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Un engagement social envers la muséologie1
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Sur la base de son récit de vie, l’auteure de cet article présente les aspects qu’elle considère importants pour la formation de son engagement social, en mettant l’accent sur les circonstances, les contextes et les cheminements qui ont contribué à sa mise en œuvre. Le texte aborde les processus qui se sont révélés utiles à l’application d’actions muséologiques engagées dans la transformation et l’amélioration de la qualité de vie, en se concentrant sur la formation du muséologue professionnel ainsi que sur le sens et l’usage qui ont été accordés à la muséologie.
Abstract
Starting from the narrative of her own life’s history, the author presents aspects that she considers have been important in forming her social commitment, accenting the sceneries, the contexts and the routes that contributed to their operationalization. She points out processes she considers have been useful for the application of museological actions committed to the transformation and improvement in the quality of life, emphasizing the training of the professional museologist, as well as to the sense and the use which have been attributed to Museology.
Table of content
1« Lorsque les historiens tentent d’appréhender une période qui a laissé des témoins oculaires, deux concepts d’histoire très différents s’affrontent ou, dans le meilleur des cas, se complètent : l’érudit et l’existentiel, l’archive et la mémoire personnelle. Car tout un chacun est un historien de sa propre vie, vécue en pleine conscience dans la mesure où il se concilie avec celle-ci en son esprit. Un historien peu fiable de la plupart des points de vue, comme le savent tous ceux qui se sont aventurés dans l’"histoire orale", mais un historien dont la contribution est essentielle. » (Hobsbawm 1989, p. 4)2
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Introduction
3Les invitations qui me sont adressées par des collègues, à donner des conférences, à rédiger des textes, à développer des projets, des cours et d’autres activités, m’ont toujours motivée à porter un regard réflexif sur mon cheminement professionnel, dans l’optique de contribuer à la formation de ceux qui militent dans les domaines de l’éducation et de la muséologie, tout en m’enrichissant. Systématiser et repenser cette longue trajectoire, partagée de manière joyeuse et agréable avec des collègues de différentes générations, me permet d’entrevoir de nouvelles opportunités d’action-réflexion, forte de la conviction que l’Histoire est possibilité et non détermination, comme l’a déclaré Paulo Freire. En accueillant favorablement l’invitation de mon collègue Mario Chagas, un compagnon d’activisme muséologique, à contribuer à ce numéro des Cahiers du CEOM, je m’attelle à réfléchir sur la présence de la muséologie sociale dans mon parcours professionnel.
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5Pour construire mon discours et mon argumentation, j’ai choisi comme système de référence les dossiers des projets dans lesquels j’ai été impliquée, les réflexions menées au long de ma carrière de muséologue et de professeure dans les Cours de muséologie de l’Université fédérale de Bahia (UFBA) et de l’Université lusophone des sciences humaines et technologies de Lisbonne (ULHT), ainsi que mon expérience professionnelle comme coordinatrice de l’Axe 3 de la Politique nationale des musées ou encore, plus récemment, comme Directrice des musées de l’Institut du patrimoine artistique et culturel de l’État de Bahia (IPAC). Un grand nombre de ces expériences ont déjà fait l’objet de comptes rendus dans mes propres publications, que l’on trouvera mentionnées dans les références bibliographiques de cet article.
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7Par conséquent, l’argumentation qui servira de base à mon discours ne peut se construire sans expliciter ma propre compréhension de la place du social dans la muséologie, à partir de mon expérience personnelle. J’ai ainsi choisi de présenter les conjonctures, les contextes et les cheminements qui l’ont marquée, tout en soulignant quelques aspects qui, à mon avis, peuvent être utiles à l’application de processus muséologiques engagés dans la transformation et l’amélioration de la qualité de vie. En fin de compte, la présente contribution cherche à ouvrir une discussion autour de l’interrogation suivante : est-il question de la présence du social dans la muséologie, ou d’une Muséologie sociale en tant que telle ?
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9Il me semble donc que ce texte n’est rien d’autre que le simple récit d’une histoire de vie qui, je l’espère, pourra en stimuler beaucoup d’autres, encore somnolentes, mais qui assurément pourront contribuer à la construction de connaissances dans notre domaine d’activité et à l’application de processus muséologiques plus humains, empreints de gaîté et de plaisir.
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Des conjonctures et des contextes : l’itinéraire et l’opérationnalisation d’un engagement social
11Débattre de la présence du social dans mon exercice professionnel ne peut faire l’économie d’une analyse de mon épanouissement personnel, et plus particulièrement de la phase de ma jeunesse lorsque, à mon sens, les piliers de mon engagement social ont été mis en place. Ce compte rendu sera important pour certains arguments que j’ai l’intention de développer tout au long du texte, sans lequel ils se tiendraient, à mon sens, dans un vide.
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13Lorsque l’on atteint la maturité, il est difficile de sélectionner les quelques contextes et circonstances qui ont constitué notre parcours, notamment parce que la mémoire et l’oubli vont de pair. Nous sommes confrontés à ce fait quotidiennement dans notre domaine d’activité, et d’ores et déjà nombre d’auteurs nous ont fourni la base d’une analyse plus approfondie sur ce sujet. Je précise donc que cet exercice de réflexion sur ma formation et mon activité professionnelle, je le ferai à partir de mon point de vue actuel, et sans prétention de m’acquitter de leur restitution. Ceci, nous le savons, est impossible. Dans les pas de Jacques Le Goff, je rechercherai dans ma mémoire certaines informations, pour les référer en premier lieu à un ensemble de fonctions psychiques, par lesquelles seront mises à jour des impressions ou des informations passées, en les présentant comme passées.
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La formation d’un engagement social
15J’ai vécu intensément ma jeunesse, dans les années 1960. Au cours de cette période, le septième recensement général du Brésil avait dénombré une population de 70.992.343 habitants, dont 15.816.000 analphabètes âgés de plus de 10 ans. Comme beaucoup d’autres camarades de ma génération, j’ai écouté les Beatles et les Rolling Stones, Chico Buarque, Gilberto Gil, Caetano Veloso, Maria Bethânia ; j’ai regardé les films Easy Rider et o Pagador de Promessas3 ; observé l’influence du rock sur le comportement de mes collègues, l’émergence de la bossa nova, du tropicalisme et de la Jovem Guarda4. Ce fut une période de grande effervescence des manifestations artistiques et culturelles, de nombreux mouvements qui portaient les marques de la jeunesse et de l’intention de susciter bouleversement ou aliénation, des préoccupations qui ont imprégné toute une génération : le refus d’une société capitaliste, les débats sur le socialisme et une société différente, que l’on cherchait à construire (Paes 1993). Ce furent aussi des années de répression, de contestation politique, avec des manifestations de masse menées par les étudiants, des grèves ouvrières, des prédications indignées de prêtres catholiques contre l’oppression et la situation de famine dont souffrait le peuple (Riberio 1985).
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17Bien que vivant à Itapetinga, une ville de l’intérieur de Bahia, dans une région d’élevage de l’Ouest de cet État, j’ai eu l’opportunité d’étudier dans une école publique considérée comme l’une des meilleures des environs. C’était une époque de rêves, d’utopies nourries des processus de réflexion menés au sein du groupe de la Jeunesse Étudiante Catholique dans laquelle je m’étais engagée au long de mes quatre années de ginásio5. Nous avions un groupe d’étude permanent, sous la direction du prêtre d’une paroisse locale. Nous lisions et discussions à propos de cinéma, de littérature, de religion, de politique, de sexualité, etc. Un jour, en pleine dictature, nous avions eu l’audace d’inviter le Père Jorge Saraiva, alors vicaire de la paroisse d’Ilhéus et considéré par l’élite des deux villes comme un prêtre de gauche, à donner une conférence sur l’encyclique Populorum Progressio du 26 mars 1967, le premier document de ce type consacré au développement des peuples et aux problèmes économiques et sociaux. Le lieu de la conférence était le club social, et l’assistance était composée de fazendeiros propriétaires de fermes, de commerçants, et de l’élite locale – les habitués du club. Comme vous pouvez l’imaginer, le Père Jorge, rapidement pris en chasse, parvint à s’échapper et à retourner immédiatement à Ilhéus. À partir de cette date, le Père Altamirando, qui dirigeait notre groupe, a été considéré comme un prêtre communiste. Ceci dit, loin de la capitale de l’État et du dispositif répressif des années dictatoriales, je pense que nous disposions alors de plus d’espace et de liberté d’action.
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19Au lycée, nous organisions des cours, des excursions, des conférences et divers événements impliquant les enseignants, les élèves et leurs familles. Étudiante engagée, investie de diverses missions, je participais au Conseil des organisations étudiantes, à des projets sociaux avec la communauté de la périphérie urbaine, à un projet d’alphabétisation des adultes, selon la méthode de Paulo Freire, entrant pour la première fois en contact avec l’œuvre de cet auteur qui m’a passionnée.
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21Suivre le Cours normal de formation des instituteurs a été alors un choix très conscient. Être enseignant était vraiment une vocation. Je suis restée dans le même collège, aujourd’hui appelé Centre éducatif Alfredo Dutra, qui a commencé à cette époque à offrir des cours de formation à l’enseignement et à la comptabilité. Aux activités de l’organisation étudiante, qui se poursuivaient, s’ajoutait ma participation à la chorale de l’École normale, qui était constamment invitée à se produire dans les villes voisines. Notre répertoire allait de la musique classique à la musique populaire. Les répétitions, en fin d’après-midi, étaient des moments de détente. Nous finissions presque toujours par sortir dans les rues, en chantant avec joie et créativité. En relisant mon rapport de stage du cours normal, daté du 21 octobre 1969, je constate qu’au collège Manoel Novais, où j’ai fait mon stage, j’ai donné pour la première fois une conférence, à l’occasion d’une réunion de l’Association des parents d’élèves et des enseignants, qui avait pour thème La participation de la famille au milieu scolaire.
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23Ce regard sur mon passé m’amène à comprendre en quoi cet activisme de mon adolescence m’a permis de mettre en pratique les valeurs que mon environnement familial m’avait inculquées, d’enrichir et de transformer celles-ci à travers une réflexion critique exempte de toute fantaisie, les pieds dans le réel, dans le quotidien qui pour sa part résulte de notre imagination, comme le souligne Sílvia Lane dans ses travaux sur la psychologie sociale (Bock 2007, p. 47) :
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25« [...] les valeurs se présentent chargées de beaucoup d’histoire, de l’histoire familiale, de l’histoire sociale, et il n’est pas facile de les changer. À moins que la personne n’entreprenne une véritable réflexion critique. Un autre dilemme se pose alors, une autre contradiction : entre l’imagination et la fantaisie. La fantaisie conduit à l’aliénation, elle est destructrice, car elle perd ses liens avec le réel, alors que l’imagination a ses pieds dans le réel, dans la vie quotidienne. »
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27Mon engagement social et mon militantisme, en tant qu’éducatrice et muséologue, étaient ainsi déjà en germe en cette décennie de rébellion, de contestation et d’imagination.
