier rang au profit du candidat de Tanger, à la circonstance que, tout en connaissant parfaitement le flamand, il est “légalement” unilingue français. Mais il remplacerait un conseiller qui était unilingue : donc rien ne serait changé. […] Si la Cour, tout en reconnaissant et consacrant les mérites du candidat ancien président de la Cour internationale de Tanger, a cru opportun de ne lui donner que la seconde place, c’est parce qu’elle a jugé que, ayant perdu depuis près de 20 ans le contact avec la législation et la jurisprudence belges, et ignorant la législation du Congo, il ne rendrait pas actuellement les services indispensables que pourrait rendre un haut magistrat d’une Cour d’appel du Congo. Elle a tenu compte aussi du fait que Monsieur l’avocat général de Waersegger à 56 ans, et a appliqué pendant 31 ans le droit du Congo belge, tandis que Monsieur Wauters, ancien président de la Cour de Tanger, n’a que 46 ans et n’a appliqué que pendant 11 ans le droit belge, en qualité de substitut du procureur du Roi »40.
Les autres niveaux de juridiction : la quête d’un statut
24Dès 1919, les archives dévoilent qu’il est dans les projets du ministre des Colonies, Louis Franck, d’élaborer une législation visant à réserver aux magistrats coloniaux certains sièges de magistrat en Belgique41. En attendant cette réforme, les magistrats, passant de la colonie à la métropole, connaissent une légère amélioration de leur situation grâce à une loi du 31 juillet 1920, qui permet de prendre en compte leur ancienneté dans le calcul de leurs augmentations périodiques42. La formulation de la loi laisse, cependant, certaines questions en suspens. Il n’est notamment pas précisé si la durée des congés accordés aux magistrats pour rétablir leur santé peut être comptée comme services effectifs43.
25Dans les années qui suivent, on observe sporadiquement des appels — en particulier lors des discussions annuelles sur le budget du Ministère des Colonies — visant à offrir aux magistrats coloniaux, au terme de leur carrière africaine, la perspective d’une situation, en métropole, au moins équivalente à celle qu’ils occupaient au Congo44.
26En 1925, Antoine Sohier, procureur général près la Cour d’appel d’Élisabethville, magistrat respecté et cheville ouvrière de l’étude et la diffusion du droit colonial45, relance le débat. Cette réflexion sur la compénétration débute par un petit article, écrit en décembre 1925, intitulé « L’organisation de la magistrature congolaise »46. Sohier le complète en janvier suivant, en réaction à du courrier reçu de lecteurs47. Le député catholique et ancien ministre de la Justice, Henri Carton de Wiart, s’en fait l’écho lors de la discussion du budget des Colonies ; il plaide pour une règlementation visant à garantir les droits à l’ancienneté lors du passage de la colonie à la métropole48. Les idées de Sohier interpellent également l’avocat brugeois Joseph Schramme qui fait de la compénétration le sujet d’une conférence qu’il donne le 15 septembre 1926 à la Confrérie judiciaire de Saint-Yves, à Bruges49. Schramme critique avec force le manque de liens entre les deux magistratures ; il déplore le fait que les magistrats belges ne considèrent pas leurs confrères coloniaux comme des collègues. Il regrette également que les magistrats coloniaux qui parviennent à retourner dans la magistrature de la métropole n’y rentrent que par la « petite porte » ou, s’ils se destinent au barreau, soient obligés d’y faire un stage malgré leur expérience juridique.
27En octobre 1926, Antoine Sohier est invité à prononcer le discours de rentrée de la Section de droit colonial du Jeune barreau de Bruxelles50. Ce faisant, cette section dérogeait avec la tradition du Jeune Barreau qui voulait que ce soit un membre du barreau qui prononce le discours de rentrée51. Sohier, conforté par l’opinion exprimée par Carton de Wiart et Schramme, expose ses idées sur la compénétration devant les plus hautes autorités judiciaires et politiques, métropolitaines et coloniales. Il pose le constat que la première cause de retours prématurés est, bien avant la maladie ou l’incompétence, le manque d’avenir dans la colonie. En conséquence, Sohier recommande d’instaurer dans les principaux tribunaux et cours du pays des places de magistrats « surnuméraires au titre colonial »52 dont le nombre équivaudrait à l’effectif de la magistrature coloniale. Les personnes se destinant à la carrière coloniale débuteraient leur carrière en Belgique. Elles s’y formeraient pendant au moins un an, ce « stage » permettrait de remédier au manque d’expérience souvent reproché aux nouveaux magistrats coloniaux. À chacun de leurs congés — dont la durée serait portée à un an — les magistrats reprendraient pendant quelques mois la place qu’ils occupaient en Belgique ; ce qui leur permettrait à la fois de garder le contact avec le droit métropolitain et avec leurs collègues qui ne les considéraient ainsi plus comme des étrangers. Après ce premier terme et après avoir présenté leur mémoire, « il[s] pourrai[en]t être éliminé[s] aussi bien par [leurs] chefs belges que par [leurs] chefs coloniaux »53. Les « magistrats belges au titre colonial » alterneraient ainsi tout au long de leur carrière des séjours dans des juridictions congolaises avec des retours périodiques dans des juridictions métropolitaines. Leur avancement serait distinct dans les deux ordres de juridiction ; les promotions continuant de dépendre, pour le Congo, du ministre des Colonies et, pour la métropole, du ministre de la Justice. À la fin de la carrière coloniale ou plus tôt si un magistrat est reconnu incapable de poursuivre ses fonctions à la colonie par une commission médicale (tout en étant jugé capable pour la métropole)54, ils reviendraient définitivement dans la magistrature métropolitaine. Ils y seraient incorporés de façon surnuméraire jusqu’à ce qu’une place devienne vacante. « Par ce système », conclut Sohier « la magistrature coloniale aurait la préparation, l’unité d’esprit, les traditions et la stabilité qui lui font défaut à l’heure actuelle »55.
28Sohier présente son système comme non exclusif d’autres solutions. On peut lui objecter la difficile mise en pratique dans les cours d’appel de sa proposition selon laquelle les conseillers surnuméraires seraient présentés par les cours belges et par le conseil colonial ; système qui emportait nécessairement une révision constitutionnelle56. Par ailleurs, le fait que le magistrat puisse être « éliminé » s’il ne convient pas après son premier terme aurait posé problème pour les magistrats du siège, eu égard à la protection constitutionnelle d’irrévocabilité dont ils bénéficient.
29Le discours de Sohier est relayé par la presse et par les revues spécialisées57. Par arrêté royal du 10 janvier 1927, les ministres de la Justice, Paul Hymans, et des Colonies, Édouard Pecher — tous les deux libéraux — instituent une commission chargée de rédiger un avant-projet de loi sur la compénétration58. Cette commission travaille de janvier à mars 1927. Le système qu’elle propose est moins ambitieux que celui suggéré par Sohier, favorable à la fusion des deux magistratures. La commission, quant à elle, propose de réserver aux magistrats coloniaux, de retour dans la métropole, des places au siège des tribunaux de première instance et des cours d’appel métropolitains59.
30En aout 1927, l’avant-projet de loi sur la compénétration est approuvé par le conseil des ministres. Six mois plus tard, en février 1928, le projet de loi est déposé au Sénat. Il est en cours d’étude lorsque le procureur général près la Cour de cassation, Paul Leclercq, prononce le 15 septembre 1928, son célèbre discours de rentrée « Propos constitutionnels »60. À l’instar d’autres réformes apportées ou pensées à l’organisation judiciaire, la question de la compénétration est violemment épinglée par Paul Leclercq qui en dénonce l’inconstitutionnalité. Le problème réside, pour le procureur général, dans le fait que le projet de loi réserve des places dans les cours d’appel pour les magistrats coloniaux. Or, aux termes de la Constitution, les conseillers sont nommés après présentation par un corps judiciaire et par un corps politique. Les personnes présentées ne doivent pas nécessairement être magistrats61, il suffit qu’elles répondent aux trois conditions légales d’âge, de diplôme et d’expérience prescrites par la loi du 18 juin 1869 sur l’organisation judiciaire. On ne peut ajouter à ces conditions, l’obligation qu’une personne ait reçu une agréation préalable par le pouvoir exécutif du fait de sa nomination comme magistrat colonial. Le système de présentation a été instauré pour protéger l’indépendance des magistrats, de l’exécutif. Adopter le projet de loi en l’état signifierait aller à l’encontre de la volonté des Constituants.
31Le discours du haut magistrat interpelle les membres des commissions des finances et de la justice du Sénat qui étudiaient le projet de loi sur la compénétration. Certains d’entre eux faisant état de scrupules d’ordre constitutionnels, il est décidé de la mise sur pied d’une commission spéciale chargée de trancher la question62. Alors que le projet semble être « tombé dans l’oubli »63, les choses se débloquent en mai 1932 : le gouvernement dépose un amendement supprimant les places prévues pour les coloniaux dans les cours d’appel, ce qui coupe court aux réserves des sénateurs qui estimaient ces places inconstitutionnelles64. Le 6 juillet 1932, le Sénat adopte dès lors, sans discussion et à l’unanimité moins une voix, le projet de compénétration65. Alors que l’aboutissement semble proche, le processus parlementaire s’enlise. En janvier 1938, le gouvernement dépose de nouveaux amendements66. Mais la question — hormis au niveau de la Cour de cassation — ne trouvera pas d’aboutissement législatif avant l’indépendance du Congo et, bien que posée en d’autres termes, sa résolution deviendra encore plus pressante au lendemain de celle-ci, en raison du retour des magistrats d’Afrique en métropole67.
