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Le développement des centrales photovoltaïques au sol dans les territoires du sud de la Fance Etat des lieux, facteurs et territorialisation
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L’implication des territoires du sud de la France dans la transition énergétique, et plus particulièrement dans le développement du photovoltaïque au sol a été peu questionnée. Malgré son système électrique atypique, la France a mis en place des politiques publiques photovoltaïques, tentant de répondre aux objectifs européens et de développer une filière industrielle nationale, dans un contexte de libéralisation des marchés et de miniaturisation des moyens de production. Cet article vise à dresser la géographie des centrales photovoltaïques au sol dans les territoires du sud de la France, à dégager leurs facteurs de développement et de localisation et, grâce à une typologie des acteurs initiateurs dominants, à interroger les dynamiques observées.
Abstract
The involvement of the French south territories in the energy transition, and more particularly in the photovoltaic ground development has not been challenged a lot. Despite its electric system unusual, France has organised photovoltaic public policies, to answer European targets and to develop a French industry, in a context of liberalization of the markets and miniaturization of the means of production. This paper aims at defining the geography of photovoltaic power plants on the ground in the French south territories, at clearing their factors of development and of localisation and, thanks to a typology of the dominant initiators players, at questioning the observed dynamics.
Tabla de contenidos
I. INTRODUCTION
1Le système énergétique dominant est confronté à deux limites inhérentes à ses propriétés : [1] l’épuisement programmé des énergies de stock à moyen (pétrole et gaz naturel) et long terme (charbon et uranium) (Chevalier 2004 ; Battiau, 2008 ; Bradshaw, 2009 ; Bridge, 2010 ; Smil, 2010 ; Mérenne-Schoumaker, 2011 ; Deshaies et Baudelle, 2013) et [2] le réchauffement climatique anthropique observable actuellement (Tsayem-Demaze, 2009, 2010, 2011 ; Bradshaw, 2010 ; Mouhot, 2012 ; Aykut et Dahan, 2014). Ces propriétés, la hausse soutenue de la demande énergétique mondiale – due à l’effet combiné de la croissance démographique et au développement des Pays Émergents et des Suds – ainsi que le maintien à un niveau élevé de la consommation énergétique des Pays du Nord, nous interrogent sur la durabilité de notre système, et plus largement sur la durabilité de notre modèle de développement. Nous assistons, actuellement, à une nouvelle conscientisation de la question énergie-climat qui a permis l’émergence de politiques publiques visant au développement des énergies nouvelles renouvelables (EnR), et l’amorce d’une nouvelle transition énergétique (Brücher, 2009 ; Fouquet, 2010 ; Solomon et Krishna, 2011 ; Fouquet et Pearson, 2012 ; Bridge et al., 2013 ; Duruisseau, 2014). Cette transition énergétique bas carbone doit répondre aux exigences d’un système énergétique durable. Nous nous intéresserons ici, plus particulièrement, à la transition énergétique dans le système électrique français qui connaît, depuis quelques années, deux mutations majeures : [1] l’ouverture et la libéralisation des marchés européens et français de l’électricité qui permettent une multiplication et une diversification des acteurs énergéticiens (Grand et Veyrenc, 2011) ; et [2] la miniaturisation des moyens de production d’électricité renouvelable qui autorise un certain niveau de décentralisation (Dunsky, 2004). Des dynamiques de territorialisation des EnR, et en particulier du photovoltaïque au sol (PVS), sont ainsi apparues ces dernières années.
2Malgré des études récentes (Béhar et Leroy, 2009 ; Dubois et Thomann, 2012 ; Chabrol et Grasland, 2014 ; Durand et al., 2015), l’implication des territoires du sud de la France dans la transition énergétique, et plus particulièrement dans le développement des centrales photovoltaïques au sol (CPVS) a été peu questionnée. La diffusion des CPVS observée ayant des conséquences territoriales importantes – artificialisation de milieux non urbanisés, mutations dans l’utilisation des sols, diffusion de nouvelles fonctions, etc –, l’objectif de cet article est d’étudier ces dynamiques au regard de l’évolution des conditions sociotechniques ayant marqué la décennie écoulée (2002-2014). Après avoir montré une corrélation entre la nature des acteurs initiateurs et l’évolution des conditions sociotechniques, nous présenterons la géographie des CPVS dans les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) et Rhône-Alpes qui constituent, ici, le territoire d’étude.
II. LES CONDITIONS SOCIOTECHNIQUES DE DÉVELOPPEMENT DES CPVS EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
A. Les évolutions des conditions sociotechniques de développement des CPVS
3Pour Mérenne-Schoumaker, « expliquer les distributions des industries dans l’espace et en comprendre les évolutions est sans conteste l’objet premier de la géographie industrielle » (Mérenne-Schoumaker, 2002). Pour comprendre la géographie des CPVS dans les territoires du sud de la France, il est nécessaire de distinguer les conditions de développement des facteurs de localisation. Nous définissons les conditions de développement comme l’ensemble des conditions sociotechniques favorables et défavorables à leur diffusion tandis que nous définissons les facteurs de localisation comme l’ensemble des éléments favorables et défavorables expliquant le choix de leur implantation dans un territoire donné. Nous avons ainsi, sur notre territoire d’étude, « rechercher les éléments susceptibles d’influer d’une manière ou d’une autre sur le choix d’une localisation (c’est-à-dire les conditions rendant possibles ce choix) et ceux qui ont réellement joué un rôle lors du choix (c’est-à-dire les facteurs) » (Mérenne-Schoumaker, 2002). Nous décrivons une séquence de trois phases de territorialisation du PVS résultant de l’évolution des conditions sociotechniques de développement, c’est-à-dire, du système sociotechnique. Nous définissons celui-ci comme « les relations entre les systèmes techniques et l’ensemble de ce qui est généralement entendu sous le vocable de « contexte » ou « d’environnement », et qui va de l’organisation sociale aux représentations du monde physique et naturel, en passant par les modèles culturels » (Akrich, 1989).
