Fédéralisme Régionalisme

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François Vergniolle de Chantal

Les revendications locales et le système fédéral américain

(Volume 9 : 2009 — Numéro 1 - Le fédéralisme américain)
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Table des matières


1Une des caractéristiques les plus fortes de la vie politique américaine est la contestation de l’autorité de l’État fédéral (federal government). Historiquement, la mise en œuvre des autorités centrales s’est faite dans la méfiance et ces dernières ne s’en sont jamais véritablement remises. Une tradition «anti-fédéraliste» de contestation de l’ordre national s’est déclinée aussi bien à la droite qu’à la gauche de l’échiquier politique. Elle connaît un renouveau particulièrement intense depuis les années soixante dans le sillage de l’essor de la droite conservatrice1. La critique républicaine contre le «tout-État» (Big Government) est à l’ordre du jour depuis maintenant une quarantaine d’années. Aux États-Unis, l’évocation du «government» est connotée négativement, un peu à la façon dont le «marché» est spontanément perçu avec une certaine méfiance en Europe.

2Cette contestation de l’interventionnisme public existe aussi au sein de chacun des États fédérés. Le renouveau contemporain de la critique anti-fédérale a suscité également une contestation du même type au niveau de chaque État. Il existe un effet général de refus de toute tentative de réglementation (regulation) qui s’exercerait contre les communautés locales (local governments). La logique politique qui semble animer le débat politique américain est plus que jamais celle de la fragmentation. Dans ce texte, nous allons retracer la genèse de cette configuration institutionnelle pour ensuite nous interroger sur le type de difficultés qu’elle suscite. Les débats de «gouvernance» internes à chacun des États fédérés sont tout à fait similaires à ceux du niveau national : rivalités pour l’accès aux ressources fiscales, refus des obligations réglementaires (mandates) et problèmes de responsabilité politique (accountability). Mais ils peuvent devenir un vrai obstacle lorsque des outils de démocratie directe sont disponibles. L’exemple de la Californie est particulièrement parlant de ce point de vue. Voici en effet un État qui s’est doté de procédures de «révocation» (recall) et d’initiatives populaires (proposition) et dont l’équilibre institutionnel a été bouleversé depuis la fin des années soixante-dix, lorsque la «révolte des contribuables» a commencé de s’exprimer par le biais d’initiatives populaires. L’interaction entre la décentralisation locale et la démocratie directe devient ainsi hautement déstabilisante et pose directement le problème de la «gouvernabilité» de certains États fédérés, comme la Californie.

3Chaque État a une vie politique spécifique qui lui est propre : les généralisations sont donc risquées lorsqu’on veut analyser le «monstre à 50 têtes» (fifty-headed monster). Il reste néanmoins possible d’identifier des tendances générales en fonction du développement institutionnel et politique de chaque État. La division classique consiste à différencier entre les États dits «jacksoniens» et ceux dits «progressistes»2. Comme l’expliquent James Q. Wilson et John J. Dilulio Jr., les constitutions des États fédérés furent historiquement façonnées par le mouvement anti-fédéraliste rassemblant les opposants à la ratification de la constitution de 1787. Concrètement, les constitutions mettaient en œuvre des dispositions institutionnelles plaçant les élus en responsabilité directe vis-à-vis des électeurs : le Judiciaire et l’Exécutif étaient subordonnés à une législature toute-puissante. Tout élément pouvant rappeler la Monarchie britannique et son modèle aristocratique était absolument banni. Quelques décennies plus tard, la profonde démocratisation de la société américaine caractéristique des années 1830 (lorsque le Président Andrew Jackson est au pouvoir) renforça encore la méfiance contre les institutions gouvernementales : les assemblées ne se réunirent plus aussi souvent, les pouvoirs généraux des gouverneurs furent distribués à toute une série de responsables dont la compétence portait sur une mission bien précise. Rejet du pouvoir politique, décentralisation extrême des responsabilités, telles étaient les caractéristiques des institutions politiques fédérées au milieu du 19e siècle. Bien loin de constituer une démocratisation de la vie politique, ces réformes engendrèrent une montée de la corruption, notamment par le biais des partis politiques et du patronage clientéliste. C’est en réponse à ces excès qu’un mouvement progressiste de modernisation se constitua à la fin du 19e siècle. Les progressistes proposaient de diminuer le pouvoir des partis politiques et de restaurer l’efficacité du gouvernement fédéré. En arrivant au pouvoir en Californie, dans le Wisconsin et le Minnesota, ils mirent en œuvre l’essentiel de leurs idées. C’est ainsi que la Californie se dota d’outils de démocratie directe et que les élections locales dans cet État ne sont pas partisanes – l’ensemble était censé casser le monopole des partis et des groupes d’intérêts. De même, les pouvoirs du gouverneur furent accrus afin de redonner de la vigueur au gouvernement. C’est aussi dans ces États que le mouvement dit de «home rule» sur l’autonomie locale fut poussé au maximum. Les réformateurs progressistes ont cherché à libérer les gouvernements locaux afin de garantir une plus grande proximité avec les citoyens. Ce n’est pas au Nord-Est que la rupture se fit d’abord, même si la centralisation y était forte et critiquée. Mais ce fut surtout dans le Midwest et l’Ouest. Le Missouri fut un pionnier en 1875, puis la Californie, l’État de Washington et le Minnesota. Ce mouvement a créé, dans les faits, un rapport de type fédéral au sein d’un même État. Schématiquement les États des côtes Est et Ouest ainsi que ceux bordant les Grands Lacs sont considérés comme «progressistes» ; en revanche, les États des Plaines, des Rocheuses et du Sud n’ont pas offert de prise au mouvement de réforme et demeurent «jacksoniens» dans leur fonctionnement. La plupart des grandes métropoles fonctionnent aussi sur un modèle de ce type, illustrant l’échec relatif des progressistes au niveau municipal. Dans les États «progressistes», un autre facteur institutionnel caractéristique est celui de la durée de la session de la législature : plus elle est réduite, plus les gouvernements locaux bénéficient d’une large autonomie. Cette tendance est encore plus prononcée si le nombre des gouvernements locaux est élevé. En d’autres termes, plus la capacité de supervision est réduite, plus les autorités fédérées ont tendance à déléguer. Dans les États du Sud, en revanche, la protection des gouvernements locaux passe par la loi : certaines constitutions visent à rendre difficiles l’intervention fédérée dans les gouvernements locaux. D’où la nécessité de les amender régulièrement au risque de les alourdir : ainsi la constitution de l’Alabama est particulièrement longue et détaillée car elle comporte maintenant des dispositions détaillées sur la gouvernance des unités locales. Cet héritage institutionnel conditionne des relations entre les États fédérés et leurs unités locales qui sont extrêmement variées : certains États ont des dispositions constitutionnelles prévoyant une procédure pour créer des structures régionales, alors que d’autres confient cette tâche à leur législature. La seule exception à ce schéma est constituée par les tribus indiennes car les réserves ont un statut spécial au niveau fédéral.

