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Corridors des échanges routiers nord camerounais et structuration des territoires traversés
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La construction des corridors nords camerounais a permis de fluidifier les échanges matériels et les mobilités en Afrique Centrale. Concomitamment, ces investissements ont contribué à aménager les territoires. Cependant, ces réseaux alimentent un « effet tunnel » au détriment des économies locales. Cette recherche ambitionne de montrer que si ces corridors routiers ont contribué à la fluidité des échanges, les efforts ont surtout porté sur l’ouverture des pays enclavés tels que le Tchad et la RCA. La démarche est empirique, et porte principalement sur les calculs d’indices qualitatifs et quantitatifs du modèle de distribution du trafic généré par les routes étudiées, l’exploitation des bases de données institutionnelles et des enquêtes biographiques auprès d’acteurs clefs. Il ressort que ces corridors priorisent une mobilité transversale au détriment de la dynamique économique des régions traversées, avec comme conséquence une faible représentation de la mobilité locale.
Abstract
The construction of RN°1 and RN°20 has contributed to the fluidity of material trade and mobility in Central Africa, it has also helped to develop the regions. However, these networks are fuelling a 'tunnel effect' to the detriment of local economies. This research aims to show that while these road corridors have contributed to the fluidity of trade, efforts have focused primarily on opening up landlocked countries such as Chad and CAR. The approach is empirical, based mainly on calculations of qualitative and quantitative indices of the traffic distribution model generated by the roads studied, the use of institutional databases and biographical surveys of key players. The results show that these corridors prioritise cross-border mobility to the detriment of the economic dynamics of the regions they cross, with the result that local mobility is poorly represented.
Table des matières
Introduction
1L’essor prodigieux du transport par route a permis, à l’échelle des pays et des continents, une spécialisation croissante des régions. Ceci s’est fait à partir de leurs avantages comparatifs, tout en facilitant les contacts entre régions voisines devenues plus tard des Communautés Économiques et Régionales (CER) entre elles, et les territoires nationaux voisins (Strale, 2011). Pour les pays membres de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) par exemple, l’augmentation du parc de véhicules affectés à des dessertes locales, a accompagné l’accélération des échanges marchands et des mobilités en général. Fort de sa position pivot, le Cameroun est devenu, par la force des choses, une plaque importante d’échanges de marchandises pour le Tchad, la RCA, une partie du Nigéria et pour bon nombre de pays de la zone (Vandermotten & Marissal, 2004 ; Banque Mondiale, 2009c ; Atangana Bamela, 2020). Ce rôle ancien, matérialisé notamment par le poids logistique des villes carrefours historiques telles que Douala, Yaoundé, au Sud-Cameroun et Ngaoundéré, Garoua au Nord-Cameroun, s’est renforcé au cours du siècle courant grâce à la souplesse que promet le processus de libre circulation en cours dans la sous-région CEMAC. Cette situation a pour avantage d’influencer la géographie du transport de marchandises. Et depuis l’amélioration de la qualité des liaisons routières, notamment dans la zone septentrionale du pays, le rail perd peu à peu sa place de leader, avec une baisse d’environ 70 % des recettes liées au transport de marchandises et 50 % de celles tirées du transport de personnes entre 2010 et 2021. Ces axes routiers majeurs sont constitués des Routes Nationales N°1 et N°20. La première relie la ville de Ngaoundéré au Cameroun à celle de Ndjamena au Tchad en passant par Kousseri et la seconde est un axe latéral qui relie la ville de Ngaoundéré à la ville de Moundou au Tchad en passant par Touboro (Figure 1).
Figure 1. Localisation des corridors routiers étudiés
2Ces deux corridors routiers desservent un territoire riche en potentialités touristiques, environnementales et économiques (présence de quatre aires protégées, 28 zones d’intérêt cynégétique, de nombreux bassins de production céréalière, maraichère et cotonnière etc.). Par ailleurs, ils s’accaparent actuellement le gros des mobilités marchandes de la zone. Ils ont été construits dans le but principal de satisfaire deux objectifs spécifiques des principaux bailleurs de fonds, que sont l’Union Européenne et la Banque Africaine de Développement entre autres. D’abord, le désenclavement du Tchad, de la RCA et du nord du Nigéria, et ensuite l’ouverture de nouveaux débouchés pour les producteurs, l’exploitation du bassin pétrolier de Sarh (Tchad) et la création de nouveaux marchés. Et comme résultat escompté, une augmentation de la production et de la consommation, une stimulation de l’industrie et une transformation des modes de vie étaient attendues (Bukome & Kingoma, 2002).
3Ce rôle attribué aux grands axes routiers remet au cœur du débat une problématique scientifique largement discutée depuis le début de la décennie 1990. Les réflexions avaient été développées lorsqu’il a fallu interroger les « effets structurants » du transport en termes d’urbanisation et d’aménagement (Jean-Marc Offner, 1993), la « fécondité des territoires par le corridor » (Lombard, Ninot et Steck, 2014 ; Abdou Yonlihinsa, 2011 ; Atangana Bamela, 2020 ; Lihoussou et Orou Guidou, 2023) et les « dysfonctionnements qui entravent la circulation sur les corridors routiers » (Messan Lihoussou, 2017). Or, ce n’est pas tant l’accessibilité potentielle offerte par les corridors routiers qui importe le plus dans la présente réflexion, mais leur usage réel et les différentes formes d’intégration économique des régions qu’ils traversent. Ainsi, la prise en compte du trafic routier comme indicateur spatial dans le rôle des corridors nord-camerounais est essentielle afin de comprendre leur importance notamment pour les territoires qu’ils desservent. Ceci suppose de prendre en compte la circulation et la localisation des activités dans la formation et l’évolution des territoires concernés. Ce qui oriente d’ailleurs la réflexion vers une analyse inférentielle d’éventuelles interconnexions qui se créent entre ces faits sociaux, économiques et spatiaux.
