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Voir ou être vu : analyses de visibilité depuis le site de Chèvremont (commune de Chaudfontaine, Belgique)
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Le site de Chèvremont est connu dans l’histoire liégeoise depuis le Haut Moyen-Âge. L’archéologie a montré que la colline a été fréquentée depuis au moins la période néolithique. Intuitivement, tous les auteurs qui se sont rendus sur le site décrivent un endroit d’où le panorama est impressionnant. Nous tentons ici d’utiliser les analyses de visibilité pour mesurer et comparer l’ampleur de la visibilité atteinte depuis plusieurs points du plateau sommital.
Abstract
The Chèvremont site has been known in Liège history since the Early Middle Ages. Archaeology has shown that the hill has been frequented since at least the Neolithic period. Intuitively, all of the authors who have visited the site describe a place with a spectacular view. Here we try to use visibility analysis to measure and compare the extent of visibility achieved from several points placed on the summit plateau.
Table of content
Introduction
1Si, depuis leur naissance, les pratiques archéologiques portent en elles une composante spatiale, il faut bien reconnaître que les premiers siècles de la discipline ont avant tout fait la part belle à la question du temps, et de la chronologie. Dater les artefacts et les rattacher à une période ou à une culture a longtemps constitué le but principal de la plupart des recherches (Taylor, 2020 ; Trigger, 1998). Néanmoins, exploitant les traces matérielles laissées par les activités humaines et étant par conséquent systématiquement confrontés à de multiples problématiques de nature spatiale, les archéologues ont peu à peu enrichi leurs méthodologies et leurs protocoles d’analyse en y intégrant des raisonnements spatiaux.
2Lorsque l’on parle de l’archéologie spatiale, on évoque avant tout une spécialité de l’archéologie qui repose sur l’hypothèse que les relations et les interactions spatiales constituent un marqueur culturel (Gillings et al., 2020, p. 1). Cette approche travaille à mettre en évidence des modèles spatiaux et à les interpréter en recourant à des traitements d’analyse spatiale. Comme l’épistémologie de l’archéologie n’est pas la même partout, la perception et le traitement des questions spatiales sont différents selon que l’on se place dans une perspective anglo-saxonne ou dans une perspective méditerranéenne. Baignés dans le climat de l’archéologie processuelle, les premiers ont, bien plus tôt que les seconds, exploré les possibilités offertes aux archéologues par l’analyse spatiale (Boast, 2009 ; Clarke, 1968, 1972, 1977a, 1977b ; Renfrew, 1973). Dans le monde méditerranéen, les archéologues ont dans un premier temps privilégié les collaborations avec les spécialistes des sciences de la terre autour des questions de géomorphologie et de télédétection (Closson et al., 1997 ; Cornet, 1996, 2007 ; Cornet et Alvarez Perez, 2004).
3Le développement des technologies digitales a considérablement amplifié et popularisé l’usage de l’analyse spatiale en archéologie. Son usage en fut facilité également grâce à l’accroissement des ressources cartographiques en ligne et à celui des outils de partage de l’information (Binard, 2005 ; Poncelet et al., 2016). Ce succès grandissant s’accompagne cependant d’effets indésirables pouvant conduire, au mieux à générer des erreurs, au pire à mettre en danger des sites archéologiques (Gupta, 2020, p. 16‑18).
4Désormais, toute étude archéologique contient son chapitre d’analyse spatiale. Celle-ci enrichit les connaissances en permettant d’inférer des informations chronologiques (Trigger, 1998), en renseignant sur la mobilité des hommes, des animaux, des objets (Hammer, 2014), ou en permettant d’appréhender les comportements sociaux tels que les procédés d’approvisionnement par exemple (Thrift, 2007). Cependant, face à tous les types d’analyses spatiales possibles et aujourd’hui facilement accessibles grâce aux systèmes d’information géographique, il faut garder à l’esprit que les données archéologiques sont imparfaites et intrinsèquement porteuses d’incertitudes (De Runz et al., 2013 ; Desjardin et al., 2012). Compte tenu de cet aléa, seuls certains types d’analyses spatiales sont pratiquées en archéologie. Les plus fréquentes d’entre elles sont les analyses de modélisation prédictive, les analyses de distances coûts et les analyses de visibilité. C’est sur ce dernier type en particulier que nous allons nous pencher ici.