De la métropole à la colonie
32La loi du 10 aout 1921 réintroduit une disposition similaire à celle introduite par Van den Heuvel en 1905, préservant les droits des magistrats métropolitains qui souhaitent partir travailler dans la colonie. Elle dispose en effet que : « Article 33 [de la Charte coloniale] : les magistrats, fonctionnaires et militaires belges, autorisés à accepter des emplois dans la colonie, tant avant qu’après l’annexion de celle-ci, conservent leur ancienneté et leurs titres à l’avancement dans la magistrature, l’administration ou l’armée qu’ils ont temporairement quittée »68. Un projet de loi avait été déposé conjointement, le 13 mai 1921, par le ministre de la Justice, Émile Vandervelde, et le ministre des Colonies, Louis Franck69. Le parcours parlementaire de ce projet de loi avait été très rapide. Le 7 juillet 1921, la commission permanente des Colonies déposait un rapport qui tenait en une ligne, actant l’adoption du projet70. Douze jours plus tard, le projet était adopté sans discussion à la Chambre71. Le 29 juillet, le Sénat se prononçait à l’unanimité en sa faveur72.
33Trois magistrats sont partis au Congo dans le cadre de cette loi, trois magistrats de la partie néerlandophone du pays, ce qui tranche avec le caractère très francophone de la compénétration avant la Seconde Guerre. L’un d’eux, François Deheem, qui sollicitait son avancement — légitime — en métropole, se verra toutefois supplanté par un de ses collègues. Henri Carton de Wiart relayera les doléances de Deheem au Parlement et mettra en garde les députés face au mauvais signal envoyé aux candidats au départ73.
34L’article 33 de la Charte coloniale est modifié par la loi du 18 mai 192974. Cette nouvelle loi se justifiait principalement par la volonté de préserver les droits des personnes travaillant pour des sociétés coloniales exerçant des services reconnus d’utilité publique, à l’instar, entre autres, des services de transport ou de communication75. Du point de vue des magistrats, la philosophie de la législation est similaire à celle de 192176.
35Le juge montois René Dawant est, avant la Seconde Guerre, le seul magistrat autorisé à partir au Congo dans le cadre de la loi de 1929. Le magistrat s’embarque en octobre 1937 pour gagner la province de Lusambo où il est désigné juge-président du tribunal. Les législations de 1921-1929 demeuraient silencieuses sur la question de l’éventuel remplacement des magistrats absents. Or si la disposition de Van den Heuvel, en 1905, limitait le séjour colonial à deux années, la législation plus récente ne prévoyait aucune limite ; laissant les juridictions belges dans l’incertitude quant à la durée de l’absence du magistrat parti au service de la Colonie. En vue de pallier ce problème, le législateur adopte le 27 juillet 1938 une loi permettant au Roi de nommer des magistrats de complément pour remplir les fonctions exercées par un magistrat métropolitain parti en Afrique77. Bien qu’ayant un caractère général, cette loi est une loi de circonstance adoptée par suite du cas Dawant et de la désorganisation qu’a causée son départ au sein du Tribunal de première instance de Mons.
36Dans les faits, René Dawant ne revint jamais reprendre sa place au Tribunal de Mons ; il gravit les échelons de la magistrature coloniale où il termina président de la Cour d’appel du Ruanda-Urundi, à Usumbura. En 1957, à l’âge de 70 ans, il atteint l’âge de la pension en Belgique. Il obtint le bénéfice de l’éméritat et le titre honorifique de ses fonctions. À l’occasion du rapport que le procureur du Roi de Mons remet à cette occasion, le chef du parquet montois fait observer qu’il est « un des rares magistrats à l’avoir encore connu »78 ; une remarque qui témoigne de l’affaiblissement de l’esprit de corps qu’engendraient ces parcours « mixtes ». Nous ignorons si d’autres magistrats ont suivi les traces de Dawant après la Seconde Guerre.
37Il est à noter que le passage de la magistrature métropolitaine à coloniale requiert l’assentiment de deux ministres ; ce qui, à l’heure des gouvernements de coalition et vu le caractère partisan des nominations, compliquait le recrutement. D’autant plus que, durant la période étudiée, le ministère des Colonies est un « fief » catholique, tandis que celui de la Justice est occupé majoritairement par des libéraux79.
38Ainsi, l’octroi d’un congé ou d’une mise en disponibilité pour partir au Congo n’a rien d’automatique pour le magistrat métropolitain. Son départ est subordonné à l’autorisation du ministre de la Justice comme le président du Tribunal de première instance de Huy, Joseph Derriks, en fit l’expérience. Ce dernier sollicita en 1924 de pouvoir partir occuper le siège de président de la Cour d’appel d’Élisabethville. L’autorisation lui étant refusée, il dut démissionner de la magistrature métropolitaine. Il est vraisemblable que la désorganisation qui eut été apportée à ce petit tribunal — qui comptait alors siège et parquet confondus huit membres — lui fut-il opposé80.
Les conséquences de cette quasi-absence de cadre légal sur les parcours individuels
39La confrontation des archives des ministères des Colonies (EIC et Congo belge) et de la Justice a mis en lumière un effectif de 51 individus qui passent d’une magistrature à l’autre. Les passages de la métropole à la colonie81 représentent 23,5 % de l’effectif. Ceux de la colonie à la métropole 76,5 %.
40On observe que les passages se font surtout au début des années 1920, période de crise du recrutement pour la magistrature métropolitaine alors que la magistrature coloniale connait un regain d’intérêt. C’est également à cette période qu’est adoptée la première législation, depuis l’annexion du Congo, visant à faciliter les rapports entre les deux magistratures.
Les parcours de la Colonie à la Métropole82
41Les causes du retour à la métropole sont variées. Le plus souvent, il est question de raison de famille (en ce compris le fait d’assurer une stabilité de revenus à sa famille) ou de santé. Il se peut également que le magistrat colonial n’ait pas été nommé à titre définitif. Les magistrats sont rarement prolixes sur la question et les raisons alléguées peuvent n’être qu’un écran de fumée masquant des motifs moins honorables. Exceptionnellement, il s’agit d’un manque d’attrait pour la carrière coloniale en elle-même83. En moyenne, les magistrats coloniaux effectuent trois termes avant d’intégrer la magistrature de la métropole84. Plus d’un tiers de l’effectif ne réalise cependant qu’un terme, voire moins s’ils doivent être rapatriés pour raisons de santé. À l’extrême opposé, deux magistrats coloniaux — Hermann Weber et Guido Tinel — font figure de vétérans coloniaux, comptabilisant chacun dix termes.
42Tous les magistrats coloniaux qui souhaitent revenir dans la métropole ne voient pas leur demande couronnée de succès. Il n’est pas possible à cet égard de fournir une statistique précise laquelle impliquerait de dépouiller l’intégralité des archives du personnel judiciaire belge, ce qui représente une masse d’archives colossale. Par ailleurs, quand bien même ces fonds seraient-ils entièrement dépouillés, les chiffres seraient faussés : les lettres de candidatures aux fonctions judiciaires ou les tableaux réalisés par l’administration synthétisant celles-ci n’ayant pas été systématiquement conservés… Nous ne pouvons donc fournir qu’une estimation minimale de treize magistrats coloniaux qui ont postulé, sans succès et parfois à de nombreuses reprises, à des fonctions métropolitaines85.
43Pour ceux, plus heureux, qui parviennent à intégrer la magistrature métropolitaine, il a souvent été nécessaire de multiplier les demandes, de postuler « à tout-va » et de faire preuve de persévérance. Certains magistrats coloniaux ont ainsi postulé pendant plus de dix ans — voire seize ans pour le cas le plus extrême que nous ayons retrouvé — avant de parvenir à intégrer la magistrature métropolitaine. Ils postulent également de manière très large sur le plan géographique, sollicitant toutes les places de juges de paix et de première instance vacantes dans la partie francophone du pays, pratique très symptomatique de la période d’avant la Seconde Guerre mondiale.
44Si tous les magistrats coloniaux souhaitant revenir en Belgique pour exercer une fonction judiciaire postulent déjà depuis le Congo, rares sont ceux qui obtiennent directement une place. Pour les autres, rentrés incertains quant à leur avenir, c’est une période angoissante qui s’ouvre, d’autant plus pour ceux rentrés durant la crise économique des années 1930. Différentes hypothèses doivent être envisagées, selon que la personne a, à l’issue de ses études, réalisé ou non, un stage de deux ans au barreau, préalablement à son départ pour l’Afrique.
45Dans l’hypothèse où la personne avait terminé son stage avec succès, elle peut postuler à toutes les fonctions dans la magistrature belge (pour autant qu’elle ait le nombre d’années de barreau requises86). Si l’ancien magistrat colonial n’obtient pas de place tout de suite, il peut se lancer comme avocat. La difficulté est alors pour lui de se constituer une clientèle. Sa situation est toutefois plus enviable que celle de la personne partie au Congo directement après ses études — cas de figure dans lequel se trouvent plusieurs « magistrats compénétrés » —, n’ayant pas de fortune personnelle et souhaitant se faire une situation au Congo.
