Les Cahiers de muséologie

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Benoît Leysten

Le Musée du capitalisme. Une exposition citoyenne et engagée

(Numéro 2 — Carnets de visite)
Compte-rendu
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Mots-clés : capitalisme, exposition, citoyenneté active
Keywords : capitalism, exhibition, active citizenship

1. Présentation du Musée du capitalisme

1Le Musée du capitalisme est une exposition itinérante, interactive et participative dont l’objectif est de permettre à chaque visiteur de mieux saisir et appréhender notre système économique, culturel et social. En offrant un tel espace d’apprentissage et de réflexion critique sur la société d’aujourd’hui, le musée s’est indéniablement inscrit dans une logique, non pas « partisane »1, mais résolument engagée. C’est ce qui fait l’originalité du projet alors que les institutions muséales sont souvent frileuses lorsqu’il s’agit d’aborder certains sujets polémiques appartenant au présent.

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3Portée par une dizaine de bénévoles âgés de 24 à 31 ans et inaugurée en février 2014 à la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin de Namur (Belgique), l’exposition a été présentée dans la presse comme le premier musée du capitalisme au monde. L’origine de cette initiative citoyenne est à mettre en lien avec le Musée du communisme à Prague, en République tchèque. Deux ans avant l’inauguration du Musée du capitalisme, l’un de ses contributeurs a découvert cette institution muséale praguoise proposant un aperçu de l’ère communiste. Suite à cette découverte, il s’est renseigné sur l’existence d’un éventuel musée consacré au système capitaliste, en vain. C’est de ce constat d’absence qu’est né la dynamique qui a donné naissance au Musée du capitalisme (L’Avenir-Namur, 15 février 2014, p. 32).

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5La mise en place d’une telle exposition a nécessité un budget de 20.000 euros. Pour ce faire, les initiateurs de ce projet collectif, regroupés au sein d’une association sans but lucratif (ASBL), ont notamment été soutenus par le Bureau International Jeunesse, le Forum Universitaire de Coopération Internationale et de Développement (FUCID) et le service Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le musée a également pu compter sur l’apport financier de mécènes privés (La Libre Belgique-Namur/Luxembourg, 13 février 2014, p. 15).

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7Depuis cette inauguration en 2014, le Musée du capitalisme est devenu itinérant, un « musée nomade » selon le site du musée (Musée du Capitalisme s. d.). Son nom ne doit toutefois pas porter à confusion2. Il s’agit bien d’une exposition bilingue français-néerlandais ouverte à tous les publics dès l’âge de 15 ans. D’année en année, elle parcourt la Belgique et, fait intéressant, elle a été jusqu’à maintenant quasiment exclusivement accueillie sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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9À l’occasion de sa quatorzième édition en janvier et février 2020, le Musée du capitalisme a posé ses valises à Verviers, au Centre Touristique de la Laine et de la Mode (CTLM). Sa venue était le fruit d’un travail entre plusieurs institutions (Centre Culturel de Dison, Centre Culturel de Verviers, CRVI, etc.) et acteurs issus du monde associatif verviétois, dont le Centre d’Information et d’Éducation Populaire (CIEP). Plusieurs citoyens mais aussi des travailleurs, issus de ces organismes, ont suivi une formation de deux jours pour devenir guide au sein du Musée du capitalisme.

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Figure 1 – Musée du capitalisme au CTLM. Photo : Frédéric Muller.

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12En tant qu’animateur en éducation permanente au CIEP Verviers, nous avons nous-même bénéficié de cette formation et guidé au total une dizaine de visites. Cette immersion à l’intérieur même du processus nous permet ainsi d’exploiter un autre point de vue sur ce projet qui, espérons-le, s’avérera complémentaire.

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2. La structure et le parcours de l’exposition

14Le Musée du capitalisme se définit avant tout comme un espace de réflexion et de débat sur notre système économique qui régit nos vies. Le rôle du guide, loin d’être un expert d’une thématique aussi large, est dès lors, « dans une démarche d’éducation permanente, d’accompagner plus que [de] guider »3.

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16L’exposition a été subdivisée en quatre espaces qui se succèdent : les origines, les espoirs, les limites et les alternatives au capitalisme.

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Figure 2 – Les quatre espaces de l’exposition. Photo : Benoît Leysten.

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19Au sein de la première salle, une définition de cette notion, très souvent connotée, est proposée et débattue avec les visiteurs :

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« Le capitalisme est un système caractérisé par l’exigence d’accumulation de profit à travers la propriété privée ».

