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Préparation de Paris 2024 - Tourisme et image des quartiers populaires en Seine-Saint-Denis
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En 2024, lors des Jeux Olympiques et Paralympiques, la Seine-Saint-Denis, département situé au nord-est de la capitale, sera un des principaux territoires hôtes de ce méga-événement. Ce territoire populaire souvent associé à des images négatives peut se saisir de cet événement pour valoriser son patrimoine et son tourisme. Ce changement d’image et cette valorisation peuvent commencer dès la préparation des Jeux. À partir des résultats d’une enquête par questionnaires menée à l’été 2020, les images associées à ce territoire ainsi que les sites patrimoniaux et touristiques connus et non connus des Franciliens sont mis en évidence. Enfin, la façon dont les acteurs locaux utilisent cet évènement afin de casser les préjugés liés à leur territoire est développée.
Abstract
In 2024 during the Olympic and Paralympic Games, Seine-Saint-Denis, a department located to the north-east of the capital, will be one of the main host territory of this mega-event. This popular territory associated with harmful images can then take advantage of this event to enhance its heritage and tourism. This change of image and enhancement can begin as soon as the Games are prepared. Based on the results of a questionnaire survey carried out in the summer of 2020, the images associated with this region as well as the heritage and tourist sites known and unknown to French people will be highlighted. Finally, the question of how local actors can use this event to break down prejudices about their region will be addressed.
Table des matières
INTRODUCTION
1Le département de la Seine-Saint-Denis, situé au nord-est de Paris est souvent associé dans l’imaginaire collectif à un territoire populaire jouissant d’une mauvaise image (insécurité, délinquance, etc.). Toutefois, ce département qui est un des plus cosmopolites de France, comporte, d’une part, des sites patrimoniaux incontournables, et, d’autre part, un patrimoine industriel important. S’ils font l’objet d’une valorisation touristique croissante par les acteurs du territoire, ils demeurent pourtant relativement méconnus aussi bien des habitants que des visiteurs. La Seine-Saint-Denis accueillera en 2024 plusieurs équipements majeurs des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris et sera le siège de nombreuses compétitions. Dans quelle mesure ce département et les quartiers populaires qui le caractérisent peuvent-ils se saisir de la préparation de ces jeux pour changer leur image et mettre en avant leur patrimoine et leur culture ?
2Après avoir investi les questions d’images liées aux JOP, nous présentons le territoire de la Seine-Saint-Denis, ses patrimoines, les JOP qui s’y dérouleront ainsi que la façon dont les principaux acteurs locaux concernés par les JOP s’en saisissent. Puis, à partir d’une enquête conduite auprès des habitants d’Ile-de-France (2020), nous identifions les images que les habitants et les visiteurs franciliens ont de la Seine-Saint-Denis, les patrimoines connus et non connus, ce qui nous permet de déterminer les objets sur lesquels peuvent porter les politiques de marketing du territoire en termes de valorisation touristique et patrimoniale.
3En articulant les enjeux en termes d’image associés aux JOP en Seine Saint-Denis et les enjeux patrimoniaux et touristiques de ce territoire hôte, cet article apporte un éclairage original trois ans avant les jeux. Il permet de surcroît d’entrevoir les actions pouvant être conduites en Seine Saint-Denis afin d’en changer l’image et de valoriser son patrimoine à des fins touristiques.
I. PRÉPARATION DES JEUX : QUELS IMPACTS SUR L’IMAGE DES QUARTIERS, LE TOURISME ET LE PATRIMOINE ?
A. Image des territoires et JOP : quels éléments de littérature ?
1. Les JOP : l’occasion d’un changement d’image ?
4La préparation des JOP peut être l’occasion d’un changement d’image pour la destination hôte. Ils peuvent permettre la dynamisation de la ville, la présentation du pays sous une image accueillante, jeune, sécurisée et à la pointe de la technologie. Les JOP sont une opportunité pour améliorer la qualité environnementale des villes, pour créer des logements et des équipements respectueux de l’environnement qui seront pendant l’événement exposés aux yeux du monde (Machemehl et Robène, 2014). Ils permettent également de transformer certains quartiers délaissés et de les insérer dans des projets urbains, comme ce fut le cas à Londres (Appert, 2012). Le quartier pauvre de Stratford, localisé dans la proche banlieue à l’est de Londres est aujourd’hui un quartier multifonctionnel avec des logements, des équipements sportifs, un pôle commercial, de nombreux espaces verts, un pôle culturel avec une future antenne du musée Victoria & Albert et une école de design, le tout relié au cœur de Londres par le métro. Toutefois, après ces transformations, les populations de ces quartiers ont été en partie exclues et une gentrification s’est opérée en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier (Beucher, 2009). Ainsi les pouvoirs publics ont réussi à changer l’image accolée à ce quartier, mais l’accueil des JOP a aussi eu des effets néfastes pour les populations vivant dans ce quartier qui ont dû s’installer ailleurs, souvent plus loin en banlieue, les éloignant encore davantage de leur emploi et des transports. De même à Rio, la ville a tout mis en œuvre pour donner au monde une image positive le temps de l’événement. Les autorités ont cherché à contrer l’image négative associée aux favelas en chassant leurs habitants en périphérie et en renforçant la sécurité dans et à l’entrée de ces zones ; les forces de l’ordre s’y trouvaient en permanence pour surveiller la population. Ainsi plus de 20 000 familles auraient été expulsées de leur lieu de vie avec en contrepartie une aide financière ou un appartement éloigné de la métropole (Magalhaes, 2016).
5Cependant, afin que ce changement d’image soit pérenne, les territoires hôtes doivent éviter de construire des éléphants blancs, c’est-à-dire des équipements qui ne correspondraient pas aux besoins des populations et qui seraient abandonnés après l’événement. À Rio, de nombreux équipements trop grands et trop chers à entretenir ont ainsi été abandonnés après les JOP.
