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Évaluation des préférences visuelles des piétons pour améliorer la conception des façades du rez-de chaussée à Bejaia, Algérie
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L’une des priorités du design urbain aujourd’hui est de créer des environnements urbains esthétiques. Notre recherche traite de l’évaluation des préférences visuelles des piétons vis-à-vis des façades du rez-de-chaussée des rues, dans le contexte socio-culturel de la ville de Bejaia. À cet égard, l’approche perceptuelle, basée sur les préférences visuelles du public, a été validée comme méthode d’évaluation. Elle a révélé que les attributs physiques les plus attrayants pour les piétons sont : la transparence totale des façades, la haute perméabilité physique et la complexité élevée à modérée des façades. Aussi, la composante végétale est très attrayante, notamment les bacs à fleurs et les bancs végétalisés installés judicieusement sur le trottoir, permettant de percevoir les façades et les activités intérieures. Par conséquent, la conception des façades au rez-de-chaussée doit favoriser la connectivité entre l’espace public et les espaces intérieurs.
Abstract
One of the priorities of urban design today is to create aesthetic urban environments. Our research deals with the evaluation of pedestrians’ visual preferences towards ground floor street facades, in the socio-cultural context of the city. In this respect, the perceptual approach, based on the visual preferences of the public, was validated as an evaluation method. It revealed that the most attractive physical attributes for pedestrians are: total transparency of the facades, high physical permeability and high to moderate complexity of the facades. Also, the plant component is very attractive, including flower boxes and planted benches placed judiciously on the pavement, allowing for the perception of the facades and the interior activities. Therefore, the design of the ground floor facades should promote connectivity between the public space and the interior spaces.
Table of content
INTRODUCTION
1L’aménagement urbain et la qualité de l’espace public urbain sont devenus des facteurs cruciaux pour l’amélioration du cadre de vie (Liu et al., 2019). La littérature récente a montré que les villes qui ont une vie sociale et économique vitale et dynamique, sont aussi celles qui ont des espaces publics de bonne qualité et bien entretenus (Carmona et al., 2003). En tant que composante microscopique de l’environnement bâti, la rue présente l’unité de vie urbaine par excellence, c’est un espace qui allie circulation, communication et esthétique. Il a été démontré, dans des recherches antérieures (Gehl, 2010 ; Liu et al., 2019) qu’une rue réussie contribue à la création d’une ville conviviale et d’une vie publique dynamique. En outre, un environnement de rue confortable peut accroître les activités pédestres et améliorer la santé de la population (Ewing et Handy, 2009 ; Ewing et al., 2015).
2Ainsi, l’un des facteurs influençant la promotion de la marche et de l’activité dans la rue est la perception qu’a l’usager de cet espace urbain. Les considérations centrées sur l’humain occupent donc une place importante dans la planification, l’urbanisme et le design urbain (urbanisme participatif, participation citoyenne, etc.), permettant aux usagers d’être impliqués dans le processus de conception, de construction et de gestion des espaces publics.
3Le piéton est en interaction permanente avec son environnement (Huguenin-Richard et Cloutier, 2021), il interagit avec lui via les sens. Son expérience urbaine est donc multi-sensorielle, ce qui laisse en lui une appréciation positive ou négative de l’espace. Cependant, la perception visuelle reste la plus influente (Carmona et al., 2003). Kettaf (2013) évoque à ce propos : « L’expérience cinesthésique du mouvement à travers l’espace est une partie importante de la dimension visuelle du paysage. En effet, le paysage urbain de la ville établit le privilège de la vue sur les autres sens ».
4De toutes les composantes du paysage urbain (sol, ciel, personnes, autres objets adjacents,…), les façades1 du rez-de-chaussée forment l’élément le plus important des rues en termes d’expérience sensorielle (Gehl et al., 2006 ; Glaser et al., 2012 ; Heffernan et al., 2014 ; Kickert, 2016 ; Simpson et al., 2018, 2019). Elles constituent l’élément le plus attirant visuellement des piétons qui y marchent (Simpson et al., 2018). Ainsi, Gehl et al. (2006) expliquent qu’en raison de son champ de vision limité, le piéton perçoit uniquement le RDC des bâtiments et ne peut voir les détails des étages supérieurs. Il est question d’échelle et de distance de perception visuelle. On l’appelle, dans la littérature en design urbain, « la ville à hauteur du regard », « socle urbain », « rez-de-chaussée de la ville » ou encore plinths2.
5En dépit de la pluralité des approches et des appellations, tous s’accordent à dire que les plinths présentent un élément à la fois urbain et architectural qui revêt plusieurs qualités et apports à la ville en général et au piéton en particulier. Seule partie exposée à la vue, la façade transmet -et est conçue pour transmettre- l’identité et le caractère du bâtiment (Carmona et al., 2003). Dans ce sens, Masboundji (2013) évoque : « Les rez-de-chaussée fondent la qualité, l’identité toujours unique et la valeur d’usage de chaque ville. Point de rencontre entre espace public et bâti, c’est sur ce lieu d’imbrication, ce niveau zéro, ces «plinths» que se joue la capacité à «faire ville», en favorisant urbanité et multiplicité d’usage ». Jean-Marc Michel3, (2013) aborde l’enjeu de dessiner la ville à partir de son RDC : « C’est l’élément qui est en mesure d’établir des complicités avec l’espace public. Auquel ils offrent la vue, la sécurité et la vitalité. Et c’est par eux que la rue s’enrichit et s’anime ».
6Lorsque les bords sont attirants et stimulants, ils encouragent les gens à s’attarder dans la rue et à pratiquer une activité stationnaire ou de la marche (Gehl et al., 2006 ; Glaser et al., 2012 ; Thwaites et al., 2013 ; Heffernan et al., 2014 ; Kickert, 2016 ; Hassan et al., 2019 ; Al Mushayt et al., 2021). La qualité des façades du RDC influe sur la qualité des circuits piétonniers et sur le plaisir de marcher, où le marcheur a tout son temps pour observer (Gehl, 2010).
