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p. 207-254
En 1990, le Parc National de l'Akagera (PNA) au Rwanda couvrait 250 000 ha et comprenait un écosystème terrestre et un écosystème aquatique. Son écosystème terrestre couvrait 234 000 ha, dont 34 000 ha étaient situés dans le Domaine de Chasse du Mutara. Depuis sa mise en réserve, en 1934, il avait subi d'importantes variations de superficies. En 1997, le PNA a été réduit à 100 000 ha et son écosystème terrestre à 50 000 ha.
Dans sa configuration de 1990, il abritait une grande variété de paysages : des collines abruptes, des hauts plateaux, des plaines inondables et une vaste pénéplaine ondulée (le Mutara). Sa superficie était couverte pour 60 % de savanes arbustives ou arborescentes à Acacia-Combretum, 25 % de savanes boisées à Acacia-Albizia et 15 % de savanes herbeuses à Loudetia, à Themeda Hyparrhenia ou à Botriochloa-Sporobolus. L'ensemble était soumis à d'importants gradients climatiques, tant quantitatifs que temporels. La pluviosité annuelle moyenne variait ainsi de 650 mm à près de 900 mm et la petite saison sèche de janvier-février était souvent mieux marquée dans le nord que dans le sud. Bien qu'il semblait absolument sauvage, cet écosystème avait supporté dans le passé d'importantes populations humaines, qui avaient été éliminées ou évincées en grande partie par les épidémies de la fin du siècle dernier et par les mesures successives de mise en réserve.
Les observations et études effectuées entre 1969 et 1990 montrent que cet écosystème a subi d'importants changements. Sa végétation, malgré les feux fréquents, s'est fermée en beaucoup d'endroits et le régime des feux a été lui-même modifié. Les changements les plus importants sont toutefois liés aux modifications successives des limites et à l'éviction de populations humaines.
Sur le plan des ongulés, les quelques estimations disponibles montrent une nette augmentation de la plupart des populations depuis la création du parc jusqu'en 1990. Etant un écosystème fermé, celle-ci ne repose que sur des phénomènes internes. Dans une première phase (1934-1970), elle représente probablement essentiellement un rétablissement après l'épidémie de peste bovine de 1932 et une réaction à la création du parc. Dans une seconde phase (1970-1990), elle doit être mise en relation avec l'éviction de populations humaines du Mutara. Celle-ci a en effet considérablement étendu la superficie des pâturages de saison sèche en mettant à la disposition des ongulés 40 000 ha de savanes parmi les moins arides et les plus ouvertes de l'écosystème.
Toutes les espèces n'ont cependant pas réagi de la même manière. L' éland du Cap et le phacochère ont décliné, mais la plupart des espèces sédentaires ont augmenté de 20 à 40 % et les espèces transhumantes de 90 à 200 %. Cette forte augmentation s'est accompagnée de changements dans la distribution, dans les voies de transhumances et, pour le topi et l'impala, dans les structures sociales. Les topis, notamment, ont développé des leks itinérants. Seule l'augmentation des buffles semble indépendante de la libération du Mutara. L'hippopotame aussi a décliné, mais probablement pour des raisons de braconnage sur la frontière tanzanienne.
L'évolution des voies de transhumance est nettement corrélée avec les gradients climatiques.
Dans l'ensemble, cette rétrospective montre comment les ongulés transhumants réagissent plus vite que les sédentaires aux modifications de l'écosystème, comment certaines espèces sont capables d'adapter leurs stratégies malgré un certain attachement à des aires traditionnelles et comment la recherche des meilleurs pâturages reste pour ces espèces un facteur essentiel dans la détermination de leur répartition. Elle laisse entrevoir comment la faune du PNA a pu survivre durant des périodes historiques difficiles et comment elle pourra éventuellement s'adapter à la réduction de la superficie et à l'isolement du parc. Elle montre aussi tout le poids des influences anthropiques dans les écosystèmes de savane, alors que la plupart des études réalisées entre 1965 et 1990 ne les avaient pas prises en considération.
