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Mobilité et attractivité au sein de l’Eurégio : données d’enquête
Table of content
Introduction
1Dans le contexte scientifique, politique et social de l’intégration européenne et d’une manière plus générale d’ouverture sur le monde, l’Université de Liège, – plus particulièrement des chercheurs en sociologie et en politologie – , a pris l’initiative, dès 2001, de promouvoir des collaborations scientifiques transfrontalières et multidisciplinaires vers ses partenaires les plus immédiats, compte tenu de sa localisation géographique. L’entité Eurégio Meuse-Rhin est naturellement devenue à la fois le premier niveau de collaboration envisagé, et l’objet même d’étude proposé.
2Concrètement, cette intention de faire converger le principe de collaboration entre unités de recherche universitaire et le thème lui-même des pratiques transfrontalières de nos concitoyens avait pour horizon un colloque que l’Université de Liège a organisé, en février 2003, sur le thème des opinions, représentations et les pratiques qu’ont les habitants de régions frontalières vis-à-vis de leurs voisins.
3Toutefois, plutôt que d’adresser simplement un appel à contribution sur ce thème, les partenaires ont été associés à la conception et à l’exploitation d’une enquête constituant le socle par rapport auquel chacun a pu situer les recherches menées dans la tradition scientifique à laquelle il appartient. L’enquête, par ses thèmes et par son apport de données originales et d’actualité immédiate, devait constituer un fil rouge reliant des études de caractère historique, sociologique, politologique et anthropologique, exposées par ailleurs dans cet ouvrage par leurs auteurs respectifs.
4Sans avoir ici une quelconque prétention d’élaboration théorique, nous livrons dans les pages qui suivent quelques indications sur la perception et la connaissance de l’Eurégio par les citoyens qui en font partie, sur leurs pratiques effectives à l’aube du XXIe siècle, dans une perspective qui se veut essentiellement descriptive1. Ambition certes limitée, mais néanmoins utile à situer, au-delà de contours institutionnels parfois flous, comment l’Eurégio se décline effectivement dans l’esprit de la population. Nous découvrons en quelque sorte par cette enquête le résultat observable, aujourd’hui, des processus historiques, sociaux et identitaires développés dans les autres contributions.
Méthodologie et travail de terrain
5L’enquête dont nous présentons les résultats saillants a été menée en octobre 2002, par voie téléphonique, auprès d’un échantillon de la population de l’Eurégio Meuse-Rhin et du Grand-Duché du Luxembourg. L’objectif était d’interroger 150 personnes par entité, à savoir le Zuid Limburg (Pays-Bas), la Regio Aachen (Allemagne) et, en Belgique, la province de Liège (partie francophone), la Communauté germanophone et la province du Limbourg. Elle a, évidemment, été menée dans la langue de chacune des régions étudiées. C’est cette particularité linguistique, outre la connaissance préalable des spécificités historico-culturelles, qui a justifié la scission en deux échantillons distincts de la province de Liège, avec d’une part sa partie francophone et d’autre part la Communauté germanophone qui en fait formellement partie. L’échantillon luxembourgeois a été ajouté aux entités constituant l’Eurégio afin d’avoir, à titre de point de comparaison, une autre région frontalière
6A partir d’un tirage aléatoire dans chacune des régions, ce sont au total 921 personnes qui ont répondu à notre questionnaire portant sur les pratiques transfrontalières, la perception de soi et des autres, ainsi que sur les attitudes en matière de participation, citoyenneté et comportement politique, afin de pouvoir étudier la relation entre ces éléments. La précision théorique des résultats est d’environ +/- 3,5 %. Ceci s’applique pour les estimations d’ensemble de l’enquête, mais il nous paraît plus judicieux de présenter systématiquement, dans la suite, les résultats ventilés par région d’appartenance. La précision théorique dans chacun des échantillons pris séparément est de +/- 8 %.
Eléments de connaissance
Connaissance de l’Eurégio
7Avant d’envisager l’usage que font effectivement les répondants de l’espace eurégional, et sans entrer dans le contenu, il nous faut en premier lieu constater que moins de la moitié des personnes interrogées identifient «quelque chose» qui s’appelle Eurégio Meuse-Rhin. Cette moyenne est évidemment affectée par le score particulièrement bas des Luxembourgeois, il est vrai non directement concernés. En calculant le total sur ses seuls habitants, le taux de connaissance de l’Eurégio échoue toujours juste au-dessous des 50 %, à 49,2.
8On ne peut évidemment manquer de noter la grande disparité selon la région d’appartenance. Les Liégeois francophones se situent en effet plus près des Luxembourgeois, avec seulement 29 % de connaissance, que de leurs «colocataires» germanophones, qui sont au contraire, apparemment, les plus au fait de la réalité eurégionale. On peut noter avec curiosité une sorte de similitude linguistique, indépendamment du pays, dans les résultats : les germanophones ont les meilleurs scores, devant les néerlandophones, les francophones fermant la marche.