7Bien que les recherches, qui expérimentent l’influence de la conception des façades des rues sur l’expérience visuelle des piétons, sont considérables (Gehl 2010 ; Glaser et al., 2012 ; Ewing et Clemente, 2013 ; Mehta, 2014 ; Thwaites et al., 2013, Hassan, 2019 ; Simpson, 2018, 2019, 2022 ; Al Mushayt et al., 2021), il existe peu de preuves empiriques sur les caractéristiques physiques de conception des façades les plus attrayantes du point de vue de l’expérience visuelle des piétons. De plus, ces recherches sont effectuées dans des villes avec des référents socio-culturels différents. La culture locale est si importante dans l’étude de la vie dans la rue (Rappoport, 1990). Ainsi, se justifie la nécessité d’élaborer cette recherche dans le contexte cultuel spécifique de la ville de Bejaia.
8Il est important de souligner, qu’en Algérie, la tendance actuelle vers la promotion de la marche à pied n’est qu’un renouveau d’une tradition vernaculaire locale. Les villes maghrébines étaient construites à l’échelle du piéton, avec un rayon de marche ne dépassant pas les 500 m. Aussi, la vie en extérieur et la notion du « dehors » occupait une place importante dans les modes d’habiter des populations algériennes, notamment dans les villes du nord méditerranéen. Ce climat modéré favorise les activités en extérieur ; les enfants jouaient dehors, les hommes y travaillaient, et les femmes -pour des raisons d’intimité- investissaient les cours et patios intérieurs. Hormis cet attachement à l’espace public (extérieur), la vie urbaine, résidait dans les rues peuplées d’artisans, d’artistes, et de petits commerçants.
9De ce fait, la ville de Bejaia a enregistré, ces dernières années, une extension urbaine importante, avec la construction de rues et boulevards diversifiés tant sur le plan formel que fonctionnel. Néanmoins, les espaces piétons tendent à disparaître, dans un bon nombre de rues, au profit d’espaces réservés à la voiture. De plus, la conception des rues est régie par des instruments d’urbanisme (PDAU et POS) qui se soucient de répondre à des exigences purement fonctionnelles (mobilité piétonne et mécanique). L’aspect visuel et esthétique est souvent délaissé, ce qui laisse libre choix aux acquéreurs des locaux commerciaux d’aménager les façades du RDC selon la propre préférence de chacun, sans qu’il y ait une réelle cohérence entre les différents designs. Ces façades constituent les parois de l’espace public, appartenant aux yeux de tous les piétons, qui ont des préférences et des perceptions à considérer lors de la conception de ces parois.
10Dans le même ordre d’idées, et dans le contexte de la ville de Bejaia, cette recherche s’interroge sur les attributs physiques des façades du RDC les plus attrayants aux yeux des piétons, qui s’y engagent visuellement. Façades attrayantes ou façades répulsives ? Quelles sont les caractéristiques physiques qui y contribuent ?
11Parmi les attributs physiques des espaces publics réussis, issus de la littérature scientifique en design urbain, on estime que les plus attractifs visuellement, sont ceux qui permettent de renforcer le lien entre les deux catégories d’espaces : l’espace public extérieur et l’intérieur, à savoir la perméabilité (physique et visuelle), ainsi que la complexité, c’est-à-dire la richesse des éléments qui composent les façades. Afin de vérifier cette hypothèse, nous présentons d’abord dans la partie I, un cadrage théorique de ce qu’est la ville à hauteur du regard et des approches méthodologiques y afférentes. Nous expliquons par la suite, la démarche méthodologique validée pour l’évaluation. La construction du protocole de l’enquête est ensuite développé dans la partie II, pour finir (partie III) avec les résultats, discutions et conclusion.
I. CONCEPTS ET CADRAGE THÉORIQUE
A. Vivre l’expérience des «plinths» à hauteur du regard
12Gehl (2010) précise que la qualité de l’espace urbain -à hauteur du regard- devrait faire partie des droits fondamentaux de tout citadin, dans tout quartier d’une ville. Ainsi, les éléments clés qui délimitent l’espace public visuellement c’est les façades des bâtiments, elles contribuent largement à la façon dont un lieu est perçu par le piéton. En revanche, les capacités restreintes du champ de vison de l’être humain font qu’il perçoit le RDC de plus près et y vit l’expérience sensorielle intensément, en comparaison avec les étages supérieurs, qui ne font pas partie de son champ de vision immédiat, la perception qu’il en a est pauvre en détails et en intensité (Gehl, 2010). Les atouts des façades du RDC ont été prouvés dans maintes recherches scientifiques (Effernan et al., 2014, Kikert, 2016, Hassan et al., 2018, Simpson et al., 2018, 2019, 2022), leur caractère intermédiaire entre l’échelle architecturale et urbaine leur confère des qualités indéniables.
13D’une part, les façades présentent un excellent élément d’ancrage pour les piétons. Cullen (1971) a observé qu’un objet fixe agit comme un aimant sur les objets mobiles: l’objet le plus mobile en ville est l’être humain. Ce dernier a besoin d’un élément d’appui dans ses diverses activités de plein air. Ainsi, la tendance des gens à se tenir près des murs s’observe dans l’espace public comme dans les lieux privés, à l’extérieur comme à l’intérieur. On pourrait dire que la vie part des bords pour s’étendre vers le centre (Gehl, 2010).