4Le concept de territorialisation est définit par Douillet comme « relativement flou quant à ce qu’il désigne […] il évoque aussi plus largement la montée en puissance des « acteurs locaux » ou la valorisation de la « proximité » » (Douillet, 2003). Faure considère, lui, qu’elle « devient aussi une sorte d’évidence dans l’action publique sans que l’on sache toujours s’il s’agit de déconcentration, de décentralisation ou de management organisationnel » (Faure, 2004). Pour Durand, Pecqueur et Senil, la territorialisation s’apparente à « l’émergence [d’un] territoire comme lieu de résolution d’un problème partagé par un ensemble d’acteurs ancrés […] [qui] se produit dans un contexte de compétition interterritoriale et de perte d’influence des structures étatiques à réguler les dynamiques locales » (Durand et al., 2015). Mais, elle est également un processus d’activation d’une ressource spécifique à un territoire donné. Par son activation, cette ressource spécifique devient une ressource territoriale (Gumuchian et Pecqueur, 2007 ; Durand et al., 2015). Reghezza-Zitt postule, elle, que ce n’est pas une simple décentralisation ni une simple déconcentration mais une réinscription à l’échelle locale qui « aspire à adapter les cadres spatiaux de l’action publique à la nouvelle réalité des territoires, en opérant un changement d’échelle » (Reghezza-Zitt, 2012). La territorialisation correspond donc à la construction de nouveaux espaces infranationaux de décision et de production de l’action publique (Girard, 2012). Appliquée au PVS, elle supposerait, d’une part, l’acquisition ou l’exercice effectif de compétences énergétiques par les collectivités territoriales et, d’autre part, l’organisation d’espaces publics énergétiques au sein des territoires associés à des politiques publiques locales. Dans ce cadre, la transition énergétique en cours est « un processus de changements multidimensionnels relatifs aux techniques, aux marchés, aux industries, aux politiques mais aussi aux valeurs et comportements » (Jaglin et Verdeil, 2013), qui s’inscrit donc dans le courant de la transition forte (Raineau, 2011 ; Rumpala, 2013 ; Duruisseau, 2014).
5En l’absence de ruptures technologiques majeures, les évolutions des conditions sociotechniques du développement du photovoltaïque, depuis 2002, sont de nature économique et politique. Sur un plan économique, nous avons assisté à une chute des prix des modules photovoltaïques résultant de la combinaison de deux facteurs successifs : [1] la standardisation des méthodes de production liée à la massification du marché, favorisée elle-même par une demande mondiale soutenue, et [2] la diffusion de lignes de production allemandes clés en main vers les pays émergents, en particulier en Chine. Par l’augmentation massive des volumes qu’elle a produits, en particulier dans la technologie silicium et par ses pratiques commerciales agressives, la Chine a bouleversé la géographie de la filière photovoltaïque dans le monde. À partir de 2011, l’entrée en crise du secteur industriel photovoltaïque due à ses surcapacités de production et la contraction des marchés de consommation a encore accentué la chute des prix des modules photovoltaïques. Cette nouvelle chute des prix est un facteur très favorable au développement des CPVS. Sur un plan politique, la France, comme d’autres pays dans le monde, a mis en œuvre une politique publique photovoltaïque volontariste, d’autant plus nécessaire que le système électrique français possède des caractéristiques atypiques défavorables au développement de l’énergie photovoltaïque, et plus largement au développement des EnR. Ses caractéristiques pourraient le mettre, en partie, à l’écart des injonctions faites au système énergétique dominant. En effet, le mix-électrique français apparait comme quasi-décarboné. En 2014, ses capacités de production d’électricité décarbonée représentaient environ 81,1 % des capacités de production d’électricité, dont 49 % sur le thermique nucléaire, 19,7 % sur l’hydraulique, 7,1 % sur l’éolien et 4,1 % sur le photovoltaïque (RTE, 2015). Cependant, pour apprécier la part des renouvelables, ces chiffres sont à lire avec précaution car la comparaison entre le mix-électrique français et la production française nette d’électricité laisse entrevoir des écarts importants entre les capacités théoriques et les productions effectives des différentes sources d’énergie primaire. Alors que le thermique nucléaire représentait 49 % des capacités installées, il a fourni environ 77 % de la production d’électricité effective en 2014. Cette même année, l’éolien et le photovoltaïque, qui représentaient 11,2 % des capacités installées, n’ont fourni qu’environ 4,2 % de la production d’électricité effective (RTE, 2015) (Figure 1). Ces écarts importants montrent les limites actuelles de la capacité des EnR à répondre aux défis de la transition énergétique car ils possèdent un faible facteur de charge (Deshaies, 2014a, 2014b). D’autre part, malgré la raréfaction à long terme de l’uranium, le thermique nucléaire fournit, encore à l’heure actuelle, une électricité très compétitive. Ainsi, la différence entre le prix moyen de l’électricité et le prix de l’électricité photovoltaïque demeure importante en France. Cet écart est également défavorable à l’atteinte de la parité réseau du photovoltaïque.