9Cette question est évidemment de portée très générale, et ne préjuge pas de la connaissance effective, en terme de contenu par exemple, que peuvent avoir les répondants de l’Eurégio. La difficulté à en cerner les contours ou la nature ne devait évidemment pas nous arrêter dans notre démarche d’enquête. Afin d’homogénéiser quelque peu les réponses dans la suite du questionnaire, sans pour autant écarter la participation de ceux qui ne connaissent pas l’Eurégio, les enquêteurs ont eu pour consigne, juste après cette question, de préciser (à toutes les personnes interrogées) les cinq entités composant l’Eurégio Meuse-Rhin. Cela a permis notamment de mesurer la familiarité avec des personnes originaires d’autres régions.
Connaissances interpersonnelles
10A la question portant sur la connaissance, dans l’entourage immédiat, de personnes originaires d’une autre région, c’est à nouveau autour de 50 % que se situe la démarcation entre «aucune» et «au moins une». L’intégration, de ce point de vue, est sensiblement meilleure pour les deux groupes de germanophones, alors qu’à l’opposé, Liégeois et néerlandophones, quel que soit le côté de la frontière, sont nettement moins intégrés dans leur réseau de connaissances. Ils sont en cela dépassés même par les Luxembourgeois, qui ne font pas partie de l’Eurégio, mais qui ont sans doute des contacts transfrontaliers plus fréquents, que ce soit vers la province de Liège ou vers l’Allemagne. Il peut notamment s’agir de la présence de travailleurs belges ou allemands, ou encore de contacts liés à l’occasion d’études réalisées hors du Luxembourg, de la même façon que les germanophones belges, s’ils veulent poursuivre des études supérieures, se rendent le plus souvent soit à Liège soit à Aix-la-Chapelle.
11La fréquence des mariages transfrontaliers, sujet d’étude intéressant dans une perspective historique car alimenté par des données longitudinales, ne pouvait être abordé ici que de façon indirecte, via le témoignage, afin d’obtenir des chiffres significatifs, même s’ils sont évidemment peu précis. Ici encore, ce sont les germanophones qui connaissent le plus souvent de tels «couples mixtes». L’hypothèse d’explication peut à nouveau être faite quant au rôle joué par les études menées en dehors de sa région. On remarquera que, par contre «l’endogamie» est plus marquée au Grand-Duché du Luxembourg, par contraste avec les résultats à la question précédente.
12Les résultats d’ensemble restent étonnamment élevés, puisque l’on flirte encore avec la moitié de réponses positives. Ici cependant, comme pour une autre question portant sur les origines familiales, on peut se poser la question de la délimitation précise de l’Eurégio dans l’esprit des répondants. Par exemple, les 15 % de répondants de la Regio Aachen qui déclarent être nés dans une autre région de l’Eurégio (et non dans une tierce région ou dans un autre pays) laissent planer le doute sur l’identification des limites, et la possibilité d’un découpage mental plus fin encore, tel que, par exemple, Düren et Aachen, toutes deux faisant partie de la Regio Aachen, ne soient perçues comme entités distinctes, de même que Maastricht et Heerlen, par exemple, dans le cas des personnes interrogées aux Pays-Bas. La précaution énoncée plus haut, pour contrer les effets du manque de connaissance, de citer les régions en début d’enquête peut n’avoir eu qu’un effet partiel. S’il faut prendre ces résultats au pied de la lettre, nous avons alors ici le signe d’une intégration de la population eurégionale assez prononcée.
13Le transfert de résidence vers une autre région est plus rare, d’après les données de notre enquête, que les mariages transfrontaliers, à en juger par les 62 % de réponses négatives que l’on lit dans le tableau ci-dessus. Le même schéma d’ensemble se confirme pourtant, avec des réponses sensiblement différentes de la part des deux entités germanophones comparées aux autres.
14L’actualité plus ou moins récente a pourtant donné des indications, en matière de régime fiscal ou de différentiels des marchés du logement, susceptibles de favoriser ce type de pratique. De ce point de vue, il n’est pas étonnant de noter le score le plus bas chez les Liégeois, dont les prix des logements sont, à l’heure actuelle, plus favorables que chez leurs voisins. Les opportunités de travail jouent évidemment aussi un rôle, que nous allons aborder dans le paragraphe suivant. Nous retiendrons de ces premiers éléments de données que, si l’entité Eurégio est connue en tant que telle par moins de la moitié des répondants, une certaine intrication des populations semble bien ancrée.
Maîtrise des langues
15Dans une zone comme l’Eurégio Meuse-Rhin, la présence de frontières administratives se double de frontières linguistiques, sans nécessairement que celles-ci se superposent à celles-là d’ailleurs. La maîtrise des langues est donc, en particulier ici, un facteur essentiel de communication entre régions, mais aussi un facteur d’identité. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés, au cours de cette enquête, aux compétences linguistiques des uns et des autres, en prenant en considération à la fois les langues eurégionales, l’anglais, bien sûr, mais encore les dialectes locaux. Il en ressort des disparités, certes, mais pas à proprement parler de quoi stigmatiser les uns ou les autres.