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Pédagogie et muséologie : des outils pour concrétiser l’engagement social
29En 1970, après avoir terminé le cours de formation à l’enseignement, je me suis rendue à Salvador afin de passer le concours du vestibular, l’examen propédeutique d’entrée en faculté. J’ai été admise dans le cursus d’étude le plus récent de l’Université fédérale de Bahia (UFBA), qui était à l’époque le Cours de muséologie. Il a été difficile d’expliquer à ma famille, à mes amis et à mes nouveaux collègues de la Faculté de philosophie et des sciences humaines de l’UFBA en quoi consistait ce cours. Le plus souvent, ils comprenaient que j’étudiais la musique, et lorsque j’expliquais que cet enseignement était lié aux musées, ils me demandaient : « Tu es si jeune et tu vas travailler avec des vieilleries ? ». D’emblée, la conception du musée telle qu’intériorisée par la plupart des gens s’est offerte à ma perception, ce qui m’a incité à travailler à sa transformation. Une tâche ardue et au long cours.
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31Le contexte n’était pas propice à la pensée critique, aux changements et au travail créatif. Nous vivions la période la plus dure de la dictature militaire, en place depuis 1964. La censure était institutionnalisée, la torture des prisonniers politiques généralisée et les mouvements sociaux désagrégés. Le système scolaire subissait à tous les niveaux, dans la peau des enseignants et des étudiants, les effets de la répression. Les artistes et les intellectuels se sentaient mutilés dans leurs droits à la liberté et à la contestation (Habert 1992). Dans le même temps, quelques musées bénéficiaient d’un certain soutien et encouragement, dans la mesure où ces institutions demeuraient, sur la scène nationale, de simples espaces destinés à conserver des objets produits par des couches déterminées de la société, présentant dans leurs expositions des messages qui se bornaient à l’analyse du passé, et à l’objet en soi. Sur la base de nos propres observations, on pourrait déduire que la période de 1964 à 1980 a été prodigue en ouverture de musées au Brésil. C’était la phase du mémorial, du culte des héros et de la personnalité, compatibles avec le régime en place. Ce qui était recherché, à travers des activités de préservation, était l’authentification de la nation en tant que réalité nationale. Les institutions se cristallisent, sont perçues comme indépendantes des individus qui les conçoivent (Santos 1993). Les pouvoirs sociaux, politiques, économiques et militaires se préoccupent toujours de l’accumulation d’objets durables, et contrôlent le passage du transitoire au permanent, dans un processus où l’aliénation matérielle s’accompagne d’une aliénation immatérielle (Van Mensch 1987). Dans un tel contexte, il était naturel que le document de la Table ronde de Santiago du Chili de 1972, reste cantonné aux bureaux, hors d’accès des professeurs et des étudiants en muséologie au long des années 19706.
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33En ce qui concerne plus particulièrement le Cours de muséologie, je ne peux pas dire que la situation était idéale. Les étudiants de la première promotion servaient de cobayes. Deux professeurs assuraient l’enseignement de disciplines spécifiques traitant des contenus relatifs au montage d’expositions, à la documentation et à l’action éducative des musées. Ces disciplines étaient enseignées de manière techniciste, sans analyse du contexte et des conséquences produites par leur application. Et si le programme du cours incluait des leçons d’introduction à la philosophie, à l’anthropologie et à la sociologie, les contenus de ces disciplines étaient abordés de manière isolée, ce qui ne permettait pas aux étudiants d’établir une relation entre la technique et la réalité sociale où elle serait appliquée. Malgré toutes les difficultés rencontrées, je me suis sentie très motivée et désireuse de transformer la réalité des musées à Salvador. Dès les premiers contacts avec les disciplines spécifiques du cours, j’ai ressenti un désir intense de rendre les collections présentes dans les musées utiles à la société. De mon point de vue, la solution pouvait résulter d’un partenariat entre les musées et les écoles. Ma formation d’enseignante et mon engagement social, cultivé dès mon adolescence, avaient trouvé à s’exprimer. C’est ainsi que j’ai réussi à combiner la muséologie et l’éducation, pour en faire ma plus grande passion.
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35En 1974, juste après avoir obtenu mon diplôme de premier cycle, j’ai été invité à enseigner au sein du Cours de muséologie de l’Université fédérale de Bahia. Après beaucoup de conflits et d’insécurité, j’ai accepté l’invitation et assumé les disciplines « Stage supervisé » et « Technique muséale III », qui traitaient de l’action éducative des musées et de la relation entre musées et communauté. Par la suite, j’ai passé le concours de professorat et continué à enseigner les mêmes disciplines. Le Musée d’art sacré de l’université était notre principal espace d’expérimentation7. Ma charge d’enseignement en classe était de 20 heures, et le reste de mon temps était consacré à d’autres activités, en tant que bénévole, dans ce musée. Au cours de cette période, parmi mes ouvrages de référence pour le développement d’activités, tant au musée qu’en classe, figurait le livre Extensão ou Comunicação8 du maître Paulo Freire. Je me suis identifiée à ses réflexions, à sa critique du concept d’extension comme invasion culturelle et attitude opposée au dialogue, qu’il considérait être la base d’une éducation authentique : une éducation comprise dans sa véritable perspective, qui n’est rien d’autre que celle d’humaniser l’être humain dans l’action consciente qu’il doit mener pour transformer le monde.
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37À ce moment, j’entre également en contact avec les œuvres de Santos Trigueiros (Museus : sua Importância na Educação do Povo, 1956) ; de José Valadares (Museus para o Povo. Um Estudo sobre Museus Americanos, 1946) ; d’Edgard Mendonça Sussekind (A Extensão Cultural dos Museus, 1946) ; avec les livres de la collection Musées et Monuments, publiés par l’UNESCO, ainsi que les textes de Tomislav Sola et de Peter van Mensch. À travers l’interview accordée par Hugues de Varine-Bohan, alors président de l’ICOM, dans une publication intitulée Os Museus no Mundo éditée par la maison d’édition Salvat Editora, je découvre le musée d’Anacostia, à New York, aux actions duquel je m’identifie d’emblée, renforçant du même coup mes attentes quant à la possibilité de mettre en œuvre des pratiques muséologiques engagées dans le développement social. Le texte de Stanislas S. Adotevi, « Le musée dans les systèmes éducatifs et culturels contemporains »9, qui avance qu’un musée en soi ne signifie rien, m’a enchantée et encouragée à entreprendre de nouvelles actions. En lui-même, un musée ne veut rien dire. Il n’est qu’un concept indiquant une action à accomplir ; un concept pratique signifiant que pour trouver la réalité à laquelle il fait allusion, il faut aller à la rencontre non pas de l’homme abstrait, mais de l’homme réel, dans l’ensemble de ses relations sociales.
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39Dans ce contexte de préoccupations et de quête d’avancées, il faut rappeler la contribution de Georges Henri Rivière qui, selon Maria Mota Almeida, « a révolutionné dans l’après-guerre le monde de la muséologie, en soutenant que la population devrait devenir partie intégrante de l’institution muséale et de son organisation. Les consommateurs/visiteurs seront eux-mêmes les acteurs des activités muséologiques, étant les grands moteurs du changement » (Almeida 1996, p. 112).
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41Il est intéressant de souligner l’impact de la première promotion d’étudiants du Cours de muséologie dans la ville de Salvador. En août 1974 est réalisée la première analyse du public du Musée d’art sacré de l’UFBA par les muséologues Valdete Celino, Neusa Borja et moi-même, dans le but de recueillir des données pour planifier les activités à développer avec les visiteurs. Je considère qu’il s’agit là de ma première initiative afin de réaliser la planification d’un projet, basée sur la pratique de l’écoute et de l’implication des usagers du musée dans sa programmation.
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43En 1975, toujours au Musée d’art sacré de l’UFBA, avec les deux collègues susmentionnées, nous avons planifié et mis en œuvre le premier programme musée-école à Salvador. Mon désir de contribuer à la transformation des musées, ressenti depuis le début du cours, était toujours très vif. Par ailleurs, je comprenais que mon activité en tant que professeure universitaire devait procéder d’une pratique effective dans la communauté, et considérais que cette pratique ne se concrétiserait que lorsque les enseignants, les étudiants et les groupes communautaires agiraient de manière intégrée et participative, en menant conjointement leurs questionnements et leurs évaluations (Santos 1987).
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45Nous sommes sortis des espaces de ce musée, à la recherche d’un dialogue avec des enseignants et des élèves d’écoles primaires et secondaires, publiques et privées. Nous donnions des conférences dans ces établissements, planifions les visites au musée et appliquions des questionnaires d’évaluation à la fin des activités, en partageant les résultats des données recueillies avec les élèves et les enseignants. Outre ces activités, au mois d’octobre, nous organisions dans le musée des expositions des travaux artistiques réalisés par les élèves qui avaient participé à notre programme d’activités. Les vernissages étaient précédés de spectacles de danse, de chorale, de théâtre, etc. Ce programme s’est développé et, à l’occasion des rencontres annuelles réunissant enseignants et muséologues, nous procédions à la planification des actions à mener l’année suivante.
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47Nous organisions également des cours sur des thématiques diverses, des expositions temporaires et des activités avec les employés du musée, en cherchant à intégrer ces derniers aux différents projets, leur offrant des formations en cours d’emploi qui rendaient dès lors possible la discussion sur la mission du musée à ce moment-là. Mes étudiants du Cours de muséologie participaient à ces projets au titre d’activités de stage. Ce fut une période très productive, pleine d’enthousiasme.
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49Grâce à un accord signé entre l’UFBA et le ministère des Affaires étrangères du Brésil, j’ai suivi, du 23 octobre au 23 décembre 1976, un stage de perfectionnement dans les musées américains suivants : le Franklin Institute à Philadelphie et le Carnegie Museum of Natural History de Pittsburg, en Pennsylvanie ; le Museum of History and Technology – Smithsonian Institution, à Washington, DC ; et le Henry Francis du Pont Winterthur Museum, dans le Delaware.
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51À cette époque, le gouvernement de l’État de Bahia nourrissait l’intention d’élaborer un projet d’implantation d’un musée des sciences et de la technologie dans la ville de Salvador. À cette fin, conjointement à une autre collègue de la première promotion du cours de muséologie, Elma Carregosa, j’ai été désignée par le recteur de l’UFBA et le directeur du Musée d’art sacré, le professeur Valentin Calderon, membre de la commission chargée de la mise en œuvre du nouveau musée, en vue de réaliser une observation des aspects techniques, administratifs, et de la programmation de certains musées de science et de technologie aux États-Unis, dans le but de contribuer au projet du musée à Salvador. À notre retour, nous avons écrit un rapport détaillé des actions développées dans ces musées, en mettant l’accent sur les programmes éducatifs, qui m’avaient profondément émerveillée et motivée à mener de nouvelles initiatives. L’ensemble du matériel recueilli, incluant une bibliographie et les diapositives d’activités de plusieurs projets et expositions, a été employé comme matériel didactique dans le cadre de mes enseignements au sein du Cours de muséologie de l’Université fédérale de Bahia.
