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Sylvain RACAUD & Thomas JOURDA

Coexistence pacifique des supermarchés importés et des marchés locaux à Douala et Kampala ? Lecture à partir de l’approvisionnement maraîcher

(83 (2024/2) - Les transitions de la distribution alimentaire : formes, localisations et acteurs)
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Résumé

L’article s’intéresse à la mise en place de circuits d’approvisionnement alimentaire de la grande distribution importée et à l’articulation de ces réseaux avec l’économie alimentaire locale. Comment ces deux modèles de mise en marché cohabitent-ils à Douala et Kampala ? Cette question est traitée à partir de l’angle des produits maraîchers. L’analyse montre que la construction de circuits marchands spécifiques pour la grande distribution ne provoque ni disparition, ni homogénéisation de l’économie alimentaire locale. Au contraire, l’approvisionnement des supermarchés en produits maraîchers souligne la coexistence de différentes formes d’organisations marchandes ainsi que des complémentarités entre supermarchés et marchés. Issu d’enquêtes de terrain qualitatives, le propos s’organise en trois temps, il se situe d’abord à l’interface de débats sur l’approvisionnement, l’alimentation urbaine en Afrique, la « révolution » des supermarchés dans les pays des Suds et la géographie du commerce. Il présente ensuite la cartographie et la chronologie de l’établissement des chaînes des supermarchés importés. La troisième partie analyse l’approvisionnement et l’articulation des circuits. La conclusion souligne que la coexistence des modèles commerciaux finalement imbriqués s’inscrit dans une grande diversité de situations, au contraire d’une transition alimentaire homogénéisante.

Index de mots-clés : supermarchés, marchés, Douala, Kampala, approvisionnement, maraîchage

Abstract

This article looks at the establishment of food supply networks for imported supermarkets, and how these networks relate to the local food economy. How do these two marketing models coexist in Douala and Kampala? This question is addressed from the angle of horticultural produce. The analysis shows that the construction of specific marketing circuits for supermarkets does not lead to the disappearance or homogenization of the local food economy. On the contrary, the supply of horticultural products to supermarkets highlights the coexistence of different forms of market organization, as well as the complementarities between supermarkets and markets. Based on qualitative field surveys, the paper is organized in three parts, starting at the interface of debates on supply, urban food in Africa, the supermarket "revolution" in Southern countries and the geography of trade. It then presents the cartography and chronology of the establishment of imported supermarket chains. The third part analyzes supply and the articulation of circuits. The conclusion underlines the fact that the coexistence of ultimately interwoven commercial models is part of a wide diversity of situations, in contrast to a homogenizing food transition.

Index by keyword : supermarkets, markets, Douala, Kampala, horticulture products supply

INTRODUCTION

1En 2018, au Sénégal, le collectif « Auchan dégage » a accusé la marque française de nuire au petit commerce dakarois. Les griefs, relayés par des médias internationaux, portaient sur une concurrence déloyale (Liffran, 2018), ainsi que sur une remise en cause de la viabilité des productions alimentaires locales (Grain, 2018). Cette mobilisation organisée autour d’enjeux de souveraineté alimentaire et de patriotisme économique (Ndiaye, 2023), était une réponse à l’augmentation rapide du nombre de ces magasins. En Afrique de l’Ouest et centrale, il existait aussi des marques étrangères (Score, Mahima, Casino, …) mais le nombre de magasins était limité à quelques unités, essentiellement localisées dans les centres-villes ou quartiers résidentiels de capitales. En revanche, le développement des supermarchés est plus ancien en Afrique australe et de l’Est, où l’internationalisation du commerce de détail s’est diffusée à la fin des années 1990 depuis de l’Afrique du Sud postapartheid, avec la marque Shoprite, et depuis le Kenya avec l’enseigne Nakumatt (Nandonde et Stanton, 2022). Or, la multiplication d’enseignes de grande distribution importées de l’Occident à partir du milieu des années 2010, dont l’implantation du leader français Carrefour au Cameroun en 2017 et en Ouganda en 2020, marque une « course aux caddies » (Bahri-Domon, 2017) inédite.

2Les facteurs majeurs impulsant ces investissements sont une croissance urbaine élevée en Afrique subsaharienne (environ 4 % par an sur la dernière décennie), l’émergence de classes moyennes urbaines aux nouvelles aspirations de consommation (Berrou et al., 2019), offrant de nouvelles perspectives économiques, cela dans un discours enthousiaste des marchés sur l’attractivité économique africaine (McKinsey, 2010). Le Cameroun et l’Ouganda ont des situations géographiques et des profils socio-économiques différents mais ils partagent d’être politiquement stables du fait de la pérennité de régimes autoritaires. Sur la dernière décennie, la croissance annuelle du PIB est de près de 4 % au Cameroun et de 4,5 % en Ouganda. Ces taux s’accompagnent d’autres indicateurs montrant des niveaux de vie faibles, le PIB/hab. est de 1666$ au Cameroun où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté ; le PIB/hab. est de 884$ en Ouganda ou près d’un habitant sur deux vit avec moins d’1,90$ par jour1.

3Si le Cameroun et l’Ouganda peuvent globalement être considérés comme des pays pauvres, la faiblesse du pouvoir d’achat des populations n’effraie pas le « marché » qui au contraire considère la masse des individus à faibles revenus comme des opportunités pour des firmes. Les milliards de pauvres – bottom of the pyramid, sont ainsi un marché à conquérir (Prahalad, 2004). Cette classe flottante très vulnérable est juxtaposée avec les classes moyennes « traditionnelles », catégories hétérogènes apparentées à des classes de consommation (Berrou et al., 2019) attentives à des normes alimentaires spécifiques. Cela est d’autant plus vrai en ville, espace privilégié d’établissement des supermarchés et également espace où se rencontrent de multiples injonctions sanitaires et nutritionnelles (Soula et al., 2020). La ville, relais de la mondialisation, est alors un terrain propice pour observer la diversification du paysage commercial alimentaire provoquée par le capitalisme international de la grande distribution.

4Douala, capitale économique du Cameroun d’environ trois millions d’habitants (Africapolis, 2020), compte cinq magasins Carrefour en 2023. Kampala, capitale ougandaise d’environ quatre millions d’habitants (Id.) en compte six, trois ans seulement après l’inauguration de la première enseigne, sans que cela n’engendre un mouvement de résistance. Carrefour et les autres marques globalisées s’appuient sur les agricultures nationales pour les produits maraîchers. L’alimentation des métropoles africaines, hormis pour le blé et le riz, est majoritairement assurée par les agricultures nationales et régionales (Bricas et Tchamda, 2017), via les réseaux marchands et les marchés « traditionnels ». Cette économie alimentaire locale représente plus de 80 % de la consommation alimentaire urbaine en Afrique sub-saharienne (Moustier et al., 2021) mais l’augmentation du nombre de supermarchés, parfois très rapide comme à Kampala, signifie une diversification de l’offre alimentaire.

