Les Cahiers de muséologie

2406-7202 2953-1233

 

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Jean Baptista & Tony Boita

Protagonisme LGBT et muséologie sociale : une approche affirmative appliquée à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle1

(Hors-série n° 2)
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Résumé

À partir d’un certain nombre d’interrogations survenues à l’occasion du décès de Giuseppe Campuzano, fondateur du Musée Travesti du Pérou, la présente étude cherche à problématiser l’absence de débat muséologique sur la question LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Dans cette optique, elle procède à l’inventaire d’un certain nombre d’expériences muséologiques consacrées à la thématique de l’identité de genre en Occident, en Amérique latine et au Brésil. L’objectif est de réaliser une synthèse des thèmes et des expériences muséales s’appliquant à surmonter l’extermination de la population LGBT et son invisibilité. Sur la base des données présentées, on tentera de définir les caractéristiques d’une muséologie dans laquelle le protagonisme LGBT puisse apporter sa contribution au processus de démocratisation entrepris par la muséologie sociale.

Mots-clés : muséologie sociale, musée Travesti, LGBT, genre, identité

Abstract

Starting from issues raised with the death of Giuseppe Campuzano, founder of the Transvestite Museum of Peru, the present study problematizes the absence of a museological debate museológico about the LGBT (lesbians, gays, bisexuals and transsexuals) question. With that purpose, it lists some museological experiences dedicated to the theme of gender identity in the West, Latin America and Brazil. The objective is to synthetize museal themes and experiences with an interest in overcoming the extermination of the LGBT population and its invisibility. Based on these facts, the intention is to characterize a museology in which LGBT protagonism may contribute to the democratizing process undertaken by Social Museology.

Keywords : social museology, transvestite Museum, LGBT, gender, identity

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2Nous ne voulons pas parler ici de la douleur que nous a causé la mort de Giuseppe Campuzano, fondateur du Musée Travesti du Pérou. Nous voulons nous travestir en Campuzano, revêtir un maquillage inca, un manteau de plumes d’oiseaux sacrés et une longue perruque noire, afin de réfléchir à l’immense contribution que celui-ci a laissée, non seulement à son pays d’origine, mais aussi à nous tous, professionnels des musées intéressés par la démocratisation de la mémoire.

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4Il y a dix ans, en 2003, Giuseppe Campuzano a créé une expérience muséale qui est devenue une référence : le Musée Travesti du Pérou. Ce musée possédait, à travers le corps de son propre directeur, les piliers de sa collection ; et dans l’histoire du Pérou, les fondations du versant trans des musées. « Le Musée Travesti du Pérou est né de la nécessité d’avoir sa propre histoire », explique Giuseppe sur le site du musée, « dans l’exercice d’une archéologie des maquillages et d’une philosophie des corps, pour proposer une élaboration de métaphores plus productives que n’importe quelle classification excluante ». À l’avant-garde du débat, Campuzano se travestit en Vierge Marie, en déesses incas, en vierges destinées aux sacrifices rituels des anciens peuples indigènes. À travers cette métaphore, il dénonce le racisme et la transphobie catholique, étatique, péruvienne, latino-américaine, l’absence de place concédée à chacun et chacune d’entre nous, LGBT2. Et il le fait en réponse à toute forme de brutalité, par des couleurs vives, des costumes extraordinaires, des recherches philosophiques et anthropologiques régies par des discours d’union/de paix, qui traversaient son propre corps en des performances qui restent aujourd’hui inoubliables.

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6Bien que la transphobie ait engendré l’exclusion de la pensée trans de la production muséologique, Campuzano a démontré que la capacité de transitionner réside dans le corps de la muséologie. Dans les musées s’opère la transition du patrimoine ; nous retrouvons dans leurs espaces contemporains de nouvelles identités, et travestissons les objets de nouveaux sens, des sens contemporains. De fait, le musée est un espace travesti.

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8Depuis les muses grecques – ou plus précisément, depuis leurs figurants travestis du théâtre antique (Ullmann 2007) – nous accompagnons la transition constante des musées. Aujourd’hui, ils se veulent inclusifs, prétendent combattre les discriminations et défendre le droit à la mémoire. Dans le contexte latino-américain et au Brésil, le pays qui tue le plus de personnes LGBT au monde, cette nouvelle performance des musées est urgente. Toutefois, dans la muséologie, le droit à la mémoire est devenu un poncif à la mode, du moins lorsqu’il est question des personnes LGBT. Au Brésil, l’idée d’un musée trans ou LGBT tarde à faire son chemin : soit à cause de la force de l’homophobie, de la lesbophobie et de la transphobie, qui dominent les politiques culturelles ; soit du fait de la position intentionnellement excluante des musées dans ce pays, qui s’obstinent à organiser des cocktails et des banquets plus scandaleux les uns que les autres, au lieu de se démocratiser.