16Le tableau suivant indique, pour chaque langue et chaque région d’origine, le pourcentage total de ceux qui ont déclaré avoir une «connaissance moyenne» ou «un usage courant». Les références à la langue locale de chaque région sont évidemment omises.
17La première constatation, peu attendue, est la nette prééminence de l’allemand, non seulement par rapport au néerlandais, mais aussi sans appel par rapport au français : à l’exception de la Province de Liège francophone, où l’allemand n’est connu que par un peu plus de 10 % des répondants, plus de la moitié, voire au-delà des trois quarts des personnes interrogées déclarent une connaissance au moins moyenne de l’allemand. Si cela est très compréhensible pour ce qui concerne les Luxembourgeois, pour qui il s’agit d’une seconde (ou troisième) langue véhiculaire, c’est surtout le score obtenu chez les Limbourgeois néerlandais qui frappe. Mais on ne peut que constater le différentiel de connaissance, même chez les Limbourgeois de Belgique, entre français et allemand.
18Par contre, pour tordre le cou à une idée répandue selon laquelle les Wallons sont particulièrement peu compétents en langues, on constate que les habitants de la Regio Aachen ont plutôt moins de facilités, obtenant le score le plus bas de l’ensemble du tableau pour le français, que seuls 8 % maîtrisent, fût-ce moyennement. Les germanophones de Belgique, par contre, sans doute du fait de devoir étudier hors de leur région, ont des compétences nettement meilleures que les francophones, mais aussi que leurs cousins d’Allemagne.
19Même en ce qui concerne la connaissance de l’anglais, les Allemands ne dépassent les Liégeois que dans une proportion modérée (compte tenu de la précision de l’enquête). Ici encore, c’est le résultat des néerlandophones qui impressionne, en particulier ceux du Zuid Limburg.
20Dans l’ensemble toutefois, on ne peut pas conclure de ce tableau que la barrière des langues soit tout à fait levée au sein de l’Eurégio, puisqu’à l’exception de l’allemand pour les néerlandophones, ce ne sont jamais que des minorités qui sont en mesure de tenir une conversation dans une autre langue eurégionale que la leur.
21La question des dialectes mérite une attention à part. A l’opposé de l’anglais, langue commune possible pour se comprendre par delà les frontières, les dialectes marquent la singularité locale. Nos résultats montrent qu’ils ne sont ni morts, ni même moribonds, dans l’ensemble : plus de la moitié des répondants, toutes régions confondues, en ont une connaissance au moins moyenne. C’est, dans presque tous les cas, la langue la plus largement connue, devant l’anglais et les autres langues eurégionales. Toutefois, l’amalgame des catégories «connaissance moyenne» et «usage courant» cache, dans le cas d’espèce, des différences plus subtiles qui méritent d’être mises en lumière.
22On peut en effet considérer la proportion de personnes déclarant un usage courant comme un meilleur indicateur de l’utilisation effective, quotidienne, de ces dialectes. Les disparités apparaissent alors plus nettement : les néerlandophones, surtout aux Pays-Bas, en ont un plus grand usage, puisque deux personnes sur trois sont représentées dans le tableau ci-dessus. Il en va de même pour les Luxembourgeois, mais dans ce cas, c’est peut-être même l’appellation «dialecte local» qui est inadaptée, le «Letzeburger» ayant un statut national, contrairement aux dialectes visés dans les autres régions. Ce tableau permet aussi, à l’opposé, de mesurer la perte de popularité du wallon, chez les francophones, comparé aux différentes variantes de dialectes germaniques caractéristiques des régions néerlandophones et germanophones.
Pratiques transfrontalières
23La délimitation et la promotion d’un espace eurégional, par définition transfrontalier, est peut-être encore imparfaitement perçue par sa population, mais les pratiques de contacts, de déplacements et d’échanges ont préexisté à la désignation de cet espace sous un label institutionnel, et les occasions de passer les frontières sont nombreuses. Les différences culturelles et économiques sont à la fois obstacle et attrait, et les opportunités semblent l’emporter sur les obstacles. Pour preuve, le nombre de personnes, dans nos échantillons, qui ont déjà travaillé dans une autre région.
Activités professionnelles
24En effet, s’il s’agit toujours d’une minorité, le nombre de ceux qui ont ou ont eu une expérience professionnelle dans une autre région est loin d’être négligeable, allant d’un peu plus de 10 % chez les sud-limbourgeois à près de 40 % chez les germanophones belges. La formulation de la question ne permet cependant pas de déterminer avec certitude s’il s’agit de travail pour le compte d’un employeur d’une autre région, ou si certains ont inclus ici des «missions» à l’étranger pour le compte d’employeurs de leur région d’origine. Il n’y a pas non plus de référence temporelle précise, de telle sorte que les situations mentionnées peuvent remonter assez loin dans le temps. Mais en tout état de cause, il s’agit bien de contacts avec la réalité professionnelle d’une autre région. Une autre question, cette fois centrée sur les pratiques transfrontalières habituelles, apporte un complément d’information.
