Les Cahiers de muséologie

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Eduardo Polidori

Voir l’« Histoire du Brésil » au Museu Paulista : un bref essai sur les « guides de visite » (c. 1900 – c. 1940)

(Numéro 2 — Carnets de visite)
Compte-rendu
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Mots-clés : Museu Paulista, Herman von Ihering, Afonso Taunay, Histoire des Expositions et des collections
Keywords : Museu Paulista, Herman von Ihering, Afonso Taunay, History of Exhibitions and Collections

Introduction

1À l’occasion du 73e anniversaire de l’indépendance politique du Brésil, le 7 septembre 1895, le « Museu Paulista » a été inauguré dans la capitale de São Paulo, l’état le plus riche de la nouvelle République – établie elle-même six ans plus tôt. L’histoire naturelle a été choisie pour diriger la formation des collections de ce qui était alors le premier musée de la ville. En fait, la collection du musée a commencé avec la donation de la collection de Joaquim Sertório, homme d’affaires et collectionneur d'objets historiques, ethnographiques et d’histoire naturelle (minéralogie, botanique etc.). Les collections – avec l’immeuble qui les accueillait – ont été achetées par Francisco de Paula Mayrink, homme d’affaires, qui a donné ensuite les collections au gouvernement républicain au début de 1890.

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3Au cours de cette même année, l’ingénieur et architecte italien Tommaso Gaudenzio Bezzi venait d’achever la construction du « palais » en style Néo-Renaissance à l’Ipiranga – à cette époque une région loin du centre-ville, où il n’y avait que des petites fermes dispersées entre elles-mêmes (fig. 1). Le monument architectonique a été bâti là où l’indépendance avait eu lieu en 1822. La raison de sa commande était de rendre hommage à la monarchie et à la dynastie Orléans-Bragance – tombée l’année précédente, le 15 novembre 1889.

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Figure 1« Le monumento de l’Ipiranga », c. 1890, Guilherme Gaensly. Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photo : Wikimedia Commons.

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6Le gouvernement républicain a décidé d’y installer un musée d’histoire naturelle, mais aussi un « panthéon commémoratif » pour la mémoire des « grands hommes » de la formation de l’état indépendant mais également pour les faits les plus remarquables de l’histoire nationale – la peinture d’histoire en grand format de Pedro Américo de Figueiredo e Mello (1843-1905) a été commandée pour la « Salle d’Honneur » et pour y rester fixé. Le projet à partir duquel le musée s’est développé était, avant tout, un projet de commémoratif (fig. 2).

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8Le décret nº 256 (26 juillet 1894) jeta les bases du « musée de la République » et la politique d’acquisition fut établie : l’histoire naturelle (la zoologie, la botanique, la géologie etc.), l’ethnologie, l’archéologie, la numismatique, les objets historiques (la peinture de thématique historique inclue) devraient constituer la première collection publique de l’État de São Paulo.

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Figure 2 – « Independência ou Morte ! », huile sur toile, 760 x 415 cm, 1888, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photo : Wikimedia Commons.

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11Concernant la gestion du musée, le zoologue allemand Hermann von Ihering a été invité personnellement par le géologue Orville A. Derby, directeur de la « Comission Géologique et Géographique de l’État de São Paulo », institution fondée en 1886 responsable pour mapper les territoires encore inexplorés et avec qui il avait travaillé dans les années 1880 au « Musée National », où il a été chargé des recherches zoologiques.Von Ihering avait le curriculum pour s’occuper de la mission : il était médecin de formation, mais aussi un scientifique très bien connu dans l’Amérique du Sud, en Europe (surtout dans l’Empire Allemand, où son père, Rudolph von Ihering (1818-1892), était l’un des juristes les plus renommés) et aux États-Unis – où il était bien connu par l’ichtyologiste nord-américain George Brown-Goode, l’auteur du livre The Principles of Museum Administration, et avec qui il échangeait régulièrement des lettres.

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13L’invitation ne concernait alors que la reconnaissance du rôle central de Von Ihering dans la scène scientifique brésilienne de la fin du XIXe siècle. À São Paulo, il y a eu une riche opportunité de faire organiser, étudier et exposer les collections. Pour « imaginer » le musée de Von Ihering, il faut examiner le guide de visite publié en 1907 – l’une des sources les plus importantes pour comprendre l’organisation du parcours de visite – en tout cas du point de vue de l’exposition des collections.

