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p. 345-386
L'étude présentée traite les données démographiques de la population fluctuante des petits coqs de bruyère des Hautes-Fagnes, obtenues par recensement printanier aux arènes, en les mettant en relation avec des données météorologiques locales, choisies pour leur influence connue sur la survie des oiseaux à différentes périodes du cycle vital de l'espèce. L'approche statistique utilisée est une modélisation sur base de régressions multiples appliquées à un modèle de POISSON, en utilisant le logiciel GLIM4. La dynamique étudiée couvre trente années de recensements (1967-1996).
Les valeurs estimées par le meilleur modèle suivent exceptionnellement bien les valeurs observées sur le terrain. Les variables retenues qui expliquent le mieux les fluctuations de population du petit coq de bruyère dans les Hautes-Fagnes sont, outre la population mère : le climat des deux hivers précédents, traduit par la moyenne de la température minimale du 1er novembre au 31 mars (effet -) ; le climat de périodes supposées proches de l'éclosion, traduit par la température minimale moyenne sur 3 semaines à partir du 16 juin (effet +) et la somme des précipitations sur 3 semaines à partir du 1er juin (effet -) ; le climat de la période supposée d'incubation, traduit par le cumul des précipitations sur 4 semaines à partir du 19 et du 25 mai (effet – ou + respectivement) ; et le climat du mois de septembre, traduit par la somme des précipitations durant ce mois (effet -), toutes ces données concernant l'année qui précède l'année d'estimation.
Les tétras lyres profitent d'hivers froids et supportent mal les hivers doux. Cette relation s'explique par le niveau très bas de leur métabolisme hivernal, adapté à une vie rythmée par le repos prolongé en igloo et les courtes périodes de recherche d'une nourriture alors de faible valeur énergétique. L'hiver est une épreuve éliminatoire pour les jeunes tétras, qui n'ont pas encore atteint le poids des adultes, et constitue par la suite la période la plus cruciale du cycle de vie des adultes. Nos résultats le confirment incontestablement pour la population des Hautes-Fagnes.
Les tétras profitent d’un climat estival chaud et sec, pendant des périodes supposées couvrir les premières semaines de vie des poussins. En ce qui concerne les précipitations cumulées sur 4 semaines supposées correspondre à la période d'incubation, une étude ultérieure devra envisager l'ajustement du paramètre à des périodes plus courtes, pour déceler à partir de quelle date le signe change . Un mois de septembre pluvieux est néfaste aux tétras.
Lorsque les valeurs estimées s'écartent plus ou moins des valeurs observées, d'autres facteurs que les variables climatiques prises en compte par le modèle ont été prédominants. Le modèle prévoit bien le sens des fluctuations observées, mais diverge avec plus ou moins d'intensité pour 5 années sur les 30, que ce soit dans un sens ou dans l'autre (1980, 1983, 1986, 1990, 1996). II est rassurant que ce modèle climatique ne concorde pas parfaitement, car il signifierait que les autres types de facteurs sont négligeables, ce qui paraîtrait aberrant face aux conclusions de nombreuses publications sur le sujet. S'il nous paraît raisonnable de négliger l'effet des maladies au profit des facteurs « qualité de l'habitat » et « dérangement », nous pouvons nous attendre à ce que le facteur « prédation », jugé négligeable au sein d'une population viable, ait peut-être plus d'impact ces 4 dernières années du fait de la grande densité des renards (prédateur opportuniste) et de la très faible densité des tétras (point le plus bas depuis 1967).
Nous devons rechercher, pour les années de non-concordance, les événements ou phénomènes qui auraient pu marquer leurs effets, négatifs ou positifs : incendies, activités de gestion particulières ou manque de gestion, dérangement direct ou indirect par les promeneurs ou leurs chiens, les skieurs, les photographes… Ce genre d'informations demande un archivage régulier des faits constatés, par les gestionnaires, le personnel de surveillance, et les fagnards fréquemment sur le terrain.