25La question ne prévoyait pas, ici non plus, de référence temporelle précise, mais le critère inclut ceux qui font des déplacements professionnels au moins «quelques fois par an». Les résultats sont cette fois plus modestes, tous les pourcentages s’écrivant à un seul chiffre. Il convient toutefois de garder en mémoire la distance importante entre certaines des régions concernées, et notamment la présence du Luxembourg, qui entre en ligne de compte pour tous les totaux, alors que ses habitants ne se déplacent en général qu’à raison de 2 à 3 % dans les régions citées, sauf en ce qui concerne la province de Liège qui recueille 5 % de visites professionnelles parmi les Luxembourgeois.
26Ces résultats agrégés tendent donc à gommer certaines «affinités» professionnelles qui n’apparaissent qu’à une lecture plus détaillée des résultats. Ainsi, le 9,5 % que recueille la Regio Aachen traduit mal la proportion importante de Belges germanophones qui y travaillent : 32,7 % y vont au moins quelques fois par an mais, plus significatif encore, pas moins de 14 % y travaillent tous les jours. L’asymétrie est néanmoins marquée, puisque moins de la moitié traversent la frontière en sens inverse : 15 % au total, 3 % tous les jours. Asymétrie aussi, mais moins marquée entre Zuid Limburg et Limbourg belge. 17,6 % des Néerlandais viennent quelquefois dans la province belge, mais une bonne proportion y travaillent tous les jours : pas moins de 9 %. Dans l’autre sens, 21,6 % travaillent quelquefois aux Pays Bas, mais seulement 5,7 % s’y rendent tous les jours pour raisons professionnelles. Les différentiels de taux d’emploi peuvent fournir des éléments d’explication, tout comme, sans doute, un héritage historique développé par ailleurs dans cet ouvrage.
27Les autres binômes recueillent moins de succès. Seuls les échanges au sein de la province de Liège, entre francophones et germanophones, dépassent encore les 10 %. 15 % des germanophones viennent au moins parfois en région francophone pour leur travail, contre
11 % qui font le trajet inverse. Les trajets quotidiens sont, dans ce cas, marginaux.
Visites à des amis ou parents
28Si ces échanges d’ordre professionnel sont importants, du point de vue du développement économique, ils sont par contre, du point de vue quantitatif, les moins nombreux par rapport aux déplacements de loisir ou pour des échanges sociaux (visite à des amis, parents, …).
29Les résultats relatifs aux visites à caractère privé, ou social, si l’on veut, sont peut-être une meilleure indication, comme tendance lourde, de l’intégration des populations transfrontalières : ils sont l’indice de migrations remontant éventuellement à une ou deux générations, de mariages mixtes ou sont la trace d’expériences de vie passées dans d’autres régions. Si, bien sûr, la distance physique compte, on remarquera pourtant dans ce tableau que le Luxembourg reste nettement en retrait, n’appartenant pas à l’Eurégio, qui se révèle une réalité significative en termes d’échanges de population, plus peut-être qu’en tant qu’entité institutionnelle.
30Les autres données de ce tableau se prêtent moins à des interprétations comparatives, dans la mesure où la taille de la population composant chacune des entités joue un rôle important quant à la probabilité d’y avoir des connaissances ou amis. Par contre, les connexions transfrontalières sont évidemment différentes selon les binômes. Elles sont notamment sensibles au facteur linguistique. C’est ainsi que pas moins de 45 % des germanophones de Belgique rendent visite à des connaissances en Allemagne, la plupart de façon régulière. Le contraire est moins massif, puisqu’ils ne sont que 16,6 %, dans la Regio Aachen, à venir en visite de courtoisie dans la communauté germanophone. Même phénomène entre les deux Limbourg, mais en sens inverse : ce sont 45 % des Néerlandais qui rendent visite dans le Limbourg belge, pour 23 % qui se rendent aux Pays-Bas. Digne d’être remarqué : les Limbourgeois des Pays-Bas reçoivent quasi autant de visites depuis la Regio Aachen, avec
20 %. La langue ne fait pas non plus obstacle aux 31 % de germanophones qui ont des connaissances en province de Liège, ni aux 18 % de Limbourgeois (belges) dans le même cas. Les Liégeois apparaissent comme ceux, au sein de l’Eurégio, qui ont le moins de personnes à qui rendre visite dans d’autres régions.
31Si les pratiques transfrontalières à but professionnel ou social sont des indices d’intrication des populations, ce sont, à l’heure actuelle, les déplacements pour loisirs et achats qui dominent nettement le tableau en termes quantitatifs. Il s’agit évidemment d’occasions de contact plus superficielles, sans doute, dans la plupart des cas, mais elles ne dénotent pas moins une curiosité ou un attrait pour «l’autre», là-bas, de l’autre côté de la frontière.
