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- Volume 7 : 2007
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Avant-propos. La mise en œuvre d’une constitution «régionaliste»
1La mise en place des institutions politiques de la Troisième République s’inscrit dans un ordre chronologique précis avec des délais d’ordre ou de rigueur. En effet, il était prévu que l’investiture du chef de l’État élu marque la fin de la longue période de transition débutée le 24 avril 1990. Ainsi, la Troisième République est effective depuis le 6 décembre 2006, jour de prestation de serment du nouveau Président de la République.
2Les institutions politiques issues des élections se mettent en place progressivement : une Assemblée nationale composée de 500 députés nationaux, onze Assemblées provinciales installées à l’issue de l’élection de 690 députés provinciaux, un Sénat composé de 108 sénateurs élus par les Assemblées provinciales, 22 Gouverneurs et vice-Gouverneurs placés à la tête des gouvernements provinciaux. De l’installation de ces institutions politiques dépend la mise en place de plusieurs autres institutions dont, par exemple, les organes d’appui à la démocratie (la commission électorale nationale indépendante et le conseil supérieur de l’audiovisuel), l’organisation du pouvoir judiciaire et les trois hautes cours de justice (Cour constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’État), le Conseil économique et social, ainsi que l’organisation territoriale, la composition, le fonctionnement et l’organisation des entités territoriales décentralisées. Des lois organiques sont nécessaires pour que ces institutions puissent fonctionner. Les dispositions de l’article 1341 de la Constitution établissent la procédure d’adoption d’une loi organique.
3Pour assurer un meilleur fonctionnement de ces institutions, il est indispensable de rendre la Cour constitutionnelle, créée par la Constitution de février 2006, opérationnelle. En attendant la mise en place de cette nouvelle institution, la Cour suprême de justice assume les missions qui lui sont dévolues. Ces dernières années, la Cour suprême de justice s’est décrédibilisée auprès des différents acteurs politiques ainsi qu’aux yeux de la population congolaise. Plusieurs arrêts rendus par la Cour au cours de ces derniers mois ont été jugés partiaux par l’opinion congolaise, relayée par les médias. À plusieurs reprises, cette Cour a été considérée comme une cour partisane et comme une caisse de résonance du pouvoir en place.
4Plusieurs faits peuvent valider cette thèse. Dans des pays en «post-conflit», comme la République Démocratique du Congo (RDC), une législation relative à l’amnistie des faits commis durant la période de conflit est indispensable au bon déroulement d’un processus électoral. Lors de l’adoption de la loi sur l’amnistie, le débat porta essentiellement sur l’assassinat d’un chef de l’État, en l’occurrence Laurent-Désiré Kabila, abattu dans son bureau le l6 janvier 20012. S’agissait-il d’un crime politique ou un crime de droit commun ? Devant cette ambiguïté, le président de l’Assemblée nationale sollicita l’avis consultatif de la Cour suprême de justice sur le projet de loi sur l’amnistie. Il lui demanda son interprétation des concepts de «crime politique» et de «crime de droit commun». La réponse de la Cour suprême ne permit pas de clarifier le débat. En effet, elle répondit sur la base de l’article 159 du Code de l’organisation et de la compétence judicaire. Celui-ci dispose que la section de législation de la Cour suprême de justice, donne des avis consultatifs sur les projets ou propositions de lois ou actes réglementaires qui lui sont soumis ainsi que sur les difficultés d’interprétations des textes et non sur les infractions politiques. Il découle de l’économie de cette disposition légale et de l’article 116 de la procédure devant la Cour suprême de justice que l’avis consultatif porte sur la légalité de l’acte et sa conformité aux principes constitutionnels et aux principes généraux du droit. La requête du président de l’Assemblée nationale n’était pas un avis consultatif, mais un avis sur la définition de l’assassinat politique, sujet encore en discussion au Parlement. Le rôle de la Cour suprême de justice en matière d’avis consultatif se limite à la vérification de la légalité de l’acte à prendre et sa conformité aux principes constitutionnels et aux principes généraux du droit, mais aussi à émettre des avis sur sa rédaction et sur ses effets par rapport à l’ordonnancement juridique général.
5En fin de compte, l’Assemblée nationale a défini l’assassinant d’un chef d’État comme étant un assassinant politique, donc un fait amnistiable. Ainsi, les meurtriers «présumés» du président Laurent-Désiré Kabila devraient bénéficier de l’amnistie.