6Selon les acteurs en charge d’une destination, l’organisation de méga-événements sportifs est une des stratégies permettant de renforcer l’image de la ville (Thanh et al., 2014) ; cet effet de notoriété concernant surtout les villes olympiques peu connues avant les Jeux (Chappelet, 2016). Cette organisation offre la possibilité à certains territoires d’affirmer « leur singularité touristique » (Dewailly et Flament, 2000) et d’orienter les pratiques touristiques en valorisant tel site ou pratique plutôt que tel autre et ce faisant de modifier leur image. La préparation des JOP est un outil de communication à l’échelle nationale et internationale. En effet, les JOP « focalisent sur un lieu déterminé à l’avance, l’attention du reste du monde » (Augustin, 2009) et exercent sur les territoires hôtes des effets d’image qu’aucun autre événement ne peut égaler. Liés à un projet urbain global visant à transformer la ville, comme à Barcelone (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007), Londres (Beucher, 2009 ; Poynter, 2012) ou Pékin (Augustin, 2009 ; Kaplanidou, 2009), les JOP contribuent à changer son image. Mais les effets d’image sont susceptibles d’être différents d’un territoire à l’autre. De ce point de vue, « les candidatures de Tokyo 2020 et Paris 2024 diffèrent des précédentes. Le tremblement de terre de 2011 au Japon et les attentats de 2015 en France donnent à ces candidatures un objectif de reconstruction de l’image de ces villes » (Faure, 2020).
7Ces modifications peuvent avoir lieu pendant l’évènement, mais elles peuvent également débuter durant la phase de préparation (Delaplace, 2020) pour peu que les territoires hôtes s’emparent suffisamment tôt de cette problématique. En phase de candidature, les JOP contribuent ainsi à présenter la ville comme une ville qui se bat dans la concurrence pour attirer des investissements (Müller et Steyaert, 2013).
2. Les relations entre l’image et le tourisme
8L’image d’un territoire est un des éléments qui influence la venue des touristes. Selon Miossec (1977), l’image de l’espace touristique peut se définir comme l’« image que s’en font les touristes, qu’en donnent les organisateurs de vacances ; Image que perçoivent avec inquiétude parfois, toujours avec surprise les populations autochtones ; Image complexe, rêve reflété par les affiches, les guides, les dépliants, les peintures, les livres, les films. Image et évocation qu’en rapportent et colportent les touristes ». Ainsi, l’image d’un territoire varie d’une personne à l’autre. L’image de marque d’une destination se définit aussi bien par la perception qu’en ont les touristes que par la vision des habitants (Papadimitriou et al., 2015). En outre, cette image évolue sans cesse. Elle peut être influencée par divers facteurs tels que « l’arrivée d’un nouveau vecteur de communication, de nouveaux acteurs, une modification profonde de l’environnement, des attentats, une catastrophe climatique…) » (Delaplace, 2020). Le changement d’image induit par un méga-événement sportif, héritage immatériel de l’événement, peut avoir des retombées touristiques sur les territoires hôtes et ainsi devenir entre les mains des acteurs un levier de développement pour le territoire. La couverture médiatique liée aux JOP qui est un outil de communication et de promotion important pour les territoires hôtes (Essex et Chalkley, 1998 ; Gold et Gold, 2011) peut participer de ce changement d’image et contribuer à développer le tourisme.
9Les JOP peuvent être l’occasion de faire découvrir les patrimoines de Seine-Saint-Denis et mettre en valeur ses formes de tourisme alternatif en ciblant les habitants ainsi que les visiteurs franciliens.
B. Le territoire de la Seine-Saint-Denis : de nombreuses caractéristiques patrimoniales et touristiques
1. D’un territoire agricole à un territoire populaire : retour sur l’histoire de la Seine-Saint-Denis
10La Seine-Saint-Denis était originellement un territoire agricole, viticole et maraîcher (plus vaste plaine légumière de France) qui fut longtemps au service de la capitale en alimentant la population parisienne. C’était également un lieu de villégiature pour les parisiens voulant se mettre au vert.
11Les cultures ont disparu dans les années 1960 pour laisser place à une urbanisation grandissante (les grands ensembles), liée à l’industrialisation, qui s’est accélérée jusqu’aux années 1970. Les zones industrielles s’y sont développées en raison du foncier disponible à bas coût pour les entreprises et de sa proximité avec Paris. Puis peu à peu le département connaît une désindustrialisation jusqu’aux années 1990 et par conséquent une crise de l’emploi (Girault, 1998). De nombreuses friches industrielles pouvant être réhabilitées et utilisées pour de nouveaux usages apparaissent.
12La Seine-Saint-Denis est également un territoire qui a connu plusieurs vagues migratoires dès les années 1870. Des européens (Belges, Italiens, Espagnols, Allemands, Suisses…) viennent combler le besoin de main d’œuvre suite à la révolution industrielle, ils s’installent en région parisienne, le plus souvent à l’est de Paris. Ils contribuent ainsi au métissage et à la multi-culturalité de ce département. Ces deux caractéristiques vont se renforcer avec la deuxième vague d’immigration à la fin de la Grande Guerre et pendant l’entre-deux-guerres avec des immigrés venant d’Europe (Italie, Roumanie, Pologne…) mais aussi d’Afrique du Nord. Il en va de même lors de la troisième vague d’immigration après la seconde guerre mondiale qui a nécessité la construction de logements et a conduit à la formation de grands ensembles. Ces différentes vagues ont contribué à la diversité actuelle du territoire et à son cosmopolitisme (Hautbois et Desbordes, 2011). Ainsi en 2015, 29 % de la population du département est immigrée (INSEE, 2020).