5Par conséquent, l’article s’intéresse à la mise en place de circuits d’approvisionnement alimentaire de la grande distribution et à l’articulation de ces réseaux avec l’économie alimentaire « traditionnelle ». Comment ces deux modèles de mise en marché cohabitent-ils dans deux métropoles africaines ? Cette question est traitée à partir de l’angle des produits maraîchers car ils sont consommés de manière quotidienne par les urbains, parce qu’ils connectent les villes avec leur arrière-pays agricole de manière structurelle, car on les trouve sur les marchés et dans les rayons des supermarchés, car la fraîcheur induit des contraintes et des normes spécifiques. Les études de cas à Douala et à Kampala se justifient parce que ces deux métropoles sont des centralités commerciales majoritairement nourries en produits maraîchers par leur agriculture nationale et parce qu’elles attirent des investissements étrangers dans la grande distribution, incarnée par la marque Carrefour présente dans les deux villes. L’hypothèse centrale propose que l’implantation du capitalisme international de grande distribution, en cherchant à construire des circuits marchands spécifiques en produits maraîchers, ne provoque ni disparition, ni homogénéisation de l’économie alimentaire locale, mais souligne la coexistence de différentes formes d’organisations marchandes. L’article examine cette hypothèse d’abord en situant le propos à l’interface de débats sur l’approvisionnement, l’alimentation urbaine en Afrique, la « révolution » des supermarchés dans les pays des Suds et la géographie du commerce, puis expose la méthodologie. Une seconde partie présente la cartographie et la chronologie de l’implantation des chaînes des supermarchés. La troisième partie porte sur l’approvisionnement et l’articulation des circuits. La conclusion souligne que la coexistence des modèles commerciaux finalement imbriqués s’inscrit dans une grande diversité de situations, au contraire d’une transition alimentaire homogénéisante.

I. Placer des produits maraîchers au carrefour de l’alimentation urbaine, de la « révolution » des supermarchés et de la géographie du commerce

6L’hypothèse sur les relations entre un modèle importé de grande distribution et des économies alimentaires locales, fait référence d’une part aux approches ruralistes sur la coexistence de différentes formes agricoles, parfois dans les mêmes territoires (Purseigle, 2012 ; Racaud, 2016), et d’autre part aux travaux sur les effets spatiaux de la mondialisation, cette dernière créant plus de diversité que d’uniformité (Christopherson et al., 2008 ; Lombard et al., 2006). L’hypothèse s’inscrit dans plusieurs réflexions, d’abord celles sur l’approvisionnement et l’alimentation des villes africaines, ensuite celles sur l’expansion des supermarchés dans les pays des Suds et de la géographie du commerce.

7La question de l’alimentation des villes africaines a dès les années 1970 été l’objet de recherches en géographie (Vennetier, 1972), puis d’autres disciplines (Guyer, 1987), dans un contexte d’inquiétudes sur la sécurité alimentaire des villes en très forte croissance démographique. L’attention a porté sur l’approvisionnement des villes, mettant en lumière des interrogations sur la dépendance aux marchés mondiaux dans un contexte de libéralisation économique. En revanche, l’échelle des échanges ville-campagne (Chaléard, 1996) a ensuite montré que la ville était plutôt un moteur pour les agricultures, que les réseaux marchands étaient pour une grande part organisés par des acteurs du quotidien : paysans, myriade de marchands (surtout de marchandes), dans une économie qui a pu être qualifiée d’« informelle organisée » (Bricas et Seck, 2004) et pour laquelle les marchés ruraux et urbains jouent un rôle majeur en tant que points de convergence des réseaux d’approvisionnement et de distribution (Chaléard, 1996 ; Paulais et Wilhelm, 2000). Dans ces démarches, la question est essentiellement celle de nourrir les villes.

8La question de se nourrir en ville a contribué aux réflexions sur les modèles alimentaires urbains en Afrique sub-saharienne. Dans le contexte de libéralisation économique des années 1990, de l’urbanisation toujours soutenue, de l’implantation même modeste des premiers supermarchés, des débats ont porté sur l’occidentalisation de l’alimentation, thèse présente dans le paradigme de transition alimentaire (Bricas et Tchamda, 2017). La ville est alors considérée comme un espace privilégié de consommation marchande, d’industrialisation de l’alimentation, de transition alimentaire et d’occidentalisation des régimes alimentaires (Soula et al., 2020). De nombreuses recherches menées au cours de ce millénaire mettent en évidence la diversité des situations et des trajectoires alimentaires en Afrique en dehors des schémas transitionnels ou uniformisants (Crenn et al., 2023 ; Soula et al., 2020). Notre hypothèse sur la non-homogénéisation des formes commerciales se fonde ainsi en partie sur ce corpus de recherches sur l’alimentation des villes africaines, lieux privilégiés d’établissement des supermarchés.

9La littérature identifie quatre vagues de diffusion des supermarchés dans les pays des Suds. Schématiquement, la première vague s’est déversée dans la première moitié des années 1990 sur l’Amérique du Sud, l’Asie de l’Est (hors Chine et Japon) et l’Afrique du Sud. La seconde a concerné l’Asie du Sud-Est et l’Amérique centrale dans la seconde moitié de la décennie 1990. La troisième inclut des pays où les supermarchés ne s’étaient que très modérément implantés dans les années 1990 mais développés au tournant du millénaire, par exemple au Kenya, la Chine et l’Inde. La quatrième vague se diffuse à partir des années 2000, de manière inégale, dans les pays des Suds les plus pauvres (Reardon et al., 2007). Cette trajectoire unique correspond à une vision normative du développement, d’un passage d’économies traditionnelles, marquées par l’informalité, à des économies dites modernes et une société de la consommation. La diffusion des supermarchés a été présentée comme une « révolution » dans la littérature au tournant du siècle, cette idée mettait l’accent sur les transformations attendues sur l’économie locale. Pourtant, cette notion de révolution a été remise en cause dès les années 2000, les recherches ayant montré que le rôle transformateur des supermarchés avait été surestimé pour l’économie alimentaire en Afrique sub-saharienne (Abrahams, 2010 ; Humphrey, 2007). Par exemple, même en Afrique du Sud, pays précurseur en Afrique, la part des supermarchés dans l’économie alimentaire n’aurait été que de 10 % (Crush et Frayne, 2011, p. 790) mais les estimations divergent (Abrahams, 2010). En 2015, la part des supermarchés reste marginale en Afrique sub-saharienne même s’il y a des différences régionales, avec une part de 10 % en Afrique de l’Ouest et de 24 % en Afrique de l’Est (Sagaci Research, 2015). C’est peut-être ce qui explique que leur implantation n’aurait pas provoqué de mouvements d’opposition, hormis pour le cas de Shoprite en Afrique du Sud, au Nigéria, en Tanzanie et en Zambie dont la stratégie d’approvisionnement ne profitait pas aux agricultures nationales (Abrahams, 2010).