This study involves demographic data on the varying population size of Black Grouse living in the « Hautes-Fagnes » obtained during yearly spring censuses on their arenas. These are related to data on local meteorological conditions having a known influence on the survival of these birds during the various periods of the life cycle of the species. The data were modelled by POISSON multiple regression using the GLIM4 software. The dynamics studied cover a period of thirty years of censuses (1967-1996).
The predictions from the best statistical model follow the observed values exceptionally well. The variables best explaining the changes in population size of the Black Grouse in the « Hautes-Fagnes » are, in addition to the mother population : the climate during the previous two winters as measured by the mean of the minimum temperatures from 1 November to 31 March (negative effect) ; the climate close to the period of hatching, measured by the mean minimum temperature during the three weeks starting on 16 June (positive effect) and the total precipitation during the three weeks starting on 1 June (negative effect) ; the climate during incubation, measured by the total precipitation during four weeks starting on the 19 and 25 May (negative and positive effects, respectively) ; and the climate during September, measured by the total precipitation during this month (negative effect). All of these data involve the year preceding that being studied.
Black Grouse benefit from cold winters, standing badly the mild winters. This relationship is explained by the low level of their winter metabolism, adapted to a winter life based on long rests in igloos and short periods looking for food of low energy value. Winter acts as an elimination trial for the young grouse who do not yet have the adult weight. Later, this is also a crucial period of the life cycle of adults. Our results unquestionably confirm this for the population in « Hautes-Fagnes ».
Black Grouse benefit from a warm dry summer climate during the periods covering the first weeks of life of the chicks. For the total precipitation over the four weeks covering the incubation period, a subsequent study will look at shorter periods to attempt to determine at what date the effect is reversed. A rainy September is bad for the grouse.
When the predictions are far from the observed values, other variables than the climatic ones used in the model must dominate. The model predicts well the direction of the variation observed, but diverges more or less from the exact value in five of the 30 years, in one direction or the other (1980, 1983, 1986, 1990, 1996). It is reassuring that this climatic model does not agree perfectly with the observations because that would mean that all other factors are negligible, contradicting many publications on the subject. If it seems reasonable to ignore the effect of illness in favour of factors involving « quality of habitat » or « disturbances », the factor, « predation », thought to be negligible in a viable population, may have had more impact the last four years because of the higher density of foxes (an opportunistic predator) and the low density of grouse (the lowest point since 1967). For the poorly predicted years, we should look for events or phenomena that could have produced effects, positive or negative : fires, specific management activities or lack of management, direct or indirect disturbances by walkers or their dogs, skiers, photographers. This type o f information requires archives regularly fed by the facts noticed by foresters, wardens, naturalists as well as local inhabitants who are often in the field.
Michèle Loneux, J. Lindsey et Jean-Claude Ruwet, « Influence du climat sur l'évolution de la population de tétras lyres Tetrao tetrix dans les Hautes-Fagnes de Belgique de 1967 à 1996 », Cahiers d'éthologie, 17 (2-3-4) | 1997, 345-386.
Michèle Loneux, J. Lindsey et Jean-Claude Ruwet, « Influence du climat sur l'évolution de la population de tétras lyres Tetrao tetrix dans les Hautes-Fagnes de Belgique de 1967 à 1996 », Cahiers d'éthologie [En ligne], 17 (2-3-4) | 1997, mis en ligne le 12 mars 2024, consulté le 22 novembre 2024. URL : http://popups.uliege.be/2984-0317/index.php?id=1890
Musée de Zoologie de l'Ulg, quai Van Beneden, 22, B-4020 Liège.
Biostatistics, Limburgs Universitair Centrum, B-3590 Diepenbeek.
Laboratoire d’Éthologie et de Psychologie animale, Institut de Zoologie, quai Van Beneden, 22, B-4020 Liège.