I. Analyse de visibilité
5L’analyse de visibilité nécessite un modèle numérique de terrain (MNT), soit une représentation numérique de la surface topographique selon, dans ce cas, une grille à mailles carrées (pixels), et le choix d’au moins un point d’observation situé sur ou au-dessus de la surface topographique. À partir de celui-ci, le principe du calcul de visibilité procède par comparaisons angulaires successives. Une horizontale est d’abord lancée à partir de l’altitude du point d’observation. Pour tous les points (pixels) suivants du MNT dans une direction donnée et sur une distance maximale définie par l’utilisateur, l’algorithme détermine leur hauteur angulaire par rapport à cette ligne d’horizon, connaissant leur distance et leur altitude par rapport au point de départ. Tant que les résultats décroissent, la zone est visible. Jusqu’à arriver à un point x, présentant une altitude maximale provisoire, à partir duquel les hauteurs angulaires vont à nouveau croître. À partir de ce moment, les points considérés sont en zone invisible. Si un point y dépasse l’altitude maximale provisoire du point x, le calcul de la hauteur angulaire va à nouveau donner des résultats décroissants. On sera à nouveau en zone visible. Ce calcul est bien sûr effectué dans toutes les directions. Contrairement au modèle numérique d’élévation (MNE), le MNT ne tient pas compte de l’occupation du sol, qu’il s’agisse du bâti ou de la végétation. En théorie, la distance maximale pour ce type d’analyse est celle à partir de laquelle l’effet de la courbure de la terre devient sensible, empêchant l’approche par faisceaux linéaires, mais elle peut être réduite arbitrairement par l’utilisateur. Il est bien entendu que les algorithmes qui implémentent ce calcul varient en fonction des logiciels, des formats et des résolutions des MNT, et que leurs résultats sont sensibles aux erreurs et imprécisions du MNT utilisé (Donnay, 1992). Ajoutons que selon le nombre de points d’observation, et la combinaison de leurs zones de visibilité et d’invisibilité respectives, des analyses plus sophistiquées peuvent également être mises en œuvre (Gillings et Wheatley, 2020).
6La mise en évidence des propriétés visuelles d’un site permet d’en inférer des observations complémentaires particulièrement utiles. Il permet de visualiser et comprendre d’où le site est vu et ce qu’il voit, mais également d’où il n’est pas vu et ce qu’il ne voit pas (Gillings et Wheatley, 2020, p. 313). Pour l’archéologue, l’étape suivante est de nature tout à la fois documentaire et exploratoire. Elle consiste à définir ce qui compose les zones visibles en termes d’objets naturels et culturels. Enfin, une phase d’interprétation vient tenter de donner sens à ces observations. Sans entrer dans le détail, mentionnons qu’en fonction des propriétés visuelles observées, les interprétations les plus souvent mobilisées sont de l’ordre de l’appropriation du territoire (place de surveillance), de l’ordre de la protection du territoire (réseau de défense, place de commandement visuel), de l’ordre de la géolocalisation (repère directionnel) voire même d’ordre politique (occupation d’une position élevée pour symboliser, asseoir et consolider un pouvoir par exemple).
II. Le site de Chèvremont
7Localisée sur la rive droite de la Vesdre, non loin de son embouchure avec l’Ourthe (Figure 1), la colline de Chèvremont constitue une éminence formant un quadrilatère trapézoïdal. Le site est plutôt escarpé sur ses flancs nord, ouest et sud. De nos jours, son sommet est occupé par une chapelle jésuite (Figure 2 – E) datant de 1688 (Holt, 1988) et une basilique néogothique (Figure 2 – D) destinée à être transformée prochainement en logements (Dubois, 2020). Fouillé au xixe siècle par A. d’Otreppe de Bouvette (d’Otreppe de Bouvette, 1852, 1862, 1863a, 1863b ; Raikem, 1862), puis pendant la Deuxième Guerre mondiale par J. Breuer (1947), et enfin durant les années soixante par J. Mertens (1965, 1966, 1967), le lieu a livré des traces archéologiques appartenant à plusieurs périodes distinctes.
Figure 1. Localisation de Chèvremont
8Malgré les trois phases d’exploration, la colline de Chèvremont demeure archéologiquement peu connue. Les fouilles sont restées cantonnées à quelques zones seulement et ont livré un mobilier assez pauvre. Outre des artefacts qui remontent au néolithique (Lequeux et Sladden, 1924 ; Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 71) et une stèle romaine dédiée à Mercure découverte au xvie siècle (Deman et Raepsaet-Charlier, 1985, p. 77‑79), les trois campagnes de fouilles des xixe et xxe siècles ont livré un mur d’enceinte fortifié (datant du viiie siècle au plus tard ?) (Figure 2 – A), un ensemble de plusieurs constructions formant peut-être un groupe abbatial et comprenant un grand bâtiment à abside datant du Haut Moyen-Âge et quelques sépultures pour la plupart sans mobilier (Figure 2 – B). Les observations ont également permis d’identifier un profond fossé, séparant la plateforme sommitale en deux parties de surface à peu près identique (Figure 2 – C). La partie orientale, la plus élevée, est celle où fut construite la basilique au xixe siècle (Figure 2 – D). C’est probablement à cet endroit que durent être implantées les constructions résidentielles et défensives évoquées dans les sources historiques.