Figure 1. Confrontation entre les capacités installées de production d’électricité et la production nette d’électricité en France métropolitaine en 2014
6En dépit de ces particularités, la nécessité d’une nouvelle transition énergétique et les injonctions des directives européennes successives ont poussé les pouvoirs publics nationaux à mettre en place des politiques de développement des EnR, en particulier du photovoltaïque. Celui-ci apparaissant comme un moyen d’atteindre les objectifs EnR fixés l’Union Européenne et de structurer une filière industrielle française du photovoltaïque dont l’entreprise Photowatt était alors la figure de proue. Pour ce faire, les pouvoirs publics disposent de plusieurs outils : [1] les certificats verts, [2] les subventions en capital et [3] les tarifs de rachats préférentiels ou tarifs d’achat (Levratto et Abbes, 2008 ; Hansen et Percebois, 2010). Élaboré par le Danemark et l’Allemagne, le dispositif des tarifs d’achat s’applique aujourd’hui en France (Debourdeau, 2011 ; Evrard, 2013). C’est l’Arrêté du 13 mars 2002 qui autorisa la mise en place des premiers tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque. Trop bas, il fallut attendre l’Arrêté du 10 juillet 2006 pour assister au fort développement des CPVS (Figure 2). Notons que les tarifs d’achat appliqués aux CPVS sont spécifiques et se distinguent des tarifs d’achat appliqués aux toitures. La défaillance du dispositif et l’absence d’un cadre réglementaire national régulant leur développement jusqu’en 2009 aboutiront à l’apparition d’une bulle spéculative, à laquelle les pouvoirs publics répondirent par le Décret du 9 décembre 2010 instaurant un moratoire. Pour Evrard, le système des tarifs d’achat de 2006 « a créé des effets d’aubaine importants et permis à des entreprises de jouer sur le flou juridique pour dégager des profits colossaux. Ensuite l’arrivée sur le marché des panneaux photovoltaïques chinois, plus compétitifs, les progrès technologiques et la crise économique ont renforcé cet effet d’aubaine et crée les conditions d’une bulle spéculative » (Evrard, 2013). L’Arrêté du 4 mars 2011 dessina finalement le cadre réglementaire actuel. Ces évolutions juridiques ont ainsi structuré le processus de territorialisation du PVS en trois phases successives.
Figure 2. Évolution entre les tarifs d’achat appliqués aux CPVS et leur puissance cumulée en France métropolitaine entre 2006 et 2014
B. L’émergence de trois phases de territorialisation du PVS
7La première phase, dite de « territorialisation anarchique » (2002-2009), se caractérise par un vide juridique, résultat de l’absence d’un cadre réglementaire national. La non-existence du panneau photovoltaïque dans le Code de l’urbanisme et le Code des impôts explique « qu’à l’exception des bâtiments techniques nécessaires à l’exploitation, une [CPVS] n’avait besoin d’aucun permis de construire ni de formulaire de déclaration préalable » (Dubois et Thomann, 2012). Dans ce contexte, les collectivités territoriales et leurs Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), les acteurs institutionnels – principalement les parcs naturels régionaux et les chambres d’agriculture – et les services déconcentrés étatiques – principalement les Directions Départementales de l’Équipement (DDE), les Directions Régionales de l’Environnement (DIREN) et les Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE) – ont alors tenté de s’organiser en émettant des documents de cadrage sous forme de doctrines, de chartes et de livrets de bonnes pratiques.
8La deuxième phase, dite de « territorialisation régulée » (2009-2011), se caractérise par la mise en place d’un cadre réglementaire national. Le Décret du 19 novembre 2009 soumet les CPVS, présentant une puissance installée supérieure à 0,25 MWc, à permis de construire, à étude d’impacts et à enquête publique. La Circulaire du 18 décembre 2009, quant à elle, prohibe – théoriquement – les terres agricoles et déconseille les terres forestières et naturelles comme terrain d’implantation d’une CPVS. Toutefois, la Circulaire du 18 décembre 2009 omet de définir, de manière limpide, la notion de terres agricoles laissant ainsi une fenêtre d’opportunités aux porteurs de projet. Ce nouveau cadre réglementaire cohabite alors avec les autres documents de cadrage locaux de la phase précédente et en suscite même de nouveaux. Si le permis de construire pour les CPVS relève du Préfet de Département et que l’avis de l’Autorité Environnementale pour les CPVS relève du Préfet de Région, ce sont bien les DDE, devenues en 2010 les Directions Départementales des Territoires (DDT), qui s’affirment comme l’acteur-clé de la régulation des projets du fait de leur rôle d’interface entre les différentes parties prenantes.
9La troisième phase, dite de « territorialisation bimodale » (depuis 2011), se caractérise par la coexistence de deux types de territorialisation liée à la coexistence de deux dispositifs réglementaires différents. La première, dite de « territorialisation régulée », s’inscrit dans la continuité de la phase précédente. La seconde, dite de « territorialisation amoindrie », se caractérise par le retour de l’État central au centre du processus décisionnel. Après une période de moratoire, instaurée par le Décret du 9 décembre 2010, caractérisée par une suspension du rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque, l’Arrête du 4 mars 2011, outre la réorganisation du système des tarifs d’achat, a mis en place un système d’appel d’offre national. Celui-ci est organisé par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) pour le Ministre en charge de l’Énergie. La CRE est chargée d’évaluer les projets soumis, au regard d’un cahier des charges révisé à chaque appel d’offre, et d’émettre un avis au cas par cas. Cette évaluation et cet avis doivent faciliter la sélection des projets par le Ministre en charge de l’Énergie. En d’autres termes, les projets retenus résultent d’un choix ministériel.
