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Patrick EVENO & Philippe BACHIMON

À Paris, Airbnb renouvelle la relation patrimoniale habitants touristes

(76 (2021/1) - Tourisme et patrimoine dans l'espace urbain : repenser les cohabitations)
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Résumé

L’actuelle pandémie a provoqué un effondrement des flux touristiques, en particulier internationaux. Dans ce contexte, une société phare du secteur, leader dans son domaine, Airbnb, vient d’effectuer son entrée en bourse et a vu sa valorisation théorique tripler avec la crise pour atteindre symboliquement les 100 milliards de dollars. On peut s’en étonner. Cette société, startup de l’économie dite collaborative, repose sur un concept d’intermédiation dans le secteur de l’hébergement touristique et particulièrement dans l’hébergement chez le particulier. Ce phénomène devenu sociétal, a bouleversé la territorialité touristique et les relations de voisinage. En prenant le cas de Paris, nous apportons un éclairage sur ce phénomène. En particulier nous montrons qu’avec Airbnb, tout Paris intra-muros est en passe de devenir touristique. Que de nouveaux lieux deviennent hyper touristiques et qu’inversement d’autres historiquement attractifs, à forte densité de patrimoine et d’hébergement marchand de l’« ancienne économie », sont désormais délaissés. Nous montrons aussi que l’ampleur du phénomène Airbnb découle d’une approche malthusienne de l’hôtellerie parisienne basant ses profits sur la rareté autoproclamée de l’offre.

Index de mots-clés : Paris, hébergement touristique, diffusion, tourisme urbain, Airbnb, patrimoine

Abstract

The current pandemic has resulted in a drastic drop in tourist flows, especially international ones. In this context, the flagship company and leader in this sector, Airbnb, has recently gone on the stock market and seen its theoretical value triple with the crisis, reaching the symbolic sum of 100 billion dollars. It is a surprising outcome. This startup company is a part of a so-called collaborative economy based on the concept of acting as intermediary in the tourist accommodation sector, particularly in private accommodation. It has become a part of social phenomena and as such is changing the concept of tourism territoriality and relationships between neighbors. On analyzing the case of Paris, we provide an in-depth overview of this phenomenon. Our results show that with Airbnb concept, the whole of central Paris is in the process of becoming a tourist destination. New places are becoming hyper-touristic and, conversely, other historically attractive places with a high density of heritage and commercial accommodation from the "old economy" are now being overlooked. We also demonstrate how the scale of the Airbnb phenomenon stems from a Malthusian approach to the Parisian hotel industry, basing its profits on the self-proclaimed scarcity of supply.

Index by keyword : Paris, tourist accommodation, dissemination, urban tourism, Airbnb, heritage

Introduction

1Aujourd’hui, les pratiques des touristes en milieu urbain évoluent rapidement, moins en termes de lieux visités que de lieu de villégiature et de temporalité. Leur diffusion dans le temps et l’espace produit une contre-saisonnalité (voire une a-saisonnalité) et des itinérances inédites. En réponse, les politiques des villes concernées par ce qui est avant tout un tourisme patrimonial et d’affaire sont entrées dans une approche marketing de développement, basée sur l’événementiel, qui est contrainte par leurs habitants, soit leurs électeurs, devenus opérateurs touristiques (en particulier dans le cadre d’Airbnb) ou victimes collatérales (conflit d’usage et de voisinage) de visiteurs qui voient dans la ville un terrain de jeu et de plaisirs.

2Aussi, les tentatives de régulation en vue de concilier développement touristique et protection du patrimoine sont à la recherche d’un équilibre, d’une capacité de charge idéale, qu’il reste à inventer. C’est tout l’enjeu « démocratique » de la réglementation, qui pour être acceptée semble devoir désormais être approuvée par la consultation populaire. Articuler la ville active et la ville touristique semblait jusqu’à présent avoir été résolu par le zonage, la séparation entre quartiers touristiques, sis souvent autour des lieux symboliques que la ville donnait à voir, et les quartiers résidentiels, sis en périphérie des précédents. La diffusion de la location touristique rebat les cartes en mélangeant les genres et en créant des cohabitations inédites.

3L’actuelle pandémie a brusquement interrompu cette dynamique tout particulièrement lors des confinements. La question aujourd’hui est de savoir si elle permettra de repenser et de mieux réguler cette cohabitation ?

4Cet article propose des pistes de réflexion prospective concernant la question du rapport tourisme et habitants. Dans quelle mesure l’offre de logement chez l’habitant suscite, voire fait exploser, la demande ? Inversement la pression touristique crée-t-elle, par effet d’aubaine, une offre d’hébergement touristique issue d’une transformation de biens immobiliers existants et immédiatement disponibles ? Si nous avons connu de fortes pressions touristiques en 2019, en sera-t-il de même lorsque la crise sanitaire sera dans notre rétroviseur ? Le phénomène peut-il se stabiliser, voire s’inverser à la suite d’une prise de conscience écologique qui tendrait à une réduction des déplacements ? Nous tenterons de répondre à ces questions à partir de l’étude du cas de Paris intramuros haut lieu de l’ubérisation du tourisme.

I. Le tourisme urbain à la croisée de deux offres : celle faite aux visiteurs et celle à destination des habitants

5La croissance du nombre de lieux touristiques, ce que les économistes nomment « l’offre », devrait logiquement suivre l’évolution de ce qui est dénommée « la demande » symbolisée ici par l’évolution du nombre d’arrivées internationales. Sans que ce soit l’objet de cet article, nous pouvons par contre prendre l’exemple des sites inscrits au patrimoine mondial par l’UNESCO, avec 29 nouveaux sites inscrits en 2019 dans le monde, soit une augmentation d’environ 2,5 % des sites classés alors que le nombre d’arrivées internationales affichait une croissance de 6 % pour la même période. Bien entendu c’est un raccourci réducteur, la méthodologie de calcul de la croissance du nombre de touristes est critiquable et le tourisme ne se résume pas au patrimoine mondial classé par l’UNESCO. Il nous apparait toutefois symbolique de rapprocher ces deux chiffres et d’en constater l’écart, l’UNESCO étant devenue un « label touristique » représentatif, incontestable et très attractif (Prigent, 2013) en particulier à Paris.

A. Une plus grande diffusion touristique intra urbaine

6L’attractivité indépendante ou combinée de certains territoires et de certaines activités, associées à l’évolution de la population mondiale quantitativement et « qualitativement » (niveau d’éducation, de revenus), favorise le tourisme, tous les tourismes en constante mutation (Cousin et al., 2016). L’environnement économique du transport en facilite sa réalisation à un niveau record, générant un flux croissant que certains territoires ne peuvent maitriser. Prenons l’exemple emblématique du musée du Louvre dont la fréquentation a bondi de 5,4 millions en 2002 à 9,27 millions en 2012 pour osciller ensuite entre 8 et 10 millions suivant les années1 et l’évènementiel d’expositions. Il en découle le phénomène anxiogène du « sur tourisme » ou over tourism. Le nom, et encore moins le concept, du phénomène ne sont encore tout à fait fixés car ils sont récents et, même s’ils sont très discutés dans les médias ils restent encore peu étudiés (Koens et al., 2018), mais le terme traduit bien le ressenti exprimé dans les espaces d’accueil mixtes sous l’expression : « il y a trop de touristes » en même temps et au même endroit.

7Une métaphore, celle de l’inondation, peut d’ailleurs l’illustrer car elle est souvent utilisée dans les discours de dénonciation. Celle d’une vague qui submerge une ville, ou quelques quartiers, qui ennoie une population résidente comme placée en apnée et qui lorsqu’elle se retire, à l’intersaison ou à l’occasion d’une pandémie, aura profondément bouleversé le milieu, parfois d’une manière qui semble irréversible. Notons que dans l’actuelle pandémie nous expérimentons un brusque reflux, si l’on en reste à cette image de l’inondation, une sorte de dessiccation, dont l’avenir nous montrera l’impact durable, ou non, sur les territoires. Le tourisme n’est pas toute la vie d’une ville comme Paris, mais il y contribue. Tout paraît alors relever d’une gestion équilibrée des flux, pour rester dans la même veine.

8Y aurait-il trop de touristes en même temps et au même endroit ? La destination Paris présente au regard de ce questionnement bien des aspects du sur tourisme. Si on ne connait pas exactement l’ensemble des pratiques touristiques urbaines (Simon, 2011) il est intéressant d’y regarder l’offre faite aux touristes par les professionnels de la visite touristique. Prenons par exemple Paris City Vision, entreprise travaillant sur ce créneau depuis 1929 et s’affichant comme « leader »2. Sur son site internet actuel nous avons téléchargé une carte de Paris censée représenter le « Paris touristique » et géolocaliser les sites touristiques, les principaux monuments. Nous pouvons ainsi rapprocher cette carte de celle des localisations d’hébergements de la plateforme Airbnb3.