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1. « Voir » l’histoire au « Museu Paulista » de Von Ihering (1894-1916)

15Le Guia pelas collecções do Museu Paulista (ci-après dénommé « le guide de 1907 ») a été le premier effort de systématisation du parcours de visitation publique au « Museu Paulista ». Le guide de 1907 présente une brève introduction sur le contenu de chaque salle de visitation, où les visiteurs pouvaient organiser leur visite selon leurs propres intérêts.

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17Dans la « Salle d’Honneur », renommée « Salle B-17 », il y avait la monumentale peinture d’histoire « Independência ou Morte ! ». Le guide ne mentionne pas l’existence d'autres objets, mais il nous semble que l’exposition isolée de cette peinture était possible – elle était l’objet le plus remarquable du projet de célébration de l’État indépendant. La collection historique était exposée dans les salles « B-08 » et « B-09 », derrière l’escalier centrale du bâtiment. En plus des « objets historiques », il y avait dans la salle « B-8 » la « galerie des hommes illustres » – essentiellement composée de six portraits commandés (1901-1902) à Benedicto Calixto (1853-1927), peintre d’histoire.

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Figure 3 – « Retrato de D. Pedro I », Benedicto Calixto, huile sur toile, 141 x 100 cm, 1902, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photos : Wikimedia Commons.

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Figure 4 – « Retrato de José Bonifácio de Andrada e Silva », Benedicto Calixto, huile sur toile, 142 x 100 cm, 1902, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Source : Wikimedia Commons.

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Figure 5 – « Retrato de Padre José de Anchieta », Benedicto Calixto, huile sur toile, 140,5 x 101 cm, 1902, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Source : Wikimedia Commons.

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22Le visiteur pouvait y voir les portraits historiques de l’empereur Pierre Ier de Bragance (1798-1834), le « héros de l’État indépendant » (fig. 3), de José Bonifácio de Andrada e Silva (1763-1838), le « patriarche de l’indépendance » (fig. 4), du père jésuite José de Anchieta, « fondateur de la ville de São Paulo en 1554 » (fig. 5). Juste à côté, la salle « B-09 » avaient des armes de feu de l’époque coloniale et impériale, aussi bien que des objets biographiques des autorités civiles et militaires. La peinture d’histoire « Fundação de São Vicente » (1900) (fig. 6), commandée à Benedicto Calixto dans le cadre de la célébration du 400e anniversaire du Brésil en 1900 et envoyée ensuite au « Museu Paulista », était exposée dans la salle de géologie et minéralogie, « B-11 ».

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Figure 6 – « Fundação de São Vicente », huile sur toile, 385 x 192 cm, 1900, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photo : Wikimedia Commons.

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25Isolée des objets exposés dans les salles « B-08 » et « B-09 », la peinture était la première peinture d’histoire de la collection historique et joua un rôle central dans la « célébration de l’histoire de São Paulo et du Brésil » au début du XXe siècle : il faut garder à l’esprit que la ville de « São Vicente » témoigne du début de la colonisation au Brésil et de la formation historique de la nation. La salle « B-11 » conjuguait alors les deux projets du « Museu Paulista » : célébrer la formation naturelle et historique du territoire – et c’est pour cela que la peinture y a été mise. Au début du XXe siècle, le visiteur pouvait connaître l’histoire du Brésil à partir de la biographie des « hommes illustres » de São Paulo et des événements politiques qui ont eu lieu au départ d’une réflexion suscitée par les tableaux et portraits exposés.

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27Le visiteur de 1907 pouvait trouver dans l’aile est de l’édifice la collections des oiseaux (« B-01 », « B-02 » et « B-03 »), des serpents (« B-04 »), des amphibiens et des reptiles (« B-05 ») et des poissons (« B-06 »). Avant de rentrer dans la Salle d’Honneur – située dans le corps central de l’édifice –, la dernière salle de l’aile était dédiée à la collection des insectes (« B-07 »). Dans l’aile ouest, le visiteur pouvait trouver la salle des coraux, coquillages, crabes et araignées (« B-10 ») et ensuite la salle « B-11 », où les collections de minéralogie et paléontologie ont été exposées avec la « Fundação de S. Vicente » (1900).

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Figure 7 – « Guia pelas Collecções do Museu Paulista – São Paulo, Brazil », 1907. Collection de la Bibliothèque du Museu Paulista de l'Université de São Paulo.

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30La peinture d’histoire semble constituer un jalon pour diviser les collections de l'histoire « naturelle » et « humaine » : les collections d'ethnographie et d’archéologie, de numismatique et des cultures indigènes pouvaient être trouvées dans les salles « B-12 », « B-13 », « B-14 » et « B-16 ». Dans les dernières salles de l’aile ouest, « B-15 » et « B-16 », il y avait la collection de mammifères.