4La différence essentielle entre le type de relations qu’entretiennent les États avec leurs structures locales, d’une part, et, d’autre part, les relations entre l’État fédéral et les États fédérés est ailleurs. Au niveau national, en effet, le pouvoir de l’État fédéral est décrit de façon limitative par la constitution (par l’Article I section 8 essentiellement) ; à l’inverse, au niveau fédéré, les États ont des pouvoirs pléniers. Ainsi, les gouvernements locaux sont des créatures des États fédérés, alors que ces derniers ne doivent pas leur existence constitutionnelle à l’État fédéral 3. Les États les plus ouverts en la matière laissent aux gouvernements locaux toutes les fonctions qui ne sont pas explicitement interdites par la constitution et les lois (fédérées et fédérales). A l’autre extrême, d’autres États pratiquent ce que l’on appelle la «règle de Dillon» (Dillon’s Rule) qui repose sur la nécessité d’énumérer explicitement les compétences des gouvernements locaux 4. Dans cette configuration, les pouvoirs qui ne sont pas explicitement attribués sont en fait refusés. Entre ces deux pôles, des pratiques plus subtiles existent et les évolutions sont permanentes. Certains États ont décidé de modifier leurs constitutions pour mettre un terme à la règle de Dillion. Ainsi de l’État du Michigan, dont la constitution dispose (article VII, section 34) : «The provisions of this constitution and law regarding counties, townships, cities and villages shall be liberally construed in their favor» 5. D’autres États ont évolué suite aux interventions des cours, mais avec des rythmes différents, la Caroline du Nord ou le Wyoming se révélant beaucoup plus frileuses que la Californie ou le Kansas par exemple. Enfin, certains États restent dans l’ensemble fidèles à la doctrine initiale du Juge Dillion, comme le New Hampshire. Mais il n’en reste pas moins que légalement les gouvernements locaux peuvent voir leurs fonctions, leurs compétences, leur existence même modifiées par une simple loi voire un amendement. Les États fédérés n’hésitent d’ailleurs pas : il est fréquent de créer des unités locales pour atteindre un objectif bien précis (special purpose district) ; par exemple les transports en commun, la protection incendie, les égouts et le traitement des déchets, ou bien encore les parcs publics, les hôpitaux et les librairies. En 2002, selon le bureau du recensement, il existait ainsi 35356 districts de ce type, soit trois fois le nombre de ceux existant en 19526. Plus de 90 % de ces districts ont une seule fonction à accomplir. Ainsi, dans les faits, un citoyen américain est sujet à l’autorité d’une demi-douzaine de gouvernements locaux dont certains ont un pouvoir fiscal et/ou réglementaire, mais qui légalement sont fragiles. Cette faiblesse constitutionnelle des structures locales est pourtant compensée par des considérations plus politiques, ce que David Berman dénomme les «forces du localisme» 7 : la tradition américaine de «self-government» donne une légitimité réelle aux unités locales et favorise les comtés par rapport aux grandes villes. Les partisans du pouvoir local le présentent comme une structure naturelle qui s’inscrit dans le prolongement de la famille et de la maison… La communauté locale est également le lieu d’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté, forgeant ainsi une mentalité démocratique. C’est également un lieu d’expérimentation et d’initiative qui facilite la définition des politiques publiques. Cette vision idéaliste – mais largement partagée – du «self-government» passe certes sous silence la difficile cohabitation entre localisme et droit des minorités, ou encore le risque constant de repli sur soi, de fragmentation de l’intérêt général sur une masse d’intérêts particuliers. Mais quoiqu’il en soit, la légitimité spontanée accordée au niveau local est réelle, et explique qu’une fois qu’un pouvoir est délégué à une unité régionale, il peut être difficile à récupérer. Politiquement, la tendance depuis le milieu des années soixante-dix est donc de donner de plus en plus d’autonomie aux quelques 87000 gouvernements locaux que comptent les États-Unis. Une évolution que Michael Dukakis, gouverneur du Massachusetts et candidat démocrate à la présidentielle en 1988, avait qualifié de «nouveau féodalisme» (new feudalism) 8. De plus, certaines cours d’États ont adopté une jurisprudence protégeant les structures locales, par exemple dans la définition de l’occupation des sols (land use). Par ailleurs, il convient de souligner que les responsables politiques des États fédérés ont souvent un parcours personnel qui les rend sensibles aux attentes des gouvernements locaux. Le plus souvent, c’est à ce niveau qu’ils ont entamé leur carrière. Et les groupes de pression (lobbies) représentant les villes ou les comtés se chargent de relayer les attentes vers les décideurs dans les capitales fédérées9. Dans ces conditions, les responsables fédérés ont une tendance spontanée à anticiper les craintes et les attentes des responsables locaux. Mais lesquels ? C’est là une question décisive : quels sont les gouvernements locaux qui se font le mieux entendre des responsables fédérés ? Les décisions de la Cour Suprême sur le redécoupage électoral dans les années soixante ont donné plus de poids aux régions urbaines et aux banlieues (suburbs) au détriment des comtés ruraux. La croissance démographique de ces régions s’est répercutée immédiatement en influence politique dans les instances fédérées. Ce fut d’abord tout particulièrement vrai pour les grandes villes, la plupart d’entre elles obtenant une «charte» (charter) leur attribuant une autonomie de gestions. Le phénomène plus récent des banlieues éloignées (exurbs), qui bénéficient d’une vraie croissance démographique, constitue le dernier avatar de ce mouvement. Et ceci a aussi des conséquences en termes de rapports entre les gouvernements locaux. Ainsi, de nos jours, l’autonomie locale joue contre les grandes villes : ce sont les banlieues qui ont recours à des arguments sur l’autonomie locale afin de se protéger des interventions des villes, surtout dans un contexte où les ressources fiscales sont rares. Avec la part constamment en augmentation des banlieues dans la société américaine, les villes sont dorénavant les grandes perdantes de la rhétorique autour de l’autonomie, les banlieues cherchant à préserver leur base fiscale.

