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Le Mouvement International pour une nouvelle Muséologie et la Déclaration de Córdoba – Argentine1
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Version PDF originale1
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3Le Mouvement international pour une nouvelle muséologie (MINOM) a comme point de départ le « 1er atelier international Ecomuseums/Nouvelle Muséologie », qui a eu lieu en 1984, à Québec, au Canada. L'année suivante, une deuxième conférence internationale s'est tenue à Lisbonne, au Portugal, avec pour thème « Ecomusées et muséologie locale » et pour objectif de créer le Mouvement international pour une nouvelle muséologie, ce qui s'est effectivement créé. L'année 1985 (en termes temporels) et la ville de Lisbonne (en termes spatiaux) constituent donc les jalons fondateurs du MINOM. C'est l'une des raisons pour lesquelles le portugais est sa langue officielle.
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6Les sept premières réunions internationales du MINOM tenues entre 1984 et 1992, dont les deux citées ci-dessus, ont eu lieu dans l'hémisphère nord, avec un accent particulier sur l'Europe. Les documents se rapportant à cette période sont éclairants : 1986 - conférence tenue à Tonten, Norvège, thème : « Tradition nordique et perspectives » ; 1987 - conférence tenue à Moulinaux, France, thème : « Questions idéologiques de la nouvelle muséologie » ; 1988 - c'est le tour de Chalki, Grèce, thème : « Musée et développement » ; 1989 - La Haye, Suède, thème : « Action culturelle - Action muséographique » et 1992 - retour au Québec, Canada, thème : « Familles d'esprit ».
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9La première réunion officielle du MINOM dans l'hémisphère sud a eu lieu en 1999 dans la ville de Salvador (Bahia), au Brésil. Après une pause de sept ans, précédée d'une intense période d'activités, la reprise des activités s'est faite avec la VIIIe Conférence internationale du MINOM et le thème : « Patrimoine, jeunesse et développement ». Nous observons ici une inflexion progressive et régulière, vers un processus qui rompt avec l'hégémonie muséologique de l'hémisphère nord et qui dévoile d'autres possibilités de réflexion, d’autres possibilités de penser et de faire des musées engagés dans la vie, la citoyenneté active, les droits de l'homme et la démocratie radicale. Comme on peut le constater, les années 1980 ont été une décennie d'expansion et les années 1990, une décennie de récession.
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12Les cinq réunions internationales organisées au cours de la première décennie du XXIe siècle ont confirmé la tendance précédente, avec une variante en 2004 et un retour au Brésil, plus précisément dans la ville de Rio de Janeiro. Les documents faisant référence à cette période historique sont également éclairants : 2001 – 9e conférence du MINOM, Molinos, Espagne, thème : « Muséologie territoriale et organisation sociale » ; 2004 – Santa Cruz (Rio de Janeiro), Brésil, thème : « Nouvelles terminologies muséologiques » ; 2005 – retour à Molinos, Espagne, thème : « Patrimoine, territoire durable 21. Nouvelle muséologie » ; 2007 - Lisbonne, Portugal, thème : « Sociomuséologie » ; 2010 - Amsterdam, Pays-Bas.
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15Au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle, sept conférences internationales ont été organisées, une en Afrique, quatre en Amérique latine et deux en Europe. C'est une période décisive qui marque un virage géopolitique et pour le processus d'identification du MINOM avec les connaissances et les pratiques produites dans l'hémisphère sud. En 2011, le MINOM a tenu sa XIVe conférence internationale dans la ville d'Assomada sur l'île de Santiago, au Cap-Vert. Pour la première fois, le Mouvement a atteint un pays africain lors d'une réunion officielle. La conférence d'Assomada a été décisive et a été largement suivie par les enseignants et les étudiants.
16En 2013, deux réunions internationales ont été organisées : l'une dans la ville de Rio de Janeiro (Déclaration de Rio - Muséologie de l'affect) et une autre dans la ville de Limavady, en Irlande du Nord (Déclaration de Limavady) ; en 2014, le MINOM s'est réuni à La Havane, à Cuba (voir Déclaration de La Havane) ; en 2016, il s'est réuni à Nazaré, Rondônia, Brésil (voir Missive de Nazaré - Mémoire active) ; en 2017, il s'est réuni à Córdoba, en Argentine, et a produit un document connu sous le nom de « La muséologie qui n'est pas utile pour la vie est une muséologie qui ne sert à rien » et en 2018, il s'est réuni à Bogota, en Colombie, à l'occasion de laquelle il a produit une grande réflexion et un document au contenu fort, connu sous le nom de « Déclaration de Bogota - Toute la vérité, rien que la vérité ».
17En 2020, à l'heure de la pandémie, le MINOM a tenu sa XXème conférence internationale, entièrement virtuelle, dans le cadre d'un partenariat créatif entre le Réseau des musées de Lugo, l'Université de Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne) et l'Université lusophone des sciences humaines et des technologies (Portugal), avec une large participation de travailleurs de musées d'Ibéro-Amérique et de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).