9Dans le domaine général des musées prévaut le raisonnement par exclusion : « Je n’ai rien contre », nous a dit le directeur d’un musée financé par des fonds publics, « mais ce n’est pas la mission de mon musée ». C’est ainsi que les musées d’art, de médecine, d’histoire, de technologie ou même les musées communautaires se protègent dans leurs missions, qui n’incluent évidemment pas la question des LGBT, précisément parce qu’elles ont été définies dans des contextes phobiques à leur égard. Par là même, la possibilité de discuter avec la société des chapitres d’une histoire violente et des alternatives de paix qui pourraient être construites est perdue.

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11Silences dans les musées, silences dans le monde universitaire. L’absence de politiques de lutte contre les LGBT-phobies dans les universités, l’incapacité des établissements fédéraux d’enseignement supérieur (IFES) à disposer d’un programme d’accès pour les LGBT (dans lequel le nom social serait utilisé dès le début des processus de sélection) et de permanence LGBT, l’absence de lignes de recherche ou de publications sur cette thématique, le refus constant d’orientation des étudiants intéressés par la recherche sur ces questions (l’argument récurrent est l’absence de production), entre autres facteurs, témoignent de la connivence académique avec l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie. Quant aux événements muséologiques traitant spécifiquement de ce thème, ils ont été jusqu’à présent inexistants, cela va de soi.

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13De tout cela découlent des doutes persistants : que pouvons-nous dire de la communauté muséale brésilienne à partir du fait que les quelques trois mille musées de ce pays n’abordent pas la question LGBT ? Comment expliquer qu’y compris des expositions temporaires, par des curateurs trans, par exemple, ne peuvent être montées ? À l’époque de l’inclusion, à quel facteur attribuer l’absence de production scientifique sur le sujet ? Qu’est-ce qui empêche d’associer la Journée internationale des musées (ICOM) du 18 mai à celle, reconnue par l’ONU, de la lutte contre l’homophobie et la transphobie, qui a lieu la veille ? Pour quelle raison n’existe-t-il pas un Printemps des musées LGBT promu par l’Institut brésilien des musées (IBRAM) ? Pourquoi semble-t-il absolument impossible, au Brésil, de penser l’existence d’une expérience comme celle du Musée Travesti au Pérou ? La communauté des musées brésiliens serait-elle homophobe, lesbophobe et transphobe ?

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15De fait, en abordant ces questions, il semble que la muséologie au Brésil – et peut-être dans le monde – n’ait pas encore surmonté la matrice hétérosexuelle (Butler 2003), ou autrement dit, que dans ce domaine la sexualité est encore associée aux déterminations hiérarchiques de genre, mobilisant l’hétérosexualité comme modèle idéologique et discursif hégémonique.

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17Nous pouvons cependant faire part de nouvelles récentes à ce propos. L’espace même dont bénéficie le présent texte dans cette publication annonce déjà l’arrivée de temps nouveaux. Au Brésil, se dessine la possibilité de parler d’une muséologie dans laquelle des personnes LGBT joueraient un rôle essentiel, c’est-à-dire une muséologie accordée à l’un des pronoms les plus importants de l’époque actuelle, le nous, qui nous permet de parler en collectif, de faire allusion à l’appartenance à une communauté unie par des critères d’orientation sexuelle et affective, dotée de son propre système de références culturelles, de demandes singulières et, par-dessus tout, intéressée à vaincre l’homophobie.

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La muséologie et les LGBT dans le monde

19Les mobilisations que l’on a pu observer ces dernières années au Brésil accompagnent le courant du débat international au sujet des droits LGBT. À mesure que les questions relatives au mariage, à l’adoption, aux réassignations sexuelles, à la peine de mort/criminalisation et à la violence à l’égard des personnes LGBT se sont imposées en tête de liste des agendas et des mobilisations de la communauté, s’est présentée également, sur la scène au niveau mondial, la quête du droit à la mémoire.

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21En réalité cependant, la relation entre les LGBT et les musées n’est pas nouvelle, comme en témoigne la période de la seconde après-guerre. Des espaces tels que le Gründerzeit Museum de Berlin, construit à partir de la collection d’objets du quotidien rassemblés par la transsexuelle allemande Charlotte von Mahlsdorf, sont devenus des références pour les personnes LGBT du monde entier, même s’il ne s’agissait alors que d’espaces clandestins (Mahlsdor 2004). Le Leslie-Lohman Museum of Gay and Lesbian Art de New York, quant à lui, a réuni depuis 1969 une collection d’œuvres d’artistes LGBT, sans doute la plus importante du monde, qui s’est trouvé agrandie durant la pandémie du SIDA, lorsque les œuvres des artistes gays victimes de la maladie ont été dévaluées, quand elles n’ont pas été retrouvées dans les poubelles (Weiermair 2008). Une vague de musées érotiques – comme le provoquant Museum of Sex d’Amsterdam (1985), le pudique MoSex de New York (2002) et le Musexo de Mexico – portent le nom de musée quand bien même ils proposent des activités commerciales et sexuelles à des horaires alternatifs, abordant la thématique LGBT dans l’éventail des multiples sexualités de l’humanité.