46Pour les magistrats sans expérience suffisante du barreau, les choses sont plus compliquées et varient, en outre, selon l’arrondissement dans lequel ils se sont installés. Soit ils souhaitent à tout prix intégrer la magistrature sans passer par le barreau et doivent postuler des justices de paix, seule fonction judiciaire accessible sans expérience professionnelle. Soit ils doivent s’inscrire au barreau et donc, en théorie, y réaliser leur stage ; ce qui, pour un magistrat expérimenté, occupant parfois le sommet de la hiérarchie judiciaire au Congo, est humiliant87. Quelques barreaux se sont toutefois montrés plus ouverts, en particulier, celui de Liège. Parmi les magistrats étudiés, Ernest Dupont, Maurice Tschoffen et Fernand Waleffe bénéficient en effet d’une délibération du conseil de l’ordre assimilant leurs années de magistrature coloniale au stage ordinaire ; leur ouvrant ainsi les portes des tribunaux de première instance88. Cette jurisprudence est également d’application à Bruxelles.
47Les magistrats coloniaux connaissent également, pour la plupart, durant une grande partie de l’Entre-deux-guerres, une autre « humiliation » liée à leur statut : l’absence de dispositions légales relatives à l’honorariat. Sans entrer dans des considérations techniques qui nous éloigneraient de notre propos89, on peut résumer la question comme suit : en métropole, les magistrats obtiennent systématiquement, sauf cas rares d’indignité ou de carrières trop brèves, le titre honorifique de leurs dernières fonctions. Les magistrats coloniaux doivent quant à eux attendre l’arrêté royal du 1er mai 1934 pour bénéficier d’un statut similaire. Auparavant, seuls les magistrats ayant rang de vice-gouverneur général (c’est-à-dire les procureurs généraux et les présidents de cours d’appel) avaient droit à l’honorariat. Si quelques magistrats l’ont toutefois obtenu par faveur particulière, la grande majorité ne le recevait pas, en dépit de demandes répétées. Dès lors, le fait qu’ils ne portaient, pour la plupart, pas le titre honorifique de leurs fonctions coloniales était mal perçu en Belgique : leurs interlocuteurs, mal informés des règles de vigueur, supposaient qu’ils avaient démérité90.
48Les magistrats coloniaux doivent aussi faire face aux réticences que pouvaient manifester certains ministres de la Justice à leur encontre, à l’image du catholique Jules Renkin ; témoignant ainsi des stéréotypes associés à la Colonie91.
49Tout candidat aux fonctions judiciaires, métropolitaines comme coloniales, devant faire valoir des recommandations, tous les magistrats coloniaux qui postulent dans la magistrature métropolitaine sollicitent l’appui du Ministère des Colonies. Cet appui sera systématiquement donné, du moins pour l’entrée dans la magistrature métropolitaine. La question s’est toutefois posée de savoir si le Ministère des Colonies devait encore intervenir pour les promotions au sein de la magistrature métropolitaine ; ce qu’il fera dans certains cas.
50Les portes de la magistrature métropolitaine — parfois difficilement — ouvertes, à quelles fonctions les coloniaux sont-ils nommés ? Il est difficile de comparer les deux magistratures et d’estimer si un poste colonial est équivalent à un poste belge. Quelques constats peuvent être cependant posés, tant au niveau de l’entrée dans la carrière métropolitaine, que sur le plan de l’évolution de cette carrière.
Entrée dans la carrière métropolitaine
51À la Cour de cassation, aucun magistrat n’est directement nommé, durant cette période. Nous avons effectivement vu que le premier à l’avoir été est Léon de Waersegger, nommé en 1959, sous le régime de la loi de 1954. Durant l’Entre-deux-guerres, le magistrat colonial, qui aspire à gagner la Cour de cassation, doit dès lors recommencer une nouvelle carrière.
52Un seul magistrat réussit le passage d’une cour d’appel coloniale à une cour d’appel métropolitaine : Herman Weber, procureur général à Boma qui devient, en 1921, conseiller à Bruxelles. Celui-ci compte alors tout juste cinq années de barreau en Belgique, soit le minimum légal pour accéder à une cour d’appel. Son dossier ne renferme malheureusement pas d’information relative à ce passage exceptionnel.
53Au niveau des tribunaux de première instance, le Tribunal de première instance de Mons semble être un « point de chute » privilégié pour les magistrats coloniaux. Nous n’avons pas pu trouver d’explication à ce phénomène. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, les magistrats qui reviennent en Belgique avant la Seconde Guerre sont majoritairement francophones, mais cela ne suffit pas à expliquer cette surreprésentation92.
54On observe également que René Dawant, un des rares magistrats qui passe de la métropole à la colonie, était juge à Mons où il côtoyait ainsi nombre d’anciens coloniaux. La même remarque vaut pour Joseph Derriks, président du Tribunal de première instance de Huy, qui côtoie journellement deux anciens magistrats coloniaux. Il serait intéressant de savoir si la vocation coloniale de Dawant et Derriks n’a pas été suscitée par la fréquentation de leurs collègues qui ont pu leur faire part de leur vécu et des réalités de la vie dans la colonie.
55Quatre magistrats occupent à leur retour de la colonie une fonction dans les juridictions consulaires ou militaires. À côté de ces quatre magistrats, quatre autres connaissent, quant à eux, une forte rétrogradation quand ils arrivent en Belgique. Parmi eux, le cas d’Ivan Grenade, président du Tribunal d’appel de Boma qui occupe en Belgique la modeste fonction de juge de paix de Stavelot, constitue un cas particulier. C’est en effet Grenade lui-même, qui, pour des raisons personnelles, sollicite cette fonction à laquelle il est nommé directement, sans connaitre un seul jour de « chômage ». Ce parcours est à l’opposé de celui de ses collègues qui multiplient les démarches et les requêtes.
56Hormis sept magistrats dont nous ignorons le devenir, un seul magistrat quitte de son plein gré la magistrature métropolitaine pour embrasser une autre carrière. Il s’agit du conseiller à la Cour d’appel de Gand, Maurice Vanden Boogaerde, qui renonce à la magistrature métropolitaine après dix-huit ans pour devenir gouverneur de la province de Flandre orientale (1939-1954).
Évolution de la carrière
57Quatre magistrats se hissent à la Cour de cassation. Un autre atteint, quant à lui, le sommet de la juridiction militaire : il s’agit de Richard Van de Kelder qui gravit tous les échelons à son retour du Congo.
58Près d’un quart de l’effectif, soit 9 magistrats sur les 39, termine leur carrière métropolitaine à la cour d’appel. 15 sur 39 « stagnent » quant à eux en première instance ; mais parmi eux, six décèdent en fonction. Enfin, cinq personnes rentrées comme juge de paix suppléant ou effectif terminent leur carrière à ce niveau de juridiction ; un substitut à Mons — Maurice Vaes — termine sa carrière comme juge de paix à Ixelles. Vaes, ainsi que trois autres magistrats, voit sa carrière interrompue ou ralentie par suite de mesures disciplinaires.
59Pour les 14 magistrats qui prennent leur pension « normalement », commence souvent un long parcours du combattant relatif à la détermination du montant de leur pension et à la question de l’éméritat. Le siège de la matière réside dans l’article 9 de la loi du 25 juillet 1867 qui est formulé comme suit : « le magistrat mis à la retraite à raison de l’âge fixé à l’article premier ayant 30 années de service, dont 15 au moins dans la magistrature a droit à l’éméritat ». La problématique des magistrats coloniaux et de leur droit à l’éméritat est bien perceptible dans le dossier de Joseph Jadot lequel écrit tout un mémoire à l’administration en vue d’obtenir celui-ci ; en vain. En bref, l’administration estime que seul le temps passé dans la magistrature métropolitaine peut entrer en ligne de compte dans le calcul des années donnant droit l’éméritat. Fernand Waleffe ira quant à lui en justice en vue de faire reconnaitre ses droits ; la Cour de cassation lui donnera raison93.
Les parcours de la Métropole à la Colonie
60Onze magistrats passent de la magistrature métropolitaine à la magistrature coloniale. Davantage s’étaient renseignés sur cette carrière ou ont tenté d’y accéder94. Les archives témoignent aussi du fait qu’au moins trois magistrats belges, récemment contraints à la démission pour raison disciplinaire95, tentent d’intégrer la magistrature coloniale ; l’un en 1921, un autre en 1928 et le dernier en 1946. Leur candidature fut, logiquement, rejetée.
61Ainsi que nous l’avons vu précédemment, les magistrats belges partant à la Colonie bénéficient d’incitants. Leurs droits à l’avancement sont — théoriquement — réservés et ils sont certains de retrouver une place à leur retour ; soit celle qu’ils occupaient à leur départ, soit une place plus élevée.