13La dégradation progressive de ces grands ensembles et leur occupation par une population de plus en plus paupérisée vont accélérer l’émergence d’images négatives. Associés à l’insécurité, à la pauvreté, à la délinquance et à la violence, ces grands ensembles sont fuis par les habitants et ne semblent présenter aucun intérêt touristique et/ou patrimonial pour des visiteurs. « Dès 1977, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) s’inquiète de la concentration des populations les plus pauvres et des étrangers dans l’est et le nord-est » (Bacqué et Fijalkow, 2006). L’État met en place la politique de la ville pour pallier aux problèmes des banlieues, réhabiliter les HLM, puis pour désenclaver et enjoliver ces quartiers. Actuellement le territoire comporte 63 Quartiers de la Politique de la Ville (QPV) répartis sur 32 communes (40 communes au total dans le département). La Seine-Saint-Denis est le département ayant le plus de QPV en petite couronne. Ce département est caractérisé par de nombreuses difficultés. Il est marqué par une forte population jeune, les moins de 25 ans représentent plus de 35 % de la population du territoire (INSEE, 2020), un taux de chômage à 18,4 % (en 2017) contre 11,9 % pour la ville de Paris et un taux de pauvreté de 28 % (INSEE, 2020), lui aussi plus élevé que dans la capitale.
14Cependant, certains acteurs du territoire œuvrent pour construire une autre image, plus valorisante en utilisant ses atouts : sa population jeune, sa diversité, sa culture, son histoire… Par exemple, sur son site internet, l’Établissement Public Territorial (EPT) Plaine commune se définit comme « le territoire de la culture et de la création ». Le territoire mise également sur l’environnement en intégrant l’écologie urbaine dans sa politique et dans ses projets. De même, l’EPT Est Ensemble tout en soulignant qu’il est un des plus pauvres, décrit son projet de territoire comme « un des plus porteurs d’avenir de la métropole parisienne ». L’EPT Paris Terre d’Envol met quant à lui en avant son statut de « porte d’entrée » sur le monde avec ses deux aéroports participant au rayonnement international.
2. Les atouts patrimoniaux du territoire
15Ce département est également un territoire de cultures, avec de nombreux sites incontournables, notamment dans la ville de Saint-Denis, ville la plus peuplée du département. La Basilique de Saint-Denis qui fait partie des incontournables du territoire, a accueilli en l’année 2019, 138 000 visiteurs. Ce chef d’œuvre de l’art gothique, qui a été conçu par l’abbé Sugar, est classé sur la liste des Monuments Historiques depuis 1862 (Figure 2). Des musées sont également présents sur le territoire : le musée de l’Air et de l’Espace au Bourget, le musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, le musée municipal de Saint-Ouen, le musée de l’histoire vivante à Montreuil-sous-Bois et le musée municipal de Livry-Gargan.
16Par ailleurs, le territoire est doté de 78 monuments historiques (20 classés et 58 inscrits), tels que le couvent des ursulines à Saint-Denis (Figure 1). De plus, 20 monuments sont labellisés patrimoine d’intérêt régional dont l’objectif est de représenter la diversité du patrimoine francilien ; le territoire de Plaine Commune étant lui-même labellisé Ville et Pays d’Art et d’Histoire (VPAH) depuis 2013.
17Le Stade de France est un autre emblème du territoire. Construit pour la coupe du monde de football de 1998, il a contribué à l’attractivité de son quartier : en 2019 il a attiré pas moins de 94 878 curieux (hors concert, match…)1.
Figure 1. Cour intérieure du couvent des ursulines à Saint-Denis, classé monument historique. Source : Auteures, août 2020
Figure 2. Basilique cathédrale de Saint-Denis. Source : Auteures, août 2020
18Enfin ce territoire est doté d’atouts patrimoniaux alternatifs. Pour circuler entre Paris et la Seine-Saint-Denis, les visiteurs peuvent emprunter à pied ou à vélo la street art avenue, longeant le canal Saint-Denis et arrivant à proximité du parc de La Villette Figure 3). Avec des œuvres sur les murs et les friches industrielles bordant le canal, ce parcours met en avant le street art, culture issue du mouvement hip-hop des années 1970 aux États-Unis. D’autres lieux du département laissent la culture du street art s’exprimer, tel que l’espace imaginaire ou le 6B (Figure 4), bâtiment qui semble abandonné mais qui accueille diverses activités et dont l’intérieur est investi par les street-artistes (Lebeau, 2014).
Figure 3. Œuvre de street art derrière le Stade de France le long du canal Saint-Denis. Source : Auteures, septembre 2020
Figure 4. Bâtiment du 6B à Saint-Denis : une friche industrielle accueillant des artistes. Source : Photographie personnelle, septembre 2020
3. Le développement du tourisme sur le territoire
19Certains des quartiers du territoire, auparavant délaissés par les classes moyennes et supérieures, sont peu à peu devenus attractifs. Investis par la classe moyenne supérieure pour leur emplacement favorable, ainsi qu’un prix de l’immobilier bien moindre, ils se sont progressivement gentrifiés. Comme le montre l’enquête de Raad (2015) s’appuyant sur plus de 50 entretiens semi-directifs menés entre 2009 et 2014 dans les villes de Saint-Denis et de Bagnolet et ayant pour objectif de comprendre les choix résidentiels et le rapport au quartier des habitants, les classes moyennes se réapproprient ces espaces de banlieue ; des lieux culturels et des marchés biologiques y voient le jour favorisant ainsi la gentrification. Ces évolutions ont permis progressivement le développement d’un tourisme alternatif de proximité sur le territoire. Ce dernier peut être défini comme une alternative au tourisme de masse, qui met en avant les relations entre habitants et habitants temporaires, i.e. les touristes et excursionnistes. S’éloignant des lieux de visites traditionnels, « toutes les destinations urbaines importantes proposent au moins un itinéraire hors des sentiers battus » (Gravari-Barbas et Delaplace, 2015) avec un public composé davantage de repeaters2. « Jusqu’alors, le tourisme hors Paris se limitait à quelques rares lieux classiques comme le château de Versailles, Disneyland, les puces de Saint-Ouen ou le Musée de l’air et de l’espace au Bourget. Progressivement, d’autres sites moins en vue ont réussi à percer »3.