4L’objectif de cette recherche est donc de mettre à la disposition des décideurs et des communautés scientifiques des éléments d’analyse et de compréhension dans le seul but d’évaluer la pertinence des aménagements routiers réalisés, et le rôle de la porosité frontalière entre les pays utilisateurs des corridors routiers intégrateurs de l’espace CEMAC. Pour ce faire, il est judicieux de réaliser un diagnostic-bilan (non exhaustif) sur cinq préoccupations ciblées, toutes complémentaires : Comment « fonctionnent » ces corridors à l’heure actuelle ? Qui les emprunte aujourd’hui et pour quel(s) motif(s) ? Quels sont les niveaux de trafic qu’ils mobilisent ? Quels types d’échanges sont associés au trafic en cours sur ces axes routiers et enfin comment faire émerger la part du trafic local ?
I. MÉTHODOLOGIE
5Le trafic routier est un excellent indicateur de l’importance d’une route. Et c’est conscient de ce fait que nous avons réalisé une enquête minutieuse sur les flux générés par les deux axes majeurs étudiés entre mars et septembre 2021. Ce trafic routier observé dans un intervalle de 20 heures (de 06 heures à 02 heures) et étalé sur quatre mois (soit 120 jours de comptage, représentant 30 jours par poste de comptage retenu) sur des sections de route, a permis d’établir un relevé de flux de transport au niveau local et interrégional. Une meilleure compréhension du trafic amène à privilégier un modèle de distribution qui intègre la génération des matrices de distribution de trafic. C’est une méthode qui implique le croisement de méthodes quantitatives (pour tenter de reconstituer des matrices de flux, l'objectif étant de tendre à terme, vers un travail expérimental de modélisation), et qualitatives (pour comprendre les logiques de choix modal des acteurs interrogés). Les postes de comptage ont été établi à l’endroit où se trouvent les postes de contrôle de la Police, et se présentent comme suit :
N° |
Nom du poste de comptage |
Coordonnées géographiques |
|
Latitude |
Longitude |
||
1 |
Wakwa (RN1) |
7,2465 |
13,5681 |
2 |
Falaise (RN1) |
7,3523205 |
13,333955 |
3 |
Malang (RN20) |
7,4288 |
13,5886 |
4 |
Mbilga (RN1) |
9,22302 |
13,28105 |
Tableau 1. Localisation des postes de comptage. ©Données d’enquêtes de terrain, 2021
6Ces points constituant des arrêts obligatoires, il était possible de quantifier les flux générés par les deux extrémités de routes enquêtées mais aussi ceux des pénétrantes locales. Ces points ont également facilité l’administration des questionnaires et fiches d’observations. Les questionnaires d’enquête étaient administrés à 173 usagers en fonction de leur disponibilité. Il s’agissait d’un questionnaire moins fouillé mais donc les questions portaient globalement sur les lieux de départ, les lieux de destination, la profession, l’objet du déplacement et sur la nature et la quantité des marchandises transportées. Les observations directes ont été effectuées par l’enquêteur dans les lieux où les comptages routiers ont été réalisés. Les fiches d’observation renseignaient sur l’état du véhicule, sa contenance, son lieu de chargement et de déchargement, le choix de l’itinéraire, entre autres. Un total de 326 véhicules de toutes catégories ont ainsi fait partie de l’échantillon retenu. Il est néanmoins nécessaire de préciser que le comptage et le remplissage des fiches d’observations ont été effectués sur l’ensemble des points définis, plus un poste supplémentaire sur l’axe Maroua-Kousséri. La collecte des données à cet endroit a été prématurément interrompu à cause de l’insécurité quasi permanente qui y règne depuis décembre 2013. Ce qui explique pourquoi ce point de comptage n'est pas pris en compte. L’administration des questionnaires quant à elle a pu être réalisée dans quatre points de comptage seulement, lorsque les usagers s’arrêtaient pour le contrôle, pour se reposer ou pour s’approvisionner en vivres.
7Les résultats issus des différentes données récoltées constituent une entrée essentielle pour analyser l’évolution et les tendances en termes de mobilité générées par les corridors étudiés au cours de la période d’enquête. Une comparaison entre les flux ante et post construction a été possible grâce aux données générales édictées par les services en charge du transport routier.
8Le choix des variables d’analyse prend en compte les caractéristiques inhérentes au milieu d’étude (mode de transport, caractéristiques des véhicules, caractéristique du réseau routier). La présente recherche s’intéresse essentiellement aux variables qui concernent un flot de véhicules. Celles-ci prennent en considération les différents sens d’écoulement du trafic sur une période bien définie. Pour mesurer les flots, on s’est intéressé au débit (nombre N de véhicules passant pendant une période Δt en un point x, rapporté à la durée de la période :
9QΔt.(x) =
,
10qui s’exprime en nombre de véhicules par unité de temps) et à la concentration (nombre M de véhicules situés entre x et x + Δx à un instant t, rapporté à la longueur de la voie :
11KΔt.(t) =
,
12qui s’exprime en nombre de véhicules par unité de longueur).
II. Des routes au cœur de l’intégration régionale en zone CEMAC
13L’évolution du trafic routier dans sa globalité présente une dynamique instable. Les données institutionnelles sur le trafic routier sur les axes étudiés sont assez révélatrices à cet effet. Elles présentent un flux aux tendances régressives sur la RN°1 au profit de la RN°20.