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32Le visiteur de 1907 pouvait observer l’histoire naturelle, mais aussi l’histoire de la nation, dans le musée « de » Hermann von Ihering. Les tableaux exposés permettaient de comprendre le récit historique autour de la célébration et de l’événement ou la fondation de la colonie (1532), de l’État impérial (1822) et de la République – le musée lui-même a été un jalon des plus significatifs. La célébration de l’histoire et de la nature fait de ce musée un « musée encyclopédique », mais aussi un « panthéon » commémoratif jusqu’en 1916.

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2. « Voir » l’histoire au « Museu Paulista » de Afonso Taunay (1917-1945)

34Jusqu’en mai 1916, Hermann von Ihering a été le directeur du « Museu Paulista ». Il fut accusé de « mauvaise gestion », raison pour laquelle il s’est éloigné de son poste. Selon quelques recherches récentes (car il n’était pas d’accord avec les actions contre la nature), les forêts ont été de plus en plus détruites, surtout à São Paulo, à cause de l’exploitation intensive de la terre. Cette « raison politique » a été peut-être le point de départ des conflits – en tout cas, il a été reconnu coupable et démissionné de ses fonctions. Hermann von Ihering est disparu en 1930. Il est devenu le « père de l’écologie brésilienne » quelques décennies après sa disparition.

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36L’avocat et journaliste Armando Prado a été embauché pour la direction du musée. Sa gestion n’était qu'une formalité jusqu’en février 1917 quand l’ingénieur, professeur de physique expérimentale et membre de l’« Institut Historique et Géographique de São Paulo », Afonso Taunay (1876-1958), a été enfin embauché comme nouveau directeur – et responsable de la redéfinition de la muséographie et du développement des collections historiques en lien avec la célébration du « Centenaire de l’Indépendance » en 1922.

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38Les nouveaux objets et la nouvelle exposition organisés par Afonso Taunay ont eu lieu pendant au cours de son mandat, jusqu’en 1945. Il a commandé des peintures et des sculptures aux artistes les plus respectés de l’époque – brésiliens et étrangers – pour l’élaboration du projet décoratif pour l’intérieur de l’édifice monumental où le « Museu Paulista » était installé depuis l’année 1894. Il a publié un nouveau « guide de visite » en 1937 pour situer les visiteurs dans les collections historiques élargies. Quel « récit de l’histoire nationale » le visiteur des années 1920, 1930 et 1940 pouvait-il alors rencontrer ?

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40Les changements affectant l’exposition ont commencé juste après la nomination de A. Taunay : en décembre 1917, le directeur a inauguré la première salle (« A-10 ») dédiée à la collection historique : il s’agissait d'objets cartographiques, lettres et documents diversifiés sur la formation historique « pacifique », du territoire de la nation brésilienne.

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42Avant tout, il faut préciser que le « projet décoratif » et les nouveaux objets acquis lors de l’agrandissement de la collection du musée ne sont pas le résultat d’un processus continu. Taunay avait fait ses efforts au cours des décennies où il était chargé de la direction : le guide susmentionné a été publié en 1937 justement parce que ce n’est qu’à cette date que le directeur était sûr que les collections et l’exposition soient finis. Au cours des années 1920, 1930 et 1940, il est devenu l’autorité la plus remarquable de l’histoire du Brésil. L’« ingénierie historique » d’Afonso Taunay avait transformé le « Museu Paulista » effectivement en un « musée national », où l’histoire de São Paulo « était » l’histoire du Brésil.

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44Ces changements peuvent être compris à partir de l'exemple de la salle « A-10 », que nous allons à présent aborder. Jetons maintenant un bref coup-d’œil au musée que le visiteur pouvait rencontrer en 1937.

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46Selon le guide, les collections historiques ont été organisées en 17 salles d’exposition. Dans le « Hall » du musée, il y avait deux grandes sculptures en marbre – les deux commandées par Taunay à Luigi Brizzolara, sculpteur italien – pour répresenter « Antonio Raposo Tavares » et « Fernão Dias Paes Leme », explorateurs de la période coloniale et « héros » de l’expansion du territoire brésilien. Il y avait aussi quatre portraits historiques des principaux personnages de la colonisation commandés à José Wasth Rodrigues (1891-1957), peintre d’histoire : le roi Jean IIIe de Portugal, le navigateur portugais « Martim Afonso de Souza », responsable pour l’établissement de la colonie à São Vicente, le chef indigène « Tibiriçá » et son petit-fils et « João Ramalho » et son petit-fils.