20Certains acteurs des territoires ont investi le champ du tourisme très tôt. Ainsi l’Office de tourisme de la Ville de Saint-Denis a été créé en 1936 soit un an avant l’exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne de 1937 qui se déroule à Paris (Jacquot, 2015). Mais il faut attendre de nombreuses années pour voir émerger une dynamique touristique à l’échelle des Établissements Publics Territoriaux et du département. En 1993, un livre blanc du tourisme créé par Plaine Commune est présenté par Patrick Braouezec, alors député et maire de Saint-Denis, puis président de Plaine Commune de 2005 à 2020 : le tourisme doit servir le développement local. Ainsi l’EPT Plaine Commune met en place une politique touristique dès les années 1990. Le Comité Départemental du Tourisme de la Seine-Saint-Denis est également créé dans l’optique de l’accueil de la Coupe du Monde de football de 1998, méga-événement sportif qui s’est traduit par la création du Stade de France. Dès l’événement, l’équipement a été inséré aux circuits des tours opérateurs (Bacqué, 1998). Un parcours historique est également créé entre la Basilique et le Stade de France en vue de cette Coupe du monde (Djament-tran, 2015). Dans le même temps, les autres friches industrielles du territoire de La Plaine sont reconverties et ce territoire devient un quartier d’affaires.
21Il faut ensuite patienter une dizaine d’années pour voir apparaître le premier schéma touristique (2003-2008) de cet EPT, l’objectif est de valoriser le patrimoine du territoire avec pour cible les franciliens plutôt que les touristes nationaux et internationaux (Cousin et al., 2015). De son côté, Plaine Commune tente de s’inscrire dans une dynamique de territoire créatif en valorisant ses cultures urbaines afin de « transformer les représentations accolées à ce territoire largement stigmatisé pour ses problèmes » (Lebeau, 2014). Des habitants et des associations se mobilisent pour accueillir et faire visiter leurs territoires. « L’association Accueil Banlieues, née en 2010 dans le nord-est parisien, regroupe des habitants pratiquant l’hébergement à bas coût et des visites de découverte du territoire pour des visiteurs » (Jacquot, 2015). La priorité est mise sur la rencontre entre visiteur et visité. De même, l’exposition Douces Banlieues met en avant la culture populaire et ouvrière à travers des témoignages (Jacquot, 2015). « L’essentiel des politiques culturelles et touristiques s’inscrit dans une promotion de la diversité culturelle et migratoire, qui produit ses mémoires et patrimoines, et traduit ses volontés d’intégration des publics dans un territoire perçu comme cosmopolite et alternatif » (Cousin et al., 2015).
22Cette structuration de l’offre patrimoniale est complétée par une offre d’hébergement croissante (106 hôtels, un camping, huit résidences de tourisme et une auberge de jeunesse (INSEE, 2020)). Bien que faible en comparaison avec la capitale, ces chiffres se rapprochent des deux autres départements de la petite couronne (les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne). Une offre Airbnb se développe également sur le territoire tout comme d’autres formes d’hébergement alternatif (avec par exemple l’association accueil banlieue). La Seine-Saint-Denis accueille ainsi 5 millions de nuitées en 2019 et le taux d’occupation est de 73,5 % ; la clientèle internationale représentant 40,2 %4. Les visiteurs de la Seine-Saint-Denis ne représentent cependant que 5 % des visiteurs de l’Ile-de-France, Paris étant largement en tête avec plus de 57 % des visiteurs ; la Seine-et-Marne, les Hauts-de-Seine, les Yvelines et le Val-de-Marne attirant également plus de visiteurs que la Seine-Saint-Denis.
23En France et plus précisément en Seine-Saint-Denis si certains quartiers sont de moins en moins populaires, cette image acquise au fil du temps leur colle à peau malgré les efforts des collectivités locales qui cherchent à la modifier. Il y a de surcroît une méconnaissance de la part des touristes concernant ces quartiers (Salomone, 2018).
24Les JOP peuvent-ils contribuer à ce changement d’image sur ce territoire et ainsi à sa promotion touristique ?
C. La préparation des JOP : l’occasion d’un changement d’image et d’une valorisation du territoire ?
1. Les JOP sur le territoire
25Les Jeux de Paris 2024 ont été attribués à la capitale française en 2017 à Lima. La France avait donc sept ans pour préparer l’arrivée des Jeux. Ce méga-événement, présenté comme étant durable et inclusif ne se limite pas, comme son appellation le laisse entendre, à la Ville de Paris ; le département de la Seine-Saint-Denis est lui aussi concerné par les JOP. Des équipements emblématiques comme le Village Olympique et Paralympiques (VOP), le village des médias, le Centre Aquatique Olympique (CAO) y seront localisés. Ce département accueillera également les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux au Stade de France et certaines épreuves parmi les plus renommées de ces JOP, telles que les épreuves d’athlétisme et certaines épreuves de natation. Très compacts, ces Jeux de 2024, accueilleront plus de vingt épreuves sportives dans un rayon de 10 km autour du Village Olympique (Figure 5).
Figure 5. Les sites touristiques et patrimoniaux et les sites prévus pour les JOP de Paris 2024
26Cet événement et par extension le territoire hôte aura les caméras rivées sur lui. Il peut alors être vu comme une aubaine afin de faire connaître ses sites touristiques et patrimoniaux et renforcer leur attractivité avant, pendant et après les Jeux. De plus, à l’instar du Stade de France, les sites des JOP pourront devenir des lieux touristiques. Ainsi, les Jeux peuvent contribuer à la construction d’une nouvelle image et au développement de nouvelles formes de tourisme que les villes et les Établissements Publics Territoriaux (EPT) et les Offices de tourisme de la Seine-Saint-Denis cherchent à impulser depuis quelques années.