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22Celle-ci est essentielle car il s’agit du fil rouge de l’exposition. Elle est présente et déconstruite au début de chaque espace. Cette définition, sujette à de nombreux débats dans le domaine académique, est un choix de la part de l’équipe du musée. Après un échange sur cette définition, la visite se poursuit avec la découverte d’une fresque, en forme de planisphère, fournissant quelques dates repères et devant permettre de découvrir les origines du système capitaliste. L’exposition ne donne pas une date précise pour la naissance du capitalisme mais aboutit à une série de réflexions. Ainsi, il serait le moteur des progrès technologiques mais aussi un mécanisme d’exploitation qui serait apparu avec l’accélération des échanges et transferts monétaires. Cette première salle aborde aussi les âges du capitalisme, qui aurait évolué au fil du temps, et insiste sur le fait qu’il existerait différentes formes de capitalisme, se déclinant notamment selon les pays.

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24Après ce premier espace, le visiteur entre dans la salle des espoirs. Avec la révolution industrielle, le monde occidental a connu un enrichissement dans la deuxième moitié du XXe siècle et le capitalisme a été le porteur de nombreux espoirs, notamment grâce aux luttes sociales. Devant bénéficier à tous, le système capitaliste a favorisé au fil des décennies : les progrès technologiques, la réduction du temps de travail et le développement des loisirs, la mondialisation et la naissance de nouvelles institutions (ONU, OMS, etc.), l’accès à une consommation de masse, l’accès à une alimentation variée, l’augmentation de l’espérance de vie et le développement du « mythe américain » et du « self-made man »4.

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26Ensuite, les visiteurs progressent dans la troisième salle dite « des limites ». Il s’agit en quelque sorte de l’envers de la médaille de l’espace précédent. On y retrouve l’opacité dont les banques font preuve à l’égard de leurs investissements, un monde de la finance déconnecté de la réalité, une fragilisation des producteurs et agriculteurs face aux grandes multinationales, des inégalités grandissantes dans la répartition des richesses, la pression sur les travailleurs et le mal-être, la surconsommation des biens, l’exploitation de l’Afrique, l’exploitation croissante des ressources naturelles ou encore l’urgence climatique.

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Figure 3 – Salle des limites. Photo : Benoît Leysten.

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29Cette salle se termine par un sas exigu où les noms de nombreux objets sont inscrits sur les parois en plusieurs langues. En « noyant » les visiteurs de la sorte, l’idée est de les questionner sur l’obsolescence programmée, l’individualisation des objets ou encore l’omniprésence de la publicité dans nos sociétés contemporaines.

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Figure 4 – Entrée du sas. Photo : Benoît Leysten.

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32L’exposition se clôt par la salle consacrée aux alternatives. Répondant à la célèbre expression attribuée à Margaret Tatcher « There is no alternative », la contre-citation de la militante altermondialiste Susan George accueillait les visiteurs verviétois dans ce dernier espace : « There are thousands of alternatives ».

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34L’objectif de cette dernière salle n’est pas de dire qu’il existe une alternative précise et définie, mais, au contraire, de montrer aux visiteurs qu’il existe plusieurs voies possibles pour l’avenir à l’intérieur (via des réformes ou des initiatives citoyennes5) ou en dehors-même du système (le communisme, l’anarchisme, l’écologie radicale ou encore l’écosocialisme). Le but est aussi de proposer un lieu de débat aux visiteurs afin qu’ils ressentent la possibilité d’agir et deviennent des acteurs de notre système et de son changement. À côté de la fresque finale reprenant de nombreuses alternatives destinées à être débattues, un panneau est aussi présent afin de recueillir les post-its ou autocollants des citoyens souhaitant partager leurs propres idées d’alternatives.

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Figure 5 – Légende du panneau : « Des idées d’alternatives ? Exprimez-vous ! ». Photo : Benoît Leysten.

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37Par ailleurs, il faut aussi souligner que cette salle avait été personnalisée par les partenaires verviétois du projet. Afin de sortir du cadre théorique, plusieurs alternatives locales ont été mises en avant sur la fresque en question (comme un magasin coopératif local ou encore la monnaie alternative verviétoise : le Val’Heureux).

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Figure 6 – Fresque finale présentant des alternatives (personnalisée avec des initiatives verviétoises). Photo : Louisa Kara.

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3. Les outils pédagogiques

40L’exposition repose principalement sur des panneaux didactiques, des outils pédagogiques pour l’animation des groupes, des capsules audio et vidéo et quelques objets du quotidien. Outre la question de la collecte de l’objet contemporain et de sa légitimité, nous sommes donc fort éloignés d’une logique d’objets exposés ou d’une collection gérée et conservée à des fins de transmission d’un savoir.