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Élargir les horizons : l’action-réflexion
53Je termine les années 1970 en intégrant le cursus de maîtrise en éducation à l’UFBA, de 1978 à 1981. Je ressentais le besoin d’approfondir les questions liées à l’utilisation des musées en tant que ressource éducative, et me suis ainsi inscrite à la sélection d’étudiants de 1978. Analysant rétrospectivement ma progression en tant que professionnelle à partir de ma participation à ce cursus, je considère qu’elle a été significative, que ce soit en salle de classe comme professeure du Cours de muséologie, comme chercheuse, et dans les activités d’extension universitaire que j’avais développées. Les différentes réflexions théoriques menées au long du cursus disciplinaire, ainsi que les travaux que j’y ai développés, liés pour leur plus grande part aux pratiques déployées dans le Cours de muséologie, m’ont donné l’opportunité d’agir, de manière intégrée, dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la réalisation d’extensions avec plus d’assurance et sur de meilleures bases. À cet égard, je ne puis que rappeler les paroles du maître Paulo Freire (1983), qui m’ont toujours inspirée :
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55« Plus je me forme en tant que professionnel, plus je systématise mes expériences, plus je me sers du patrimoine culturel, qui est le patrimoine de tous et auquel chacun doit servir, plus s’accroît ma responsabilité envers les personnes. […] Si l’engagement n’est valable que lorsqu’il est chargé d’humanisme, celui-ci n’est à son tour conséquent que lorsqu’il est scientifiquement fondé. Le professionnel doit élargir ses connaissances de l’homme et de sa façon d’être au monde, en remplaçant la vision naïve de la réalité, déformée par des spécialisations étroites, par une vision critique. » (freire 1983, p. 15-16)
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57Toujours dans le cadre de mon cursus de maîtrise, j’ai eu l’occasion d’approfondir les questions relatives à l’éducation populaire, dont l’assise fondamentale est la proposition éducative de Paulo Freire ; ainsi que celles en lien avec la recherche participative, qui se présentait comme une alternative pour offrir une nouvelle explication de la réalité. Je constate alors que nombre d’auteurs se consacrent aux études de recherche participative et de recherche-action, en particulier dans les pays du Tiers-monde, en assumant un engagement du chercheur en sciences sociales auprès de divers groupes populaires (Borda 1972, Brandão 1982, Thiollent 1981, Silva 1986, Schutter 1980, etc.). Les travaux produits par l’École de Francfort (Horkheimer, Marcuse, Habermas), du point de vue philosophique, reprendront le concept de praxis « permettant d’intensifier les aspects liant la théorie et la pratique, ce qui représente une critique frontale du positivisme et, par conséquent, ouvre des perspectives pour une recherche-action radicale » (Silva 1986, p. 31). J’ai trouvé chez ces auteurs, à cette époque, les bases et les outils nécessaires pour progresser en tant que chercheuse, muséologue et éducatrice.
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59Il convient également de souligner que deux apports dans le domaine scientifique-philosophique ont été fondamentaux pour la recherche de cette nouvelle pratique scientifique, et pour la reconnaissance de l’existence d’un « multivers culturel » : l’apport de l’anthropologie et du matérialisme historique. Comme le relève Pessanha (1987, p. 64) :
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61« [...] l’anthropologie a contribué à mettre l’accent sur la diversité des cultures, sur la multiplicité des « raisons » culturelles qui doivent être comprises et préservées précisément en ce qu’elles sont différentes. Grâce à l’anthropologie, nous savons à présent qu’il existe de nombreuses façons humaines d’être, d’être au monde, de vivre, de porter des jugements de valeur, de s’exprimer à travers différents langues – ce qui dresse le portrait d’un être humain aux multiples facettes, éloigné des normes unitaires et universelles qui établissaient auparavant comme paradigme un cas particulier d’humanité : celui de l’Européen blanc « civilisé ». [À cela s’ajoute l’] apport du marxisme, présentant la société divisée en intérêts économiques et politiques non seulement divers mais aussi contradictoires – ce qui empêche la réalisation de consensus universels, surtout en ce qui concerne les valeurs, et établit des ruptures entre les façons de penser et d’agir. Le dissensus devient alors le fondement de la société, l’antagonisme intérieur sa réalité la plus profonde. »
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63Par ailleurs, mon cheminement professionnel, commencé dans les années 1970, ne peut être compris sans analyser le fait que, si à d’autres époques l’accent était placé sur la connaissance et l’amélioration des aspects liés à la vie de l’homme, à ce moment-là une plus grande attention est accordée à son action sociale. Bordenave (1988, p. 7) fait remarquer à ce sujet que :
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65« [...] les décennies précédentes, particulièrement celles des années 50 et 60, étaient préoccupées par la connaissance, et parfois par l’amélioration de tout ce qui constituait l’environnement de l’homme. La planification économique, l’urbanisme, la lutte contre la pollution de l’environnement, la rationalisation du trafic, les systèmes de commercialisation à grande échelle ont tous été largement développés. Mais c’est durant les années 1970 que l’on a commencé à accorder une importance concrète au fait que l’homme est à la fois le produit et le créateur de sa société et de sa culture. »
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67Cependant, malgré cette prise de conscience, on continuait à assister à une application de modèles technicistes et pragmatiques, hérités des sciences physiques et naturelles et inadaptés au travail avec les sciences sociales. La critique du positivisme et du fonctionnalisme, ainsi que les avancées dans le domaine des sciences physiques et naturelles, contribueront par conséquent à l’élaboration d’une nouvelle science :
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69« [...] une science des processus non linéaires, et qui considère l’unité observateur-observable, établira une relation homme-nature non contemplative et non manipulatrice. Il s’agira d’une relation d’intégrité, où l’homme et la nature ne s’opposent pas mais s’étendent l’un à l’autre. La thèse et l’antithèse seront surmontées, comme dans le cas du hasard et de la chance, de la relation et de l’essence, de l’observateur et de l’observable, et de la qualité et de la quantité » (Serpa 1991, p. 2).10
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71Le professeur Felipe Serpa pointait le fait que la base de cette nouvelle science était l’historicité, comprise comme détermination de l’espace-temps, par la distribution des corps matériels, par son état de mouvement et par la totalité des relations non linéaires, des développements inégaux, où chacune des relations contient une contradiction, ouvrant de nouvelles possibilités pour le processus de l’action-réflexion.
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73Au début des années 1980, les programmes et les projets du Musée d’art sacré ont été étendus, et les données recueillies lors des processus d’évaluation des actions qui y étaient menées ont souligné la nécessité d’aller de l’avant, afin d’améliorer la qualité des actions développées à ce moment-là avec les écoliers dans les musées de la ville de Salvador. J’estimais qu’il était grand temps de dépasser le stade de la phase initiale et de partir à la recherche de nouvelles méthodes susceptibles de rendre nos projets plus efficaces.
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75Nous avons élargi les limites de notre travail et, de manière courageuse au vu du contexte muséal de l’époque, avons entrepris un projet avec la communauté des alentours du Musée d’art sacré de l’UFBA – la rue de Sodré et la montée de Preguiça –, dans le centre historique de la ville de Salvador, avec une population résidente de classe moyenne inférieure et des poches d’extrême pauvreté, ainsi que des zones de prostitution11. Cette communauté était exclue des activités du musée, et n’était même pas encouragée à venir voir ses expositions. Le projet a consisté à visiter les habitations, à écouter les résidents et à construire conjointement des programmes qui incluaient des visites planifiées, des cours, des activités récréatives, dans la rue et dans les jardins du musée. Rétrospectivement, je me rends compte qu’avant même d’avoir pris connaissance du document de Santiago et des travaux produits par les auteurs impliqués dans le mouvement de la Nouvelle muséologie, nous avons eu le courage de rompre de nombreuses barrières et d’ouvrir les portes de l’un des musées les plus traditionnels de la ville à cette époque, en réalisant des actions muséologiques basées sur le dialogue, l’échange de savoirs, le partage d’informations et d’expériences. Ce que nous désirions était un musée engagé envers l’homme et l’amélioration de la qualité de vie, un rêve de notre imagination muséale, depuis les années 1970.
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77Au sein du Cours de muséologie à l’UFBA, ce n’est que dix ans plus tard, c’est-à-dire dans les années 1980, que nous aurons accès au document de la Table ronde de Santiago. Notre rencontre avec ce document a été, en quelque sorte, la légitimation de notre action. La concrétisation de nos projets atteste que dans le domaine de la « politique culturelle officielle », il existe des espaces pour la production et la reproduction. Il est toutefois entendu que les difficultés causées par les systèmes autoritaires et paternalistes, tels qu’ils s’étaient implantés en Amérique latine, avaient durablement entravé et nivelé les initiatives communautaires (Santos 2002, p. 101).
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79Les réflexions menées dans le cadre de mon cursus de maîtrise m’ont confortée dans l’idée que la présence des étudiants au musée ne devait pas être envisagée comme un simple événement sporadique, mais être conduite dans le but de développer l’observation et le sens critique de ces derniers, à partir du message véhiculé par les objets exposés. Je me demandais si ces objectifs pouvaient être atteints à travers une simple visite guidée de toutes les salles d’exposition d’un musée. Partant, la problématique de recherche de mon mémoire avait pour objectif principal d’analyser les résultats de l’application des différentes méthodologies utilisées dans les programmes élaborés à partir de la collection du musée, et leurs effets sur le niveau d’apprentissage, sur le développement de l’observation et du sens critique des étudiants, ainsi que sur l’amélioration de la pratique pédagogique.
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81J’ai été intégrée dans le plan de reclassement des postes de l’UFBA et suis passée au régime de 40 heure hebdomadaire, avant d’être élue, peu après, coordinatrice du cours de muséologie, ce qui n’a guère été facile. Outre l’enseignement, j’assumais des tâches administratives et de coordination. L’activité de coordination m’a rapprochée des étudiants, ce qui m’a motivée à réaliser un travail conjoint en vue de l’organisation et de la reconnaissance de ce cours par le Conseil fédéral de l’éducation. L’obtention ultérieure de celle-ci nous a ravis mes collègues, mes étudiants et moi-même. C’était là une victoire de tous. Je pense que l’implication des étudiants dans le travail de restructuration du programme du cours, et dans le processus de sa reconnaissance, a été d’une grande importance, dans le sens où ils se sont sentis engagés, percevant qu’ils pouvaient contribuer à sa construction, et qu’un espace s’ouvrait à la participation, où ils pouvaient être entendus. Par ailleurs, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, nous comprenions que la révolution n’était plus le seul moyen de surmonter les injustices sociales. Sans perdre de vue la perspective de construire une société plus juste, la liberté et de meilleures conditions de vie ont été considérées comme des idéaux à conquérir dans la vie quotidienne, dans la lutte pour des causes spécifiques, et dans la transformation des comportements individuels. Les acteurs sociaux des années 1980 ont commencé à lutter contre certains problèmes de proximité, démêlant leurs relations de la trame autoritaire et des intérêts que nous contribuons quotidiennement à entretenir. La responsabilité des transformations historiques s’est trouvée alors répartie, à des degrés divers, entre tous les citoyens du monde (Rodrigues 1994).