Figure 2. Plan des vestiges archéologiques de Chèvremont d’après (Mertens, 1972, p. 123) sur lequel sont localisés les points d’observation utilisés pour les analyses de visibilité (1 à 5)
9Les sources historiques apportent un certain nombre d’informations relatives au passé de Chèvremont. Étroitement associé au domaine pipinnide de Jupille (Dierkens, 2014, p. 212 ; Werner, 1980, p. 410‑441), le site de hauteur appelé alors Novum Castellum (plus tard appelé Chèvremont) a très certainement servi, au viie siècle, de résidence à Begge (fille du maire du palais Pepin Ier) et son époux Ansegisel (Ghesquière, 1789), puis à leur fils Pepin II, lui-même maire du palais également. Ce dernier fut enterré à Chèvremont en 714 (Dierkens, 2014, p. 213‑215 ; Josse, 1988). II y aurait préalablement fondé, ou en tout cas richement doté, l’abbaye de Sainte-Marie. Il y aurait également fait construire un castellum d’où le nom primitif du site qui n’aurait pris le nom de Chèvremont qu’à la fin du ixe siècle (Dierkens, 2014, p. 214 ; Werner, 1980, p. 426). Si l’édifice construit fut qualifié de Novum, c’est qu’il en existait un autre, plus ancien qu’A. Dierkens notamment a proposé d’identifier avec Jupille (Dierkens, 2014, p. 214).
10En 741, c’est probablement à Chèvremont que Carloman fit enfermer son demi-frère Griffo après la mort de leur père Charles Martel (Dierkens, 2014, p. 213‑214). Dans les années qui suivirent, la citadelle fut transmise aux descendants de Carloman dont Pepin III et Charlemagne. Durant le ixe siècle, Chèvremont servit de refuge durant les raids normands, notamment aux moines de Stavelot. La place forte fut finalement détruite à la toute fin du xe siècle, sous l’épiscopat de Notger (Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 86‑87) et ne fut jamais reconstruite.
11Plusieurs auteurs décrivant le site font référence à ses grandes propriétés de visibilité. A. Hoffsummer Bosson par exemple renseigne des zones de visibilité importante vers la vallée de la Vesdre (Hoffsummer-Bosson, 1988a, 1988b), A. Dierkens vante « une vue sur la vallée de la Meuse et surtout sur Liège » (Dierkens, 2014, p. 213‑214). G. Coura et J.-M. Léotard quant à eux soulignent l’application militaire de cette visibilité. Ils expliquent que la position stratégique de Chèvremont s’est avérée utile à plusieurs reprises au cours des ixe et xe siècles mais a finalement constitué un danger non négligeable pour Liège (Coura et Léotard, 2007). Il faut à ce sujet se souvenir que l’une des premières tâches de l’évêque Notger, nommé par l’empereur à Liège le 14 avril 972, a été d’unir le monastère de Chèvremont au monastère de Sainte-Marie à Aix-la-Chapelle. Une quinzaine d’années plus tard (987), il occupa et détruisit la place forte de Chèvremont (Kupper, 2013, p. 12, 1988, p. 33‑39).
12Eut égard à ces faits, il nous a semblé pertinent d’entreprendre une analyse de visibilité afin de préciser la relation visuelle existant entre plusieurs points du sommet de la colline de Chèvremont et les environs compris dans un rayon de 20 km. Pour ce faire nous avons sélectionné cinq points d’observation (Figure 2, nos1 à 5). Le premier de ces points (Figure 2, n°1) se situe à l’angle sud-ouest de l’enceinte, là où l’enceinte forme une tour trapézoïdale autour de la sixième station du chemin de croix (Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 75). Le deuxième point (Figure 2, n°2) est localisé à l’endroit où un bâtiment accolé à ce que l’on imagine être le cloître forme une loggia (Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 75). Le troisième point est localisé dans le jardin du cloître de la basilique actuelle (Figure 2, n°3). Il s’agit peut-être du lieu où fut installé le réduit défensif carolingien cité par les sources (Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 83). Afin de nous assurer de l’altitude originale de ce point, qui aurait pu être modifiée durant les travaux de la construction de la basilique, nous avons utilisé un point de contrôle (Figure 2, n°5) à partir duquel nous avons effectué les mêmes analyses que celles appliquées au point 3, ce qui nous a permis de valider les résultats obtenus. Enfin, un dernier point (Figure 2, n°4) a été placé quelques mètres au sud de l’angle nord-est du complexe dégagé par J. Mertens et où pourrait être localisée la résidence primitive mentionnée dans la vie de Sainte Begge (Hoffsummer-Bosson, 1988b, p. 75‑79 ; Mertens, 1972).