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Figure 8 – « Escultura de Antonio Raposo Tavares », Luigi Brizzolara, marbre, 395 x 182 cm, 1922, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photo : Wikimedia Commons.

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Figure 9 – « Escultura de Fernão Dias Pais Leme », Luigi Brizzolara, marbre, 400 x 165 cm, 1922, Collection du Museu Paulista de l'Université de São Paulo. Photo : Wikimedia Commons.

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50Bref, le visiteur pouvait rencontrer la formation historique du territoire national (salle « A-10 »), l’ancienne ville de São Paulo et son iconographie (« A-11 » et « A-12 »), la « vie domestique » et la topographie urbaine de l’ancienne ville en 1840 (« A-13 », « A-14 » et « A-15 »), les arts « primitifs et religieux », meubles inclus (« A-16 »). Dans la même galerie que les salles d’exposition, il y avait encore une salle pour les expéditions fluviales des XVIIe et XVIIIe siècles (« A-09 ») et aux inventeurs « Père Bartholomeu de Gusmão » et à « Alberto Santos Dumont », inventeurs de l’aérostate d’air chaud et de l’avion respectivement (salles « B-09 » et « B-10 »).

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52Afonso Taunay s’est occupé de « refonder » la collection de peintures : il a demandé d’envoyer les tableaux historiques de la collection de la Pinacothèque de l’État de São Paulo (fondée en 1905) au « Museu Paulista ». Il s'agissait de ceux qu’il voulait utiliser dans la nouvelle exposition : « Partida da Monção », « Desembarque de Pedro Álvares Cabral em Porto Seguro em 1500 » et « Fundação da Cidade de São Paulo ». Ils ont été installés respectivement dans les salles « A-09 », « A-12 » et « A-15 ».

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54En outre, Afonso Taunay a été commanditaire des œuvres d’art. Par exemple, dans les escaliers, Taunay a commandé une série sculpturale : l’empereur Pierre Ier au centre et à son entourage les « bandeirantes », « constructeurs du territoire brésilien » – selon le récit historique qu’il avait élaboré pour le musée. Pour la « Salle d’Honneur », Taunay a commandé quatre tableaux historiques : « Sessão das Cortes de Lisboa » et « Príncipe Dom Pedro e Jorge de Avilez a Bordo da Fragata União » à Oscar P. da Silva et les portraits de l'impératrice Leopoldina », épouse de Pierre Ier, et « Maria Quitéria de Jesus Medeiros », l’héroïne de l’expulsion de l’armée portugaise, à Domenico Failutti (1872-1923), peintre italien.

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56Les événements représentés sur les tableaux historiques commandés par A. Taunay – aussi bien que les personnages portraiturés – témoignent le « processus historique » et non seulement le « fait historique » – c’est-à-dire, la « proclamation de l'indépendance » au tableau de Pedro Américo Figueiredo de Mello susmentionné. Enfin, la « Salle d’Honneur » était la fin du parcours prévu. Pour mieux comprendre les changements de l’exposition de la collection historique, il faut revenir à la salle « A-10 », le début de ce parcours et où le tableau (aussi susmentionné) « Fundação de São Vicente » était exposé depuis 1917.

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Figure 10 – Photographie de la « Salle d’Honneur » dans le guide de 1937 : « Independência ou Morte ! » à gauche et « Maria Quitéria de Jesus Medeiros », de Domenico Failutti, huile sur toile, 233 x 133 cm, 1920, à droite. Collection de la Bibliothèque du Museu Paulista de l'Université de São Paulo.

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Figure 11 – Une autre perspective de la « Salle d’Honneur » dans le guide de 1937 : « Sessão das Cortes de Lisboa, huile sur toile, 315 x 262 cm, 1922, à gauche et « Príncipe Dom Pedro e Jorge de Avilez a Bordo da Fragata União », huile sur toile, 330 x 277 cm, 1922, à droite. Collection de la Bibliothèque du Museu Paulista de l'Université de São Paulo.

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3. De l’événement célébré au début de l’encadrement historique : la « Fundação de São Vicente » au Museu Paulista (1900-1945)

60Les salles où la collection historique était exposée jusqu’en 1917, « B-08 » et « B-09 », n’avaient pas survécu aux débuts de l’administration de Afonso Taunay car, selon lui, jusqu’à ce moment-là, Von Ihering n’avait pas bien adapté les objets à l’exposition auparavant montrée. Inaugurée le 24 décembre 1917, la salle « A-10 » était le début du parcours autour de la collection historique, nous l'avons déjà dit. La conception visuelle de la salle témoigne de la différence de ce que c’était « voir l’histoire » dans les expositions de Von Ihering et de Afonso Taunay.