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83Suite à la reconnaissance du Cours par le Conseil fédéral de l’éducation via le décret 83327 du 16 avril 1979, la Surintendance académique de l’UFBA a entrepris une enquête et a conclu qu’il n’y avait pas de marché du travail pour les muséologues dans la ville de Salvador12. La diffusion de ces données a mobilisé des professionnels, des étudiants et des professeurs, en une vaste campagne pour le retour de ce cours dans le cadre du vestibular. Ayant obtenu la publication d’un éditorial dans le journal le plus lu dans l’État de Bahia à cette époque, nous avons organisé un mouvement avec la société et la presse incluant la réalisation d’expositions itinérantes. Nous avons mobilisé des politiciens ; des déclarations ont été prononcées à la Chambre des députés du Parlement fédéral ; des intellectuels et d’autres segments de la société nous ont apporté leur soutien. Le cours a été réintroduit au vestibular, et de ce mouvement, qui était parvenu à mobiliser des étudiants et des professionnels déjà diplômés, est née l’Association des muséologues de Bahia, en un moment de grande euphorie et de développement, résultat du militantisme généré dans la relation enseignant-étudiant et dans l’ouverture de l’université à la société.
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85L’Association des muséologues de Bahia est alors en pleine expansion, et rassemble un grand nombre de professionnels et d’étudiants. Je pense que cette relation entre les professionnels et les étudiants a été très salutaire. L’échange d’expériences entre les jeunes, les muséologues, les membres de différents segments de la société et les professionnels d’autres domaines d’activité contribuait à l’enrichissement de tous, stimulant le sens critique, la créativité et la pratique de la citoyenneté. Suite à la mise sur pied de plusieurs cours, de voyages d’étude et de projets communautaires, nous avons organisé, en mars 1981, la 1ère Rencontre nationale des muséologues où, pour la première fois, la classe13 a discuté de l’avant-projet de réglementation de la profession. Le Cours de muséologie et l’association cheminaient de concert, se nourrissant mutuellement. Nous avons cherché à nouer des contacts avec nos homologues de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UNIRIO), ainsi qu’avec ceux du Cours de muséologie de l’Institut de sociologie et de politique de São Paulo.
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87C’est durant l’un de mes mandats de coordinatrice du Cours de muséologie de l’UFBA, en 1982, que j’ai eu l’opportunité d’entrer en contact avec Waldisa Rússio. Cela s’est produit à l’occasion de la 1ère Rencontre des muséologues du Nordeste, organisée sous le patronage de la Fondation Joaquim Nabuco. J’ai eu le plaisir de participer au débat « Le marché du travail pour le muséologue dans le domaine de la muséologie », présenté par Waldisa qui, avec professionnalisme, m’avait envoyé le texte de sa conférence bien à l’avance. En réexaminant le contenu de cette présentation, j’y trouve déjà consigné, avec clarté et scientificité, ce que je considère comme l’une des plus grandes contributions de cette auteure à la muséologie brésilienne : avoir lancé et poursuivi une discussion théorique, au niveau national, sur le caractère scientifique de la muséologie. La conception du musée et de la muséologie défendue par Waldisa Rússio est imprégnée d’humanisme et, déjà à cette époque, incluait la nécessité de l’interdisciplinarité, comme on peut l’observer dans l’extrait ci-dessous :
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89« Le sujet et l’objet du musée sont toujours l’homme et son environnement, l’homme et son histoire, l’homme, ses idées et ses espoirs. De fait, l’homme et sa vie sont toujours les bases du musée, ce qui signifie que les méthodes utilisées en muséologie sont essentiellement interdisciplinaires, car l’étude de l’homme, de la nature et de la vie, dépend d’une grande variété de domaines scientifiques. » (Rússio, 1979, p. 2 ; citée in Santos 2002, p. 28)
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91Dans le but d’approfondir les échanges entre le Cours de muséologie de Bahia et celui de São Paulo, nous avons invité Waldisa, en 1984, à dispenser des enseignements à Salvador. À cette occasion, elle a présenté la structure et le fonctionnement du Cours de muséologie de l’Institut de sociologie et de politique, en détaillant les lignes de recherche de ses enseignants et étudiants. Avec elle, j’ai approfondi les discussions autour des travaux produits à l’ICOFOM, parmi lesquels notamment ceux de Vinos Sofka, Klaus Schreiner, Zbyněk Z. Stránský, Tomislav Šola, Ana Gregorová et Peter van Mensch.
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Le mouvement de la nouvelle muséologie : rencontre et identification
93Le contexte des mouvements sociaux des années 1960 et 1970 avait favorisé une évaluation des institutions, atteignant des organisations telles que l’UNESCO et l’ICOM. Les modifications dans les lignes directrices et les objectifs consignés dans les documents officiels, cependant, ne se transforment pas toujours en actions concrètes. Ce que l’on observe, c’est qu’au début des années 1980, malgré l’existence d’un grand nombre d’écomusées, de musées communautaires, de musées locaux et de musées de plein air, les professionnels qui mettaient en place des actions muséologiques engagées dans le développement social et la participation rencontraient des résistances pour faire reconnaître leurs projets dans l’univers muséologique. L’intervention du professeur Mário Moutinho (1995, p. 26) démontre les difficultés ressenties à cet égard, ainsi que le décalage entre le discours et la pratique des organismes officiels :
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95« [...] désillusionnés par l’attitude ségrégative de l’ICOM, et en particulier de l’ICOFOM, qui s’est clairement manifestée lors de la réunion à Londres en 1983 en rejetant d’emblée l’existence même de pratiques muséologiques en dehors du cadre strict de la muséologie établie, un groupe de muséologues s’est proposé de réunir, de façon autonome, des représentants des pratiques muséologiques alors en cours, pour évaluer, conscientiser, et former une organisation alternative pour une muséologie qui se présentait également comme une muséologie alternative. »
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97Une fois informée de l’existence du Mouvement de la Nouvelle muséologie, auquel je me suis aussitôt identifiée, j’ai ressenti une grande satisfaction en constatant que des collègues de différentes régions du monde exprimaient leur insatisfaction envers la pratique muséologique en vigueur, ce qui les motivait à réaliser de nouvelles expériences. J’ai recherché avec empressement les textes de Pierre Mayrand, de Miriam Arroyo Kerriou, Mário Moutinho, René Rivard et Hugues de Varine. J’y ai trouvé la légitimité de nos actions. Les musées étaient enfin compris comme outil, comme instrument au service de la société, à partir de leur implication dans le développement d’actions muséologiques. La déclaration d’Oaxtepec (1984) note que « la participation communautaire prévient les difficultés de communication caractéristiques du monologue muséographique, tel qu’engagé par le spécialiste ». Maria Mota Almeida (1996, p. 112) signale que dans cette perspective, le musée est considéré comme un moyen et non comme une fin, soulignant qu’il existe une interaction entre celui-ci et le monde en transformation. Il s’agit d’un instrument culturel au service de la population. Cette auteure précise également que les membres de la communauté sont les principaux responsables de l’organisation et de la gestion du musée, et que ce processus reflète l’identité de la communauté.
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99Enfin, je pense que le mouvement de la Nouvelle muséologie nous a indiqué les voies du respect de la différence et de la pluralité, pour construire une muséologie ouverte aux réalités multiples et à l’édification du technicien, qui commence à reconnaître ses limites et s’ouvre à un perfectionnement conjoint, à partir de l’interaction avec les communautés, assumant son engagement social, dans une quête de citoyenneté et de développement social. À notre sens, le plus grand mérite du Mouvement de la Nouvelle muséologie est sa contemporanéité. Il a été l’impulsion nécessaire à la rénovation de la muséologie, contribuant de manière effective à l’enrichissement du processus muséologique, à une pratique muséale plus adaptée à ses diverses réalités. À partir de la construction concrète de musées, basée sur l’interaction et la participation, nous avons également pu avancer sur les aspects théoriques et méthodologiques de la muséologie en général (Santos 2002).
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101À l’Université fédérale de Bahia, les années 1980 ont été prodigues en matière de création de musées. Lorsqu’en 1974 la Faculté de philosophie a quitté le Terreiro de Jesus, libérant le bâtiment de l’ancienne faculté de médecine, le rectorat de l’UFBA, encouragé par professeur Valentin Calderon, a décidé de faire de ce lieu un centre culturel qui abriterait des musées et des cours d’art et de culture. Des salles ont ainsi été réservées aux activités de l’École de danse et, en 1982, le Mémorial de Médecine et le Musée Afro-brésilien y ont été installés. L’année suivante, dans le même bâtiment, a été inauguré le musée d’Archéologie et d’ethnologie (MAE).
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103En vue de l’implantation de ce dernier, le professeur José Calazans, pro-recteur du programme d’extension de l’UFBA, sous la gestion du recteur Macedo Costa, a convié le Cours de Muséologie, en proposant que le musée soit installé dans le sous-sol de la Faculté de médecine, qui avait récemment fait l’objet d’un processus de restauration. C’était là l’occasion de réaliser le rêve du professeur Valentin Calderon de créer un musée d’archéologie à Salvador. La proposition initiale était de réaliser un musée exclusivement dédié à l’archéologie, qui inclurait les collections Valentin Calderon, Vital Rego, Carlos Ott et le propre espace de l’ancien collège des Jésuites.
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105Pour la première fois, le Cours a assumé la responsabilité de planifier et mettre en œuvre un musée universitaire. En tant que responsable du Collège des enseignants en muséologie à ce moment-là, le projet était placé sous ma coordination, et a été développé avec la participation de tous les professeurs du cours, le professeur Antonio Rios étant chargé de l’expographie. Ultérieurement, l’invitation à participer formulée par le professeur Calazans a été élargie au Département d’anthropologie, qui a nommé la professeure Maria Hilda Paraíso pour s’associer à notre équipe. L’archéologue Iara Bandeira, également sollicitée, a coordonné un groupe d’archéologues et de restaurateurs.