2. Les JOP, un outil de communication pour le territoire
27« Paris n’a pas besoin d’un effet d’image ni d’attirer les touristes (…). Le principal intérêt des Jeux est d’être un accélérateur des projets urbains » comme l’affirmait Jean-François Martins, ancien adjoint au Maire de Paris chargé du tourisme et des Jeux Olympiques. (Propos tenus lors d’une table ronde le 18 juin 2019 lors de la 2ème conférence internationale d’ORME (Observatoire pour la Recherche sur les Méga-Evènements)).
28Contrairement à Paris, la Seine-Saint-Denis a besoin des effets d’image procurés par les Jeux et cela passe par des actions menées par les acteurs du territoire en amont de l’événement et ce à l’échelle départementale, intercommunale et communale. Le département se décrit comme étant « au centre des Jeux olympiques et paralympiques 2024 »5. Un des principaux objectifs est de léguer un héritage durable aux populations, grâce à de nouveaux aménagements (construction de logements avec le Village Olympique et Paralympiques (VOP) et le village des médias, d’équipements sportifs dont le territoire manque cruellement, d’aménagements de nouvelles liaisons piétonnes et de transports urbains). L’événement est aussi utilisé pour créer des projets éducatifs, sociaux et culturels (utiliser notamment le « sport comme levier de développement pour le territoire » comme cela est affirmé sur le site du département de la Seine-Saint-Denis). De plus, le département souhaite utiliser cet événement pour améliorer le cadre de vie des habitants et mener des actions en faveur de l’environnement (renaturation du terrain des essences qui sera rattaché au parc Georges Valbon et qui accueillera les épreuves de tir pendant les Jeux ; utilisation des énergies renouvelables pour alimenter le VOP, rendre les sites de compétition accessibles à pied, vélo et en transport en commun). Avec le label « Terre de Jeux 2024 », le territoire d’Est Ensemble pourra accueillir des sportifs sur son territoire avant l’événement. Ce label lui permettra également d’organiser des manifestations festives et culturelles autour de l’événement, de favoriser la pratique sportive et de valoriser les bénévoles qui s’engagent dans la préparation des JOP, même si aucune épreuve sportive des Jeux n’a lieu sur ce territoire.
29Plaine Commune, davantage concernée par les Jeux, fait de ce méga-événement un accélérateur du développement économique. Effectivement, les projets de construction sont porteurs pour les entreprises du territoire, et cela même avant les Jeux, Paris 2024 souhaite réaliser des Jeux inclusifs et solidaires. Afin de favoriser les entreprises locales, une charte en faveur de l’emploi et du développement territorial a été instaurée. Cette dernière permet de diriger le quart du montant des marchés de construction vers des TPE et PME locales et des structures de l’Économie Sociale et Solidaire. De plus, l’EPT met en avant les héritages qui resteront après l’événement sur le territoire pour les habitants : le quartier du VOP, le CAO, les rénovations du Stade de France mais aussi le réaménagement des berges du canal Saint-Denis afin d’y développer des fonctions de loisirs, le réaménagement du parc des sports de Marville avec notamment la construction d’une nouvelle piscine ou encore l’amélioration des infrastructures de transports et des interconnexions facilitant les mobilités. L’héritage immatériel devrait également être important avec la création d’emplois locaux, la valorisation du sport pour tous ainsi qu’une meilleure qualité de vie pour les habitants6. En revanche, l’EPT Paris Terre d’Envol ne met pas en avant les Jeux sur son site internet alors que le territoire va accueillir le village des médias7. À l’échelle communale, la ville de Saint-Denis se focalise sur les héritages permettant d’améliorer le quotidien des habitants en mettant en avant les nouveaux équipements dont la ville va bénéficier, l’agrandissement du quartier Pleyel et le nouveau quartier de la Plaine Saulnier, ainsi que les gares du Grand Paris Express qu’elle accueillera. Le slogan mis en place par la ville dans le cadre de l’événement est « Saint-Denis marquons les Jeux de notre empreinte »8.
30Enfin, le site du Comité Départemental du Tourisme de la Seine-Saint-Denis valorise les Jeux avec une page dédiée à l’événement, accessible depuis la page d’accueil. Celle-ci présente la chronologie de la candidature, les dates de l’événement ainsi que les atouts de Paris et du 93 pour l’accueil de ce méga-événement.
3. Une mise en avant touristique et patrimoniale impulsée par les Jeux Olympiques et Paralympiques ?
31Si les émeutes des banlieues en 2005 et les attentats de 2015 ont participé à la diffusion d’une image négative auprès de l’ensemble des français et parfois des touristes internationaux, les JOP peuvent être une opportunité à saisir pour le territoire de la Seine-Saint-Denis afin de changer l’image d’insécurité et de délinquance et plus globalement l’image négative qui caractérise ce département. Les richesses patrimoniales de ce territoire actuellement peu connues du grand public (cf. supra) et leur valorisation dans le cadre des JOP pourraient permettre ce changement d’image.
32L’enjeu pour les acteurs touristiques du département est d’utiliser les JOP pour impulser une nouvelle image du territoire et casser les préjugés qui y sont associés. Pour cela, il est nécessaire de valoriser le patrimoine existant et de mettre en place des politiques de communication en veillant à ne pas associer le territoire à son image sportive uniquement. Il apparaît également important de mettre en valeur la variété des cultures des habitants du territoire, créée par les différentes vagues d’immigration. La valorisation touristique articulée aux JOP peut ainsi contribuer à ce changement d’image. Alors que les Jeux sont dans un peu plus de trois ans, des visites guidées des chantiers des Jeux, sous forme de balades urbaines, sont déjà mises en place par les acteurs du territoire de façon à faire découvrir les chantiers des JOP ou les futurs lieux de compétition aux Séquano-Dionysiens. Elles s’organisent autour de différentes thématiques telles que le chantier du Village Olympique et Paralympiques, les changements autour du Stade de France ou encore le quartier de Marville. Les habitants peuvent ainsi être informés, mieux connaître les chantiers liés aux JOP et identifier l’héritage que pourront laisser les Jeux. Mais ces balades touchent également des Franciliens intéressés par les Jeux ou de potentiels futurs propriétaires ou locataires autour des lieux visités.