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23Lorsqu’il est question de musée toutefois, la problématique LGBT a toujours revendiqué un espace spécifique dans le panorama de la sexualité. En ce sens, le premier musée consacré à l’histoire et à la mémoire des homosexuels est le Schwules Museum de Berlin, dont l’inauguration en 1985 a eu une répercussion mondiale. Ce musée constitue une organisation pérenne, dans laquelle le protagonisme LGBT a mené le débat, produisant des expositions célèbres sur des artistes et des personnalités, et rendant compte de multiples cas de persécutions de personnes LGBT (Sterneweiler 2004). À partir de cette date, les expériences dans des cadres emblématiques se sont multipliées : en 2003, comme nous l’avons déjà mentionné, le Musée Travesti au Pérou inaugure la première pratique muséale où le segment trans est privilégié, et reste à ce jour une référence unique sur le sujet. Depuis 2011, dans un espace loué pour une durée de cinq ans dans le célèbre quartier Castro de San Francisco, le Gay Lesbian Bisexual Transgender Museum, premier musée de ce type aux États-Unis, présente des expositions consacrées à l’histoire de l’émancipation de la communauté gay, bisexuelle et transgenre (Bautista 2014, p. 87). En 2006, même le populaire musée de cire de Madame Tussauds, à Londres, s’est doté d’une section gay ; tandis qu’en 2013 le British Museum a lancé une importante publication décrivant une sélection d’objets de l’histoire des LGBT, sans pour autant avoir eu le courage, semble-t-il, d’organiser une exposition dans ses locaux. Cet ouvrage, présentant une sélection de pièces du musée, est traité comme un guide des œuvres (Parkinson 2013). Toujours en 2013, Israël a inauguré un monument aux victimes LGBT de l’extermination nazie dans le parc central de Tel Aviv, ville qui compte la plus forte proportion de personnes LGBT dans la communauté juive. Le National LGBT Museum à Washington, pour sa part, dont la mission est de rendre compte de l’importance d’« une Histoire qui unit des millions de personnes, mais qui est rarement représentée dans les musées traditionnels », s’est imposé la même année comme l’une des références mondiales majeures dans le traitement de cette thématique.

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25En règle générale, une large part de ces espaces sont nés d’organisations militantes, sans le soutien d’institutions universitaires ou d’organisations muséologiques internationales. Dans leurs discours, ils présentent également la nécessité d’accueillir la mémoire LGBT, tout en dénonçant l’invisibilisation de la communauté dans les musées conventionnels. Les débats, rencontres, ciné-clubs et autres formes de rassemblement qui y sont organisés démontrent à l’avenant que le public intéressé par ce type de thématique est vaste, et que l’on n’y observe pas le problème d’absence de visiteurs qui afflige la plupart des musées. Mais avant toute chose, ces actions démontrent qu’une muséologie intégrant le protagonisme LGBT est déjà une réalité internationale.

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La muséologie et les personnes LGBT au Brésil

27Spécialement élaborée à partir de la charte finale de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue en 2001 à Durban en Afrique du Sud et qui a réuni des mouvements sociaux du monde entier, la politique des actions affirmatives a commencé à affecter directement un ensemble de sciences et de domaines de connaissance à un niveau mondial. Au Brésil, les politiques publiques actuelles sont basées sur leur applicabilité, faisant du domaine des Droits humains et culturels l’un des plus fertiles de la dernière décennie. Cela est perceptible dans la création des lois 10.639/03 et 11.645/08, qui traitent de l’enseignement obligatoire de l’histoire et de la culture africaine et indigène dans les espaces éducatifs (Santos, Mendonça & Bonfim) ; dans l’application du nouveau système de quotas pour les universités brésiliennes ; et dans le programme des Pontos de memória mis en place par l’Institut brésilien des musées (IBRAM). Dans le champ théorique de la muséologie, les actions affirmatives ont trouvé un soutien dans la muséologie sociale, avec laquelle elles partagent de multiples points de convergence, suscitant des pratiques différenciées, comme par exemple l’approche affirmative au Musée afro-brésilien de Bahia (Freitas, Baêta & Ferreira 2006) ; au Musée Treze de Maio à Santa Maria (Rio Grande do Sul) dans son intégralité (Escobar, Lameira & Limberger 2006), et la (re)signification de l’histoire des collections du Musée des Missions, qui a cessé d’être exclusivement consacré aux jésuites pour devenir un espace d’histoire et de mémoire indigène (Bauer 2007 ; Baptista 2008). Bien qu’on l’oublie souvent, à mesure que les questions ethniques s’affirment dans les actions affirmatives, elles ne se limitent plus seulement aux communautés concernées mais s’appliquent à toutes celles qui subissent un processus d’exclusion historique affectant leur identité et marginalisant leur accès aux institutions.