10Ces évolutions successives révèlent, selon nous, des relations complexes existantes au sein du triptyque État-Collectivités territoriales-EnR : « deux lignes de force […] aux finalités en partie opposées […] se dégagent avec d’un côté les bénéfices que les collectivités […] entendent tirer des EnR […] et de l’autre le positionnement de l’État qui […] souhaite orchestrer ce secteur comme il l’a fait depuis des décennies » (Boutaud, 2013). Le retour de l’État central est également révélateur, selon nous, d’un phénomène de « path dependence » (North, 1990 ; Pierson, 2000), dans le sens où « les réformes sont toujours limitées et s’inscrivent dans les logiques établies » (Palier et Bonoli, 1999). En d’autres termes, dans l’attente de la promulgation de la loi de transition énergétique, qui devrait se traduire par une baisse significative de la contribution de l’énergie électronucléaire à la production d’électricité, la politique énergético-électrique française a peu évolué depuis les années 1970 et le choix de l’électronucléaire (Debeir et al., 2013 ; Evrard, 2013, 2014). Ces évolutions sont également révélatrices de la forte inertie d’un système électrique centralisé ayant nécessité de lourds investissements de l’État. En conséquence, « l’architecture organisationnelle des systèmes énergétiques en France demeure centralisée » (Chabrol et Grasland, 2014). Nous nous interrogerons maintenant sur l’influence de ces trois phases de territorialisation sur la nature des acteurs initiateurs.
C. L’influence des trois phases de territorialisation sur les acteurs initiateurs dominants
11Notre étude s’intéresse, donc, à l’acteur-clé à l’initiative du projet. Cet acteur initiateur vient s’ajouter à un système d’acteurs donné autour duquel se cristallise le processus de décision d’un projet. Corrélativement aux évolutions réglementaires et législatives, la composition de ce système a évolué entre 2002 et 2014. Il se compose de la commune d’implantation, des Services déconcentrés étatiques – principalement DDT et DREAL –, des Services décentralisés – principalement le département –, du Préfet régional – au titre de l’avis environnemental et du choix des projets retenus dans le cadre de l’appel d’offre national –, du Préfet de département – au titre du permis de construire –, du Gestionnaire de réseau public d’électricité – au titre du raccordement de la CPVS au réseau électrique national –, de la CRE et de la Société de projet. Notons que ce système d’acteurs n’intervient que dans la seule phase d’obtention des autorisations administratives et de raccordement. Notons, également, que cette typologie n’impose pas que l’acteur-clé à l’initiative du projet soit celui qui, finalement, sera le maître d’œuvre et l’exploitant. Nous avons choisi de baser notre analyse sur trois niveaux de lecture de la nature de l’acteur-clé initiateur en l’affinant progressivement. Que l’acteur-clé soit public ou privé définit deux « types » d’acteur initiateur. Ces deux types d’acteur-clé se composent, eux-mêmes, de deux « sous-types » d’acteur initiateur : acteur-clé Collectivités Territoriales et acteur-clé hors Collectivités Territoriales (acteur-clé public) ; acteur-clé Opérateurs et acteur-clé hors Opérateurs (acteur-clé privé). À partir de là, nous avons dégagé trois « genres » d’acteur-clé public et sept « genres » d’acteur-clé privé. Ainsi, les acteurs-clé Commune, EPCI et Institutionnel sont les trois « genres » d’acteur-clé public tandis que les acteurs-clé Opérateur Historique, Opérateur Émergent, Entreprise, Développeur, Particulier, Agriculture et Forestier sont les sept « genres » d’acteur-clé privé (Figure 3).
Figure 3. Les types, sous-types et genres d’acteur initiateur dominant en 2014
12La part de chacun des types, sous-types et genres de systèmes d’acteurs a varié au cours des trois phases de territorialisation (Figure 4). Toutes phases confondues, nous pouvons observer la nette prédominance du type acteur-clé privé (73,9 % des CPVS), du sous-type acteur clé Opérateurs (61,6 % des CPVS), et du genre acteur-clé Opérateur Émergent (45 % des CPVS). Au cours de la phase dite de territorialisation anarchique, l’absence d’un cadre réglementaire national et le manque d’expérience des collectivités territoriales, des EPCI et des acteurs publics institutionnels expliquent la prédominance du type acteur-clé privé (74,1 % des CPVS). La nette domination du sous-type acteur-clé Opérateur (63 % des CPVS) et du genre acteur-clé Opérateur Émergent (46,9 % des CPVS) constitue les principales caractéristiques de cette phase. Au cours de la phase dite de territorialisation régulée, malgré la mise en place d’un cadre réglementaire national, une sensibilisation des pouvoirs publics locaux, après le Grenelle de l’Environnement et la prise en compte des premières expériences, le type acteur-clé public reste très largement minoritaire (8,8 % des CPVS). La nette domination du sous-type acteur-clé Opérateur (67,6 % des CPVS), du genre acteur-clé Opérateur Émergent (50 % des CPVS), ainsi que l’absence du genre acteur-clé EPCI constituent les principales caractéristiques de cette phase. Au cours de la phase dite de territorialisation bimodale, la part du type acteur-clé public croît et égale même la part du type acteur-clé privé si l’on ne considère que les CPVS relevant de la territorialisation amoindrie en cours (50 % des CPVS). La tendance actuelle à l’utilisation de terrains anthropisés dégradés (Centres d’Enfouissement Technique [CET] ou décharges, carrières, terrils), le plus souvent propriétés des collectivités territoriales ou de leurs EPCI, les critères d’évaluation des projets soumis aux appels d’offre de la CRE et une meilleure connaissance des acteurs publics des CPVS pourraient expliquer ce rééquilibrage. Dans une moindre mesure, la recherche par les collectivités territoriales et de leurs EPCI de nouvelles ressources financières, dans un contexte de baisse des dotations étatiques et de contraintes budgétaires, explique, également, la nette domination du genre acteur-clé Commune (42,9 % des CPVS).