33Afin de comprendre quelles sont les images associées au territoire de la Seine-Saint-Denis, ainsi que l’impact anticipé des JOP sur ces images, une enquête a été menée auprès des franciliens.
II. IMAGE DES JOP ET DE LA SEINE-SAINT-DENIS : RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE QUANTITATIVE AUPRÈS DES FRANCILIENS
A. Présentation de la méthodologie mise en œuvre et caractéristiques de la population enquêtée
34Notre analyse s’appuie sur une enquête9 menée par questionnaire entre juin et mi-novembre 2020 auprès des habitants franciliens. L’enquête réalisée en ligne via la plateforme Limesurvey et sur site a permis de récolter près de 640 réponses. D’une durée moyenne de dix minutes, cette enquête anonyme avait pour objectif de recueillir les avis de la population francilienne sur l’image des JOP, l’image de Paris et l’image de la Seine-Saint-Denis, territoire hôte des Jeux pour 2024. Le questionnaire comportait 54 questions dont certaines n’étaient pas à destination de tous les répondants et dépendaient de leurs réponses précédentes et de leur lieu de vie. Excepté les questions demandant aux répondants de citer les mots qu’ils associaient à tel ou tel territoire ou aux JOP, les questions étaient fermées. Le questionnaire s’organisait autour des cinq parties :
35- l’Île-de-France et vous,
36- les Jeux Olympiques et Paralympiques et vous,
37- la Seine-Saint-Denis et vous,
38- Paris et vous,
39- informations générales.
40Afin que la répartition des enquêtes soit représentative de chaque département, un échantillonnage a été créé.
41Dans un premier temps, en raison de la difficulté à conduire une enquête sur place dans la période de la crise sanitaire liée à la COVID-19, l’enquête a été diffusée par mails auprès d’acteurs du territoire, des associations d’habitants ou dans des réseaux sociaux d’étudiants.
42Toutefois, dans un second temps, afin que l’échantillon soit représentatif, la version en ligne a été complétée par des sorties de terrain réalisées sur certains sites de départements sous-représentés :
43- en Seine-Saint-Denis : Parc de la Poudrerie, Puces de Saint-Ouen, Carrefour Pleyel, Place de la Basilique à Saint-Denis, 6B à Saint-Denis,
44- en Seine-et-Marne : Gare de Chelles Gournay, Base nautique de Vaires-sur-Marne, Val d’Europe,
45- en Essonne : Ville d’Étampes,
46- à Paris : Parc Montsouris.
B. Les caractéristiques de l’échantillonnage
47La population de notre enquête se répartit de la manière suivante : 47 % d’hommes, 52 % de femmes et 1 % de personne se déclarant comme non genré. Les Parisiens représentent 30 % des personnes interrogées, 17 % sont des Séquano-Dionysiens, département qui nous intéresse plus particulièrement dans cet article (Figure 6).
Figure 6. Lieu de vie des participants à l’enquête. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
48Les participants de l’enquête se situent majoritairement dans la classe d’âge des 25 à 39 ans (40 %) et dans celle des 18 à 24 ans (21 %), les catégories des 40 à 49 ans, 50 à 65 ans et plus de 65 ans représentent respectivement 14 %, 18 % et 5 % dans notre enquête. Cette surreprésentation des classes d’âge jeunes peut s’expliquer en partie par le mode de diffusion de l’enquête qui s’est effectuée en ligne. 82 % des personnes interrogées sont nées en France et 49 % d’entre elles sont nées en Ile-de-France.
C. Les images sur la Seine-Saint-Denis
49Nous nous focalisons ici sur les images qu’ont les Franciliens du département de la Seine-Saint-Denis, ainsi que sur l’image que les Séquano-Dionysiens ont de leur propre territoire.
1. Des images diverses mais influencées par de nombreux clichés
50Les habitants du département sont attachés à celui-ci : sur une échelle allant de 1 (pas du tout attaché) à 5 (très attaché), 30 % et 23 % attribuent respectivement les notes de 4 et 5. Toutefois, à la question « souhaiteriez-vous quitter votre département ? », 40 % des Séquano-Dionysiens affirment vouloir le quitter (Figure 7).
Figure 7. Volonté des Séquano-Dionysiens de quitter leur département. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
51La vision du département est plus positive pour les habitants et pour ceux qui sont déjà venus sur le territoire. 40,2 % des habitants en Seine-Saint-Denis et 15,4 % de ceux étant déjà venus sur le territoire et attribuent les notes de 4 et 5 à la question « Quelle image globale avez-vous de la Seine-Saint-Denis ? » et respectivement 33% et 40 % attribuent la note de 3 sur 5 (Figure 8).
Figure 8. Image de la Seine-Saint-Denis selon la connaissance du département, notes allant de 1 à 5, 5 étant la meilleure note. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
52Les mots négatifs utilisés pour décrire la Seine-Saint-Denis sont plus nombreux que les mots positifs, qui de surcroît, tendent à diminuer lors du deuxième mot demandé (Tableau 1).
Tableau 1. La répartition des représentations positives, neutres et négatives des mots liés à la Seine-Saint-Denis. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
Premier mot |
Deuxième mot |
Troisième mot |
|
Positif |
214 |
174 |
188 |
Neutre |
127 |
142 |
164 |
Négatif |
279 |
300 |
262 |
53Le nuage de mots suivant décrit de manière synthétique les images associées au département (Figure 9).