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29Dans cette conjoncture favorable à la « diversité muséale », la muséologie au Brésil a connu « l’élargissement du spectre des voix institutionnelles, la flexibilisation des récits muséographiques des grandes synthèses nationales ou régionales, l’expérimentation de nouveaux modèles muséologiques et muséographiques, la dissémination des musées et des maisons de la mémoire dans tout le pays » (Chagas 2013). De fait, des muséologies porteuses d’autres perspectives sont en germe, en fonction de la possibilité pour des groupes aux identités escamotées dans les lectures classiques de la mémoire nationale de se les approprier.

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31C’est le cas de la mobilisation LGBT qui a émergé ces dernières années au Brésil. Dotée d’un langage propre, née directement de l’agenda du mouvement LGBT, mobilisée autour du thème central de la lutte contre l’homophobie, organisée, maintenue et multipliée principalement par les personnes LGBT elles-mêmes, cette muséologie ouvre un espace dans des conjonctures où d’ordinaire elle n’est pas considérée comme la bienvenue. En ce sens, il convient de formuler quelques considérations sur les étapes consécutives franchies par cette mobilisation, ainsi que prendre la mesure de son historicité, tout en gardant à l’esprit que toute tentative de synthèse exclura des étapes de ce processus que nous ignorons, ou parce l’espace nous manque ici pour les traiter en profondeur.

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a) Le IVe Forum national des musées (2010) : un événement important pour la communauté muséale a marqué la plus grande réunion de muséologie du pays en 2010. Dans une conférence pleine d’humour et détendue, l’anthropologue et historien Luiz Mott a présenté le Musée de la sexualité, un espace promu par le Groupe Gay de Bahia. Ce fut là certainement la première fois que la muséologie au Brésil s’est donnée l’occasion d’une réflexion approfondie sur l’homophobie exprimée dans les musées. Dans sa conférence, Mott a souligné, parmi d’autres cas remarquables, le tort causé par le Musée Santos Dumont et par l’exposition Le Brésil de Pierre Verger en dissimulant l’identité LGBT de ces grands noms de l’histoire du pays. Percevant la nécessité de références positives à la population LGBT dans la mémoire nationale, le chercheur a démontré que les taux élevés de suicide et d’homicide des LGBT dans le pays sont également corrélés à l’homophobie manifeste dans les espaces de mémoire. Il n’existe malheureusement aucun enregistrement authentifié de cet événement, mais le discours a laissé un impact profond sur les professionnels et les étudiants en muséologie alors présents, suscitant un débat interne qui aboutira par la suite à la création d’organisations et la réalisation d’actions susceptibles de problématiser en profondeur la relation entre l’exclusion, l’homophobie, les chiffres de l’extermination de la population LGBT dans le pays, et les musées.

 

b) Le Réseau LGBT de mémoire et de muséologie sociale du Brésil : lors du cinquième Forum national des musées, qui s’est tenu à Petrópolis (État de Rio de Janeiro) en 2012, une importante mobilisation des professionnels de musées a eu lieu. Parallèlement à l’événement, des militants LGBT issus d’universités, de points de mémoire ou de musées conventionnels se sont réunis pour discuter de l’absence des personnes LGBT dans les politiques nationales de mémoire. L’invitation à cette réunion ne s’adressait pas aux seules personnes LGBT, mais aussi aux hétérosexuels présents à l’événement. Tous n’y ont pas assisté, et d’importants théoriciens de la muséologie sociale en sont venus à remettre en question la validité conceptuelle de la relation entre la communauté LGBT et la muséologie. Au milieu d’une telle opposition, il est devenu évident que le thème de l’homophobie dans les musées ne suivrait pas un parcours simple. Le besoin d’une meilleure organisation était patent. Dans cette optique, le groupe réuni s’est structuré pour créer une organisation qui aborde la question de manière objective et s’intéresse à une confrontation positive visant à surmonter l’homophobie dans les musées. C’est ainsi qu’est né le Réseau brésilien de muséologie sociale et de mémoire LGBT, qui est devenu un centre de soutien, de débats, d’analyses et de critiques sur la muséologie et sa relation avec la communauté LGBT.  En raison du manque de ressources, et à regret, ce réseau n’est pas en mesure de créer d’événements, de lancer des publications et de réaliser quelqu’autres actions représentatives de ses orientations. Un an après sa fondation, s’il manifeste des signes incontestables de survie, il a assurément besoin de plus de soutien pour la concrétisation ses actions.