Déplacements pour loisirs et achats
32Evidemment des facteurs «d’opportunité» ne sont peut être pas étrangers aux résultats de ce tableau, par exemple l’attrait… fiscal. On remarque en effet que, contrairement aux déplacements professionnels ou sociaux vus précédemment, lorsque l’on évoque les achats transfrontaliers, le Luxembourg n’apparaît soudain plus comme une région en dehors de l’espace eurégional : il recueille plus de visites que la communauté germanophone et, à bien y regarder, n’est pas si loin des résultats de la province de Liège. La relative désaffection de la communauté germanophone, par rapport aux autres régions se situant autour des 50 %, s’explique probablement, comme nous le verrons plus loin, par l’absence de grande ville.
33Ainsi, les asymétries sont à nouveau frappantes. 92 % des germanophones vont au moins quelques fois par an dans la région d’Aachen pour achats ou loisirs, alors que les Aachenois ne vont dans les cantons de l’Est qu’à raison de 52 %. De même, les germanophones de Belgique sont 75 % à faire des achats en province de Liège, contre
45 % des Liégeois qui se rendent en communauté germanophone. Déséquilibre aussi, mais moins marqué, entre les deux Limbourg : 93 % des Néerlandais viennent parfois en Limbourg belge, alors que 70 % des habitants de celui-ci se rendent au Sud Limbourg.
34A l’autre extrémité, en termes quantitatifs, les Luxembourgeois, sans surprise, se déplacent le moins vers les autres régions (de 16 % vers la Regio Aachen à 33 % vers la province de Liège). Les Liégeois sont plus rares en Allemagne (21 %) : leur préférence va plutôt pour le Luxembourg (55 %).
35Les asymétries relevées ci-dessus apparaissent de manière plus complète dans le tableau suivant.
36En effet, si l’on tient compte également de la fréquence des déplacements, ce qui prend ici du sens vu les chiffres plus significatifs en valeur absolue, on retrouve la communauté germanophone comme attirant le moins les acheteurs et les touristes, alors que c’est elle-même qui fournit le score absolu le plus élevé de déplacements vers d’autres régions, avec un pic important (la valeur la plus élevée de l’ensemble du tableau) vers la Regio Aachen. Ce sont par contre les Liégeois, outre bien sûr les Luxembourgeois, qui se déplacent le moins souvent vers d’autres zones commerciales ou touristiques.
37Dans le domaine commercial et touristique qui nous occupe ici, il convient de se rappeler que l’enquête a été réalisée fin 2002, c'est-à-dire moins d’un an après l’introduction de la monnaie unique européenne. L’occasion était donc excellente d’en mesurer, fût-ce à travers la subjectivité de l’enquête, l’impact sur les déplacements transfrontaliers.
38Comme on le remarque au premier coup d’œil, l’impact de l’euro a été marginal : une belle unanimité se dégage, d’une région à l’autre, pour situer autour de 90 % l’absence d’impact. Pour la plupart de ceux qui déclarent avoir modifié leur comportement, il s’agit d’une évolution mineure. Il est aussi intéressant de noter, en complément d’information, que la moyenne des déplacements pour visites à des connaissances est stable dans les trois catégories de réponse : ceux qui déclarent se déplacer «beaucoup plus» ne rendent pas plus visite à des connaissances que ceux qui n’ont rien changé à leurs habitudes. Par contre, c’est chez ceux dont le niveau global de déplacements pour achats est le plus élevé que l’euro a eu l’impact le plus fort. On peut donc émettre l’hypothèse que l’euro a favorisé les déplacements de ceux qui allaient déjà souvent faire des achats au-delà des frontières.
39Avant de nous pencher sur l’attractivité spécifique des villes de l’Eurégio Meuse-Rhin, nous pouvons ici faire un bref retour sur le premier aspect présenté au début de cet article, en faisant le lien entre pratique transfrontalière et connaissance de l’entité Eurégio. Pas de surprise, mais plutôt une confirmation : ceux qui se déplacent le plus vers d’autres régions ont plus de chances de connaître l’entité eurégionale. Ceci se vérifie de façon significative, mais modérée pour ce qui concerne les déplacements pour visite, et de façon plus marquée encore pour les déplacements pour achats et tourisme. La mémoire fixe le mieux ce qui sert le plus souvent.
Attractivité des villes
40L’importance, relevée précédemment, des déplacements pour achats et loisirs justifie pleinement, a posteriori, d’avoir complété le relevé des déplacements transfrontaliers par des questions spécifiques sur la fréquentation des villes au sein de l’Eurégio, celles-ci constituant une part majeure de l’attrait dans le domaine commercial.
41Avant d’examiner la fréquentation des quatre grandes villes (Luxembourg compris) selon l’origine régionale, nous allons d’abord nous intéresser à la «concentration» de fréquentation de la part des habitants de chaque région. Pour cela, nous disposons des résultats aux questions «quelle est la ville ou vous vous rendez le plus souvent ?» pour les loisirs, d’une part, pour les achats de l’autre. Ces deux types d’activités, précédemment amalgamés, sont donc ici traités séparément.