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107Le musée a été conçu dès le début de manière très didactique. À cette époque, on cherchait à construire des projets pédagogiques innovants, articulés à la production critique de connaissances, intégrés à des actions créatrices de changement, en essayant d’élargir les bases de l’engagement social de l’Université. Ainsi, la conception adoptée envisageait une approche contextualisée des expositions, de l’archéologie et du travail des archéologues, notamment les pionniers de l’archéologie dans notre État – Valentin Calderon, Thales de Azevedo et Carlos Ott –, en inscrivant la collection dans différents contextes, en situant les différents sites à l’origine des collections, en soulignant l’action de l’être humain vis-à-vis de son environnement et les procédés de fabrication des objets exposés.
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109Les étudiants du Cours de muséologie, accompagnés par les enseignants des disciplines techniques, ont été impliqués dans l’ensemble du processus d’installation du musée. Deux salles, à proximité du Musée d’archéologie, ont été destinées aux enseignements du Cours. À ce moment-là, la possibilité que celui-ci reprenne ses activités dans le bâtiment du Terreiro de Jesus a même été évoquée, dans le but d’utiliser les trois musées comme des musées-école, développant des activités de recherche, d’enseignement et d’extension. Une requête en ce sens avait déjà été transmise à diverses reprises par la direction collégiale du Cours de muséologie aux gestionnaires de la Faculté de philosophie et du rectorat de l’UFBA, dans l’optique d’inclure tous les musées de l’Université.
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111Suite à l’inauguration du musée d’Archéologie et d’ethnologie, nous avons décidé de mettre celui-ci à la disposition de la communauté locale, des enseignants et des étudiants des écoles sises à proximité, dans le centre historique de Salvador. Il était nécessaire que cette communauté s’approprie cet espace, en contribuant à ses projets et à sa programmation. Avec la participation de stagiaires en muséologie, d’enseignants du collège Azevedo Fernandes, de quelques professeurs invités et de différents groupes sociaux qui travaillaient au Pelourinho et au Terreiro de Jesus, nous avons structuré un projet pour développer, de manière intégrée, des actions de recherche, d’enseignement et d’extension. Il convient à cet égard de mentionner la participation à ces activités de professeurs et d’étudiants d’autres départements de la Faculté de philosophie, ainsi que des techniciens de l’Institut du patrimoine artistique et culturel de l’État (IPAC). Nous avons considéré ce projet comme une étape importante pour le Cours de muséologie, car à travers les actions muséologiques développées il a été possible de mobiliser ces personnes en vue d’une lecture partagée du centre historique, de l’Université et des musées. Nous sommes également parvenus à ouvrir des opportunités de nouvelles interventions, apportant vie et renouveau à l’Université, à la pratique pédagogique du cours de muséologie et du collège Azevedo Fernandes, ainsi qu’à la pratique sociale des autres acteurs impliqués dans le projet. Ce fut pour moi, cela va sans dire, la première et très riche expérience de muséalisation de la dynamique de la vie.
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113Après avoir travaillé durant deux ans et demi dans le collège Azevedo Fernandes, dans le centre historique, nous avons été conviés par l’Institut Anísio Teixeira, une agence du Département de l’éducation de l’État de Bahia, à développer un projet similaire au collège Euricles de Matos, situé dans le quartier de Rio Vermelho, dans les faubourgs de Salvador. Le projet fut adapté pour répondre à la réalité des élèves, des enseignants et de la communauté locale.
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115En 1992, à Rio de Janeiro, a lieu la 1ère Rencontre internationale des écomusées. J’y assiste du 18 au 23 mai, à l’invitation des autorités de de cette ville. Ce sera là un événement peu ordinaire, car outre le thème qui éveillait en moi un immense intérêt, j’y rencontrerai des pionniers du Mouvement de la Nouvelle muséologie, tels que René Rivard et Mário Moutinho, ainsi que des professionnels qui se sont distingués par leurs préoccupations quant au rôle social des musées, tels qu’Hernan Crespo Toral et Hugues de Varine. Très vite, je me suis rapprochée du professeur Mário Moutinho. Au fil des conversations lors des déjeuners et des dîners, j’ai découvert chez ce collègue d’outre-mer des préoccupations et des défis communs. En séance plénière, je me suis enthousiasmée aux comptes rendus du renouvellement de la muséologie au Portugal, après le jour historique du 25 avril. Quelqu’un, enfin, évoquait des expériences muséologiques portugaises qui n’étaient pas celles dont nous avions l’habitude d’entendre parler. De cet événement, je retiens deux points importants, parmi d’autres : l’invitation faite à Mário Moutinho de venir assurer un cours à Bahia ; et la posture de ce dernier lors d’une rencontre avec la communauté de la Zone ouest de Rio de Janeiro, en vue de la création de l’Écomusée de Santa Cruz. À cette occasion, lorsqu’un des habitants a interrogé les organisateurs au sujet du nombre de participants nécessaires pour légitimer une prise de décision, tous ont entendu le professeur Mário Moutinho demander : ont-ils été invités ? La réponse étant affirmative, celui-ci a ajouté : ceux qui ne sont pas venus, sans justification, ont tort. Cette leçon, je m’en sers encore aujourd’hui, et elle me donne à réfléchir sur la participation, l’implication et l’engagement des acteurs sociaux. Dès lors que l’on se propose de mener des projets muséologiques participatifs, l’initiative et l’engagement sont fondamentaux.
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117À partir de ce moment, les rencontres et les échanges se sont succédés. Répondant à une invitation de la part de Mário Moutinho, je suis allée à Lisbonne en 1994 pour dispenser des enseignements dans le cours de spécialisation en muséologie. L’Université Lusophone des sciences humaines et technologies (ULHT) était alors en train de s’affirmer au Portugal avec une nouvelle proposition d’enseignement supérieur, se confrontant à toutes les difficultés habituelles dans la mise en œuvre d’un projet novateur. À la même époque, j’ai également participé en compagnie de Mário Moutinho à la 26e Conférence annuelle internationale du Comité pour la formation du personnel de l’ICOM-ICTOP, ainsi qu’aux VIIe Journées sur la fonction sociale du musée du Mouvement international pour une nouvelle muséologie (MINOM). Là, j’ai pu observer de près la détermination, l’enthousiasme et l’audace de ce professionnel, qui ne se laissait pas démonter par les critiques et la stupéfaction de nombreux participants face à une muséologie plaçant en tout premier lieu l’humain, et non plus seulement les collections, au centre de ses préoccupation ; un professionnel qui avait eu l’audace de créer un cours de muséologie axé sur le social.
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119Dès lors, un échange très fructueux a commencé entre cette université et l’Université fédérale de Bahia. J’ai été intégrée au corps enseignant de la Lusófona, suivie par d’autres professeurs du Cours de muséologie de l’UFBA, donnant des cours et dirigeant des thèses. À présent, après 20 ans d’action conjointe, je pense que le cours de Muséologie sociale de la Lusófona est parvenu à contribuer de manière significative aux aspects théoriques et méthodologiques de notre domaine d’activité, ainsi qu’à l’application de processus muséologiques innovants et engagés dans les questions sociales, au Portugal comme ailleurs.
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L’élargissement du processus de muséalisation
121J’ai poursuivi mes études de doctorat en éducation entre 1992 et 1995. L’intervalle prolongé entre la maîtrise et le doctorat a permis une plus grande maturation. Ce fut une période de riches discussions autour des œuvres de Foucault, de Cornelius Castoriadis, Walter Benjamin, parmi d’autres auteurs. Période de renouvellement marxiste, de l’Histoire sociale et de découverte du sujet.
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123Cornelius Castoriodis fait la critique de la bureaucratie d’État, en pointant les limites du concept d’idéologie, et propose la notion d’imaginaire social, élargissant considérablement les possibilités du savoir historique (rago 1999) mais également, à notre avis, nos possibilités de muséalisation. Dans un texte présenté au Ve Forum de muséologie du Nordeste14, intitulé Méthodologie de la muséologie, la conférencière invitée Mathilde Bellaigue a souligné que tout peut être muséalisé, ce qui ne veut pas dire que tout doive l’être.
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125Dans les années 1990, les villes se sont ouvertes au regard de l’historien et des muséologues. Dans les travaux d’Ulpiano Bezerra de Meneses, j’ai trouvé les références nécessaires à l’approfondissement des questions relatives à la mémoire, à l’identité et au contexte urbain en tant qu’objet muséologique, donc susceptible d’être muséalisé : la ville comme forme, comme lieu de forces sociales, comme image. Concernant l’opérationnalisation du processus muséologique appliqué dans le contexte urbain, les définitions de collections institutionnelle et opérationnelle d’Ulpiano ont été fondamentales pour le développement de ma recherche-action, dans la construction de ma thèse de doctorat.
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127Les changements survenus dans l’organisation de la société civile au long des années 1990 sont ici un autre élément pertinent. Les revendications ont acquis une nature différente, les groupes sociaux agissant davantage sur le plan de la culture, dans la recherche de valeurs identitaires, et sur le plan moral bien plus qu’au niveau économique. On observe aujourd’hui des actions défensives, en raison d’un modèle de développement traitant tout le monde de manière homogène et ignorant les différences culturelles. On assiste à l’émergence de mouvements culturels autour des questions de genre, de race, d’ethnicité, qui visent surtout l’affirmation de ce qui fait l’objet de déni ou de contestation. « Leur identité n’est pas construite par l’identification à une cause générale, mais par l’identification à une cause spécifique au groupe » (Gohn 2005, p. 86).
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129Mes études sur la muséologie se poursuivront à travers les travaux d’auteurs issus des cours de premier et deuxième cycle, dont l’influence a été remarquable dans la production bibliographique de cette époque et dans la construction des programmes des Cours de muséologie (Cristina Bruno, Mario Chagas, Tereza Scheiner, Rosana Nascimento, Santos M.C.). Nous avons également approfondi les discussions autour des œuvres de multiples auteurs, parmi lesquels Henri-Pierre Jeudy, Néstor Garcia Canclini, Manuel Castells, Moacir Gadotti, Alain Touraine et Francisca Hernández Hernández. À l’occasion des Forums de muséologie du Nordeste, qui se sont tenus à Bahia et Alagoas, des aspects importants des questions théoriques et méthodologiques ont été soulignés, tels que la relation entre théorie et pratique, la muséologie comme processus, l’élargissement du concept de musée, du processus de muséalisation et du domaine d’activité du muséologue. Nous avons pris connaissance des expériences de musées communautaires dans notre région, telles que celles développés sous l’impulsion d’Hélio de Oliveira dans l’État de Rio Grande do Norte.