14D’autre part, les plinths peuvent offrir des possibilités d’interaction et d’activité ou, à l’opposé, demeurer une surface vierge qui entrave l’activité (Carmona et al., 2003). Ceci renvoie au concept de « façade active/passive », qui a été largement étudié dans la littérature en design urbain. Il s’est essentiellement développé grâce aux travaux de Jan Gehl au cours des dernières décennies, mais trouve ses racines dans les travaux de Jacobs (1961) et de Newman (1973). Ce statut de RDC actif renvoie à l’animation que les façades procurent à la rue et l’espace public qu’elle délimite. Gehl (2006) précise qu’il existe un lien direct entre les façades actives et les villes animées, il a établi une classification du degré d’activité des façades, sur une échelle à cinq grades (A jusqu’ à E) : «A» étant la façade la plus active, «E» étant la façade la moins active (pratiquement vierge). Le degré d’activité des façades est ensuite comparé au nombre de piétons dans la rue et leurs activités, afin de générer des orientations de conception des façades et des espaces publics y attenants. Cette méthode appliquée sur les rues commerçantes de Copenhague, a relevé que le niveau d’activité est sept fois plus élevé devant les façades actives que devant les façades passives (Gehl, 2003). De son coté, Kikert (2016) indique qu’il existe une relation ouverte et interactive entre les bâtiments et l’espace public au RDC, c’est un facteur crucial pour rendre les environnements urbains praticables à pied, du point de vue fonctionnel (en offrant des destinations où marcher), de la sécurité (en exprimant l’ouverture et l’hospitalité) et de la qualité expérientielle (en offrant une complexité sensorielle).
15Bien que les approches étudiant l’influence du design des façades sur l’animation urbaine sont variées, les chercheur s’accordent à dire qu’il existe un certain nombre d’attributs capables de générer plus d’activité sociale et piétonne. On peut les résumer en ces paramètres : l’articulation architecturale (Texture, taille, couleur et forme de la façade) (Dovey et Wood, 2015 ; Mehta, 2007 ; Ewing et Handy, 2009), le rythme et l’échelle (Ewing et Handy, 2009 ; Gehl, 2005 ; Davies, 2007), la perméabilité physique (Mehta, 2007), la transparence (Mehta, 2009 ; Lopez 2003 ; Dovey et Wood, 2015 ; Ewing et Handy, 2009), la personnalisation (Mehta, 2006, 2007), l’enceinte (enclosure) (Gehl, 2013 ; Mehta, 2006 ; Ewing et Handy, 2009) et la répartition spatiale des fonctions (Jacob, 1961 ; Mehta, 2006).
B. La perception visuelle, approches et méthodes d’évaluation
16L’expérimentation de la perception des piétons des qualités des façades, est souvent basée sur des techniques d’observation et d’enquête in-situ (Gehl et Svarre, 2013 ; Heffernan et al., 2014). Les questionnaires sur terrain nécessitent l’expression des expériences qui sont souvent difficiles à décrire (Tuan, 1977). Les observations ne rendent généralement compte que des interactions visibles entre l’homme et l’environnement, ce qui peut entraîner un biais de l’observateur (Kusenbach, 2003). De plus, ces techniques offrent peu de possibilités de tester systématiquement les caractéristiques de l’environnement bâti. Cela limite la possibilité de guider de manière efficace, la prise de décision en matière de design urbain. C’est pourquoi, nous avons opté pour une approche perceptive, basée sur les préférences visuelles du public, les données sont fiables et découlent des préférences déclarées des usagers.
17Une enquête des préférences visuelles, est une méthode permettant de recueillir les réactions du public sur les choix de conception (Al-Kodmany, 2002). Elle se base sur la collecte de données a priori subjectives, puis interprétées en données objectives. C’est un outil de prise de décision et de planification participative (Nellessen, 1994). La méthode trouve son origine dans l’ouvrage de Kevin Lynch intitulé « The Image of the City », publié en 1960 (Obaleye et al., 2021), où l’auteur aborde la perception de l’espace urbain dans trois villes américaines, avec une approche basée sur la production d’images mentales. De la sorte, la plupart des enquêtes sur les préférences visuelles suivent un protocole mis au point par l’urbaniste Anton Nelessen. L’approche consiste en la présentation d’images de paysages urbains à évaluer sur une échelle numérique (Ewing et al., 2005).
18Ainsi, la photographie est un support incontournable dans l’étude de la perception du paysage en sciences sociales (Perichon, 2018). Pareillement en design urbain, des recherches antérieures (Groat, 1988 ; Nasar, 1998 ; Stamps, 2000, Gerde, 2010 ; Lesan et Gerde, 2020, 2021) ont trouvé une corrélation positive entre les préférences exprimées en réponse à des images photographiques bidimensionnelles, et les préférences exprimées par les personnes qui visitent ou vivent dans l’espace représentant les mêmes scènes. Ainsi, Nasar et Kang (1999) ont présenté des images photographiques à différents groupes d’étudiants pour évaluer leurs préférences pour des styles architecturaux. Gerde (2015) a utilisé ce protocole en Nouvelle-Zélande, afin d’évaluer les préférences visuelles des piétons de scènes de façades urbaines simulées, dans l’objectif de tester l’effet des caractéristiques des façades urbaines sur le jugement esthétique des usagers.
19Dans des recherches plus récentes, la méthode est parfois associée à des appareils de suivi oculaire mobile ou d’oculométrie4. Telle que l’étude réalisée par Simpson et al. (2018, 2019), où ils ont évalué le degré d’engagement visuel des piétons avec les bords de six rues dans la zone urbaine de Sheffield, au Royaume-Uni. Al Mushayt (2021) a utilisé la même technique pour évaluer les relations potentielles entre les variations des configurations physiques qui influent sur la perception visuelle des piétons au niveau du RDC d’une rue au centre-ville de Lisbonne « Avenida da República ».