5L’héritage de décentralisation institutionnelle au sein des États fédérés accroît le potentiel pour un affrontement entre les niveaux de gouvernement. C’est tout particulièrement le cas depuis les années soixante-dix. À partir de ce moment, en effet, les États et les gouvernements locaux se sont retrouvés dans une situation fiscale de plus en plus difficile. Depuis lors, les tensions ont résulté en une centralisation fiscale au bénéfice des États fédérés10. C’est là que l’on comprend le paradoxe qui agite les gouvernements locaux : leur autonomie institutionnelle est reconnue, mais leur indépendance fiscale est de plus en plus limitée. Les États fédérés ont en effet centralisé les ressources fiscales à leur profit et les contraintes pesant sur la politique fiscale se sont multipliées. Certes, certaines villes en Arizona, dans l’Illinois, le Maine et le Texas ont encore une liberté fiscale indéniable. Mais cette configuration est exceptionnelle. En fait, l’accroissement de la centralisation fiscale (directe ou pas) des États a été significative à peu près partout, surtout en Californie, dans le Michigan et le Wisconsin. Les États sont des partenaires budgétaires incontournables pour les gouvernements locaux. La grande masse des financements fédérés aux gouvernements locaux est affectée à l’éducation et à l’aide sociale. Or l’éducation est bien un domaine dans lequel la centralisation fédérée a joué. Les gouvernements locaux ont payé le prix d’un système où l’éducation est traditionnellement financée par l’impôt foncier (property tax). Les Cours ont montré l’injustice profonde que cela constituait : en fonction de la valeur mobilière au sein d’une communauté, la qualité de l’éducation peut extrêmement varier. Jusqu’à présent, environ la moitié des Cours fédérées du pays se sont prononcées en faveur d’une réforme du financement de l’éducation. Les autorités cherchent donc à remédier aux inégalités éducatives propres au financement par le biais de l’impôt sur la propriété, et ce avec un certain soutien de l’opinion publique. Dans ces conditions, l’éducation a été de plus en plus financée par les impôts fédérés, afin d’équilibrer les différences en termes d’impôts fonciers11. Il y eut par exemple une réforme dans le Vermont en 1997, au terme de laquelle l’impôt foncier est le même dans tout l’État. Il s’ajoute aux autres impôts locaux et finance à peu près 70 % du budget scolaire de l’État. En 1993, le Michigan a fait passer de façon spectaculaire le financement de l’école de l’impôt foncier à l’impôt sur la consommation. Une évolution similaire a eu lieu dans le New Hampshire en 1999. Dorénavant, au niveau national, plus de 50 % du financement de l’éducation est assuré par le biais de financements fédérés. Alors qu’au début des années 1970, les gouvernements locaux finançaient plus de 70 % de l’éducation, et ce par le biais de l’impôt sur la propriété.