42Pour situer plus immédiatement les différences internes à l’Eurégio, nous présentons d’abord les réponses des Luxembourgeois, qui peuvent nous servir de point de départ. Luxembourg-ville l’emporte ici de façon écrasante pour les déplacements de loisir, incluant notamment la fréquentation de spectacles : avec les trois quarts des réponses, elle devance dans l’ordre ceux qui n’ont aucune habitude en la matière, puis, à un niveau que l’on peut qualifier de marginal, une ville allemande, Trèves, qui apparaît donc en seconde position. La domination de Luxembourg comme centre commercial est également notable avec 55 %. C’est Esch-sur-Alzette qui suit à 8,5 %, mais nous avons ensuite, autour de 4-5 %, trois villes hors Luxembourg : une en Allemagne, une en France et une en Belgique. Les niveaux sont certes modestes, et dépendent évidemment de la localisation des répondants au sein même du territoire luxembourgeois, mais nous avons ici un point de référence quant aux pratiques transfrontalières «spontanées».
43Par contraste, les habitudes des habitants de la Regio Aachen sont beaucoup plus éparpillées, Aachen elle-même ne recueillant que moins de 40 % des suffrages dans les deux domaines. Elle est immédiatement suivie par Cologne, avec environ 10 %, qui est donc en dehors des limites de l’Eurégio, mais a évidemment l’avantage d’une taille nettement supérieure. On remarque donc que les Allemands ne citent que des villes… allemandes, y compris Cologne et Bonn, qui sont hors de la Regio Aachen, mais en direction opposée au périmètre eurégional. L’indice global de déplacements dans l’Eurégio, examiné précédemment, était certes plutôt faible en ce qui concerne les Allemands, mais même la relative importance des échanges avec le Sud Limbourg ne se retrouve pas, ici, parmi les villes préférées.
44Malgré l’importance relative, en taille, de Maastricht au sein du Zuid-Limburg, son attractivité au sein de sa province est comparable à celle d’Aachen avec environ 40 % de préférences. Ce qui distingue toutefois les Néerlandais des Allemands interrogés, c’est qu’ils ne font pas référence à d’autres villes hollandaises hors de leur province. On voit au contraire Aachen apparaître quant aux habitudes de loisirs (ainsi que Lanaken, en Belgique !), ce qui indique bien ici une utilisation, marginale mais significative, de l’espace culturel eurégional. Les comportements commerciaux restent par contre strictement confinés à l’espace de la province. La dispersion des résultats derrière Maastricht semble plutôt refléter les découpages internes au Zuid Limburg, avec des dynamiques économiques différentes et des enracinements sous-régionaux plus marqués. La conformation géographique de la province joue évidemment aussi un rôle, sa disposition allongée mettant les autres villes hollandaises relativement plus loin.
45L’importance, en soi, de la taille de la ville de référence est quelque peu relativisée à l’examen des réponses des Limbourgeois de Belgique. Hasselt n’a certes pas le même rapport de taille qu’ont Aix ou Maastricht par rapport à leurs concurrentes au sein de leurs provinces respectives, et pourtant elle domine le tableau, pour les loisirs comme pour les achats, dans la même proportion, soit environ 40 % de préférence. Tongres, par exemple, arrive très loin derrière, alors que c’est Genk qui occupe la deuxième place dans les deux classements. Maastricht exerce aussi une certaine attraction, puisqu’elle apparaît de façon minoritaire, mais non négligeable, dans les deux colonnes.
46Liège émerge davantage, pour les habitants francophones de la province du même nom, mais en atteignant à peine les 50 %. Cela suffit pourtant à lui assurer le meilleur résultat des villes Eurégio (Luxembourg étant ici un point de comparaison externe), surtout en matière commerciale. C’est en effet le seul cas où la fréquentation pour achats dépasse la fréquentation culturelle et loisirs. Dans ce dernier domaine, elle souffre d’ailleurs de peu de comparaison : la première ville citée après Liège est Huy avec moins de 5 %. Ensuite, on trouve étonnamment, à égalité avec Verviers, Bruxelles, qui est non seulement complètement hors de l’Eurégio, mais aussi passablement éloignée dans l’absolu. On notera aussi la présence de Luxembourg, que l’on n’attendait pas si bien placée. On tend peut-être parfois à oublier, évidemment, combien la province de Liège s’étend vers le sud, même en faisant abstraction de la communauté germanophone.
47Pour effectuer ses achats, au score de Liège, sans doute référé largement à son centre urbain au sens strict, s’ajoutent les 3 % de Rocourt, formellement sur le territoire de la ville, mais désigné ici spécifiquement en référence aux centres commerciaux périurbains qui s’y trouvent. Nous avons ainsi deux citations de la périphérie liégeoise, si nous prenons en considération Seraing et Rocourt. Cela désigne donc l’agglomération liégeoise comme multipolaire, malgré le poids prépondérant du centre ville. La présence, à côté de ce pôle fort, de Maastricht dans le classement des villes commerciales n’en est que plus remarquable.