20Dans la présente recherche, nous avons adopté un protocole, qui consiste à étudier les préférences visuelles des piétons quant aux caractéristiques physiques des façades de deux rues principales à Bejaia : la rue de la Liberté et la rue des Aurès (Figure 1). Une enquête en ligne a été effectuée sur la base d’images réelles et simulées. La simulation des scènes permet de varier les attributs physiques des façades, et proposer de nouvelles configurations spatiales. Bien que l’enquête en ligne soit notre principale source de collecte de données, elle a été précédée par des observations in-situ et d’une pré-enquête sur le terrain. Ce qui nous a guidés dans les choix des tronçons de rues à étudier et des attributs physiques à évaluer dans l’enquête.
Figure 1. Situation des tronçons de façades soumises à l’enquête. Source : Plan des rues Bejaia, Institut National de Cartographie 1993. Réadaptée par les auteurs, 2022
II. CONSTRUCTION DU PROTOCOLE DE RECHERCHE
21Cette section présente la méthodologie utilisée pour l’évaluation de la perception visuelle des piétons, vis-à-vis des façades du RDC à Bejaia. Elle relate toutes les étapes de la recherche : l’étude préliminaire, le contexte géographique des rues étudiées ainsi que le processus de l’enquête.
A. Pré-enquête
22Cette phase est préparatoire à l’enquête, elle a pour objectif, la sélection des tronçons des façades à expérimenter. Elle consiste en l’observation en marchant dans les rues principales de la ville de Bejaia. La marche lente ; nous a permis de sélectionner des piétons aléatoirement, afin de les questionner sur les parties de rues les plus appréciées visuellement. L’observation a duré deux semaines, du 6 décembre 2021 au 19 décembre 2021. Ensuite, nous avons procédé à l’évaluation du degré d’activité des tronçons présélectionnés, suivant l’échelle de Gehl (abordée dans la section précédente). Finalement, les façades les plus actives sont désignées pour l’enquête des préférences visuelles.
B. Site d’investigation : Rue de la Liberté et Rue des Aurès à Bejaia
23La ville de Bejaia est située sur la rive sud de la mer Méditerranée, d’appellation locale «Bgayet», elle s’étend sur le centre de la bande littorale de l’Afrique du Nord. Bejaia témoigne du passage de plusieurs civilisations : les Phéniciens, les Vandales, les Byzantins, les Romains, les Hammadites, les Espagnols, les Turcs et les Français (Bouaifel et Madani, 2021). Les tronçons des façades les plus actives sont situés sur deux axes majeurs de la ville : la rue de la Liberté et la rue des Aurès (Figure 1).
24Ces rues sont érigées dans le cadre de l’extension urbaine postindépendance. Avec des largeurs relativement invariables de 30 m (rue des Aurès) et de 21 m (rue de la Liberté) (Figures 2 et 3), elles sont caractérisées par une forte animation piétonne, et bénéficient de parois abritant essentiellement des commerces au RDC. Par ailleurs, nous avons constaté que, malgré les mutations récurrentes dans les fonctions des locaux commerciaux, les caractéristiques conceptuelles des façades restent l’élément le plus permanent. La richesse visuelle et la variation du traitement des façades au RDC soumis à enquête, a permis d’explorer une large gamme d’attributs physiques.
Figure 2. Rue de la Liberté-Bejaia. Source : Google Earth Pro. Réadaptée par les auteurs, 2022
Figure 3. Rue des Aurès-Bejaia. Source : Google Earth Pro. Réadaptée par les auteurs, 2022
C. Évaluation des préférences visuelles
1. Attributs physiques de l’enquête
25Afin de s’inscrire dans la continuité des recherches précédentes traitant des caractéristiques conceptuelles des socles urbains, et dans le respect du contexte local et de la problématique de recherche, nous avons relevé les attributs physiques suivants :
a. Complexité visuelle
26Amos Rapoport (1990) définit la complexité comme étant le nombre de différences perceptibles auxquelles un téléspectateur est exposé par unité de temps. Elle résulte de la diversité des formes, des dimensions, des matériaux, des couleurs, de l’architecture et de l’ornementation des bâtiments (Ewing et Handy, 2009). Dans la présente recherche, la complexité des façades est évaluée, en mettant en avant le nombre de détails des façades et le rythme.
b. Perméabilité physique et visuelle
27Le RDC est défini comme un élément spatial caractérisé par différents degrés de perméabilité physique et visuelle (Dovey et Wood, 2015). La perméabilité physique fait référence à la capacité de l’interface de la rue à offrir aux piétons l’accès physiquement au RDC du bâtiment (Al Mushayt et al., 2021). Nous avons mesuré le degré de perméabilité des façades par la facilité/ou non d’accessibilité aux espaces intérieures (présence ou absence des escaliers) et le degré de liaison entre l’intérieur et l’extérieur (façade amovible, façade fermée). La perméabilité visuelle (transparence) est le degré auquel les piétons peuvent voir, depuis la rue, l’activité humaine au-delà de la façade architecturale (Ewing et Handy, 2009). Elle contribue à créer ou à entretenir l’activité piétonne, par un échange visuel intérieur/extérieur (Gehl et al., 2006). Dans cette recherche, nous avons varié le degré de transparence des façades pour évaluer les perceptions visuelles qui en découlent.
c. Attributs de commodité
28Il s’agit des éléments qui contribuent au confort des piétons, tels que le mobilier urbain de repos et la présence d’abris contre les aléas du climat. Nous avons sélectionné pour cette recherche, des bancs publics et la végétation. Whyte (1980) trouve que la présence de places assises est une variable significative pour l’activité des piétons. L’objectif est de relever le type et l’emplacement des bancs publics et de la végétation les plus attractifs aux yeux des piétons.
d. Personnalisation
29C’est le degré auquel une rue semble être modifiée et revendiquée par les résidents ou les commerçants (Mehta, 2007). Cela s’observe dans la présence d’éléments décoratifs, de signalisation, la modification des couleurs des façades, ou de la configuration initiale. De ce fait, et en combinaison avec les résultats de l’observation et de la pré-enquête ; le prolongement de l’activité commerciale sur le trottoir est validé, dans cette recherche, comme attribut de mesure de la personnalisation.