III. Les analyses de visibilité du site de Chèvremont
13Pour mener ces analyses, nous avons utilisé comme données altimétriques les pavés extraits du Modèle Numérique de Terrain (MNT) de la Wallonie (SPW, 2014). Ce MNT est une représentation de l’altitude du sol en tout point du territoire wallon qui exclut tous les éléments situés à la surface. L’acquisition des données a été réalisée au moyen de la technologie LiDAR. L’acquisition, faite entre 2012 et 2014, propose un produit d’une résolution d’un mètre. Nous avons ensuite fusionné les différents pavés constitutifs en un seul MNT couvrant la zone d’intérêt.
14Pour pouvoir entreprendre les analyses de visibilité dans un temps raisonnable et pour éviter un surcroît de détails peut-être inutiles, nous avons dû rééchantillonner ce fichier global pour l’alléger et réduire la résolution à 5 m. D’un autre côté, nous avons engendré à partir du fichier global non rééchantillonné une image d’estompage qui nous a servi de fond de carte illustratif (Figure 3). Pour représenter la localisation des zones visibles révélées par les analyses, nous avons utilisé le fond de carte topographique publiée en ligne par la société ESRI (2017), ainsi que la carte du réseau hydrographique (SPW, 2018). Celle-ci donne une visualisation simplifiée des couches de données constitutives de la série du réseau hydrographique wallon (RHW).
Figure 3. Localisation des points d’observation sur le fichier d’estompage du relief
15Chacun des cinq points d’observation a fait l’objet de deux analyses, l’une supposant que l’observateur se tenait à 2 m de haut et l’autre en le supposant situé à 4 m de haut. Le choix d’un observateur posté à 2 m de haut vise à rendre compte de la situation d’un cavalier posé sur un (petit) cheval, ou d’un adulte installé sur un petit piédestal (comme un tronc d’arbre par exemple). L’hypothèse à 4 m de haut voulait avant tout permettre de simuler la vue depuis un bâtiment d’une certaine hauteur et surtout de comparer la visibilité par rapport à un poste placé 2 m plus bas. Les analyses ont été lancées à une distance de 20 km à la ronde. Nous avons utilisé les logiciels ArcMap et ArcGisPro (ESRI, 2019).
16Disons-le derechef, les résultats des analyses entreprises à 4 m de hauteur n’ont révélé qu’une très faible différence par rapport à ceux des observateurs à 2 m. Nous avons donc conservé ces dernières uniquement pour effectuer nos comparaisons. Les analyses de visibilités des quatre points à 2 m de haut montrent que, de manière générale, la visibilité de tous les points est extrêmement bonne en direction du nord-ouest, et quasiment nulle dans le demi-cercle oriental de la zone examinée.
17Selon les points, le rayon de visibilité est plus ou moins large. Le point d’observation 1 (la tour sud – ouest de l’enceinte) (Figure 4, n°1) offre une visibilité très ciblée sur la vallée de la Vesdre et la confluence de l’Ourthe avec la Meuse. Les points d’observation 2 (la loggia présumée) et 4 (à l’arrière de l’éventuel contexte abbatial) (Figure 4, nos2 et 4) génèrent une visibilité plus large que la précédente. Relevons que ces trois points n’ont aucune visibilité vers le nord-est, qui est pourtant la seule possibilité d’accès au plateau. Le point produisant la plus grande zone visible est le point situé dans le cloître actuel (Figure 4, n°3). S’il n’a qu’une assez mauvaise visibilité de la vallée proche, il offre par contre une meilleure visibilité vers le nord-est.
