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Chaire Sporck 2018-2019 : Guy DI MÉO
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Version PDF originale1Créée en 1998, la Chaire Sporck permet pour la dix-huitième fois d’accueillir un éminent collègue étranger pendant huit jours en lui demandant de donner une quinzaine d’heures de cours à nos étudiants. En effet, après P. Claval (1998), R. Brunet (1999), F. Durand-Dastès (2000), C. Grataloup (2001), D. Retaillé (2002), J.R. Pitte (2003), A. Bailly (2004), G. Baudelle (2005), T. Barata Salgueiro (2006), J.-B. Racine (2007), L. Carroué (2008), D. Pumain (2009), R. Shearmur (2010), M.-F. Durand (2011), L. Sanders (2013), A. da Cunha (2014), J. Lévy (2017) nous accueillons cette année Guy Di Méo, Professeur des Universités Emérite à l'Université Bordeaux-Montaigne. Comme je l’ai déjà dit pour Jacques Lévy, G. Di Méo n’est certes pas le 18e dans la hiérarchie des grands géographes mais il faut dire que les choix se sont fait au cours de l’histoire de la chaire Sporck sur base de contingences liées au rôle assigné à cette dernière : d’abord jusqu’en 2007, assurer un cours de géographie régionale, puis s’intégrer dans le cours de géographie économique, puis ces toutes dernières années offrir aux étudiants des perspectives dans des domaines plus spécifiques de la recherche. Je suis donc extrêmement contente que l’invitation de cette année ait permis d’intégrer dans la liste des titulaires une personnalité centrale de la géographie française contemporaine.
2Admis au concours de l’école normale d’instituteurs de la Gironde à l’issue de la classe de troisième, Guy Di Méo obtient d’abord un diplôme d’instituteur, puis il passe les IPES (institut de préparation des enseignements du second degré) et obtient l’agrégation de géographie. Il devient ensuite assistant l’Université de Pau et ainsi de Pau à Bordeaux, son goût pour l’école l’amena à enseigner pendant 43 ans.
3Mais G. Di Méo a aussi été et est toujours un grand chercheur qui sans conteste a influencé l’évolution de la géographie française et plus globalement francophone. Si un peu comme beaucoup de ses contemporains, ses domaines et terrains de recherche ont évolué, son objectif a toujours été le même : démonter les mécanismes de la production des espaces géographiques, définir les logiques d’un aménagement plus juste des territoires, améliorer par notre connaissance des styles de structuration/pratique/représentation des lieux et des territoires ainsi que notre capacité d’expertise des problèmes sociaux et des enjeux culturels qui leur sont liés.
4Comme il l’a bien mis lui-même en évidence dans une interview datant de janvier 2017, accordée à la Société de géographie de Paris, on peut distinguer dans ses recherches quatre périodes. La première durant les années 1970 traduit son intérêt pour la géographie économique : c’est en effet dans ce domaine qu’il rédige sa thèse d’État de Géographie présentée en 1979 et traitant Les industries françaises du pétrole et du gaz naturel où en accordant une place majeure aux faits et stratégies économiques en matière de production de l’espace social, sa vision marxistante était sans doute marquée par le grand géographe économiste français du moment Pierre George. Durant les années 1980, il s’interrogea surtout sur les inégalités interrégionales, tant en France qu’au Canada, thématique qui intéressait aussi ses collègues de l’Université de Pau (Michel Chadefaud, Gilbert Dalla Rosa, Xavier Piolle), ce qui le conduisit à élargir ses analyses économiques aux réalités sociales, politiques, culturelles et environnementales. Deux ouvrages marquent cette étape : Les pays du Tiers-Monde (1984) et Les démocraties industrielles (1987). À la fin des années 1980 et durant les années 1990, son engagement en géographie sociale devint essentiel. Il jette alors les bases tant conceptuelles que méthodologiques, d’une nouvelle géographie sociale et introduit notamment l’analyse des pratiques ou encore celle des représentations sociales et de leurs imaginaires afin de mieux observer et décrypter les réalités de terrain. C’est durant cette période qu’il écrit : L’Homme, la société, l’espace (1991), Géographie sociale et territoires (1998) et collabore à des livres plus collectifs comme La ville moyenne dans sa région (1992) et surtout Les territoires du quotidien (1996). A partir des années 2000, touché par le choc de la pensée postmoderne, il élargit encore ses travaux en prenant en compte des faits culturels et parfois minoritaires comme le patrimoine, les fêtes, les femmes et la question du genre, l’identité… Quelques publications à ce sujet : L’espace social avec Pascal Buléon, 2005, L’alchimie du patrimoine avec Yvon Lamy, 1995, La géographie en fêtes, 2001, Les murs invisibles, 2011, Le désarroi identitaire, 2016…
5Tout au long de sa carrière, G. Di Méo s’est aussi beaucoup interrogé sur la géographie, sur sa place de la discipline dans le concert des sciences humaines et aussi sur le peu d’attrait qu’exerce la géographie scolaire et universitaire auprès du grand public. Il a notamment cherché à renouveler la manière de « faire de la géographie » en plaidant pour l’interaction de deux méthodes ou démarches générales : l’une inductive, l’autre déductive et sur l’importance de mobiliser un terrain (au sens d’un ensemble inductif de lieux, d’individus, de sources et de faits, de fonctionnements et de représentations…) et parallèlement un corpus théorique et méthodologique (appareil déductif) approprié à la problématique définie. Refusant une géographie qui s’est longtemps déclarée une science de carrefour et de synthèse des SHS, une discipline toujours à la remorque d’autres sciences : de la terre, de la vie, du climat, de l’homme, de la société…, il a cherché à articuler la dimension géographique de problèmes qu’il étudiait au travers du prisme de la pluridisciplinarité, puis d’une sorte d’interdisciplinarité, persuadé que c’est dans un cadre plus large, que le géographe peut réellement devenir le spécialiste de l’aménagement, de l’urbanisme, du tourisme, des sciences sociales de l’espace.
6On comprend dès lors mieux la place qu’occupe G. Di Méo dans l‘évolution de la géographie française. Et ce qui frappe le plus ceux qui ont la chance de le rencontrer, et je pense que les étudiants l’ont très bien perçu depuis ce lundi, c’est l’ouverture qu’il manifeste à tous les faits sociétaux et ce à travers le Monde ainsi que son sens de l’écoute des autres, ses étudiants et doctorants d’abord, les chercheurs d’autres disciplines.
7C’est dès lors un honneur pour notre Université et le Département de Géographie d’avoir pu bénéficier de sa collaboration dans le cadre des cours 2018-2019 du Master en Sciences géographiques, orientation développement territorial où il a donné deux cours « Introduction à la géographie sociale », du Master en Sciences géographiques et du Master en Journalisme un séminaire « Médias » et aux doctorants de l'UR Sphères un séminaire sur « "Habitats et territoires durables? Mais encore..." ».
8Au nom des autorités académiques et plus particulièrement de notre Recteur, le Professeur Pierre Wolpert, j’ai ainsi le plaisir de remettre à Jacques Lévy la médaille de l’Université de Liège gravée à son nom et qui restera je l’espère le témoignage de notre reconnaissance. Je souhaiterais aussi au nom de notre département et de la Société géographique de Liège qui est l’organisateur de cette conférence lui remettre l’ouvrage jubilaire du centenaire de notre institut.
Pour citer cet article
A propos de : Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER
Université de Liège