2. Enquête des préférences visuelles
30L’enquête des préférences visuelles est assurée par un questionnaire numérique en ligne. Ce qui a permis d’approcher un plus grand nombre de participants en un temps réduit. À cet effet, 112 personnes ont participé à l’enquête, avec une population variée et représentative du contexte local, 60 % de femmes et 40 % d’hommes.
31La première étape de la construction du questionnaire, consiste en la création des stimuli visuels, par la prise de photos des façades sélectionnées pour l’étude. Les images sont ensuite triées pour choisir les plus représentatives des attributs physiques désignés. Pour la fiabilité des résultats, les photographies sont prises dans des conditions similaires : pendant la matinée (entre 9h et 12h) en temps clair. La distance de prise est fixe et correspond à la position du piéton qui s’engage visuellement de face, avec les façades.
32La deuxième étape consiste en la simulation par ordinateur d’une série d’images, afin de varier les choix de conception des façades, geler des paramètres et mettre en avant l’attribut voulu. Le fait de charger le regard des questionnés par une multitude de stimuli pourrait compromettre la fiabilité des résultats. Chaque scène comprend deux à quatre images, illustrant de manière claire l’attribut à mesurer.
33Ainsi, les personnes interrogées étaient invitées à évaluer chaque scène sur une échelle de type Likert à cinq niveaux (1 = Pas du tout attrayant et 5 = très attrayant). De plus, les participants ont été invités à répondre à des questions ouvertes et des questions à choix multiples. Le taux moyen des préférences a été utilisé pour l’interprétation et la discussion des résultats.
3. Codage des scènes et système d’évaluation
34Notons qu’avant d’entamer l’enquête, et pour faciliter le traitement des résultats, nous avons attribué une valeur pour des attributs quantifiables (complexité, perméabilité physique et transparence). Ensuite, ces scores sont croisés et comparés avec les scores moyens des préférences visuelles des piétons. Le système de notation est basé sur les recherches antérieures dans la littérature scientifique en design urbain.
35Concernant la complexité visuelle, on a attribué pour chaque scène un niveau de complexité allant de 1 à 5 (5 étant la façade la plus complexe et 1 correspond à la façade la moins complexe) (Tableau 1).
Tableau 1. Système de codage des scènes de la complexité. Source : Auteurs, 2022
36La codification de la perméabilité physique s’est effectuée grâce à une échelle d’évaluation allant de 1 à 5 (5 étant la façade la plus perméable et 1 correspond à la façade la moins perméable) (Tableau 2). Pour ce qui est de la transparence, des pourcentages sont attribués à chaque scène (de 0 % pour la façade opaque à 100 % pour la façade entièrement transparente). Les entrées des commerces ne sont pas comptabilisées dans le calcul du degré de transparence. La scène originale correspond aux façades transparentes à 100 %, toutes les autres scènes sont simulées (Tableau 3).
Tableau 2. L’une des marques de personnalisation : prolongement de l’activité commerciale sur le trottoir. Source : Auteurs, 2022
Tableau 3. Système de codage des scènes de la transparence. Source : Auteurs, 2022
37Quant à la codification des scènes se rapportant au mobilier urbain de repos et à la végétation, elle s’est effectuée selon leur emplacement dans les trois zones d’activité de l’espace piéton (trottoir), en référence à la classification donnée par Mehta (2006) (Figure 4) comme suit (Tableaux 4 et 5) :
38• Dans la zone 3 du trottoir, de face par rapport aux façades, de manière à favoriser le contact visuel direct avec les façades ;
39• Dans la zone 3 du trottoir, parallèles aux mouvements des piétons ;
40• Dans la zone 1, accolés aux façades.
Figure 4. Axonométrie des trois zones d’activité de l’espace piéton (trottoir). Source: Mehta, 2006
Tableau 4. Disposition et type de végétation. Source : Auteurs, 2022
Tableau 5. Disposition et type de mobilier urbain de repos. Source : Auteurs, 2022
41En ce qui concerne la personnalisation, des scènes qui illustrent un prolongement de l’activité commerciale sur le trottoir ont été croisées avec celles où l’activité se déroule à l’intérieur des espaces (Tableau 6). Deux catégories d’activités ont été choisies : l’une concerne la consommation en extérieur, sur le trottoir avec des espaces offrant des places assises, et l’autre concerne la vente de produits alimentaires.
Tableau 6. L’une des marques de personnalisation : prolongement de l’activité commerciale sur le trottoir. Source : Auteurs, 2022
III. TRAITEMENT ET DISCUSSION DES RÉSULTATS
42D’une part, les résultats de l’enquête confirment ceux des recherches antérieures (Lopez, 2003 ; Ghel et al., 2006 ; Ewing, 2006 ; Effernant et al., 2014 ; Kikert, 2016 ; Simpson, 2018 ; Zhang et al., 2020) sur l’influence effective des attributs physiques des façades et de l’aménagement des espaces y attenants (trottoir) sur les préférences des piétons. Ce qui se répercute sur le degré d’animation et de vitalité des rues.
43D’autre part, l’enquête auprès des piétons de la ville de Bejaia, a révélé que les attributs les plus influents sur les préférences visuelles, sont la transparence totale des façades, la haute perméabilité physique et la complexité élevée à modérée des façades. Aussi, les piétons préfèrent les bancs végétalisés et les bacs à fleurs disposés sur le trottoir qui offrent la possibilité de percevoir les façades et les activités intérieures. Nous développons, dans cette partie, l’analyse et la discussion des résultats.