6Il existe également des mesures de «péréquation» (revenue-sharing) internes à chaque État fédéré. Ainsi, certains États rendent une portion de leur impôt sur le revenu (income tax) et de leur TVA (sales tax) à la collectivité dans laquelle ils ont été perçus. D’autres formules existent aussi : mentionnons ainsi la possibilité pour l’État fédéré de dédommager les gouvernements locaux des pertes fiscales dues aux restrictions imposées à l’impôt foncier (property tax). L’argent perçu au titre de tels mécanismes de péréquation est relativement libre ; autrement dit, les gouvernements locaux sont libres de le dépenser comme ils le désirent. Néanmoins, le mécanisme suscite souvent des critiques de la part des récipiendaires, dans la mesure où les États peuvent adapter la formule de péréquation en fonction de la situation économique. En fin de compte, les pratiques budgétaires fédérées sont maintenant étroitement encadrées. Dans la plupart des États, la constitution ou bien la législature détermine à l’avance quel type d’impôt peut être levé par quelle structure locale12. Les exemptions sont systématiquement précisées ; et toute augmentation d’impôts est maintenant requise d’obtenir des «super-majorités» pour être adoptée. Le niveau de dette publique est lui aussi strictement encadré : l’État du Nouveau-Mexique va jusqu’à rendre obligatoire la supervision de l’ensemble des budgets des gouvernements locaux par une instance administrative. Malgré la tendance à l’indépendance grandissante du niveau local, les gouvernements régionaux manquent donc souvent des moyens financiers pour traiter un problème de façon indépendante. Ils sont d’autant plus dépendants de l’État fédéré que l’État fédéral, lui, diminue systématiquement son aide directe aux gouvernements locaux et que, dans le même temps, les citoyens ont des attentes en termes de service à la communauté. La définition d’une politique publique est donc évidemment interdépendante : comme le disait le président Lyndon Johnson : «notre système politique repose sur l’interdépendance»13. Mais les modalités de cette interdépendance varient suivant les États et les domaines. Ce sont le plus souvent les États fédérés qui assurent la construction des autoroutes, la gestion de l’aide sociale, l’entretien des prisons, des institutions psychiatriques et la réglementation des ressources naturelles. À l’inverse, les municipalités s’occupent le plus souvent de la sécurité publique et de l’entretien du réseau sanitaire. Les autres gouvernements locaux sont au centre des services rendus directement au citoyen – par exemple le ramassage des ordures, la protection incendie, etc. Un grand nombre de ces fonctions sont en fait déléguées à des sociétés privées (contracting out). Ce sont les districts scolaires qui s’occupent de l’éducation. Mais même les services locaux sont fortement dépendants des États fédérés : des pans entiers des services locaux sont financés par les États (par le biais de grants-in-aid) qui, par ailleurs, ajoutent des critères de contrôle qui encadrent davantage les structures locales. Souvent aussi, les États mettent en œuvre leurs propres programmes, sans utiliser les structures locales comme intermédiaire. C’est le cas pour certains services sociaux ainsi que pour l’éducation supérieure. Ce sont les États petits et/ou ruraux qui sont les plus centralisés – le Vermont, l’Arkansas, le Nouveau-Mexique, Hawaï. À l’inverse, des États urbains et diversifiés sont plus décentralisés – ainsi de New York ou de l’Illinois. Dans le premier cas, la part des financements directs est plus forte que dans le second, où les financements sont indirects, c’est-à-dire qu’ils utilisent les gouvernements locaux comme intermédiaires. Toutes ces formules de soutien financier sont la «carotte» qui permet aux États de peser sur les décisions prises par les gouvernements locaux. Le rôle du «bâton» revient aux obligations légales (mandates) que ces mêmes États imposent constamment aux gouvernements locaux14. En période de difficultés budgétaires, les États transfèrent un plus grand nombre de fonctions aux gouvernements locaux sans assurer un financement approprié (unfunded mandates). Ces derniers doivent donc se débrouiller en faisant plus avec moins… Les États fédérés pratiquent les mandats encore plus volontiers que l’État fédéral. Et l’opposition locale à cette politique de «partage des déficits» s’est faite extrêmement forte. Initialement pourtant, les élus locaux étaient prudents dans leurs critiques : après tout, une part essentielle du financement de leurs activités dépend aussi de l’État fédéré. Mais la période récente s’est caractérisée par une exaspération grandissante des élus locaux et un recours de plus en plus fréquent des autorités locales aux tribunaux. Les résultats furent cependant mitigés car les Cours ont adopté une attitude de retenue devant ce qu’elles considèrent comme des questions devant être décidées par les élus. Néanmoins, face à cette pression, certains États fédérés ont spontanément adopté des dispositions constitutionnelles qui copient la loi fédérale de 1995. Dorénavant, plus de la moitié des États possèdent des textes de lois (ou des amendements constitutionnels) limitant la pratique des obligations sans financements. Certains rendent obligatoire l’approbation par les gouvernements locaux ; d’autres interdisent le vote d’une obligation sans un financement approprié ; d’autres encore obligent à rembourser les gouvernements locaux dans le cas où de nouvelles normes sont imposées. Mais tout comme pour la loi fédérale, les options pour contourner ces dispositions sont nombreuses : l’imagination des responsables politiques en la matière semble ne pas connaître de limites. D’autant que les élus agissent sous la pression constante des électeurs qui ne veulent pas entendre parler d’impôt fédéré supplémentaire. Jusqu’à présent, la contrainte électorale a été plus forte que les dispositions légales, de sorte que les «unfunded mandates» demeurent un problème épineux.