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62Taunay a repris les portraits historiques susmentionnés exposés à l’ancienne salle B-08 et il les a installés autour de la peinture « Fundação de São Vicente », aussi enlevée de la salle « B-11 », où elle partageait l’espace avec des collections géologiques et dont le sens était la formation « naturelle et historique » du territoire de la nation. En mettant les portraits à proximité, il faut avoir à l’esprit que les portraiturés devenaient une partie spécifique de l’histoire du Brésil : la « galerie des hommes illustres » n’était plus. Bien que l’importance de ces hommes soit maintenue, le terme « illustre » qualifie l’histoire elle-même : c’est la biographie de la nation. Le tableau historique « Fundação de São Vicente », que Taunay a installé au centre de la disposition visuelle, a réordonné les portraits, les cartes, les lettres et les documents officiels disposés à son entourage.

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64Plus que commémorer l’événement de la fondation de la première colonie, il faut percevoir l'encadrement processuel de l’histoire à partir de la ville de São Vicente : ces changements sont observables grâce aux objets que Taunay a installé dans la salle « A-10 », où il continue d’ajouter des objets, des portraits et documents papier au fil des ans.

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66En 1922, il a installé juste en face de la peinture la « Carte Générale » des chemins vers l’intérieur du territoire : une carte en grand format de tous les chemins utilisés au XVIIe siècle pour l’exploration du territoire, ce que donne l’idée de la relation entre eux : la formation de la nation a commencé par la côte maritime à São Vicente, d’où sont partis les expéditions dexploration et de colonisation qui ont formé le territoire national, toujours à partir de São Paulo, de la fondation de la colonie jusqu’à la proclamation de l’indépendance.

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Figure 12 – Le tableau « Fundação de São Vicente » exposé dans la salle « A-10 », selon le guide de 1937 – à droite, le portrait de « Padre José de Anchieta » : la « fondation » de la colonie et le « fondateur » de la ville de São Paulo. Collection de la Bibliothèque du Museu Paulista de l'Université de São Paulo.

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Figure 13. Juste en face du tableau « Fundação de São Vicente », il y avait la « Carte Générale » et à sa droite les portraits de « D. Pedro Ier » et de l’explorateur et militaire « Domingos Jorge Velho », huile sur toile, 160 x 99 cm, 1903, de Benedicto Calixto : Les « explorateurs » (« Bandeirantes ») sont partis de São Vicente pour « découvrir et conquérir les territoires » qui deviendraient le pays, selon l’exposition de Afonso Taunay. Collection de la Bibliothèque du Museu Paulista de l'Université de São Paulo.

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70Imaginer les parcours de visite au « Museu Paulista » dans la première moitié du XXe siècle est possible : les deux « guides » ont constitué les sources fondamentales pour comprendre l’historicité de la muséographie – particulièrement le guide de 1937, enrichi des photographies des salles d’exposition. Le cas de la peinture « Fundação de São Vicente » est singulier et nous a aidé à tenir en compte les changements qui ont eu lieu entre 1907 et 1937. Les objets ont revêtu des sens différents, en fonction de la manière dont ils ont été exposés. Quoiqu’il en soit, qu’il s’agisse de l’événement où de l’encadrement historique, l’histoire est toujours concentrée dans la période entre la fondation de la colonie (1532) et la proclamation de l’indépendance (1822). Autrement dit, au « Museu Paulista » au cours de la première moitié du XXe siècle, l’histoire du Brésil est toujours l’histoire de São Paulo, soit dans la colonie, dans l’Empire et surtout dans la République.

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To cite this article

Eduardo Polidori, «Voir l’« Histoire du Brésil » au Museu Paulista : un bref essai sur les « guides de visite » (c. 1900 – c. 1940)», Les Cahiers de muséologie [En ligne], Carnets de visite, Numéro 2, p. 131-144 URL : https://popups.uliege.be/2406-7202/index.php?id=1103.

About: Eduardo Polidori

Eduardo Polidori est historien et titulaire d’un master en Muséologie de l’Université de São Paulo en 2018. Il est actuellement assistant de recherche au Museu Paulista (2020-2022). Il poursuit des recherches sur l’histoire des musées et des collections.