A. Complexité visuelle/rythme
44Les résultats concordent avec les études antérieures (Hussein 2020 ; Junwei et Liang, 2016 ; Stamps, 2004) et confirment que la complexité visuelle des façades des bâtiments affecte de manière significative les réactions visuelles des personnes et leurs préférences.
45D’une part, les piétons sont attirés par les niveaux élevés à modérés de complexité : 65 % des répondants indiquent qu’ils préfèrent la richesse des détails des façades et que ça les incite à découvrir l’intérieur des commerces, d’autres indiquent que ça les apaise et c’est plus confortable au regard : «ça m’apaise et c’est confortable à regarder» (Figure 5). Les détails des façades sont des stimuli visuels qui invitent les piétons à plus d’engagement visuel, afin de vivre une expérience sensorielle agréable. Aussi, les détails à observer font que les piétons ralentissent pour mieux les apprécier, c’est étroitement lié à l’échelle, la vitesse de déplacement et de perception visuelle. Rapoport et Hawkes (1970) ont comparé les exigences de complexité des piétons et des automobilistes : les piétons qui se déplacent à 4,8 km/h ont besoin d’un niveau élevé de complexité pour maintenir leur intérêt, quant aux automobilistes, en roulant à 96,5 km/h, ils trouveront le même environnement trop complexe et chaotique.
Figure 5. Valeurs moyennes des préférences visuelles de la complexité. Source : Auteurs, 2022
46D’autre part, les scènes de façades complexes ayant un rythme régulier créé par les arcades des galeries couvertes, ont obtenus le meilleur score moyen (3,26) (Figure 5). Ce qu’on pourrait expliquer par l’ordre et la cohérence que revêt cette catégorie de façades. Cela correspond à la psychologie de la gestalt qui nous aide à comprendre le besoin inné de l’homme à résoudre les stimuli visuels en motifs ordonnés. C’est la théorie de la forme qui stipule que la perception d’un objet passe d’abord par une vue d’ensemble, et non par la somme des détails. Jean-François Dortier (2012) l’explique : « Le tout est supérieur à la somme des parties…l’ensemble prime sur les éléments qui le composent ». Le rythme des arcades est l’un des attributs matériels qui renforce la perception de l’ordre.
47De ce fait, les éléments de l’environnement urbain, bien que nombreux et variés, peuvent être trop désordonnés pour être compris (Ewing et Handy, 2009). L’ordre et l’intérêt visuel qui tendent vers l’ambiguïté et la complexité sont les facteurs formels les plus influents sur la perception visuelle et le jugement esthétique (Rappoport et Kantor, 1976 ; Nazar, 1994).
48Ainsi, la conception des façades ayant une complexité relativement modérée est souhaitable. Rapoport (1990) affirme que trop peu d’informations produit une privation sensorielle, et trop d’information crée une surcharge sensorielle. Les niveaux de stimulation modérée génèrent une expérience esthétique positive (Nazar, 1994).
B. Perméabilité
1. Perméabilité physique
49La tendance globale des résultats indique une corrélation positive entre les niveaux de perméabilité et les scores moyens des préférences visuelles. Plus les façades sont perméables plus elles sont attrayantes pour les piétons. Néanmoins, on constate que les entrées surélevées au RDC, et la présence des escaliers constituent un indice très répulsif avec le score moyen le plus bas (2,09). Ce qui explique le score le plus élevé pour la scène dépourvue d’escaliers (4,09) (Figure 6).
Figure 6. Valeurs moyennes des préférences visuelles de la perméabilité physique. Source : Auteurs, 2022
50Les répondants perçoivent les escaliers tels des obstacles visuels et physiques, qui entravent l’accès à l’intérieur des espaces. En revanche, les entrées sans escaliers permettent une facilité d’accès à toutes les catégories d’âges et de population, particulièrement les personnes âgées, les enfants, et les personnes à mobilité réduite. Gehl (2010) déclare à ce propos : « Il est plus difficile de gravir un escalier que de marcher sur une surface plane. C’est pourquoi les piétons évitent les escaliers autant que possible. Pour plusieurs catégories de population, ceux-ci constituent une véritable barrière » (Gehl, 2010, p140). Les escaliers représentent un véritable défi physique et psychologique pour les piétons, il est plus souhaitable de les remplacer, autant que possible, par des rampes.
51La façade amovible a obtenu un score relativement élevé (3,6), comparée à son opposée (façade close). Ce modèle de façades permet de prolonger les espaces intérieurs vers l’extérieur et vice versa (Tableau 3). Ce qui captive l’intérêt visuel des piétons, et permet un degré élevé d’invitation à accéder aux espaces. Ainsi, l’effet de limite et frontière entre intérieur et extérieur est inexistant.
52De plus, l’aspect novateur de cette typologie de plinths, joue un rôle d’attracteur visuel. Ceci se concorde avec les résultats de l’étude du suivi oculaire menée par AlMushayt (2021), qui montre que les interfaces perméables/accessibles étaient attrayantes visuellement. µµµµAinsi, les façades perméables agissent sur la vitesse de marche et l’intensité des activités stationnaires (Gil Lopez, 2003 ; Hassan et al., 2019). Ceci dit que les façades les plus attrayantes, doivent assurer une connectivité socio-spatiale entre intérieur et extérieur (Al Mushayt et al., 2021).
2. Perméabilité visuelle
53Les scores moyens des préférences croissent à mesure que le degré de transparence augmente. Ainsi, le score moyen le plus bas (1,27) est donné aux façades opaques, et le plus haut score (4,6) aux façades entièrement transparentes (Figure 7).