10Cette revue de la littérature sur les supermarchés dans les Suds s’appuie finalement sur des références anglophones en économie agricole, géographie économique, ou science politique. Si le thème des circulations marchandes dans les Suds est d’actualité (Bouhali et al., 2023), la question des supermarchés en Afrique ne semble pas avoir été l’objet spécifique de nombreuses recherches francophones, hormis celles en économie politique sur la mobilisation alimentaire au Sénégal liée au mouvement Auchan dégage (Ndiaye, 2023) voire celles sur les shoppings malls (Chevalier, 2017 ; Michelon, 2017). Plus tôt, les travaux de S. Bredeloup (2002) ont concerné les dispositifs marchands à Abidjan, dont des enseignes importées telle Score ; ils ont montré les inégalités socio-territoriales liées à la revalorisation urbaine conduite sur des principes hygiénistes et fonctionnalistes. On retrouve ces normes fonctionnelles dans les recherches francophones essentiellement orientées vers les « marchés d’Afrique » (Paulais et Wilhelm, 2000) en lien avec les questions d’approvisionnement urbain présentées plus haut. La géographie du commerce francophone propose une littérature riche sur les espaces marchands (Desse et Lestrade, 2016 ; Gasnier et Lemarchand, 2014) inscrite dans le renouvellement à penser la ville (Renard-Grandmontagne, 2016) et intégrant depuis quelques années le tournant culturel (Lemarchand, 2011). Néanmoins, les études de cas en Afrique de ce corpus demeurent un quasi angle mort. On pourrait situer des questionnements actuels liés à l’essor des supermarchés en Afrique avec des thèmes qui ont traversé la géographie du commerce au cours de son évolution, de manière incomplète : organisation urbaine commerciale, consommation (Lestrade, 2016), ruralité et commerce (Pouzenc, 2019). Notre positionnement, au carrefour des débats présentés dans cette partie, se justifie par l’objectif de comprendre comment les deux modèles de mise en marché cohabitent dans deux métropoles africaines, question qui articule des enjeux d’approvisionnement, de mutations d’espaces marchands et d’alimentation.

11Les enquêtes ont été menées dans le cadre d’une recherche doctorale au Cameroun et d’un projet de recherche en Ouganda2. La méthodologie mise en place est essentiellement qualitative. Pour saisir le quotidien des places marchandes et les paysages commerciaux, des observations ont été menées. Une quinzaine d’entretiens semi-directifs ont été administrés à Kampala au mois d’août 2023 avec des commerçants dans des marchés, des employés de supermarchés aux responsabilités variables, des consommateurs, des entrepreneurs et des autorités municipales. Ces enquêtes ont essentiellement été réalisées sur les lieux d’activité des personnes interviewées, aux heures creuses. Les autres entretiens furent menés dans des lieux de restauration. Au Cameroun, les informations proviennent de terrains de recherche en 2022 et 2023. Douze entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des acteurs impliqués directement dans les circuits de la grande distribution : des directeurs de magasins, un des dirigeants de Carrefour Cameroun et des grossistes approvisionnant les supermarchés. Ces entretiens furent complétés par des questionnaires ouverts administrés auprès de vingt-trois clients de deux Carrefour de la ville. Pour avoir un échantillon le plus en adéquation avec l’étude, les réponses furent recueillies à des heures de haute fréquentation en semaine et le week-end au sein du rayon fruits et légumes.

II. Cartographie et chronologie de l’implantation des supermarchés

12Après avoir présenté les différents dispositifs de vente, l’objectif de cette partie est de montrer où et quand les supermarchés ont été implantés à Douala et Kampala.

A. Structure de l’offre de vente

13L’essentiel des marchés ont des équipements sommaires. Quand des infrastructures en dur existent, elles sont souvent vieillissantes et débordées par le nombre de vendeuses et vendeurs qui disposent les produits sur des tables en bois couvertes par des parasols. Fréquemment, des vendeuses et vendeurs n’ont aucun mobilier, les produits sont disposés sur des sacs et bâches posées sur le sol. Dans les espaces couverts, l’étal en dur est le dispositif principal comme à Nakasero (Figure 1). À Kampala, depuis les années 1990, la gestion des marchés auparavant opérée en principe par la ville – mais de fait par les associations de vendeurs, est assurée par des sociétés coopératives ou le plus souvent par des entreprises privées, fonctionnement prôné par les modèles internationaux de gouvernance et de décentralisation (Lindell et Appelblad, 2009). Des marchés sont implantés sur du foncier privé et gérés par une multitude d’associations de vendeurs. C’est le cas pour le marché de Kalerwe, centre majeur de collecte et de redistribution de produits frais, administré par 23 associations selon le secteur. À Douala, Sandaga est le marché majeur, centre de collecte et de redistribution du maraîchage (Figure 2). Les marchés en dur sont souvent, comme à Kampala, débordés, ils s’étalent sur les rues adjacentes, les vendeurs pourtant qualifiés d’informels par les autorités payent des taxes à ces mêmes autorités.

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Figure 1. Marché de Nakasero (Racaud, 2023)

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Figure 2. Marché de Sandaga (Jourda, 2023)

14Les supermarchés ont des infrastructures beaucoup plus intensives en capital, ils utilisent par exemple des réfrigérateurs pour une partie des produits frais (dont des légumes et des fruits). Les chaînes de supermarchés proposent des produits alimentaires et non-alimentaires, elles se distinguent notamment par la diversité des produits, par les prix, par le soin apporté à l’expérience commerciale du client dont des pratiques marketing importées comme la carte de fidélité proposée par Carrefour. Cette enseigne est présentée par la presse et perçue par les clients et employés (qui bénéficient de conditions de travail plus avantageuses que dans les marques nationales) comme un magasin premium, avec plus de 20 000 produits. La surface consacrée aux fruits et légumes, organisée en rayonnages horizontaux et rayonnages verticaux réfrigérés, avoisine 50m² pour le plus grand magasin, ce qui est finalement peu. Le nombre de caisses varie de 5 à 10, les surfaces sont comprises entre 1500m² et 2800m² pour la plus grande à Kampala : Carrefour à Oasis Mall. Le modèle de cette enseigne est standardisé car on observe des similitudes avec les magasins de Douala dans l’environnement, les pratiques marketing, ou la gamme des produits dont ceux de la boulangerie. Les magasins sont toutefois plus petits à Douala, où la taille minimale est de 750m² tandis que le plus grand Carrefour mesure 2000m², Douala Grand Mall situé dans le premier mall d’Afrique centrale. La taille assez modeste des magasins s’explique par des investissements prudents dans ce modèle et par un marché foncier urbain difficile d’accès, comme le montre l’exemple de l’hypermarché Carrefour de Yaoundé, au cœur d’un litige foncier entre le groupe CFAO et les populations locales expropriées, conflit dans lequel est intervenu le gouvernement camerounais (Le Messager, 7 juillet 2022). La question du foncier urbain, au Cameroun et en Ouganda, est l’objet de polémiques, d’affaires perçues comme de l’accaparement de terres sur fond de corruption et de trafic d’influence dans lesquels les caciques du pouvoir tireraient profit. Les gros propriétaires fonciers seraient souvent membres ou très proches du pouvoir.

