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La notion de destination touristique urbaine à travers les pratiques des touristes à Liège
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À côté de destinations urbaines qui bénéficient d’une attractivité internationale, des villes de taille plus modeste et avec un patrimoine moins reconnu élaborent, avec des succès variables, des stratégies de développement touristique. Elles proposent leur vision de leur destination touristique en structurant une offre qui sera bien souvent recomposée par les touristes qui ont des attentes bien plus diverses. Les pratiques des touristes et excursionnistes tissent un réseau de lieux dont la géographie est rarement connue par les gestionnaires urbains. Sur la base d’une enquête en face à face auprès d’un échantillon de 500 touristes présents à Liège durant le printemps et l’été 2017, l’article étudie les pratiques et apporte un éclairage original sur les combinaisons d’attractions et les stratégies des visiteurs. Il interroge aussi les incidences touristiques de certains investissements publics. L’analyse statistique multivariée montre que les regroupements des lieux visités selon des logiques thématiques ou spatiales ne sont significatifs que pour un nombre restreint d’entre eux.
Abstract
Compared to urban destinations which benefit from international attractiveness, smaller cities with a less recognised heritage are developing tourism development strategies with varying degrees of success. They offer their vision of tourist destination even though they are recomposed by tourists, (including excursionists) who have much more diverse expectations. Tourist practices establish a network of places whose geography is rarely known by urban managers. Based on a face-to-face survey of a sample of 500 tourists present in Liège during the spring and summer of 2017, the article studies the practices and provides an original insight into the combinations of attractions and visitor strategies. It also questions the tourist impact of some public investments. Multivariate statistical analysis shows that the thematic and spatial groupings of tourist places are only significant for a limited number of them.
Inhoudstafel
INTRODUCTION
1Le concept de destination touristique est apparu avec le développement du tourisme de masse et du marketing touristique. L’idée générale est que la plupart des destinations touristiques ne sont pas nées naturellement, mais créées par l’implémentation d’un développement dans la gestion d’attractions, de l’accessibilité et des équipements de base (Gunn et Var, 2002 ; Dona et Popa, 2013). Actuellement, il s’agit d’un des termes les plus utilisés dans l’étude des phénomènes touristiques. Bien que sa définition diffère selon l’approche considérée à savoir, spatiale, économique des points de vue de la demande et de l’offre, managériale, en réseau ou encore systémique, il s’agit d’un concept clé du tourisme institutionnalisé (Saraniemi et Kylänen 2011 ; Zemla, 2016). En considérant cette diversité d’approches, S. Saraniemi et M. Kylänen (2011) définissent la destination touristique comme l’ensemble des institutions et acteurs situés dans un espace physique ou virtuel où prennent place des activités et des échanges marketing qui modifient la traditionnelle relation entre la production et la consommation. Si les autorités publiques et les groupes d’investisseurs développent tous une ingénierie territoriale et marketing pour créer et développer des destinations, les touristes par leurs choix et pratiques spatiales s’approprient cette offre de services, mais peuvent aussi s’écarter de la destination prescrite pour remodeler d’autres espaces de visite plus vastes ou plus étroits. Bien qu’elle soit traditionnellement envisagée comme bien délimitée dans l’espace, il est de plus en plus admis que la destination est aussi perçue et vécue par le touriste qui la réinterprète en tenant compte de son itinéraire, du but de sa visite, de sa culture et de son niveau d’éducation (Buhalis, 2000). Dès les années 1980, certains chercheurs (Cooper, 1981 ; Chadefaud, 1981) explorent les relations touristiques à la ville et soulignent les liens entre les hiérarchies des lieux visités, leur localisation, les motivations et les durées de séjour (Simon, 2015). Dans le présent article, il s’agit particulièrement d’étudier la destination touristique selon l’axe général des pratiques touristiques et d’interroger leurs interactions avec les efforts de mise en tourisme et de prescriptions des autorités publiques.
2Selon J-M. Hazebrouck (2009), la destination touristique représente une zone géographique où se déroule un séjour dans des lieux et des espaces de tailles variables chargés d’une identité. Dans le cas de destinations urbaines, il existe de multiples raisons de visiter une ville. Il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer les touristes, y compris les excursionnistes, des habitants et des chalands que ce soit par leur comportement ou leur consommation de biens et de services, y compris culturels. Ils partagent l’espace public et la plupart des équipements si bien qu’il peut être ardu d’avoir une estimation exhaustive et globale de la part des touristes et de leur panier de biens et services consommés. Car si des statistiques sont tenues au niveau des principales attractions touristiques payantes et des lieux d’hébergement, une part non négligeable des touristes passe sous leur radar, car ils ne sont que de passage, logent chez des amis ou dans des hébergements informels (De Cantis et al., 2015 ; Nyns et Schmitz, 2021), ils ne fréquentent pas les musées, mais trouvent leur plaisir dans le spectacle de la rue, le shopping ou la déambulation urbaine passant d’un monument à l’autre.
3Lorsque l’on considère la ville comme destination touristique, cette dernière doit intégrer la multifonctionnalité de ses espaces et des diverses formes de tourisme qui y prennent place. Si en matière de stratégie touristique, on peut comprendre la pratique de structurer la ville en grandes thématiques ou en quartiers pour avoir une offre bien définie articulée autour d’une image facile à communiquer, est-on certain que la plupart des touristes s’inscrivent dans ces logiques de spécialisation thématique (par ex. le tourisme culturel, de mémoire, industriel, de nature…) ou géographique (les sites touristiques d’un même quartier) ? Que sait-on de la composition des activités qui jalonneront leur séjour ? Alors que de nombreuses villes moyennes souffrent d’un défaut d’image, il est pertinent de s’interroger sur les raisons du déplacement des touristes ainsi que sur la manière dont ils pratiquent les différents lieux médiatisés.