 

c) Projets dans le domaine de la mémoire et de la muséologie sociale : le nombre croissant de professionnels LGBT assumant leur identité dans le milieu académique a entraîné l’émergence de nombreux projets de recherche, d’enseignement et de programmes d’extension liés ou non à des établissements d’enseignement supérieur3. Certains exemples sont éclairants : le projet Memória LGBT, coordonné par Rita Colaço, qui vise à promouvoir la mémoire et le tourisme LGBT à Rio de Janeiro, démontre comment des militants s’associant aux connaissances universitaires deviennent des acteurs puissants dans des domaines tels que le patrimoine, la muséologie et l’histoire. Des collectifs d’étudiants et d’universitaires, tel que le groupe Cameleão de l’Université fédérale de Rio Grande (FURG, dans l’État de Rio Grande do Sul), promeuvent des réunions régulières à des dates symboliques, comme le 28 juin (Stonewall4) et le 29 janvier (visibilité trans), élaborant une politique estudiantine destinée à la communauté LGBT fondée sur la mémoire, et s’appuyant plus particulièrement sur la production d’expositions qui dépeignent l’homophobie institutionnalisée dans les universités. De même, le projet Memória e Resistência LGBT, développé par les auteurs du présent article, propose aux universités, aux musées et aux écoles un mini-cours d’extension visant à améliorer la capacité des institutions à aborder la thématique LGBT, tant au niveau des contenus qu’elles proposent que des manières alternatives d’entrer en relation avec ce public. Dans la mesure où les appels à projet tels que celui du programme d’extension Proext ont été renforcés par le Gouvernement fédéral, les expériences de ce type ont tendance à se multiplier.

 

d) Les LGBT dans les musées : bien que l’on soit encore loin de considérer cette stratégie d’occupation pleinement satisfaisante, de nombreux musées brésiliens ont commencé à ouvrir leurs espaces à la population LGBT dans le cadre d’une série de rencontres, d’événements et de débats, sous la forme d’activités parallèles. Parmi celles-ci, on peut citer la mise à disposition du Musée des droits de l’homme de Porto Alegre pour le festival Close qui, en 2013, a réuni des productions cinématographiques du monde entier sur cette thématique. Dans le même ordre d’idées, le lancement au Musée d’art moderne de São Paulo du livre História da Imprensa Gay (« Histoire de la presse gay »), qui incluait une conférence du député fédéral Jean Wyllys et comptait avec la présence représentative de personnalités et d’intellectuels du milieu LGBT et du domaine des musées, a permis de débattre, parmi d’autres thèmes, de l’absence des LGBT dans le paysage muséologique. Brisant les tabous, le Musée du football a accueilli la même année un débat sur l’homophobie dans le sport, promettant à cette occasion la réalisation, durant la Coupe du monde de 2014, d’une exposition sur le sujet, que l’on attend avec impatience. Nonobstant, il apparaît clairement que d’importants musées brésiliens, considérés comme stratégiques pour la consolidation des mémoires, comme le Musée historique national, ne se sont pas encore manifestés sur la possibilité ou la volonté de renforcer les liens avec le mouvement LGBT, manifestant le poids de l’absence d’une action effective de la part de ceux-ci pour encourager le protagonisme LGBT dans les musées brésiliens.

 

e) L’exposition temporaire Do babado : registros de uma sociedade plural e homofóbica (« Do Babado5 : Comptes rendus d’une société plurielle et homophobe ») au Musée des Bandeiras (Muban-IBRAM), dans la ville de Goiás, qui est devenue un point de repère de la muséologie brésilienne associée à la communauté LGBT, synthétise de multiples aspects qu’implique son travail de production. Dans le cadre d’un vaste projet affirmatif mené par la muséologue Girlene Chagas Bulhões, alors directrice de Muban, un débat approfondi a été lancé pour élaborer cette exposition temporaire portant sur l’histoire et la mémoire LGBT dans le pays. Conçue en collaboration avec des professionnels de musées, des professeurs d’université, des étudiants en muséologie, des membres du Réseau LGBT de Mémoire et Muséologie sociale du Brésil et de l’équipe organisatrice dont nous avons fait partie, cette exposition temporaire a été la première à s’attacher à cette thématique dans les musées financés par le gouvernement fédéral. Sa réalisation a impliqué une vaste campagne menée sur les réseaux sociaux, invitant les personnes LGBT à envoyer des photos de leur vie quotidienne, dans le but de faire comprendre aux visiteurs que notre quotidien n’est pas si différent de celui des autres. Des amis dans un bar ou en train d’étudier, des couples dans des paysages bucoliques, des individus circulant en bus, des amis à la plage, et même des garçons repassant du linge, sont quelques-unes des thématiques qui ont composé un paysage d’images, imprimées et suspendues à l’aide de rubans colorés sur des supports installées dans la cour du Muban. Tout cela dans l’optique de ne choquer personne, mais d’amener les gens à se rapprocher. Parallèlement, une semaine de débats a été organisée dans le musée : des rondes de conversation, des spectacles de drag queen, des films, et un immense drapeau LGBT déployé sur la façade du bâtiment ont marqué les activités. Parmi les passants, il existait un sentiment positif de se trouver représenté dans un espace de mémoire important. Étant donné que ce musée, destiné originellement à conserver l’identité des bandeirantes, ces célèbres malfaiteurs de l’histoire nationale6, avait déjà consacré des activités et des expositions aux sans-abris, aux détenus, aux handicapés physiques, aux personnes noires et indigènes, il s’affichait désormais notoirement comme le Museu de todas as Bandeiras, « le Musée de tous les drapeaux », opérant l’un des plus importants déplacements symboliques que la muséologie brésilienne ait jamais connu. Évidemment, les secteurs conservateurs de la société se sont manifestés avec acharnement. Quelques mois plus tard, à notre grand regret, la directrice a été démise de ses fonctions et l’institution s’est remise à ne faire référence qu’aux Bandeirantes. Les étudiants en muséologie, à l’occasion de leur dernière réunion (ENEMU-Cachoeira, 2013), ainsi que d’autres professionnels de musées, ont produit des documents protestant contre le licenciement de cette professionnelle. Ces documents ont été envoyés au Conselho nacional LGBT7, qui n’a jamais répondu, ainsi qu’à l’Institut brésilien des musées (IBRAM), qui a nié l’existence d’un quelconque rapport entre la révocation de la directrice et le thème abordé par l’exposition.