Figure 7. Valeurs moyennes des préférences visuelles de la transparence. Source : Auteurs, 2022
54Par conséquent, la transparence est un facteur très attractif, elle permet d’apprécier les activités qui se déroulent à l’intérieur, et d’allonger le temps d’engagement visuel avec les plinths. Jacobs (1995) exprime à ce propos : « ils vous invitent, ils vous montrent ce qui s’y trouve, et s’il y a quelque chose à vendre ou à acheter, ils vous attirent ».
55Ces résultats concordent avec les études de Gehl et (2006), Thwaite (2013), Ewing et Clemente (2013), Simpson (2018), Al Mushayt (2021) et Lesan et Gjerde, (2021), qui plaident en faveur de l’importance expérientielle des bords de rues perméables et transparents.
C. Végétation et mobilier urbain
56Les résultats indiquent, que la présence de l’élément végétal est attrayante aux yeux des piétons. Les bacs à fleurs ont obtenu les scores moyens de préférences les plus élevés, pour les deux emplacements, sur le trottoir et en façade (4,17 et 4,06 respectivement).
57Aussi, les scènes présentant des trottoirs plantés avec des rangées d’arbres, ont obtenus un score élevé (4,06) (Figure 8). Selon 80 % des répondants, les arbres sont esthétiques grâce à l’ombrage qu’ils procurent. Ceci appuie les résultats d’autres études (Lynch et Rivkin, 1959 ; Huang et al., 2022) réalisées dans d’autres contextes spatio-temporaires, qui ont démontré les effets positifs de la végétation, sur les perceptions des usagers.
Figure 8. Valeurs moyennes des préférences visuelles des différentes dispositions de la végétation. Source : Auteurs, 2022
58Concernant le mobilier urbain de repos, les résultats montrent que la présence des bancs sur le trottoir est fortement appréciée par les piétons, malgré quelques déclarations, que cette disposition pourrait entraver la perméabilité piétonne. Le meilleur score moyen (4,3) est donné aux bancs publics végétalisés disposés dans la zone 3 de l’espace public (Figure 4). Cependant, la disposition des bancs en façade a obtenu le plus bas score (2,3) (Figure 9). Ceci pourrait s’expliquer par le besoin inné de l’homme de s’asseoir à l’abri des regards, l’exposition importante des façades du RDC aux regards des flux des piétons, et la proximité du mouvement d’entrée et sortie des usagers des commerces, sont des éléments répulsifs. La théorie de Hall (1966) appuie ces résultats, à travers le concept de « distance personnelle », elle désigne la distance fixe qui sépare les membres des espèces sans-contact. On peut l’imaginer sous forme de petite bulle protectrice qu’un organisme créerait autour de lui pour s’isoler des autres.
Figure 9. Valeurs moyennes des préférences visuelles des différentes dispositions des bancs publics. Source : Auteurs, 2022
59En revanche, une étude similaire sur trois rues commerciales dans le Massachusetts, a révélé que l’animation de l’espace piéton dépend du nombre de bancs publics disposés à l’entrée des magasins (Mehta, 2009). Ce qui explique le rôle du contexte socio-culturel dans la variation des perceptions des piétons.
60La préférence pour les bancs végétalisés peut s’expliquer, d’une part, par leur disposition, qui permet d’offrir un cadre de vue plus large, et une possibilité d’apprécier l’animation des plinths. D’autre part, par l’effet psychologique positif que procure la composante végétale, elle est capable de guider le choix d’assise des piétons (Lesan et Gjerde, 2021).
61De ce fait, l’espace assis est important pour retenir les gens dans l’espace public et soutenir le comportement social (Linday, 1978 ; Whyte, 1980), les rues à forte fréquentation ont été particulièrement caractérisées par la présence d’opportunités de places assises (Hassan et al., 2019). En ce sens, Lesan et Gjerde (2021) révèlent qu’il serait préférable de placer les bancs publics devant les façades présentant des niveaux élevés de perméabilité visuelle. Ce qui favorise la sociabilité et participe à l’urbanité et l’habitabilité de la rue.
62En plus de la possibilité de s’asseoir, les bancs publics permettent de soutenir d’autres postures et activités qui encouragent le comportement social (support de jeu pour enfants, s’appuyer, utiliser comme table, etc.) (Mehta, 2009).
D. Personnalisation
63En Algérie, le prolongement de l’activité commerciale sur l’espace public est un phénomène instauré par les vendeurs depuis la nuit des temps. En revanche, l’enquête révèle que c’est un élément répulsif, avec un score moyen faible (1, 94), en comparaison avec le score de la scène opposée où l’activité se déroule entièrement à l’intérieur (4,2) (Figure 10).
Figure 10. Valeurs moyennes des préférences visuelles de la personnalisation. Source : Auteurs, 2022
64Les enquêtés stipulent que les échanges commerciaux sur le trottoir créent un certain conflit dans l’appropriation de l’espace, entre le mouvement linéaire des piétons, et ceux qui s’arrêtent pour faire les achats. Ils déclarent à ce propos : « Ça dérange, ça occupe les trottoirs, et ce n’est pas pratique pour les piétons », « L’appropriation de l’espace public par les marchands handicape les usagers de la rue, et pollue visuellement ». Aussi une majeure partie de la population a évoqué le stress causé par ces étalages : « Ça cause le regroupement d’une foule importante, et ça me stresse ». Or, dans certains quartiers ayant de longues façades vierges, l’étalage de la marchandise sur les trottoirs permet de créer de l’activité et animer l’espace public (Hassan et al., 2019).
65Cependant, certains enquêtés déclarent qu’ils pourraient apprécier l’étalage de certaines activités de consommation. Ils déclarent à ce propos : « Tout dépend de la marchandise exposée », « …il y a des exceptions comme les cafés terrasses et autres », « Ça dépend si les commerces sont des restaurants/café ». La possibilité de consommer en dehors du magasin permet aux gens de s’engager dans des activités sociales (Mehta, 2009). Les gens combinaient souvent le fait de manger et de boire avec la socialisation et la détente. Cette combinaison permet d’allonger la durée des activités sociales, ce qui génère de l’animation urbaine.
