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- N° 2 (octobre 2012) / Issue 2 (October 2012)
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Mondes d’enfants. Ethnographie des « premières communions » à la paroisse Natività di Maria Vergine (Castelbuono, Sicile)
Résumé
Qu'en est-il du rapport des enfants au religieux ? Cette question a surgi d'une ethnographie menée auprès d'enfants se préparant à leur première communion dans une paroisse de Castelbuono (Sicile). Les personnes en charge du catéchisme (le curé, le vicaire et deux femmes) tentent de transmettre aux « premières communions » des savoirs, des compétences et des valeurs relatifs à la religion catholique par des enseignements aux allures scolaires, mais aussi des activités ludiques. Les enfants observés y participent avec entrain, mais se montrent parfois réfractaires. Ainsi, loin de constituer les destinataires passifs de contenus et pratiques religieux, ils les investissent d'interprétations et d'attentes personnelles. L'imitation de ce qu'ils entendent dire et voient faire par les adultes n'est pas simple répétition, mais relève de stratégies que les enfants mobilisent pour composer, avec la formation religieuse qu'ils reçoivent, des modes de socialisation spécifiques et des mondes sociaux et culturels originaux.
Abstract
What relation do children have with the religious ? This question emerged from an ethnographic study conducted on children being taught the catechism in preparation for their first communion at Castelbuono, Sicily. Teachers (the parish priest, a younger assistant priest and two catechists) sought to transmit the knowledge, competence and values of Roman Catholicism to these children via lessons modelled on their primary schooling as well as more playful activities. The children for the most part participated enthusiastically although some resistance was observed on occasion. Therefore, they are far from being mere passive recipients of religious discourse and practices, but rather invest them with personal meaning and expectations. Imitating what they hear adults say and see them do is not simply repetition, but the product of strategies they use to fashion specific trends and original worlds out of the religious education they receive.
Table of content
Introduction
1Les travaux anthropologiques qui abordent la question du religieux en rapport avec l'enfance ou la petite enfance1, qu'ils traitent de dispositifs institutionnels d’envergure (Godelier 2007) ou de « petits riens » quotidiens (Razy 2007), s’intéressent tantôt aux discours et pratiques sur les enfants (Bonnet 1988), tantôt à ceux des enfants. Dans cette dernière catégorie, des recherches sont consacrées à des manifestations religieuses proprement enfantines, soit qu'elles reproduisent des pratiques adultes (Griaule 1938), soit qu’elles s’en saisissent comme faire-valoir d'une certaine socialité (Le Moal 1981), soit enfin qu'elles bricolent des mythologies et des rituels originaux (De Boeck 2000). Ce type d'approche autorise à explorer la question de la création par les enfants de mondes sociaux et culturels qui leur sont propres à partir de l’appropriation d’éléments religieux institués. Telle est la perspective de cet article.
2Basé sur l'observation de catéchumènes dans une paroisse de confession catholique, il prend le parti de considérer les enfants non simplement comme les destinataires passifs d'enseignements catéchétiques, mais comme « des acteurs de leur culture enfantine » (Delalande 2009 : 6) – sans pour autant voir en eux des agents totalement émancipés disposant d'une créativité infinie.
3Qu'en est-il donc du rapport des enfants au religieux dans un espace institutionnel où ils sont censés répondre à une attente pédagogique spécifique et à reproduire des discours et des pratiques fortement codifiés ? Il sera d'abord utile de se pencher sur les objectifs des personnes en charge du catéchisme et les moyens qu’ils mobilisent pour les réaliser. Ensuite, on se concentrera sur le point de vue des enfants, en se demandant comment ils vivent le catéchisme et ce qu'ils en attendent pour leur part. Cela nous amènera à nous interroger sur les manières dont ils interprètent et investissent les contenus et les pratiques religieux auxquels ils sont amenés à souscrire. Ainsi, nous aborderons une question que les catéchistes elles-mêmes formulent à la manière d'un soupçon : les enfants comprennent-ils ces contenus et ces pratiques ? Saisissent-ils leur portée spirituelle ? Prennent-ils cela au sérieux ? Ou bien ne font-ils qu'imiter machinalement ce qu'ils entendent dire et voient faire par les adultes, conformément à ce que ceux-ci attendent d'eux ? Le cas échéant, l'imitation est-elle simple répétition ou renferme-t-elle quelque chose d'inédit ?
4L'ethnographie sur laquelle reposent ces questionnements a été menée en Sicile, dans une bourgade de montagne nommée Castelbuono2. Cette dernière se situe en province de Palerme (côté nord-ouest de l'ile). Sa population compte environ dix-mille habitants en période creuse (hors congés ou festivités, moments où ce chiffre double voire triple sous l’effet du repeuplement par les Castelbuonais émigrés et les touristes) et est majoritairement jeune3. Ancienne principauté du royaume bourbonien vivant essentiellement d'agriculture et d'élevage, Castelbuono est aujourd'hui une commune administrativement autonome dont l'économie s'est recyclée, depuis les années 1960, dans le commerce et le tourisme (Leone 2008 : 25-68).
5Depuis la vallée au nord, la bourgade apparaît disséminée au creux des montagnes. Son château, auquel elle doit son nom, est la première construction qu'on distingue. Topographiquement, il s'agit d'une agglomération concentrée autour de trois places principales reliées par un axe à trafic limité. Ce centre névralgique dense est couronné par une zone périphérique (dite « campagna » [campagne]) qui se présente comme une constellation de maisons plus ou moins clairsemée et comprenant, au nord, sous le château, un cimetière. En y pénétrant le 18 avril 2009, j'ai l'impression d'un village minuscule et compact : toile d'étroites ruelles pavées, dont certaines très escarpées, bordées d’édifices en brique, l'air ancien, de deux à quatre étages, pour la plupart mitoyens et presque tous dotés de balcons garnis de longues tentures colorées destinées à protéger du soleil. Petits commerces un peu partout. J'aperçois plusieurs indications vers des lieux de culte ; à un embranchement vers le haut du village, une statue immaculée de la Vierge.
6Castelbuono connaît une vie sociale et culturelle foisonnante. Aux côtés des institutions administratives, économiques, sanitaires et scolaires, opèrent nombreux organismes associatifs spécifiquement culturels. Les lieux communs de socialisation (clubs pour anciens et jeunes, pubs [boîtes dansantes] et bars [cafés]) se situent surtout autour des places. Leur occupation se décline moins sur le mode de la sédentarité que sur celui de la promenade : la passiata, véritable institution sociale.