Figure 9. Nuage de mots des expressions les plus citées au sujet du département de la Seine-Saint-Denis. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
54De plus, lorsque l’on demande aux Séquano-Dionysiens, quelle image renvoie leur département, aucun répondant ne pense que son département renvoie une image très positive, et 7 % pensent qu’il diffuse une image positive ; 33 % indiquent qu’il dégage une image très négative et 52 % une image négative (Figure 10). Les Franciliens ont une meilleure image du département que ses habitants, qui reste toutefois assez négative (les notes de 2/5 et 3/5 étant majoritaires) (Figure 11).
Figure 10. Image renvoyée par la Seine-Saint-Denis selon ses habitants. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
Figure 11. Image de la Seine-Saint-Denis pour les Franciliens
55Parmi les personnes étant déjà allées en Seine-Saint-Denis, 17 % y ont pratiqué du tourisme culturel, 16 % du tourisme sportif, et seulement 3 % considèrent y avoir fait du tourisme alternatif. 22 % s’y sont rendus pour des loisirs.
2. La connaissance des JOP par les franciliens et l’intention de venir en Seine-Saint-Denis
56Nous avons également demandé aux enquêtés si la tenue des JOP allaient les inciter à se rendre dans ce département (lorsqu’ils n’y vivent pas). C’est le cas pour 44 % d’entre eux. Parmi eux, à la sous-question pour quelles raisons allez-vous vous y rendre, 29 % déclarent qu’ils s’y rendront pour du tourisme culturel, 74 % pour du tourisme sportif et 14 % pour du tourisme alternatif (plusieurs réponses étaient possibles). Ce dernier caractérise ainsi davantage la Seine-Saint-Denis que la capitale : seuls 4 % des visiteurs parmi les 28 % de personnes affirmant que les Jeux vont les inciter à se rendre dans la capitale, l’évoque comme motif de visite.
5779 % des personnes interrogées indiquent savoir que l’Ile-de-France va accueillir des épreuves des JOP de 2024. De même, respectivement 35 % et 24 % des personnes ont attribué une note de 5 et de 4 (note allant de 1 à 5, 5 étant la meilleure note) à la question « est-ce une bonne chose que Paris accueille les JOP en 2024 ? ». 68 % savent que des épreuves des Jeux se dérouleront Seine-Saint-Denis, (Figure 12). Par ailleurs, respectivement 42 % et 24 % pensent que c’est une très bonne chose (note de 5/5) et une bonne chose (note de 4/5) que les épreuves des JOP se déroulent en Seine-Saint-Denis. Ils ne sont que 14 % à considérer que cela ne sera pas bénéfique (note de 1/5 et 2/5) (Figure 13).
Figure 12. Connaissance de l’accueil des sites olympiques en Seine-Saint-Denis. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
Figure 13. L’opportunité d’accueillir les JOP ?
3. La connaissance des patrimoines en Seine Saint-Denis
58Plus de 90 % des personnes interrogées se sont déjà rendues en Seine-Saint-Denis et 54 % connaissent des sites touristiques sur ce territoire (Figure 14).
Figure 14. Connaissance du patrimoine de la Seine-Saint-Denis. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
5940 % des personnes étant déjà allées en Seine-Saint-Denis connaissent des sites touristiques sur le territoire, par ordre décroissant, la Basilique de Saint-Denis, le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et le Stade de France (Figure 15). Les sites de tourisme alternatif sont peu cités, la street art avenue est mentionnée deux fois, le street art dans son ensemble est cité deux fois également. Le département est vu comme un territoire vert et différents parcs du territoire sont mentionnés (plus de 50 fois, tous parcs confondus).
Figure 15. Nuage de mots des sites touristiques de la Seine-Saint-Denis les plus cités. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
4. L’influence des JOP sur l’image
6015 % des personnes interrogées, considèrent que les JOP vont permettre de mettre en valeur l’ensemble du territoire de la Seine-Saint-Denis, toutefois 42 % pensent que cela bénéficiera plus spécialement au territoire accueillant des épreuves dans ce département. Ils sont 57 % à penser que cela bénéficiera à la ville de Paris (intra-muros) et 44 % à l’Ile-de-France (Figure 16).
Figure 16. Les territoires allant bénéficier des JOP. Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
61Ainsi les répondants estiment que ce n’est pas le département du 93 qui va le plus bénéficier des Jeux. 42 % considèrent que l’accueil des JOP va impacter l’image qu’ils ont du département de la Seine-Saint-Denis, celle-ci évolue de manière positive (13,9 %) et légèrement positive (26,8 %). Ils ne sont cependant qu’1,2 % à considérer que l’image va évoluer de façon négative et légèrement négative. Ainsi l’image de la Seine-Saint-Denis serait modifiée plutôt positivement avec la préparation et le déroulement des JOP. Toutefois, 37,8 % de notre échantillon affirment que les Jeux ne changeront pas leur image du département et 20 % ne se prononcent pas (Figure 17).
Figure 17. Comment va évoluer l’image de la Seine-Saint-Denis avec les JOP ? Source : Auteures, réalisé à partir des résultats de l’enquête
62Cela étant, à trois ans des jeux, cette image peut évoluer avec les actions mises en place par les villes et les EPT notamment à destination des jeunes en valorisant la diversité, les cultures de chacun, les arts urbains. Ces jeunes ont un rôle important dans ces olympiades auxquelles ils peuvent participer en tant que bénévoles. Les nouvelles disciplines aux JOP de Paris en 2024 (breakdance, surf, escalade et skateboard), représentatives de la culture des jeunes peuvent accroître leur mobilisation globale. En outre, les actions des villes et EPT permettent d’orienter les jeunes vers l’emploi et de les accompagner et les guider vers les structures adéquates. Inciter les jeunes à la pratique d’activités sportives peut également contribuer au changement d’image du 9-3.