Figure 4. Les zones visibles à partir des quatre points d’observation (avec un observateur à 2 m de haut)
18C’est en effet depuis le point d’observation 3 que l’on voit le plus loin, toutes directions confondues (Figure 5). La visibilité s’étend au-delà du parc industriel des Hauts-Sarts de Herstal, jusque dans les communes de Juprelle et Oupeye. Par rapport aux autres points d’observation, on peut également distinguer toute une zone localisée au sud de l’actuel aéroport de Bierset, ainsi qu’une zone située dans le bois de Colonster. De plus, ce point d’observation offre une courte visibilité vers le nord-est. Certes il ne s’agit que de quelques centaines de mètres, mais ils sont suffisants pour surveiller l’accès au site. Par contre, ce point d’observation n’a pas de visibilité vers la vallée de la Vesdre située juste en aval de la colline de Chèvremont, contrairement aux points 1, 2 et 4.
19Pour tous les points examinés, à l’exception du poste 1 qui a une ouverture plus réduite, la visibilité sur la confluence de l’Ourthe et de la Meuse est particulièrement remarquable. Dans l’actuelle ville de Liège, le quartier d’Avroy est dans la zone visible. De même que la colline du Publémont, le Mont Saint-Martin, Sainte-Walburge et la Citadelle. Par contre les quartiers d’Outremeuse et de Féronstrée sont en zone invisible, cachés par la colline de la Chartreuse. C’est également le cas de l’actuelle place Saint-Lambert, invisible depuis Chèvremont.
Figure 5. La zone visible depuis le point 3, reportée sur la carte topographique
20Ces analyses démontrent également qu’en termes de visibilité, les deux niveaux du plateau sommital sont complémentaires et ont chacun un rôle à jouer : les postes d’observation proches de la vallée peuvent voir cette dernière, alors que le poste placé à l’est du plateau voit la zone étroite permettant d’y accéder. En plus d’être complémentaires, il est remarquable de constater que les points 3 et 4 sont invisibles l’un de l’autre, comme le montre leurs analyses de visibilité respectives menées ici dans un rayon de 500 m et à partir du MNT original à 1m de résolution (Figure 6). La zone verte est celle visible par le point 4, la zone rouge est visible par le point 3. Ces zones ne se recouvrent pas et n’atteignent pas le point opposé.
Figure 6. Les zones visibles depuis les points 3 (rouge) et 4 (vert) sur base du MNT à 1m de résolution, observateurs à 2 m de haut
Conclusion
21En l’absence de données archéologiques fiables, il est évidemment dangereux de se risquer à des interprétations relatives à l’usage du site. Nous nous bornerons à glisser les hypothèses suivantes et à les soumettre pour approfondissement et débats à nos collègues archéologues et historiens. Toutes périodes confondues, on peut avancer que la situation de la colline en fait un excellent poste d’observation du gibier et de ses mouvements notamment pour s’abreuver. Si la présence d’un sanctuaire antique consacré à Mercure devait être confirmée, on pourrait avancer l’hypothèse que sa présence est liée à tout un réseau de sanctuaires interconnectés visuellement, un système qui a été démontré au début des années 2000 pour des sites anglais et bourguignons et pour lesquels les auteurs se demandent s’ils ne participaient pas à une certaine forme de signalement facilitant les déplacements (Ghey, 2005, p. 115 ; Smith, 2001, p. 150). Expliquer le choix de Chèvremont comme résidence au Haut Moyen-Âge en se basant exclusivement sur ses vertus de visibilité nous semble par contre un peu aléatoire. Nous soulignerons juste que, vue d’en bas, la position est élevée, elle impressionne et semble dominer un paysage qui s’étend jusqu’à Liège.
22Pour conclure ces quelques lignes, nous espérons avoir mis en évidence et en quelque sorte objectivé les propriétés de visibilité du site de Chèvremont. Nous avons également montré que le sommet de cette colline s’articule en deux parties complémentaires l’une de l’autre en termes de visibilité. Nous avons suggéré quelques interprétations possibles. Pour clore cet article, nous souhaitons remercier Yves Cornet d’avoir initié l’un des auteurs de cet article à la télédétection, et Marc Binard pour nous avoir aidés à comprendre et maîtriser l’exploitation des données cartographiques en ligne.
Bibliographie
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42d’Otreppe de Bouvette, A. (1863a). Fouilles nouvelles à Chèvremont. Bulletin de l’Institut Archéologique Liégeois, VI, 19‑22.
43d’Otreppe de Bouvette, A. (1863b). Rapport complémentaire sur les fouilles de Chèvremont. Bulletin de l’Institut Archéologique Liégeois, VI, 75‑76.
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51Gupta, N. (2020). Preparing archaeological data for spatial analysis. In Gillings, M., Haciguzeller, P. et Lock, G. (eds.), Archaeological Spatial Analysis. Londres : Routledge, 16-39.
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About: Muriel van RUYMBEKE
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