7Dans ce paysage, le religieux est incarné par de nombreuses institutions et manifestations catholiques4 : trois paroisses, un monastère franciscain, une quinzaine d'églises occasionnellement ou régulièrement actives ; des confréries historiques dédiées à une figure religieuse (les plus anciennes datent du 15e siècle), et une profusion de festivités solennelles incluant processions et autres manifestations votives. Ces évènements, ainsi que les activités religieuses coutumières, rencontrent un franc succès auprès des Castelbuonais : aucun d’entre eux n'a échappé aux sacrements du baptême et de la communion, et l'écrasante majorité fréquente la messe au moins une fois par semaine.
8Des trois paroisses, celle de Natività di Maria Vergine, attachée à l'église Matrice Nuova, constitue l'archiparoisse du bourg. Outre les liturgies coutumières, solennelles et sacramentelles, elle organise diverses activités catéchétiques pour des groupes d'enfants, de jeunes et d'adultes. Les enfants sont pris en charge à partir de sept-huit ans. Une première année de catéchisme aboutit à leur première confession et, au terme d’une deuxième, advient leur première communion ; ils ont alors huit-neuf ans5. Les personnes en charge du catéchisme nomment ces groupes respectivement « confessioni », « les confessions », et « comunioni », « les communions ».
9Au fil de ce parcours catéchétique les mêmes thèmes sont toujours abordés : Mystères de la foi, Dix Commandements, vie de Jésus, etc. Leur étude s’accompagne de l’apprentissage progressif de savoir-faire liturgiques : prières, séquences de la messe, mode d'emploi « pour faire une bonne confession » et « une bonne communion ».
10Dès fin septembre, les séances de catéchisme s'organisent une fois par semaine de 16h-17h à 19h – début de la messe. Leur fréquence s’intensifie jusqu'à devenir journalière en mai. Les groupes de communion et de confession sont pris en charge séparément jusqu'au mois d'avril, lorsque commence la préparation en commun des cérémonies respectives. Je me concentre ici sur les communiants. Les catéchèses se déroulent entre la sacristie et l’église avec un encadrement adulte constant.
Pédagogies catéchétiques : du pain et des jeux
11En 2009, la paroisse accueillait 22 communiants (10 filles et 12 garçons) dont la consécration aurait lieu le dimanche 17 mai. Les encadraient alternativement le curé (très âgé), le vicaire (d’une vingtaine d’années qui épaulait le premier dans la gestion de la paroisse) et deux catéchistes laïques (une dame sur la trentaine, mère au foyer d'une fillette de trois ans, et une vieille demoiselle d’environ 60 ans). La cérémonie approchant, les catéchèses étaient surtout vouées à sa préparation, essentiellement aux répétitions des chants qui y seraient entonnés. De plus, les enfants étaient tenus de participer à la messe tous les soirs et de l' « animer », comme disaient les catéchistes. Cela signifie qu’ils se chargeaient des lectures (dont la récitation du chapelet précédant la liturgie) et de la procession eucharistique. Ils étaient aussi invités à intervenir aux homélies, expressément adaptées par le vicaire en quiz micro à la main autour des lectures du jour ; vu leur ressemblance à un jeu sur plateau télévisé, elles avaient été baptisées « homélies show » par leur concepteur. Parachevaient le tout quelques séances mêlant cours ex-cathedra et activités plus ludiques, ainsi qu'une retraite dans l'enceinte paroissiale organisée de 9h à 19h le vendredi précédant la cérémonie. Les enfants ont bénéficié d'une permission spéciale pour être dispensés d'école tant le jour de la retraite que le lendemain de la cérémonie6.
12Pour le propos qui suit, distinguons deux aspects qu’enveloppe le catéchisme en tant que préparation à la cérémonie de première communion. Car celle-ci constitue à la fois un évènement festif esthétisé et un acte religieux dont le but est d’accueillir le Christ. La première dimension relève du registre de la ritualité comme mise en scène ou représentation7 ; dans la seconde, nous touchons à celui de l’expérience religieuse telle qu’elle est décrite dans la théologie du sacrement eucharistique (Amann & alii 1938 : 495 et seq.), et en tant que vécu affectif personnel – celui-ci pouvant coïncider avec celle-là.
13Ces deux dimensions se confondent dans la pratique et dans l’histoire. Elles caractérisent la cérémonie depuis son institution, officiellement lors du Concile de Latran IV en 1215 (Delumeau 1987 : 9-10, 36-39). Elles se recoupent dans son caractère solennel, qui vise à célébrer somptueusement la rencontre avec Jésus (Ibid : 47).
14À la Matrice, elles transparaissent dans les dispositifs catéchétiques mis en œuvre. Pour les séances observées, certains enseignements visent surtout à l’esthétique de la cérémonie, supposant une scénographie précise et, partant, des compétences liturgiques qui incluent des « techniques du corps » (Mauss 1936) spécifiques à la prise de l’hostie. D’autre part, les personnes en charge du catéchisme tentent de sensibiliser les enfants à l’expérience eucharistique en tant qu’acte chargé d’un sens que ni la plastique du rituel ni l’objet hostie en lui-même ne suggèrent directement (Albert 2005 : 373). Ainsi, deux types d’approches s’entrecroisent au fil des catéchèses. Les unes, plus directives, mettent davantage l’accent sur le formalisme et la codification ; les autres, plus interactives, mobilisant la participation des enfants pour qu’ils manipulent eux-mêmes les contenus et les pratiques transmis. Examinons tour à tour ces dispositifs pédagogiques.
Apprendre à communier : affaire sacrée, sacrée affaire !
15Toutes les catéchèses étaient introduites dans l'église par une séance d'oraison durant laquelle le curé instruisait les enfants.
16Lundi 4 mai, arrivée des enfants
17Les communiants sont installés sur les trois premières rangées de bancs face à l'ambon et le curé se tient devant eux. À un mot qu’il prononce – que je ne saisis pas – les enfants bondissent et assument la position de prière (debout, torse et tête haute, regards fixes, mains jointes devant la poitrine). Le curé débute la prière – Gloria – et les enfants la reprennent. Ils récitent de manière mécanique, sans expressivité, avec une cadence saccadée et monotone. Leurs regards sont perdus dans le vide et leurs corps, vite relâchés, se balancent au rythme de la litanie qu'ils scandent. Le curé les reprend : « Un peu plus d'entrain ! Tenez-vous droits et récitez tous ensemble en y mettant du cœur ! Vous comprenez le sens de cette prière ? Nous sommes en train de rendre grâce à Dieu : nous le remercions en lui signifiant notre dévotion. Il faut lui montrer notre respect ! »
18Cette scène illustre une des méthodes utilisées au catéchisme : la répétition machinale de contenus associée à la reproduction d'attitudes standardisées. Une telle approche vise à produire chez les enfants une « impression » (selon les mots d'une catéchiste) des notions et des codes en vigueur dans le cadre religieux catholique.