A. Une tendance régressive du trafic routier sur la nationale N°1 au profit de la N°20
14Les données officielles du trafic annuel sur la RN°1 mettent un accent particulier sur l’importance de cette route dans la structuration et la dynamisation des échanges interurbains entre le Nord et le Sud camerounais. Entre 2002 et 2013, le trafic moyen annuel se situait à environ 22 361 véhicules (tous véhicules, origines et destinations confondus). Mais deux faits majeurs ressortent : D’abord, le trafic moyen sur la RN°1 connaît depuis la période 2012-2013 une régression brusque de son trafic. Ensuite, les trafics qui étaient faibles entre 2002 et 2006 sur la RN°20 augmentent progressivement à partir de 2007 (Figure 2).
Figure 2. Évolution du trafic annuel sur les RN°1 et RN°20 entre 2002 et 2013. ©RGRC, 2010 ; MINT, 2015 ; BGFT, 2003-2015 ; calculs et réalisation de la figure par l’auteur, 2023
15La prise en compte des moyennes polynomiales corrobore cette tendance et nous permet de présager une diminution continuelle du trafic annuel avec un Coefficient de détermination R2 d’environ 0,43 véhicules/an sur la RN°1. Ce coefficient prend en compte les lieux de destination, ce qui circule, la présence d’autres possibilités de choix de parcours, les caractéristiques du réseau routier et l’état de la logistique. Cette diminution générale du trafic est-elle susceptible d’avoir des effets conséquents sur les flux de marchandises qui circulent sur cet axe routier ? La lecture des données relatives aux quantités (poids) des différentes matières transportées, est révélatrice à cet effet. Le constat est aussi celui d’une diminution de près de 32 % des quantités transportées sur cet axe entre 2011 et 2013. Cette diminution survient après une croissance régulière entre 2002 et 2011, et s’explique par plusieurs facteurs parmi lesquels : l’état de dégradation actuelle de cette voie vieille de plus d’un demi-siècle, les tensions que connaît la région septentrionale. Mais le facteur le plus important reste l’ouverture de la route Ngaoundéré - Touboro - Moundou au courant de l’année 2007 qui, depuis peu, accapare plus de 80 % du transit routier en provenance et en direction du Tchad (Banque Mondiale, 2009a). Ceci corrobore les propos de jacqueline Beaujeu Garnier (1995) qui indique qu’une route (ancienne et vétuste) est susceptible de perdre son niveau d’exploitation sous l’effet de la construction d’une nouvelle.
16Afin de mieux apprécier ce fait, il est important d’effectuer une analyse détaillée du trafic horaire observé par poste d’enquête le long des deux corridors routiers étudiés.
B. Des flots de véhicules qui varient en fonction du poste d’enquête retenu
17Le flot de circulation permet d’évaluer le niveau d’utilisation et de performance des RN°1 et RN°20. Pour ce faire, une moyenne horaire a été appliquée sur les données collectées afin que cette analyse revête un caractère objectif, en tenant compte de chaque poste d’observation.
1. Poste de comptage n°1 (axe Ngaoundéré-Meiganga)
18L’analyse du trafic par tranche horaire révèle que sur l’axe Ngaoundéré-Meiganga, le trafic horaire toute proportion gardée est dense dès le lever du jour (45 véhicules entre 06 heures et 07 heures), soit 0,75 véhicule par minute. Le trafic connaît ensuite une légère baisse après 7 heures puis augmente considérablement jusqu’à atteindre pratiquement 56 véhicules/heure, sur l’intervalle allant de 08 heures à 09 heures. Par contre, les heures suivantes engendrent un débit routier inférieur à 50 véhicules/heure, avant de noter un léger pic en fin de journée entre 17 heures et 18 heures (soit 52 véhicules/heure).
Figure 3. Débit horaire du trafic par type de véhicule/tout sens sur l’axe Ngaoundéré-Meiganga. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
19Sur cet axe, 61 % de véhicules recensés roulent à charge pleine. Ce qui représente exactement 459 véhicules chargés contre 290 roulants à vide. Par ailleurs, le trafic est dominé par le passage des gros porteurs (camions de dix roues et plus) à hauteur de 34 %. Ceux-ci sont suivis de près par les véhicules de transport de personnes et marchandises (18 %). Par ailleurs, 67 % de véhicules circulant en charge pleine sur cet axe vont dans le sens Sud-Nord (de Meiganga vers Ngaoundéré). Les véhicules vides circulent dans la plupart des cas dans le sens inverse. Et le débit journalier moyen sur cet axe est d’environ 749 véhicules, avec une moyenne de 46 véhicules par heure, soit 0,76 véhicule par minute. Il s’agit donc d’un tronçon qui connaît un trafic modéré. Cette modération est surtout la résultante logique des transbordements de marchandises que génère l’activité du terminal ferroviaire localisé à Ngaoundéré, et par lequel transitent d’importantes quantités de marchandises. Ce lieu constitue, pour la plupart des villes et régions dépendantes, un Hub d’éclatement des marchandises vers lesquels nombre de transporteurs s’y ravitaillent au quotidien.
2. Poste de comptage n°2 (axe Ngaoundéré-Garoua)
20La tendance polynomiale du débit horaire sur l’axe Ngaoundéré-Garoua est relativement basse, surtout lorsqu’on la compare avec celle de l’axe Meiganga-Ngaoundéré. Avec un coefficient R2 de 0,3561, le trafic horaire tous véhicules et tous sens compris ne présente de pointe qu’entre 17 heures et 18 heures (53 véhicules). Le trafic routier sur cette voie reste pratiquement stable entre 06 heures du matin à 17 heures (Figure 4).