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131J’ai choisi, une fois de plus, de quitter l’espace clos de l’université, en évitant de construire une thèse qui ne serait destinée qu’au monde académique. Nous sommes partis du principe qu’il est possible de produire des connaissances à tous les niveaux de scolarité, et que ces connaissances peuvent être construites à travers une action sociale déterminée, en reconnaissant le rôle actif des observateurs dans la situation étudiée, et des membres représentatifs de cette situation. Pour développer l’action proposée, nous avons choisi le collège Governador Lomanto Júnior, sis à la rue Prof. Souza Brito, sur l’Estrada do Farol dans le quartier d’Itapuã en périphérie de Salvador, du fait du cours de formation à l’enseignement qui y était dispensé. Sur la base des activités qui seraient planifiées et développées en classe avec les professeurs, les élèves et le personnel de ce cours, nous avions l’intention d’impliquer des enseignants et des élèves d’écoles primaires et secondaires, ainsi que des membres de la communauté locale. Cette école comptait alors 2.800 élèves inscrits.
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133Le choix du quartier d’Itapuã comme zone d’étude était dû à la nécessité de mener une étude systématique, à partir de l’école, en impliquant la communauté locale et en recherchant, à travers des actions planifiées avec les différents segments impliqués, la compréhension et la réflexion sur son patrimoine culturel dans la dynamique du processus social.
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135En nous fondant sur les expériences vécues lors de la réalisation des différents projets mentionnés ci-dessus, nous avons constaté qu’il était fondamental de travailler à la formation de l’enseignant afin que celui-ci puisse devenir un « agent actif », au sens d’usager de la mémoire préservée, de témoin de l’Histoire, comprise ici comme une forme d’existence sociale dans ses divers aspects – économiques, politiques et culturels –, ainsi que son propre processus de transformation, contribuant de cette façon à la formation des citoyens. Par ailleurs, il était nécessaire de continuer à repenser le contenu programmatique des différentes disciplines offertes dans l’éducation de base, en profitant du stock culturel des élèves et des communautés où se trouvent les écoles, pour offrir aux jeunes, dès leur formation, l’opportunité de percevoir le sens de la préservation et de l’identité culturelle.
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137En ce qui concerne le cours de muséologie de l’UFBA, je considérais qu’il était nécessaire de progresser et de mettre en œuvre une pratique effective, susceptible de fournir aux étudiants et aux professeurs la possibilité d’expérimenter la construction d’une nouvelle pratique muséologique basée sur l’appropriation du patrimoine culturel, contribuant ainsi à ce que l’identité soit vécue dans la pluralité et la dynamique du processus social – étant entendu que le patrimoine culturel ne doit pas être une « acquisition » réalisée par une organisation, mais une appropriation sociale. Cette nouvelle posture devait permettre également la réalisation d’activités autour de thèmes et de collections jusqu’alors peu travaillés, en déployant de nouvelles méthodes et en assimilant de nouveaux concepts. Malheureusement, la muséologie appliquée dans la plupart des institutions muséales du pays, comme dans la ville de Salvador, ne permettait pas de progresser dans ce sens, ce qui rendait difficile la compréhension par les élèves, car aucun exemple concret ne pouvait servir de paramètre aux réflexions théoriques qui sous-tendaient la nécessité de faire évoluer le processus muséologique, lorsqu’elles étaient exposées en salle de classe.
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139Dans cette optique, la proposition d’un musée didactique-communautaire dans le quartier d’Itapuã visait à aborder le quartier comme forme, comme lieu d’action des forces sociales et comme image. L’objet du musée était le quartier et sa relation avec le contexte urbain de Salvador, en tant que phénomène que l’analyse scientifique cherchait à restituer et interpréter, dès lors sans écarter la ville. Par conséquent, ni cette dernière ni le quartier, avec leurs contradictions, n’en étaient exclus, car l’une et l’autre ne pouvaient être compris que dans une perspective historique.
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141Quant à la collection qui faisait l’objet d’une muséalisation, nous pouvons l’identifier tout à la fois comme une collection institutionnelle et une collection opérationnelle. La collection institutionnelle s’est progressivement constituée, en tenant compte des contextes sociaux et historiques que les pièces documentaient, et d’autres références propres à ces contextes, quand bien même elles pouvaient paraître de valeur modeste et anonyme, sans pertinence esthétique ni caractère inédit. À cet égard, toute production culturelle se référant à l’univers de la vie quotidienne et du travail était envisagée comme d’importance vitale. Dans cette collection institutionnelle ont été également inclus des documents archivistiques et iconographiques, des photographies, des plans, des maquettes, des témoignages divers, ainsi que toute la documentation urbaine disponible. Pour ce qui est de la collection opérationnelle, ont été considérés les paysages, les structures, les monuments, les équipements, les espaces et les objets sensibles du tissu urbain socialement appropriés, perçus non seulement à travers leur charge documentaire, mais aussi dans leur capacité à alimenter les représentations urbaines15.
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143L’action-réflexion développée à Itapuã nous a permis d’avancer en particulier sur les questions relatives aux conceptions du musée, à la muséologie, au fait muséal16 et à la gestion des musées. En prenant comme référentiel l’expérience du Musée didactique-communautaire d’Itapuã, j’ai pu construire par la suite une nouvelle conception pour le Musée Sacaca, ainsi que le Plan muséologique de celui-ci en 2002, en compagnie des travailleurs de ce musée et différents groupes sociaux de l’État d’Amapá. Il fut l’un des premiers sinon le premier du pays élaboré avec la participation de différents groupes sociaux situés dans la ville de Macapá et de l’intérieur de cet État, notamment les communautés de collecteurs de châtaignes, de producteurs de caoutchouc, de sage-femmes, de groupes amérindiens de différentes ethnies, ainsi que la communauté afro-brésilienne de Curiau, établie dans la capitale.
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145Tant à Itapuã qu’à Macapá, je perçois en quoi la muséalisation de la dynamique de la vie est un processus, c’est-à-dire une action réflexive qui a pour objectif la connaissance de quelque chose, une séquence d’états d’un système qui se transforme. En ce sens, le processus muséologique doit être compris comme un projet, construit de manière ouverte et cherchant à remplir la mission de former des citoyens susceptibles de s’insérer dans le monde en tant que sujets historiques et éthiques, capables de choix, de décisions et de ruptures. Je pense que les résultats obtenus dans les deux projets ne peuvent être mesurés par le paramètre de la seule permanence d’une collection placée dans un espace physique donné, car leur aspect le plus pertinent est la transformation qui s’est produite en chaque individu, le changement d’attitude des nombreux sujets sociaux qui ont été ou sont encore engagés dans le faire muséal. Le regard muséologique a été considéré comme un instrument d’action-réflexion qui a contribué à la construction et à la reconstruction du monde. À nos yeux, c’est là l’essence même de notre engagement social envers la muséologie. Et si nous admettons que le musée est construction, reconstruction, permanence et absence, nous serons capables d’envisager avec plus de tolérance et de respect la possibilité qu’un musée cesse d’exister, si les personnes qui lui donnent sens le désirent ; car sans les acteurs sociaux le musée n’est rien, ne signifie rien, comme le soulignait déjà Adotevi dans les années 197017.
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147L’occasion qui m’a été offerte de participer à l’élaboration des plans muséologiques du Musée Sacaca dans l’État d’Amapá, du Centre de culture et de mémoire Bovespa, du Musée national de la culture afro-brésilienne et du Musée Eugênio Teixeira Leal à Salvador de Bahia, du Mémorial de la culture cearense – Centre culturel Dragão do Mar, à Fortaleza dans le Ceará, ainsi qu’à la planification et la mise en œuvre des actions de formation et capacitation du projet pilote de la Politique nationale des musées, développé dans l’État de Bahia, m’a permis d’expérimenter, par la pratique, la richesse et la créativité du processus de planification né du mouvement des acteurs sociaux, qui crée un réseau d’interaction, stimulant la naissance de communautés d’apprentissage, et qui conçoit la gestion comme un système organique, créant des espaces pour la stimulation et la pratique d’une citoyenneté multiculturelle.
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149Dans ce contexte, la planification n’est pas seulement une technique visant l’amélioration de l’action des musées. Il s’agit surtout d’un processus de développement humain ; un processus éducatif d’action et de réflexion, qui doit être atteint à travers la participation, qui doit être une pratique incorporée à la vie quotidienne de nos musées et exercée par tous ceux qui sont engagés dans sa mission. J’attire l’attention sur la construction du plan muséologique en tant qu’un des processus de première importance pour mettre en pratique ce nouveau regard de la gestion muséologique, cette nouvelle façon de planifier. L’importance de cet instrument est fondamentale, car il fournit le support nécessaire pour que les actions à mener tiennent compte d’une finalité préalablement établie et cohérente avec la conception adoptée – la Muséologie, contribuant à un certain type d’être humain et de société. Son élaboration, fondée sur l’implication de toutes les personnes et de tous les secteurs, est un moment unique d’apprentissage et de développement conjoint. Le plan muséologique est production de connaissances, relation entre la théorie et la pratique, exercice d’une réflexion critique et créative, engagement. Dans la conception présentée ici, il outrepasse l’action interne de l’institution et incorpore différents savoirs et savoir-faire, considérant le musée à partir de nombreux regards, pour ensuite lui donner vie (Santos 2008).
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Les cadres réglementaires : des actions structurantes
151En mars 2003, nous avons été sollicités par le ministère de la Culture, l’Institut national du patrimoine artistique et historique et le Département des musées et des centres culturels à participer à l’élaboration d’une politique muséologique pour le pays. J’y étais impliquée en tant que coordinatrice de l’Axe 3 – Formation et capacitation. L’un des points les plus frappants de ce grand mouvement muséologique, à mon avis, est le fait de disposer d’une politique publique pour ce secteur, qui se réfère aux documents fondamentaux de la muséologie contemporaine.
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153La Politique nationale des musées (PNM), en effet, a pour fondations les références de base de ce grand mouvement qui a commencé en 1972 avec la Table ronde de Santiago et qui, au fil des ans, ont été mises à jour et recréées en différents contextes, en visant toujours la participation et l’interaction entre les techniciens et les différents segments de la société, selon une compréhension du musée comme phénomène social, engagé vis-à-vis de l’homme et l’amélioration de la qualité de vie. Ce qui est novateur dans ce processus, c’est l’adoption de ces principes par les pouvoirs publics. Notre grand défi a été de les transformer en réalité, en nous engageant à les appliquer, en étant prêts à les évaluer et à les enrichir, car en transférant cette responsabilité exclusivement à nos dirigeants, nous tomberions dans la contradiction. À ce propos, il est intéressant de rappeler qu’Hugues de Varine mentionne l’initiative comme l’un des vecteurs essentiels du développement communautaire. À partir d’initiatives locales, avec le soutien de l’ancien Département des musées (DEMU), ont été signés des conventions et des partenariats, et réalisés de projets. La Commission de Salvador a été à mon sens un exemple de la nécessité de rester mobilisé, attentif et prêt à se battre pour nos idéaux.