Figure 4. Les genres d’acteurs initiateurs dans le territoire d’étude au cours des trois phases de territorialisation
III. LA GÉOGRAPHIE DES CPVS DANS LES TERRITOIRES DU SUD DE LA FRANCE
A. Le développement des CPVS dans le sud de la France : une diffusion rapide
13En 2014, les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, PACA et Rhône-Alpes concentraient, à elles cinq, près de 56,4 % des capacités photovoltaïques installées en France métropolitaine et, plus particulièrement, 74,3 % des capacités PVS installées. Ces régions ont été pionnières dans le développement de ces nouvelles infrastructures énergétiques. Les trois premières CPVS raccordées au réseau électrique national, en 2008, sont implantées dans les communes de Lunel (Hérault – Languedoc-Roussillon), de Martillac (Gironde – Aquitaine) et de Narbonne (Aude – Languedoc-Roussillon). Ces trois premières CPVS, toutes situées dans des communes urbaines, apparaissent comme des projets pilotes sur le plan économique, technologique et réglementaire, et ont préfiguré la diversité du parc français actuel. Elles ont également préfiguré la diversité des terrains d’implantation des CPVS : alors que la CPVS de Lunel est implantée sur un terrain agricole, les CPVS de Martillac et de Narbonne sont implantées sur des terrains industriels. La première CPVS implantée dans une commune rurale et raccordée au réseau électrique national se situe à Le Lauzet-Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence – PACA).
14Ces premières mises en service ont marqué le point de départ d’un fort développement des CPVS dans le territoire d’étude (Figure 5). En 2008, on n’en comptait que trois en activité contre 212 en 2014, soit une augmentation de 209 CPVS. Le nombre de CPVS en activité s’est accru, en moyenne, de 30 par an au cours de ces sept années. À titre de comparaison, entre 2008 et 2014, le nombre de CPVS en activité, dans les 17 situées hors du territoire d’étude, ne s’est accru qu’en moyenne de neuf unités par an. Néanmoins, ce fort développement des CPVS dans notre territoire d’étude n’a, cependant pas, été régulier et homogène. Nous pouvons ainsi distinguer trois périodes de développement. Entre 2008 et 2011, nous avons assisté à une forte hausse du nombre de CPVS mises en activité. L’année 2011 a marqué un pic d’implantation avec 60 nouvelles CPVS mises en activité. Notons, toutefois, que l’année 2011 ne correspond à un pic d’implantation que pour les régions PACA – avec 22 nouvelles CPVS mises en activité –, Languedoc-Roussillon – avec 13 CPVS mises en activité –, et Midi-Pyrénées – avec 12 CPVS mises en activité. Entre 2011 et 2012, nous avons assisté à une forte baisse du nombre de CPVS mises en activité, résultat de la mise en place d’un cadre réglementaire national fin 2009 et l’instauration d’un moratoire fin 2010. L’année 2012 n’a compté que 19 nouvelles CPVS mises en activité dans notre territoire d’étude, soit une baisse de près de 68,3 % par rapport à l’année 2011. L’année 2012 a également vu l’absence de nouvelles implantations dans la région Languedoc-Roussillon. Entre 2012 et 2014, nous avons assisté, à la fois à une forte hausse du nombre de CPVS mises en activité et à une stabilisation à un niveau élevé du nombre de nouvelles implantations. Les années 2013 et 2014 ont vu le nombre de nouvelles implantations se stabiliser à 49 CPVS. L’année 2014 correspond, également, au pic d’implantation pour les régions Aquitaine – avec 15 nouvelles CPVS mises en activité – et Rhône-Alpes – avec quatre nouvelles CPVS mises en activité.
Figure 5. Évolution annuelle des mises en activité de CPVS dans le territoire d’étude entre 2008 et 2014
15En 2014, les 212 CPVS en activité représentaient une puissance et une emprise spatiale cumulées respectivement de 1 254 MWc et de 2 894 ha. Entre la première et la troisième phase de territorialisation du PVS, la puissance et l’emprise spatiale se distribuent de la manière suivante : [1] 31,8 %, [2] 15,5 % et [3] 52,7 % pour la puissance contre [1] 37,9 %, [2] 15,4 % et [3] 46,7 % pour l’emprise spatiale (Figure 6). L’écart observable entre ces deux séries de données est révélateur d’une augmentation de l’efficacité spatiale au fil des trois phases de territorialisation. À l’échelle du territoire d’étude, l’indice d’efficacité spatiale – qui correspond au rapport de la puissance à l’emprise spatiale des CPVS – est passé de 0,36 à 0,47 entre la première et la troisième phase de territorialisation. À l’échelle régionale, l’indice d’efficacité spatiale s’améliore pour l’ensemble des régions à l’exception de l’Aquitaine (Figure 7). Cette amélioration résulte de multiples facteurs : [1] l’augmentation du pourcentage de CPVS utilisant des technologies dites silicium par rapport à celles utilisant des technologies dites couche mince ; [2] la rationalisation de l’utilisation des terrains et l’apprentissage des opérateurs ; [3] le travail de rationalisation des projets par les services de l’État.