7Une telle configuration est particulièrement surprenante : comment expliquer ce décalage entre l’autonomie locale et le mouvement vers la centralisation ? Ce paradoxe remonte en fait à la «révolte des contribuables» (taxpayers revolt) initiée en Californie à la fin des années 1970. Un des résultats de l’autonomisation grandissante des gouvernements locaux fut l’augmentation de l’impôt foncier (property tax), ressource fondamentale pour le financement de l’éducation. La Proposition 13 de 1978 était une initiative populaire montée par des activistes conservateurs locaux (Howard Javis) dont l’objectif était de limiter l’augmentation du taux de l’impôt foncier. Depuis lors, toute augmentation est limitée à 1 % de la valeur marchande du bien immobilier calculée chaque année. De plus, tout nouvel impôt fédéré doit obtenir le soutien d’une majorité des 2/3 des membres du Législatif. Ce qui s’est passé à ce moment-là en Californie fut déterminant pour l’évolution ultérieure des gouvernements locaux. La Californie est couramment perçue comme l’État qui définit les tendances à venir pour le reste du pays (trend-setter)15. De ce point de vue, elle est particulièrement utile pour saisir la fièvre contestatrice au niveau local. D’autres États ont en effet suivi la voie tracée par la Californie. Les pressions se sont exprimées, là aussi, par les mécanismes de démocratie directe, à l’initiative de certains activistes comme Bill Sizemore dans l’Oregon et Douglas Bruce dans le Colorado. Ainsi l’Oregon a suivi la voie californienne : les relations financières à l’intérieur de l’État ont été profondément affectées depuis l’adoption de la Measure 5 en novembre 1990, renforcée par la Measure 47 en 1996. Là aussi, l’augmentation de l’impôt foncier fut sévèrement encadrée, avec des conséquences directes sur la qualité de l’éducation. Au Colorado également, les électeurs ont imposé un cadre budgétaire extrêmement contraignant. En 1992, un amendement constitutionnel résultant d’un vote populaire limita la base fiscale de l’État et des gouvernements locaux ainsi que toute possibilité d’augmentation. Encore de nos jours, l’impôt foncier demeure le plus controversé des impôts aux États-Unis. La Californie de la fin des années 1970 a initié une vraie tendance. En 1998, un groupe en Arkansas a proposé un amendement à la constitution fédérée qui aurait aboli l’impôt foncier. En novembre 2000, l’Assemblée d’État a finalement adopté un amendement limitant l’augmentation de l’impôt foncier et prévoyant un moyen de compenser les pertes. En Alaska, une tentative similaire de réduction de l’impôt foncier fut rejetée par les électeurs en 2000. En revanche, en 2001, des groupes anti-impôt de l’État de Washington réussirent à limiter toute augmentation de l’impôt foncier. Dans le New Jersey, la gouverneur Christie Whitman, une républicaine modérée, fut obligée de mettre en place un programme de remboursement ; la question de l’impôt foncier, particulièrement élevé dans le New Jersey, failli en effet lui coûter sa réélection.