19Pour entrer en contact avec le sacré, en effet, s’imposent des règles strictes, notamment relatives au pur et à l’impur (Gruau 1999), auxquelles les enfants doivent se conformer.
20Dans le contexte spécifique de la première communion, ces codes et normes relèvent également d’un formalisme particulier destiné à souligner la solennité de l’événement. Le solennel se traduit en effet par une esthétisation particulière de l’espace, des séquences liturgiques et de la kinésique. Il suppose donc une attitude rituellement adéquate que les communiants doivent assumer.
21Cependant, le solennel enveloppe aussi un aspect plus profane. Fête de la rencontre avec Jésus, la première communion constitue également la « fête autour de l’enfant-roi » (Delumeau 1987 : 12). Cela se traduit par la mise à l’honneur des enfants tant durant le fastueux banquet familial qui prolonge la cérémonie (où ils reçoivent nombreux cadeaux par leurs proches)8 que durant la cérémonie même. Au sein de l’église, les communiants de la Matrice se trouveront au centre de l’attention d’un large public (grosso modo tout Castelbuono) pour réaliser leur première performance rituelle importante. Un caméraman et un photographe munis d’une impressionnante artillerie immortaliseront l’événement.
22Dès lors, les codes qui servent à établir le contact avec le divin dans l'espace sacré communiquent avec une dimension scénographique qui apparente la première communion à un spectacle dont les enfants constituent les protagonistes.
23Les responsables paroissiaux tentent d’amoindrir cette dimension ostentatoire en organisant une célébration qui soit le plus sobre possible. Notamment, il y a quelques années, ils ont imposé à tous les communiants le port d’une même aube blanche, dont le seul trait distinctif est, pour les filles, un diadème blanc.
24Ils veulent ainsi mettre l’accent sur l’aspiration spirituelle de l’eucharistie, reposant sur un rapport intime au divin. Cela suppose que les enfants intègrent codes et normes religieux, non seulement sur le modèle de la répétition formelle, mais « en y mettant du cœur » et de manière réfléchie. Car « prendre Jésus » inaugure dans leur vie la responsabilité de manifester activement leur foi, en dirigeant leur existence conformément aux enseignements du Christ. Un tel engagement caractérise la conception « moderne » de la foi chrétienne : le témoignage. Vocable récurrent tant dans les discours produits au sein de la Matrice que dans des sources à caractère religieux (Trapelli 2003) et des travaux anthropologiques contemporains (Hérault 2000), le témoignage définit le « bon fidèle ». Cela signifie une manière d'être inspirée par la foi et qui doit constamment s'exprimer dans le rapport à autrui : politesse, respect, empathie,...
25Le but fondamental des enseignements catéchétiques consiste à induire chez les catéchumènes ce mode d'être particulier, soutenu par une relation morale à Dieu. La méthode par réitération machinale d'actes et paroles rencontre ici des limites.
« Il catechismo è drammatizzato, mimato, disegnato… »
26« Le catéchisme est mis en scène, mimé, dessiné » à la Matrice depuis au moins trente ans, raconte la plus ancienne des catéchistes. Institutionnellement promue depuis le Concile du Vatican II (1962-1965), l'exploration de pédagogies catéchétiques interactives à la Matrice a pris un nouveau souffle avec la nomination du vicaire (novembre 2008).
27La motivation qui soutient ces démarches, explique-t-on lors d'une réunion regroupant les responsables paroissiaux religieux et laïques, consiste à encourager la participation des enfants en sorte qu'ils se sentent « protagonistes » (sic) des activités catéchétiques et liturgiques. Il s’agit de canaliser leur attention et mobiliser leur intérêt.
28Vendredi 15 mai, jour de la retraite
29Les catéchistes proposent aux communiants un jeu de mime. Les enfants vont former deux équipes et chacune va préparer trois paraboles extraites de Luc et les mimer à tour de rôle, tandis que l'autre devra deviner celle dont il s'agit. Les enfants sont tout enthousiastes (…) Tirages au sort pour établir les équipes et les paraboles ; cris de joie ou de déception selon qu'on aime ou non celle qui tombe. Puis les groupes se séparent (l'un monte à l'étage de la sacristie, l'autre reste en bas ; je monte avec le premier groupe).
30(…) La catéchiste, Bible à la main, va d'abord lire les paraboles. Les enfants les connaissent déjà et anticipent par moments le récit. Puis elle procède à la répartition des rôles. Tous les enfants sont excités et veulent avoir le rôle principal. La catéchiste met un point d'honneur à opérer une distribution équitable : tout le monde fera quelque chose !
31(…) Après avoir terminé la préparation du mime, la catéchiste demande aux enfants de s'asseoir et de prendre chacun une feuille et un bic pour résumer les paraboles. Ils vont s'appliquer diligemment à la tâche et, tandis qu’elle s'absente, restent concentrés et silencieux ; lorsque l'un d'entre-eux commence à papoter, un camarade lui dit de se taire. Alors qu'ils ont presque tous fini leur résumé et que la catéchiste est revenue, on discute joyeusement de tout et de rien. La discussion est interrompue par des appels : en bas, ils sont prêts ; ici aussi. On descend pour la confrontation.
32Au sein de tels dispositifs pédagogiques, les enseignements catéchétiques sont présentés de manière ludique afin de les rendre compréhensibles mais surtout attrayants pour les enfants. Ainsi, nombreux discours des catéchistes marquent la dimension festive du rituel eucharistique (i.e. la joie de se retrouver ensemble pour aller vers Jésus, dans un moment privilégié où tous participent également), incluant la personnalisation du Christ comme ami que d’ailleurs on tutoie (voir le chant « Signore, tu sei nostro amico », « Seigneur, tu es notre ami »). Couronnent le tout des modalités relationnelles spontanées et confidentielles, caractérisées par la plaisanterie – font exception les rapports avec le curé, marqués par la déférence et l'évitement. Partant, le catéchisme devient un moment récréatif dont les enfants sont acteurs et un espace familier où ils peuvent s'exprimer.
33L’ensemble de ces dispositifs stimule chez eux l'envie de s'approprier des contenus et des pratiques transmis. C'est là une autre approche pour que les catéchumènes incorporent les messages chrétiens et qu'ils deviennent effectivement de bons fidèles. Mais, contrairement à la méthode par réitération machinale, elle met davantage l'accent sur la dimension réflexive des apprentissages, incitant à un rapport plus personnel au Christ et à ses messages.
34La variabilité des dispositifs pédagogiques renvoie à deux manières symétriques de considérer les enfants en même temps qu’elle marque la ségrégation entre les ordres sacré et profane.