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Figure 1. Plan des monuments de Paris. Source site internet Paris City Vision, avril 2021

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Figure 1 bis. Carte des hébergements Airbnb disponibles à Paris au 19 avril 2021. Source site internet inside Airbnb, avril 2021

9En superposant et en comparant ces deux figures, nous pouvons remarquer une certaine correspondance en ce qui concerne le quartier touristique du Marais et une discordance avec les quartiers touristiques « prestigieux » plus à l’Ouest. Mais surtout, nous remarquons que les hébergements de la seule plateforme Airbnb couvrent toute la ville, y compris des quartiers dépourvus de sites touristiques, monuments ou musées. Nous pourrions alors parler d’un Paris « tout touristique », avec un gradient de fréquentation suivant les quartiers. De plus, le site Airbnb n’affiche pas forcement toute l’offre, « seuls » 59 881 hébergements apparaissent au 19 avril 2021 alors qu’ils étaient selon Airbnb 65 000 en 2019. Sans doute certains propriétaires ont-ils renoncé à mettre leurs biens en location pendant la pandémie qui se caractérise surtout par une absence de touristes internationaux et de touristes d’affaire. Il se pourrait aussi que certains logements soient retournés sur le marché traditionnel des locations meublés.

10Ce rapport au temps et à l’espace est crucial pour le tourisme, il peut effectivement induire un phénomène de vague déferlante, d’ennoiement de la « biosphère » dite réceptive. Cette « humo diversité » à l’image de la biodiversité avec ses composantes essentielles pour la vie urbaine que sont les commerces, les services, les mobilités pendulaires (Breviglieri et Trom, 2003). Suivant la nature du résident, l’environnement se modifie et s’adapte. Certes Paris est composé de 20 arrondissements qui ne peuvent constituer séparément une ville touristique différenciée même si bon nombre de paramètres sont présents pour le laisser penser (activités touristiques, offres d’hébergements et de restauration, animations nocturnes). Ce rapport est donc quelque peu biaisé par rapport à une ville touristique dite « classique », ou le tourisme change de manière plus radicale encore la physionomie de l’espace urbain4.

B. La tendance à la dessaisonalisation du tourisme parisien

11Pour les Européens, le temps touristique, le temps des vacances, et celui des congés se superposent partiellement, ce qui induit les principales concentrations de fréquentation. La révolution de la répartition du temps, commencée avec la prépondérance du temps de loisir sur le temps de travail (Viard, 2011), se poursuit avec le développement du télétravail, qui peut accentuer la répartition des congés. Nous ne sommes qu’aux balbutiements des changements que le télétravail, révolution 3.0 du travail (après les congés payés et les RTT), apportera à la suite de cette période contrainte par la crise sanitaire. Mais l’on voit bien les périodes de ponts s’allonger en viaducs, surtout au printemps et en automne, ce qui permet une répartition de plus en plus forte de l’activité sur ce que les voyagistes appellent les « ailes » de la saison d’été, de Pâques à juillet et de septembre à la Toussaint. Le zonage des congés scolaires d’hiver a permis d’élargir une saisonnalité dans les stations de montagne. Tandis que le vieillissement de la population, le nombre, la disponibilité et la volonté des retraités apporte encore un élargissement potentiel. Regroupé sous le nom de silver tourism (issu du terme de silver economy), ce tourisme « argenté », en clin d’œil à la présumée couleur des cheveux des retraités mais aussi au fait qu’il relève d’un pouvoir d’achat élevé (Blanchet, 2018), est déjà bien présent et grandissant dans l’évènementiel et les mobilités liées aux rassemblements familiaux occasionnés par les fêtes traditionnelles mais aussi les anniversaires de naissance, de mariage… Fêter ses 80 ans ou ses noces de diamant semble aujourd’hui avoir pris une intensité équivalente à celle de ses 20 ans ! Les célébrer au travers de bals et de banquets est important pour tous, à tout point de vue (Helson, 2008), à l’image des anniversaires de la reine d’Angleterre, et l’occasion de consommer en s’inscrivant dans l’univers de l’économie touristique.

12Le temps touristique évolue et si la saisonnalité ne disparait pas, tous ces éléments peuvent avoir tendance à la nuancer ou à la rendre plurielle.

C. Le génie faustien d’Airbnb

13L’espace touristique, celui urbain surchargé, l’est d’abord par ses découvreurs. Les primo visiteurs qui se distinguent des « répéteurs » en ce sens qu’ils se retrouvent dans ce qui relève des « immanquables ». Peut-on imaginer venir à Paris la première fois sans visiter la Tour Eiffel, le Louvre, Notre-Dame de Paris (avant l’incendie), le Sacré Cœur et Montmartre ? Non ! Une fois le « devoir de vacance » fait (Amirou et al., 2011), et à supposer que l’on y revienne, l’expérience va se diversifier, s’enrichir, sortir des sentiers battus, soit pouvoir se rapprocher des lieux de vie et des pratiques quotidiennes des « autochtones », que sont les résidents permanents.

14En ce sens, Airbnb relève du génie marketing. Se loger chez l’habitant, ce n’est plus avoir une expérience d’un soir d’un quartier branché (car réputé non touristique), c’est y partager, idéalement « incognito » celle de ses habitants. D’une certaine manière, les touristes et les habitants ne feraient plus « chambre à part ». On n’arrive plus dans l’espace urbain en groupe et en autocar, on y arrive comme chez soi en transport en commun ou en Uber, en taxi, puis l’on sort de sa location pour se fondre dans la vie du quartier, fréquenter les commerçants, au moins la superette et devenir temporairement un voisin de palier. Une sorte de « copier/coller » que l’on s’applique et que l’on rapportera chez soi comme souvenir d’une expérience authentique. Celle d’avoir vraiment vécu Paris, à la parisienne, donc plus seulement superficiellement, même si c’est avec légèreté, mais avec une certaine profondeur esthétique, qui revient à capter un « art de vivre ».

15Bien évidemment, dès lors que la réputation d’un quartier attire, il se transforme différemment et certainement plus profondément que sous la pression des hordes de visiteurs éphémères pressés. Les espaces se piétonnisent, le petit bistrot de quartier devient un loundge, le restaurant à nappe à carreaux devient une brasserie chic, branchée ou un bistronomique. Comme dans toute économie, l’offre s’adapte à la demande, l’environnement s’adapte à ses résidents sans distinction, à cette mixité résident/visiteur devenue quasi quotidienne (Cominelli et al., 2018). Cela peut donner aux résidents l’impression d’être dans un environnement dédié aux touristes et aux touristes l’impression inverse, d’être dans la rencontre. C’est sur ce malentendu que commence le ressentiment des habitants « historiques » (qu’ils le soient depuis deux ans ou depuis deux générations) : « On n’est plus chez nous ! La ville fait des aménagements pour les autres, ceux qui ne payent pas d’impôts… ». Cette gentrification, perçue comme « galopante » (Clerval, 2016) chasse les plus pauvres (et en particulier les locataires) tandis qu’elle enrichit une partie des résidents (en particulier les commerçants et surtout les propriétaires). Cette dernière réflexion rendant difficilement compréhensible, voire paradoxale, le rejet du développement touristique d’un quartier par ces habitants propriétaires de leurs biens immobiliers. Sans doute un exemple de la schizophrénie régnant autour du tourisme.

D. L’ambigu rejet d’Airbnb

16Il est possible que l’unanimisme des habitants dans le discours de rejet, ne soit qu’une posture d’acteurs. Les supposés « profiteurs » n’encourent souvent qu’un rejet de façade car la valeur marchande de leurs biens montant, ils s’enrichissent soit en changeant leur pratique locative soit en cédant leur bien à un prix inespéré. Finalement, les propriétaires dans leur ensemble bénéficient du système par percolation, alors que les locataires stables sont potentiellement fragilisés. Mais si l’on s’interroge plus largement sur les lieux culturels, dans le contexte pandémique de leur fermeture en cascade, une prise de conscience semble se dessiner quant à leur importance pour les habitants. Des lieux comme le 104, la Fondation Louis Vuitton, la Scène musicale apparaissent, dès lors qu’ils sont fermés, comme autant de sites dont les habitants parisiens et franciliens aimeraient bénéficier. Une conscience au regard de la répartition de la fréquentation que ces lieux, qui font la fierté des Franciliens, seraient amoindris ou n’existeraient pas sans le tourisme national et international. C’est flagrant pour l’emblématique musée du Louvre (devenu le Grand Louvre après le déménagement du Ministère des Finances dans les années 1980). Les Parisiens ne représentaient que 7,4 % des visiteurs en 2015 et les autres Franciliens 5,8 %5, bien loin à eux deux de justifier l’existence d’un tel musée. Il y a à Paris une « culture augmentée » par la mise à disposition de joyaux culturels, accessibles aux Parisiens alors qu’ils ont été dimensionnés par et pour le tourisme.