62Notons qu’après la Seconde Guerre mondiale, le passage de la magistrature métropolitaine à la magistrature coloniale n’est pas facilité. Si la colonie semble attirer de plus en plus de magistrats métropolitains96, leur candidature est très souvent rejetée. Ces candidats sont le plus souvent écartés en raison de leur âge avancé97. Le statut des magistrats impose en effet une limite d’âge, 30 ans maximum, à tous les candidats98. En outre, si l’article 9 du statut des magistrats permet aux docteurs en droit ayant pratiqué pendant 9 ans au moins le barreau, soit en Belgique, soit au Congo, d’être nommés directement à titre définitif par le Roi, il ressort que cette disposition est vue comme tout à fait exceptionnelle. « Il n’y a lieu d’[en] faire usage que dans les cas très rares où la Colonie aurait un intérêt évident à s’attacher la collaboration d’un juriste d’une valeur toute spéciale »99.
Conclusions et ouvertures
63Nous nous interrogions en introduction sur le caractère exceptionnel ou non de la carrière d’Antoine Sohier. Arrivé.e.s au terme de cette étude, il apparait que, sur le plan quantitatif du moins100, la carrière « mixte » de Sohier n’est pas un cas unique. La compénétration est presque concomitante à la naissance de l’EIC et s’observe jusqu’à l’indépendance ; la reprise du Congo par la Belgique n’a, à cet égard, pas marqué d’évolution significative. La rupture a, en effet, eu lieu antérieurement, en 1905. Cette date confère à la compénétration un aspect « asymétrique » ; les passages de la métropole à la colonie et ceux de la colonie à la métropole n’étant plus mis sur le même pied. Avant 1905, les magistrats belges et coloniaux étaient mis sur un même pied, tenu de démissionner d’une magistrature pour intégrer l’autre. À partir de 1905, les choses changent.
64Les passages de la métropole à la colonie sont profitables aux magistrats belges qui peuvent poursuivre leur carrière au Congo sans devoir démissionner. Le magistrat bénéficie d’un congé pour partir, est assuré de retourner dans sa juridiction belge au terme de son séjour colonial et peut même solliciter un avancement en Belgique au cours de ce dernier. En outre ces magistrats obtiennent d’emblée au Congo une position enviable, souvent supérieure à celle qu’ils occupaient en Belgique. La nomination de magistrats belges au Congo fait, en effet, office de « vitrine », destinée à allécher des magistrats belges expérimentés. La promesse du législateur, notamment eu égard au maintien des droits à l’avancement, ne fut cependant pas toujours respectée comme en témoigne le cas Deheem qui n’obtint pas la promotion d’avocat général à la Cour d’appel de Gand qu’il avait sollicitée et qu’il pouvait légitimement escompter. Par ailleurs, la législation de 1921 apparaissait incomplète, en n’ayant pas prévu des modalités de remplacement des magistrats partis et en plaçant de ce fait les juridictions belges dans une situation compliquée, qui plus est dans une période mouvementée. La loi du 27 juillet 1938 apporte une solution à ce problème.
65En revanche, les passages de la colonie à la métropole sont nettement moins enviables et encadrés. Plusieurs voix s’étaient pourtant élevées en vue de créer un statut pour ces magistrats, les assurant de retrouver une place dans la magistrature métropolitaine au terme de leur carrière coloniale. Il y va de l’intérêt de la colonie qui doit être attractive pour les juristes les plus prometteurs. Un projet de loi fut déposé par le gouvernement, voté au Sénat, mais bloqué à la commission de la justice de la Chambre. À défaut de ce statut longtemps espéré, les magistrats coloniaux voyant arriver la fin de leur terme colonial n’avaient donc d’autre choix que de se débrouiller par eux-mêmes, postulant aux fonctions judiciaires au même titre que des « candidats lambda », devant faire jouer leurs relations pour espérer se voir ouvrir les portes de la magistrature. Leur expérience judiciaire dans la colonie, fût-elle à un poste de chef de corps, ne compte pas : telle est l’interprétation donnée au ministère de la Justice de la loi d’organisation judiciaire de 1869. Pour ceux qui n’ont pas les deux ans d’expérience judiciaire en métropole ou au barreau requis par cette loi, il leur faut refaire un stage au barreau (ou demander à ce que leurs années au Congo soient assimilées au stage judiciaire, ce que certains barreaux acceptent) ou solliciter une place de juge de paix. Qui plus est, l’absence jusqu’en 1934 de dispositions relatives à l’honorariat leur était préjudiciable, laissant croire, à tort, qu’ils avaient démérité dans leur fonction coloniale. L’attribution de l’honorariat était en effet, jusqu’en 1934, évaluée au cas par cas. Ainsi sur bien des points, construire une carrière coloniale suppose de recourir à la négociation : au moment de l’entrée dans la magistrature, lorsqu’un terme vient à expirer, ou au moment de l’honorariat. Ce droit souple, négocié, en construction — à l’instar du droit colonial où la jurisprudence avait une grande place – tranche avec le droit positif en vigueur en métropole. De même, les « codes » du magistrat colonial — qui a dû suivre une formation spécifique et passer un examen d’entrée, les évaluations périodiques auquel il est soumis, une habitude de la mobilité et du fait de juger seul — tranchent avec les habitudes du magistrat belge. Notons que ces « particularités coloniales » sont aujourd’hui le quotidien de la magistrature ; témoignant du rôle de laboratoire qu’a eu à cet égard le Congo belge pour les évolutions futures dans la magistrature métropolitaine.
66C’est paradoxalement à la Cour de cassation, la juridiction la plus difficile d’accès, que la compénétration fut la plus aboutie. Le paradoxe n’est toutefois qu’apparent, la juridiction ayant dans ses attributions, depuis 1924, la cassation des matières civiles et commerciales coloniales. Ce faisant, il lui fallait en son sein une personne familiarisée à ce contentieux. Les deux magistrats qui se succèdent à ce poste, Waleffe et Sohier, avaient néanmoins dû recommencer leur carrière en Belgique. En 1954, une législation modifie les conditions d’accès à la Cour de cassation permettant un magistrat colonial ayant 10 ans d’expérience, d’entrer directement à la Cour suprême. Un magistrat seulement put en bénéficier.
67Même revenus depuis longtemps en Belgique, les magistrats coloniaux continuent à s’intéresser aux affaires coloniales ; le Congo ayant laissé sa marque indélébile sur leur identité ainsi qu’en témoigne Antoine Sohier à la fin de sa deuxième carrière judiciaire :
« J’ai été magistrat d’Afrique et magistrat de la métropole, magistrat debout et magistrat du siège. […] M. le procureur général Hayoit de Termicourt se demandait où j’avais été le plus heureux. Question à laquelle il ne serait possible de répondre qu’avec bien des nuances ! Cependant je puis dire que, si variée fût-elle, ma carrière m’apparait une. Lorsque je collabore à ces arrêts où la Cour de cassation montre souvent sa haute indépendance, il me semble que, au moment où je me sens en communion de pensée avec mes collègues, l’esprit qui m’anime reste celui [des] premières expériences »101.
68Cette étude prospective s’emploie à défricher un territoire méconnu en explorant les dossiers des magistrats de carrière. Sous-tendant les trajectoires individuelles, par le biais des circulations des magistrats entre la Belgique et le Congo, se dessine dans ces dossiers une « photographie » des représentations de la question coloniale par le monde judiciaire belge.
69Peut-on parler d’une volonté de création d’un espace juridique commun dans le chef du monde judiciaire belge ? L’absence de formation d’une magistrature indigène comme le départ brutal de la quasi-totalité des magistrats belges en 1960 semble accréditer les ambigüités, les atermoiements voire les aveuglements d’élites belges, ballotées entre crispations et rêveries face à la colonisation102. Ce fut le cas jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et la question reste à étudier pour la période 1940-1960.
70De nombreuses questions de recherches restent encore à explorer. Le passage de la magistrature de l’EIC à la colonie, le cas des territoires sous mandat du Ruanda-Urundi, la place des magistrats dans la coopération belge avec le Congo d’après l’Indépendance, la réintégration des magistrats coloniaux dans la justice métropolitaine, la transformation du droit colonial en droit africain, la formation d’un corps de magistrats congolais, burundais et rwandais103. Si nous avons étudié dans les pages qui précèdent les magistrats qui jettent des ponts entre les deux corps judiciaires, ces magistratures doivent chacune faire l’objet d’une étude approfondie, préalable nécessaire à une histoire comparée mettant en lumière les spécificités de chacune d’elles et les défis auxquels elles étaient confrontées en cette période de bouleversements politiques, économiques et sociaux. Une telle étude impliquerait, pour la magistrature congolaise, d’élargir la focale à la problématique de la gouvernance coloniale qu’il n’était pas possible d’aborder dans le cadre limité de ces pages, faute d’études approfondies sur l’administration coloniale, à Bruxelles, comme dans les territoires africains.
71Plus largement, il serait intéressant d’examiner si la compénétration s’observe dans d’autres domaines que le judiciaire : qu’en est-il des personnels de l’agriculture, de l’éducation, de la santé ou de la Force publique ? Et le cas échéant, selon quelles modalités les échanges et les circulations se déclinent-ils et avec quels avantages ou inconvénients pour les personnes concernées comme pour l’image des administrations.
72L’exigence est la même pour la métropole, où l’histoire des corps socioprofessionnels qui incarnent la gouvernance au quotidien — fonctionnaires et politiques — reste parcellaire, retardant une réelle histoire croisée de la gouvernementalité en régime colonial104.
73Autant d’esquisses de problématiques qui appellent aujourd’hui à une « compénétration » de la recherche, entre historiens du colonial et historiens « métropolitains ».