Figure 6. Répartition de la puissance et de l’emprise spatiale des CPVS dans le territoire d’étude au cours des trois phases de territorialisation
Figure 7. Évolution de l’indice d’efficacité spatiale dans le territoire d’étude au cours des trois phases de territorialisation
16Outre la question de l’emprise et de l’efficacité spatiales des CPVS, il nous semble également pertinent de s’intéresser au poids du PVS cumulé (ensemble des installations sur une même commune) dans l’emprise totale et l’emprise anthropique communales en distinguant les implantations cumulées dans les communes rurales et urbaines (Figure 8). Dans le territoire d’étude, les 212 CPVS se répartissent sur 155 communes. En moyenne, elles présentent une emprise totale communale de 0,69 % et une emprise anthropique communale de 21,4 %. Dans les territoires ruraux, les 131 CPVS se répartissent dans 96 communes. En moyenne, elles présentent une emprise totale communale de 0,69 % et une emprise anthropique communale de 29,7 %. Dans les territoires urbains, les 81 CPVS se répartissent dans 59 communes. En moyenne, elles présentent une emprise totale communale de 0,68 % et une emprise anthropique communale de 7,91 %. Les conséquences du PVS sur l’anthropisation du territoire communal sont logiquement particulièrement importantes pour les communes rurales. Notons que dans 63,5 % des communes rurales, le PVS représente une emprise anthropique comprise entre 0 % et 29,7 %. Notons également que dans 17,7 % des communes rurales, le PVS représente une emprise anthropique comprise entre 50 % et 100 %.
Figure 8. Le PVS cumulé dans le territoire total et anthropique communal dans le territoire d’étude en 2014
B. Une polarisation des implantations dans le sud de la France
17Nous pouvons constater qu’entre 2008 et 2014, la diffusion des CPVS n’a pas été homogène (Figure 9 et Figure 10). Ainsi, à l’échelle régionale, nous observons une répartition très inégale des CPVS. Une dichotomie nord/sud apparaît : les implantations de CPVS se concentrent majoritairement dans les territoires méridionaux tandis qu’elles apparaissent plus diffuses dans les territoires septentrionaux. Les CPVS se concentrent, dans leur grande majorité, dans les vallées, les plaines alluviales et les plateaux. À ce titre, la vallée septentrionale de la Durance présente un niveau très élevé de concentration. Les massifs montagneux – Pyrénées, Massif Central et les Alpes – ainsi que leurs contreforts ne sont généralement pas exploités, à l’exception des Préalpes du Sud. Cette absence d’implantation dessine une large bande septentrionale ouest-est, quasiment vide de toute implantation, à l’origine de la dichotomie nord/sud. À ces critères physiques se combinent également des critères anthropiques tels que la proximité des bassins de peuplement et des zones anciennes et nouvelles de production d’électricité supposant l’existence d’un réseau électrique dense capable d’intégrer, et de supporter, ces nouvelles infrastructures de production d’électricité.
Figure 9. Évolution des mises en activité de CPVS dans le territoire d’étude entre 2008 et 2014
18À l’échelle locale, nous pouvons observer une polarisation des implantations de CPVS et identifier cinq pôles principaux. Le premier pôle, situé à l’ouest, dit Pôle Aquitaine, se compose des vallées de la Garonne, de la Baïse et du Gers, les plaines littorales des Landes et de l’Entre-Deux-Mers, ainsi que la plaine des Petites Landes. Le deuxième pôle, situé au sud, dit Pôle Audois-Têtois, se compose des vallées de l’Aude, du Têt et du Tech, des massifs des Corbières, du Lauragais, du Minervois et de la Montagne Noire ainsi que des plaines littorales méridionales du Bas Languedoc et des Pyrénées. Le troisième pôle, situé à l’est, dit Pôle Rhodanien, se compose du sillon rhodanien et de la plaine de la Crau. Le quatrième pôle, situé au sud-est, dit Pôle Durancien, se compose de la vallée de la Durance, des massifs de la Montagne de Lure et des Monts de Vaucluse ainsi que des plateaux de Valensole et de Sault. Le cinquième pôle, situé au sud-est, dit Pôle Varois, se compose des plaines et des plateaux varois ainsi que de la vallée de l’Argens. La présence du Massif Central en Lozère et des Alpes dans l’Ain, en Savoie et Haute-Savoie, dans les Hautes-Alpes, dans l’est des Alpes-de-Haute-Provence ainsi qu’au Nord des Alpes-Maritimes, correspondant à la bande septentrionale ouest-est décrite ci-dessus, explique le vide observable.