17Paris intra-muros, comme toute cité, a ses « sentiers battus » et ses endroits moins fréquentés, même si, comme le décrivent Gravari-Barbas et Delaplace (2015), la notion de « hors des sentiers battus » est à relativiser dans le tourisme urbain. Des friches multiformes existent encore à Paris, ce qui est un paradoxe étant donné la pression foncière. Elles ne découlent pas stricto sensu d’un « refroidissement » d’une situation foncière tendue, mais elles correspondent à des abandons temporaires anticipant une reprise induisant une mutation profonde des usages (Bachimon, 2014). Cette reprise est souvent lente car les décisions sont hautement politiques et doivent faire l’objet de consensus difficiles à obtenir. Ainsi un ancien entrepôt de la SNCF deviendra le haut lieu de la high tech (Station F, Paris 13) à l’occasion de la réhabilitation de tout un quartier. Il y verra s’installer le plus grand restaurant parisien et même européen (la Félicita) façon food court, pouvant exercer une attractivité touristique, attirer des clients bien au-delà des personnes fréquentant ce centre d’affaire, au-delà du quartier et même de l’arrondissement. Il devient une pierre dans l’édifice du tourisme qui se constitue dans l’est parisien. Dans ces espaces, délaissés un temps, en déprise de leur vocation d’origine (industrielle, hôpital, immeubles de bureaux,…), une vie éphémère associative et attractive y naît et une nouvelle forme de patrimonialisation s’y est développée, le street art, dans des quartiers jusque-là peu ou pas touristiques. Si les activités touristiques urbaines évoluent, par nature ou par épicentre géographique, quelle interactivité y-a-t-il avec l’hébergement individuel dorénavant présent hors des quartiers traditionnellement touristiques ? Le Street Art est présent dans certains quartiers touristiques comme Montmartre, il s’y insère dans le parcours du visiteur de ce quartier historique par de petits symboles, dessins, petites fresques et clins d’œil. Il s’affiche avec des fresques plus imposantes dans les quartiers modernes de l’est parisien, notamment le 13eme arrondissement de Paris et s’étend depuis quelques années en proche banlieue. À Vitry-sur-Seine (Kullmann, 2015), située à 3km de Paris, la ville s’est même érigée en « capitale du street art »6. Le street art de l’est parisien se veut relever de l’attraction touristique à part entière et son parcours, le « street art tour » cible particulièrement les visiteurs qui ont choisi un hébergement individuel pour leur séjour (Blanchard et Talamoni, 2018).

II. Intercativité entre l’extension de l’hébergement et celle de l’expérience patrimoniale

18Cette relation (directe ou non) entre une offre touristique attractive et un certain mode d’hébergement s’avère intéressante à approfondir. Nous essayerons de voir si les nouveaux quartiers patrimonialisés attirent pour autant un tourisme qui pourra y trouver un hébergement et y séjourner.

A. La déconnexion entre l’hébergement et le patrimoine persiste dans bien des quartiers

19En premier lieu, nous explorerons l’hébergement touristique disponible sur la plateforme Airbnb à Vitry-sur-Seine.

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Figure 2. Capture d’écran du site internet commercial d’Airbnb. Présentation de tous les hébergements disponibles à la location sur la commune de Vitry sur Seine le 19 avril 2021. Source site internet Airbnb, avril 2021

20Nous pouvons constater que malgré l’attractivité touristique du street art reconnue, si la ville est attractive pour des visiteurs résidants en hébergements type Airbnb, on ne constate sur place que très peu d’offres d’hébergements Airbnb.

21En second lieu, nous prendrons le 13eme arrondissement de Paris. Les logements mis en location sur Airbnb sont relativement peu nombreux (2 156 au 19 avril 2021 soit environ 3 % de l’offre parisienne alors que cet arrondissement accueille plus de 8 % des habitants de Paris) et ne semblent pas non plus en lien avec cette activité touristique « nouvelle » (qui s’exprime plutôt en bordure de Seine dans cet arrondissement). Cependant la typologie urbanistique de cet est parisien, notamment dans le nouveau quartier de la Grande Bibliothèque ne semble pas de nature à favoriser les hébergements touristiques. De grands appartements familiaux récents et non de petits appartements avec le charme de l’architecture historique de Paris. La localisation des hébergements Airbnb au sein de l’arrondissement est plus concentrée dans l’espace des quartiers animés (Butte aux Cailles, Gobelins, Grande Bibliothèque).

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Figure 3. Panorama des hébergements du 13eme arrondissement de Paris disponibles à la location le 19 avril 2021. Source site internet Inside Airbnb, avril 2021

22On pourrait en conclure que si l’attractivité du street art comme activité touristique est bien motrice, elle l’est en mode excursion et non en mode séjour. Certes, nous avons pris ces éléments hors saison touristique et en pleine crise Covid-19, mais en rapprochant les offres Airbnb de Vitry-sur-Seine et de Paris 13ème arrondissement à date identique, cela nous semble confirmer cette hypothèse d’un Paris de séjour et d’une banlieue pour l’instant limitée aux excursions.

23À la différence du 13ème arrondissement, dans le 18ème arrondissement de Paris on s’aperçoit que les hébergements disponibles, très nombreux (6 903 au 19 avril 2021 soit 11,5 % de l’offre parisienne d’Airbnb alors que cet arrondissement accueille près de 9 % des habitants de Paris) sont présents géographiquement bien plus largement que dans son quartier touristique historique de Montmartre. Ils s’étendent jusqu’au boulevard extérieur au nord et y forment un ensemble assez compact. Cet arrondissement s’est beaucoup transformé depuis le Montmartre des années 1950 et est devenu un des principaux quartiers de « bobos » (Clerval, 2010), c’est aussi un quartier ou l’on sort beaucoup.

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Figure 4. Plan du quartier touristique de Montmartre. Source site internet de paris City Vision, avril 2021

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Figure 4 bis. Panorama des hébergements disponibles à la location le 19 avril 2021 dans le 18eme arrondissement de Paris, arrondissement où se trouve le quartier de Montmartre. Source site internet Inside Airbnb, avril 2021

24Si nous prenons l’exemple de l’ouest Parisien et du 16ème arrondissement, quartier relativement dépourvu de centres d’intérêts touristiques, hors proximité de la Place de l’Étoile et du Trocadéro, il y apparait une offre d’hébergements en location bien répartie et considérable (2 982 au 19 avril 2021, soit 5 % de l’offre parisienne alors que cet arrondissement accueille environ 7,5 % des habitants de Paris (1/20ème, une moyenne d’offre de location « parfaite » au regard du total de 59 881 et des 20 arrondissements)) au regard de l’aspect cossu et très résidentiel de l’arrondissement. Un arrondissement où les lieux de sorties sont limités. Certes, Paris dans sa globalité est une ville où l’on sort beaucoup (Menger, 1993), mais pas tout le temps, pas partout, et toute la population n’est pas concernée. Par définition, le visiteur explorera les possibilités de sorties pendant la totalité de la durée de son séjour ; l’habitant, lui, est restreint en disponibilité.

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Figure 5. Panorama des hébergements disponibles à la location le 19 avril 2021 dans le 16eme arrondissement de Paris. Source site internet Inside Airbnb, avril 2021

25Nous sommes conscients des limites de cette présentation, qui se veut exploratoire et vise à montrer la forte diffusion des hébergements touristiques dans la quasi-intégralité de la capitale mais pas en dehors. Le constat fait de sa faible implantation en dehors de Paris met aussi en lumière, toujours de façon exploratoire voire incidente, la non-adéquation actuelle entre un patrimoine attractif, certes émergent, comme le street-art et son non-impact sur la création d’hébergements touristiques de type Airbnb.

B. L’élargissement et les décalages de l’expérience patrimoniale

26L’expérience patrimoniale, le fameux « j’ai fait » (par exemple : « J’ai fait le musée Rodin ») renvoie à l’expérience d’une visite, souvent calibrée (une heure ou deux), et s’étend à l’événementiel, que sera une soirée au théâtre, à l’Opéra, à un festival… ou au restaurant. Ce que l’on « fabrique » alors ce sont bien entendu des souvenirs, une mémoire de l’altérité destinée à être réactivée au quotidien comme plaisir du récit vécu et marqueur social (Bachimon et al., 2016). Il y a une forme d’apprentissage (Amirou et al., 2011) qui fait que des listes de choses à décliner (voire les dix incontournables des guides touristiques) créent un cadre contraint. Le marketing touristique urbain l’a bien compris, il propose des itinéraires permettant de voir le maximum de choses, insiste sur la nouveauté de l’offre (une exposition, un salon, un nouvel aménagement) comme facteur de fidélisation, d’incitation à revenir.

27L’attractivité d’une ville pour le tourisme « moderne » repose en grande partie sur la culture et sur le patrimoine, que celui-ci soit vivant ou architectural, contemporain ou historique, ou simplement exploitant une attractivité à visiter. Même si le tourisme culturel est pluriel (Chevrier et Clair-Saillant, 2006), l’événementiel en est devenu un moteur, qui a la particularité de mêler plus étroitement le visiteur et le visité. Dans la postmodernité ambiante c’est « tout » en fait qui peut acquérir une valeur marchande symbolique outrepassant sa valeur d’usage (Jameson, 2008). Ce qui n’avait pas de valeur touristique peut maintenant entrer dans « l’expérience » touristique, utilisant le ressort commercial du client captif. Cela prend à présent la forme d’une mise en tourisme de la ville bien au-delà des quartiers réservés. Il en découle pour les habitants des effets d’aubaine (« je crée un Airbnb »), de sidération (« qu’est-ce qu’il y a chez nous et qu’il n’y a pas ailleurs ? ») et de rejet (« nous sommes envahis »).

28Avant et après le passage des touristes, seuls restaient auparavant les habitants comme sur une île. La représentation graphique des zones touristiques sur les brochures n’est-elle d’ailleurs pas généralement à cette image ? Avec Airbnb, ils y sont désormais quasiment en permanence. Ce principe de flux ne semble plus opérant. Les touristes ne veulent plus être entre eux, cela altérant leur désir croissant d’expérience immersive. Cela implique bien que les habitants y soient, pour l’ambiance, l’expérience. Finalement, le décor de « rêve » ne suffit plus au touriste, il veut maintenant en visiter les coulisses. L’envers du décor que représente la vie quotidienne de quartier, l’art de vivre « à la parisienne », animé par des habitants, figurants malgré eux.