Notes
1 F. Renucci (éd.), Les chantiers de l’histoire du droit colonial, Clio@Themis, n°4, 2011 ; X. Rousseaux « Vers une histoire post-postcoloniale de la justice et du droit en situation coloniale ? », dans B. Piret e.a. (éds.), Droit et justice en Afrique coloniale. Traditions, productions et réformes, Bruxelles, Université Saint-Louis, 2013, p. 9-26.
2 L. Benton, Law and Colonial Cultures. Legal Regimes in World History, 1400–1900, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 ; D. Kirkby et C. Coleborne (éds.) Law, History, Colonialism. The Reach of Empire, Manchester, 2001.
3 D. Gorman, Imperial Citizenship: Empire and the Question of Belonging, Manchester, 2006 ; L. Nuzzo,« A Dark Side of the Western Legal Modernity: The Colonial Law and Its Subject », dans Zeitschrift für Neuere Rechtsgeschichte, 33, 2011, p. 205-222 ; S. Joireman, « Inherited Legal Systems and Effective Rule of Law. Africa and the Colonial Legacy », dans Journal of Modern African Studies, 39, 2001, p. 571-596.
4 N. Rouland, « Les colonisations juridiques », dans Journal of Legal Pluralism, 29, 1990, p. 39-136. R. Voigt et P. Sack (éds.), Kolonialisierung des Rechts. Regarding the colonial legal and administrative system, Baden-Baden, 2008.
5 C. Young, The African Colonial State in Comparative Perspective, Yale, 1994 ; J. Leonhard et U. von Hirschhausen (éds.), Comparing Empires. Encounters and Transfers in the Long Nineteenth Century, Göttingen, 2011.
6 Pour l’Empire britannique : C. Abhinav, An Independent Colonial Judiciary: A History of the Bombay High Court during the British Raj, 1862-1947, Oxford, OUP, 2015 ; E. Feingold, Colonial Justice and Decolonization in the High Court of Tanzania, 1920-1971, Cambridge Imperial and Post-Colonial Studies Series, Palgrave Macmillan, Cham, 2018 ; J. McLaren, Dewigged, Bothered, and Bewildered: British Colonial Judges on Trial, 1800-1900, University of Toronto Press, 2011; S. Dorsett et I. Hunter, Law and Politics in British Colonial Thought: Transpositions of Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010 ; S. Dorsett et J. McLaren (éds.), Legal Histories of the British Empire: Laws, Engagements and Legacies, Routledge, 2014. Pour l’Empire français : E. Wenzel et E. de Mari (éds.), Adapter le droit et rendre la justice aux colonies. Thémis outre-mer (XVIe-XIXe siècle), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015. Pour l’Empire portugais : C. Nogueira Da Silva, Constitucionalismo e Império. A cidadania no Ultramar português, Coimbra, Almedina, 2009.
7 M. Grohmann, Exotische Verfassung. Die Kompetenzen des Reichstags für die deutschen Kolonien in Gesetzgebung und Staatsrechtswissenschaft des Kaiserreichs (1884–1914), Tübingen, 2001 ; L. Martone, « Il Consiglio di Stato e l'Africa italiana : la VI Sezione dal febbraio 1939 al maggio 1948 », dans Il Consiglio di Stato: 180 anni di storia, Bologna, 2011, p. 269-289.
8 Voir par exemple les thèses de B. Brunet-Laruche, « Crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au Dahomey de 1894 à 1945, Toulouse, 2013 (Université de Toulouse 2, Thèse de doctorat en histoire contemporaine, inédite) ou de B. Piret, La justice coloniale en procès. Organisation et pratique judiciaire, le tribunal de district de Stanleyville (1935-1955), Bruxelles, 2016 (Université Saint-Louis - Bruxelles, Thèse de doctorat en histoire, inédite).
9 C. Giorgi, « Magistrati d’Oltremare », dans Studi storici, 4/2010, p. 855-900 ; P. Saraceno, « La magistratura coloniale italiana 1886-1942 », dans Magistrats au temps des colonies, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 1988, p. 147-162.
10 B. Durand et M. Fabre (éds.), Les juges et l’Outre-mer : les roches bleues de l’Empire colonial, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2004 ; J.-C. Farcy, « Quelques données statistiques sur la magistrature coloniale française (1837-1987) », Clio@Thémis, n°4, 2011, p. 1-29 ; S. Gérard-Loiseau, « Le portrait du magistrat français au travers des archives », dans N. Auzary-Schmaltz (éd.), La justice française et le droit pendant le protectorat en Tunisie, Paris, Maisonneuve et Larose, 2007, p. 139-152. Voir le site https://www.histoiredroitcolonies.fr/OrgJudicParcours, présentant un portrait de groupe fondé sur les carrières individuelles de 54 magistrats de carrière français.
11 Farcy, Quelques données…, p. 29.
12 Sur Antoine Sohier (°7 juin 1885 - †22 novembre 1963) qui fut procureur général à la Cour d’appel d’Élisabethville de 1925 à 1934 et premier président de la Cour de cassation en 1960, voir la contribution de Romain Landmeters dans le présent volume ainsi que E. Lamy, « Sohier (Antoine Joseph) », dans Biographie belge d'Outre-Mer, VIII, Bruxelles, Académie Royale des Sciences d'Outre-mer, 1998, col. 392-406 ; L. Montel e.a., « Magistrates of Congo (1885-1960) : Prosopography and Biography as Combined Tools for the Study of the Colonial Judicial Body », dans A. Hondeghem, X. Rousseaux et F. Schoenaers (éds.), Modernisation of the Criminal Justice Chain and the Judicial System. New Insights on Trust, Cooperation and Human Capital, Springer, p. 211-232. Une version française et révisée de l’article a été publiée dans les C@hiers du CRHIDI : E. Ngongo e.a., « Prosopographie et biographie : regards croisés sur la magistrature coloniale belge », C@hiers du CRHIDI [En ligne], vol. 40 - 2017, URL : https://popups.uliege.be:443/1370-2262/index.php?id=356.
13 Cette recherche est menée dans le cadre du PDR FNRS Belgafrican Magistrates Social Networks (1885-1962). En combinant l’étude des archives de l’administration coloniale, l’analyse des dossiers de magistrats, les publications officielles et le recours à des archives privées, l’article conforte l’hypothèse de rapprochement des deux magistratures suggérée lors du dépôt du projet. Le rapport complet fera l’objet d’une publication plus ample.
14 Ces dossiers ont commencé à être déplacés du Service Public Fédéral Affaires étrangères vers les Archives générales du Royaume – dépôt Cuvelier à la fin de l’année 2016.
15 La question de la formation des magistrats coloniaux ne sera pas abordée dans le cadre de cet article, faute de place. Pour en savoir plus à ce sujet, voir A. Dumont, « Une formation professionnelle pour les magistrats du Congo belge ? Entre théorie et pratique du droit colonial (1908-1960) », Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, n°37 (à paraître). Il n’est pas non plus possible d’approfondir ici le rôle particulier joué par Gérard Galopin, professeur et recteur de l’université de Liège, dans le recrutement des magistrats sous l’EIC.
16 L. Montel, « Le contrôle des magistrats dans le Congo léopoldien, d’après les registres du Service du personnel d’Afrique (SPA) (1885-1908) », dans B. Piret e.a. (éds.), Droit et Justice en Afrique coloniale. Traditions, productions et réformes, Bruxelles, Université Saint-Louis, 2013, p. 52.
17 La base de données est accessible en ligne à l’adresse : http://www.digithemis.be/index.php/en/applications/magistrats/acces
18 Nous n’avons pas englobé dans l’analyse les membres du Conseil d’État, juridiction administrative instituée par la loi du 23 décembre 1946. La magistrature coloniale y fut représentée par Jean Devaux, conseiller et Jean-Baptiste Vindevoghel, auditeur (voir Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, 1ère a., 15 mai 1951, n°11, p. 140). Sur l’instauration du Conseil d’État en Belgique, voir F. Muller, « Henri Velge, l’artisan du Conseil d’État belge », dans Revue belge d’histoire contemporaine, n°1-2, 2007, p. 143-174.
19 En Métropole, durant la même période, environ 1450 personnes sont nommées magistrats dans les tribunaux de première instance, les cours d’appel ou à la Cour de cassation. Nous ne possédons pas les chiffres pour les justices de paix. Pour davantage d’indications chiffrées sur le personnel judiciaire et administratif de la colonie, voir : L. De Clerck, « L’administration coloniale belge sur le terrain au Congo (1908-1960) et au Ruanda-Urundi (1925-1962), dans Annuaire d’Histoire administrative européenne, 2006, n°18, p. 187-210 et L.H. Gann et P. Duignan, The rulers of Belgian Africa, 1884-1914, Princeton, Princeton University Press, 1979.
20 E. Ngongo e.a., « Prosopographie et biographie… ».
21 Pour la métropole, les « Archives du Ministère de la Justice » ne sont conservées que pour la période de l’Entre-deux-guerres, tandis que les dossiers des magistrats du Congo issus du « Fonds Métropole » ne se rapportent qu’aux magistrats arrivés en Afrique avant le second conflit mondial.