35Les enseignements à l'intérieur de l’église se caractérisent par une normativité rigide. Les personnes en charge du catéchisme exigent des communiants une tenue impeccable : ils ne doivent pas chahuter, ni courir ; ils doivent user de respect envers la Présence habitant les lieux. Une telle directivité, parallèlement à la méthode par réitération machinale, tend à freiner la spontanéité des enfants pour qu'ils se conforment à l'ordre en vigueur dans l'espace rituel. En revanche, dans la sacristie, les responsables du catéchisme accordent aux catéchumènes une marge de liberté et s'adaptent même à leurs demandes, ce qui suggère qu'on laisse s’exprimer un autre type de socialité que celui imposé par les modalités du contact avec le sacré.
36Les discours d'une des catéchistes au sujet du rapport des enfants à l’hostie explicitent les raisons d’une telle différence. Elle affirme qu’ils ne comprennent pas encore totalement l'enjeu de la communion (notamment le fait de la présence réelle du Christ). De ce fait, elle craint qu'ils ne prennent pas les précautions adéquates. Il faut donc les instruire très rigoureusement. Les leçons produites lors des catéchèses confirment ces affirmations : la catéchiste répète inlassablement les prescriptions et les interdits liés à la prise de l'hostie. Pour recevoir Jésus, il faut être « propre » dans le corps et l'âme. Ainsi, les enfants doivent se confesser avant la communion, et tâcher de rester sages entre la pénitence et l'eucharistie, pour rester purs. Lors de la communion, ils doivent être à jeun, ne pas mâcher l'hostie, et surtout : ne pas la prendre en main ! – le fidèle peut communier soit en recevant l'hostie en bouche des mains de l'officiant, soit en l'accueillant dans ses propres mains pour la porter lui-même à sa bouche. Ce modus operandi est proscrit dans le cas des enfants : le jour où ils auront compris ce que signifie prendre le Christ, déclare la même catéchiste, ils pourront choisir de toucher l'hostie, ayant par eux-mêmes jugé s’ils en sont dignes.
37Ces propos, ainsi que les procédés éducatifs normatifs, renvoient à la vision des enfants en-deça de l’« âge de raison » émanant des Pères de l’Église (Delumeau 1987 : 21-25). Ils se rapportent à un ordre de réalité où le seul rôle envisageable pour les enfants est celui de récepteurs passifs, car ils ne sont pas tenus suffisamment conscients et responsables pour agir de façon autonome dans l'espace sacré. En revanche, les dispositifs réclamant leur participation prennent en compte leurs envies et intérêts propres, et supposent donc qu’on leur reconnaisse un pouvoir d’action dans le processus de transmission (Hérault 2000).
38Les responsables religieux et laïques de la Matrice, de fait, se rendent compte que s'ils proposaient aux enfants exclusivement des leçons ex-cathedra, ils ne parviendraient pas à captiver suffisamment leur attention de sorte que les enseignements « prennent ». Ils sont également en proie à une préoccupation plus concrète : maintenir la paroisse vivante. Ayant expérimenté un déclin de fréquentation, ils se mobilisent pour éveiller un regain d'intérêt auprès des nouvelles générations qui régénéreront l'Église en grandissant. Cet enjeu fondamental subsume l'objectif visant à former les enfants parallèlement à la famille et à l'école sur le modèle du rapport à Dieu. Pour y parvenir, les responsables du catéchisme doivent donc composer avec les attentes du public enfantin.
Le catéchisme selon les enfants
39Lorsqu'on leur demande ce qu'ils préfèrent du catéchisme, la plupart des communiants répond les interrogations et les homélies : parce que c'est « divertente » (« amusant »), associé à un jeu plutôt qu'à un contrôle scolaire. Au fil des descriptions, nous allons voir que les enfants considèrent le catéchisme comme un espace de socialisation où ce qui prime est le ludique. Mais la formation catéchétique représente aussi pour eux la perspective d’acquérir certains bénéfices matériels et symboliques. En effet, les catéchumènes sont particulièrement partie prenante de la dimension festive de la cérémonie dans son aspect plus profane : ils en attendent des cadeaux bien sûr, mais aussi la célébration répondant à leur désir de protagonisme et, fondamentalement, de reconnaissance sociale.
Du pain pour jouer et devenir grand
40Sur le chemin vers la Matrice, le vendredi 24 avril aux environs de 17h35, je croise des catéchumènes qui se dirigent, en groupe ou seuls, à l'arrière de l'édifice paroissial d'un pas vif. Sur l'esplanade devant la paroisse, une dizaine de garçons plus âgés (dont des communions de l'an dernier) jouent au foot ; plus tard, à l’heure de la messe, ils se déplaceront sur le parvis de l'église, dont le grilles sont à ce moment encore closes – cela arrive tous les soirs, sauf quand il pleut.
41Je suis directement précédée par un communiant : il pénètre la sacristie sans hâte, en sautillant. Dans le hall, il s'arrête face à la porte de la bibliothèque, se penche et, n'y voyant personne, continue sa route vers l'entrée arrière de l'église. Son seuil franchi – il néglige le bénitier –, il ralentit la cadence et cesse de sautiller : quelques mètres le séparent de la nef centrale, où est réuni le groupe de catéchumènes avec le curé et une catéchiste. Sans hésiter, il file derrière le curé pour aller s’installer sur un banc à côté d’un camarade qui lui fait de grands signes (…)
42Suite à l'introduction habituelle, les enfants sont invités à gagner la bibliothèque de la sacristie où se déroulera la séance. L'occupation de la salle, où des chaises ont déjà été disposées en demi-cercles concentriques, se fait dans l'agitation générale. La pièce est inondée de bruit, énergie et jovialité. Les plus posés passent inaperçu parmi ces dizaines d'enfants qui parlent, s'esclaffent, se tortillent, jouent avec le voisin, déplacent des chaises, protestent, changent de place, (...) Les adultes n'interviennent pas. Au moment où tous ont pris place, une espèce de calme s’installe : causeries et gigotements continuent, mais de manière plus retenue.
43Les catéchumènes investissent la paroisse avec désinvolture et entrain, à la manière d’un espace familier. Ils se connaissent bien pour la plupart, et affichent entre eux une franche complicité. L’image qu’on retient de leurs attitudes globales, est celle d’enfants qui s’amusent, souvent avec turbulence. Par exemple, à la messe :
44Mardi 5 mai, attitudes
45Assis sur les bancs, les enfants gigotent et se retournent ; debout, ils s'affalent sur la barre frontale, et montent sur l'agenouilloir ; à genoux, le visage caché par leurs mains en prière, ils causent et rigolent discrètement ; puis ils se retournent, font des commentaires, échangent des grimaces avec leurs camarades officiant sur scène comme enfants de chœur… Leur présence dégage une agitation certaine ; ce qui leur vaut par moments des regards inquisiteurs de l'officiant et des réprimandes de la catéchiste.