29Les possibilités de frictions entre visiteurs et visités sont multiples car elles découlent d’un décalage des temporalités entre eux. Si l’habitant actif se couche tôt pour se lever tôt, le touriste se lève tard après s’être couché tard. Si pour l’un c’est un quotidien morne et répétitif, pour l’autre prolonger le temps éveillé revient à optimiser les frais de séjour. Si « Paris était une fête » pour Hemingway, dans la période pré-touristique, est-il possible qu’Airbnb permette de renouer avec ce qui finalement a fait la réputation de la ville lumière ?

30Les immeubles concentrant des Airbnb sont des immeubles généralement « bien situés », soit dans des quartiers « chics » et/ou devenus « tendances », nouveaux lieux de vie des « bobos ». Ce qu’on nomme encore des « incubateurs sociaux » à l’image du Montmartre des artistes, de la Contrescarpe industrieuse, de la Butte aux Cailles post soixante-huitarde… quartiers où historiquement la misère côtoyait l’intelligentsia. Devenus « tendance », ils représentent un attrait pour ces consommateurs dépensiers que sont les touristes, par exemple américains s’imaginant peut-être affinitaires rétroactivement (Bachimon et Dérioz, 2010) ou nouvelle intelligentsia. Tant que l’artéfact touristique n’a pas chassé les anciens habitants les plus pauvres, les tensions y sont fortes entre les derniers « résistants » et les « envahisseurs ». Cela s’exprime dans des cohabitations difficiles, voire des rejets, le fameux « Berlin ne t’aime pas » (Novy, 2011) comme ressenti potentiel. Les touristes ne seraient donc plus les bienvenus (Colomb et Novy, 2016).

31Espace urbain, si les mots « urbain » et « espace » sont contradictoires, depuis un certain temps la ville cherche à se parer d’espaces, volonté, utopie, sensation ou réalité ? Jusqu’à l’extrême et installer un « effet littoral » éphémère à Paris (Fagnoni, 2009).

32L’espace des places, les cafés agrandis en extérieur pour palier à la situation sanitaire actuelle (autorisations exceptionnelles d’agrandissement des terrasses sur l’espace public entre mai et octobre 2020 pour aider les professionnels à augmenter leur chiffre d’affaires, pensant compenser un peu les pertes liées à la crise de la Covid et à leur période de fermeture administrative lors du premier confinement, à savoir du 17 mars au 12 mai 2020).

33L’espace des parcs aménagés ou réaménagés, reconquis, par exemple aux Buttes Chaumont. Et bientôt la butte Bergeyre, lieu intimiste avec son jardin citoyen partagé, ses carrés cultivés par tous, ses quelques framboisiers et ses ruches, son petit vignoble « le clos des Chaufourniers »7. Voilà un futur quartier touristique ! Mais les habitants se gardent bien de le promouvoir, tout le paradoxe est là, les joyaux sont des trésors pour les habitants qu’ils ne veulent pas partager, ce n’est pas une opinion politique ni un égoïsme mais une peur que cela leur échappe, que ce lieu change de destination, car comme le logement, l’espace change de destination, de destiné à être foulé par quelques initiés et piétiné par le monde entier ! En cela, les habitants n’en veulent pas, conscients de leur privilège.

34Une écologisation des villes (Mormont, 2013) apportant une attractivité à certaines d’entre elles, comme Paris, sa « coulée verte » dans le 12ème arrondissement imitée par New York et la création de la « hight line ». Des villes où le touriste se sentirait bien, ces zones piétonnières ou cyclables, cette qualité d’échange (Paquot, 2016) entre le touriste et son espace, une façon « slow » de visiter.

C. Les sous-jacentes convergences entre les habitants et les touristes

35La mobilité au sein de l’espace joue un rôle majeur pour tous, que ce soit dans le quotidien des habitants ou dans celui des visiteurs. L’évolution vers une ville « durable », ayant pour objectif de conjuguer les dimensions économiques, environnementales et sociales (voire culturelles) (Hamann, 2011), est recherchée. Toutes les pratiques de mobilité jouent un grand rôle pendant le séjour des touristes (Freytag et Bauder, 2018). La piétonisation y est devenue primordiale (la marche étant bien plus qu’un simple moyen de transport (Davies, 2018), et elle donne une confortable sensation d’espace conquis sur la chaussée, sans la trace des voitures et autres camionnettes. Les avenues données aux vélos, tout cela fait que l’espace et le temps en ville, smart city en devenir, par « l’aménagement de la lenteur » (Pelgrim, 2018), semble augmenter.

36Prendre « son temps », le temps pour visiter, s’imprégner, vivre une expérience, le touriste lui, a priori, en a. C’est aussi en cela qu’il « s’oppose » quelque peu à l’habitant traditionnel « actif », qui lui n’aurait pas de temps. Il court à son travail, connait son chemin par cœur, optimise ses déplacements, ne flâne pas, gère un temps contraint, module sans cesse sa pause méridienne (Lhuissier et al., 2018) et ne déjeune maintenant (en Île-de-France) plus qu’en 31 minutes8, rentre chez lui le soir et ne s’offre souvent un temps de loisir qu’en fin de semaine.

37Au-delà de la différence d’utilisation du temps (loisir versus travail ou repos), d’autres différences peuvent être à l’origine de tensions générationnelles, les utilisateurs d’Airbnb étant en moyenne des trentenaires9, et les habitants de quartiers résidentiels souvent des familles10. La gestion de ces tensions demande un recours accru aux forces de l’ordre pour tapage nocturne par exemple.

38Finalement, le touriste, en plébiscitant la création d’espaces, et par conséquent en la favorisant, permet à tous in fine d’en disposer et pourrait a minima être considéré comme co-constructeur de l’espace urbain, en complémentarité et non en opposition à l’habitant. Un raisonnement plus profond pourrait résider dans la relation temps touristique-temps résidentiel, un roulement du temps et des individus qui invite à la modification et l’évolution perpétuelle de l’espace urbain.

39Y aurait-il une relation étroite entre le fait que la population mondiale soit de plus en plus urbaine et le développement du tourisme urbain ? Selon l’ONU si en 1960, 33 % de la population mondiale vivait en ville, c’était 55 % en 201911. En 2050 cette proportion atteindrait 68 %, soit 2,5 milliards de personnes supplémentaires en 30 ans12. En France en 2019 81 % de la population était urbaine, en constante croissance. Aussi où pourrait prendre racine cette relation ? Dans une notion de rassurance ? On vit en milieu urbain donc on « vacancerait » en milieu urbain ? Pour les nombreux courts séjours que la révolution du temps nous a créé ? Par comparaison ? S’il est avéré que l’on veut s’échapper de la pression urbaine pour des destinations natures, des stations balnéaires ou de montagne, la cité semble agir comme un aimant. Il est vrai que l’urbain connait bien son milieu de résidence, il en a les codes presque « génétiquement ». Il ne lui fait pas peur, il s’y est adapté, intégré si ce n’est apprivoisé. « Du bruit, du monde, du mouvement, de la pollution, de la lumière », il est dans tout milieu urbain presque « comme à la maison ». Il s’y repère car il en a les « codes et la connaissance » ou l’aide du numérique qui lui en facilite l’apprentissage, l’adaptation précise au lieu et à sa logistique. En vacances à Marseille ou à Lyon, un Parisien prend le métro comme chez lui…et vice et versa. C’est facile, il connait, par comparaison, il « maitrise » et parfois s’en inspire pour en rapporter des adaptations novatrices.

40Dans ce contexte, la création de l’offre est un mix dont l’étude de marché est basée sur les différents consommateurs potentiels que sont (hiérarchisation différente suivant les villes) les habitants, les banlieusards, les touristes de passage. Il y a une certaine « psychose » du touriste supposé « envahisseur » (Cousin et Réau, 2011) et une « schizophrénie » des habitants à ne pas voir, à ne pas comprendre que le montage d’une exposition ou manifestation culturelle est maintenant plus dépendant de l’attractivité qu’elle va avoir sur la population touristique que sur la leur. Désiré comme consommateur et spectateur, le touriste est nécessaire pour favoriser la créativité et la diversité tout autant que pour assurer un conservatisme culturel.

41La cohabitation des différentes populations s’opère dans de nombreux quartiers, à Paris, Saint-Michel, Quartier Latin, où se mélangent en temps ordinaire les étudiants, habitants et les touristes, ou le Paris littéraire à Saint-Germain-des-Prés, le petit « village » de Montmartre devenu mondial…Tous ont envie de vivre Paris et vivre à la parisienne.

42Reste que cette cohabitation ne « va pas de soi » et dans nombre de quartiers à Paris on semble ne pas voir l’arrivée de touristes comme une bénédiction mais comme au mieux un « dérangement » au pire une « invasion ». Réguler devient un enjeu (Soi, 2020).