CONCLUSION
63Dans cet article, nous souhaitions identifier si, dans le cas de la préparation des JOP de 2024, un changement d’image pouvait s’opérer pour la ville hôte, comme cela a pu être parfois le cas lors de précédentes éditions des Jeux. À partir d’une enquête par questionnaire auprès des franciliens, nous avons identifié les images actuelles de la Seine-Saint-Denis, territoire hôte des JOP de 2024 en soulignant leur caractère négatif. Cet article permet de connaître les images actuelles de ce département. Il montre que les réticences à l’égard de ce département émanent surtout des franciliens ne s’y étant jamais rendus. Lorsque le département est connu, c’est sa diversité et sa jeunesse qui sont mis en avant. Les visions de la Seine-Saint-Denis sont donc multiples et différentes selon les individus.
64Plus de trois ans avant les Jeux, nous avons pu identifier certains éléments en lien avec les JOP de 2024 qui permettraient un changement d’image. Les JOP sont un méga-événement fédérateur aussi bien pour la population que pour les acteurs qui les utilisent pour mener des actions de valorisation sur leur territoire et accélérer son changement d’image.
65En Seine-Saint-Denis, nous pouvons d’ores et déjà observer une mobilisation des acteurs. Elle s’inscrit dans la continuité de leurs actions en développant le tourisme alternatif, en prônant le tourisme de proximité et le tourisme lent, en organisant des balades urbaines à destination des habitants, des excursionnistes et touristes proches du territoire mais également en menant des actions de valorisation et de sensibilisation autour de leur patrimoine à destination des habitants. Cependant, même si 42 % des répondants, considèrent que les quartiers de la Seine-Saint-Denis accueillant des épreuves vont être valorisés, ils sont plus nombreux à considérer que les JOP bénéficieront à la ville de Paris (57 %), à l’ensemble de la région Ile-de-France (44 %), ou encore à la France dans son ensemble (46 %). Ainsi alors que la Seine-Saint-Denis a besoin de cette valorisation, ce n’est pas ce territoire qui va le plus en bénéficier. Les acteurs locaux doivent se saisir de cet événement pour mettre en œuvre des actions visant à valoriser leur patrimoine, aussi bien auprès des habitants que des excursionnistes et des touristes et en particulier des repeaters de la région Ile-de-France. De même les acteurs doivent mettre en place des stratégies de communication pour faire connaître ces actions aux franciliens.
66Toutefois, la fiabilité des résultats peut être questionnée. Premièrement, la double administration de l’enquête : en ligne et en face à face sur le terrain est susceptible de créer un biais en termes de réponse : l’écrit à distance étant toujours plus aisé que les propos en face à face. Cependant, peu de questionnaires se sont effectivement déroulés en face à face en raison des mesures de distanciation liées à la crise sanitaire. Deuxièmement, un biais est lié à la diffusion en ligne : les répondants de plus de 40 ans sont peu représentés. La vision globale sur la Seine-Saint-Denis et les JOP que nous tirons de cette enquête concerne davantage les jeunes Franciliens. Troisièmement, pour que les résultats soient davantage représentatifs, plus de réponses seraient nécessaires dans certains départements d’Île-de-France tels que l’Essonne et le Val d’Oise, qui sont sous-représentés dans notre échantillon. Toutefois ce manque de réponses dans ces départements peut s’expliquer, par leur éloignement des divers sites des JOP et par l’absence d’épreuve organisée en leur sein.
67Enfin, cet article fournit la vision actuelle de la Seine-Saint-Denis pour les Franciliens, à un peu plus de trois ans des Jeux de Paris et à quelques mois de ceux de Tokyo. Or, la connaissance des Jeux et des équipements de la Seine-Saint-Denis peut évoluer, de même que la perception de l’image du département et sa possible évolution liée à la tenue des JOP ou aux actions conduites par les acteurs sur ce territoire. Ces résultats doivent être considérés comme une première approche de l’image et du changement d’image pouvant être impulsé par les JOP.
68Il sera intéressant de renouveler cette enquête à l’approche, pendant et après les JOP afin d’identifier les évolutions futures et l’impact plus global sur l’image du territoire.
SITOGRAPHIE
69Département de la Seine-Saint-Denis : https://seinesaintdenis.fr
70Est Ensemble : https://www.est-ensemble.fr
71ESS 2024 : https://ess2024.org
72Paris Terre d’Envol : https://www.paristerresdenvol.fr/projets
73Plaine Commune : https://plainecommune.fr
74Seine-Saint-Denis Tourisme : https://www.tourisme93.com
75Ville de Saint-Denis : https://ville-saint-denis.fr
NOTES
761Source : Article du Parisien d’Hélène Haus, paru le 10 février 2020.
772Ces derniers représentent près de 78 % des visiteurs de l’Ile-de-France (CRT, 2015).
783Journal Le Monde en octobre 2012.
794Source : CRT Paris Région, 2020. Repère de l’activité touristique.
805Source : https://seinesaintdenis.fr
816Source : https://plainecommune.fr
827Celui-ci fait cependant l’objet de contestations début 2021.
838Source : https://ville-saint-denis.fr
849L’enquête a été conduite d’avril à septembre par deux stagiaires au Lab’Urba, Felipe Pimenta et Adrien Cocogne, sous la direction de Marie Delaplace. Elle s’est ensuite poursuivie jusque mi-novembre 2020.
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Pour citer cet article
A propos de : Alexia GIGNON
Lab’Urba (EA3482), École doctorale « Ville, Transports et Territoires », Université Gustave Eiffel, alexia.gignon@paris.fr
A propos de : Marie DELAPLACE
Lab’Urba (EA3482), Université Gustave Eiffel, marie.delaplace@univ-eiffel.fr