46Bien entendu, tous ne se conduisent pas à chaque fois de la même manière pour les mêmes activités. Dans la masse s'observe toujours une minorité qui fait autrement. En outre, les enfants peuvent se montrer ennuyés ou amusés, agités ou calmes pour un même type d'activité d'un jour à l'autre ou au cours d'une même séance. Cela dépend de paramètres contingents dont l'heure, leur nombre, l'absence ou la présence de meneurs. Il n’en demeure pas moins qu’une agitation latente anime généralement les rangs, traduisant parfois de l'ennui, parfois de la fatigue, parfois de l'excitation.
47Lorsqu'il ne s'agit pour eux qu'adhérer passivement aux activités, la constante se résume par l'image de la classe durant un cours peu passionnant : attention dispersée, hyperkinésie retenue et léger brouhaha. À l’inverse, pour les tâches qui engagent leur participation, les tendances se portent à l'expansivité, avec des regards vifs et des mouvements expressifs accompagnés de vacarme. Leur ferveur explose particulièrement lorsque se profile la perspective d'une activité inusitée ou d'une intervention en première personne.
48Lundi 4 mai, épreuves de chant
49Les catéchumènes répètent en chœur l'habituel enchaînement de chansons depuis une heure. L'ambiance est fade : les enfants semblent s'endormir sur leurs chaises. En rembobinant la cassette pour l'énième fois, la catéchiste annonce qu'on va reprendre pour l'un d'entre eux en solo. Une vague d'excitation envahit soudain l'assemblée : tous semblent s'éveiller pour porter l'attention vers la catéchiste, en « soulevant » un remous considérable. Au moment où elle s'apprête à désigner un soliste, les enfants se calment immédiatement : ils sont suspendus aux lèvres de la catéchiste qui hésite...
50Dans ce type de situation, il arrive qu'ils sollicitent les catéchistes de manière tellement emportée que celles-ci sont obligées de hausser le ton. Par contre, leur tranquillité est remarquable lorsque, après désignation, répartition des tâches ou consignes, ils s'appliquent à une occupation qui les divertit collectivement ou qui les implique individuellement.
51Ainsi, à la messe, ils font preuve d'un zèle enthousiaste pour mener la récitation du chapelet avant la liturgie et lire les textes sacrés pendant, se succédant sur le chœur à tour de rôle. Durant l'homélie « show », ils écoutent et participent avec attention et ravissement. Très vifs pour répondre aux questions et corriger l’éventuelle erreur d'un camarade, ils n'affichent pour la plupart aucune timidité ; au contraire : ils réclament eux-mêmes le micro pour intervenir. Leur concentration baisse ensuite. Durant la sacralisation des espèces et la communion, ils ne peuvent s'empêcher de gesticuler et papoter, même s'ils savent que les catéchistes transigent difficilement à propos des débordements à ces moments-là. Un dernier élan les anime alors qu'ils sont invités à remonter sur scène pour la lecture de prières mariales précédant la dissolution de l'assemblée. Puis ils rompent les rangs avec vivacité et sortent de manière désordonnée, en sautillant comme ils étaient arrivés.
52Il apparaît que, malgré des moments qui rappellent l’école, les enfants abordent le catéchisme moins comme un milieu d'encadrement de type scolaire que comme un espace proprement ludique. Il va sans dire que les dispositifs pédagogiques interactifs et l’absence d’astreintes catégoriques de type devoirs ou contrôles y concourent largement.
53Le catéchisme ouvre ainsi un temps quotidien où les enfants ont l’occasion de se rencontrer et de se distraire avec des activités qui les stimulent et sans les contraintes que comportent l’école et la famille. Il constitue de ce fait pour les enfants un moyen d'évasion « légal » – car cautionné par les adultes qui font autorité dans leur entourage – , et partant un lieu de socialisation alternatif à l'école, au foyer domestique et à la rue.
54Si la propension des communiants au ludique saute aux yeux, un autre élément de leurs conduites doit retenir l’attention pour comprendre leur rapport au catéchisme : leur tendance à vouloir se mettre en avant comme meneurs ou protagonistes.
55Mardi 12 mai, atelier de bricolage
56Les catéchumènes mettent au point une vaste panoplie de variations pour fabriquer les carti rizzi – papiers coloriés qu'on plisse pour en faire des compositions à l'occasion des festivités du Corpus Domini. On essaye d'en confectionner avec le plus de bandelettes possible à la fois ; on fait des compétitions de vitesse ; et on valorise celui/celle qui sera le plus adroit(e) ou le plus inventif(ve). Inventer des nouveaux tours devient un moyen d'inspirer respect et admiration, autrement dit d'accroître son capital prestige. Ainsi, presque tous les communiants se vantent de savoir-faire particuliers en surenchérissant si possible sur la compétence du voisin (« Moi je sais faire ça ! » ; « Et moi encore plus ! »).
57Les communiants sont friands des activités où ils peuvent exhiber leur habileté dans l’exécution de tâches notamment religieuses, car elles leur permettent de se mettre en valeur devant leurs pairs, leurs cadets et leurs aînés. Cela vaut pour des activités collectives, et encore plus pour celles qui les engagent individuellement. Ainsi, ils frémissent particulièrement pour être désignés chanteurs solistes à la cérémonie de leur première communion. Autre exemple : la prière constitue un exercice éprouvé comme ennuyeux quand il est imposé en groupe (cf. la scène du Gloria). Mais, s'agissant de mener la récitation du chapelet avant la messe, les volontaires se bousculent – répétons que cela se passe sur le chœur, depuis un pupitre muni de micro, et précisons que c’est une tâche ordinairement accomplie par le curé.
58L’attrait ludique collectif du catéchisme se trouve ici suppléé par un autre intérêt : l’affirmation d’une prestance singulière et, fondamentalement, la quête de reconnaissance. Ce glissement apparaît nettement dans les attitudes des communiants : le plus souvent tournées à la plaisanterie lors d’activités en groupe, elles virent au sérieux presque professionnel dès qu’ils se voient attribuer des rôles individuels, notamment dans l’animation de la messe. De même, les enfants désignés pour chanter en solistes restent-ils concentrés toute la répétition durant, sans presque se laisser aller à rigolades ou discussions.
59Un tel contraste se comprend eu égard à l’enjeu pour les catéchumènes de faire leurs preuves dans un domaine renvoyant au monde adulte. Le vicaire expose ce fait sans détours en concluant son homélie « show » du mercredi 13 mai : « (...) é cosa de piccoli la messa ? (…) Nooo ! É cosa da grandi ! », la messe est « une chose de grands ». La paroisse et l'église, en effet, constituent un univers qui n'est a priori pas aménagé pour des enfants. Il s’agit avant tout, répétons-le, d’un lieu sacré caractérisé par des codes et des normes rigides dont les catéchumènes ne possèdent pas la maîtrise. Ce n’est que progressivement qu’ils vont acquérir les compétences nécessaires pour être considérés « grands » : pleinement autonomes et responsables pour décider librement de leurs conduites.