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42Au-delà de la thématique, l’originalité de cette exposition s’explique aussi par la place dédiée aux outils pédagogiques qui sont disséminés tout au long du parcours. Au vu de leur nombre, nous ne pouvons pas tous les présenter. Les éléments décrits ici-bas ont donc été sélectionnés par nos soins.

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44Le premier outil sur lequel nous désirons nous attarder est le jeu de la balance. Disposée au sein du premier espace de l’exposition, cette balance permet à plusieurs volontaires de « construire ensemble leur société idéale ». Ces derniers l’élaborent en répartissant différents éléments au fondement même de notre système : la propriété, la richesse, les ressources et la gestion du marché. Chaque paramètre comprend trois poids à placer. Par exemple, le visiteur a le choix, pour le marché, de placer tous ses poids d’un côté de la balance pour obtenir un marché complètement dérégulé ou, au contraire, de l’autre côté afin d’imposer un marché régulé entièrement par l’État. Bien sûr, d’autres répartitions moins extrêmes sont possibles, mais cet exercice permet avant tout de créer une discussion et des échanges. Ce jeu doit par la même occasion démontrer que le système économique est modulable et qu’il existe en réalité une multitude de formes de capitalisme.

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Figure 7 – Jeu de la balance dans la salle des origines. Photo : Benoît Leysten.

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47La question des inégalités sociales est un autre élément crucial abordé au sein de l’exposition. Pour ce faire, l’équipe du musée a mis en place une animation relativement simple, mais percutante, appelée la « marche des privilèges » qui est beaucoup employée en éducation permanente. Le guide fait appel à deux volontaires, de préférence un homme et une femme, qui s’alignent sur un point de départ (« start »). Le guide pose alors une série de questions. Si le volontaire répond par l’affirmative, il peut s’avancer d’une case. Dans le contraire, il reste sur place. L’objectif de cette animation est de démontrer que nous ne partons pas tous avec les mêmes chances. Il s’agit ainsi de remettre en question le mythe du rêve américain présent dans l’espace des espoirs mais aussi d’aborder des thèmes variés comme le féminisme ou les discriminations.

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Figure 8 – Marche des privilèges. Photo : Benoît Leysten.

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50Enfin, un outil est dédié à l’environnement et à la crise climatique. Une sphère, remplie d’eau, représente la terre tandis que l’eau incarne les ressources limitées de la planète. Plus les années passent (de 1800 à 2100), plus le visiteur a la possibilité de se rendre compte que la régénération des ressources naturelles ne suit plus face à la consommation humaine. Ainsi, il s’agit de faire prendre conscience que nous consommons et polluons plus que ce que la terre peut supporter. Divers panneaux, abordant la déforestation, la pollution des rivières et des océans ou encore l’extinction massive des espèces animales, complètent ce focus consacré à l’environnement.

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Figure 9 – Focus environnement dans la salle des limites. Photo : Judith Van Parys.

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4. Une exposition citoyenne et engagée : une inspiration pour le champ muséal ?

53Le Musée du capitalisme est une exposition audacieuse et innovante. Preuve de l’engouement en faveur d’une telle thématique, le projet n’est désormais plus une expérience isolée. Deux autres organisations ont, selon le site du musée, vu le jour depuis février 2014 : le Museum des Kapitalismus à Berlin (juin 2014) et le Museum of Capitalism à Oakland en Californie (2017).

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55Outre son sujet, la particularité du Musée du capitalisme repose aussi sur son origine citoyenne. Ses concepteurs ont tenté de vulgariser pour un large public un système de plus en plus opaque et difficile à cerner pour de nombreux citoyens. Cette approche a néanmoins ses limites. En adoptant un point de vue global, le rôle des luttes sociales et syndicales est à peine mentionné. Cet aspect historique aurait mérité une plus grande place au sein du parcours. L’absence de commissaires d’exposition est aussi un élément à prendre en considération. Cela peut s’avérer tout autant regrettable pour une exposition qui se veut engagée.

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57À propos de la lisibilité de l’exposition, la quantité de texte et les très nombreuses animations peuvent se transformer en freins pour les visiteurs, ce qui explique la nécessité pour le guide d’opérer des choix sur les animations et les thématiques présentées. De plus, cette impression de surcharge peut nuire tout spécialement aux visites individuelles. Cette dernière remarque doit toutefois être nuancée puisque le but de l’exposition est, entre autres, de créer des débats et interactions, via la figure du guide, au sein d’un groupe. C’est dans cette optique que l’exposition a été conçue.