Figure 4. Débit horaire du trafic par type de véhicule/tout sens sur l’axe Ngaoundéré-Garoua. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
21L’analyse du débit de circulation révèle que sur cet axe, 70 % de véhicules recensés sont chargés. Ce qui représente exactement 338 véhicules chargés contre seulement 148 véhicules roulant à vide. Par ailleurs, le trafic ici est dominé par le passage des VTP/VTM à hauteur de 14 %. Ces derniers sont suivis de près par les gros porteurs (véhicules de plus de dix roues), qui représentent environ 13 % du trafic. La structure du trafic sur cet axe ne change pas fondamentalement. Une ressemblance avec celle du tronçon précédent est évidente. Les résultats du comptage révèlent qu’une plus grande partie du trafic de véhicules (59 %) circulant en charge pleine sur cet axe vont toujours dans le sens sud-nord (de Ngaoundéré vers Garoua). Cette voie recense en moyenne 24 véhicules par heure, ce qui semble dérisoire surtout qu’il s’agit d’un axe routier « structurant » de la zone CEMAC. Avec en tout 486 véhicules en 20 heures d’observation, le débit polynomial quant à lui reste relativement bas et stable durant toute la journée. Cette tendance basse du trafic est attribuée à la RN°20 qui, depuis son ouverture à la circulation en 2007, s’accapare près de 90 % du trafic en provenance et en direction du Tchad (Atangana Bamela, 2020).
3. Poste d’observation n°3 (axe Ngaoundéré-Touboro)
22Dans l’ensemble, le trafic sur cet axe est, toute proportion gardée, relativement dense, mais avec des débits horaires très variables. Tout comme ce qui a été observé sur l’axe Meiganga-Ngaoundéré, celui-ci présente une pointe matinale très marquée (64 véhicules, tous sens de circulation confondus, entre 06 heures et 07 heures du matin). Le trafic diminue considérablement le reste de la journée pour se stabiliser à moins de 50 véhicules par heures (Figure 5).
Figure 5. Débit horaire du trafic par type de véhicule/tout sens sur l’axe Ngaoundéré-Touboro. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
23Les données matricielles des relevés de comptage sur cet axe, révèlent que 399 véhicules sur 694, soit 57 % des véhicules recensés sont de charge pleine. Ce trafic reste dominé par celui des camions de plus de dix roues, qui représentent 32 % du trafic. Ces derniers sont suivis par les véhicules à deux roues et les tricycles qui culminent à 26 %. La prise en compte du sens du trafic est aussi un élément non négligeable dans cette analyse, car il révèle que 432 véhicules vont dans le sens Ngaoundéré-Touboro et 264 seulement vont dans le sens contraire. Par ailleurs, 74 % de véhicules circulant en charge pleine sur cet axe vont dans le sens Ouest-Est (de Ngaoundéré vers Touboro). Pour les véhicules vides, ils circulent dans le sens inverse dans la plupart des cas. La particularité à relever par rapport à ce tronçon vient du fait que cet axe a été récemment crée, quand on le compare au reste du réseau routier important de la région. Peu de temps après sa mise en service, le volume du trafic est passé de 32 véhicules par jour en 2007 à environ 135 en 2010. De nos jours, on n’est pas loin de 700 véhicules qui empruntent cet axe dans les 2 sens par jour.
4. Poste d’observation n°4 (axe Garoua-Maroua)
24La tendance horaire de la circulation change considérablement lorsqu’on se rapproche du bassin tchadien. En effet, sur le tronçon reliant les villes de Garoua et de Maroua, on note des pointes à partir de l’après-midi (29 véhicules recensés dans la tranche horaire 12 heures-13 heures, 32 véhicules entre 14 heures et 15 heures, puis 31 entre 15 heures et 16 heures). Les heures d’après engendrent des débits diminuant de façon considérable au point d’atteindre à peine les 3 véhicules par heure entre minuit et une heure du matin (Figure 6).
Figure 6. Débit horaire du trafic par type de véhicule/tout sens sur l’axe Garoua-Maroua. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
25Sur ce tronçon, 57 % des véhicules recensés roulent à charge pleine. Ce qui représente exactement 181 véhicules chargés contre 136 roulant à vide. Par ailleurs, la structure même du trafic change lorsqu’on s’y intéresse de plus près. En effet, le trafic est dominé ici par celui des motos et tricycles qui totalisent 23 % du trafic total. Ces derniers sont suivis par les gros porteurs (21 %) et des véhicules de transport des biens et personnes (21 %). Et la prise en compte du sens de trafic sur cet axe révèle que 53 % de véhicules circulant en charge pleine vont dans le sens sud-nord (de Garoua vers Maroua). Avec une prédominance des véhicules de transport de biens et personnes. Le Tableau 2 est une matrice récapitulative du débit de circulation horaire enregistré après seulement 20 heures de comptage sur l’ensemble des points retenus pour cet exercice.