4Les pratiques des touristes tissent un réseau de lieux dont la géographie n’est pas toujours connue par les gestionnaires urbains. Ces pratiques spatiales reposent largement sur des décisions politiques de mise en valeur de certains patrimoines plutôt que d’autres et de choix en matière de promotion touristique qui sont ensuite généralement relayés par les bureaux d’information touristique et les guides de voyage. Mais, in fine, que visitent les touristes quand ils visitent une ville ? Comment s’articulent les différentes attractions ? Des regroupements de lieux visités sur la base de proximités, de niveaux de notoriété ou de grands thèmes peuvent-ils être mis en avant afin de dégager des circuits préférentiels ? La ville, par la diversité de ses services, de ses ambiances et de ses attractions, doit-elle être considérée comme une destination ou un complexe de destinations complémentaires ? Qu’en advient-il lorsque la ville accueille ou organise des évènements ?
5Ces questions seront traitées à partir de l’étude des pratiques des touristes à Liège. Au départ d’un questionnaire traitant du profil de l’enquêté, du type de séjour, des lieux visités et de la motivation, une enquête directive en face à face a été réalisée auprès d’un échantillon de 500 touristes présents à Liège durant le printemps et l’été 2017. Sur cette base, les combinaisons d’attractions et les stratégies des visiteurs ont été étudiées afin d’éclairer les pratiques des touristes au sein de la destination. Quels sont les lieux les plus visités et sur quels critères sont-ils sélectionnés ? Est-ce en fonction de la thématique qu’ils représentent ou selon la distance à parcourir entre les lieux ? Ces pratiques sont également mises en relation avec les incidences touristiques de certains investissements publics.
I. LES MODÈLES SPATIAUX DE DESTINATION
6L’approche géographique du tourisme vise à décrire et à expliquer la dimension spatiale du phénomène touristique sur la base de plusieurs aspects, dont la « mise en tourisme » des lieux, le fonctionnement et la dynamique des lieux touristiques, la différenciation spatiale du tourisme et la dimension spatiale des acteurs, touristes, entrepreneurs, résidents des lieux touristiques (Stock et al., 2003, p.4). Les modèles spatiaux de destination abordent les lieux touristiques selon deux angles : d’une part, en se basant sur les relations entre la destination et le lieu de départ, et d’autre part, en se focalisant sur les mobilités intra destinations qui dessinent la destination.
7Concernant le premier angle de vue, Pearce (1987) analyse un modèle proposé par Mariot basé sur les itinéraires possibles entre le lieu de résidence habituel et le centre touristique, en d’autres termes entre l’origine et la destination. Il renseigne notamment de deux catégories d’itinéraires, ceux de type « aller et retour » et ceux de type « boucle » avec un caractère plus récréatif et l’idée de passer par diverses installations lors d’un seul voyage. C-C. Lue et al. (1993) proposent, quant à eux, un modèle spatial selon une typologie des destinations définie sur la base des options principales de déplacement privilégiées par les touristes (Figure 1) :
8- destination simple (« Single Destination ») : les touristes se rendent dans un seul lieu, une seule destination, là où ils retrouvent la plupart des activités à réaliser. Un parallèle peut être effectué avec le questionnement de Urbain (2003) quant à la relation entre le tourisme et la villégiature ;
9- en route (« En Route ») : plusieurs étapes sont réalisées sur le chemin qui mène à la destination principale ;
10- camp de base (« Base Camp ») : il s’agit de visiter d’autres destinations pendant le séjour, tel un excursionniste, en revenant chaque jour à la destination de base pour y loger ;
11- tour régional (« Regional Tour ») : plusieurs destinations sont visitées ayant comme cible principale la région, ce qui induit d’abord un déplacement vers cette région. Puis, lorsque la boucle des destinations est achevée, un retour au domicile ;
12- voyage à la chaîne (« Trip Chaining ») : ce voyage consiste à accomplir un circuit de plusieurs destinations en partant du domicile et en y revenant à la fin du périple ;
13- en se focalisant sur les mobilités intra destinations qui dessinent la destination.
Figure 1. Modèle spatial de destination (Lue et al., 1993 - redessiné par Crespin-Noël, 2017)
14Concernant les mobilités intra destinations, Lozato (1985) a développé une typologie qui souligne le caractère des facteurs géographiques dans l’utilisation et l’organisation des espaces touristiques. Cette dernière classe les quartiers de Paris par thématique de lieux et par distance à parcourir entre lieux attractifs. Selon ce modèle, l’essentiel des activités et des pratiques touristiques se développe à l’échelle communale, car elle concorde avec l’échelle humaine spatio-temporelle la plus courte. Toutefois, comme l’affirment Lozato-Giotart et al. (2012, p. 37), « la référence scalaire d’un territoire touristique peut varier en fonction du type d’activités ou de pratiques touristiques ». Il est également intéressant de considérer les relations entre les attractions ou de les combiner. En effet, si les attractions sont compatibles, elles peuvent être interconnectées au sein d’un « cluster ». Dans certains cas, la distance entre des attractions doit être prise en compte notamment pour des sites historiques localisés à divers endroits pour lesquels les gestionnaires trouveront un intérêt à les relier par des parcours organisés. Il faut également considérer, selon ses caractéristiques, l’événementiel (par ex. évènement sportif et festival de musique) comme attraction primaire et donc, comme la raison principale du déplacement ou comme attraction secondaire s’il n’est pas la raison principale du déplacement, mais correspond à un attribut supplémentaire de la destination (Botti et al., 2008). Les patterns spatiaux peuvent s’analyser à l’échelle d’un voyage de plusieurs jours dans une région touristique ou à l’échelle d’une ville durant quelques heures.