 

f) Le point de mémoire LGBT de Maceió (capitale de l’État d’Alagoas, dans le Nordeste) : en 2012, dans la ville où le taux d’homicides contre la population LGBT est le plus élevé du pays, des membres du mouvement local, parmi lesquels Dino Alves, ont monté une exposition où des personnalités de la communauté ont été commémorées et honorées. Cette exposition a valu au groupe le titre de Ponto de Memória (« Point de Mémoire », NdT), devenant par-là la première initiative de la communauté LGBT reconnue par l’Institut brésilien des musées (IBRAM).

 

g) Le Musée de la diversité : à São Paulo, ce musée installé dans la station de métro República a consacré son exposition fondatrice en 2012, O T da questão8, à la population trans. Il s’agissait de la première exposition dans un musée financé par des fonds publics – en l’occurrence le gouvernement de São Paulo –, à traiter spécifiquement du thème des trans. Peu après, ce même musée a monté l’exposition Crisálidas, composée de photographies de Madalena Schwartz réalisées auprès de la population transgenre dans les années 1970. Le Musée de la diversité s’est dès lors consolidé comme un espace d’avant-garde et a bénéficié d’un soutien politique pour le développement de son projet. Le musée compte dans son équipe des professionnels LGBT, ce qui justifie selon notre analyse la grande qualité des résultats et la possibilité pour les personnes LGBT de s’identifier immédiatement dans cet espace muséal.

 

h) La revue Memória LGBT : ayant compris que les musées brésiliens, après des tentatives réitérées de montage d’expositions dans différents espaces muséaux, ne s’ouvriraient pas à la thématique LGBT, les auteurs du présent article ont entamé un autre voyage en s’intéressant à la production d’expositions virtuelles, à la collecte de matériaux visant l’affirmation de la mémoire et de l’histoire LGBT, et à la signification positive de contenus proprement muséologiques. Le premier numéro de cette revue, lancée en novembre 2013, célébrait le Mois de la conscience noire en se réappropriant des contenus de notre histoire et de notre mémoire afro-LGBT. La deuxième édition, liée à la visibilité trans, s’est attachée à re-signifier la figure des muses, référence récurrente dans la production muséologique, en appréhendant celles-ci comme des muses trans. La troisième édition a réalisé un objectif controversé et important, celui du Patrimoine Culturel LGBT, en se proposant de cartographier les principales références culturelles de la communauté. Durement critiquée par les théoriciens classiques de la muséologie, la revue a gagné une ample diffusion via les réseaux sociaux, dialoguant avec des publics variés, tels que des détenus, des professionnels du sexe, en plus des universitaires et des professionnels des musées brésiliens et étrangers. Cette publication bimensuelle est entièrement gratuite et publie des textes d’auteurs majoritairement LGBT s’intéressant au débat sur l’histoire, la mémoire et le patrimoine LGBT au Brésil et dans le monde.

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Considérations finales

34À partir de la conjoncture nationale et internationale, nous pouvons déduire certains aspects qui prennent forme dans un segment émergent de la muséologie intégrant un protagonisme LGBT. Une telle muséologie :

  • remet directement en question la matrice hétérosexuelle, en ce que celle-ci détermine un discours hégémonique et hiérarchisant présent dans les musées ;

  • appréhende la mémoire en tant qu’elle peut contribuer à lutter contre l’homophobie qui s’exprime au Brésil, pays qui tue le plus de personnes LGBT dans le monde, en partant du principe que les musées sont directement liés aux principes des droits humains et culturels ;

  • conçoit qu’elle a pour public deux grands secteurs sociaux : la communauté LGBT, qui manque d’espaces de mémoire et de références historiques pouvant servir de cadre positif pour la constitution de nos identités, et le grand public, homophobe et ignorant de l’humanité des personnes LGBT, ce qui souligne la nécessité de politiques suscitant leur adhésion à un État régi par le principe des droits humains et culturels ;