Tranche horaire |
VP |
VTP/VTM |
SR |
Motos |
CA |
CC |
C06 |
C10+ |
Total |
% Horaire |
06h-07h |
9 |
20 |
7 |
13 |
2 |
6 |
4 |
28 |
89 |
5,73% |
07h-08h |
11 |
19 |
9 |
12 |
3 |
5 |
7 |
26 |
92 |
5,93% |
08h-09h |
8 |
16 |
2 |
18 |
9 |
8 |
8 |
26 |
95 |
6,12% |
09h-10h |
10 |
16 |
5 |
16 |
5 |
1 |
8 |
24 |
85 |
5,48% |
10h-11h |
9 |
25 |
5 |
10 |
3 |
8 |
4 |
11 |
75 |
4,83% |
11h-12h |
13 |
18 |
3 |
15 |
6 |
0 |
9 |
12 |
76 |
4,90% |
12h-13h |
12 |
19 |
2 |
24 |
3 |
8 |
6 |
21 |
95 |
6,12% |
13h-14h |
15 |
18 |
2 |
18 |
4 |
8 |
5 |
23 |
93 |
5,99% |
14h-15h |
12 |
17 |
6 |
12 |
4 |
6 |
7 |
26 |
90 |
5,80% |
15h-16h |
13 |
13 |
2 |
23 |
6 |
6 |
8 |
24 |
95 |
6,12% |
16h-17h |
10 |
20 |
2 |
18 |
2 |
5 |
1 |
22 |
80 |
5,15% |
17h-18h |
13 |
19 |
8 |
22 |
10 |
8 |
11 |
33 |
124 |
7,99% |
18h-19h |
10 |
20 |
1 |
8 |
1 |
4 |
1 |
27 |
72 |
4,64% |
19h-20h |
9 |
12 |
3 |
20 |
5 |
2 |
3 |
25 |
79 |
5,09% |
20h-21h |
2 |
15 |
4 |
10 |
1 |
3 |
6 |
23 |
64 |
4,12% |
21h-22h |
7 |
19 |
3 |
13 |
2 |
5 |
0 |
15 |
64 |
4,12% |
22h-23h |
6 |
15 |
1 |
3 |
3 |
4 |
10 |
23 |
65 |
4,19% |
23h-00h |
2 |
12 |
1 |
3 |
0 |
3 |
2 |
19 |
42 |
2,71% |
00h-01h |
5 |
13 |
3 |
0 |
0 |
0 |
3 |
20 |
44 |
2,84% |
01h-02h |
2 |
11 |
3 |
1 |
1 |
0 |
0 |
15 |
33 |
2,13% |
Total |
178 |
337 |
72 |
259 |
70 |
90 |
103 |
443 |
1552 |
100,00% |
% |
11,47% |
21,72% |
4,63% |
16,69% |
4,51% |
5,8% |
6,64% |
28,54% |
Tableau 2. Évolution de la circulation pour 20 heures de comptage. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021. VP : Véhicule Personnel, VTP/VTM : Véhicule de Transport de Personnes / Véhicule de Transport de Marchandises, SR : Semi-remorque, CA : Camion atelier, CC : Camion-Citerne, C06 : Camion « Six roues » (transport de sable, gravier, terre…, C10 : Camion « Dix roues » (transport de sable, gravier, terre…)
26La lecture de cette matrice corrobore les résultats extraits des tendances polynomiales du débit horaire précédentes : il s’agit d’une mobilité dominée par des véhicules de transport de marchandises, avec des pointes de circulation enregistrées entre 9h-10h et 17h-18h. Par contre, les éléments mis en avant par cette matrice, liée à l’analyse du trafic sur les différents axes étudiés (moyen de transport dominant, heures de pointe, tendance moyenne entre autres), soulèvent de nouvelles préoccupations quant à la nature de ces trafics. Qu’est-ce qui explique que certains axes soient plus fréquentés que d’autres ? Quelle est la nature de ces échanges ? Quelle place occupe la mobilité locale ? Ces informations sont nécessaires afin de mieux cerner les relations intrinsèques entre le local et le transversal qui animent les inquiétudes autour des grands axes routiers structurants de l’Afrique Centrale dont font partis les RN°1 et RN°20.
III. UNE TRANSVERSALITÉ QUI ALIMENTE DES « TROUS » AU NIVEAU LOCAL
27La pratique de la mobilité participe de « la satisfaction des besoins économiques et sociaux » (Abdou Yonlihiza, 2011, p. 213). Mieux encore, elle met en avant une importante représentation personnelle et globale, voire même culturelle pour les usagers. Comprendre le niveau d’utilisation des RN°1 et RN°20 et les raisons qui le sous-tendent implique d’interroger le profil des utilisateurs (acteurs) et de les situer, chacun, par rapport à son « rôle » dans la dynamique des échanges observés.
A. Une prépondérance des acteurs de l’économie artisanale
28La mobilité observée sur les corridors étudiés est animée par une diversité d’acteurs. Il a tout de même fallu les organiser en trois grands groupes socioprofessionnels pour une lecture plus globale de la situation. Ces principales catégories socioprofessionnelles suivantes ont donc été constitués après redressement des données de terrain :
29• Les transporteurs (chauffeurs pour le compte d’entreprises de transport interurbains de personnes et de marchandises) ;
30• Les commerçants ;
31• Les producteurs (agriculteurs, éleveurs).
32Le groupage effectué n’exclut pas la présence d’autres types d’usagers. Il s’agit notamment des fonctionnaires, élèves et étudiants. Ces derniers auraient gardé une attache avec leur milieu d’origine, ne se déplaçant qu’en périodes creuses. Il a aussi été recensé quelques touristes et ouvriers de mines se déplaçant entre les différents sites miniers traditionnels disséminés dans les départements du Faro, Rey-Bouba (Nord) et du Lom et Djérem (Est), entre autres. Ne sont retenus ici que ceux dont le volume est assez important après tri des données d’enquêtes.
33Le groupe des transporteurs est le plus dominant sur ces routes (68 % des usagers recensés), et comprend les chauffeurs travaillant pour le compte d’une entreprise de transport de marchandises ou de transport de personnes (en sachant que dans de nombreux cas, le transport de personnes est indissociable de celui des biens marchands). Ce groupe est aussi constitué, à près de 70 %, des transporteurs travaillant à titre personnel. Ce qui explique que la mobilité sur les RN°1 et 20 est principalement artisanale (c’est-à-dire dominé par un transport de type clandestin).
34La prépondérance des commerçants pourrait être liée à la présence des centaines de marchés locaux dont certains étendent de plus en plus leur influence au-delà de leur espace immédiat. Représentant 15 % des usagers enquêtés, ces derniers sont des individus cumulant parfois plusieurs activités (agriculture, élevage et commerce de négoce et/ou de proximité). Ce fait a déjà été confirmé par Fofiri Nzossié, Temple & Ndamé (2011) qui expliquent cette prédominance sous un angle purement économique. En effet, c’est pour maximiser les entrées monétaires que les agriculteurs se convertissent en commerçants afin d’écouler leurs propres produits sur les marchés soit en tant que grossistes soit en tant que détaillants. Ceci explique la place secondaire qu’occupe les producteurs (éleveurs, agriculteurs) dans cet échantillon (moins de 10 % seulement). Les touristes et ouvriers de sites miniers ne représentent qu’environ 0,7 % des usagers comptabilisés durant cette période.