III. Les tentatives de régulations comme solutions aux tensions

43Faut-il réguler ? Si oui pourquoi ? Qui le veut ? les pouvoirs publics, le touriste ? l’hôtelier ou l’habitant ? Est-ce par agacement ou par une forme de « jalousie » (l’habitant dans son temps ordinaire envierait le touriste qui lui est en temps de vacances) qu’il semble se développer un sentiment anti-touriste chez l’habitant urbain confronté à la cohabitation avec le touriste dans son immeuble ? Est-ce une évolution ou une révolution de l’art d’héberger ou d’habiter ? Le touriste est-il dénicheur de « talents » touristiques ? défricheur de futures zones touristiques ? Le touriste est-il vraiment « hors sol », éparpillé jusque dans les zones résidentielles endormies ? Le touriste réveillant brutalement les habitants, se pose désormais aux pouvoirs publics la difficile équation de satisfaire l’envie de « vivre à la Parisienne » des touristes et l’envie de « dormir à la parisienne » des habitants.

44Ne peut-on rapprocher ce sentiment avec les conflits entre les modes de transports, les anti-voitures que seraient les piétons et la « transporution » extension de la « vélorution » (Reynaud-Desmet, 2012) avec maintenant les skateurs, « trotinetteurs » et autres « mono roues ». Cette difficulté de régulation des modes de transports dans la cité peut sembler similaire à celle de réguler les modes d’hébergement des touristes en zone urbaine.

A. Le prêt à titre gracieux aura précédé l’ubérisation des logements

45Le phénomène de mise à disposition de son logement à des visiteurs de passage, touristes, voyageurs de commerce, visiteurs… est ancien. Il commence par l’accueil et le prêt de biens immobiliers à la famille et aux amis – et ce gratuitement – ce qui en fait le premier mode d’hébergement touristique encore aujourd’hui. Cela a permis au fil du temps d’organiser son bien immobilier en vue de le prêter en toute sécurité, d’en enlever les biens de valeur financière ou sentimentale déjà de moins en moins présents pour des questions de sécurité.

46Un de premiers phénomènes « urbain » et périurbain aura été l’échange d’appartements. Je possède un appartement à Paris, je pars en vacances et une personne possédant un appartement à New York me prête son appartement en échange du mien pendant la même période (Home exchange, Home swap (Andriotis et Agiomirgianakis, 2014). Très alléchant en théorie, cela s’est aussi heurté à quelques obstacles spatiotemporels propres à la parité, comme avoir un bien équivalent à échanger et être disponible au même moment. Des solutions alternatives de gestion d’un « à valoir » en partage de temps « time sharing » ont pu fonctionner dans les pays anglo-saxons, moins dans le monde latin. Compliqué, ce procédé de SEG (Système d’Échange Global) qui renvoie aux SEL (Systèmes d’Échange Local) reste marginal, fonctionne en réseaux ou clubs, plus proche de l’économie et de l’entre-soi.

47La monétisation est venue « d’elle-même » en élargissant le cercle de relations et en accueillant les « amis d’amis ». Puis, devant cette demande croissante, les propriétaires se sont organisés et ont vu en cette possibilité de location l’occasion de rentabiliser quelque peu leur bien immobilier ou tout au moins d’en amortir les coûts. En quelque sorte « pris au jeu » du marchand, les propriétaires ont commencé à inscrire leur bien immobilier sur un « marché » de la location saisonnière au travers d’annonces sur leur réseau et dans des magazines soit spécialisés (Bertrand, PAP), soit les journaux gratuits ou non de petites annonces souvent locales (Ouest France, groupe SPIR,…). Certains se sont organisés pour en faire une véritable activité, au travers de la création de chambres d’hôtes ou de gites (B&B).

48Réservé d’abord aux maisons (surtout littorales mais aussi de campagne) et appartements en zones touristiques, qu’elles soient littorales ou de montagne, l’évolution vers les locations de biens immobiliers urbains s’est amplifiée avec la numérisation des annonces et le « décloisonnement géographique » qu’elle a induit. Les sites Internet pouvant être consultés par un plus grand nombre et de n’importe lequel des points du globe, ils ont augmenté la visibilité et répondu à une demande de plus en plus forte.

49Un des pionniers de ces sites Internet en France a été le site Internet Abritel, créé en 1997, regroupant des offres de particuliers et d’agences immobilières en France. D’abord concentré sur les locations de vacances « traditionnelles », hors zone urbaine et en saison, il y a rapidement adjoint des offres urbaines disponibles et adaptées pour des courts séjours. Le concept Loueur/Locataire temporaire est devenu familier et ce mode d’hébergement a rejoint le paysage des modes d’hébergements, restant toutefois considéré comme « non marchand » étant donné la particularité du loueur, particulier non professionnel. Mais cette pratique a été toutefois longtemps « confidentielle », réservée à quelques initiés et habitués.

50Le phénomène est réellement passé au stade du marché et a commencé sa structuration en 2007 avec le rachat d’Abritel et d’autres entreprises similaires en Europe par un groupe spécialisé outre atlantique, HomeAway, qui réalisera l’opération en levant 160 millions de dollars sur les marchés financiers. Cette confiance des marchés financiers marque pour nous le début de « l’ère industrielle » de la location saisonnière entre particuliers. Une « preuve du concept » terme cher au monde des startups d’aujourd’hui (POC proof of concept). Le groupe HomeAway en investissant dans le marketing et les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) s’imposera rapidement comme leader incontesté mais pendant un temps très court.

B. Airbnb : de l’économie du partage au capitalisme financier

51En effet, c’est une autre société, Airbnb, initiée en 2007 et développée à partir de 2009 sur un concept reposant sur les mêmes fondations, avec toutefois des différences, elle s’est imposée rapidement comme leader et a fait « exploser » ce marché alors encore en phase de développement.

52Pour confirmation de la puissance de ce marché, la société HomeAway a été rachetée par le géant du tourisme et de l’intermédiation hôtelière Expédia en 2015 pour 3,9 milliards de dollars (source presse financière, les Échos, 5 novembre 2015), soit une « plus-value théorique » de près de 2 400 % en 8 ans ! Ce montant peut paraitre exorbitant mais il ne l’est pas comparé à la valorisation théorique d’Airbnb (31 milliards de dollars en 2017 (lors d’une première levée de fonds privée), retombée à 18 milliards de dollars en avril 2020 avec la crise Covid (lors d’une nouvelle levée de fonds privée), obligeant les fondateurs à renoncer à une introduction boursière en juillet 2020, mais vite remontée, dépassant même son plus haut niveau historique en novembre 2020 (35 milliards de dollars escomptés selon son document officiel d’introduction en bourse du 16 novembre 2020 en vue de sa cotation à Wall Street (NASDAQ, National Association of Securities Dealers Automated Quotations)). La valorisation lors de la première cotation, qui se fait en « sortie de crise Covid », le 10 décembre 2020 a finalement dépassé toutes les espérances d’Airbnb à 100 milliards de dollars ! (action cotée 148 dollars à la clôture de la première cotation). On peut y voir ici une preuve supplémentaire de l’audace, de l’agressivité voire de l’arrogance de cette société tout autant que de la confirmation de l’existence de ce marché puissant, encore potentiellement croissant voire pérenne.

53Certes les professionnels de la finance nous diraient certainement que c’est une opération spéciale, à un moment où l’argent disponible semble important, où les possibilités de placements plus hasardeuses et les introductions nouvelles rares, qui plus est en fin d’année calendaire. Mais si l’on peut penser qu’à Wall Street, l’argent brulait les doigts des financiers, depuis longtemps les géants du numérique ne semblent pas s’être trompés sur ce marché de la location de courte durée et l’acteur Airbnb, à l’instar de Jeff Bezos, l’emblématique fondateur d’Amazon, qui avait puissamment investi dans le capital d’Airbnb.

54Avec une telle valorisation, qui ne se dément pas (près de 20 % d’augmentation du cours de bourse au 19 avril 2021 (174 dollars)), assurément le mot économie est bien imprimé à coté de collaboratif. Airbnb s’est présentée au départ comme une entreprise permettant d’optimiser l’utilisation des logements et aujourd’hui force est de constater que « bed is money ». En France, dans l’économie de partage, nous voyons BlaBlaCar comme collaboratif, ce n’est pas forcément inexact mais le vrai collaboratif n’était-il pas l’auto-stop ? Airbnb ne se développe pas dans les logements sociaux, pourtant depuis 2006 la législation autorise l’hébergement temporaire d’un tiers au sein de ceux-ci13, à condition que ce soit entièrement gratuit ! Ne serait-ce pas çà le vrai partage ? Le « lit-stop ».

55Ce colosse qu’est devenu Airbnb, cependant aux « pieds d’argile » au regard de ses pertes abyssales depuis sa création, s’est imposé immédiatement par sa capacité d’investissement mais par un concept toutefois différent des acteurs existants car initié avec un constat de manque d’hébergement hôtelier à l’instant T dans une ville comme San Francisco. Il diffère au départ car il vise non pas seulement un public de tourisme de loisir mais aussi un public de voyageurs d’affaires, et en particulier celui des jeunes congressistes. Cet aspect est important à prendre en compte au regard de la « guerre » que les hôteliers vont mener contre les logements mis en location par les particuliers. Alors que le manque de disponibilité de chambres d’hôtel en contexte événementiel est patent, la société Airbnb pourra avancer qu’elle est instrumentalisée par les groupes hôteliers qui en tirent leur marge d’exploitation en augmentant leur tarif. C’est évidemment discutable, car l’hôtellerie peut fournir un service à l’année à faible marge, mais dont le modèle économique repose justement sur la haute saison, alors que l’offre des particuliers n’est pas soumise à cette contrainte d’accessibilité optimum.