18Comme on peut le constater, au cours de cette deuxième décennie, le MINOM a connu un processus d'accélération et d'expansion dont il est déjà possible de visualiser les défis de l'avenir.
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21L'objet du présent texte est centré sur une réalisation spécifique du MINOM, sa XVIIIe Conférence internationale, qui s'est tenue à Cordoba, en Argentine, dans la période du 12 au 14 octobre 2017. La référence temporelle revêt ici une grande importance. En effet, la conférence a été précédée – en guise de préparation – par le cours de formation intitulé « Muséologie sociale en Amérique latine : poétique et politique en mouvement à partir d'expériences concrètes », qui s'est tenu du 9 au 11 octobre.
22Le cours était intense, diversifié, multivocal et incluait l'accès à des expériences concrètes de musées sociaux à Córdoba, ainsi que de nombreux rapports d'expériences d'Amérique latine et d'Afrique. Il est important de noter que la méthodologie impliquant une conférence internationale accompagnée d'un cours à forte insertion locale fait partie de la trajectoire du MINOM.
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25Le thème de la XVIIIe Conférence : « La muséologie qui n'est pas utile pour la vie est une muséologie qui ne sert à rien » continue de résonner, inspirant des pratiques et produisant des réflexions, surtout en période de pandémie. Dans ce slogan, il y a une dimension de solidarité avec la vie de chacun et de chacune d’entre nous; avec la valorisation de l'expérience créative et du bien commun ; avec l'affirmation claire d'une muséologie biophile, par opposition à une muséologie nécrophile. L'expérience de Córdoba a renforcé la muséologie sociale en Amérique latine et en Ibéro-Amérique. C'est à Córdoba qu'a émergé la proposition de créer les Voyages de muséologie sociale d'Amérique latine, dont la première édition a eu lieu à Bogota, en Colombie (2018), la deuxième à Túcume, au Pérou (2019) et la troisième, organisée de manière virtuelle, avec des ancrages à Quilmes, en Argentine, et à Bogota, en Colombie (2020).
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28Les Déclarations du MINOM méritent une attention particulière. Il est nécessaire de les collecter, de les organiser, de les soumettre à une analyse critique et de les publier de manière organisée. Tel est le bilan, pour relever ce défi, qui doit prendre en compte les connaissances, les pratiques et les voix des peuples indigènes2, des quilombos34, des communautés rurales et urbaines, et des communautés LGBTQI+. Nous espérons que la publication proposée ici sera un stimulant pour accomplir cette tâche urgente et nécessaire, qui doit être construite de manière collaborative et large, en tenant compte des différentes expériences accumulées tout au long de la trajectoire du MINOM.
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31La décennie à venir réserve de nouveaux défis pour le MINOM, notamment la consolidation des expériences de muséologie sociale en Ibéro-Amérique, son renforcement au sein du CPLP, tout en gardant un œil critique sur ses orientations en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Parmi les défis du MINOM pour la décennie 2021-2030, citons la stimulation et le soutien des nouvelles pratiques ; la consolidation des positions acquises ; le renforcement des réseaux de collaboration régionaux, nationaux et internationaux ; l'expansion de la production et de la diffusion des connaissances dans le domaine de la muséologie sociale ou sociomuséologie ; l'investissement dans les cours de formation à différents niveaux ; l'encouragement des échanges communautaires, techniques et scientifiques aux niveaux national et international. Espérons-le ! La nouvelle décennie sera riche en réalisations !
Notes
1 Texte traduit du portugais (Brésil) par Manuelina Maria Duarte Cândido.
2 Pour comprendre ce que l'on appelle les peuples indigènes au Brésil, voir le périodique Horizontes Antropológicos, vol. 26, nº 58, 2020, et surtout sa présentation disponible à l'adresse suivante : https://www.scielo.br/j/ha/a/35hkmFFFXVkJ6xJj7HHRRsF/?lang=pt&format=pdf.
3 Sur le concept de quilombo et de quilombolas, voir l'article des anthropologues Alessandra Schmitt, Maria Cecília Manzoli Turatti et Maria Celina Pereira de Carvalho, disponible sur le site : https://www.scielo.br/j/asoc/a/3zsW4C3r6CFYcnx8sPSDrdk/?lang=pt#.
4 NdT : Les concepts classiques de quilombos et de quilombolas font référence à des groupe de personnes qui ont résisté au processus d'esclavage au Brésil en fuyant les fermes vers des lieux isolés. Souvent implantées au milieu des bois, les communautés quilombolas ont constitué ces espaces de résistance dans lesquels l'identité se construit par rapport au territoire. Aujourd'hui, certains des anciens quilombos sont devenus des quartiers des villes, d'où le terme de quilombos urbains. Les autrices du texte portugais proposé par Mário Chagas problématisent la définition traditionnelle et renforcent le rôle de l'identité quilombola dans la lutte pour la terre.