22 Seuls deux d’entre eux, Maurice De Wée et Eugène Vroonen, réintégrèrent la magistrature belge. Sur les magistrats des tribunaux mixtes d’Égypte, voir N. Janne d’Othée, Firmin van den Bosch en Égypte (1910-1929), Louvain-la-Neuve, 2004 (UCL, mémoire de licence en histoire inédit).
23 « Rapport au Roi-souverain », Bulletin officiel de l’État indépendant du Congo, 1904, p. 132.
24 Malheureusement, ces dispositions auraient été prises par la voie d’arrêté ministériel et de circulaire qui n’ont pas été publiés. Elles nous sont connues par l’intermédiaire de la presse et des archives.
25 La prise en charge du traitement est confirmée par le ministre de la Justice, le 14 février 1905, en réponse à une question parlementaire posée par le député bruxellois socialiste Louis Bertrand la semaine précédente (voir Le Peuple du 11 février 1905 et Ann. parl., Ch., session 1904-1905, séance du 14 février 1905, p. 689). La question ne s’est posée que pour le siège ; nous ignorons si des modalités avaient été prévues pour remplacer un magistrat du parquet.
26 AGR-2, AA, Métropole, OJ 174, Lettre de l’inspecteur d’État au gouverneur général, le 25 juillet 1905 : « Le gouvernement lui avait formellement promis, disait-il, qu’il trouverait à Léopoldville une maison toute prête, confortablement meublée […] il n’était pas satisfait de la façon dont on le traitait. […] Il me demanda ensuite quel serait de mobilier que je lui fournirais ; je lui indiquai ce qui est mis à la disposition de tous les magistrats de Léopoldville, c’est-à-dire : un lit, la table de nuit, armoires, tables et chaises. Il se récria en disant que cela était absolument insuffisant et que dans ces conditions, il examinerait s’il pourrait rester ici. Je lui demandai quels étaient les objets mobiliers qu’il réclamait, en plus de ce que je lui avais indiqués. Il me répondit qu’il lui fallait au minimum : une grande garde-robe, un bureau-ministre avec fauteuil de bureau, un fauteuil de repos, une armoire bibliothèque, deux lampes à pétrole. Je vous transmets, Monsieur gouverneur général, cette demande à laquelle il est impossible de faire droit, ne possédant pas ces objets ».
27 « Il faut chercher la réelle cause de son abattement et de sa soi-disant maladie dans son impérieux désir de rentrer en Europe d’où, d’après les renseignements qui m’ont été fournis officieusement sa femme lui écrirait d’ailleurs des lettres l’engageant vivement à revenir. […] Son esprit est faible, sa force de caractère à peu près nulle et il a une très grande dose de naïveté, ce qui dans beaucoup de circonstances nuit énormément à la grande considération dont la magistrature doit être entourée » (AGR-2, AA, Métropole, OJ 174, Note confidentielle du gouverneur général au secrétaire d’État, Boma, le 14 septembre 1905).
28 Des comptes-rendus détaillés de l’évènement et des festivités qui l’entourèrent peuvent être trouvés dans la presse. La question de la compénétration ne retint guère l’attention des journalistes. Sur l’importance des congrès internationaux et la présence des délégués belges, voir également le projet TIC-Collaborative, piloté par l’Université de Gand, qui recense de très nombreux congrès internationaux sur la période 1840-1940 (http://www.tic.ugent.be/). Th. Dhaeninckx, Sociale hervormers op zoek naar een moreel reveil. Een sociaal-historische en transnationale studie naar de aanwezigheid van Belgen op internationale hervormingscongressen, 1850-1914, Gand, 2018, (Université de Gand, Thèse de doctorat en histoire, inédite).
29 A. Soenens, « La Magistrature coloniale », dans Congrès international d’expansion économique mondiale, Mons, 1905. Section V – Expansion civilisatrice vers les pays neufs, Bruxelles, Lesigne, 16 p.
30 « Rapport au Roi-Souverain », Bulletin officiel de l’État indépendant du Congo, 1905, p. 109-110. Sur le rapport Casement, voir entre autres : D. Van Groeneweghe (éd.), « Le rapport Casement : rapport de R. Casement, consul britannique, sur son voyage dans le Haut-Congo (1903) », dans Centre d’Histoire de l’Afrique, Université catholique de Louvain, no 6, 1985 (Enquêtes et documents d’histoire africaine).
31 Le Souverain revient dans celle-ci sur son œuvre coloniale et précise ses volontés quant à l’annexion du Congo par la Belgique. « Lettre du Roi-souverain aux secrétaires généraux », Bulletin officiel de l’État indépendant du Congo, 1906, p. 291.
32 A. Sohier, « La Cour de cassation et la magistrature coloniale », dans Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, 5e a., n°48, 15 juin 1954.
33 Loi du 15 avril 1924 étendant au Congo belge la juridiction de la Cour de cassation et modifiant l’article 29 de la loi sur le gouvernement du Congo belge, Moniteur belge, 26 avril 1924. Entrée en vigueur le 1er aout 1924 (Arrêté royal du 24 mai 1924). La loi du 10 avril 1936 relative au recours en cassation contre les arrêts des Cours d’appel du Congo belge en matière d’impôt personnel et d’impôt sur le revenu (Moniteur belge, 6-7 juillet 1936) étend le recours en cassation à ces matières. L’examen des prises à partie n’est transféré qu’en 1930 (aux cours d’appel du Congo) ; voir Décret du 24 décembre 1930, Bulletin officiel du Congo Belge, 1931. Ce même décret supprime le Conseil supérieur.
34 Fernand Waleffe (°13 avril 1870 - †24 mai 1954) part au Congo en 1896. De 1900 à 1906, il occupe les fonctions de procureur d’État au Tribunal d’appel de Boma. Il rentre en Belgique où, en 1907, il est nommé juge à Liège, puis conseiller d’appel au lendemain de la Première Guerre mondiale. Voir à son sujet : F. Van der Linden, « Waleffe (Fernand Benjamin Justin) », dans Biographie Belge d'Outre-mer, VI, Bruxelles, Institut Royal Colonial Belge, 1968, col.1099-1101.
35 Les deux dernières nominations avaient lieu le 14 juillet 1924, à deux places « réservées » au ressort de Bruxelles. Il est en effet de tradition constante à la Cour de cassation que le nouvel arrivant provienne du même ressort de cour d’appel que la personne qu’il remplace. Voir F. Muller, La Cour de cassation belge à l’aune des rapports entre pouvoirs : de sa naissance dans le modèle classique de la séparation des pouvoirs à l’aube d’une extension de la fonction juridictionnelle (1832-1914/1936), Bruges, La Charte, 2011.
36 Palais de Justice de Bruxelles, Archives du parquet de la Cour de Cassation, Dossier personnel de F. Waleffe, Discours du premier président de la Cour de cassation du 10 juin 1954.
37 « Au Cercle Royal Africain », dans Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, 1ère a., 15 mai 1951, n°11, p. 140. Complété par : « La Cour de cassation et la Colonie », dans Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, 2e a., 15 juin 1951, n°12, p. 152.
38 « [avoir] pendant au moins dix ans suivi le barreau ou exercé des fonctions judiciaires en Belgique, au Congo belge ou dans le territoire du Ruanda-Urundi, ou exercé des fonctions au Conseil d’État ou enseigné le droit dans une université belge ». Loi du 25 février 1954 relative à l’organisation de la Cour de cassation, Moniteur belge, 5 mars 1954. Ainsi qu’on peut le lire, cette loi innovait également en ce qu’elle permettait aux membres du Conseil d’État d’intégrer la Cour de cassation.
39 Voir « Chronique », dans Revue juridique du Congo belge, 35e a., 1959, n°3, p. 163. ; Le Soir, 11 mars 1959 ; E. Krings, « Le pouvoir judiciaire et la procédure de faillite. Discours prononcé par M. le procureur général à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 1er septembre 1986 », dans Journal des Tribunaux, 13 septembre 1986, n°5388, p. 476-477.
40 « Note [vraisemblablement du procureur général près la Cour de cassation], c. novembre 1958 », AGR, Ministère de la Justice. Secrétariat. Service du personnel de la magistrature. Dossiers des magistrats (dorénavant MJ, Dossiers des magistrats), Dossier 1324. Souligné dans le texte.
41 AGR-2, AA, Métropole, OJ 87, Lettre de Herman Weber au ministre des Colonies, Louis Franck, le 2 juillet 1919.
42 Loi du 31 juillet 1920 portant augmentation des membres de l’ordre judiciaire, Moniteur belge, 13 août 1920, article 2§2 : « Les services effectifs rendus en vertu d’une nomination en qualité de magistrat de l’EIC ou dans la Colonie, entrent en ligne de compte pour le calcul des augmentations périodiques ».
43 La question est posée dans le dossier Yvan Grenade, sans qu’une réponse y soit donnée (voir AGR-2, AA, Métropole, OJ 88, Lettre du secrétaire général au Ministre des Colonies, Bruxelles, le 25 avril 1921).
44 Au contraire des magistrats en métropole, la carrière des magistrats du Congo n’est en effet pas définitive. Si la carrière est tout d’abord limitée à 10 ans renouvelables en 1912, elle sera portée à 18 ans renouvelables en 1924, à 23 en 1935 et à 27 années de services effectifs (renouvelables) ou jusqu’à l’expiration de la 60e année des magistrats en 1952. La loi prévoit toutefois qu’en « aucun cas, la carrière des magistrats ne pourra se prolonger au-delà de leur 65e année d’âge ». Loi modifiant la loi du 18 octobre 1908 sur le Gouvernement du Congo Belge en ce qui concerne la carrière des magistrats, Bulletin officiel du Congo belge, 1951, p. 1210.