In 1990, the Akagera National Park (PNA) in eastern Rwanda covered an area of 250,000 ha, and harboured both a terrestrial and an aquatic ecosystem. Its terrestrial ecosystem covered 234,000 ha, 34,000 ha of which were situated in the Mutara Hunting Area. Since the park became gazetted in 1934, its limits have undergone important variations, however, and in 1997, following the 1990-1994 war, it was reduced to 100,000 ha and its terrestrial ecosystem to a mere 50,000 ha.
In its 1990 configuration, it comprised a wide variety of landscapes : rugged hills, high plateaux, floodplains and the extensive undulating plains of the Mutara region. It was covered for 60 % by Acacia-Combretum bushed and wooded grasslands, for 25 % by Acacia-Albizia woodlands and for 15 % by Loudetia, Themeda-Hyparrhenia or Botriochloa-Sporobolus open grasslands. The whole system was submitted to important, both quantitative and temporal, climatic gradients : the mean annual rainfall was ranging from 650 mm to nearly 900 mm, and the short dry season of January-February was more pronounced in the north than in the south.
Despite its untouched aspect, this ecosystem had supported important human populations in the past. These had been eliminated or pushed out by epidemic diseases at the end of the last century and by conservation measures.
Studies and observations in between 1969 and 1990 showed that this ecosystem had undergone important changes. Its vegetation, despite frequent burning, became much more closed in many areas and the fire regime itself was altered, but the most important changes have been the successive modifications of its limits and the removal of human population.
Regarding the ungulates, the few existing population estimates show a definite in crease of most species, not only just after the establishment of the national park, but also between 1969 and 1990. The ecosystem being closed and isolated, these changes were relying on local processes. During a first phase (1934-1970), they corresponded most probably to a rebuilding of the populations after the rinderpest epidemic of 1932, favoured by the creation of the national park. During a second phase (1970-1990), they were paralleling the removal of the human populations of the northern part of the park and of the Mutara Hunting Area. These measures extended the area of dry season pastures with about 40,000 ha of grasslands, among the less arid and the most open of the whole ecosystem.
All species didn't respond in the same way, however. While the Cape Eland and the Warthog declined, most sedentary species increased by 20-40 % and the migrating species by 90-200 %. This strong increase went together with changes in distribution, in migration routes and, in the case of topi and impala, also in social structures. The topi e.g. developed moving leks, similar to those of the wildebeest.
Only the increase of buffalo was probably independent from the better availability of the Mutara grasslands. The hippopotamus has decreased, but mainly because of poaching along the Tanzanian border.
The evolution of migration routes is definitely correlated to the climatic gradients.
This overview illustrates how migrating ungulates react more rapidly than sedentary species to ecosystem changes ; how some species are able to adapt their distribution despite some attachment to traditional home-ranges and territories, and how the distribution of species is mainly regulated by the availability of pastures. It gives some highlighting of how the ungulate populations of the Akagera National Park have survived difficult historic periods, and how they will adapt to the area reduction and increased isolation of the park. Finally it also shows the enormous importance of human influences on savanna ecosystems, while most studies made between 1965 and 1990 never mentioned this aspect.
Manuscrit reçu le 9 octobre 1998 ; accepté le 22 janvier 1999.
Jean-Pierre Vande Weghe, « Évolution des populations d'ongulés et de l'écosystème terrestre du Parc National de l'Akagera, Rwanda », Cahiers d'éthologie, 18 (2) | 1998, 207-254.
Jean-Pierre Vande Weghe, « Évolution des populations d'ongulés et de l'écosystème terrestre du Parc National de l'Akagera, Rwanda », Cahiers d'éthologie [En ligne], 18 (2) | 1998, mis en ligne le 19 mars 2024, consulté le 24 novembre 2024. URL : http://popups.uliege.be/2984-0317/index.php?id=1541
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