  • peut être réalisée sur un mode multivocal, à partir de multiples voix, en comptant sur la collaboration de professionnels de musée qui n’ont pas besoin d’être membres de la communauté LGBT, mais qui néanmoins présuppose l’utilisation du pronom « nous », ou autrement dit qui pose le protagonisme LGBT comme un aspect fondamental de sa construction. Et en ce sens, qui se détermine comme une position affirmative ;

  • est solidaire envers d’autres causes sociales où la persécution des identités conduit à l’exclusion sociale et à l’oubli, quand bien même il est notoire qu’une grande partie des mouvements, identités et organisations communautaires ne souhaitent pas se rapprocher de la population LGBT ;

  • nécessite une réflexion plus approfondie sur sa contribution théorique, ses méthodes, ses langages et son esthétique, ce qui implique l’approfondissement de la thématique par les universités, la production de nouvelles publications, l’ouverture de lignes de recherche dans les programmes de post-graduation, les projets d’extension universitaire et la possibilité pour les personnes LGBT d’obtenir leur diplôme en étudiant des thèmes liés à leur identité ;

  • dispose d’une armature théorique basée sur la muséologie sociale, en dépit du fait que celle-ci a généralement ignoré la présence de ce segment LGBT dans pratiquement tous les documents qu’elle a produit, ce qui met en évidence le fait que lorsqu’il est question de sexualité, même l’approche sociale demeure conservatrice. Pour cette raison sans doute, la majorité des exemples cités explorent des approches extérieures à l’univers du débat muséologique, dans la lignée de la théorie queer, de l’histoire culturelle, et même du matérialisme (marxiste).

  • possède son propre langage, utilisant le pajubá pour exprimer ses codes, ses principes et ses stratégies de survie ;

  • a conscience qu’elle n’est pas une priorité des politiques publiques en matière de mémoire ; qu’elle ne bénéficie pas, de manière générale, du soutien de la communauté muséale ; et que les larges couches conservatrices de la société nationale, notamment celles qui contrôlent les espaces publics, ne la soutiennent pas et ne veulent pas qu’elle soit développée ;

  • indique à destination du débat sur la muséologie sociale et la démocratisation de la mémoire qu’il y a encore peu à célébrer en la matière, et que le droit à la mémoire dans un État régi par les Droits humains n’est pas encore un acquis, mais un chemin qu’il est nécessaire de poursuivre ;

  • souligne que, même si la nécessité de créer des espaces de sociabilité abordant l’histoire et la mémoire LGBT au Brésil est évidente, il ne fait aucun doute que la muséologie intégrant un protagonisme LGBT n’appartient pas seulement à des espaces exclusifs de cette communauté. Les exemples du Musée du football, du Musée des Bandeiras et du British Museum le démontrent : cette histoire n’est pas seulement l’histoire d’un seul groupe, mais celle de tous ;

  • en contrepartie sociale, la muséologie avec un protagonisme LGBT offre à la société la possibilité de penser la différence en termes d’orientation sexuelle, en proposant des réflexions sur l’avenir que nous désirons construire et les alternatives pour surmonter la violence ;

  • enfin, les alternatives muséales se révèlent comme une stratégie de survie de plus pour notre population, intéressée à se représenter et à jouer un rôle de premier plan dans son histoire, en s’appuyant sur une pensée créative capable de trouver des alternatives parallèles aux chemins traditionnels, comme cela est de coutume dans notre quotidien, occupé à dribbler les obstacles de l’homophobie.

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36Nés dans un monde qui se refuse à nous être destiné, nous trouvons évidemment des alternatives créatives à ces barrières – la capacité de se recréer que la pensée LGBT autorise. En ce sens, nous avons joué notre rôle dans le processus de démocratisation des musées au Brésil, comme en témoignent les exemples mentionnés. Mais qu’en est-il de vous, professionnels de musées, du patrimoine et de la mémoire ? Qu’avez-vous fait en termes d’inclusion des LGBT ? Je vous suggère de commencer par vous travestir, pour expérimenter dans votre chair l’éclat d’autres représentations, comme celles de Campuzano et, ce faisant, de trouver les voies d’une re-création de la muséologie brésilienne, de la trans-action qui la transformera, de fait, en une muséologie véritablement démocratisante.

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Notes

1 Traduction Chloé de Sousa Veiga et Dominique Schoeni. La version originale en portugais de cet article est parue dans un volume des Cadernos do CEOM consacré à la muséologie sociale, publié en 2014 sous la direction de Mario Chagas et Inês Gouveia. Disponible en ligne sur : https://bell.unochapeco.edu.br/revistas/index.php/rcc/issue/view/168. Le néologisme « protagonisme » sera utilisé ici pour rendre le sens du terme portugais « protagonismo », aujourd’hui couramment utilisé au Brésil et qui ne trouve pas d’équivalent en français. On peut le comprendre comme une dérivation du mot protagoniste, à l’exemple du rapport entre les termes antagonisme et antagoniste : la caractéristique de celui qui se distingue par son activité dans un contexte donné, qui joue un rôle de premier plan dans les circonstances évoquées.