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Figure 3. Rayon fruits et légumes, Carrefour Lugogo, Kampala (Racaud, 2023)

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Figure 4. Rayon fruits et légumes, Carrefour Douala (Jourda, 2023)

B. Cartographie et chronologie de l’implantation de l’offre de vente

1. Cartographie

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Figure 5. Différents points de vente de produits maraîchers à Douala (Jourda, 2024)

15Le plus important marché, Sandaga, est situé à l’entrée ouest, sur la route à destination de l’Ouest d’où est issue la majorité des produits maraîchers consommés à Douala. Le second marché de gros, à Akwa Nord, est bien moins important que Sandaga. Le marché central à New Bell est l’agrégation de plusieurs marchés (Marché Congo, Nkoulouloun, Lagos, etc.), c’est un marché mixte. D’autres marchés plus petits maillent la ville de Douala, ce sont des centralités marchandes à l’échelle du quartier (Bonamoussadi, Deido, Madagascar, etc.). Les supermarchés proposent deux autres modèles commerciaux. Les supermarchés d’origine libanaise, indienne et camerounaise vendent surtout des produits importés, le frais est marginal alors que les supermarchés d’origine occidentale ont un modèle marchand qui laisse une bonne place au frais. C’est assez similaire à ce que l’on retrouve dans les magasins des mêmes marques en Europe et ailleurs. Les fruits et légumes frais sont positionnés dès l’entrée du magasin dans la zone des « 50 premiers pas ». L’objectif de cet aménagement commercial est d’inciter l’achat de ces marchandises. Les supermarchés d’origine occidentale se concentrent près des quartiers d’affaires et résidentiels des populations les plus riches, en particulier les expatriés. Ils sont situés autour des quartiers Bonapriso, Bonanjo et Bali. Certains espaces sont partagés entre supermarchés d’origine occidentale et camerounaise/libanaise, comme au quartier Akwa, cœur commercial de la ville. À Bonamoussadi, l’implantation des deux types de supermarchés s’explique par l’influence de la nouvelle classe aisée, attirant ainsi les investisseurs marchands de toute la ville, créant une densité commerciale particulièrement importante : marché classique, supermarchés d’origine française (Carrefour, Super U) et d’origine indienne (Mahima). De nouveaux espaces commerciaux ouvrent dans les quartiers d’urbanisation récente (Logpom, Bonabéri), indiquant leur attractivité. La distribution des supermarchés révèle une certaine géographie sociale de la métropole, ils s’implantent là où vivent les classes de consommation supérieures. Par ailleurs, Douala Grand Mall (Figure 6) s’est établi le long de l’axe routier important N3 reliant quartier d’affaires et l’aéroport. Les pics d’affluence vers 18h correspondent à des parcours quotidiens de cette classe supérieure équipée d’une voiture, soucieuse de conditions d’accessibilité loin de la congestion du centre-ville.

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Figure 6. Carrefour Grand Mall, Douala (Jourda, 2023)

16Kampala est une centralité commerciale sous-régionale dotée d’un appareil marchand impressionnant, tant par le nombre incalculable de commerces que par l’effervescence quotidienne des affaires, la congestion des rues marchandes où parviennent néanmoins à circuler passants, mototaxis, taxis collectifs, voitures personnelles et camions assurant les échanges nationaux et sous-régionaux. Le cœur commercial a largement dépassé le « triangle d’or » (Calas, 1998) des années 1990. La carte montre les 17 principaux marchés et les supermarchés faisant partie de chaînes. Ces marchés proposent de l’alimentation, certains sont des centres de collecte et de redistribution (par exemple Kalerwe), ils attirent chaque jour entre 1000 clients pour les plus modestes, à plus de 100 000 (Kalerwe, Busega, Nakawa, Nakasero) et jusqu’à 300 000 clients à Owino, marché qui compterait environ 50 000 vendeurs. Leur répartition correspond aux espaces urbains les plus denses, excepté pour Busega, Kalerwe, situés à des entrées de la ville, et trois petits marchés.

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Figure 7. Carte des marchés et des chaînes de supermarchés à Kampala. (Conception Racaud, réalisation Alfaurt, source Bonny 2018 et Google maps 2024)

17Les chaînes de supermarchés proposant du frais alimentaire sont des enseignes ougandaises (Capital Shoppers, Quality Supermarket, Standard et dans une moindre mesure Kenjoy) et la marque française Carrefour. Les magasins sont pour la plupart localisés le long d’axes routiers convergeant vers le centre-ville d’affaires et administratif, ainsi que dans ou aux abords de quartiers résidentiels. Par exemple, les Carrefour Lugogo, Acacia Mall et Oasis Mall tiennent en tenaille le quartier huppé de Kololo. Cette localisation indique que ces lieux marchands sont situés sur des itinéraires quotidiens, entre le quartier résidentiel et le lieu de travail d’une clientèle véhiculée. On remarque une sélection foncière, les supermarchés aux capitaux plus réduits, aussi présents dans le Kampala dense, se diffusent dans les quartiers périphériques de Kampala, les supermarchés viennent ainsi aux clients. À travers leur localisation, on observe que les supermarchés s’adaptent aux segments de marché visés. La figure 8 montre que la plupart des véhicules sur le parking du centre commercial Lugogo sont des 4x4, voitures correspondant à une classe moyenne supérieure. Les pics d’affluence correspondent d’ailleurs aux heures où la clientèle ne travaille plus : sortie du bureau et weekend.

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Figure 8. Carrefour Lugogo (Racaud, 2023)

2. Chronologie

18Au Cameroun, l’histoire des supermarchés est relativement ancienne. Le premier supermarché a été implanté dans les années 1950. Ils se développent pour répondre à la demande des administrateurs et investisseurs coloniaux (Bonin, 2008). Avec la décolonisation, l’offre en supermarchés a diminué Seul l’ancien Monoprix à Bonapriso va perdurer avant de devenir Score puis Casino en 2007 (Ada Zoa, 2023). Les premiers supermarchés d’origine camerounaise et indienne (Santa Lucia et Mahima) sont apparus à partir des années 1990-2000. Depuis 2013, année d’installation d’un magasin Super U, le rythme d’implantation des supermarchés d’origine occidentale s’accélère. Un deuxième Super U ouvre en 2015, puis un Spar en 2016, suivi du premier Carrefour en 2017. La capitale compte en 2023 cinq Carrefour et une filiale Supeco.