15Sur cette base, deux hypothèses de recherche ont été établies et seront examinées à travers l’étude du cas de Liège. La première soutient que la destination est pratiquée par les touristes selon une logique de proximité géographique entre les lieux d’attraction, et la seconde, selon une logique thématique des lieux d’attraction (promenades, patrimoine historique/moderne, patrimoine religieux, musées, shopping, Horeca, thermes, évènements ou encore tourisme industriel) telle que promue par les fascicules et les promenades thématiques de l’office du tourisme de Liège. La notion de proximité en tourisme est induite dès lors que nous nous soumettons à un choix de destination. Le choix privilégiant certains lieux à d’autres s’effectue selon une certaine proximité, en effet en fonction de la qualité des voies de circulation ou encore le mode de transport, les lieux visités peuvent varier (Piriou, 2012). Dans notre cas, nous parlerons de proximité géographique, car la distance entre deux entités peut être mesurée en kilomètres ou en mètres.
II. LA DESTINATION LIÈGE ET SES PRINCIPALES ATTRACTIONS
16Surnommée la « Cité Ardente », la destination Liège (Figure 2) aurait accueilli un peu plus de 211 000 touristes en 2017 pour un chiffre officiel de nuitées approchant les 360 000 (Statbel, 2018). Située à un carrefour autoroutier européen, la ville de Liège attire de nombreux touristes et visiteurs des pays voisins privilégiant l’automobile ou le train. Il s’agit de la première ville touristique de Wallonie. Les attractions y sont diversifiées et offrent un large éventail d’activités. La destination reflète un riche patrimoine historique (Palais des Princes-Evêques, Place Saint-Lambert, Hôtel de Ville, Perron, quartier Hors-Château…) et religieux (Cathédrale Saint-Paul, Collégiale Saint-Barthélemy, église Saint-Jacques…). Par ailleurs, Liège est également connue pour ses promenades le long des quais de la Meuse et sur les sentiers des Coteaux de la Citadelle sans oublier les célèbres escaliers de Bueren. Elle dispose de plusieurs espaces verts (Parc de la Boverie, Parc d’Avroy…) et offre de nombreuses activés culturelles (Théâtre de Liège, Opéra Royal de Wallonie, Musée de la Vie wallonne…). La destination se caractérise aussi par de multiples rues piétonnes qui regorgent de boutiques et dont certaines se transforment en bar à ciel ouvert la nuit venue. Cependant, si ce n’est certains spectacles, expositions ou événements sportifs, les éléments patrimoniaux listés ci-dessus ne justifient que rarement le voyage, d’autant plus que l’image de la cité est encore souvent associée à son passé industriel. Ces dernières décennies, la ville de Liège a bénéficié de fonds européens pour redéployer son économie suite à la fermeture des usines sidérurgiques. À côté d’importants investissements dans le développement de Liège comme plateforme logistique européenne et dans quelques secteurs innovants comme le spatial et l’image, d’importants investissements ont été réalisés dans la culture et le cadre de vie avec chaque fois un volet touristique non négligeable ; restructuration et rénovation des musées communaux liégeois autour du musée Curtius (2009) ; développement de promenades sur les Coteaux de la Citadelle (2005) ; aménagement de voies vertes le long de la Meuse et des anciennes voies de chemin de fer vicinal pour favoriser entre autres le tourisme à vélo ; création d’une liaison Guillemins-Médiacité qui se veut le quartier du XXIe siècle reliant la gare monumentale signée Calatrava (2007) jusqu’à un mall dessiné par Ron Arad (2009) en passant par la Tour paradis (136 m, 2014), la passerelle paysagère sur la Meuse pensée par les ateliers Corajoud et le musée d’art moderne « la Boverie », récemment rénové et agrandi pour accueillir de grandes expositions (2016) ; développement du tourisme industriel autour d’une route du feu qui arrive au charbonnage de Blegny Mines, repris depuis 2012 sur la liste du patrimoine mondial UNESCO, renforcement du tourisme fluvial ; et mise en place d’un circuit des collégiales rappelant le rôle de Liège dans l’éducation au Moyen-Âge (2018). Les attractions touristiques visitées par les touristes sont donc nombreuses à l’échelle de la ville de Liège.