2 NdT : L’usage de l’acronyme LGBT dans le présent article reproduit celui qui en est fait dans la publication originale en portugais, parue en 2014. Selon les auteurs, il serait plus approprié d’écrire actuellement LGBT+, si l’on considère l’évolution des usages au long des dernières décennies au Brésil. Cet acronyme s'est en effet transformé depuis les années 1980. « GLBT » (Gays, Lesbiennes, Bisexuels et Travestis) a été utilisé par l'État brésilien avant l’adoption du terme LGBT, tandis que LGBTQ (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Travestis/Transsexuels et Queer) était déjà utilisé à l'étranger, notamment en Espagne. « LGBTI » (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Travestis, Transsexuels et Intersexes) a été également suggéré par la sociologue Berenice Bento lors du Forum mondial des droits humain à Brasília en 2013. « LGTBIQ » (Lesbiennes, gays, travestis, transsexuels, bisexuels, intersexes et queers) agrège les deux précédentes propositions, attirant l'attention sur le processus historique dans lequel le « T » a été inséré, selon la volonté de s’ajuster aux catégories trans les plus variées (transgenre, transsexuel, travesti, hommes trans, femmes trans, entre autres). En ce sens, l’acronyme LGBTT est parfois également adopté. Actuellement, l'acronyme LGBT+ est de plus en plus populaire car il permet d'inclure et de tenir compte aisément d'autres sexualités et identités de genre.

3 NdT : les extensions universitaires (Extensãos Universitárias) sont des interventions réalisées par les universités qui se donnent comme objectif de connecter les connaissances académiques avec celles des communautés, mobilisant des méthodologies dialogiques en vue de promouvoir la démocratisation de la société.

4 NdT : La date du Stonewall marque la commémoration du soulèvement qui a eu lieu le matin du 28 juin 1969 au bar Stonewall Inn à New York, et qui s’est prolongé en des manifestations durant six jours. Au cours de cette période, plusieurs épisodes ont opposé violemment gays, lesbiennes, travestis et transsexuels à la police new-yorkaise qui jusqu’alors les opprimait et les agressait sans relâche. Cet événement d’importance pour les personnes sexuellement dissidentes est toujours célébré actuellement, notamment par des marches de fierté.

5 NdT : Le terme babado, dans le langage utilisé par les personnes LGBT+ au Brésil (le pajubà), fait référence à un événement frappant, admirable, remarquable et distinctif de cette communauté. L’usage courant du pajubá, permettant de déjouer la compréhension de ce qui est dit par les personnes extérieures, s’explique entre autres par la nécessité de se protéger de la violence sociale.

6 NdT : Le nom de bandeirantes est celui qui a été retenu par l'histoire officielle et la mémoire brésilienne pour désigner les hommes qui ont envahi l'intérieur du pays durant la période coloniale. La plupart d’entre eux provenaient de la ville de São Paulo, et mobilisaient une stratégie d'invasion basée sur la réduction en esclavage ou l’extermination des populations indigènes, ainsi que la fondation de villes.

7 NdT : Le Conseil national de lutte contre la discrimination et pour la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, travesties et transgenres (CNCD/LGBT) a été créé le 9 décembre 2010, via le décret présidentiel n° 7.388. Suite à la création de ce conseil, des campagnes et des politiques publiques en faveur des LGBT brésiliens ont été réalisées.

8 NdT : Le « T » faisant ici référence aux personnes travesties et transexuelles.

To cite this article

Jean Baptista & Tony Boita, «Protagonisme LGBT et muséologie sociale : une approche affirmative appliquée à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle1», Les Cahiers de muséologie [En ligne], Hors-série n° 2, p. 69-84 URL : https://popups.uliege.be/2406-7202/index.php?id=1215.

About: Jean Baptista

Titulaire d’un doctorat en histoire ibéro-américaine et post-doctorant à l'Institut d'études sur le genre, la sexualité et le féminisme (IGSF) de l’université McGill à Montréal (Canada), Jean Baptista est actuellement professeur à l'Université fédérale de Goiás, où il enseigne dans le cadre du programme de troisième cycle en anthropologie sociale et du cursus de bachelor en muséologie. Il est également membre du Réseau LGBT de mémoire et muséologie sociale au Brésil, ainsi que de la revue en ligne Memória LGBT.

About: Tony Boita

Muséologue, titulaire d’un master en anthropologie et poursuivant une recherche doctorale en communication à l'Université fédérale de Goiás, Tony Boita est rédacteur en chef de la revue Memória LGBT+ et membre du réseau LGBT de muséologie sociale au Brésil. Il a publié en 2020 l’ouvrage Museologia LGBT: Cartografia das Memórias LGBTQI+ em acervos, arquivos, patrimônios, monumentos e museus transgressores, et est actuellement en charge de la direction du Museu das Bandeiras, du Musée d'art sacré de Boa Morte et du Musée Casa da Princesa (Ibram/Mtur) à Goiás.