19À Kampala, les mesures de libéralisation économique dans les années 1990 ont favorisé les investissements directs étrangers que le développement de chaînes régionales de supermarchés illustre. Metro et Cash and Carry, en provenance d’Afrique du Sud, sont les précurseurs, suivis au début des années 2000 par Shoprite et Game. Uchumi et Nakumatt, enseignes kényanes, sont respectivement arrivées en 2002 et 2009. De nombreux supermarchés ougandais ont vu le jour au tournant du siècle, dont les trois principales enseignes : Capital Shoppers, Quality Supermarket et Standard Supermarkets. Ces enseignes sont établies uniquement à Kampala et ont trois magasins chacune, dans une métropole où se créent régulièrement de nouveaux supermarchés locaux. Si des supermarchés voient le jour, des enseignes internationales ferment sur fond de mauvaise gestion et de faillite. Les marques emblématiques kényanes ont quitté l’Ouganda, Uchumi en 2015 et Nakumat a fermé ses neuf magasins kampalais en 2017. En 2021 et 2022, les enseignes sud-africaines (Shoprite et Game,) se sont repliées dans leur pays d’origine. Ces échecs ont offert des opportunités dont Carrefour s’est saisi. La marque française a remplacé six Shoprite, bénéficiant ainsi d’une implantation dans des shoppig malls, lieux privilégiés d’installation des marques étrangères, déjà opérationnels (Acacia, Lugogo, etc.). La stratégie offensive de Carrefour peut se comprendre à l’aune des chiffres de croissance de la grande distribution « moderne » en Afrique, qui serait de 10 % par an sur le continent (Airault, 2023). Dans ces marchés en développement, l’enjeu pour les enseignes est alors d’occuper l’espace commercial et les segments d’un marché avant les autres concurrents. Par ailleurs, le modèle de la franchise notamment mis en place par Carrefour exige peu d’investissement de la part des enseignes et il rapporte des redevances et du volume d’achat aux franchiseurs (Bertrand, 2023). Le paysage commercial est alors très concurrentiel, des enseignes locales sont en compétition avec des géants, chaque marque, à travers son propre concept, vise une clientèle spécifique. L’exemple d’Oasis mall et de Garden City mall est représentatif de cette forte concurrence. Les deux centres commerciaux, situés entre le quartier d’affaires et administratif de Nakasero et le quartier de haut standing Kololo, sont l’un en face de l’autre. De plus, Garden City dispose de deux supermarchés de taille équivalente (Capital Shoppers et Standard).

20La stratégie de déploiement des marques françaises doit être mise en perspective avec la crise du modèle des hypermarchés en France marqué par le recul des marges opérationnelles pour Carrefour en France, modèle concurrencé par d’autres canaux de distribution dont le e-commerce. Pour cette marque comme pour d’autres, l’expansion se fait à moindre coût car les supermarchés sont détenus en franchise, majoritairement par des conglomérats issus des grandes compagnies commerciales de l’époque coloniale (Brenoum, 2020). C’est le cas pour Carrefour en Afrique de l’Ouest et centrale, où la marque est utilisée par le groupe CFAO (Corporation For Africa and Overseas). En revanche, en Afrique de l’Est, Carrefour s’est alliée avec le groupe émirati Majid Al Futtaim, le plus gros franchisé Carrefour à l’international, partenaire dans plus de 25 pays en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. La vague de repli observée en Afrique de l’Est par les marques régionales fait écho au repli de marques occidentales dans des marchés d’implantation récente (par ex. retrait de Auchan de Chine, difficultés de Carrefour au Brésil). Cela illustre que le marché de la grande distribution africaine fait partie de stratégies globales des groupes majeurs du secteur, ces derniers balançant à l’échelle globale entre modèle de la franchise et modèle intégré, entre marché en recul (ex. Chine) et marchés d’avenir.

III. Structuration de nouveaux circuits d’approvisionnement ?

21Le développement des supermarchés s’est traduit par l’implantation d’acteurs inédits qui impulsent du changement technologique et logistique dans l’approvisionnement, et aussi par l’adaptation d’acteurs locaux à ces changements (Reardon et al., 2007). Nos enquêtes montrent qu’effectivement, les supermarchés à Douala et Kampala s’approvisionnent d’une part via des circuits inédits mis en place par de nouvelles entreprises de l’agro-business, et d’autre part via des circuits établis par des acteurs déjà présents dans l’approvisionnement des marchés classiques.

A. Émergence de nouveaux acteurs : les entreprises de l’agro-business

22Les nouveaux acteurs se positionnent en s’adaptant aux normes de la grande distribution : flux constants, qualité stabilisée, diversité des produits. Agro-Sourcing Logistics (ASL) est l’entreprise principale engagée dans l’approvisionnement de Carrefour au Cameroun. ASL, basée à Bafoussam, capitale de la région de l’Ouest, a été créée en 2018. Elle s’approvisionne sur tout le territoire de cette région, de deux manières. Elle possède un groupe d’une cinquantaine d’agriculteurs qui ne produisent que pour l’entreprise sur des champs qui ont été désignés. C’est le circuit qu’ASL nomme la « production en propre » comme le définit le directeur général : « toutes les charges [intrants et matériels] sont à la charge de ASL, et toi [le producteur] en contrepartie ce que tu vas faire, bah tu mets ta terre à disposition et ton savoir-faire et tu vas être rémunéré en fonction du tonnage produit ». Ce mode de production conduit le producteur à mobiliser la terre et la main d’œuvre en échange de la vente de toute sa production à ASL. L’entreprise est en mesure de connaitre le volume et la période de disponibilité de la marchandise. En matière de qualité, ASL fournit les intrants et en aval elle fait un agréage à réception à Bafoussam. Cette forme d’approvisionnement leur permet d’anticiper un coût de revient, de s’assurer d’un volume de production et d’un moindre risque. En dehors de ces cinquante producteurs, elle possède un deuxième circuit d’approvisionnement avec des agriculteurs qu’elle « préfinance ». L’entreprise parle ici de près de 250 exploitants. Dans ce modèle, elle propose à des agriculteurs de leur faire crédit d’intrants et de matériels à des prix préférentiels. Les agriculteurs remboursent ensuite le coût de ce matériel et de ces intrants sur une ou plusieurs campagnes. En utilisant ce circuit, ASL vise une montée en gamme des produits dont l’achat est sécurisé. Ainsi, ASL se pose comme étant le seul intermédiaire avec les agriculteurs en amont et les supermarchés en aval, puisqu’ils possèdent leurs propres camions réfrigérés, veillant à un maintien optimal de la fraîcheur des marchandises. Cette situation d’unique intermédiaire leur garantit une position de force dans la négociation des prix de revente, permettant ponctuellement de mettre en place des promotions pour fidéliser les acheteurs de la grande distribution.