Figure 2. Plan de Liège et de ses quartiers (Cellule cartographie de la Ville de Liège. (2017). Toponymie, 1 : 60 000, accessible via https://www.liege.be/fr/vie-communale/services-communaux/urbanisme/telechargements/carte-toponymie.pdf, consulté le 21/04/2021)
III. UNE ENQUÊTE SUR LE TERRAIN POUR APPRÉHENDER LES PRATIQUES DES TOURISTES
17Si l’analyse de la fréquentation des établissements enregistrant les entrées peut donner une première information des lieux qui sont visités par les touristes, les excursionnistes et les habitants, elle ne renseigne pas les combinaisons des attractions et la fréquentation dans les quartiers et les lieux gratuits. Pour pallier ce manque, les touristes et excursionnistes présents à Liège ont été interrogés sur place. Il est vrai que d’autres méthodes existent comme l’analyse de l’usage de billets combinés ou des pass qui peuvent inclure les transports en commun. Cependant, de tels pass n’existent pas encore à Liège et ne renseignent de toute façon pas les fréquentations en dehors des attractions enregistrées par ceux-ci. Si le traçage des touristes par la téléphonie mobile, le Bluetooth ou le réseau wifi présente de nombreux avantages et est de plus en plus investigué, il est généralement utilisé en complément d’enquêtes (Shoval et Ahas, 2016). En effet, le traçage requiert de différencier les touristes parmi les utilisateurs habituels et sa précision spatiale dépend du réseau d’antennes qui ne permet pas toujours de répartir les fréquentations entre des attractions touristiques proches. Notons enfin que l’analyse des réseaux sociaux, en particulier Flickr (Jacquot et al., 2018), est également de plus en plus utilisée pour retracer le parcours des touristes et présente d’excellentes perspectives bien qu’elle ne permette pas d’obtenir d’autres informations telles que la motivation ou la connaissance des différentes attractions (Li et al., 2018). Nous avons dès lors interrogé 500 touristes en face à face en 2017. L’objectif était de déterminer les composantes et l’étendue géographique de la destination Liège du point de vue des visiteurs.
18Afin de composer un échantillon varié, les touristes présents à Liège durant les week-ends et les congés scolaires ont été retenus comme population cible. Bien que deux types de visiteurs soient présents à Liège, à savoir l’excursionniste dont le séjour dure moins de 24 heures et le touriste dont le séjour dure entre 24 heures et 12 mois, nous englobons dans le terme « touriste » toute personne qui effectue un déplacement hors de son environnement habituel pour une durée limitée avec une certaine motivation à se déplacer (Stock et al., 2003 ; Cazes, 1992). Lorsque la personne interrogée était accompagnée d’un groupe, un seul individu du groupe était questionné. Tout individu se déplaçant à Liège dans le cadre d’une découverte touristique était considéré comme entrant dans les conditions de recrutement de l’enquête, même s’il était de passage pour quelques heures et ne logeait pas. De la sorte, plus de 31 pays d’origines différentes ont été recensés bien que les touristes belges (27 %) et ceux des pays limitrophes (Allemagne, France et Pays-Bas) se démarquent (51 %). On retrouve en plus faible proportion (< 3 %) les Britanniques, les Espagnols, les Italiens, les Américains et les Canadiens. Notons que les touristes belges sont sous-représentés dans l’échantillon tant par rapport aux statistiques des nuitées de loisir où ils représentent 47 % (CGT, 2018), que par rapport à la fréquentation de la maison du tourisme (43 %) (CGT, 2018).
19Le questionnaire a été conçu à partir d’études portant sur les pratiques touristiques (Institut National de Statistiques de la République de Slovénie, 2009 ; Li, 2012 ; Piriou, 2012) et traite les thématiques suivantes :
20- le profil de l’enquêté : origine, sexe, âge, type d’accompagnateur et moyen de transport pour rejoindre la destination ;
21- le type de séjour : objet principal du séjour, durée, type d’hébergement retenu, première visite ou non de la destination ;
22- les lieux et attractions visités et le mode de transport retenu pour se déplacer au sein de la destination. À ce stade, aucune distinction n’a été faite entre les lieux et attractions de la ville et de ses environs ;
23- la motivation : les raisons de la visite sont évaluées au départ d’une série de propositions : le patrimoine architectural, les musées, la gastronomie, l’hospitalité, les évènements (culturels, sportifs, musicaux), l’environnement naturel, les bars et terrasses, les marchés (par ex. la Batte), les thermes et wellness, le tourisme industriel, le casino, le shopping, les prix, l’accès facile et la sécurité personnelle.
24L’enquête a été réalisée entre février 2017 et juillet 2017 en ciblant les périodes de congés scolaires, week-ends et jours fériés. Il s’agit donc d’une approche exploratoire de la destination touristique Liège pratiquée au printemps et au début de l’été. Les lieux d’enquêtes ont été sélectionnés comme le préconise Piriou (2012) en tant que lieux « carrefours » ou « portes d’entrée » des mobilités touristiques. Il s’agit des lieux relevés comme fréquentés très régulièrement par les touristes. Ceux-ci ont été sélectionnés au départ d’un entretien avec la Maison du Tourisme du Pays de Liège et sont repris ci-dessous :
251. La Maison du Tourisme du Pays de Liège ;
262. À l’entrée du musée de La Boverie et au niveau de la passerelle sur la Meuse ;
273. Aux pieds et au-dessus des escaliers de la Montagne de Bueren et à proximité d’un commerce de gaufres réputé : Une gaufrette saperlipopette ;
284. À l’entrée de la Cathédrale Saint-Paul et à proximité d’un autre commerce spécialisé dans la vente de gaufres chaudes : Pollux ;
295. À la gare de Liège - Guillemins ;
306. À proximité du musée Curtius ;
317. Sur le marché dominical de la Batte.
32Néanmoins, il s’est rapidement avéré plus judicieux de poursuivre exclusivement les enquêtes à la Maison du Tourisme du Pays de Liège. D’une part, pour que les réponses relatives aux attractions visitées ne soient pas influencées par le lieu de l’enquête et d’autre part, pour capter un maximum de touristes. Par ailleurs, il est complexe de distinguer au premier abord les touristes des usagers habituels dans des lieux « carrefours » très fréquentés comme la gare de Liège - Guillemins, la passerelle sur la Meuse et le marché de la Batte. In fine, 398 enquêtes sur les 500 ont été réalisées au niveau de la Maison du Tourisme. Cela soulève néanmoins un biais potentiel du fait que tous les touristes ne se rendent pas nécessairement à la Maison du Tourisme.