19À l’échelle des sites, nous pouvons également constater une inégale répartition des CPVS sur des terrains de différentes natures. Nous avons pu identifier six grands types de terrain d’implantation : agricole, forestier, industriel, militaire, naturel et mixte (agricole et industriel ; agricole et naturel ; agricole et forestier). En comparant les trois phases de territorialisation du PVS, nous pouvons pu observer des différences importantes quant à la consommation de ces grands types de terrain (Figure 11). Toutes phases confondues, nous observons une utilisation majoritaire des terrains agricoles et forestiers (51 % des CPVS), les terrains industriels représentant, quant à eux, moins du quart des terrains utilisés (24,1 % des CPVS). Durant la première phase, plus de 45 % des terrains utilisés sont de nature agricole. Ce constat peut s’expliquer par l’absence d’un cadre réglementaire national qui à partir de la deuxième phase proscrira l’utilisation de ce type de terrain. Par la suite, durant la deuxième et la troisième phase, la part des terrains agricoles diminuera pour ne plus représenter que 14,5 %. L’utilisation de terrains forestiers s’accroît tout au long des trois phases passant de 12,3 % à 30,2 %. Comme le prescrit la Circulaire du 18 décembre 2009, nous pouvons noter une augmentation de l’utilisation de terrains industriels. Cependant, leur utilisation reste, contre toute attente, largement minoritaire.
Figure 10. Les CPVS dans le territoire d’étude en 2014
Figure 11. Répartition des CPVS en fonction du type de terrain dans le territoire d’étude au cours des trois phases de territorialisation
20La problématique de la concurrence entre les terrains de différentes natures peut également s’analyser à l’échelle des régions. Des différences notoires, dans la variabilité des terrains consommés, s’observent entre les différentes régions (Figure 12). Dans cette variabilité, les régions Aquitaine et Rhône-Alpes constituent deux extrêmes. Bien que concerné par un nombre réduit de CPVS, la région Rhône-Alpes s’avère la plus vertueuse. Près de 70 % des CPVS sont implantées sur des terrains industriels ou militaires, avec une prédominance de plus de 55 % pour les terrains industriels. À l’opposé, les CPVS de la région Aquitaine se sont implantées, presque exclusivement, sur des terrains agricoles et forestiers, avec une prédominance de près de 74 % pour les terrains forestiers (Figure 13).
Figure 12. Répartition des implantations de CPVS en fonction du type de terrain dans le territoire d’étude entre 2008 et 2014
Figure 13. La CPVS de Casteljaloux (Lot-et-Garonne – Aquitaine)
C. Les facteurs de localisation des CPVS : aux origines de la polarisation des implantations
21L’étude des facteurs de localisation nous amène à distinguer les facteurs génériques des facteurs spécifiques. Les facteurs génériques sont des facteurs de localisation communs à l’ensemble des implantations. Ainsi, l’ensemble des sites présentent des caractéristiques climatiques et géomorphologiques favorables. Les disponibilités foncières ainsi que les caractéristiques des réseaux électriques situés à proximité constituent également des facteurs partagés. Des facteurs spécifiques, qui nous semblent avoir joué un rôle majeur dans l’implantation des CPVS, distinguent les différents pôles identifiés les uns des autres (Figure 14).
22Dans le cas du Pôle Aquitain, les facteurs spécifiques identifiés sont : [1] les disponibilités foncières, [2] le prix du foncier, [3] la baisse des revenus forestiers, et [4] une volonté politique régionale et départementale (Gironde) y constituent quatre facteurs particulièrement importants. Les disponibilités foncières résultent, en grande partie, des tempêtes de 1999 et de 2009 qui ont conduit à la dégradation de nombreuses zones de cultures sylvicoles du Lot-et-Garonne, de la Gironde et des Landes (Pottier, 2014). Ce sont ces tempêtes qui ont participé à la baisse des revenus forestiers. Les communes, ayant une culture de valorisation économique de leur territoire, ont ainsi saisi cette opportunité pour développer des CPVS sur leur domaine communal. Le prix du foncier aquitain a enfin joué un rôle décisif dans le développement de CPVS. Le niveau des loyers à l’hectare proposé en Aquitaine est plus bas que le niveau des loyers à l’hectare proposé en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Une politique régionale a généré l’émergence de nouveaux opérateurs privés – tels que Valorem, EOSOL EN – ayant eu initialement une stratégie de développement régionale.
23Dans le cas du Pôle Audois-Têtois, les facteurs spécifiques identifiés sont : [1] la disponibilité foncière, [2] le développement éolien et [3] une volonté politique départementale (Aude). Les crises agricoles, viticoles et minières ont libéré d’importantes surfaces disponibles valorisables. La région Languedoc-Roussillon se trouve être aussi le berceau français des parcs éoliens terrestres, ayant permis l’émergence d’une certaine culture EnR au sein des collectivités territoriales et des services déconcentrés étatiques. D’autre part, l’importance des conflits entourant le développement des projets éoliens est un facteur favorable au développement de projets de CPVS. La région Languedoc-Roussillon est, lui aussi, un territoire d’émergence de nouveaux opérateurs privés – tels que Luxel, Valeco, Soleil du Midi ou encore Belectric France – ayant eu initialement une stratégie de développement régionale.
24Dans le cas du Pôle Rhodanien, la stratégie de développement de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) apparaît comme le facteur spécifique primordial de cette polarisation. Cet opérateur historique exploite de nombreuses usines hydroélectriques le long de la vallée du Rhône et dispose ainsi de nombreux terrains, pour la plupart en friche, relevant du domaine concédé étatique. Depuis quelques années, la CNR s’est lancée dans une diversification de son mix-électrique renouvelable en se lançant, dans un premier temps dans le développement éolien, puis, dans un second temps, dans le développement photovoltaïque (en toitures et au sol). Cette stratégie a conduit à l’émergence de sites combinant hydroélectricité-éolien-photovoltaïque (Figure 15). Ces sites sont observables au Pouzin (Ardèche – Rhône-Alpes), à Bollène (Vaucluse – PACA) et à Beaucaire (Gard – Languedoc-Roussillon). Le réseau électrique dense lié à la production hydroélectrique et électronucléaire a facilité le raccordement de ses CPVS.