B. Structure des échanges et disparités d’usages : entre local et transversalité
35L’interprétation de l’espace factoriel permet de dégager les principaux éléments permettant de comprendre la structure des échanges qui s’effectuent le long des corridors routiers nords - camerounais. Par contre, le type de mobilité ainsi que la quantité de produits transportés, sont des éléments qui déterminent les moyens de transport utilisés. Il apparaît clairement que la mobilité présente deux facettes : une mobilité effectuée sur de courtes distances (moins de 100 km) et une mobilité effectuée sur de longues distances (plus de 500 km). Moins la distance à parcourir par l’usager est importante plus la tendance est à l’utilisation des moyens motorisés à faible capacité de charge (voire non motorisés) et plus la destination est importante, et plus le réflexe est à l’emprunt des moyens motorisés à forte capacité de charge. De ce fait, la petite mobilité mobilise principalement la marche à pied, la moto, le tricycle, le vélo, le pousse-pousse. Celle-ci reste prioritairement animée par la population locale et concerne la mobilité en vue de la satisfaction des besoins quotidiens (mobilités de travail, recherche d’eau, travaux champêtres, visites familiales, entre autres) et pour la fréquentation des marchés locaux.
36À contrario, pour les longs parcours qui concernent la grande mobilité, la prépondérance des véhicules à grande capacité de charge est une réalité palpable. Il faut tout de même préciser que cette grande mobilité concerne des flux prioritairement transversaux. Elle implique le plus souvent des échanges ne restant pas dans le seul cadre des localités traversées par les corridors, mais ils sont aussi régionaux et internationaux. Les résultats issus des matrices séquentielles sur les relevés de trafics sont plus que révélateurs à cet effet. On note une importance flagrante des gros porteurs sur tous les tronçons étudiés. Néanmoins, les déplacements induits par les différentes catégories socioprofessionnelles permettent de faire une lecture globale de la mobilité. Pour y parvenir, nous avons soumis notre échantillon d’enquête à un croisement de données factorielles dépendantes de manière à discerner les éléments pouvant nous permettre de comprendre le fonctionnement et la logique des déplacements sur ces corridors. Il s’avère alors que la mobilité dominante est transversale, et concerne prioritairement les produits vivriers.
C. Des échanges transversaux, dominés par ceux des produits vivriers
37Le dénombrement des éléments transitant par ces axes présente une gamme disparate allant des produits consommables sous de denrées alimentaires, aux produits non consommables sous la forme de matériaux de construction et équipements divers. Les produits locaux (en provenance de l’une des localités du Nord-Cameroun) représentent moins de 30 % des produits recensés lors des enquêtes. Le tableau 3 montre que 84 % des matières circulant sur les corridors ont pour lieu de départ le Cameroun (toutes matières confondues). Cependant, les données deviennent plus intéressantes lorsqu’on fait une distinction par type de matière et par destination.
38Le Cameroun reste le premier pays distributeur des produits vivriers pour le Tchad, le nord-est du Nigéria et la RCA (pour 100 % des cas enquêtés). Il l’est moins pour ce qui est de la farine de blé, du matériel de construction et du coton, où le Tchad (100 % sur le coton) et le Nigéria (9 % sur le matériel de construction) restent des pays de départ.
Produits transportés |
Destination |
Total |
|||||
Cameroun |
Tchad |
Nigéria |
RCA |
||||
Riz |
Départ |
Cameroun |
14 |
4 |
2 |
0 |
20 |
Total |
14 |
4 |
2 |
0 |
20 |
||
Coton |
Départ |
Tchad |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
Total |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
||
Farine de blé |
Départ |
Cameroun |
2 |
16 |
4 |
4 |
24 |
Tchad |
0 |
0 |
0 |
0 |
2 |
||
Total |
2 |
16 |
4 |
4 |
26 |
||
Sucre |
Départ |
Cameroun |
12 |
0 |
0 |
0 |
12 |
Total |
12 |
0 |
0 |
0 |
12 |
||
Matériaux de construction |
Départ |
Cameroun |
4 |
24 |
30 |
6 |
64 |
Tchad |
12 |
0 |
0 |
0 |
12 |
||
Nigéria |
30 |
0 |
0 |
0 |
30 |
||
RCA |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
||
Total |
50 |
24 |
30 |
6 |
110 |
||
Autres produits alimentaires |
Départ |
Cameroun |
22 |
88 |
28 |
16 |
154 |
Total |
22 |
88 |
28 |
16 |
154 |
||
Total |
104 |
132 |
64 |
26 |
326 |
Tableau 3. Tableau croisé Lieu de départ * Destination * Produits transportés. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
39Les lieux de départ et de destination du riz, du coton, de la farine de blé et du sucre ne sont pas variés. Mais le fait le plus marquant est qu’environ, 68 % des échanges sur route observés sont transversaux (c’est-à-dire, ne concernent que la grande mobilité). Dans cette transversalité, environ 40 % des échanges sont destinés au Tchad, 20 % pour le Nigéria et 8 % pour la RCA. Seules 32 % des matières transportées sur ces axes routiers structurants sont destinées au Cameroun. Il s’agit prioritairement des matériaux de construction (48 %) en provenance du Nigéria (60 %), du Tchad (24 %), de la RCA (8 %) et du Sud du Cameroun (8 %). Ces éléments nous incitent à dire que les échanges sur les corridors nord-camerounais restent majoritairement transversaux. Même le Nigeria qui figure dans la liste à titre exceptionnel n’échange qu’une proportion relativement très faible de matériaux de construction avec le Nord-Cameroun. Ce faible volume des marchandises échangées sur ces axes n’a cessé d’augmenter ces dix dernières années.