60Dans la poursuite de ce parcours, le fait d’être initiés à l’eucharistie constitue pour les catéchumènes une étape importante : une marque de reconnaissance tangible. Leur rapport à l’hostie en témoigne.
61Lundi 11 mai, dans l'église avant la messe
62La catéchiste annonce le programme du jour de la retraite.
63(…) Au moment où elle explique qu'ils devront se confesser, pour recevoir Jésus « il cuoricino pulito » (« le cœur propre »), une vague d'excitation gagne les enfants : plein de doigts levés frétillent pour poser des questions qui se succèdent à une grande vitesse ; la catéchiste, assaillie, n'a pas le temps de développer ses réponses :
64– C'est vrai qu'il faut avoir la bouche propre pour prendre l'hostie ?
65– [Catéchiste] Oui ! Il faut être à jeun depuis au moins une heure avant de communier !
66– Il ne faut pas mâcher l'hostie hein ?
67– [C] Non !
68– Il y a Pierre qui m'a raconté que Paul s'amuse à la coller à son palais, et à la mâchouiller (…)
69– [C] « Non si gioca con Gesù, è peccato ! » (« On ne joue pas avec Jésus, c'est péché ! »)
70– Alors c'est vrai que ça colle au palais ? !
71– [C] Oui !
72– Maman m'a raconté que ça colle au palais !
73– Et comment on fait alors… ?
74– [C] Ben on la met en bouche et on l'avale directement…
75– Sans mâcher ?
76– [C] Sans mâcher…
77– Et comment on fait ?
78– [C] Comme avec une pilule !
79– Et dans cette église-là on leur donne aussi le vin ! Ils le font boire ? !
80– [C] Nooon ! Juste tremper l'hostie dedans !
81– Et nous ? Nous aussi on veut le vin !
82(...)
83L'hostie interpelle les enfants non tant pour le mystère théologique qu’elle implique, mais parce qu’elle constitue un univers de sens réservé aux « grands ». Ainsi, la présence du Christ les captive moins que le fait d’avoir finalement accès à une expérience jusque-là interdite.
84Mercredi 20 mai, entretien individuel avec Barbara à la Matrice
85Ce qui l’a le plus frappée lors de sa première eucharistie, c'est que l'hostie avait le goût du vin : « sapore di viiino… » dit-elle en chuchotant et chantonnant, avec les jeux pétillants d’un air fripon. Elle remarque sur le même ton que c’était pareil pour la « prova delle ostie » (« essai des hosties » : réception d’hosties non consacrées qui a eu lieu lors de la répétition de la cérémonie, le samedi 16 mai, pour les entraîner à la « technique » de la communion). Puis elle ajoute en haussant les épaules que l'hostie prise les jours suivants était « normale », c'est-à-dire pas trempée dans le vin. Je glisse le terme « consacrée », mais cela n’éveille aucun commentaire de sa part sinon un nouveau haussement d’épaules.
86L’accomplissement de l’acte eucharistique semble en soi plus signifiant que son contenu. Cette même fillette l’exprime en expliquant qu’elle était anxieuse avant de « prendre » l’hostie parce que, « première fois » oblige, elle ne « savait pas comment » faire9.
87Le rapport des enfants à l’hostie est donc soutenu par deux enjeux principaux : savoir ce que ça fait de la prendre, et savoir le faire. Le premier renvoie à l’eucharistie comme épreuve sensible dans son aspect le plus sensuel, c'est-à-dire comme ensemble d’affects corporels (Spinoza 1999). De ce point de vue, recevoir l’hostie pour les enfants signifie entrer dans une sorte de connivence avec leurs aînés, par le partage d’une expérience particulière. Le second enjeu relève de l’effectuation de l’acte comme « technique du corps » (Mauss 1936), impliquant une procédure spécifique à suivre correctement pour être reconnu compétent en la matière. De cet autre point de vue, être admis à l’épreuve constitue déjà pour les communiants une reconnaissance ; l’accomplir devant un large public, donc se montrer capables de le faire, couronne leur rapprochement des « grands »10.
88L’ensemble de ces éléments rappelle la portée initiatique de la première communion. Beaucoup plus visible et institutionnalisée autrefois (tant dans l’Église que dans la société civile ; Delumeau 1987 : 95-99 ; 182-185), elle est aujourd’hui relativisée au vu du fait que des instances socialisatrices laïques ont pris le relais pour marquer la sortie de la petite enfance (Hérault 2008). À la Matrice, bien que pas explicitement invoquée, cette dimension de la cérémonie est suggérée par le système catéchétique qui encadre les enfants en classes d'âge sur le modèle scolaire et où, à chaque étape, un évènement rituel certifie l'acquisition de compétences particulières et, avec elles, de prérogatives particulières. Dans le cas de la première communion, cette dimension est emphatisée à l’issue de la cérémonie par la remise solennelle aux néophytes d’un diplôme et d’une broche arborant les symboles de Jésus (la croix, le blé, le cœur), comme marques effectives ou preuves de leur nouveau statut de néo-communié de la Matrice Nuova.
89Leurs conduites et discours révèlent que les catéchumènes s’approprient cette dimension initiatique de manière implicite et informelle. Ils l’actualisent ensuite dans leurs attitudes, en affichant, après leur première communion, leur nouvelle émancipation auprès de leurs cadets, de leurs pairs et de leurs aînés, dans le cadre de la paroisse et dans l'espace social.
90Le lendemain de leur première communion, les néophytes sont presque tous présents à la messe de 19h et se montrent calmes comme jamais : attentifs durant les lectures, intervenant avec discipline lors de l'homélie « show », posés et respectueux pour l'eucharistie – ils se rendent à l'autel et en retournent l'expression sérieuse, sans empressement ni pitreries ; après avoir communié, la plupart affiche un grand sourire béat, fier et fripon, avant de plonger dans le recueillement en s'agenouillant pour prier. Ils quittent enfin l'église sans courir.
91Dès les jours suivants, cette conduite impeccable s'infléchit. D'abord, ils sont de moins en moins nombreux chaque jour ; certains garçons désertent pour se joindre à leurs aînés jouant foot sur le parvis de l'église, alors qu’il n’en avait jamais été question auparavant, même durant leurs temps libres.