23À Kampala, l’approvisionnement des supermarchés est assuré par un grand nombre d’acteurs privés hormis pour les fruits importés, secteur dominé par Afrifresh, géant sud-africain, fournisseur de l’ensemble des supermarchés en raisin, pomme, orange, etc. La trajectoire de cette compagnie a accompagné le développement des supermarchés, elle exporte dans une cinquantaine de pays, dispose d’antennes nationales comme à Kampala, assure l’ensemble des activités, de la production agricole au remplissage des rayons des supermarchés. Ce modèle d’intégration verticale ultra-aboutie s’inscrit dans l’essor de l’agriculture commerciale sud-africaine. Le Kenya dispose aussi d’un modèle agro-exportateur structuré. Des entreprises et de nombreux fournisseurs en provenance du Kenya approvisionnent le marché ougandais, proche donc, en particulier pour la pomme de terre et les carottes, produits perçus comme de meilleure qualité. L’entreprise kényane Freshcare est par exemple un des fournisseurs importants de Carrefour, capable d’assurer régularité et conformité des normes recherchées par les supermarchés.

24Une constellation de fournisseurs ougandais récents cherche à se positionner sur le marché de l’approvisionnement des supermarchés. Ce secteur n’a pas atteint les niveaux de maturité du concurrent du Kenya ou de l’Afrique du Sud car les initiatives de structuration d’une agriculture tournée vers de nouveaux marchés, dont l’export, sont récentes. L’enjeu de l’accès au marché européen mis en avant par le gouvernement ougandais à la fin des années 2010 pour préparer un audit de l’UE, impulse une meilleure organisation institutionnelle et incite le secteur agricole à monter en compétitivité et en gamme. Ceci doit permettre de satisfaire les critères de sécurité sanitaire, de qualité, et les exigences de marchés nouveaux. Des entreprises préexistaient à cette volonté politique et certaines se sont positionnées sur l’approvisionnement des supermarchés, comme AgroMax Uganda, une « modern agri-business company » créée en 2009, située en périphérie de Kampala. Cette entreprise, propose des services et solutions techniques pour une agriculture moderne et elle fournit la chaîne Standard en poivrons, choux, brocolis, piments, issus de leur propre production sous serre ou issus de producteurs clients d’innovations techniques d’AgroMax. Le contexte politique et institutionnel récent promouvant l’accès au marché à l’export, conjointement avec l’essor du nombre de supermarchés, sont des moteurs d’émergence de nouveaux acteurs dans les chaînes de valeurs agricoles.

B. Positionnement d’anciens acteurs sur de nouveaux circuits

25Au Cameroun, des grossistes de Sandaga ont pénétré les chaînes d’approvisionnement des supermarchés et assurent la majeure partie des volumes achetés par les enseignes Carrefour et Super U. Certains ont pris la forme de compagnies, par exemple Business Corporation, Concord, Polyculture. Ce dernier acteur fonctionne avec du préfinancement aux producteurs, à l’image d’ASL. Polyculture a un centre de collecte à Fosset, dans la région de l’Ouest-Cameroun. La production est transportée au marché Sandaga via des transporteurs qui ne possèdent pas de camions réfrigérés. Ils livrent ensuite les différents supermarchés en fonction des commandes établies en amont, et trouvent à Sandaga des débouchés pour leurs invendus, en particulier lorsque la qualité ne correspond pas aux attentes des supermarchés.

26Ce type d’acteurs démontre la capacité de certains acteurs du marché classique à se saisir de nouvelles opportunités, mais ce processus d’adaptation est encore fragile. Polyculture a fait part de difficultés, au début de leur activité, pour satisfaire les exigences du marché de la grande distribution, et c’est toujours le cas, notamment sur l’aspect physique des marchandises : « en saison sèche, certains produits n’ont pas la même texture » (directeur de Polyculture). Mais de manière générale, la question de la qualité des produits est bien gérée en amont puisque les supermarchés ne refusent quasiment plus les articles proposés, et ceux considérés comme étant « moins bons » trouvent preneurs à Sandaga.

27À Kampala, les marchés principaux de Nakasero, Kalerwe et Nakawa jouent un rôle majeur dans le ravitaillement des supermarchés. Ils assurent les fonctions de collecte et de redistribution à l’échelle urbaine pour les marchés secondaires et les supermarchés. On observe aussi une hiérarchie des marchés majeurs en fonction de la gamme des produits, si Kalerwe et Nakawa approvisionnent des supermarchés locaux, Nakasero est le comptoir kampalais principal des chaînes de supermarchés car ces chaînes visent une clientèle sélective au pouvoir d’achat supérieur. Nakasero, situé à proximité du centre-ville d’affaires et administratif, est considéré comme le marché où l’on trouve le premier choix, destiné à une classe de consommateurs aux revenus élevés. Ceci est confirmé par l’ensemble des personnes interviewées, dont les personnes en charge des achats des supermarchés, et même par un responsable du marché de Kalerwe, qui accepte la différence de gamme entre les produits de son marché et ceux de Nakasero. L’approvisionnement direct à partir des zones de production et le tri réalisé en amont garantissent à Nakasero de maintenir sa singularité, celle de marché premium tel que le revendique Patrick, vendeur de légumes, un ancien : « we have very first class selected items, the customers find the best, the supermarkets are taking the nice one ». Néanmoins, la proximité géographique d’un marché et d’un supermarché permet d’établir des circuits courts et de court-circuiter Nakasero. En effet, des vendeurs de Nakawa approvisionnent un Capitol Shopper proche. Que ce soit à Nakasero ou Nakawa, les fournisseurs sont des vendeurs installés sur le marché, ils disposent de stocks souvent complétés par des produits d’autres vendeurs pour satisfaire la commande d’un supermarché. En règle générale, les jours les plus chargés sont le jeudi et vendredi car les supermarchés anticipent les pics d’affluence du weekend, le lundi est aussi un jour dynamique afin de ravitailler les rayons. Les marchés sont également les lieux d’approvisionnement de produits non commercialisés par les compagnies : les nombreux légumes feuilles (sukuma wiki, kikamba, épinard, etc.) fournis chaque jour, consommés quasi-quotidiennement et dont la fraîcheur est fondamentale dans la perception de la qualité. Les fruits non importés sont aussi achetés à Nakasero (ananas, water melon, etc.).