33Remarquons que d’autres biais, souvent rencontrés dans ce type d’enquête, ont influencé les résultats comme d’inévitables réponses collectives lorsque nous nous adressions à une personne accompagnée d’un groupe, des difficultés liées à la langue quand bien même le questionnaire avait été préalablement traduit en néerlandais et en anglais, une qualité moindre des réponses lorsque les personnes étaient pressées ou peu motivées. Signalons aussi que les questions orientées sur les attractions et lieux visités portaient selon les cas soit, sur des lieux déjà visités depuis l’arrivée du touriste, soit, sur ceux qu’il comptait visiter durant son séjour. Dans ce second cas, les informations recueillies étaient des intentions de visite sans certitude que l’attraction mentionnée soit effectivement visitée. Il est également possible que certaines personnes n’aient pas cité tous les lieux visités ou qu’ils projetaient de visiter par oubli ou par choix.
34L’analyse de l’enquête donne tout d’abord une vue d’ensemble des résultats en lien avec les lieux visités en termes d’occurrences, de logique de proximité géographique et enfin, de logique thématique. Dans un second temps, une Analyse des Correspondances Multiples (ACM) est utilisée afin d’étudier les regroupements de lieux visités selon les logiques de proximité géographique et thématique.
IV. LES PRATIQUES ET LA RECOMPOSITION DE LA DESTINATION PAR LES TOURISTES ET EXCURSIONNISTES
35Par rapport au modèle de Lue et al. (1993), la destination Liège est considérée par la majorité comme « Single Destination ». Les personnes interrogées visitent Liège. La destination se caractérise par des séjours de courte durée ; pour 17,2 % des enquêtés, la durée du séjour se limite à quelques heures, pour 40 % à une journée (dont 93 % sans nuitée), pour 25,6 % à deux journées, pour 12,2 % à entre 3 à 5 jours et enfin, pour 5 % à plus de cinq jours. Pour les séjours avec nuitée(s), l’hôtel reste le premier choix d’hébergement (47 %) suivi par les hébergements de type Airbnb (19 %) ou chez la famille/amis (17 %). Les vacances, la détente, le divertissement sont l’objet principal du séjour (82 % des répondants). Les déplacements entre les différent(e)s attractions/lieux se font principalement à pied (73,2 % des enquêtés). La destination est également considérée en tant que « Base Camp ». Certains touristes (11,2 %), après avoir visité le centre de Liège, se rendent vers des sites touristiques à l’échelle de la province, puis reviennent au centre pour y loger. Bien que les données récoltées permettent un basculement entre l’échelle de la destination et celle du réseau de destinations, l’analyse des occurrences des lieux visités recentrera les traitements relatifs aux logiques de proximité et thématique, à l’échelle de la ville. Enfin, quelques touristes lors des enquêtes directives ont mentionné qu’ils réalisaient un tour des villes de Belgique ou d’Europe et que Liège en faisait partie. Dès lors, cela correspond au pattern « Regional Tour » ou au « Trip Chaining » selon l’origine des touristes. Cette analyse peut être reproduite à l’échelle de la ville où l’on se rend compte que c’est généralement la ville et la diversité de ses attractions, évènements et quartiers qui constituent la destination vécue par les touristes avec quelques exceptions notoires. La durée du séjour détermine le choix des attractions visitées et influencera le nombre de lieux touristiques visités et la distance des déplacements au-delà du centre-ville. D’autres facteurs comme l’origine des touristes, la tranche d’âge, les moyens de transport utilisés pour se rendre d’une attraction à l’autre et la taille du groupe complètent le tableau des facteurs qui influencent la composition des itinéraires.
A. Analyse des occurrences des lieux visités
36Les attractions touristiques visitées par les touristes sont nombreuses à l’échelle de la ville de Liège. Au total, plus de 132 lieux ont été cités, parfois même situés en dehors de la ville. Dans les lieux les plus visités au sein de la destination, un groupe de tête se distingue avec la Montagne de Bueren, le Cœur historique et la Cathédrale Saint-Paul. Le Cœur historique correspond à un quartier touristique de Liège délimité par les autorités communales comme suit : il comprend, en rive gauche de la Meuse, la zone entre la Place Saint-Lambert et le parc Saint-Léonard et entre le pied de la Montagne de Bueren et les quais de la Meuse (L’Échevinat et l’Office du Tourisme, s.d.). La Figure 3 renseigne la hiérarchie des lieux selon les occurrences de visites. En dehors du groupe de tête mentionné ci-dessus, les lieux les plus visités sont principalement des lieux à forte notoriété et de concentration tels que l’hypercentre, la gare de Liège-Guillemins, le marché dominical de la Batte ou encore le parc de la Boverie.