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155En 2011, j’ai été appelée par le Secrétaire à la culture de l’État de Bahia à assumer la charge de Directrice des musées de l’Institut du patrimoine artistique et culturel (IPAC), avec pour mission de structurer l’Institut des musées de Bahia (IBAM), une autorité locale liée au Secrétariat de la culture (SECULT), dotée d’une personnalité juridique de droit public et d’une autonomie administrative et financière. Pour atteindre ses objectifs, l’IBAM devrait agir en collaboration avec les agences et entités de l’administration publique, au niveau fédéral, de l’État et municipal, ainsi qu’avec la société civile organisée, en s’appuyant sur les lignes directrices des politiques culturelles formulées par le SECULT et par la Politique nationale des musées18. Nous avons également assumé la responsabilité de formuler une politique muséologique pour le secteur, basée, dans le cadre du Plan national de la culture, sur les lignes directrices du PNM et la loi n° 11.904 du 14 janvier 2009, qui institue le Statut des musées et établit les principes fondamentaux des musées brésiliens, énumérés ci-dessous :
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I. Valorisation de la dignité humaine ;
II. Promotion de la citoyenneté ;
III. Accomplissement par les musées de leur fonction sociale ;
IV. Valorisation et préservation du patrimoine culturel et environnemental ;
V. Universalité de l’accès, respect et valorisation de la diversité culturelle ;
VI. Échange institutionnel.
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158Durant notre gestion, nous avons défendu l’idée que les musées sont des dispositifs stratégiques pour l’amélioration des processus démocratiques, pour l’inclusion socioculturelle, l’éducation et le développement local. Partant, dans les programmes et projets formulés et développés, nous avons cherché à atteindre ces objectifs en réalisant à l’interne un travail ardu, de discussions, d’échange d’informations, de qualification des équipes par le biais de séminaires et de cours, de formation de partenariats, dans une articulation constante entre plusieurs secteurs, institutions et acteurs sociaux, de la capitale et de l’intérieur de l’État.
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160La construction d’une politique muséologique pour la Direction des musée/Institut des musées de Bahia (DIMUS/IBAM) s’est déroulée avec la participation et l’implication de nombreux acteurs, dans les sphères interne et externe de l’institution. En 2011, un séminaire interne a été organisé, auquel ont participé les gestionnaires et le personnel technique de tous les musées liés et conventionnés, au cours duquel a été présentée et discutée une première version de ce document, qui a été transmise aux musées en spécifiant un délai pour l’envoi de contributions. Cette version initiale, enrichie, a ensuite été présentée à la plénière de la 3e Rencontre des musées de Bahia, qui s’est tenue à Ilhéus du 21 au 23 septembre 2011, en présence des coordinateurs de tous les Territoires d’identité (TI) de l’État19, constituant une opportunité pour la formation des groupes de travail en vue des discussions et des contributions. À cette occasion, un délai a également été prévu pour que de nouvelles suggestions soient transmises, si nécessaire. Par la suite, tout au long de l’année 2012, à partir des évaluations des actions des Centres de la Direction des musées ainsi que des contributions des participants impliqués dans les différents projets, de nouvelles suggestions ont été intégrées.
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162Pendant mon activité d’un an et neuf mois au sein du DIMUS, dans le cadre de l’exécutif du gouvernement de l’État de Bahia, nous avons créé des cadres réglementaires et une gestion participative. J’ai continué à croire en notre capacité à transformer la réalité et à être des sujets de l’Histoire. Une fois de plus, à travers la muséologie et l’éducation, j’ai essayé d’être cohérente avec mon idéal de lutte pour une meilleure qualité de vie, pour la pratique de la citoyenneté et pour l’inclusion socioculturelle. Ce fut là la véritable raison de ma présence en ce lieu, durant un an et neuf mois.
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Réflexion sur les cheminements, les contextes, les conjonctures et les actions
164Au long de ces quarante années d’activité professionnelle, nous avons changé. Nous avons changé le monde, nous avons changé la muséologie et les musées. Nous avons mûri, et nous en récoltons déjà quelques fruits. Lors d’un événement promu par le Département des musées et des centres culturels de l’IPHAN, qui s’est tenu au Musée historique national, à Rio de Janeiro, dans le but d’évaluer les résultats de la Politique nationale de ce secteur, j’ai eu la chance de participer à une séance de travail en compagnie de représentants de deux musées de favelas et d’une tribu indigène du nord du Brésil. À ce moment-là, submergée par l’émotion, je n’ai pu m’empêcher de penser aux pionniers du Mouvement de la Nouvelle muséologie, et à tant d’autres professionnels qui, comme moi, rêvaient de voir les expériences des musées communautaires, des musées de quartier, des centres de mémoire situés dans différentes régions et à la périphérie des grandes villes, être présentés et discutés sans préjugés, avec respect, reconnaissance, et comme une opportunité d’apprentissage.
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166De nombreux acteurs sociaux ont cheminé à mes côtés, dans des contextes, des parcours et des conjonctures distinctes. Les réflexions présentées ici sont le résultat de processus muséologiques appliqués à travers notre relation avec le monde, et sont imprégnées et marquées par les résultats de notre action, immergées dans la réalité concrète et culturelle dans laquelle nous étions impliqués. Elles sont donc le résultat de notre imagination muséale, et sont historiquement déterminées.
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168Je me suis efforcée de ne pas perdre de vue les possibilités d’exercer l’action-réflexion, de ne pas abandonner les connaissances construites, mais de les engager dans de nouvelles réflexions, en leur donnant de la vitalité, en comprenant que le passé et le présent sont toujours en tension, une tension garante de notre développement, dans ses différentes dimensions. En ce sens, je considère qu’il est important de réfléchir aux questionnements exposés ci-dessus, en quelques considérations finales.
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La présence du social dans la muséologie, ou une muséologie sociale ? Considérations finales
170Considérant qu’il existe une pensée éthique, un engagement éthique, qui doit allier à la connaissance l’action, l’action qui nous conduit à pratiquer la recherche pour être capables d’intervenir et d’agir afin que les êtres humains soient des sujets, je pense que la muséologie ne peut se constituer qu’au travers de conceptions théoriques construites à partir de recherches appropriées et socialement engagées.
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172En cela, la théorie et la pratique doivent être vécues comme du militantisme, non seulement dans des actions appelées Muséologie sociale, mais dans toute action muséologique, indépendamment de la typologie du musée. Ce qui est en jeu, selon notre compréhension, est la signification que nous accordons à la muséologie. Et suivant cette perspective, la muséologie proprement dite implique une action sociale. Les connaissances scientifiques doivent porter sur des situations concrètes, et ceux qui les appliquent être engagés de manière existentielle, éthique et sociale vis-à-vis de l’impact de cette application. Cette dernière, enfin, doit être contextualisée, tant au niveau des moyens que des fins, ce qui signifie qu’il est du devoir du scientifique de s’exprimer simultanément en tant que scientifique et en tant que citoyen, en un même discours (Santos 1989). Il n’est plus possible de concevoir le musée comme une institution neutre, ou de reproduction : nous devons assumer la dimension politique des musées et de la muséologie.
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174D’un point de vue philosophique, l’application de processus muséaux participatifs et socialement engagés a apporté des données importantes pour saisir en quoi le paradigme du sujet connaissant et transformateur se double désormais de la possibilité d’une compréhension entre sujets, dotés de langage et capables d’agir. Il importe de souligner qu’en procédant ainsi, nous mettons en pratique un riche processus d’apprentissage instrumental et dialogique, de compétence, de solidarité et d’établissement d’une éthique de la confiance. Du reste, la muséalisation des thèmes et des problèmes latents dans la société nous incite à développer de nouvelles méthodologies d’application des actions muséologiques, en recherchant, avec notre créativité, des solutions aux problèmes que nous n’avons pas appris à affronter et à résoudre exclusivement avec les connaissances acquises dans le milieu académique. Nous avons élargi le champ d’application des actions muséologiques et constaté qu’il est possible de les mettre en œuvre en dehors de l’institution muséale, en interaction avec des sujets sociaux, dans la dynamique de la vie.
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176À travers mon parcours professionnel, j’ai pu observer de près l’importance de travailler à partir de la construction d’un système organique, procédant d’échanges d’informations et de connaissances. L’incitation à la réflexion, à l’application et à la construction de la connaissance en différents contextes, a permis de réduire la distance entre le discours et la pratique, entre le monde académique, les institutions muséologiques et les acteurs sociaux engagés dans le faire muséal.
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178C’est pourquoi je considère qu’il est de plus en plus important de réserver une place dans nos programmes d’enseignement aux dimensions académiques, pratiques et communautaires ; et d’octroyer dans le même temps, au thème de la formation professionnelle, une place de choix dans les discussions sur la présence du social en muséologie. Nous ne pouvons perdre de vue que les compétences techniques et politiques doivent aller de pair. Nous endossons à ce titre une grande responsabilité dans la création d’un environnement favorable à la pratique de la réflexion critique et de l’action-réflexion.
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180Je pense que l’un des principaux défis auxquels nous devons faire face est celui d’être un sujet actif dans la construction d’une université plurielle, engagée dans le développement social, qui s’attelle quotidiennement aux questions épistémologiques soulevée par un nouveau modèle de science, qui doit cohabiter et fonctionner sur la base de différents paradigmes. Dans ce nouveau contexte, surmonter l’autoritarisme du savoir académique, dans la recherche d’une interaction avec le non formel et l’informel, dans l’échange et la prise en compte d’un apprentissage résidant dans la pratique sociale, n’est pas seulement nécessaire, mais urgent.
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182Je tiens encore à souligner que l’adoption du terme de muséologie sociale a été un vecteur nécessaire à ce renouvellement, contribuant de manière effective à l’enrichissement du processus muséologique et, surtout, à une pratique muséologique davantage adaptée aux différentes réalités. À partir de la construction concrète des musées, basée sur l’interaction et la participation, nous avons également pu progresser relativement aux aspects théorico-méthodologiques de la muséologie. L’existence de Cours de muséologie tels que celui de l’Université lusophone des sciences humaines et technologies, qui rendent explicite leur mission de contribuer à la construction d’une société plus juste et plus égalitaire, concourt de manière significative à innover non seulement dans la façon dont on travaille avec les musées et le patrimoine culturel, mais également dans les réflexions théoriques en notre domaine d’activité. Les projets, thèses, mémoires et publications issus de la production académique du Cours de muséologie de la Lusófona témoignent de ces avancées. Il est cependant entendu que l’existence de cours spécifiques portant le nom de muséologie sociale n’exclut pas la responsabilité, pour tous les autres enseignements de muséologie, quels qu’ils soient, d’assumer leur engagement social. Je pense aussi que cette discussion excède le champ de la muséologie, car nous comprenons que les questions relatives à la démocratisation et à l’usage de la connaissance sont intrinsèquement liées à notre attitude envers le monde, en tant que chercheurs et éducateurs, en quelque domaine que ce soit, couvrant tous les champs de la connaissance.