48Dernière région à examiner, la communauté germanophone illustre bien l’absence, en son sein, d’une ville de taille suffisante à cristalliser l’attraction, que ce soit pour les loisirs ou pour les achats. Il est en effet significatif de trouver, comme première ville de loisirs, Aachen, avec un score comparable à celui qu’elle obtient au sein de sa propre province. Il s’agit, dans ce cas, d’une claire confirmation de son rôle eurégional et de l’intégration transfrontalière. C’est Eupen qui émerge comme principale ville de la communauté germanophone, loin devant Saint-Vith. Eupen arrive en tête pour les achats, mais à un niveau quasi égal à Aachen. Dans les deux classements, mais en particulier pour les loisirs, Liège est également citée de façon significative. Ceci est évidemment à mettre en rapport avec le bon niveau de connaissance du français relevé précédemment. La communauté germanophone de Belgique est donc bien, au sein de l’Eurégio, celle qui a la plus grande ouverture vers ses voisins, indépendamment des considérations linguistiques. On remarquera par contre que le rôle de chef-lieu d’arrondissement que joue Verviers ne trouve pas de correspondance dans les pratiques de déplacements relevées. Cette ville n’apparaît en effet pas dans le classement ci-dessus, n’étant citée que par 1,3 % des répondants, alors qu’il s’agit de la ville francophone la plus proche, en tout cas pour ceux qui habitent dans le nord des «cantons de l’Est».
49Pour mesurer l’attractivité des villes dans les autres régions, nous n’avons retenu, sur des critères objectifs de taille, que Liège, Maastricht et Aachen, plus Luxembourg. Ce choix a été fait, évidemment, avant de connaître les résultats aux autres questions de l’enquête. Si l’on vient bien de constater l’absence de ville de référence dominante en communauté germanophone, on aurait été curieux, a posteriori, d’intégrer la même question quant à Hasselt, que l’on n’attendait pas aussi bien classée dans sa propre province.
50Cette série de questions, plus ciblée, a permis d’utiliser cette fois une référence temporelle plus précise, que nous avons fixée aux douze mois écoulés. Si l’on ne s’étonnera pas de la quasi unanimité parmi les Luxembourgeois, au vu de l’attraction culturelle et commerciale de Luxembourg-ville commentée plus haut, ce sont plutôt les 40 % recueillis dans la province du Limbourg qui étonnent. Il s’agit en effet d’un résultat remarquablement élevé pour la région la plus éloignée géographiquement du Grand-Duché. Sans être pour autant négligeables, les visites de la part des Allemands ou des Néerlandais de notre échantillon sont plus modestes, de même que celles des germanophones, pourtant moins éloignés. Ce sont en définitive les Liégeois qui fournissent le contingent «étranger» le plus nombreux avec plus de 50 % de répondants qui se sont rendus à Luxembourg au cours de l’année écoulée.
51Après Luxembourg, hors champ Eurégio, les résultats de Aachen sont, dans l’ensemble, plutôt moins élevés que l’on pouvait s’y attendre : dans l’ensemble, l’écart à l’avantage de la ville allemande n’est que de moins de 4 %. Pourtant, elle bénéficie, comme les tableaux précédents l’avaient déjà montré, d’une attraction plus forte encore sur la communauté germanophone de Belgique que sur ses propres concitoyens. Les Luxembourgeois vont moins encore à Aix que les Aachenois à Luxembourg, et le score auprès des Liégeois reste modeste. A l’opposé, deux Sud-Limbourgeois sur trois sont allés au moins une fois à Aachen au cours de l’année. Les Limbourgeois de Belgique sont, eux, plutôt moins nombreux à se rendre à Aachen qu’à Luxembourg.
52L’attractivité d’ensemble de Liège est comparable à celle d’Aachen, avec à nouveau 50 % des répondants, dans l’ensemble, qui s’y sont rendus au moins une fois. L’apport externe, si l’on peut s’exprimer ainsi, le plus nombreux vient des germanophones belges avec 62 %. On remarquera cependant le rapport de un à deux entre le nombre de visiteurs venant de Hollande par rapport aux Allemands : pas moins de 43 % des Sud Limbourgeois ont visité Liège, ce qui reste encore moins massif que pour les Limbourgeois belges, dont largement plus de la moitié ont fait le déplacement. Le score relativement modeste des Aachenois, inférieur même à celui des Luxembourgeois, est à mettre en rapport, sans doute, avec leur niveau de connaissance moindre du français. Mais même à ce niveau, les Aachenois en visite à Liège sont plus nombreux, en pourcentage, que les Liégeois en visite à Aix la Chapelle.