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59Au final, le Musée du capitalisme s’avère être un outil de citoyenneté active. En suscitant la réflexion et le développement de l’esprit critique, le projet s’inscrit dans une dynamique d’éducation et de vulgarisation. Il offre ainsi aux visiteurs un espace de dialogue, de questionnement et de débat sur notre actualité économique, structurant nos vies quotidiennes, et ses impacts sociaux et climatiques. En ce sens, l’exposition se rapproche des missions des organismes de jeunesse devant « favoriser le développement d'une citoyenneté responsable, active, critique et solidaire chez les jeunes »6. Les nouveaux statuts de l’ASBL, adoptés en juin 2020, soulignent d’ailleurs cette sensibilisation auprès des jeunes en vue de contribuer à l’exercice d’une citoyenneté active, critique et solidaire (annexes du Moniteur belge 2020, p. 1). Sans surprise, l’ASBL tente depuis plusieurs années d’être reconnue comme un organisme de jeunesse tout en développant de nouveaux projets. En outre, l’exposition rejoint aussi, selon nous, les critères de l’éducation permanente ayant pour objectif de développer principalement chez les adultes « une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société »7. Ce dernier élément explique la présence au sein du partenariat d’associations verviétoises actives en éducation permanente.

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61Le Musée du capitalisme témoigne également d’une dynamique séduisante incitant à questionner le modèle muséal traditionnel. Nous ne rentrerons pas ici dans une réflexion pointue sur la définition même du musée ainsi que ses missions, une réflexion déjà initiée par l’ICOM (Conseil international des musées) en 20198 et sujette à de nombreux débats depuis de nombreuses années9. Si nous nous référons à la définition actuelle du musée adoptée par l’ICOM en 200710, le Musée du capitalisme ne remplit pas tous les critères d’un musée traditionnel. Il n’est pas une institution permanente même si l’ASBL est à la recherche d’un lieu pour accueillir l’exposition de manière fixe et permanente. Il ne s’agit pas non plus d’un lieu qui acquiert, conserve, étudie et transmet un patrimoine matériel ou immatériel en lien avec le capitalisme. Le projet ne répond d’ailleurs pas aux critères fixés par la Fédération Wallonie-Bruxelles imposant, entre autres, aux institutions souhaitant être reconnues comme musée de « disposer d’une collection permanente présentant un intérêt patrimonial »11. En somme, le Musée du capitalisme semble fort éloigné du champ muséal. Or, l’institution s’est bien dénommée « musée ». L’utilisation de ce terme est évidemment une allusion au Musée du communisme à Prague qui conserve les traces matérielles d’une époque aujourd’hui révolue, alors que le Musée du capitalisme s’interroge sur un système économique, social et culturel qui structure notre société actuelle.

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63La prochaine orientation de l’ICOM, devant fixer tant la définition que les missions des musées du XXIe siècle12, accentuera peut-être l’intérêt des institutions muséales envers les défis actuels, mais aussi futurs, de notre société contemporaine en dépassant les missions de préservation et de transmission. Ainsi, les musées pourraient s’emparer davantage de sujets en lien avec la crise climatique, la dégradation de l'environnement, la diversité culturelle ou encore l'exclusion sociale de nombreuses communautés, comme le soulignait déjà en 2009 Robert Janes (Janes 2009) qui a récemment co-dirigé avec Richard Sandell un ouvrage dédié à l’« activisme muséal », indispensable selon eux aux pratiques muséales de ce siècle (Janes & Sandell 2019). Si une telle voie est choisie par le champ muséal mais aussi actée et concrétisée par les autorités politiques, le Musée du capitalisme pourra peut-être servir de source d’inspiration pour les musées de demain, notamment au travers la mise en place d’expositions plus participatives et engagées. En Belgique francophone, la frontière entre les missions des musées, des organismes de jeunesse et de l’éducation permanente pourrait alors être considérablement réduite.

Bibliographie

Aerts Benoît, 2014 : « "Le seul musée de ce type au monde" », La Libre Belgique-Namur/Luxembourg, 13 février, p. 15.

 

Annexes du Moniteur belge, 2020 : Assemblée générale du Musée du capitalisme du 22 juin 2020, 5 octobre, p. 1.

 

Brulon Soares Bruno, 2020 : « Définir le musée : défis et compromis au XXIe siècle », ICOFOM Study Series, n° 48-2, décembre, p. 33-50.