56L’exemple de Paris apparaît de ce point de vue comme un cas d’école. Avec uniquement 83 803 chambres d’hôtels (voir le Tableau 1 en annexe), la capitale française et « capitale du tourisme mondial » fait « piètre figure » face à Londres avec ses presque 150 000 chambres. Cela relève surtout du fait que la croissance de l’offre hôtelière à Paris n’a pas suivi l’évolution du marché du tourisme mondial. La croissance du nombre de chambres d’hôtel y a été de 2,8 % entre 2016 et 2019 (voir le Tableau 2 en annexe) et au total de 7,4 % en 6 ans (voir le Tableau 3 en annexe) alors que le secteur du tourisme international aura été en croissance de 6 % par an depuis 10 ans (source OMT (Organisation Mondiale du Tourisme)). Ce décrochage fait que Paris souffre de plusieurs maux au regard de sa capacité d’accueil. D’abord de ne disposer, comparativement aux grandes capitales européennes, que d’une petite surface géographique (105,4 km2), huit fois moins que celle de Berlin (891,8 km2) ou quinze fois moins que celle de Londres (1 572 km2) ; ensuite d’avoir une surreprésentation de primo visiteurs souhaitant une adresse d’hébergement dans Paris intra-muros ; enfin, d’avoir connu une envolée des prix des chambres d’hôtels. Ces trois facteurs convergents révèlent, et relèvent, en grande partie une pénurie consentie, on pourrait évoquer une forme d’entente de l’hôtellerie. Ils vont devenir la clé de la réussite d’Airbnb dans la capitale française, cette forme « d’uberisation » de l’hébergement (Brossat, 2018) qui va se dérouler en quasi parallèle à ce qu’il se passe dans le transport urbain, dans un contexte de monopole des taxis parisiens.

57Dans le cas de Paris, nous n’avons pas fait le raccourci de cumuler le nombre de chambres d’hôtel avec les logements disponibles sur Airbnb, ce qui donnerait un total supérieur à 150 000 chambres et pourrait laisser penser que Paris et Londres seraient au même niveau de capacité d’hébergement. Nous ne l’avons pas fait car l’étendue géographique n’est pas identique, pas même comparable et nous ne disposons pas de toutes les données pour une comparaison scientifique. Mais l’importance de l’hébergement de type « Airbnb » à Paris peut permettre de penser que les besoins d’hébergements sont bien présents et que l’hôtellerie n’y répond pas en volume. Elle ne correspond plus non plus totalement en typologie, notamment en tourisme de loisir pour les familles et les jeunes par exemple. Elle n’est plus adaptée et ses concepts évoluent trop lentement. Selon le patron d’Accor, « les hébergements chez l’habitant sont plus grands, plus funs, moins chers ». Cela ne devrait-il pas déjà donner un cahier des charges à l’hôtellerie ?

58Airbnb a pu dans ce contexte non concurrentiel, et comme HomeAway auparavant, lever des fonds sur les marchés financiers en vue de financer sa fulgurante croissance (voulue comme un effet de sidération) sur le marché mondial avec des concepts marketings puissants et différents de ceux d’HomeAway. Tout d’abord les outils numériques, plus « actuels » dans leur design ont été utilisés. Puis l’accent a été mis sur l’hôte, le « story telling » et la photo du « vendeur », permettant au voyageur de s’imaginer arriver dans une chambre d’hôte. Mais ce sont surtout les services proposés qui ont fait rapidement la différence. Certes Airbnb prélève une commission d’intermédiation de 15 % environ, et est basé sur un modèle particulier puisqu’il repose historiquement majoritairement sur le client consommateur, 12 % prélevé au visiteur et 3 % à l’hôte annonceur. Ce système est d’ailleurs amené à évoluer vers une commission « unique » (à l’instar du modèle du géant de l’intermédiation hôtelière Booking.com) de 15 % prélevée auprès de l’hôte annonceur. Ce système est actuellement en test, il sera vraisemblablement généralisé suite à son introduction en bourse. Mais Airbnb assure un ensemble de services, comme le paiement, la gestion des avis et notation d’hôtes et des visiteurs. C’est en cela et en proposant des informations et activités à ses clients qu’Airbnb est jugé comme « communautaire » à la différence de HomeAway perçu comme un « media d’annonces ». Airbnb investit aussi massivement dans le graphisme en vue de développer l’attrait du site Internet, en offrant gratuitement aux propriétaires les services d’un photographe professionnel pour l’optimisation de la mise en valeur du bien immobilier, en se basant sur des concepts alors réservés à la vente de biens immobiliers d’exception.

59Cet investissement rapide et massif verra naître rapidement au-delà d’une startup, un phénomène entré par l’économie collaborative et « louable » (optimiser l’espace, le mettre à disposition, créer des liens sociaux) en restant pourtant bien dans l’économie pour arriver à la valorisation de 100 milliards de dollars !

C. Fruits de l’ampleur du phénomène : l’apparition des réglementations « anti » Airbnb

60Le législateur, solidement installé sur une abondante législation sur l’habitat, l’immobilier, la propriété foncière, ce « cuirassé » des pouvoirs publics a bien vu cette petite « vedette » arriver à toute vitesse dans sa zone de pouvoir. S’il en a bien pris la mesure, il s’est confronté, comme dans d’autres domaines, à la particularité d’une économie numérique mondialisée et à la prédominance, là encore, d’acteurs américains (à l’instar des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), d’Uber,…). Comme tout cuirassé il s’est aussi révélé au départ peu maniable et faiblement réactif sur un sujet jusque-là peu visible et surtout peu problématique et ce n’est que depuis peu qu’il entend agir, comprenant tardivement qu’il s’agit d’un enjeu majeur sur l’hébergement touristique, bien entendu, mais aussi sur la notion d’habiter et sur un pilier de notre civilisation que constitue le droit pour chaque citoyen d’avoir un « toit ».

61Déjà dans les années 2000, les pouvoirs publics avaient pourtant été confrontés à deux phénomènes de « commercialisation » par des particuliers dont un numérique : celui des ventes d’objets dans des brocantes et celui des ventes d’objets d’occasion ou neufs sur Internet. Si les ventes d’objets dans les brocantes ont été régulées par la limitation de participation des particuliers aux brocantes/vides greniers de leur quartier, les ventes d’objets neufs sur Internet par Internet ont fait l’objet de la création d’un statut particulier, statut commercial accessible à tous, actifs, chômeurs, retraités : l’autoentrepreneur. Ce statut permit de légitimer un phénomène devenu quasi sociétal avec pour acteur majeur le site Internet ebay, de pouvoir faire du négoce, dans le cadre d’une gestion simplifiée et d’une participation financière forfaitaire à notre régime social national. Pourquoi ne pas avoir « encapsulé » la location saisonnière des particuliers dans ce statut ? La question peut être posée. Ceci aurait permis simplement et efficacement d’abonder nos finances sociales et d’amoindrir le ressenti négatif de la part des professionnels de l’hébergement (des hôteliers aux campings en passant par les résidences touristiques) d’avoir à affronter une « concurrence déloyale » indépendante de tout statut alors que leur profession est très règlementée.

62Une raison technique à ce status quo, en France comme ailleurs, vient de ce que l’hébergement chez des particuliers, même s’il est de nature à être intégré pleinement dans le secteur du tourisme et de l’attractivité d’un territoire, reste dans le secteur du logement et de l’immobilier. En effet, c’est sous l’angle du logement que le phénomène est regardé, en mettant des logements traditionnels, d’habitation, sur le marché de la location à des touristes, ce logement manquerait aux habitants résidents à l’année en résidence principale dans la zone, et c’est tout naturellement Paris qui a introduit et posé ce raisonnement à l’extrême de par sa spécificité citée plus haut de manque de chambres d’hôtels qui a créé alors immédiatement une « bulle ».

63Nous avons déjà dit que le tourisme agit fortement dans le processus de gentrification des villes (Gravari-Barbas et Guinand, 2017), louer un deux pièces temporairement pour 4 personnes (1 chambre, 1 canapé lit) 200 € la nuit à des touristes s’avère jusqu’à 4 fois plus rentable que de le louer à l’année à un jeune couple d’actifs pour 1 500 € le mois. C’est un effet d’aubaine pour les propriétaires et c’est là qu’est le fonds de commerce d’Airbnb. Cela renchérit inévitablement les locations à l’année par un principe simple de rareté de l’offre et de vase communicant entre marché traditionnel et marché touristique, Paris en est devenu le symbole, car la saisonnalité y est relativement peu marquée, première ville au monde pour l’acteur majeur Airbnb. C’est sous cet angle que nous resterons dans cet article bien que l’angle de la cohabitation des différents modes d’hébergements soit intéressant et qu’il soit noté qu’aucune table ronde à grande échelle, sorte de « Grenelle de l’hébergement touristique » n’ait été effectué depuis le début de l’apparition des gênes occasionnés par ce phénomène.