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184Il est également important de préciser qu’autant le Mouvement de la Nouvelle muséologie que le cours de Muséologie sociale de la Lusófona doivent être contextualisés et compris à partir du riche processus de remise en question, de rupture avec le modèle muséal établi, et du désir de construire des musées engagés dans le développement social. Je fais ici l’hypothèse que le cours de la Lusófona a trouvé, dans les piliers de la Nouvelle muséologie, la base de sa gestation. Le professeur Mário Moutinho, son créateur, coordinateur durant plusieurs années et actuel recteur de cette université, a été l’un des pionniers du Mouvement de la Nouvelle muséologie, également évoqué dans le présent texte.
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186Ma conviction est que ce cheminement, enrichi par la croissance de la production de connaissances dans le domaine de la muséologie, au fil des ans, nous amène aujourd’hui à considérer qu’il est nécessaire de reconnaître l’existence de différentes façons d’appliquer le processus muséologique, comme il existe diverses manières d’organiser et de gérer les musées, et que, à partir de notre conception de la muséologie, nous pouvons trouver en chacune d’elles les ressources potentielles pour atteindre nos objectifs. Je pense toutefois que, quelles que soient les circonstances, ce que nous ne pouvons perdre de vue est notre engagement social envers la muséologie.
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188La mémoire et l’oubli allant de pair, comme je l’ai souligné en introduction à cet article, mon récit comporte assurément de nombreuses lacunes. J’espère pouvoir combler ces manques en d’autres occasions. J’espère aussi que les réflexions qui seront faites sur ce texte par ceux qui y auront accès, ainsi que l’apport d’autres expériences de vie, me permettront de l’enrichir de nouvelles perspectives.
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Notes
1 Traduction Carolina Vanso França. La version originale en portugais de cet article est parue dans un volume des Cadernos do CEOM consacré à la muséologie sociale, publié en 2014 sous la direction de Mario Chagas et Inês Gouveia. Disponible en ligne sur : https://bell.unochapeco.edu.br/revistas/index.php/rcc/issue/view/168.
2 NdT : notre traduction, à partir de la version anglaise de l’ouvrage d’Hobsbawm Eric 1989 [1987] : The Age of Empire: 1875–1914, New York, Vintage Book, p. 4.
3 NdT : O Pagador de Promessas (« La Parole donnée » dans sa version francophone) est un film dramatique brésilien du réalisateur Anselmo Duarte, sorti en 1962. Adapté de la pièce éponyme de Alfredo Dias Gomes, il raconte l’histoire d’un paysan en proie aux difficultés que soulève l’accomplissement d’un vœu religieux, illustrant une série de conflits entre le Brésil rural et urbain. Il a remporté la même année la Palme d’Or du Festival de Cannes et le Prix du Jury au Festival de Cartagène.
4 NdT : La Jovem Guarda est un mouvement culturel brésilien qui est apparu au milieu des années 1960, à partir de la diffusion d’un programme télévisé du même nom. Influencé par le rock and roll du début des années 1960 et la soul de la Motown, il a donné naissance à un tout nouveau langage musical et comportemental dans le pays. Le tropicalisme, pour sa part, est un mouvement artistique né au Brésil en 1967, qui fait donc suite au coup d’État de 1964 à l’origine de la dictature militaire.
5 Jusqu'en 1975, au Brésil, le ginásio constituait un cycle de quatre années suivant l'enseignement primaire et précédant le cursus d’enseignement secondaire.
6 NdT : La Table ronde de Santiago du Chili, convoquée par l’Unesco pour traiter du thème « Le rôle des musées en Amérique latine aujourd'hui », a eu lieu du 20 au 31 mai 1972. Cette table ronde, et les résolutions élaborées et publiées à cette occasion, restent une référence importante pour beaucoup de musées et de muséologues, notamment dans le domaine de la muséologie sociale. Voir à ce sujet, sur le site de l’Unesco : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000012375_fre.
7 Le Musée d’art sacré (Museu de Arte Sacra da UFBA), installé dans l’ancien couvent des Carmélites déchaussées, un beau monument du XVIIe siècle situé en face de la Baie de Tous les Saints, était à l’époque le seul musée au sein de cette université. Il avait été inauguré le 10 août 1959, à l’occasion du IVe Colloque international d’études luso-brésiliennes, et a été intégré à la structure de l’UFBA en tant qu’agence supplémentaire.
8 NdT : dans son ouvrage Extensão ou Comunicação, Paulo Freire analyse le terme d’« extension » et considère qu'il comporte indiscutablement une connotation mécaniste. En ce sens, il fait remarquer que : « (…) l'expression "extension de l'éducation" n'a de sens que si l'on prend l'éducation comme une pratique de "domestication" ». Ou autrement dit qu’à travers la pratique de l’extension, « on ne fournit pas réellement les conditions de la connaissance, puisque son action n'est autre que d'étendre une "connaissance" élaborée à ceux qui ne la possèdent pas encore, tuant ainsi en eux la capacité critique de la posséder ». Actuellement au Brésil, le terme d’extensão universitária est le nom donné à toutes les activités promues par les institutions d'enseignement supérieur visant à l'interaction entre celles-ci et les communautés dans laquelle elles sont insérées, dépassant le cadre spécifique à l’université et ouvertes au public non universitaire. Les programmes d’extensions universitaires constituent l'un des fondements de l’organisation des universités publiques qui, selon la Constitution de 1988 (article 207), obéissent « au principe d'indissociabilité entre l'enseignement, la recherche et la vulgarisation. ».
9 Texte présenté lors de la IXe Conférence générale de l’ICOM, tenue à Paris et Grenoble en 1971 dans le but de discuter du thème : « Le musée au service de l’homme, aujourd’hui et demain : le rôle éducatif et culturel des musées ».
10 Felipe Serpa a été professeur adjoint à l’Université fédérale de Bahia, dont il a été recteur, et a développé son travail à l’École de physique et au sein des enseignements du cursus de maîtrise en éducation, discutant de thèmes liés à la science, à l’histoire et à l’éducation.
11 Ce projet a été élaboré dans le cadre des activités développées dans la discipline Méthodologie de l’enseignement supérieur du cursus de maîtrise en éducation, dispensée par le professeur invité Michel Lonet, en 1978, m’offrant l’occasion de travailler de manière intégrée entre la recherche, l’enseignement et un programme d’extension, en impliquant les sujets sociaux résidant dans les environs du musée d’Art sacré, les étudiants et les professionnels de différents domaines d’activité, ouvrant ainsi les portes du Musée et de l’Université à la société. Toujours dans cette discipline, nous avons réalisé un autre projet pour travailler avec des élèves d’une école de niveau secondaire publique à Salvador, en utilisant la pédagogie Freinet et à partir de l’œuvre du frère Agostinho da Piedade, un céramiste bénédictin du XVIIe siècle dont nombre de pièces sont exposées au musée d’Art Sacré. La description et l’analyse de ce projet se trouvent dans mon livre : Museu, Escola e Comunidade: uma integração necessária (« Musée, école et communauté : une intégration nécessaire »), publié en 1987 et inclus dans la bibliographie de ce texte.
12 À cette époque, il n’existait au Brésil que trois cursus de premier cycle en muséologie, dont deux à Rio de Janeiro, à l’UNIRIO et à l’université Estácio de Sá. Celui de l’UFBA, créé en 1969, était le seul dans le Nordeste et le Nord du pays.
13 NdT : le terme de classe se réfère ici à l’ensemble des étudiants et professionnels diplômés des cours de muséologie existant au Brésil à cette époque, une catégorie qui gagnera une plus grande cohérence dans le pays à travers la réglementation de la profession de muséologue.
14 En 1987, le Xe Congrès national des musées s’est tenu à Ouro Preto, dans l’État de Minas Gerais. À cette occasion, les muséologues de la région Nordeste, participants au congrès, ont décidé de conquérir un espace où ils pourraient discuter et chercher des solutions à des problèmes communs. Avec détermination, des stratégies ont été définies et le désir s’est transformé en réalité avec la réalisation de huit réunions tenues dans les différentes capitales de cette région. La classe s’est ainsi clairement positionnée en assumant la responsabilité de sa planification, de son organisation et de la diffusion de ses résultats, dans la région et dans le pays, démontrant sa capacité de production à partir de ses propres initiatives. Il est important de souligner l’importance du Forum de muséologie du Nordeste dans ce rassemblement de la classe (professionnels, étudiants en muséologie et employés des musées), la détection et la discussion des problèmes, l’élaboration et la présentation des revendications, ainsi que l’encouragement à la production de connaissances.
15 Ma thèse de doctorat a été publiée dans le Caderno de Sociomuseologia n° 7, 1996 – Université lusophone de sciences humaines et technologies, sous le titre : Processus muséologique et éducation : construction d’un musée didactique-communautaire à Itapuã.
16 NdT : On doit à Waldisa Rússio Guarnieri, professeure et muséologue brésilienne (1935 - 1990), l’élaboration du concept de fait muséal (« fato museal »), qui souligne l’importance de la relation entre l’homme, l’objet et l’environnement dans l’établissement des relations proprement muséologiques.
17 Les réflexions sur l’analyse des résultats des actions développées au musée communautaire d’Itapuã et au musée Sacaca ont été présentées dans mon texte « Os museus e a busca de novos horizontes » (« Les musées et la recherche de nouveaux horizons »), présenté au IIIe Forum des professionnels des réserves techniques des musées, tenu à Salvador de Bahia, du 18 au 22 novembre 2002. Ce texte intègre la collection présentée dans la publication : Encontros Museológicos, reflexões sobre a museologia, a educação e o museu, inclus dans la bibliographie ci-dessous.
18 Projet de loi élaboré par l’équipe technique du Conseil des musées de l’IAPC, sous notre coordination. Il a été transmis au Secrétaire à la culture de l’État et au Cabinet civil du gouvernement de l’État de Bahia.
19 NdT : sur son site internet, le Secrétariat de la culture de l’État de Bahia défini les Territórios de Identidade en ces termes : « La constitution des Territoires d’identité (TI) a été initiée en 2007. Le Secrétariat à la culture de l'État de Bahia (SecultBA) s’est appuyé pour cela sur l’approche de la Surintendance des études économiques (SEI) du Ministère du développement agraire, qui mobilisait un concept de territoire très approprié à la logique culturelle. Vingt-sept Territoires d’identité ont été reconnus, délimités selon des critères environnementaux, économiques et culturels et sur la base de l'observation des populations en tant que groupes sociaux relativement distincts, manifestant une cohésion identitaire, sociale, culturelle et territoriale. Ce faisant, le SecultBA a assumé la politique de territorialisation de la culture, dans toutes ses instances, en prêtant attention à la diversité des manifestations culturelles dans les différents Territoires d’identité. » (Gouvernement de l'État de Bahia, Secrétariat à la culture. Disponible sur : http://www.cultura.ba.gov.br/modules/conteudo/conteudo.php?conteudo=314 (consulté le 9 juin 2022).