45 Notamment avec la création de trois revues juridiques : la Revue de droit et de la jurisprudence du Katanga (1924-1927) qui devient, en février 1927 et jusqu’à l’indépendance, la Revue juridique du Congo belge ; le Bulletin des juridictions indigènes et du droit coutumier congolais et le Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, déclinaison « coloniale » du célèbre périodique juridique.
46 A. Sohier, « L’organisation de la magistrature congolaise », dans Revue de droit et de la jurisprudence du Katanga, décembre 1925, 2e année, n°2, p. 43-49.
47 A. Sohier, « L’organisation de la magistrature congolaise », dans Revue de droit et de la jurisprudence du Katanga, janvier 1926, p. 66-67.
48 Ann. parl., Ch., session 1925-1926, séance du 8 juillet 1926, p. 2142.
49 J. Schramme, « L’aide coloniale de la magistrature et du barreau belges ». Dont l’essentiel est reproduit dans : Revue de droit et de la jurisprudence du Katanga, janvier 1927, 3e année, n°3, p. 66-71.
50 La Section coloniale est inaugurée en 1905. Elle ne survit pas à la Première Guerre mondiale. Rétablie le 17 décembre 1923 par E. de San, elle édite un bulletin qui est publié mensuellement en supplément au Journal des Tribunaux. Sur cette section, se reporter à la contribution de Jérôme De Brouwer et de Maxime Jottrand ainsi qu’à celle de Sébastiaan Vandenbogaerde dans le présent numéro.
51 A. Sohier, Les rapports entre les magistratures coloniale et métropolitaine. Discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de la section de droit colonial et maritime de la conférence du Jeune Barreau de Bruxelles le 16 octobre 1926, Bruxelles, Remy, 1926, p. 7-24.
52 Cette première nomination serait faite par le ministre des Colonies mais avec un droit de véto du ministre de la Justice qui contresigne l’arrêté de nomination.
53 A. Sohier, Les rapports entre les magistratures coloniale et métropolitaine…, op. cit., p. 19.
54 Et uniquement dans ces cas-là. En effet, il fallait éviter que des personnes prétextent recourir à la voie coloniale pour s’assurer une place en métropole, en ne réalisant qu’un seul terme en Afrique.
55 A. Sohier, Les rapports entre les magistratures coloniale et métropolitaine…, op. cit., p. 19.
56 Par ailleurs, Sohier traite du parquet dans les tribunaux de première instance mais ne dit rien du parquet d’appel.
57 J. Muyle, « Croquis d’une grande conférence », dans Revue de droit et de la jurisprudence du Katanga, décembre 1926, 3e année, n°2, p. 47-48.
58 La presse (Nation Belge, 16 décembre 1926 et Indépendance Belge, 17 décembre 1926) mentionne déjà la mise sur pied de la commission mi-décembre 1926. Selon la Nation Belge, le président est Jean Servais, procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles. Membres : Antoine Ernst de Bunswyck (secrétaire général du Ministère de la Justice), Albert Gohr (secrétaire général du Ministère des Colonies), Fernand Waleffe (conseiller à la Cour d’appel de Liège et membre du conseil colonial), Herbert Speyer (ancien sénateur, ancien membre du conseil colonial, professeur à l’ULB), Léon Cornil (procureur du Roi à Bruxelles), Fl. Lambin (inspecteur général, chef du service de la justice et des affaires indigènes du Ministère des Colonies), Paul Charles (conseiller juridique au Ministère des Colonies, substitut du procureur général honoraire), J. Van Damme (avocat, président de la Section coloniale de la conférence du Jeune Barreau de Bruxelles).
59 Nous n’avons malheureusement pas pu retrouver le texte de cet avant-projet ; il ne nous est connu que par la presse et les travaux ultérieurs.
60 P. Leclercq, « Propos constitutionnels. Discours prononcé par M. Paul Leclercq, procureur général, à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation le 15 septembre 1928 », dans Belgique Judiciaire, 1929, n°6, col. 161-192.
61 Si l’on regarde l’histoire de la magistrature belge, de tels cas sont extrêmement rares et s’expliquaient par des considérations partisanes.
62 La Libre Belgique, 21 décembre 1928. Près de deux ans plus tard, la presse relève que cette commission spéciale n’a toujours pas déposé ses conclusions (La Libre Belgique, 16 mai 1930).
63 AGR-2, AA, Métropole, OJ 207, Avis et considérations du président de la Cour d’appel de Léopoldville [Jungers] au sujet de la candidature de Monsieur le conseiller suppléant Luyssen à une place de juge au Tribunal de première instance de Mons, le 12 mars 1931.
64 Doc. parl., session 1931–1932, séance du 10 mai 1932, n°93.
65 À noter que la presse considère, à tort, que la législation est adoptée (L’Avenir du Luxembourg, 30 juin 1934).
66 Doc. parl., Ch., session 1937-1938, s.d., n°76.
67 On peut lire dans le Le Soir du 11 février 1967 que « 96 magistrats précédemment affectés au Congo ont été délégués aux parquets ordinaires de la métropole ».
68 Loi du 10 août 1921 modifiant les articles 17 et 33 de la loi sur le gouvernement du Congo belge, Moniteur belge, 1er octobre 1921.
69 Doc. parl., Ch., session 1920-1921, séance du 13 mai 1921, n°275.
70 Doc. parl., Ch., session 1920-1921, séance du 7 juillet 1921, n°452.
71 Ann. parl., Ch., session 1920-1921, séance du 19 juillet 1921, p. 2232.
72 Ann. parl., S., session 1920-1921, séance du 29 juillet 1921, p. 976.
73 « En théorie, il est donc proclamé que les magistrats belges qui acceptent de servir le pays là-bas ne perdent pas leurs titres à l’ancienneté et à l’avancement dans les cadres judiciaires de la métropole dont ils continuent à faire partie. Pratiquement, qu’advient-il de ces dispositions ? J’ai signalé à l’honorable ministre le cas d’un substitut du parquet général de Gand [Deheem], auquel il a été fait appel pour occuper le poste de procureur général à Boma. Une place d’avocat général vient de s’ouvrir à Gand en son absence. Il ne s’agit donc même pas d’une de ces nominations subordonnées à la présentation par un corps politique et un corps judiciaire. Le gouvernement a pleine liberté dans son choix. Or, en dépit du droit reconnu à ce magistrat par la loi récente, un de ses collègues, moins ancien de plusieurs années que lui, mais demeuré au pays, lui a été préféré pour cet avancement. Un tel système n’est guère encourageant pour les magistrats qui seraient disposés à entrer dans la magistrature coloniale » (Ann. parl., Ch., session 1922-1923, séance du 16 mars 1923, p. 1078).
74 Loi du 18 mai 1929 portant modification à l’article 33 de la loi sur le Gouvernement du Congo belge relatif aux magistrats, fonctionnaires et militaires belges autorisés à accepter des fonctions publiques dans la Colonie et à l’article 1er de la loi du 12 mars 1923 relatif à la pension de ces agents , Moniteur belge, 12 juin 1929.
75 Voir exposé motif : Doc. parl., Ch., session 1928-1929, séance du 21 mars 1929, n°178.
76 Article 1er §2 : « Les magistrats belges autorisés à accepter un poste dans la magistrature de la Colonie conservent leur ancienneté et leurs droits à l’avancement dans la magistrature de la métropole ». Il est à noter que la loi contient également une disposition relative au calcul de la pension des magistrats.
77 Loi du 27 juillet 1938 relative à l’organisation judiciaire, Moniteur belge, 1er-2 aout 1938, article 2 : « Le Roi peut nommer des magistrats de complément pour remplir les fonctions des magistrats belges autorisés à accepter un poste dans la magistrature de la Colonie, par application de l’article 33 de la loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo Belge ».
78 MJ, Dossiers des magistrats, Dossier 494 - René Dawant.
79 Entre le 21 novembre 1918 et le 31 décembre 1939, le poste de ministre des Colonies est occupé 74,3% du temps par des catholiques et 25,7% par des libéraux. À l’inverse, celui de la Justice l’est 66,7% du temps par des libéraux ; 21,2% par des socialistes et seulement 12,1% par des catholiques. Durant l’Entre-deux-guerres, les postes de ministre des Colonies et de la Justice sont occupés concomitamment par une personne de la même couleur politique du 16/12/1921 au 11/3/1924 et du 16/11/1926 au 27/12/1926 pour les libéraux. Pour les catholiques, ce recoupement s’observe du 13/5/1925 au 15/11/1926, du 14/4/1937 au 19/4/1937 et du 24/11/1937 au 15/4/1939.
80 Cette hypothèse est confirmée par Antoine Sohier : « un Tribunal ne pourrait rester des années privé de président, et sans sa démission il n’était pas possible de lui donner un successeur » (A. Sohier, Les rapports entre les magistratures coloniale et métropolitaine…, op. cit., p. 17).
81 Par colonie, nous entendons le Congo Belge, mais également après 1923, les magistrats en poste au Ruanda-Urundi dans le cadre du mandat de la Société des Nations, administrativement rattachés à Léopoldville.