53Maastricht apparaît, dans ce tableau, comme ayant, de très peu, le meilleur score d’attractivité global, avec un peu plus de 52 % Compte tenu de la précision de l’enquête, il serait plus prudent de conclure à une substantielle égalité entre les trois villes. Elle obtient avant tout le meilleur résultat au sein de sa propre province, à égalité avec Luxembourg. Mais elle a attiré aussi plus des deux tiers des Limbourgeois belges, ce qui est aussi, de peu, le meilleur taux de pénétration dans une région autre que celle d’appartenance. Les germanophones, de part et d’autre de la frontière, sont environ la moitié à se rendre une fois par an au moins à Maastricht, autre bon score. Ce sont finalement les Luxembourgeois, avec seulement 12 %, qui pèsent sur le résultat global. L’examen des symétries montre pourtant que les habitants du Zuid Limburg sont plutôt plus nombreux à se rendre respectivement à Liège et Aix que les Liégeois ou Aachenois ne se rendent à Maastricht.
54Dans l’ensemble, ces résultats montrent donc encore une fois un degré d’intégration assez poussé des échanges entre grandes villes au sein de l’Eurégio, avec un équilibre assez remarquable entre les capacités d’attraction des trois grandes villes qui en font partie, à défaut d’avoir pu examiner plus en détail les résultats des autres villes de plus petite taille qui, sans aucun doute, jouent également des rôles non négligeables.
Conclusions
55Au terme de cette enquête, l'Eurégio apparaît donc comme une réalité pour ses habitants, mais en dehors de tout cadre institutionnel: c'est un espace effectivement utilisé, tant au niveau professionnel que de loisir ou pour des achats différents de ce que chacun peut trouver chez lui. Les pratiques transfrontalières que nous avons mesurées sont réelles, loin d’être marginales ou élitaires, mais il faut quand même souligner qu’en tant que telle, l'entité elle-même est méconnue, puisque 56 % des répondants ne connaissent pas de «chose» qui s’appelle Eurégio. De même, certains résultats laissent soupçonner que ses contours sont flous, même si nous n’en avons, pas, dans nos données, la preuve formelle. La présence, dans nos données, du Grand-Duché du Luxembourg, qui ne se distingue pas radicalement du profil des régions intégrées dans l’Eurégio Meuse-Rhin, pousse aussi à relativiser l’importance perçue par le public de cette entité.
56Les résultats poussent aussi à se garder de l'illusion que la construction de l'Europe institutionnelle, politique et monétaire soit le point de départ des ouvertures transfrontalières: à travers l'histoire, les frontières, même lorsqu'elles étaient plus perceptibles matériellement qu'aujourd'hui, ont toujours été perméables. Il y a une histoire de migrations au sein de l'Eurégio qui a dépendu largement, selon les périodes, des différentiels de développement économique et industriel. Nous en voyons les traces à travers certaines de nos questions, et cela reste vrai aujourd'hui encore, puisque près d'une personne sur cinq, dans l'enquête, a déjà travaillé dans une autre région.
57Ce qui est peut-être plus récent, c'est la prépondérance des déplacements transfrontaliers pour les loisirs ou les achats. Ils constituent aujourd'hui, de loin, la première raison invoquée pour se rendre dans une autre région.
58Dans ce contexte, trois grandes villes constituent des pôles d'attraction privilégiés : Maastricht, Aachen et Liège ont une attractivité similaire, créant ainsi une sorte de «multipolarisme équilibré». Par contre, dans cette logique, les deux autres régions, Limbourg belge et, surtout, Communauté germanophone manquent d'un «pôle magnétique» aussi affirmé, comptant des ville moyennes, mais moins visibles et identifiables à leur région d'appartenance. Si cela aurait pu être vérifié plus en détail en ce qui concerne la place d’Hasselt, on ne peut manquer de remarquer combien ce qui peut être lu comme un «manque» en communauté germanophone est aussi l’occasion pour cette communauté de se montrer plus ouverte aux régions voisines, que ce soit la partie francophone de la province de Liège ou la Regio Aachen.
59Mais en matière de relations commerciales aussi, il faut se garder de se focaliser sur les réalisations récentes et spectaculaires: le shopping transfrontalier existait avant l'avènement de l'Euro et, si celui-ci y est favorable, ce n'est que dans des proportions limitées puisque moins de 10 % des répondants se déplacent davantage outre-frontière qu'auparavant.
60Il n'en demeure pas moins que ces frontières marquent aussi des différences sociologiques – et démographiques incontestables: les différentes régions ont des connaissances des langues nettement différenciées, en particulier quant à l'usage de dialectes, encore très présents dans la plupart des régions, la partie francophone étant plutôt l'exception en la matière. La proximité d’une frontière, notamment pour ses aspects linguistiques et culturels, pousse peut-être dans une certaine mesure à conserver des traces de son identité, différenciant à la fois de son «centre» national, via l’usage du dialecte, et de cet «autre», voisin mais différent, de l’autre côté de la frontière.
61L’Eurégio existe par et avec ses différences, les relations s’entretiennent sinon s’intensifient, mais l’horizon ne ressemble pas à un espace indifférencié, sorte de village global en miniature.
Notes
To cite this article
About: Patrick Italiano
Chercheur en sociologie ULg