25Dans le cas du Pôle Durancien, les facteurs spécifiques identifiés sont : [1] l’irradiation solaire et la température optimales – en particulier sur le plateau de Valensole – pour le fonctionnement des panneaux photovoltaïques, [2] la disponibilité foncière et [3] la forte volonté politique des services déconcentrés étatiques et décentralisation des Alpes-de-Haute-Provence, matérialisée par un schéma départemental des énergies nouvelles publié en 2011, alliée à [4] une culture historique de la production hydroélectrique dans le Val de Durance. Il est intéressant de noter que la qualité de ces territoires pour le développement du PVS, et plus largement des EnR, est connue depuis de nombreuses années dans la mesure où ces territoires avaient déjà fait l’objet de prospections éoliennes et de campagnes de mesures (Dubois et Thomann, 2012).
26Dans le cas du Pôle Varois, l’ensoleillement optimal et la situation électrique, caractérisée par un déficit de production et une situation de presqu’île énergétique au sein du réseau national, constituent deux facteurs spécifiques déterminants. Dans les cas du Pôle Durancien et du Pôle Varois, la stratégie de développement régional des opérateurs historiques – EDF, GDF Suez et EON AG – et émergents – Solaire Direct, Juwi EnR, Eco Delta – a également constitué un facteur non négligeable.
Figure 14. Les facteurs génériques et spécifiques de polarisation des implantations de CPVS dans le territoire d’étude en 2014
Figure 15. La CPVS et le parc éolien du Pouzin (Ardèche – Rhône-Alpes)
27L’étude de la géographie des CPVS dans les territoires du Sud de la France montre une corrélation entre territoire d’implantation de CPVS et « territoire énergétique historique ». Nous pouvons observer une corrélation entre l’implantation des CPVS et la présence de centrales hydroélectriques dans les vallées du Rhône et de la Durance (Figure 16). Elle est particulièrement visible dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, dans la Drôme et en Ardèche. Sur le plan technique, le développement historique de centrales hydroélectriques, à fortes capacités productives, également associé, dans la vallée du Rhône, au développement historique de centrales électronucléaires, à fortes capacités productives, ont dimensionné des réseaux électriques adaptés à de fortes productions. L’existence de tels réseaux électriques a facilité, initialement, le développement de CPVS dans la mesure où ils offraient des potentiels de raccordement satisfaisants n’engageant pas d’investissements importants pour les gestionnaires des réseaux publics d’électricité (ErDF, RTE) (Dubois et Thomann, 2012). Sur le plan relationnel et organisationnel, le développement historique des centrales hydroélectriques a également façonné de solides relations entre les pouvoirs publics locaux et les opérateurs historiques tels EDF et la CNR. Il existe dans ces territoires une culture de la production d’électricité et, en un sens, une certaine « atmosphère énergétique ».
Figure 16. Les CPVS et les centrales hydroélectriques dans les vallées du Rhône et de la Durance
IV. CONCLUSION
28Cette étude révèle que la territorialisation du PVS dans les territoires du sud de la France demeure, à ce jour, à un stade primaire. Bien que les conditions législatives et juridiques offrent, désormais, aux collectivités territoriales, et à leurs EPCI, l’ensemble des outils pour développer et exploiter en propre des CPVS dans leurs territoires respectifs, il n’en existe aujourd’hui que deux publiques. Elles sont situées, toutes les deux, dans la commune de Saint-Julien-Mont-Denis en Savoie (Rhône-Alpes). Selon nous, ce constat s’explique, dans la plupart des cas de figure, par une absence de moyens financiers et une insuffisance des compétences technico-énergétiques nécessaire pour le développement de ce type de projets. Malgré la baisse constante du prix des modules photovoltaïques, les coûts d’une CPVS « standard » demeurent élevés et nécessitent, dans la plupart des cas, un recours aux prêts bancaires. Les banques et les groupes d’investissements restent encore frileux dans ce domaine pour traiter avec les collectivités territoriales et leurs EPCI. Les collectivités territoriales rurales – cibles privilégiées des opérateurs historiques et émergents – sont particulièrement concernés par ces carences. Pour pallier ces différentes carences, les EPCI, et plus largement les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), dont le périmètre peut regrouper plusieurs EPCI, pourraient constituer des échelles pertinentes de la territorialisation du PVS, et plus largement des EnR.
29Cette étude révèle également une certaine méconnaissance sur la portée actuelle du développement des EnR. Sur le plan technique, les EnR, du fait de leur faible capacité productive, constituent bien des moyens de production d’électricité décentralisés mais sur le plan organisationnel, le système électrique, caractérisé par le jeu de différents acteurs (État, gestionnaires de réseaux publics d’électricité), reste, à ce jour, centralisé (Chabrol et Grasland, 2014). On peut aussi conclure que le système électrique français connaît une certaine déconcentration productive plus qu’une réelle décentralisation. Cette organisation est donc, selon nous, un frein important au processus de territorialisation du PVS.
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Para citar este artículo
Acerca de: Kévin Duruisseau
ATER
Aix-Marseille Université – UMR TELEMME – CNRS
kevin.duruisseau-amu@orange.fr