CONCLUSION
66Cette recherche a examiné les attributs physiques des façades au RDC des rues, qui sont visuellement attrayantes (ou non) pour les piétons. La méthode d’évaluation des préférences visuelles adoptée est centrée sur le piéton, comme principal générateur de rues visuellement attrayantes. Ce qui contribue à créer un cadre spatial pour l’habitabilité des rues. L’étude approche la façon dont les gens perçoivent visuellement les rues à l’échelle micro-urbaine, dans l’optique de déterminer les qualités des façades pouvant générer des rues animées et permet de faire des recommandations pouvant servir pour les conceptions des «plinths» dans le contexte de la ville de Bejaia. Les résultats démontrent que les attributs physiques les plus attrayants pour les piétons sont : la transparence totale des façades, la haute perméabilité physique et la complexité élevée à modérée des façades. Aussi, les piétons préfèrent les bancs et les bacs à fleurs disposés sur le trottoir qui offrent la possibilité de percevoir les façades et les activités intérieures. Il s’avère que la composante végétale est très attrayante, avec des scores de préférence élevés pour les bacs à fleurs et les bancs végétalisés. En outre, si on classe les attributs qui ont généré des perceptions négatives chez les piétons, les façades opaques sont l’élément le plus répulsif, suivi par le prolongement de l’activité commerciale sur le trottoir et enfin la présence des escaliers à l’entrée des commerces. Par conséquent, la conception des façades au RDC doit favoriser le lien entre l’espace public et les espaces intérieurs, tant sur le plan visuel que physique. Donc, il est judicieux d’éviter les éléments qui entravent la perméabilité tels que les escaliers et le prolongement des activités commerciales sur le trottoir. Il est conseillé de favoriser les façades transparentes, qui permettent au piéton de participer visuellement à la vie dans les espaces, et inversement les gens qui sont à l’intérieur peuvent voir et apprécier l’animation qui règne sur le trottoir. De plus, la conception des entrées des commerces doit favoriser l’accès à toutes les catégories de population (personnes âgées, personnes à mobilité réduite, enfants,…).
67On aspire, à travers cette recherche, à contribuer à l’amélioration de la qualité esthétique des façades du RDC à Bejaia. Les résultats pourront être exploités en tant qu’outil d’aide à la conception des façades à Bejaia. De ce fait, il est important de souligner, que l’Algérie étant un pays très vaste5, avec une longue histoire millénaire, se caractérise par une grande diversité socioculturelle6, les régions se différencient en termes de morphologie de l’espace, du climat,… ce qui se reflète sur le mode de vie et le comportement des populations de chaque région. Par conséquent, la région de Bejaia, dans laquelle l’étude a été menée, ne peut être considérée comme représentative de tout le territoire Algérien. Ainsi, les résultats de cette recherche sont applicables pour la ville de Bejaia en particulier, car l’enquête réalisée s’est limitée aux habitants de la ville ; avec une dominante population locale kabyle7 ; ayant une culture spécifique. Ainsi, on pourrait ouvrir des pistes de recherches futures, qui traiteront de la question de recherche similaire, réalisée dans d’autres régions du territoire de l’Algérie ou dans d’autres pays. Aussi, notre enquête exclut toute influence de la catégorie professionnelle des répondants, ce qui constitue un aspect important dans l’évaluation des perceptions. Donc, une recherche plus fine pourrait intégrer les préférences visuelles des professionnels (Architectes, urbanistes, designers, géographes, sociologues,…).
NOTES
681Dans la suite de l’article, le mot façade(s) ou rez-de-chaussée désigneraient façade(s) du rez-de-chaussée.
692Terme en anglais qui fait référence à la base ou le socle sur lequel repose une colonne, une statue ou une structure. Il est utilisé par Glaser et al. (2012) ; pour désigner le rez-de-chaussée d’un bâtiment ou d’une façade.
703Directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, France.
714C’est l’ensemble des techniques permettant d’enregistrer les mouvements oculaires lors d’une tâche donnée, en repérant en temps réel la position du regard à l’aide d’un détecteur optique ou d’une caméra vidéo qui sont calés sur le reflet émis par un rayon infra-rouge envoyé sur la cornée. Ce mécanismecouplé à un système informatique échantillonne fréquemment la position spatiale de l’œil (Blanc ; 2013).
725Géographiquement, il existe 3 régions avec des climats très contrastés : le littoral, les hauts plateaux et le désert.
736Selon une classification de l’UNESCO (2009), l’Algérie est composée d’une mosaïque de populations locales ; les Kabyles, les Chaouias, les Béni M’zab, les Touaregs et les Arabes.
747Les Kabyles sont une ethnie berbère originaire de la Kabylie, une région amazighophone d’Algérie à dominante montagneuse. Ils peuplent le littoral et les divers massifs montagneux de la région : les montagnes du Djurdjura, des Bibans et des Babors.
LISTE DES ACRONYMES
75RDC : Rez-de-chaussée.
76POS : Plan d’occupation au sol.
77PDAU : Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme.
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About: Sonia BOUNIF
Maître assistante et Doctorante
Laboratoire de recherche PUVIT (Projet Urbain Ville et Territoire)
Institut d’architecture et des sciences de la terre Université Ferhat Abbes de Sétif 1 (UFAS)
Algérie
sonia.bounif@gmail.com
About: Said MADANI
Professeur et Directeur du
Laboratoire de recherche PUVIT (Projet Urbain Ville et Territoire)
Institut d’architecture et des sciences de la terre Université Ferhat Abbes de Sétif 1 (UFAS)
Algérie
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