28Néanmoins, des fournisseurs en provenance des zones de production proposent directement leurs produits aux personnes en charge des achats dans les supermarchés. Ils viennent avec des échantillons et négocient des contrats, « it’s like looking for a job, you apply for with a sample » confie un responsable de rayon à Capitol Shoppers. Ceci est aussi valable pour Standard et Carrefour où la « candidature » de fournisseurs a permis de constituer un vivier de fournisseurs réguliers. À Kampala, les chaînes de supermarchés tirent profit de circuits maraîchers haut de gamme déjà établis, elles intègrent des acteurs de l’économie alimentaire locale dans leur filière d’approvisionnement, elles connectent le secteur formel avec ce qui est souvent présenté comme relevant de l’économie informelle, ce qu’atteste un responsable du marché Kalerwe « here, we’re in the informal sector » ; les frontières entre ces « deux économies » sont donc floues.

29Les logiques opportunistes caractérisent les acteurs de Sandaga qui ont su investir les circuits d’approvisionnement de la grande distribution. Cette dernière a besoin de ces acteurs pour stabiliser des chaînes jusqu’à la production. En revanche, à Kampala, l’ampleur du réseau de marchés et la centralité commerciale de Nakasero sont une ressource valorisée par la grande distribution mais la structuration de filières agricoles plus haut de gamme permet à des fournisseurs d’approvisionner directement des supermarchés.

C. Complémentarité des circuits d’approvisionnement

30L’émergence de nouveaux acteurs et le positionnement d’acteurs établis indiquent que les circuits d’approvisionnement fondés par l’économie locale et ceux mis en place par la grande distribution se complètent. À Douala, les nouveaux et anciens acteurs travaillent avec le marché « classique ». Polyculture approvisionne le marché Sandaga quand certains produits sont susceptibles de ne pas être conformes aux normes de qualité de la grande distribution. Ils ont également des partenaires réguliers sur ce marché, qu’ils ravitaillent de manière quotidienne. La maîtrise de l’information, des lieux et des circuits, et les réseaux professionnels sont des ressources qu’ils valorisent. Inversement, si Polyculture est en situation de pénurie sur certains fruits ou légumes, elle s’approvisionne à Sandaga. Les nouveaux acteurs collaborent de plus en plus avec des détaillants du marché « classique ». En effet, lorsqu’ils ont des surplus, ils s’adressent à des vendeuses des marchés de Bafoussam pour écouler les marchandises issues de leur propre production : « L’objectif pour nous, c’est de vendre aussi à des revendeurs, des commerçantes locales. […] Aujourd’hui on le voit parce que depuis 6-8 mois on a beaucoup de commerçantes qui viennent acheter de la tomate directement chez nous » (directeur général d’ASL).

31À Kampala, les personnes en charge de l’approvisionnement de produits maraîchers dans les supermarchés confirment la complémentarité entre les marchés, en particulier Nakasero et le circuit direct via des fournisseurs. Mme J. est responsable de l’approvisionnement en fruits et légumes pour l’ensemble des magasins Carrefour. En moyenne, elle travaille avec une vingtaine de fournisseurs réguliers mais en fonction des saisons, ce nombre peut fluctuer entre cinq et 50. Elle négocie avec eux des contrats d’un an stipulant les types de produits, les volumes, les normes et les prix. L’enjeu est de s’assurer de la qualité, quantité et régularité. Or, le manque de structuration des filières maraîchères conduit l’enseigne à se fournir via Nakasero, donc auprès d’intermédiaires « in most case, Carrefour get supplies in Nakasero ». Les capacités des supermarchés, même des enseignes importées, à bouleverser l’économie alimentaire locale est donc limitée. La « révolution » des supermarchés n’est peut-être qu’un mirage (Abrahams, 2009 ; Humphrey, 2007). L’approvisionnement des supermarchés via les marchés, signifie que les premiers sont les clients de seconds. Les achats des supermarchés en fruits et légumes bénéficient à l’agriculture ougandaise et à l’économie locale, ce que confirme M. F., représentant élu des commerçants de Nakasero : « we want more supermarkets because they are our customers ». L’essor des supermarchés n’engendre pas de résistance de l’économie locale, contrairement à ce qui a été observé ailleurs (Abrahams, 2010 ; Ndiaye 2023). Cependant, pour disposer de prix moindres, l’enseigne Carrefour cherche à contourner les commerçants de Nakasero et les fournisseurs qui achètent et revendent. La stratégie récente de l’entreprise est un approvisionnement direct auprès de grandes entreprises agricoles, deux ont établi un contrat avec Carrefour. Ceci est le signe d’une volonté à organiser, par la demande et la contractualisation, des filières maraîchères reposant sur une agriculture « moderne », modèle encouragé par le gouvernement ougandais, afin d’augmenter la productivité et les revenus agricoles, notamment via des productions de « qualité », en principe.

32La représentation partagée par la plupart des acteurs en lien commercial avec les supermarchés, est celle de fruits et légumes de meilleure qualité dans la grande distribution que dans les marchés. La cible « classes supérieures de consommation » justifie la recherche de fruits et légumes standardisés dits de qualité, c’est-à-dire dont les critères se fondent beaucoup sur l’aspect attrayant du produit dans un environnement approprié. Mlle D. cliente de Carrefour ne dit pas autre chose quand elle justifie sa perception de la qualité par rapport à « how it looks, clean, does it look fresh, any sun burnt ? ». Mme J. responsable des achats pour Carrefour partage cette représentation de la qualité « we want the best of the market, that looks best, fresh, nice ». Pourtant, la question de la fraîcheur est ambivalente car pour les acteurs liés aux supermarchés (commerçants, clients), les réfrigérateurs sont gage de fraîcheur des produits alors que dans le marché, le discours est inverse : à cause des réfrigérateurs, les produits restent longtemps et ne sont donc pas frais, contrairement au marché où l’approvisionnement quotidien garantit l’absence d’altération par le temps. La fraîcheur est donc aussi une construction sociale en fonction des acteurs. Par ailleurs, l’usage de produits phytosanitaires est présenté comme une condition nécessaire de production de fruits et légumes correspondant aux normes des supermarchés. Mme J. confirme que les producteurs doivent adapter leurs pratiques pour accéder à ce marché « if he wants to sell, he has to change, he plans to spray ». Les normes des supermarchés peuvent ainsi avoir un impact sur la production agricole en particulier par le biais de contrats. L’agriculture sous-contrat, censée faire monter en gamme les productions agricoles, expression formelle de relations de pouvoir inégales (Vicol et al., 2021), est un levier d’expansion des supermarchés, de la production de marchandises et de l’intégration de la paysannerie au marché. Cette trajectoire vers des normes standardisées est présentée comme idoine par les autorités de Kampala, elles estiment qu’en matière de qualité des produits, les standards des marchés doivent suivre ceux des supermarchés, « supermarket is a model to follow [ ]. We want the traditional markets to supply the supermarkets. They work with the Inspectorate Department of Ministry of Agriculture to know how we can introduce standards in the traditional market » (M. K.). Or, ces formes d’accès au marché relèvent de la sélection par le marché de producteurs et de commerçants, et donc de phénomènes d’inclusion et d’exclusion, d’une part de paysanneries incapables de satisfaire les normes, d’autre part de marchés et commerçants urbains contournés par les circuits directs.