64Pourtant c’est par ce biais que fut prise la première disposition législative. En 2009, lors de la discussion puis de l’adoption de la loi de modernisation du secteur du tourisme, à côté de la réforme du classement des hôtels, se situait un petit article donnant obligation aux loueurs de meublés de tourisme de se déclarer en mairie, et la création d’un modèle CERFA (Centre d’Enregistrement et de Révision des Formulaires Administratifs) à cet effet. L’esprit de la loi était de permettre aux pouvoirs publics locaux, premiers concernés, les mairies, de connaître leur capacité totale d’hébergement touristique et de prendre des mesures en conséquence, notamment de tarification de taxe de séjour, de gestion de la demande touristique et de marketing de l’offre. Cette mesure, pourtant obligatoire et assortie d’une amende, n’a jamais été réellement appliquée, d’une part par le niveau faible de l’amende (classe 3,45 €), d’autre part par la non-diffusion de la mesure et surtout par la non-connaissance des maires. En effet, si le « meublé de tourisme » est bien répertorié dans la loi (Article D324-1 du code du tourisme, code peu regardé et même inconnu de nombreux juristes (il y a 100 codes différents en France)), le meublé de tourisme cité dans la loi a été confondu avec le meublé de tourisme au sens d’un classement officiel. Il a donc été ignoré par beaucoup et incompris par les autres pensant que les meublés de tourisme officiels, classés, avaient une obligation supplémentaire de déclaration.

65La dernière mesure émanant du secteur du tourisme pour tenter une régulation est l’adoption d’une tranche particulière de la taxe de séjour pour ces hébergements, par essence non classés, basée sur un pourcentage du prix de la nuitée, votée ou non par les mairies, de 5 % par personne. Cette façon de calculer pouvait renchérir quelque peu le prix payé par le voyageur et introduire une petite notion de taxe de type « TVA » (rappelons clairement qu’outre toutes ses nombreuses obligations (sécurité, accessibilité, sanitaire, environnementales, …) et ses charges de personnel, l’hôtellerie est assujettie à une taxe sur la valeur ajoutée de 10 %).

66La mise en place d’une taxe de séjour pour les hébergements de type « Airbnb » est un exemple flagrant de la difficulté qu’ont les pouvoirs publics à réguler le phénomène. La complexité du calcul est en elle-même très révélatrice comme nous le présenterons en Figure 6. En effet quand les hébergements classés font l’objet d’une grille de tarification relativement simple (par exemple 5 € par personne et par nuit pour un Palace) cela devient très complexe pour les hébergements de type « Airbnb » non classés.

67La taxation proportionnelle pour les hébergements non classés, essentiellement les locations meublées de tourisme que nous retrouvons sur tous les sites spécialisés, d’Airbnb et du Boncoin par exemple, fait l’objet d’une explication détaillée sensée aider à la compréhension du mécanisme de calcul comme nous le présentons ci-dessous. Il est flagrant de constater le nombre de paramètres à prendre en compte et la particularité de la formule de calcul. Rappelons qu’il s’agit ici d’hébergements individuels, par exemple pour une famille pendant un court séjour.

Tableau 1. Tableau de la taxe de séjour suivant la catégorie d’hébergement en vigueur sur le site internet de la mairie de Paris en avril 2021

CATÉGORIES D’HÉBERGEMENT

TARIFS NETS PAR PERSONNE ET PAR NUITÉE

Palaces

5 €

Hôtels et résidences de tourisme, meublés : 5 étoiles

3,75€

Hôtels et résidences de tourisme, meublés : 4 étoiles

2,88 €

Hôtels et résidences de tourisme, meublés : 3 étoiles

1,88 €

Hôtels et résidences de tourisme, meublés : 2 étoiles. Villages de vacances : 4 et 5 étoiles

1,13 €

Hôtels et résidences de tourisme, meublés : 1 étoile. Villages de vacances : 1, 2 et 3 étoiles. Chambres d'hôtes. Auberges collectives

1 €

Campings : 3, 4 et 5 étoiles. Emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures

0,75 €

Campings : 1 et 2 étoiles. Ports de plaisance

0,25 €

Hébergements en attente de classement tourisme ou sans classement

Taxation proportionnelle 5 % du coût de la nuitée HT avec plafond à 5 €

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Figure 6. Système de calcul de la taxe de séjour pour les hébergements touristiques non classés. Source : Mairie de Paris, avril 2021

D. L’alignement d’Airbnb sur les autres types d’hébergement

68Peut-être qu’ici déjà, une simplification pourrait s’opérer par l’obligation de classement et pourrait en outre apporter une clarification et une intégration plus prononcée de ces hébergements dans le panel des hébergements touristiques. Le classement existe pour les meublés de tourisme, il apporte différents avantages en plus d’une visibilité et une indication pertinente pour le voyageur, notamment celui non négligeable d’offrir au propriétaire/loueur un abattement fiscal supplémentaire sur les revenus de la location et parfois une exonération de taxe d’habitation et foncière en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR). Sans dériver sur une analyse de fiscalité, les revenus de la location saisonnière sont bien entendu soumis à l’impôt. Hormis ceux qui en font un réel commerce et dépassent des plafonds importants de location (plus de 170 000 €/an), tous les propriétaires loueurs sont soumis à un impôt calculé sur la base de tous les revenus du foyer fiscal, les revenus de la location venant s’y ajouter mais avec un abattement de 50 %. Cet abattement est porté à 71 % dans le cas où le meublé de tourisme est classé, peu de propriétaires le savent, aussi peu s’orientent vers le classement. Nous trouverons des classements par contre dans les gites et les autres locations plus « anciennes ». Le classement était au départ effectué par des « parties prenantes » (Gites de France, Clévacances) ou des institutionnels (Offices de Tourisme), il est aujourd’hui effectué par des organismes spécialisés et agréés par le COFRAC (COmité FRançais d’ACcréditation). La liste se trouve, comme pour le classement des autres modes d’hébergements, sur le site de l’agence Atout France, mais encore une fois, peu de petits propriétaires ont connaissance de cet organisme.

69C’est alors donc bien les services du logement des communes qui se sont saisis du « phénomène Airbnb » et ont commencé à échafauder des « stratégies » d’encadrement, que nous qualifierions plus volontiers de mesures tactiques. Ladite « stratégie » restant floue entre l’envie de faire plaisir aux habitants-électeurs, aux propriétaires pour certains électeurs, aux commerçants électeurs et enfin aux touristes non-électeurs.

70À Paris, outre la taxe de séjour forfaitaire de 5 %, il a été mis en place : la limitation à 120 jours de location dans le cadre d’une résidence principale, l’obligation d’une demande de numéro d’agrément, la publication de ce numéro par les propriétaires et les intermédiaires auprès du public. Rien de très compliqué mais difficile à faire connaître aux intéressés car tout propriétaire ou locataire d’un logement peut être concerné. Beaucoup plus complexe et contraignant est l’obligation de « changement d’usage » pour une résidence secondaire. L’idée de la loi est de permettre aux communes de bénéficier d’une boîte à outils pouvant réguler les locations saisonnières. Elle est concentrée sur la location de résidences principales dans les communes de plus de 200 000 habitants où le marché locatif de logements est dit « tendu ». Elle permet de limiter à 120 jours la période de location soit en relation avec les périodes de congés scolaires, permettant par exemple à un enseignant quittant son logement principal tous les week-ends et pendant les congés scolaires de le louer à des touristes de passage. Elle oblige à effectuer une démarche d’inscription à un registre pour obtenir le précieux sésame.

71Les étapes de la déclaration : pour un local autre que l’habitation principale du loueur, il est nécessaire d’obtenir une autorisation de changement d’usage du bien immobilier : par exemple pour une résidence secondaire, par ailleurs très nombreuses à Paris (124 073 en 2017, soit 9 % des logements)14, bien que cela ne soit pas logique. Une résidence secondaire est habituellement occupée par son propriétaire, sa famille et ses amis, parfois louée en meublé de tourisme, toujours pour un usage d’habitation « temporaire ». Mais à Paris, la situation est bien différente. D’une part, les résidences secondaires (au sens fiscal et administratif) sont plutôt des petites surfaces, investissements immobiliers ou pieds à terres, d’autres part, elles ne sont pas dans l’esprit « résidence secondaire » tel qu’imaginé dans l’inconscient collectif voire augmentées (Bachimon et al., 2020). Ces deux facteurs additionnés mis en face d’un marché à forte demande et à l’appétit d’Airbnb ont vite contraint les pouvoirs publics à restreindre l’usage des nombreuses résidences secondaires autrement que par leurs propriétaires, familles, amis, dans tous les cas hors du domaine marchand. Dans le cas où tout de même le propriétaire souhaiterait rejoindre ce marché, il doit faire la demande de changement d’usage d’habitation vers la catégorie commerce/hôtellerie.

72Ce « changement d’usage » voire « de destination » est complexe et peu accessible aux particuliers non professionnels de l’immobilier. Cela est certainement volontaire, à des fins dissuasives, afin de bloquer « l’automatisme » de la location des nombreux petits appartements en résidence secondaire dans les grandes villes (près de 100 000 à Paris, source INSEE). Il dépend des codes juridiques de la construction, de l’habitation et de l’urbanisme. Si l’on construit un bâtiment à destination de l’habitation par exemple, il aura donc un usage d’habitation. On peut « changer la destination » d’un immeuble entier (réhabilitation de bureaux en habitations) ou simplement en « changer d’usage » une partie (habitation logement de gardien en RDC transformé en commerce, ou l’inverse).