Figure 3. Hiérarchie des lieux les plus visités par les touristes à l'échelle de la Ville de Liège
37De cette analyse, nous pouvons retenir que dans un premier temps les touristes privilégient les attractions localisées au centre de Liège, au départ de la Maison du Tourisme où la plupart des enquêtes ont été réalisées. Il existe en effet un large panel d’attractions qui s’offrent à eux bien qu’ils optent davantage pour celles situées en rive gauche de la Meuse. La rive droite ne manque pourtant pas d’attractions avec son quartier d’Outremeuse où l’on peut se promener sur les traces de Simenon, son musée autour de la marionnette Tchantchès, l’Aquarium-Muséum, la Maison de la Sciences, et au-delà du canal de la dérivation, le musée de la métallurgie, celui des transports en commun et le centre commercial de la Médiacité et sa patinoire. Il semble que la Meuse constitue une barrière pour les touristes comme cela avait déjà été pointé lors d’une enquête sur la perception du centre-ville auprès de passants il y a plus de quarante ans (Mérenne-Schoumaker et al., 1974). De plus, 15 % des répondants n’ont pas d’objectif prédéfini lors de leur visite. Cette proportion non négligeable montre qu’une part importante des touristes présents à Liège n’ont pas d’idée claire de ce que la ville peut leur proposer parce que la raison du déplacement est autre que celle de la visite touristique ou qu’ils viennent pour la ville en soi sans connaître les activités et les endroits qu’ils peuvent visiter.
B. La logique de proximité géographique
38Au service de l’hypothèse selon laquelle la destination est pratiquée par les touristes selon une logique de proximité géographique entre les lieux d’attraction, des buffers ont été définis. Ces derniers sont délimités à l’aide d’un rayon de 500 mètres autour des principaux lieux attractifs identifiés via l’analyse des occurrences et qui permettent de couvrir l’ensemble de la destination et de ces lieux visités. Cette distance de 500 mètres est considérée comme la distance qu’accepte de parcourir un piéton (Bruxelles mobilité, 2012 ; Cornelis et al., 2012 ; Vivre en ville, s.d.). Six buffers principaux ont été conçus grâce à la plateforme WalOnMap du Géoportail de la Wallonie autour de la Cathédrale Saint-Paul, la Maison du Tourisme du Pays de Liège, la gare de Liège - Guillemins, le parc d’Avroy, la Boverie et la Médiacité (Figure 4).
Figure 4. Buffers de 500 mètres de rayon autour des lieux attractifs : la Cathédrale Saint-Paul, la Maison du Tourisme du Pays de Liège, la gare de Liège - Guillemins, le parc d'Avroy, la Boverie et la Médiacité
39En ce qui concerne le buffer situé autour de la Maison du Tourisme, trois lieux inclus dans ce périmètre sont visités par plus de 10 % des touristes interrogés. La proximité géographique des attractions autour de la Maison du Tourisme joue donc un rôle. À l’inverse, seulement deux lieux sont visités par plus de 10 % des touristes autour de la Cathédrale et un seul lieu dans les buffers autour de la gare des Guillemins et de la Boverie.
C. La logique thématique
40Les différents lieux visités ont été classés selon dix grandes thématiques dont l’une d’elles correspond aux « sans but ». Ces différents thèmes sont repris dans le Tableau 1 ainsi que la part d’enquêtés ayant visité au minimum un lieu appartenant au thème en question. L’objectif est de vérifier l’hypothèse selon laquelle la destination est pratiquée selon une logique thématique. Il résulte que la destination touristique Liège serait donc d’abord prisée pour ses promenades, son patrimoine historique/moderne et religieux. Cependant, les pratiques des visiteurs interrogés montrent un panachage de lieux visités catégorisés dans des thématiques différentes. L’idée d’une organisation de la visite de la ville selon une logique thématique est insuffisante pour expliquer les étapes des différents itinéraires touristiques individuels.
Tableau 1. Part des enquêtés ayant visité au minimum un lieu selon la thématique considérée (2017)
Thèmes |
Part des enquêtés ayant visité au minimum un lieu dans le thème étudié |
Promenades |
62,6% |
Patrimoine historique/moderne |
48,2% |
Patrimoine religieux |
33,8% |
Musées |
24,2% |
Shopping |
22,8% |
Horeca |
17,4% |
Thermes |
15% |
Évènements |
12% |
Tourisme industriel |
3% |
D. Analyse des Correspondances Multiples
41Une Analyse des Correspondances Multiples (ACM) a été réalisée sur la base des données récoltées lors de l’enquête directive à savoir, les lieux visités en tant que variable active, le pays d’origine, l’objet principal du séjour à Liège, la durée du séjour, le type de transport entre lieux visités, l’âge, la taille du groupe et le type de transport utilisé pour arriver à Liège en tant que variables supplémentaires, c’est-à-dire qui ne sont pas prises en compte pour la détermination des axes factoriels. La finalité de cette analyse est d’identifier des regroupements de lieux visités et de confronter ces regroupements aux logiques de proximité géographique et thématique. L’ACM porte uniquement sur les lieux visités par au moins trente touristes soit : la Cathédrale Saint-Paul, la Collégiale Saint-Barthélemy, le Grand Curtius, le musée Boverie, la Montagne de Bueren, la Gare de Liège - Guillemins, le Parc de la Boverie, la Place Saint-Lambert, le Cœur historique, les Coteaux de la Citadelle, les Tours guidés au départ de la Maison du Tourisme, le marché de la Batte, l’hypercentre et l’arrivée du Tour de France. La variable « sans but » a également été prise en compte étant donné qu’elle concerne 15 % des personnes interrogées.