Conclusion : un marché pour tous ?

33L’article a montré que la construction de circuits marchands spécifiques pour la grande distribution ne provoque ni disparition, ni homogénéisation de l’économie alimentaire locale. Au contraire, l’approvisionnement des supermarchés en produits maraîchers souligne la coexistence de différentes formes d’organisations marchandes ainsi que des complémentarités entre supermarchés et marchés. La lecture croisée entre Douala et Kampala révèle que l’implantation du capitalisme de la grande distribution s’appuie sur les structures établies, les réseaux d’approvisionnement de chaînes reposent pour une grande partie sur les réseaux construits par les marchés. Cette coexistence pourrait expliquer qu’on n’observe pas d’opposition significative de l’économie locale – des marchés – au regard de l’essor des supermarchés, les seconds étant des clients des premiers. La coexistence entre l’économie alimentaire locale et les supermarchés dépasse une vision cloisonnée des deux modèles éventuellement perçus comme deux secteurs monolithiques, les supermarchés introduisent un nouvel environnement compétitif et ils capitalisent sur le secteur « informel » (Crush et Fayne, 2011). L’essor de la grande distribution est encore une opportunité pour des acteurs, émergents ou anciennement établis, attestant de la résistance de l’économie alimentaire locale (Abrahams, 2010). L’expression « un marché pour tous » est d’ailleurs fréquemment utilisée par de nombreux acteurs pour indiquer que l’essor des supermarchés ne concurrence pas l’économie alimentaire locale car la cible privilégiée de la grande distribution est une clientèle aisée prête à remplir un caddie, à déjeuner à la cafétéria, à faire du shopping dans les allées marchandes. Qu’est-ce à dire ? Les supermarchés seraient-ils des lieux de ségrégation sociale, des vecteurs de marginalisation pour les exclus ruraux et urbains, c’est-à-dire les paysans et commerçants incapables de satisfaire les standards, ou encore les pauvres ? De plus, la coexistence pacifique serait-elle une situation temporaire, une période d’immaturité débouchant sur un marché mature structuré par des filières aux normes et aux circuits qui excluraient l’économie alimentaire locale « traditionnelle », voire nationale ? La stratégie de Carrefour visant un approvisionnement direct par l’agriculture de firme contournerait les marchés urbains et exclurait une part de la paysannerie. Le marché sélectionne et il a besoin de stabilité, l’approvisionnement des supermarchés auprès des agricultures nationales est un gage d’acceptation sociale. De plus, la part des supermarchés dans l’économie alimentaire reste marginale, il n’y a pas de révolution. La dimension apaisée des relations marchandes est néanmoins à nuancer avec la question de l’accès au foncier urbain, propice au conflit, mêlant caciques du pouvoir au plus haut niveau, intérêts financiers sur fond de corruption et de trafic d’influence.

34La stratégie des supermarchés, en attirant un maximum de profils différents par la « consommation d’espace » (Mermet, 2011), est d’éduquer de futurs consommateurs aux pratiques de la grande distribution. Ces espaces marchands sont des vecteurs de diffusion de normes et d’expériences commerciales importées. Au-delà des supermarchés, l’essor des centres commerciaux est l’illustration de l’expansion de la société de consommation, déjà introduite via notamment la diffusion des produits chinois (Khan Mohammad et Kernen, 2022) en particulier bon-marché (Racaud, 2022). Néanmoins, la coexistence pacifique atteste d’une diversité de situations contredisant le schéma d’une transition alimentaire, d’une trajectoire unique des modèles marchands, d’un mimétisme de modèles de consommation occidentale (Bricas et Seck, 2004). Les acteurs des Suds, certes, sans gommer des effets d’inclusion et d’exclusion, font preuve de capacité d’action et d’opportunisme pour s’approprier le capitalisme global.

NOTES

351Données Banque mondiale 2021, sauf pour le taux de pauvreté au Cameroun, année 2014 et pour celui de l’Ouganda, année 2019.

362Thèse de doctorat financée par l’université Bordeaux-Montaigne et la région Nouvelle-Aquitaine (projet VISA), projet CNRS SAVIMAF.

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77Prahalad C. K. 2014 (2004). The Fortune At the Bottom of the Pyramid Eradicating Poverty Through Profits. 5th Anniversary Edition. Upper Saddle River, Pearson FT Press, 432 p.

78Purseigle F. (2012). Introduction, Études rurales, 190, en ligne, https://journals.openedition.org/etudesrurales/9663 (consulté le 29 février 2024).

79Racaud S. (2016). Coexistence des mondes ruraux et des agricultures dans les Suds. Les Cahiers d’Outre-Mer, 273, en ligne, https://journals.openedition.org/com/7694 (consulté le 29 février 2024).

80Racaud S. (2022). Low-cost Chinese goods in Tanzania: the rise of transnational trade routes’ peripheral branches. Critical African Studies, 15, en ligne, https://doi.org/10.1080/21681392.2022.2154234 (consulté le 20 mars 2024).

81Reardon T., Henson S., Berdegué J. (2007). « Proactive fast-tracking » diffusion of supermarkets in developping countries: implications for market institution and trade. Journal of Economic Geography, 7, pp. 399-431.

82Renard-Grandmontagne C. (2016). Commerce et espaces urbains. BSGLg, 66, pp. 19-24, en ligne, https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=4169 (consulté le 1er mars 2024).

83Sagaci Research. (2015). Shopping Malls in Africa. Paris, Sagaci Research, 80 p.

84Soula A., Yount‐André C., Lepiller O, Bricas N. (2020). Manger en ville. Regards socio-anthropologiques d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Versailles, Quae, 172 p.

85Vennetier P. (dir.). (1972). Dix études sur l’approvisionnement des villes. Bordeaux, CEGET-CNRS, coll. Travaux et Documents de géographie tropicale, 7, 278 p.

86Vicol M., Fold N., Hambloch C., Narayanan S., Pérez Nino H. (2021). Twenty five years of Living Under Contract : Contract farming and agrarian change in the developing world. Journal of Agrarian Change, 22, pp. 3-18.

Pour citer cet article

Sylvain RACAUD & Thomas JOURDA, «Coexistence pacifique des supermarchés importés et des marchés locaux à Douala et Kampala ? Lecture à partir de l’approvisionnement maraîcher», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 83 (2024/2) - Les transitions de la distribution alimentaire : formes, localisations et acteurs, 119-135 URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=7467.

A propos de : Sylvain RACAUD

Maître de conférences en géographie

Université Bordeaux-Montaigne, UMR LAM

sylvain.racaud@u-bordeaux-montaigne.fr

A propos de : Thomas JOURDA

Doctorant

Université Bordeaux-Montaigne, UMR LAM

thomas.jourda@u-bordeaux-montaigne.fr

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