82 Nous traitons ici indistinctement de l’EIC et du Congo Belge, n’ayant pas observé de rupture entre les deux périodes.
83 AGR-2, AA, Métropole, OJ 533, Lettre de Lucien Depelchin au Ministre des Colonies, Bruxelles, le 21 août 1929.
84 16 magistrats sur 39 effectuent 1 terme ; 6/37, 2 termes ; 3/37, 3 termes ; 3/37, 4 termes ; 4/37, 5 termes ; 2/37, 6 termes ; 2/37, 7 termes ; 1/37, 9 termes ; 2/37, 10 termes.
85 Félix Sooghen, juge à Élisabethville, postule comme juge à Mons en 1919 ; Leynen, procureur du Roi à Stanleyville qui candidate en 1920 comme substitut du procureur du Roi à Liège ; Fernand Calewaert, substitut à Léopoldville, postule en 1922 comme juge à Mons ; Alfred Marzorati, ancien magistrat colonial, avocat au barreau de Bruxelles, postule comme juge à Verviers en 1922 ; Arthur de San, ancien magistrat colonial postule la justice de paix de Durbuy en 1922 ; Émile Gorlia, conseiller suppléant à la Cour d’appel de Léopoldville postule la justice de paix de Chièvres en 1925 ; Émile Dessy, procureur du Roi au Congo, qui postule comme juge à Mons ou à Charleroi en 1933 ; Roger Mathieu, juge d’Élisabethville comme juge à Charleroi en 1934 ; André Marquet, substitut du procureur du Roi à Stanleyville, comme juge à Arlon en 1936 ; Georges Mineur, juge suppléant au Tribunal d’appel du Ruanda-Urundi, qui candidate comme juge à Bruxelles en 1936 et à Nivelles en 1939 ; André Marquet, substitut à Stanleyville en congé, qui candidate comme substitut du procureur du Roi à Liège en 1937 ; Emiel Jonckheere « ancien magistrat au Congo » qui postule en 1938 une place de juge à Courtrai ; François Richir, substitut à Albertville qui postule en 1939 comme juge à Nivelles.
86 Il faut, à l’époque, avoir suivi le barreau pendant au minimum 2, 5 ou 10 ans selon la fonction à laquelle on postule. Le passage par le barreau n’était en effet pas obligatoire pour accéder à la magistrature coloniale.
87 « Retraité et marié, je songeai au Barreau. On m’y imposa le stage, malgré mon titre honorifique de conseiller de cour d’appel. Après deux ans de pauvreté discrète, j’obtins de Sa Majesté le Roi la nomination à Tournai qui m’a nourri jusqu’à ma retraite » (AGR, MJ, Dossiers des magistrats, Dossier 1490 – Joseph Jadot).
88 La question politique ne joue pas ici (AGR-2, AA, Métropole, OJ 47, Lettre de Fernand Waleffe au secrétaire général de l’EIC, le 13 novembre 1906).
89 AGR-2, AA, PJ, 21 (1), Honorariat.
90 « Trop souvent, j’ai perçu l’étonnement de collègues à ne pas me voir gratifié de l’honorariat. Trop souvent aussi, j’ai eu la conviction que quoi que je leur en dise, ils interprétaient ce manque de faveur comme la conséquence d’un accomplissement médiocre, aux yeux des autorités coloniales, de mes fonctions judiciaires » (AGR-2, AA, Métropole, OJ 229, Lettre de Jean de Muylder au ministre des Colonies, mars 1925).
91 Ainsi qu’en témoigne Ernest Dupont : « Je me permets encore de vous demander d’insister beaucoup auprès du ministre car le baron Wahis m’a écrit « que le ministre lui paraissait peu favorable à l’entrée des magistrats congolais dans la magistrature belge » » (AGR-2, AA, Métropole, OJ 29, Lettre de Ernest Dupont au secrétaire général de l’EIC, le 14 janvier 1908).
92 Dans le ressort de la Cour d’appel de Bruxelles, le nombre de places dans les tribunaux de première instance passe de 149 en 1900, à 200 en 1921 ; nombre qui reste stable jusqu’en 1938. De nouveaux postes sont donc créés à Mons, comme ailleurs. On ne peut donc voir dans l’augmentation du personnel une explication à la surreprésentation montoise. Le seul magistrat pour lequel nous ayons une explication à sa nomination à Mons est le substitut Maurice Vaes. En effet, l’ambiance de travail était tellement mauvaise au parquet montois qu’à peine nommés, les substituts demandaient leur mutation ; Vaes fera de même, ce qui explique qu’il partira assez vite pour une place de juge de paix à Wolvertem.
93 Cass. (1ère ch.), 20 avril 1950, Pas., 1950, I, p. 560-572. Arrêt rendu sur les conclusions conformes du ministère public.
94 À nouveau, le nombre exact n’est pas connu. Il faudrait à cet effet avoir dépouillé l’ensemble des fonds d’archives métropolitains et coloniaux.
95 Sous peine de révocation.
96 Après avoir passé rapidement en revue les dossiers de recrutement de la magistrature coloniale après 1945, nous avons relevé au moins 15 magistrats métropolitains (Juge de paix ou de première instance) ayant candidaté à une place au sein de la magistrature coloniale.
97 Les candidats à la magistrature coloniale de plus de 40 ans sont systématiquement écartés en raison de leur âge.
98 Aucune limite d’âge maximum n’existe pour les fonctions judiciaires métropolitaines.
99 AGR-2, AA, PJ, 45 a, Note pour le ministre des Colonies du directeur-chef de service, ff. de directeur général, le 28 septembre 1946.
100 Sur le plan qualitatif, Sohier est, pour reprendre la terminologie de l’époque, un magistrat « d’élite », à savoir un magistrat aux facultés intellectuelles supérieures. À cette époque toutefois la compétence ne fait pas tout, le magistrat doit également être doté d’un capital social important.
101 A. Sohier, « Un début de carrière judiciaire. Souvenirs et réflexions », dans Journal des Tribunaux d’Outre-Mer, 9e a., 15 octobre 1958, n°100, p. 146.
102 N. Hunt, A Nervous State. Violence, Remedies and Rêverie in Colonial Congo, Durham/Londres, Duke University Press, 2016.
103 Sans oublier d’autres acteurs de justice, agents territoriaux, défenseurs et avocats, interprètes, chefs coutumiers. Voir l’introduction et les différentes contributions de ce numéro.
104 M. Foucault, Sécurité, territoire, population, Paris, Éditions du Seuil, 2004 ; V. Dimier, Le gouvernement des colonies. Regards croises franco-britanniques, Bruxelles, Éditions de l’ULB, 2004 ; V. Dimier, État et gouvernementabilité en Afrique, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 2010.
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About: Françoise Muller
Françoise Muller est docteur en histoire contemporaine (UCL, 2010) après une thèse portant sur l’histoire de la Cour de cassation de Belgique. Elle a également une formation complémentaire en droit et en sciences politiques. De 2011 à 2014, elle a participé à l’enquête, demandée par le Sénat de Belgique, relative à l’assassinat en 1950 du président du parti communiste, Julien Lahaut. En tant que logisticienne de recherche FNRS au Centre d’histoire du droit et de la justice à l’UCL, elle a développé, à partir de 2015, une plate-forme d’informations historiques sur la justice (www.digithemis.be). Actuellement chargée de recherche FNRS, elle poursuit ses travaux sur l’histoire de la magistrature belge.
About: Amandine Dumont
Amandine Dumont est diplômée en histoire contemporaine et en sciences de gestion de l’Université catholique de Louvain. Dans le cadre du projet de recherche « Belgafrican Magistrates Social Networks » (2014-2018), elle s’est intéressée à l’histoire de la magistrature coloniale belge, et plus particulièrement à la formation et au parcours des magistrats coloniaux belges (1908-1945). La question de la répression des collaborations au sortir de la Seconde Guerre mondiale était, quant à elle, au cœur de ses précédentes recherches.
About: Xavier Rousseaux
Xavier Rousseaux est directeur de recherches au Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS), et professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Centre d’histoire du droit et de la justice. Spécialiste de l’histoire de la justice et du crime, il a publié ; Tweehonderd Jaar Justitie. Historische Encyclopedie van de Belgische Justitie. Deux siècles de justice belge. Encyclopédie historique de la justice belge, éd. M. De Koster, D. Heirbaut et X. Rousseaux, Bruges, La Charte-Die Keure, 2015 ; Modernisation of the Criminal Justice Chain and the Judicial System. New Insights on Trust, Cooperation and Human Capital, A. Hondeghem, X. Rousseaux et F. Schoenaers, Springer, 2016; Policing New Risks in Modern Europe History, éd. J. Campion et X. Rousseaux, Basingstoke, Palgrave-Mac Millan, 2016. Trépanier Jean, Rousseaux Xavier (eds.), Youth and Justice in Western States, 1815-1950. From Punishment to Welfare, Palgrave Macmillan, 2018 : Martyn Georges, Bousmar Eric, Paumen Vanessa, Huyghebaert Stephan, Rousseaux Xavier (ed.), The Art of Law, Artistic Representations and Iconography of Law & Justice in Context, from the Middle Ages to the First World War, Berlin, Springer, 2018.