42En dehors de la durée du séjour qui est logiquement un facteur déterminant pour le nombre et le choix des lieux visités, l’analyse des correspondances multiples met en avant deux dimensions liées, d’une part, au nombre de lieux touristiques visités (l’intensité de l’activité touristique) et, d’autre part, à la distance au centre-ville. Le nombre de lieux visités par les touristes peut varier de zéro à plus de huit lieux pour certains touristes. Par exemple, un touriste qui prend part à un tour guidé ou assiste à un évènement comme l’arrivée du Tour de France combinera rarement ces activités avec d’autres visites ou activités. Au contraire, un touriste visitant les lieux plus classiques tels que la Montagne de Bueren ou la Place Saint-Lambert combinera ces lieux entre eux ou avec d’autres lieux et activités. Concernant la seconde dimension, la distance au centre-ville, les attractions privilégiées par les touristes se situent d’abord dans le quartier du Centre et du Cœur historique puis dans le quartier des Guillemins et de la Boverie.
43Dans la Figure 5, des groupements sont réalisés selon les lieux visités par les différents touristes. Parmi ceux-ci, « Les classiques » avec la Place Saint-Lambert, les Coteaux de la Citadelle, la Montagne de Bueren, la gare de Liège - Guillemins, la Cathédrale Saint-Paul, « La culture » avec les musées Grand Curtius et Boverie y compris le parc de la Boverie qui sert d’écrin à ce dernier, « Les évènements » avec l’arrivée du tour de France, « Les sans-but » sont ceux qui arrivent sans objectif précis de visite et qui pour une part vont opter pour une visite guidée, « Le Cœur historique et le marché de la Batte » que nous retrouvons autour de la Maison du Tourisme. Plusieurs groupements combinent la logique de proximité géographique et la logique thématique entre les lieux d’attraction. Néanmoins, tous les lieux signalés par les visiteurs n’entrent pas dans ces groupements, dès lors il faut être prudent dans l’analyse. Selon la logique de proximité géographique, les Coteaux de la Citadelle, la Place Saint-Lambert, la Montagne de Bueren et la Collégiale Saint-Barthélemy sont proches spatialement et appartiennent au Cœur historique. La gare de Liège - Guillemins qui en plus d’être un lieu d’arrivée, se démarque par son architecture, mais aussi par les expositions organisées dans ses murs, constitue la principale voire la seule attraction du quartier des Guillemins et enfin, la Boverie et son parc forment un îlot spécifique. Les quartiers de l’hypercentre et de la Cathédrale Saint-Paul pourraient également être différenciés, à l’instar du quartier des Vennes où s’est tenue l’arrivée de la deuxième étape du Tour de France 2017. Il n’est cependant pas possible de grouper les lieux selon une logique thématique trop rigoureuse, car le nombre de lieux associés à une thématique est relativement limité ou lorsqu’ils sont suffisamment nombreux, ces lieux ne sont pas nécessairement associés lors des visites individuelles ce qui traduit bien le caractère éclectique de la destination touristique Liège. L’enquête montre que les touristes visitent généralement un ensemble de lieux dont l’ACM permet de repérer plusieurs clusters : la Place Saint-Lambert et les Coteaux de la Citadelle (la ville côté campagne) ; la Cathédrale Saint-Paul, la Montagne de Bueren et la gare Calatrava (les must-see) ; le musée de la Boverie et celui du Grand Curtius pourtant distants de trois kilomètres (les musées d’art et d’histoire). Dans le cas de l’arrivée d’une étape du Tour de France dans un quartier périphérique, la participation à cet évènement est peu associée à d’autres visites ; plus de 50 % des personnes voulant assister à cette arrivée ne font que cela.
Figure 5. Résultats de l'analyse des correspondances multiples et groupement selon les lieux visités par les touristes. La dimension F1 correspond à l'intensité de l'activité touristique c'est-à-dire au nombre de lieux visités tandis que la dimension F2 correspond à la distance au centre-ville. Les points verts signifient : lieu visité (variable oui) tandis que les points rouges signifient : lieu non visité (variable non)
DISCUSSION
44L’analyse des correspondances multiples montre un regroupement des lieux visités partiellement par thématique, partiellement par la proximité géographique et souvent par les deux. Ces groupements mettent en avant que certains touristes privilégient la visite des édifices religieux, des lieux riches d’un passé historique, des espaces naturels ou encore combinent des lieux relatifs aux produits de bouche par exemple, goûter la gaufre de Liège et déguster une bière artisanale. La proximité géographique n’est cependant pas en reste dans les clés de lecture des comportements des visiteurs, laissant apparaître les quartiers touristiques mentionnés précédemment. Le groupement d’attractions en nodules est dès lors souvent favorable au développement des attractions voisines. À côté des six buffers proposés autour des pôles touristiques, l’analyse des pratiques confirme le rôle barrière de la Meuse et encourage l’ajout de deux quartiers liés aux Coteaux de la Citadelle et à Outremeuse. Ces espaces semblent néanmoins inscrits dans les itinéraires de visite des touristes qui restent plus longtemps à Liège. Quand les visiteurs d’un jour viennent au pied ou gravissent les escaliers de la montagne de Bueren, ceux qui ont plus de temps se promènent dans les dédales de ruelles et des sentiers des coteaux de la citadelle. Notons cependant qu’entre le quartier Boverie et Guillemins, l’effet barrière de la Meuse semble gommé suite à la présence de deux pôles attractifs remarquables : la gare Calatrava et le musée dans son espace de verdure, et à la construction d’une passerelle paysagère « La Belle Liégeoise », qui est devenue une attraction touristique en soi.