8En interne, les contraintes fiscales imposées par les électeurs ont systématiquement conduit à une centralisation fiscale au profit de l’État fédéré. La conséquence la plus immédiate de ces mesures fut en effet la perte de revenu des gouvernements locaux. Les gouvernements locaux ont diversifié leurs ressources, de sorte que la conséquence la plus évidente des mesures «anti-impôt» est d’avoir modifié la composition des revenus des gouvernements locaux. Ces derniers ne fondent plus autant leur budget sur l’impôt foncier (property tax), mais plutôt sur l’aide directe de l’État fédéré, l’impôt sur la consommation (sales tax) et la perception de différents types de droits (fees) pour des activités financées localement16. En d’autres termes, les deux conséquences principales de la «révolte fiscale» des années 1970 et 1980 fut la centralisation financière (au niveau de l’État fédéré) et le recours à des sources de revenus moins progressives que l’impôt foncier. Les gouvernements locaux peuvent difficilement avoir recours à la dette car leur capacité à émettre des bons est strictement encadrée, et ce depuis les années 1870.

9Actuellement, les gouvernements locaux ont une base fiscale leur permettant de couvrir environ 61 % de leur budget. Les 35 % qui suivent proviennent de l’État fédéré, et les 4 % qui manquent sont apportés par l’État fédéral. Malgré la diversification de leur base fiscale, les gouvernements locaux dépendent encore de l’impôt foncier pour 28 % de leur revenu ; 6 % provient de l’impôt sur la consommation, 2 % d’un impôt sur le revenu local17 et 24 % de différentes sortes de droits d’entrée ou d’utilisation. Notons que les villes sont moins dépendantes que les comtés de l’impôt foncier et de l’aide fédérée. En conséquence, elles sont plus dépendantes de l’aide fédérale et des impôts sur la consommation ou le revenu. Les districts scolaires sont très dépendants de l’aide fédérée (pour plus de 50 % de leurs ressources) et de l’impôt foncier. Les districts spéciaux, enfin, dépendant plus de l’aide fédérale que les autres ; plus de 50 % de leurs revenus proviennent des droits acquittés par ceux qui utilisent leurs services18.

10L’exemple de la Californie demeure particulièrement éclairant : la Proposition 13 a radicalisé les débats budgétaires entre l’État et les gouvernements locaux. Suite à l’initiative populaire, l’État de Californie est en effet intervenu pour aider les gouvernements locaux à boucler leur budget. Néanmoins, cela signifiait que le moindre retournement de la situation économique entraînerait des frictions entre les niveaux de gouvernement19. Et dès le début des années 1990, avec la récession du moment, les tensions se firent sentir. L’État de Californie fit passer dans l’urgence deux milliards de dollars de revenus tirés de l’impôt foncier pour les attribuer à l’éducation (Education Revenue Augmentation Fund – ERAF), au grand dam des gouvernements locaux. Certains gouvernements locaux réagirent en portant plainte en justice, mais en vain. Il en alla de même au début des années 2000 alors que pourtant le gouverneur Gray Davis était perçu comme étant favorable aux gouvernements locaux. Les budgets fonctionnent en flux tendus, de sorte que le moindre aléa économique a des conséquences politiques immédiates. Les débats budgétaires peuvent donc être vifs au point de conduire à des tentatives de «sécession» de la part de certains gouvernements locaux. C’est tout particulièrement vrai pour certaines grandes villes : à l’occasion de problèmes budgétaires aigus, certaines villes ont utilisé une rhétorique évoquant le Sud avant la Guerre de Sécession pour vouloir s’affranchir de la tutelle de leur État. Au début des années 1970, le maire de la ville de New York, John V. Lindsay lançait déjà un appel pour obtenir que les grandes villes américaines obtiennent toutes des «chartes» afin d’échapper à ce qu’il dénommait la «servitude» de la tutelle fédérée. Il est vrai que le budget de sa ville dépassait alors celui de l’État de New York. Plus récemment, en 2002, la ville de Los Angeles a dû faire face à une tentative de sécession de la San Fernando Valley, une de ses banlieues aisées. C’est qu’en effet, il existe maintenant un décalage préoccupant en termes de financement, car les besoins en termes d’infrastructures sont dans les centres-villes, mais les ressources fiscales sont dans les banlieues, qui n’hésitent plus à affirmer leur volonté d’autonomie au détriment des centres urbains. La situation peut être difficile au point d’aboutir à des faillites de certains gouvernements locaux. Ainsi, parfois, les États sont obligés de prendre en main certains gouvernements locaux qui échouent à équilibrer leur budget. C’est le phénomène du «takeover», dont le point de départ pour la période contemporaine fut la crise de la ville de New York en 1975, mais qui s’est poursuivi tout au long des années 1990, avec des cas similaires en Californie (Orange County), en Pennsylvanie, dans le Connecticut et le Massachusetts. Ces banqueroutes entraînent le plus souvent des restructurations drastiques (en particulier au niveau des districts scolaires20). Sans vouloir exagérer la portée de ce phénomène, il n’en reste pas moins extrêmement significatif de l’état de crise endémique des relations intergouvernementales au niveau fédéré.