92S'ils interviennent toujours vivement aux homélies, ils ne restent pas attentifs le reste du temps. Ils s'échangent des commentaires et gloussent presque sans relâche, au point que les adultes doivent parfois les reprendre. Leurs plaisanteries s'étendent au moment de la communion : mimant le recueillement, ils échangent rires et paroles en profitant du fait que leurs mains leur cachent le visage. Enfin, ils n'attendent jamais l'achèvement du chant final pour partir, imitant l'attitude pressée et blasée de certains adultes. Après, je retrouve nombre d’entre eux dans la rue qui jouent ou font la passiata. Tous ou presque portent, agrafée sur la poitrine, la broche obtenue suite à leur première eucharistie.
Catéchumènes et enseignants du catéchisme : un affrontement tacite ?
93« Sono dei ragazzi ! » (« C'est des gamins ! ») s'exclame un jour le vicaire en expliquant que les catéchumènes n'en font souvent qu'à leur tête. Il se réfère au fait que, enclins à vouloir s'amuser, ils négligent fréquemment la bienséance de rigueur à la paroisse.
94Les enfants agiraient-ils sur un « mode mineur de la réalité » (Piette 1996 : 148) ?
95Ce concept désigne une transgression non intentionnelle de codes et normes imposés par un contexte social et culturel donné, supposant leur maîtrise et donc la conscience de la conduite adéquate ou attendue. Pour être défini mineur, le comportement ne doit répondre à aucun but ni stratégie de la part de l'acteur. Or, si les communiants ne maîtrisent pas les compétences relatives à l'espace religieux, ils en ont une connaissance au moins théorique, et savent pertinemment ce qu'on attend d'eux. En effet, pour prévenir une réprimande ou y réagir, ils assument l'attitude requise par la situation.
96Bien qu'on leur ait expliqué qu'il faut « saluer Jésus » d'un agenouillement et d'un signe de croix lorsqu’ils rentrent dans l’église ou passent devant l’autel, les communiants ne le font jamais : ils investissent les lieux nonchalamment, avec désordre, ou empressement. Lorsqu'un adulte faisant figure d’autorité est dans les parages…
97Mercredi 20 mai, passant devant le chœur d'un pas soutenu pour aller s'asseoir, Barbara et Enza croisent le curé. La première ralentit sa cadence et esquisse un vague geste de croix en direction de l'autel ; l'autre s'arrête totalement et s'agenouille en se signant distinctement.
98Ainsi, les enfants emploient parfois des stratégies consistant à « jouer le jeu » : « faire comme si » ils écoutaient, « comme si » ils étaient de parfaits témoins de la religion catholique, … ; dans le but d’éviter les sanctions qui pourraient compromettre la poursuite de leurs intérêts. Jouer dans le registre de la stratégie, c'est composer avec l'imposé pour parvenir à des fins contraires à la norme (de Certeau 2002 : XLVI). La stratégie relève donc d'une création, où la norme se trouve détournée pour servir à des objectifs personnels. Dès lors, si la conduite des enfants s'apparente formellement au « mode mineur de la réalité », cette notion ne s'applique pas dans leur cas : ils contournent et parfois infléchissent sciemment les normes de l'espace religieux conformément à leurs aspirations, humeurs et penchants. De plus, ils y importent des codes et des valeurs bien à eux.
99La semaine qui a suivi leur première communion, certains enfants ont joué à qui a communié le plus de fois. Lors d'une discussion en groupe le samedi 23 mai,Enzo plaisante en se vantant qu'il a déjà communié cinq fois. Vito rectifie : six fois ! Car ils ont le même « score » et ils avaient pris l'hostie déjà le samedi précédant la cérémonie, durant les répétitions. La catéchiste corrige Vito à son tour : là il ne s'agissait pas de communion, car l'hostie n'était pas consacrée, donc Jésus n'était pas là.
100Cette scène s’ajoute aux exemples déjà invoqués pour illustrer que la présence du Christ est d’une portée moindre dans l’attribution d’une valeur à l’hostie. Ici, cette dernière est investie de la valeur de point au sein d’un match dont les règles ont été établies ad hoc par les compétiteurs.
101Les responsables paroissiaux et les communiants nourrissent envers la formation catéchétique des attentes différentes, et leurs interprétations respectives des enjeux de l'adhésion religieuse divergent. Pour leur part, les enfants vivent le catéchisme et la cérémonie à laquelle il aboutit comme des évènements ludiques desquels ils pourront retirer des avantages matériels et symboliques. Les responsables du catéchisme, eux, mettent l'accent sur l'importance de prendre Jésus et répètent aux enfants qu'ils ne sont pas là pour jouer, qu'il s'agit de choses sérieuses, qu'ils ne doivent pas prendre la communion comme simplement une fête où ils s'amusent, mangent abondamment et reçoivent des cadeaux. Ces divergences se négocient par des accommodations réciproques : les catéchumènes reproduisent plus ou moins diligemment la conduite du « bon fidèle » et les responsables paroissiaux s'adaptent à la demande enfantine, même si cela peut entrer en contradiction avec les aspirations strictement spirituelles et morales de la paroisse.
102Le catéchisme ouvre ainsi un espace où se rencontrent deux mondes. Ce concept désigne des ensembles sociaux et culturels distincts mais non cloisonnés, que des individus composent en partageant des valeurs et des codes. Mieux que celui de « culture », il rend compte du caractère dynamique et complexe qui anime la constitution de ces ensembles. Car il renvoie à l’image d’un réseau planétaire qui se reconfigure perpétuellement sous l’action des individus opérant des transferts et des contaminations (Augé 1994 : 127-131).
103La paroisse, c'est un monde avec un espace, un temps et un univers de sens spécifiques. En l'investissant, les catéchumènes doivent s'y conformer en modelant leurs modes de socialisation proprement enfantins. Mais parallèlement, ils y introduisent des codes et des valeurs qui lui sont étrangers, si bien que le monde paroissial devient aussi un monde d'enfants. Bien sûr, les modes des catéchumènes – c'est-à-dire leurs manières de se socialiser et les tendances en vogue qu’ils partagent – sont en partie tributaires des enseignements catéchistiques. Toutefois, ces derniers ne sont pas platement reçus et assimilés. Les enfants détournent leur sens en les employant dans des buts autres que ceux auxquels ils étaient destinés dans leur contexte d'origine. Pris dans un tel bricolage (Mary 2010 : 146 et seq.), ces éléments religieux entrent dans la constitution de mo(n)des enfantins : ils deviennent sujet de conversations, motif de complicités et solidarités, support de jeux, et tendances en vogue, à la manière des incontournables jeux saisonniers comme les billes (Delalande 2003).
Un religieux proprement enfantin ?
104Nous pouvons finalement avancer que les enfants ont un rapport original au religieux, c'est-à-dire (au moins en partie) émancipé de l'orthodoxie et de l'orthopraxie de la religion catholique telle qu'on la leur enseigne dans le cadre du catéchisme à Castelbuono.