40Le Cameroun entretient des relations commerciales avec tous les pays de la zone septentrionale, avec plus de 11 % de ses exportations et environ 3 % de ses importations en provenance de la zone. Ce qui représente des proportions non négligeables. Le port autonome de Douala et le port en eaux profondes de Kribi contribuent à hauteur de 63 % des échanges en transit vers le Tchad et la RCA. La liste des produits transitant par les deux Ports est assez variée et comprend notamment :
41• Produits alimentaires : céréales (riz, maïs, blé), huile végétale, sucre, sel, viande, poissons, fruits et légumes, lait et produits laitiers.
42• Produits pétroliers : carburants (essence, diesel), gaz de pétrole liquéfié (GPL), lubrifiants.
43• Produits manufacturés : textiles, vêtements, chaussures, produits électroniques (téléphones portables, téléviseurs), électroménagers, matériaux de construction (ciment, fer à béton), produits pharmaceutiques.
44• Matériel agricole : tracteurs, machines agricoles, engrais, semences.
45• Véhicules automobiles : voitures particulières, camions, motos.
46• Produits chimiques : produits de nettoyage, produits de traitement de l'eau, produits chimiques industriels.
47• Matériel médical : équipements hospitaliers, médicaments, fournitures médicales.
48• Biens de consommation courante : produits d'hygiène et de beauté, articles ménagers, produits de base.
49Cette liste n'est pas exhaustive et que les produits transitant par le Cameroun vers le Tchad et la RCA peuvent varier en fonction des besoins et des échanges commerciaux entre les pays. Au premier semestre 2021 par exemple, 80 % des marchandises entrant sur le territoire tchadien ont transité et/ou provenaient du Cameroun (INS, 2021). Ceci traduit néanmoins le poids important de ce pays au sein de la CEMAC, le poids de son économie et l’importance que représentent les ports de Douala et Kribi pour les pays sans façade maritime de la Sous-région. Cependant, quelle est la place du Nord-Cameroun dans ces échanges ? Il est nécessaire d’interroger le type de matériel roulant afin de mieux cerner la mobilité telle qu’elle est pratiquée au niveau local.
50La mobilité locale est dominée par les motos et les tricycles (pour 100 % des cas). Ces derniers sont suppléés par les Véhicules Personnels (pour près de 60 % des cas observés). Ces deux catégories de moyens de transport sont ceux qui caractérisent au mieux la mobilité au niveau local, et ne représentent que 28 % des véhicules enquêtés (avec une prédominance des motos et tricycles). Par contre, les autres catégories d’objets roulant impliquent de parcourir de plus longues distances (mobilités régionales et/ou transnationales).
Type de véhicule |
Destination |
Total |
|||||
Cameroun |
Tchad |
Nigéria |
RCA |
||||
Moto/Tricycle/marche à pied... |
Départ |
Cameroun |
48 |
0 |
0 |
0 |
48 |
Total |
48 |
0 |
0 |
0 |
48 |
||
VP |
Départ |
Cameroun |
26 |
18 |
0 |
0 |
44 |
Total |
26 |
18 |
0 |
0 |
44 |
||
VTP/VTM |
Départ |
Cameroun |
6 |
60 |
32 |
16 |
114 |
Tchad |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
||
Nigéria |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
||
RCA |
2 |
0 |
0 |
0 |
2 |
||
Total |
32 |
60 |
32 |
16 |
124 |
||
C10+ |
Départ |
Cameroun |
6 |
44 |
28 |
10 |
88 |
Tchad |
2 |
0 |
0 |
0 |
2 |
||
Nigéria |
2 |
0 |
0 |
0 |
2 |
||
Total |
10 |
44 |
28 |
10 |
92 |
||
SR |
Départ |
Cameroun |
0 |
10 |
4 |
0 |
14 |
Total |
0 |
10 |
4 |
0 |
14 |
||
CA |
Départ |
Tchad |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
Total |
4 |
0 |
0 |
0 |
4 |
||
Total |
Départ |
Cameroun |
86 |
132 |
64 |
26 |
308 |
Tchad |
10 |
0 |
0 |
0 |
10 |
||
Nigéria |
6 |
0 |
0 |
0 |
6 |
||
RCA |
2 |
0 |
0 |
0 |
2 |
||
Total |
104 |
132 |
64 |
26 |
326 |
Tableau 4. Tableau croisé Lieu de départ * Destination * Type de véhicule. ©Données d’enquêtes de terrain, 2019-2021
51Le Cameroun demeure ainsi le principal émetteur des échanges routiers. Les véhicules enquêtés ont pour lieu de départ, pour 84 % d’entre eux, le Cameroun. Et depuis l’ouverture de la route allant de Ngaoundéré (Cameroun) à Moundou (Tchad), en passant par Touboro, la distribution des trafics semble avoir changé. Plusieurs centaines de véhicules, notamment les camions, en provenance du Tchad ont supprimé de leur parcours l’ancienne route devenue vétuste. Ceci a fortement restructuré la géographie des activités liées au transport dans la région. En même temps, certaines localités, auparavant carrefours importants d’axes routiers perdent de leur rayonnement économique, en même temps, certaines qui étaient (économiquement) isolées se trouvent désormais au centre de la dynamique liée au passage et aux arrêts de véhicules. Les activités telles que la restauration et l’hébergement s’y développement peu à peu mais peinent encore à décoller significativement. Néanmoins, certains lieux sont devenus des points d’arrêts quasi obligatoires pour de nombreux voyageurs, au point d’y favoriser un certain tourisme culinaire qu’on attribue aux localités telles que Gouna, Ngong, entre autres.