11La période contemporaine a été marquée par des tensions grandissantes entre les États fédérés et leurs gouvernements locaux. L’autonomie de ces derniers est telle que des liens de type fédéral se sont constitués au sein de chacun des États fédérés, notamment dans les États marqués par les réformes progressistes du début du 20e siècle. Mais la révolte fiscale des années 1970, dont les conséquences sont encore d’actualité, a paradoxalement réduit la substance de cette autonomie locale en rendant les gouvernements locaux fiscalement dépendants des États fédérés. Les gouvernements locaux sont ainsi dans une situation de rivalité constante pour préserver ce qui leur reste de base fiscale autonome, surtout en période de restriction budgétaire. Au vu des débats autour de la «sécession» entre grandes villes et banlieues, on peut aisément se demander ce qu’il en est de l’intérêt général dans un tel contexte de fragmentation. Ce qui est le plus évident, c’est que les attentes de l’opinion publique se tournent dorénavant vers les États fédérés. Or ils sont eux-mêmes dans une situation difficile car ils subissent le retrait financier de l’État fédéral. Le «nouveau fédéralisme» (New Federalism) que les Républicains tentent de mettre en œuvre depuis plus de trente ans se traduit concrètement par une réduction du soutien budgétaire aux États. Le pari républicain est de faire en sorte que les États deviennent des acteurs politiques fiables de premier plan en assumant leurs décisions fiscales. Mais ce pari ne tient pas compte des «forces du localisme» à l’intérieur de chaque État : la confrontation et la radicalisation règnent dans les relations intergouvernementales, surtout lorsque les mécanismes de démocratie directe sont disponibles. Pour un nombre croissant d’États, le «nouveau fédéralisme» pose en fait la question de leur gouvernabilité.

Bibliographie sélective

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28Carl Vinson Institute of Government : http://www.cviog.uga.edu/publications/slgr

29Institute of Governmental Studies at Berkeley : http://igs.berkeley.edu

30Rockefeller Institute of Government : http://www.rockinst.org/research/sl_finance/2column.aspx?id=828

31Statistical Abstract of the United States : http://www.census.gov/compendia/statab