73L’esprit du législateur à Paris, et dans les grandes villes dont la gouvernance, à juger le marché de l’immobilier d’habitation en « tension » (augmentation constante des prix de vente, des loyers, risque de décrochage ne permettant plus à des résidents permanents de se loger), est de conserver l’habitation comme destinée à l’usage des seuls résidents, propriétaires ou locataires et de considérer la location saisonnière comme de l’hôtellerie ou du commerce.

74Enfin le changement d’usage d’une habitation est soumis à compensation, c’est-à-dire que l’on doit retrouver le même niveau d’habitation dans une zone donnée. C’est un mécanisme qui complexifie encore, comme s’il en était besoin, le changement d’usage, certainement toujours à des fins dissuasives. Nous tentons tout de même une explication : il faut compenser la perte pour un arrondissement d’une surface à usage d’habitation par la transformation dans le même arrondissement (ou un autre arrondissement suivant les règlements par arrondissements parisiens) d’une surface identique (voire deux fois plus grande) actuellement en usage de commerce ou de bureau en surface d’habitation. Soit par exemple un appartement de 50m2 dans le 15ème arrondissement de Paris actuellement en habitation, mais en résidence secondaire, que le propriétaire souhaite mettre sur le marché de la location saisonnière. Le 15ème arrondissement de Paris étant classé en zone de compensation renforcée impose donc le double de surface en compensation. Il faut donc transformer en habitation, dans le même arrondissement, un commerce ou des bureaux de 100m2 pour obtenir l’autorisation de changement d’usage.

75Bien entendu, rares sont les propriétaires possédant à la fois résidences secondaires et locaux commerciaux ou bureaux. Ceci a donné « naissance » à une « bourse de la compensation ». Un promoteur immobilier transformant un immeuble de bureaux en habitations récupère la possibilité de transformer des habitations en commerces, s’il ne le fait pas, il peut céder cette possibilité à un tiers moyennant finance, par exemple à des propriétaires désirant effectuer l’opération de changement d’usage.

76Pour contourner cette handicapante réglementation, certains commerces se sont transformés en locations saisonnières, sans besoin de changements d’usages. Ainsi de petits locaux commerciaux, une fois la vitrine murée, sont devenus des habitations. Des logements en rez-de-chaussée, adaptés pour la location touristique avec l’avantage, pour la vie nocturne, d’avoir un accès libre en dehors des parties communes fréquentées par les résidents permanents. Après la crise sanitaire, qui a suivi la crise des gilets jaunes et les impacts des grèves et manifestations de 2018-2019, il est fort probable que des commerces ferment et que ce phénomène déjà largement enclenché s’amplifie.

Conclusion

77La crise liée à l’actuelle pandémie a comme effet « secondaire » de nous démontrer très clairement, par « A plus B », ou dans ce cas devrions nous dire « par A moins B », car c’est bien de la soustraction du touriste à la vie de la cité qu’il s’agit, l’importance du secteur du tourisme, sa diversité et son impact sur l’ensemble de la société. Tous les composants de ce secteur largement atomisé forment une chaine souvent invisible, du guide touristique indépendant à la plus grande compagnie aérienne ou hôtelière en passant par l’ensemble du monde culturel, les parcs d’attractions, les stations de montagne, tout le tissu économique des fournisseurs des restaurants, pêcheurs et agriculteurs en tête. La restriction des déplacements, au-delà de l’aspect économique a aussi, selon nous, démontré la valeur sociétale du secteur du tourisme.

78Si dans les abondantes chroniques, deux thèses s’opposent, celle qui tend à démontrer que le tourisme, comme après chaque crise majeure, par exemple en 2001 et en 2008, reprendra son cours et sa croissance naturelle, et l’autre thèse selon laquelle le tourisme sera profondément modifié, imprégné d’une forte conscience écologique, il est à constater que le consensus tourne autour de la place du phénomène dans les mobilités.

79S’il apparaît que l’importance du phénomène des locations saisonnières n’est plus à démontrer tant dans son volume que dans son impact sur les déplacements touristiques, il nous semble que toutes les questions qui se posent sur les locations saisonnières devraient être intégrées dans une réflexion plus large, à l’échelle nationale. D’abord la question de la cohérence et de la cohabitation des différents modes d’hébergements touristiques plébiscités par les touristes, peut-être par une mise à plat et une vision stratégique, l’idée d’un « Grenelle de l’hébergement touristique » si le terme n’est pas trop galvaudé.

80Pour Paris, se pose la question de l’élargissement de son aire touristique à l’extramuros, où actuellement des activités sont en développement sans que cela ne se traduise par une croissance significative de l’offre locale d’hébergements touristiques. Il semble logique que la pression sur l’hébergement touristique s’accentuera avec l’évolution prévisionnelle du tourisme international tant que Paris sera limité à ses seuls 20 arrondissements. Le « Grand Paris » sera la solution pour élargir « Paris » dans la représentation mentale des touristes, à l’instar de Londres et Berlin, mais dans la seule mesure où, comme Londres et Berlin ce soit bien Paris que l’on agrandisse ! Le touriste doit pouvoir choisir son hébergement à Paris quartier Vitry-sur-Seine et non pas tel que l’on peut le craindre à Vitry-sur-Seine commune du « Grand Paris », auquel cas la pression ne peut qu’être grandissante entre les murs de Paris. Dans cet intervalle, il semble bien que l’ensemble de la commune de Paris devienne touristique, peut-être pas pour toutes les activités mais bien pour l’hébergement des touristes. S’il ne semble pas que les touristes privilégient les quartiers résidentiels excentrés pour leur hébergement, c’est bien dans ces quartiers, historiquement non touristiques et sans réelle offre hôtelière, que le développement est le plus visible.

81La phase de pandémie, qui constitue le contexte de l’écriture de cet article, a provoqué des confinements et l’interruption autant des transports lointains, par la fermeture des frontières, que ceux de proximité, par les restrictions de circulation sans autorisation préalable et couvre-feux. Cela a créé en ville, et bien entendu à Paris, un vide d’habitants (départs des plus fortunés vers leurs résidences secondaires) en même temps que les touristes disparaissaient. Alors qu’avant Airbnb, l’économie présentielle reposait sur un principe de vases communicants, et qu’avec l’ubérisation elle entrait dans une superposition, c’est finalement une troisième voie, absolument imprévue, dans les pires dystopies, qui s’est avérée. On est passé d’un trop plein à un trop vide, alors que se mettait en place des procédures réglementaires et qu’un référendum sur la limitation d’Airbnb était programmé pour 2021. La pandémie a inversé le problème – il ne s’agit plus de stopper le sur-tourisme mais de revenir à un tourisme, certes de manière raisonnable, car une ville sans touriste est certes une ville apaisée, mais c’est aussi une destination délaissée qui subit une perte de revenus à haute valeur ajoutée, qui perd le regard extérieur que lui porte les visiteurs, regard neuf, parfois naïf et surtout admiratif. Certes la ville n’a pas vraiment perdu beaucoup de ses habitants, encore que certains l’aient quitté sans doute de manière définitive sans qu’ils soient remplacés. En perdant le tourisme, Paris s’est repliée sur elle-même, n’échange plus avec le monde. Il est indispensable que la « ville lumière » retrouve son rayonnement, retrouve à nouveau la diversité de ses activités, accueille à nouveau la diversité du monde dans la plus grande diversité des hébergements.

Notes

821Source : Musée du Louvre, service communication.

832http://www.parisexperiencegroup.fr/nos-marques/

843Source : Inside Airbnb au 11 novembre 2020.

854Ainsi, si l’on prend l’emblématique Honfleur, « carrefour » depuis le XIXème siècle (Clary, 1978) du tourisme national et international (où Français, Anglais, Américains et aussi Japonais - avec l’essor des croisières sur la Seine - se côtoient et se croisent), avec une population de près de 8 000 habitants les commerces de bouche du centre-ville ont cédé peu à peu la place aux commerces à destination des touristes, pour aujourd’hui quasi disparaître.

865Source : Musée du Louvre, service communication.

876Site de l’Office du Tourisme du département : https://www.tourisme-valdemarne.com/street-art/street-art-a-vitry-sur-seine/

887https://fr.wikipedia.org/wiki/Butte_Bergeyre

898Étude mai 2018 Chambre de commerce de Paris : https://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/crocis/pdf/documents/enjeux-203.pdf

909Source : Airbnb 2017 : https://hr-infos.fr/wp-content/uploads/2017/04/EIS-France.pdf

9110Source : INSEE 2017 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-75116#chiffre-cle-2

9211Source : UN : https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.URB.TOTL.IN.ZS

9312https://www.un.org/development/desa/fr/news/population/2018-world-urbanization-prospects.html

9413Source : Légifrance, article 84 de la loi du 13 juillet 2006.

9514Source : INSEE 2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=DEP-75#chiffre-cle-3

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Pour citer cet article

Patrick EVENO & Philippe BACHIMON, «À Paris, Airbnb renouvelle la relation patrimoniale habitants touristes», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 76 (2021/1) - Tourisme et patrimoine dans l'espace urbain : repenser les cohabitations, 169-189 URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=6376.

A propos de : Patrick EVENO

Doctorant en géographie, Université d’Avignon, UMR Espace-dev, IRD, paeveno@orange.fr

A propos de : Philippe BACHIMON

Professeur de géographie, Université d’Avignon, UMR Espace-dev, IRD, philippe.bachimon@univ-avignon.fr

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