45À côté des principaux patterns relevés, de nombreuses combinaisons et beaucoup de lieux moins médiatisés se retrouvent sur la carte des visiteurs qui ne suivent pas une visite guidée et les recommandations d’un guide touristique papier ou qui n’en sont pas à leur première visite à Liège. Nombre de touristes interrogés étaient à Liège d’abord pour l’ambiance de ses rues, les commerces, les brasseries et restaurants plutôt que pour les musées et la curiosité touristique. La destination urbaine intègre certes les attractions principalement destinées aux touristes, mais aussi l’atmosphère de la ville, ses cafés et restaurants, ses produits de bouche, ses commerces et ses parcs où l’on peut se reposer. Les thermes bien que peu présents intra-muros et plutôt liés aux localités de Spa (40 km) et de Chaudfontaine (10 km) sont inclus dans 15 % des visites des personnes interrogées, ce qui montre à la fois l’intérêt pour les activités liées au bien-être et l’adjonction de destinations voisines à la destination urbaine. Si nous reprenons le classement des attractions (Botti et al., 2008), pour la destination Liège, l’attraction primaire, qui est la raison du déplacement, est d’abord la découverte de la ville au sens large, motif qui est largement plébiscité par les touristes. Ensuite, la Montagne de Bueren, le Cœur historique, le marché de la Batte et la Gare des Guillemins attirent certaines personnes alors que les évènements à l’instar du Tour de France, des festivals de musique comme les Ardentes, le Beer Lover’s Marathon, des expositions évènements aux Guillemins ou à la Boverie sont l’unique raison de la présence à Liège pour d’autres. Les enquêtes ont montré qu’à côté d’évènements bien médiatisés, d’autres manifestations qu’elles soient culturelles ou sportives attirent de nombreux visiteurs dont la majorité ne vient que pour ces évènements. Il y a sans doute des efforts à déployer au niveau des autorités et des acteurs du tourisme pour transformer ces participations à un évènement en un séjour touristique ou en découverte du riche patrimoine. Dans la catégorie des attractions secondaires, qui sont connues par les touristes avant le voyage, mais qui ne sont pas le motif du déplacement, nous retrouvons l’hypercentre commerçant, les spécialités gastronomiques comme la gaufre de Liège et le boulet liégeois, des édifices religieux comme Saint-Barthélemy ou Saint-Jacques et certains musées comme les collections permanentes de la Boverie, du musée Curtius ou du musée de la Vie Wallonne. Enfin, dans les attractions tertiaires, qui sont découvertes sur place par les touristes, se retrouvent essentiellement les évènements moins connus des touristes, mais qui participent à agrémenter leur séjour comme la fête de la musique au mois de juin. Notons finalement l’intérêt des tours guidés, au départ de la Maison du Tourisme, qui bien que rarement connus avant le voyage offrent aux touristes la possibilité de visiter la ville clé en main.
CONCLUSION
46L’analyse d’une destination urbaine soulève plusieurs questions d’intégration dans l’espace géographique. Quelles sont les limites de cet espace promu ou vécu comme destination ? Comment interviennent les distances physiques, mais également les distances perçues et représentées entre les attractions ? À quelle échelle doit-on aborder ces questions ? Car, si les autorités locales et les professionnels de la conception et de l’animation des destinations sont fortement contraints dans leurs actions par les découpages administratifs, les touristes peuvent s’écarter des prescrits et concevoir différemment l’extension et la composition de leurs territoires de visite et de séjour.
47Comme de nombreuses villes de taille moyenne, Liège mise, à côté de la logistique, des technologies spatiales et de l’image, sur le développement touristique pour redynamiser la ville. Ces investissements présentent l’avantage de combiner l’amélioration du cadre de vie et des équipements culturels pour les habitants et le renforcement du tourisme en tant que secteur économique en croissance. On s’affaire à proposer des circuits thématiques pour structurer l’offre et proposer des produits ciblés, autour des collégiales, de l’archéologie industrielle, des Coteaux de la Citadelle, mais l’enquête réalisée montre que les touristes qui sont à Liège n’ont que rarement l’envie de s’enfermer dans une seule thématique et préfèrent butiner d’une attraction à une autre et surtout profiter de la vie urbaine avec ses terrasses, son marché dominical, ses magasins. Elle montre aussi le caractère confidentiel de certains développements, notamment muséaux, et le succès d’autres initiatives autour de la promenade et de l’évènementiel. Les évènements dont les grandes expositions sont un atout incontestable de la cité, attirent les visiteurs belges et étrangers, mais entrainent cependant relativement peu de visites ou d’activités en dehors de ceux-ci. On pourrait y voir la différence d’attractivité intrinsèque entre ces évènements et le patrimoine, les collections permanentes, liégeois ou pointer une communication défaillante à propos des richesses de la ville qui souffre encore d’une image pas toujours flatteuse (Scatton, Schmitz, 2016). L’étude a également montré qu’il existe aussi un hiatus entre la conception de la destination touristique par les autorités et les bureaux d’étude qui se basent encore trop souvent sur les richesses patrimoniales et pas assez sur les demandes et les attentes des visiteurs ou du moins, sur leur traduction à travers leurs pratiques spatiales.
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Om dit artikel te citeren:
Over : Symi NYNS
Doctorante en Sciences financée par le FRESH F.R.S-FNRS, Laplec - UR SPHERES, Université de Liège, symi.nyns@uliege.be
Over : Émilie CRESPIN-NOËL
Master en sciences géographiques à finalité développement territorial, E.CrespinNoel@alumni.uliege.be
Over : Serge Schmitz
Professeur, Docteur en Sciences, Laplec - UR SPHERES, Université de Liège, s.schmitz@uliege.be