105On objectera qu'il ne s'agit pas cependant d'un rapport religieux au religieux. Songeons à la contribution de Véronique Duchesne (2007) basée sur la description d'enfants du sud-est ivoirien réalisant des rituels de possession. L'auteur interprète cela comme un jeu par lequel, imitant les adultes, les enfants apprennent entre eux la pratique des cultes. Le rituel effectué par les enfants n'enveloppe donc pas a priori de signification religieuse. Une lecture similaire pourrait s'appliquer pour les catéchumènes à la Matrice Nuova. Toutefois, l'objection ne reste qu'à moitié tenable. Car premièrement, admettant que les enfants n'adhèrent pas intimement au message du Christ et aux pratiques mises en œuvre pour entrer en contact avec lui – fait qui ne sera pas discuté ici – quel fidèle peut-il affirmer qu'il a toujours souscrit impeccablement au credo de sa religion ? Quel fidèle peut-il affirmer qu'il s'est immanquablement senti habité par le divin au moment de l'eucharistie11 ? Deuxièmement, formuler cette objection serait oublier les apports de trois siècles d'études anthropologiques et sociologiques consacrées aux faits religieux. Tous les travaux accomplis dans ce champ, de Durkheim à Bourdieu en passant par Clifford Geertz, ont implicitement ou explicitement posé la question de savoir si les significations de pratiques et adhésions religieuses seraient purement d'ordre religieux – c'est-à-dire relatives à des expériences en rapport avec des entités transcendant(al)es, mystérieuses, invisibles ou sacrées. La réponse (d'abord en ce qui concerne des formes religieuses « primitives », « exotiques » ou « traditionnelles », puis pour les religions monothéistes) a toujours été négative. Les travaux successifs ont contribué à reconnaître aux faits religieux une hétérogénéité qui déborde la simple multiplicité d'expressions dans le temps et l'espace, et à élargir la portée opératoire du concept de religion.
106En vertu de ces arguments, on peut affirmer que les enfants entretiennent un rapport original avec le religieux qui est religieux dans le cadre de leurs mondes enfantins. De ce fait, pour reprendre la deuxième question de départ, ils peuvent prendre ce qui se joue au catéchisme de manière très sérieuse. Qu'il suffise de rappeler leur attention durant les homélies « show » et leur zèle pour les lectures liturgiques. Le cas de l'hostie montre en particulier qu’ils confèrent aux énoncés et aux gestes religieux une efficacité conforme à des buts et des besoins qui leur sont propres. Bien sûr, les effets recherchés – amusement, protagonisme, reconnaissance – divergent à première vue de ceux canoniquement établis – grâce, salut et purification (Amann & alii 1938 : 496-497). Néanmoins, les actes et les énonciations religieux ne sont jamais efficaces que pour ceux qui les accomplissent, parce qu'ils les investissent d'un sens en y projetant leurs attentes personnelles, abstraction faite de leur signification symbolique formelle (Albert 2005 : 392). En somme, les enfants prennent au sérieux les apprentissages religieux dans la mesure où il en va de pratiques et d’idées importantes de leur point de vue, engageant des besoins et des expériences qui les concernent spécifiquement – comme le fait de se démarquer de leurs cadets et de se rapprocher des adultes.
107Nous parvenons ainsi à la troisième question posée au début de ce parcours : l'imitation de pratiques et discours est-elle simple répétition ? Nous pouvons répondre, à titre provisoire : pas tout à fait. L'imitation ne constitue une reproduction machinale que du point de vue formel. Par contre, les dynamiques d'imitation enveloppent une portée créatrice au regard de leurs buts et de leurs significations. D'abord parce que les enfants infléchissent le sens des pratiques et des discours imités en leur attribuant des valeurs autres que celles admises par les adultes, religieux ou laïques, qu’ils imitent. Ensuite, parce que l'imitation peut se déployer comme une stratégie lorsque les catéchumènes reproduisent la conduite attendue pour ne pas se faire réprimander et agir conformément à leurs intérêts. Dès lors, enfin, l'imitation s'inscrit dans un processus de bricolage par lequel les enfants créent leurs mondes à partir d'éléments hétérogènes qu’ils s'approprient et qu'ils transforment.
Conclusion
108À la paroisse comme dans la rue, les enfants façonnent l'espace social donné en y déployant leurs codes et valeurs propres. De même, ils se servent de tout ce qu'ils y trouvent pour constituer un monde à leur mesure en tant qu'enfants de 8-9 ans et partageant certaines expériences. Ainsi, ils détournent les représentations et pratiques religieuses transmises pour les rendre conformes à leurs modes (manières) de socialisation spécifiques, ou pour servir aux modes (vogues) de leur socialité singulière. Se dessinent ainsi des mondes enfantins qui, en contact avec les cadres religieux institués, peuvent les « contaminer » silencieusement.
109Au fil des descriptions, nous avons vu que les enfants mobilisent les expériences catéchétiques comme source socialisatrice ludique et pour affirmer une certaine reconnaissance sociale. Cela suggère une comparaison entre les performances réalisées lors de jeux et les compétences liturgiques. Les deux impliquent en effet la maîtrise d'aptitudes à valoriser auprès des pairs, des cadets et des aînés, justifiant une certaine déférence, donc des codes d'adresse et d'évitement particuliers que les limites de cet article ne permettent pas d'analyser.
110Loin de défendre la thèse d’un religieux spécifiquement enfantin, ou de montrer que les enfants produisent un religieux original, cet article a tenté de décrire comment ils peuvent interpréter ce qu’on leur transmet, le religieux institué, avec les transformations que cela implique. Les matériaux traités ont permis de mettre en lumière quelques-unes de ces interprétations. L’ambition consistait surtout à lancer des balises à propos de questions encore peu abordées en anthropologie : le rapport des enfants au religieux du point de vue des enfants eux-mêmes, en tant qu’ils constituent des acteurs sociaux hic et nunc. Cela nécessite l'approfondissement de nombreuses autres questions, dont celle du rapport qu’ils tissent avec le religieux en dehors des cadres institutionnels, entre pairs et individuellement.
111La manière dont les enfants introduisent des éléments étrangers dans des mondes religieux institués commence à intéresser les anthropologues (notamment Ridgely 2011). Ce n'est que le début d'un long travail pour comprendre « l'altérité de l'enfant par rapport à l'adulte » (Delalande 2009 : 8) dans le domaine religieux.
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Notes
To cite this article
About: Marie Campigotto
Doctorante au LASC (Laboratoire d'Anthropologie Sociale et Culturelle) sous la direction de Élodie Razy, Université de Liège, Institut des Sciences Humaines et Sociales, B31 - Boulevard du Rectorat, 7 (B31), 4000, Liège (Belgique), marie.campi@hotmail.com