D. Des routes créatrices de marginalités économiques différenciées
52Les travaux menés par Offner (1993), Lombard, Ninot et Steck (2014), Lihoussou (2017), Lihoussou et Orou Guidou (2023), entre autres, révèlent que l’impact (positif ou négatif) d’une route dépend de la stratégie d’appropriation de chaque utilisateur. Néanmoins, il faut reconnaître que « les voies de communication sont la condition d’existence des villes » (M. Derruau, 2005, p. 351). Une condition qui exclue cependant tout aspect mécanique du lien « route-développement ». Ceci dit, une amélioration de la circulation ou encore son maintien, est susceptible de renforcer, voire de créer, des activités nouvelles. Pour les territoires traversés, la présence des RN°1 et RN°20 est certes un atout mais la structure des activités annexes qu’ils génèrent emmène à se demander si les autorités locales sont conscientes de ce potentiel.
53Pour les grandes villes, les deux corridors routiers entraînent un développement urbain déséquilibré le long de leur parcours. Des trois grandes villes situées sur les axes principaux, seule Ngaoundéré se développe rapidement, attirant les investissements et la population, tandis que Garoua et Maroua voient leur économie stagner (Atangana Bamela, 2020). La ville de Ngaoundéré occupe actuellement une place giratoire pour les trafics observés. La présence d’un terminal à conteneurs ferroviaire à partir duquel transitent d’importantes quantités de marchandises destinées au septentrion et autres pays d’Afrique Centrale est un atout favorable à son essor. C’est aussi un point d’éclatement des marchandises destinées à la consommation locale. A partir de cette ville, deux directions uniques sont possibles en venant du Sud : la RN°20 qui relie Ngaoundéré (Cameroun) à Moundou (Tchad) et la RN°1 qui part de Bertoua (Cameroun) à Ndjamena (Tchad) en passant par Ngaoundéré-Garoua-Maroua-Kousseri.
54Pour les petites villes par contre, les échanges générés par les RN1 et RN20 favorisent une floraison d’activités économiques qui vont de la vente des produits de contrebande au commerce « toléré » en bordure de route ou dans les lieux de stationnement des véhicules en transit. De nombreux grands carrefours ont été transformés en aires de repos de fortune sous l’impulsion des conducteurs eux-mêmes (Photo 1). Ceci a fini par cristalliser des petits trafics en tout genre (restauration, hébergement et petit commerce). Cependant, ces activités peinent encore à se formaliser, et fonctionnent au rythme du passage des camions.
Photo 1. Exemple d'aire de stationnement improvisée au carrefour Malang (lieu où se rencontrent les RN1 et 20 au Nord de Ngaoundéré). © Auteure, 2015
55Ces aménités ont progressivement favorisé la création de petits villages de commerçants dont l’essentiel est migrant. Cependant, ces activités économiques restent artisanales. Les Communes desservies par ces corridors n’ont pas su exploiter cet atout économique. Ceci se caractérise par une absence d’aménagements conséquents susceptibles de générer des revenus dans les caisses de la Commune (aires de stationnement pour véhicules en transit, entre autres). Par conséquent, les échanges générés par les corridors routier échappent à la vigilance des autorités communales desservies, sauf à fructifier le business des petits commerçants et un vaste réseau d’extorsion des usagers de la routes (contrôles abusifs, rançonnage). Il s’agit là des pratiques qui existaient déjà mais dont la présence des deux corridors n’a fait qu’amplifier au fil des années, sans pour autant apporter d’effets structurants souhaités par les pays utilisateurs. D’ailleurs, François Plassard indiquait en 1992 que « les réseaux n’ont pas d’effets automatiques, ils peuvent donner naissance à de nouvelles stratégies spatiales, ils amplifient les tendances existantes ».
Conclusion
56Ce travail soulève un problème actuel dans la plupart des pays africains, celui du développement des mobilités. Et les analyses sur la question des trafics routiers montrent que la logique de « corridor de développement » au Cameroun, en rendant prioritaire la fluidité des échanges entre deux terminaux, a accompagné l’accélération des échanges marchands et des mobilités en général. Elle a également amélioré les échanges transversaux entre la côte maritime et les pays enclavés. Néanmoins, un fait majeur émerge : Les corridors nord-camerounais jouent un rôle important dans ces échanges dans la sous-région Afrique Centrale, et la dynamique économique qui entoure ces derniers est perceptible. Cependant, il s’agit surtout des échanges transversaux dont le but est d’alimenter le Tchad et la RCA en produits divers. Cette transversalité est-elle susceptible d’affecter les économies au niveau local ? Tout laisse à penser qu’il reste des « trous » dans l’espace nord-camerounais où l'interconnexion avec le local n'est pas achevée malgré une diversification croissante des économies rurales restant au stade artisanal. Il s’en suit de nos jours un renforcement des effets « tunnels » au détriment des dynamiques économiques locales. Par conséquent, il se pose toujours la question de la planification des infrastructures routières et de l’avenir des régions traversées par les routes au Cameroun.
Bibliographie
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60Atangana Bamela H., Ndamé J. P. (2016). Accessibilité routière et mutations des activités économiques au Nord-Cameroun, Géotransports, Varia, Volume (N°8), pp. 57-74.
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83Vandermotten C., Marissal P. (2004). La production des espaces économiques. Tome 1, 2ème édition, Bruxelles : Edition de l'Université de Bruxelles.
Pour citer cet article
A propos de : Hyacinthe ATANGANA BAMELA
Chargé de Recherches-Géographe (PhD)
Institut National de Cartographie (INC)
Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI-Cameroun)
atanganabh@yahoo.fr