Notes

1 Sur ce point, on peut lire Vergniolle de Chantal (F.), Le fédéralisme américain en question, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2006.
2 Dilulio Jr. (J. J.) et Wilson (J. Q.), American Government. Institution and Policies, Boston, Houghton Mifflin Co., 9e éd. 2004.
3 À ce propos, une autre remarque de type historique s’impose. Au 20e siècle, les États fédérés ont été politiquement et administrativement marginalisés pendant une trentaine d’année. Traditionnellement, les États fédérés sont au centre de la toile constituée par l’ensemble des relations intergouvernementales. Or la période qui couvre les années trente aux années soixante constitue une parenthèse durant laquelle les États furent contournés : l’État fédéral développa des liens financiers directs avec les gouvernements locaux et les grandes villes. La crise des années trente avait en effet totalement délégitimé les États fédérés. Incapables de gérer les conséquences de ce drame social, ils ne s’étaient pas imposés comme les interlocuteurs de l’État fédéral. Ils étaient par ailleurs dominés par les intérêts ruraux. Mais les décisions de la Cour Suprême dans les années soixante sur le redécoupage électoral mirent un terme à cette domination. La vie politique fédérée devint dès lors plus respectueuse de la diversité des États. La fonction publique de ces derniers se professionnalisa et, avec le soutien d’une Cour Suprême conservatrice restaurant les «droits des États» (States’ Rights), les États fédérés se sont à nouveau imposés comme des interlocuteurs fiables, au détriment des grandes villes. Depuis la fin des années soixante-dix, les États fédérés récupèrent ainsi entre 55 et 60 % des prélèvements obligatoires effectués par les collectivités publiques locales et fédérées. De plus, l’État fédéral privilégie maintenant les États fédérés en termes de financement. Actuellement, par exemple, l’essentiel du financement national dans le cadre de la lutte contre le terrorisme passe par les États fédérés. Il n’est pas attribué directement aux gouvernements locaux.
4 Cette règle doit son nom à un juriste de la fin du 19e siècle de l’Iowa, John F. Dillon.
5 Cité par Berman (D. R.), Local Government and the States, Armonk, New York, M.E. Sharpe, 2003, p. 71.
6 La statistique est tirée de Gray (V.) et Hanson (R. L.) (dir.), Politics in the American States, Washington DC, CQ Press, 8e éd., 2004, p. 49.
7 Cité in Berman (D. R.), op. cit., p. 1.
8 Cité par Berman (D. R.), ibidem, p. 27.
9 Parmi les plus connus, il faut mentionner : la National League of Cities, la US Conference of Mayors, et enfin la National Association of Counties.
10 Notons que la perception des impôts peut parfois se faire en collaboration entre le gouvernement local et l’État fédéré : l’État perçoit l’impôt et en retourne une partie au gouvernement local au sein duquel il a été perçu. Les impôts sur la consommation, sur l’essence ou sur le revenu sont souvent organisés de cette façon. C’est le cas dans le Tennessee, en Alaska et en Arizona.
11 Dans le domaine de l’aide sociale, la configuration est différente. Dans le cadre de la loi fédérale de réforme de l’aide sociale (Welfare Reform Act) en 1996, le transfert des compétences vers les États fédérés s’est souvent traduit par un transfert additionnel vers les gouvernements locaux. Il y a eu dans ce domaine une vraie dévolution du pouvoir, en particulier dans les États qui fonctionnaient déjà selon un système de supervision fédérée et de mise en œuvre locale. Tel fut le cas dans des États comme la Californie, le Colorado, le Maryland, New York, la Caroline du Nord, l’Ohio et le Wisconsin. L’État se contente alors de fixer des critères et laisse aux gouvernements locaux la responsabilité de respecter ces critères.
12 Les contrôles des procédures budgétaires des gouvernements locaux n’ont rien de nouveau – les premières apparaissent dès les années 1800. Par la suite, les deux vagues de réforme sont celle des années 1930 et celle entamée depuis les années 1970.
13 «Ours is a system of interdependence», Johnson (L. B.), «Partnership in Public Service », in Economies and New Ideas for Cities : Proceedings, American Municipal Congress, Washington DC, American Municipal Association, 1963, p. 19. Un exemple particulièrement parlant est celui de la loi sur l’aménagement du système routier – votée en 1991 sous le titre Intermodal Surface Transportation Efficiency Act (ISTEA) et adopté une nouvelle fois en 1998 (Transportation Equity Act for the 21st Century – TEA-21). La loi rend obligatoire la participation des structures locales dans les décisions portant sur l’aménagement des routes dont le financement est pourtant assuré par les États fédérés.
14 Ce débat reproduit fidèlement celui qui a lieu au niveau national. La multiplication des obligations non financées – par exemple suite à l’American with Disabilities Act, ou encore le Safe Drinking Water Act et le National Voter Registration Act – a été extrêmement critiquée dans les années 1990. Le Congrès républicain a finalement fait adopter un texte en 1995 visant à limiter la croissance de ces obligations, le Unfunded Mandates Reform Act.
15 On lira le numéro de Politique Américaine consacré à la Californie «La Californie : avant-garde de l’Amérique», n° 9, hiver 2007-2008, ainsi que l’ouvrage dirigé par Frédéric Douzet, Thad Kousser et Ken Miller, The New Political Geography of California, Berkeley, IGS Press, 2008.
16 Par exemple : pour la police, les pompiers, les ambulances, pour la télévision câblée. La question de l’impôt sur la consommation appliqué aux ventes sur Internet est de plus en plus à l’ordre du jour. Autre évolution intéressante, celle qui vise à aménager le territoire en fonction des sources de revenus potentielles par le biais de l’impôt sur la consommation. On parle alors de «fiscalization of land use» ou de «zoning for dollars». Les autorités favorisent l’installation de centres commerciaux générateurs de revenus au détriment de zones résidentielles.
17 Quinze États permettent aux gouvernements locaux de gérer un impôt local sur le revenu. Mais il s’agit d’une source de revenu significative uniquement dans la Pennsylvanie et l’Ohio. Les gouvernements locaux l’utilisent avec modération de peur d’éloigner les habitants…
18 Ces chiffres sont tirés de Berman (D.), Local Government, op. cit., p. 92-93.
19 La fiscalité fédérée est en effet très sensible aux aléas de la conjoncture économique. Sur ce point, je me permets de renvoyer à Vergniolle de Chantal (F.), «La crise budgétaire des États fédérés», in Parmentier (G.) (dir.), Les États-Unis aujourd’hui, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 335-345.
20 Les vagues de rationalisation des districts scolaires (school districts) sont fréquentes afin de répondre aux changements démographiques. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, malgré l’entrée de deux nouveaux États dans l’Union, le nombre de districts scolaires diminua de façon spectaculaire – de 67 355 en 1952 à 13 522 en 2002.

Pour citer cet article

François Vergniolle de Chantal, «Les revendications locales et le système fédéral américain», Fédéralisme Régionalisme [En ligne], Volume 9 : 2009, Numéro 1 - Le fédéralisme américain, URL : https://popups.uliege.be/1374-3864/index.php?id=782.

A propos de : François Vergniolle de Chantal

Maître de conférences à l’Université de Bourgogne (Dijon, France)