6Avant sa promulgation, par requête, le Président de la République sollicita, à son tour, la section de législation de cette Cour l’avis sur les difficultés d’interprétation de la définition de l’infraction politique, telle que donnée à l’article 2 de la loi portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance plénière de mardi 29 novembre 2005. La Cour suprême de justice a qualifié de crime de droit commun, l’attentat à la vie d’un Chef d’État ou d’un membre de sa famille. Donc, pour la Cour, les meurtriers «présumés» de Laurent-Désiré Kabila ne sont pas concernés par la loi d’amnistie et, donc, pas amnistiables.
7Un autre reproche est formulé par certains à l’encontre de la Cour suprême de justice. Il porte sur la proclamation des résultats définitifs du referendum par la Cour suprême malgré la requête d’une plate-forme conjoncturelle désignée sous l’appellation «Partisans du Non», sur la validité des résultats du référendum constitutionnel. Cela a pu accréditer la thèse d’une cour partisane.
8Plusieurs autres affaires ont contribué à renforcer cette opinion. Le cas d’Olivier Kamitatu, président de l’Assemblée nationale et démissionné du Mouvement de libération du Congo (MLC), qui, sur la base du règlement d’ordre intérieur du Parlement (pourtant jugé par la Cour suprême conforme à la Constitution), se pensait intouchable, a fini par quitter le Bureau de l’Assemblée nationale suite à l’arrêt3 rendu par cette même cour à la requête du président Joseph Kabila.
9Après le dépôt des candidatures aux élections présidentielles, l’actualité politique fut dominée par des requêtes en annulation déposées à la Cour suprême de justice contre les candidatures de Joseph Kabila Kabange et Norbert Likulia Bolongo, accusés de s’être enrôlés et d’avoir déposé leurs dossiers de candidature à la magistrature suprême alors qu’ils portent les grades de généraux au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo. Selon la loi congolaise, les membres des forces armées ne peuvent être identifiés et enrôlés comme électeurs. Par conséquent, ils ne peuvent être candidat aux élections. Ces requêtes ont été jugées irrecevables. Les auteurs de ce recours n’avaient pas qualité pour contester la validité des candidatures aux élections.
10Avant cette mise en place, la Cour suprême de Justice reste juge du contentieux électoral. Or, dans la construction d’un État de droit, le règlement impartial du contentieux électoral constitue un enjeu capital, celui de sauvegarder la liberté de choix des électeurs, l’égalité des candidats, la sincérité et la crédibilité des résultats.
11Dans ce contexte, l’installation d’une Cour constitutionnelle, efficace et respectée, représente une étape importante du processus de mise en œuvre de la Constitution de la RDC. L’élaboration et l’adoption de sa loi organique constituent donc des événements politiques majeurs.
12Les différentes contributions à ce numéro de Fédéralisme-Régionalisme, Premiers scrutins et contrôle de constitutionnalité en RDC : la mise en œuvre d’une constitution «régionaliste», sont consacrés à l’étude d’aspects particuliers de la compétence de la Cour constitutionnelle.
13André Alen propose une analyse du contrôle de constitutionnalité des lois et d’autres actes a posteriori. Il étudie en particulier les systèmes de filtrages qui pourraient être inscrits dans la loi organique afin de prévenir des problèmes d’arriéré judiciaire et de permettre à la Cour de remplir au mieux son importante mission.
14Nicolas Banneux étudie dans un premier temps la question du règlement de l’attribution des litiges en droit congolais. Après avoir examiné les règles posées par la Constitution, il offre dans un deuxième temps une proposition de texte législatif pour la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
15Evariste Boshab analyse les dispositions constitutionnelles transitoires relatives à la Cour constitutionnelle. Après une réflexion générale sur les fonctions et les qualités des dispositions transitoires, il rappelle les différentes expériences constitutionnelles en RDC depuis la loi fondamentale du 19 mai 1960 et en tire des conclusions sur les blocages possibles à l’avenir.
16Paul Lemmens propose une étude du contrôle préventif de constitutionnalité. Il analyse les différents cas dans lesquels un contrôle préventif est possible ou obligatoire, les caractéristiques de la saisine de la Cour, la procédure à suivre devant la Cour ainsi que l’étendue du contrôle et les effets des décisions.
17Jean Spreutels aborde quant à lui la question de la compétence pénale de la Cour constitutionnelle de la RDC à l’égard du Président de la République et du Premier ministre. Il met les dispositions de la Constitution de la RDC en perspective en présentant des éléments de droit belge, allemand et français.
18L’article de Bob Kabamba, Geoffroy Matagne et Pierre Verjans termine ce numéro consacré à l’évolution d’un processus de démocratisation dont les premières étapes avaient été étudiées dans le volume 5 de Fédéralisme-Régionalisme (http://popups.ulg.ac.be/federalisme/sommaire.php?id=166).
Voetnoten
Om dit artikel te citeren:
Over : Bob Kabamba
Chargé de cours adjoint à l’Université de Liège