 

Gob André & Drouguet Noémie, 2014 : La muséologie. Histoire, développements, enjeux actuels, Paris, Armand Colin [4e édition].

 

Janes Robert, 2009 : Museums in a Troubled World : Renewal, Irrelevance or Collapse ?, Londres et New York, Routledge.

 

Janes Robert & Sandell Richard, 2019 : Museum activism, Londres et New York, Routledge.

 

Mairesse François (dir.), 2017 : Définir le musée du XXIe siècle. Matériaux pour une discussion, Paris, ICOFOM.

 

Musée du Capitalisme, s. d. : « Musée Nomade – Musée Itinérant », in site du Musée du Capitalisme [en ligne]. Disponible sur : https://museeducapitalisme.org/projets/musee-nomade/ (consulté le 5 août 2021).

 

Raoul-Duval Juliette, 2019 : « Vif débat sur la "définition des musées" à l’Icom ? », La Lettre de l’OCIM, n° 186, novembre-décembre, p. 12-14.

 

Roquiny Marie, 2014 : « Musée du capitalisme, un espace citoyen », L’Avenir-Namur, 15 février, p. 32.

 

Annexes

Liste des abréviations

CIEP : Centre d’Information et d’Éducation Populaire.

CRVI : Centre Régional de Verviers pour l’Intégration.

CTLM : Centre Touristique de la Laine et de la Mode.

ICOM : Conseil international des musées.

Notes

1 Selon le site officiel du musée. « Présentation – Collectif du Musée du Capitalisme », in site du Musée du Capitalisme [en ligne]. Disponible sur : https://museeducapitalisme.org/presentation/ (consulté le 5 août 2021).

2 Par ailleurs, il est intéressant de souligner que le terme « musée » n’est pas protégé en tant que tel (Gob & Drouguet 2014, p. 55).

3 Selon le carnet de formation : Visites guidées au Musée du capitalisme – guide des guides, p. 1 [document inédit].

4 Le rêve américain est l’idée selon laquelle n’importe quelle personne, qu’elle soit fils ou fille d’ouvrier ou de diplomate, peut réussir dans la vie et accomplir une ascension sociale grâce à son travail, sa détermination et son courage.

5 Par exemple un marché financier régulé par l’État, une redistribution égalitaire des profits, le développement des coopératives, un meilleur partage du temps de travail, la licence libre, etc.

6 Selon le décret fixant les conditions d'agrément et d'octroi de subventions aux organisations de jeunesse du 26 mars 2009.

7 Selon l'article 1er du décret du 17 juillet 2003 relatif au développement de l'action d'éducation permanente dans le champ de la vie associative (modifié le 14 novembre 2018).

8 Pour rappel, suite à d’intenses débats, l'assemblée générale extraordinaire de l’ICOM a reporté en septembre 2019 son vote sur la nouvelle définition du musée : « les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dé­positaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples. Les musées n’ont pas de but lucratif. Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour les diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire ». Une nouvelle définition du musée devait être proposée et adoptée en 2022 (Raoul-Duval 2019, p. 12-14).

9 Cet élément était par exemple déjà perceptible en 2017 via la publication de François Mairesse, professeur de muséologie à l’Université Sorbonne nouvelle. Son ouvrage, reposant notamment sur une quarantaine de contributions de chercheurs et professionnels du champ muséal, illustre parfaitement les différentes visions d’un musée et de ses missions, variant notamment selon certaines régions du globe (Mairesse 2017).

10 « Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation » (Gob & Drouguet 2014, p. 44).

11 Article 7 du décret relatif au secteur muséal en Communauté française du 25 avril 2019.

12 Pour en saisir tous les enjeux, nous renvoyons nos lecteurs vers le texte de Bruno Brulon Soares, professeur en muséologie à l’Université fédérale de Rio de Janeiro (Soares Brulon 2020).

Pour citer cet article

Benoît Leysten, «Le Musée du capitalisme. Une exposition citoyenne et engagée», Les Cahiers de muséologie [En ligne], Carnets de visite, Numéro 2, p. 117-130 URL : https://popups.uliege.be/2406-7202/index.php?id=1153.

A propos de : Benoît Leysten

Benoît Leysten est titulaire d’un master en Histoire de l’Université de Liège (2016-2018). Diplômé avec distinction, il a consacré son mémoire au libéralisme liégeois et au Mouvement wallon dans les années 1960 et 1970. Il est aussi titulaire d’un master en Histoire de l’art et archéologie (à finalité spécialisée en Muséologie) entrepris à l’Université de Liège en 2018-2019.